University of Minnesota



Observations finales du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Bahreïn, U.N. Doc. CEDAW/C/BHR/CO/3 (2014).


 

* Adoptées par le Comité à sa cinquante-septième session (10-28 février 2014).

Observations finales concernant le troisième rapportpériodique de Bahreïn *

Le Comité a examiné le troisième rapport périodique de Bahreïn (CEDAW/C/BHR/3) à ses 1187e et 1188e séances, les 11 et 12 février 2014 (voir CEDAW/C/SR.1187 et 1188). La liste des points et questions soulevés par le Comité figure dans le document CEDAW/C/BHR/Q/3, et les réponses du Gouvernement de Bahreïn, dans le document CEDAW/C/BHR/Q/3/Add.1.

A.Introduction

Le Comité se félicite du troisième rapport périodique de Bahreïn, qui prend en considération ses recommandations antérieures. Il remercie l’État partie de ses réponses écrites à la liste des points et questions soulevés par le Groupe de travail d’avant-session. Il accueille avec satisfaction l’exposé oral de la délégation et les nouvelles précisions qui lui ont été fournies en réponse aux questions qui ont été posées par les membres du Comité au cours du dialogue.

Le Comité remercie l’État partie de lui avoir envoyé une délégation de haut niveau, dirigée par la Vice-Présidente du Conseil suprême de la femme, Mme Mariam Al Khalifa, qui comprenait des experts issus des ministères intéressés, du Parlement et du pouvoir judiciaire engagés dans l’application des dispositions de la Convention. Il se félicite du dialogue constructif qui a eu lieu entre la délégation et les membres du Comité.

B.Aspects positifs

Le Comité se félicite des progrès accomplis depuis l’examen en 2008 du rapport unique (valant rapport initial et deuxième rapport périodique) de l’État partie (CEDAW/C/BHR/2 et Add.1) dans la mise en œuvre de réformes législatives, en particulier l’adoption de :

a)La loi no 36/2012 régissant le travail dans le cadre du secteur privé;

b)L’ordonnance royale no 46/2009, créant une institution nationale pour les droits de l’homme, et de l’ordonnance royale no 28/2012, modifiant certaines dispositions connexes;

c)La loi no 35/2009 visant à appuyer les enfants de femmes bahreïnites mariées à un étranger.

Le Comité se félicite de l’action menée par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et son cadre de décision et ce, afin d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité entre les sexes, notamment en adoptant :

a)Le Plan national de promotion des femmes bahreïnites pour la période 2013-2022 et sa stratégie de mise en œuvre;

b)Le Plan stratégique de formation professionnelle et technique pour la période 2008-2014, qui donne aux filles davantage de possibilités de se former dans des domaines non traditionnels;

c)Le Mémorandum d’accord entre le Conseil suprême de la femme et l’Agence de l’information visant à favoriser le rôle des femmes dans les médias (2011);

d)Le Modèle national d’intégration des besoins des femmes au développement (2010).

Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a ratifié, le 22 septembre 2011, la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Le Comité se félicite que l’État partie ait exprimé sa volonté d’examiner certaines de ses réserves à la Convention en vue de les lever ou de modifier leur contenu, et qu’un projet de loi en la matière ait été soumis au Parlement.

C.Préoccupations majeures et recommandations

Parlement

Le Comité souligne le rôle déterminant que joue le pouvoir législatif s’agissant d’assurer l’application intégrale de la Convention (voir la Déclaration du Comité, adoptée à la quarante-cinquième session en 2010, sur les liens qu’il a établis avec les parlementaires). Conformément à son mandat, il invite le Parlement à prendre les mesures nécessaires en ce qui concerne l’application des présentes observations finales d’ici à la présentation du prochain rapport périodique au titre de la Convention.

Réserves

Le Comité prend note des assurances données par la délégation de l’État partie dans sa déclaration d’ouverture et au cours du dialogue concernant la possibilité de lever ou de modifier certaines des réserves à l’article 2, au paragraphe 2 de l’article 9, au paragraphe 4 de l’article 15 et à l’article 16 de la Convention qui avaient été formulées par l’État partie. Il n’en demeure pas moins préoccupé par le fait qu’aucun calendrier n’a été établi pour examiner ces réserves et rappelle qu’il est indispensable de les lever ou de les réduire en vue de l’application intégrale de la Convention dans l’État partie et que, selon lui, les réserves aux articles 2 et 16 sont incompatibles avec l’objet et le but de la Convention (voir la Déclaration du Comité sur les réserves, adoptée à la dix-neuvième session, en 1998).

Le Comité demande à l’État partie de rapidement mener à bien l’examen de ses réserves à la Convention, en vue de les lever ou d’en réduire la portée, conformément à la Convention, suivant un calendrier établi et en faisant participer pleinement les associations féminines de la société civile. Il demande en particulier à l’État partie de lever ses réserves aux articles 2 et 16, qui sont incompatibles avec l’objet et le but de la Convention.

Définition de la discrimination à l’égard des femmes

Le Comité reconnaît que les articles 4 et 18 de la Constitution disposent que l’égalité est garantie par l’État, que tous les citoyens sont égaux devant la loi et que nul ne doit être victime de discrimination fondée sur le sexe, et qu’en outre la Convention a force de loi à Bahreïn. Il rappelle néanmoins que la législation interne de l’État partie doit interdire expressément toute discrimination à l’égard des femmes, au sens de l’article 1 de la Convention.

Le Comité demande à l’État partie d’interdire et de sanctionner toute discrimination à l’égard des femmes, tant directe qu’indirecte, conformément aux obligations qu’il a contractées en vertu des articles 1 et 2 de la Convention. Il recommande à l’État partie de renforcer les programmes d’éducation et de formation portant sur la Convention et son applicabilité directe dans les tribunaux nationaux, et sur les formes et la portée de la discrimination, en particulier les programmes qui sont dispensés aux juges, aux avocats et aux agents de la force publique. Le Comité encourage en outre l’État partie à renforcer les mesures prises en matière de sensibilisation et d’éducation afin de mieux faire connaître aux femmes leurs droits au titre de la Convention.

Lois discriminatoires

Le Comité se félicite de l’action menée par l’État partie en vue d’examiner et de réviser la législation à caractère discriminatoire, notamment le Code pénal et la loi sur la nationalité. Il prend note des renseignements fournis par la délégation de l’État partie concernant les projets de loi soumis à l’Assemblée nationale, mais est préoccupé par le fait que la réforme législative prend des retards importants, que de nombreux amendements sont toujours en cours de rédaction et que les projets de lois qui ont été rédigés n’ont toujours pas été adoptés.

Le Comité demande à l’État partie d’accorder un rang de priorité élevé à son processus de réforme législative et de modifier ou d’abroger, sans tarder et suivant un calendrier bien défini, les lois ayant un caractère discriminatoire, y compris les dispositions discriminatoires de son Code pénal et de la loi sur la nationalité, et des lois relatives à la famille. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts afin de sensibiliser les membres de l’Assemblée nationale, les chefs religieux et les dirigeants communautaires, les organisations de la société civile et l’ensemble de la population au fait qu’il importe d’appuyer l’intensification de la réforme législative.

Mécanisme national de promotion de la condition de la femme

Le Comité prend note de la restructuration du Secrétariat général du Conseil suprême de la femme, des nombreuses activités de sensibilisation et de formation qui ont été menées et de la création de services de l’égalité des chances dans divers ministères et organismes gouvernementaux, mais rappelle sa préoccupation concernant l’appui limité que le Conseil suprême de la femme apporte aux organisations non gouvernementales.

Rappelant sa précédente recommandation ( CEDAW/C/BHR/CO/2 , par. 19), le Comité recommande au Conseil suprême de la femme de renforcer sa coopération avec toutes les parties intéressées, en particulier en appuyant les associations féminines de la société civile et les organisations non gouvernementales.

Mesures temporaires spéciales

Tout en se disant à nouveau préoccupé par le fait que l’État partie ne comprend pas l’utilité des mesures temporaires spéciales qu’il considère comme incompatibles avec la Constitution et discriminatoires, le Comité note avec préoccupation qu’aucune mesure temporaire spéciale, notamment un système de quotas destiné à accélérer l’égalité des hommes et des femmes, qui s’inscrirait dans le cadre d’une stratégie visant à accélérer l’instauration d’une égalité de fait ou réelle des femmes et des hommes dans tous les domaines visés par la Convention, n’a été adoptée ou n’est envisagée dans un avenir proche.

Rappelant sa Recommandation générale n o 25 (2004) sur les mesures temporaires spéciales, le Comité note que l’adoption et la mise en œuvre, par les États parties, de ces mesures au titre de la Convention ne constituent pas un acte de discrimination. Il rappelle sa précédente recommandation ( CEDAW/C/BHR/CO/2 , par. 21) et exhorte l’État partie :

a) À former les fonctionnaires concernés et à les informer du caractère non discriminatoire des mesures temporaires spéciales au sens du paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention, tel qu’il est interprété dans la Recommandation générale n o 25 du Comité;

b) À adopter et mettre en œuvre des mesures temporaires spéciales, assorties d’échéances et de quotas, visant la réalisation de l’égalité de fait ou réelle des hommes et des femmes dans les domaines où les femmes sont sous-représentées ou défavorisées, notamment dans la vie politique, les organes de décision et le secteur privé;

c) À inclure dans sa législation des dispositions favorisant le recours aux mesures temporaires spéciales, tant dans le secteur public que dans le secteur privé.

Stéréotypes

Le Comité salue l’action menée par l’État partie pour revoir le contenu stéréotypé des programmes et manuels scolaires et pour offrir aux filles comme aux garçons la possibilité de suivre des filières éducatives professionnelles, y compris dans des domaines non traditionnels. Tout en saluant l’action que mène l’État partie, en partenariat avec les médias, pour accroître la participation des femmes et diffuser une image positive et variée de la femme dans la vie publique, le Comité demeure préoccupé par la persistance d’un stéréotype traditionnel concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la société et, en particulier, dans la famille.

Le Comité rappelle sa précédente recommandation ( CEDAW/C/BHR/CO/2 , par. 22) et engage l’État partie à continuer de mettre en œuvre des mesures visant à modifier les rôles stéréotypés des femmes et des hommes, qui sont largement répandus, notamment par des programmes et des campagnes de sensibilisation et de formation, et à promouvoir le partage à égalité des responsabilités familiales, ainsi que l’égalité de statut et de responsabilité des femmes et des hommes dans les domaines privés et publics.

Violence contre les femmes

Tout en notant l’existence d’un projet de loi visant la répression de la violence familiale (dont la rédaction a débuté en 2007), ainsi que les assurances données par la délégation de l’État partie selon lesquelles ce projet de loi est actuellement à l’examen à l’Assemblée nationale, le Comité est profondément préoccupé par la lenteur des progrès pour ce qui est d’adopter une législation visant expressément à éliminer la violence dont les femmes sont les victimes en toutes circonstances, et qui comprendrait une définition de la violence et des dispositions relatives aux voies de recours et aux sanctions. Le Comité rappelle qu’il est préoccupé par le fait que plusieurs dispositions du Code pénal cautionnent les actes de violence commis contre les femmes, en exemptant leurs auteurs de sanctions. En particulier, il trouve regrettable que le Code pénal exclue le viol conjugal, que son article 353 exempte les auteurs de viol de poursuites et de sanctions s’ils épousent leur victime et que son article 334 réduise les peines infligées aux auteurs d’infractions lorsqu’elles sont commises au nom de l’honneur. Il note également qu’il n’existe pas de données statistiques sur l’incidence de la violence contre les femmes ni de plaintes pour viol déposées auprès du Conseil suprême de la femme ou de la police.

À la lumière de sa Recommandation générale n o 19 (1992) relative à la violence à l’égard des femmes et de sa précédente recommandation ( CEDAW/C/BHR/CO/2 , par. 25), le Comité exhorte l’État partie à mettre en place à l’échelon national une stratégie et un programme complets visant à lutter contre toutes les formes de violence à l’égard des femmes, et :

a) À accélérer l’adoption du projet de loi portant sur la lutte contre la violence dans la famille, érigeant en infraction la violence à l’égard des femmes et prévoyant des voies de recours effectives et des sanctions;

b) À réviser le Code pénal et à en abroger toutes les dispositions qui cautionnent les actes de violence à l’égard des femmes, telles que les articles 334 et 353, et à y inclure des dispositions érigeant en infraction le viol conjugal;

c) À dispenser aux juges, aux procureurs et aux membres de la police une formation obligatoire sur la dynamique de la violence à l’égard des femmes et sur les procédures tenant compte de la problématique hommes-femmes, afin qu’ils puissent traiter les affaires de violence à l’égard des femmes;

d) À collecter systématiquement des données sur la violence à l’égard des femmes et des filles, ventilées par sexe, âge et relation entre la victime et l’auteur de la violence ;

e) À veiller à ce que les femmes et les filles victimes de violence, notamment dans la famille, aient accès à une protection effective et que les auteurs de tels actes soient poursuivis et punis;

f) À faire en sorte que l’absence de signalement de cas de viol ne soit pas due à la crainte, chez les victimes, de représailles ou de l’opprobre, ou le signe d’un manque de confiance dans les autorités policières et judiciaires;

g) À faire face aux attitudes culturelles traditionnelles qui dissuadent les femmes de signaler les cas de violence, notamment par des programmes d’éducation et de sensibilisation de l’ensemble de la population sur le caractère délictueux de toute forme de violence à l’égard des femmes.

Le Comité accueille avec satisfaction les renseignements reçus sur l’existence d’un centre d’accueil destiné aux femmes victimes de violence, mais est néanmoins préoccupé par l’insuffisance des services d’appui à ces victimes et par l’absence de données sur leur réinsertion et leur réadaptation.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’accroître le nombre et la capacité des centres d’accueil et des services destinés aux femmes victimes de violence, en collaborant avec les organisations non gouvernementales et en assurant à ces dernières un financement suffisant;

b) De prendre des mesures pour étoffer les données collectées, afin de garantir aux femmes victimes de violence l’accès aux solutions de réinsertion et de réadaptation et leur disponibilité.

Traite des personnes et exploitation de la prostitution

Le Comité accueille avec satisfaction l’action menée par l’État partie, moyennant l’appui du Comité national de lutte contre la traite des personnes, la fréquence accrue des inspections du travail, la coopération bilatérale avec les pays d’origine ainsi que la fourniture d’une aide psychologique et d’une protection physique aux victimes, mais il se dit à nouveau préoccupé par l’importance et l’étendue de la traite des filles et des femmes dans l’État partie aux fins du travail forcé ou de l’exploitation sexuelle. Le Comité est particulièrement préoccupé par :

a)L’absence d’une stratégie nationale globale visant à enrayer la traite;

b)Le manque d’informations sur le nombre des femmes victimes de la traite qui ont bénéficié des programmes existants ainsi que sur les poursuites engagées et les sanctions prononcées à l’encontre des auteurs de tels actes;

c)Les informations reçues selon lesquelles la crainte de représailles de la part des employeurs et la possibilité d’être placées en détention ou d’être expulsées dissuadent les femmes victimes de la traite de porter plainte;

d)L’absence d’informations sur l’étendue et la portée de la prostitution et par le fait que la plupart des femmes migrantes qui sont arrivées dans l’État partie en tant que victimes de la traite sont particulièrement exposées à la prostitution.

Le Comité rappelle à l’État partie sa recommandation ( CEDAW/C/BHR/CO/2 , par. 27) :

a) D’adopter et de mettre en œuvre une stratégie nationale de lutte contre la traite comportant des mesures de justice pénale visant à poursuivre et à sanctionner les auteurs de la traite, ainsi que des mesures visant à protéger et à réadapter les victimes de la traite à des fins de travail forcé ou d’exploitation sexuelle;

b) De fournir des données statistiques sur les affaires de traite à des fins de travail forcé ou d’exploitation sexuelle, ainsi que sur les victimes qui ont bénéficié des programmes existants;

c) De renforcer les programmes de formation et de sensibilisation des membres de la police, des agents du contrôle des frontières et autres organismes des forces de l’ordre, ainsi que des inspecteurs du travail au sujet du rôle qu’ils ont à jouer dans la prévention et la répression de la traite des femmes et des filles;

d) De prendre des mesures pour garantir aux victimes l’accès à l’aide juridictionnelle ainsi qu’à l’assistance, à l’appui et à la protection nécessaires, notamment en leur délivrant un permis de résidence si nécessaire;

e) De sensibiliser la population sur les risques de traite et d’exploitation des femmes, en particulier des femmes migrantes, à des fins de travail forcé et de prostitution;

f) De fournir des renseignements exhaustifs sur le problème de la prostitution, notamment en faisant part des mesures que l’État partie a adoptées afin de décourager la demande en matière de prostitution et de poursuivre et de punir ceux qui exploitent la prostitution.

Participation à la vie politique et publique

Le Comité salue les initiatives prises par l’État partie pour encourager les femmes à se présenter à des postes de direction, mais regrette néanmoins que, malgré leur niveau élevé d’éducation et d’autonomie financière, celles-ci continuent d’être sous‑représentées dans la vie politique et publique, en particulier à l’Assemblée nationale et dans les conseils locaux, ainsi que dans les postes de décision.

Le Comité rappelle sa recommandation ( CEDAW/C/BHR/CO/2 , par. 29) et invite l’État partie à prendre des mesures, notamment des mesures temporaires spéciales, sous la forme de quotas assortis d’objectifs et d’un calendrier précis, afin d’accroître le nombre de femmes qui participent à la vie politique ou publique, à tous les niveaux et dans tous les domaines, y compris à l’Assemblée nationale et aux échelons locaux de l’administration, à la lumière de sa Recommandation générale n o 23 (1997) sur les femmes dans la vie politique et publique. Il recommande à l’État partie de promouvoir les femmes aux postes de décision et de favoriser la mise en place d’un cadre politique et social propice à leur promotion dans tous les secteurs.

Militantes des droits de l’homme

Le Comité note la déclaration faite par l’État partie qui indique que 19 des 26 recommandations formulées dans le rapport de la Commission d’enquête indépendante de Bahreïn ont été appliquées, et que des mesures ont été prises pour faciliter leur pleine application. Néanmoins, il est particulièrement préoccupé par les allégations selon lesquelles, après les événements politiques de février et mars 2011, des femmes ont été maltraitées ou ont subi des actes d’intimidation de la part d’agents des forces de l’ordre, ou ont été licenciées, suspendues ou rétrogradées dans les postes qu’elles occupaient dans le secteur public ou dans le secteur privé, en plus d’autres formes diverses de représailles faisant suite à leur engagement civique, dont le placement en détention ou la perte de la nationalité, et par le fait qu’un certain nombre de femmes sont encore en détention.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’accélérer la pleine application de toutes les recommandations de la Commission indépendante d’enquête de Bahreïn;

b) De garantir que toutes les sanctions prises à l’encontre des femmes qui avaient participé pacifiquement aux manifestations à partir de février 2011 ou les avaient clairement appuyées soient immédiatement abandonnées, que les femmes ne subissent pas de mesures fâcheuses en raison de leur appartenance politique et qu’elles soient immédiatement réintégrées aux postes qu’elles occupaient, indemnisées et réhabilitées;

c) De veiller à ce que les militantes soient en mesure d’exercer leurs droits à la liberté d’expression et d’association et à ce que la révision (juillet 2013) de la loi sur la protection de la société contre les actes de terrorisme (2006) n’ait pas d’impact négatif à cet égard;

d) De faire en sorte que les femmes soient représentées dans le dialogue national en cours et que les questions relatives à la condition féminine figurent à l’ordre du jour de ce dialogue.

Associations de la société civile et organisations non gouvernementales

Le Comité note que l’État partie lui a indiqué qu’il revoit actuellement le projet de loi sur les organisations et institutions civiles dont la Chambre des députés est saisie. Il accueille avec satisfaction les assurances données par l’État partie au sujet de l’adoption de mesures visant à élargir l’accès des associations de la société civile à des moyens financiers, mais se dit préoccupé par le fait que, en application de la loi actuelle sur les associations (loi no 21/1989) :

a)La liberté d’association des femmes est entravée par des procédures d’enregistrement lentes et un contrôle excessif, et par l’obligation, pour ces associations, de soumettre les demandes de financement international au Ministère de l’intérieur;

b)Les associations féminines ne sont pas autorisées à s’engager dans des activités politiques.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre des mesures concrètes, visant notamment à modifier la législation, afin de créer et de garantir un cadre porteur, permettant aux associations féminines de la société civile et aux organisations non gouvernementales féminines œuvrant en faveur de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes de se constituer librement, et de réunir des fonds et de fonctionner librement. Il lui recommande aussi de renforcer la concertation avec la société civile à cet égard;

b) De faire en sorte que le projet de loi sur les organisations et les institutions civiles permette aux organisations non gouvernementales et aux associations féminines de participer à la vie publique et politique du pays, conformément à l’alinéa c) de l’article 7 de la Convention.

Nationalité

Le Comité accueille avec satisfaction l’ordonnance royale de 2011, qui a conféré la nationalité bahreïnite à 335 enfants de femmes bahreïnites mariées à un étranger, et note avec satisfaction la décision de janvier 2014 du Conseil des ministres conférant, suivant certaines conditions, la nationalité bahreïnite aux enfants de femmes bahreïnites mariées à un étranger. Néanmoins, il est préoccupé par le fait que les femmes ne disposent toujours pas des mêmes droits à la nationalité que les hommes, la nationalité de ces derniers étant transmise d’office à leurs enfants, ce qui n’est pas le cas des femmes bahreïnites. Notant la lenteur de l’adoption des modifications à la loi sur la nationalité, le Comité est particulièrement préoccupé de constater que ces modifications ne conféreront pas automatiquement la nationalité de la mère aux enfants nés d’une mère bahreïnite mariée à un étranger, mais qu’elles ne feront que codifier le système actuel dans lequel les femmes, sur demande et par décision royale, peuvent transférer leur nationalité à leurs enfants. Le Comité est aussi préoccupé par la situation des apatrides, notamment par le risque que les enfants de femmes bahreïnites mariées à un étranger ne deviennent apatrides.

Rappelant sa précédente recommandation ( CEDAW/C/BHR/CO/2 , par. 31) et à la lumière de l’engagement pris par l’État partie lors du précédent examen périodique universel, le Comité exhorte l’État partie à accélérer la modification de la loi sur la nationalité pour la rendre pleinement conforme à l’article 9 de la Convention, et à retirer ses réserves au paragraphe 2 de l’article 9. Il lui recommande aussi d’envisager d’adhérer aux instruments internationaux afin de résoudre la question de l’apatridie, notamment la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie.

Éducation

Le Comité félicite l’État partie d’avoir réalisé des progrès en matière d’éducation des filles et des femmes et d’accorder de l’importance à ce qu’elles participent aux formations professionnelles non traditionnelles, mais il note la persistance d’attitudes et de stéréotypes traditionnels qui influent sur le choix de la filière éducative fait par les femmes, en particulier dans les disciplines scientifiques et techniques.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures coordonnées pour diversifier davantage les choix éducatifs professionnels des filles et des garçons, et de faire figurer, dans son prochain rapport périodique, des données sur cette question, présentées sous forme de tableau et ventilées par sexe, en y indiquant les niveaux respectifs auxquels les cours sont suivis.

Emploi

Tout en notant avec satisfaction que la présence des femmes dans la population active continue de croître, le Comité est néanmoins préoccupé par le fait que celles-ci sont touchées de manière disproportionnée par le chômage et par la discrimination liée au travail, et que :

a)Le fossé salarial entre hommes et femmes persiste dans les faits;

b)Le Code pénal et le Code du travail dans le secteur privé (loi no 36/2012) ne définissent ni l’un ni l’autre le harcèlement sexuel sur le lieu de travail, et ne l’érigent pas non plus en infraction;

c)Le Code du travail comporte des restrictions à l’emploi des femmes et donne à un ministre le pouvoir de déterminer les professions que les femmes ne peuvent exercer.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter des mesures efficaces pour mettre fin au fossé salarial entre hommes et femmes;

b) D’envisager de ratifier la Convention de 1951 sur l’égalité de rémunération ( n o 100) de l’Organisation internationale du Travail (OIT);

c) D’adopter des dispositions érigeant en infraction toutes les formes de harcèlement sexuel sur le lieu de travail et de veiller à l’application de ces dispositions;

d) De faire en sorte que les décisions ministérielles limitant le travail des femmes ne s’appliquent qu’à la protection de la grossesse et de la maternité, et ne perpétuent pas la ségrégation ou les stéréotypes professionnels sur les rôles et les capacités des femmes.

Travailleuses migrantes

Le Comité accueille avec satisfaction l’engagement exprimé par la délégation de l’État partie pour ce qui est d’adopter une législation qui conférera des droits et une protection juridique aux domestiques, mais il est préoccupé par le champ d’application limité du Code du travail (loi no 36/2012) à leur égard, comme en témoignent les nombreux cas de violence, de sévices et d’exploitation dont sont victimes les travailleuses migrantes, employées principalement comme domestiques dans l’État partie. Le Comité félicite l’État partie d’avoir adopté le décret no 79 (2009) qui réforme le système de parrainage, mais il est préoccupé par le fait que les conditions fixées dans les contrats d’emploi établis par les employeurs pourraient remettre en cause l’objectif poursuivi par le décret. Il note avec inquiétude le manque d’informations sur la disponibilité de services et de programmes d’appui visant à protéger les employées de maison immigrées contre la violence, les sévices et l’exploitation, et sur la disponibilité de voies de recours judiciaires et administratifs permettant de porter plainte en cas d’actes de violence commis à l’encontre de ces femmes.

Rappelant sa Recommandation générale n o 26 (2008) sur les travailleuses migrantes ainsi que sa précédente recommandation ( CEDAW/C/BHR/CO/2 , par. 35), le Comité invite l’État partie :

a) À renforcer la protection juridique des travailleuses migrantes, notamment en modifiant la législation afin de rendre ses dispositions applicables aux employées de maison immigrées;

b) À veiller à ce que l’objectif du décret n o 79 ne soit pas remis en cause par des dispositions discriminatoires ou abusives dont feraient état des contrats de travail;

c) À continuer de prendre des mesures afin d’abolir dans les faits le système du parrainage, et à demander l’assistance technique de l’OIT à cet égard;

d) À poursuivre et condamner les employeurs et les agents de recrutement qui se rendent coupables d’actes de violence, de sévices et d’exploitation;

e) À sensibiliser les migrantes et les travailleuses domestiques à leurs droits relatifs au travail;

f) À garantir aux travailleuses migrantes un accès efficace à l’aide juridictionnelle et aux mécanismes de plainte, et à offrir aux victimes d’exploitation et de sévices la protection et l’assistance nécessaires, notamment l’accès immédiat à des centres d’accueil et à des services de réadaptation.

Santé

Le Comité félicite l’État partie d’avoir mis fin à la pratique selon laquelle il fallait l’accord du mari pour procéder à une césarienne sur une parturiente. Néanmoins, il est préoccupé par le fait que :

a)Les travailleuses migrantes ont difficilement accès aux services sanitaires d’urgence;

b)L’avortement est érigé en infraction même en cas de viol ou d’inceste.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre les mesures qui s’imposent pour que les travailleuses migrantes aient gratuitement accès aux services médicaux d’urgence;

b) D’envisager de modifier la loi, à la lumière de sa Recommandation générale n o 24 (1999) sur les femmes et la santé, afin de dépénaliser l’avortement en cas de viol ou d’inceste, dans l’optique de protéger au mieux les intérêts de la victime, et de supprimer les mesures de rétorsion qui s’appliquent aux femmes lorsqu’elles subissent un avortement après un viol ou un inceste.

Mariage et rapports familiaux

Le Comité prend note des assurances données par la délégation de l’État partie selon lesquelles la polygamie et le mariage précoce ne sont pas fréquents dans l’État partie. Il demeure néanmoins préoccupé par le fait que, dans l’état actuel des lois, les femmes continuent de ne pas jouir de l’égalité de droits avec les hommes en ce qui concerne les rapports familiaux, en particulier pour ce qui est de l’âge du mariage, du divorce, de la garde des enfants, de la tutelle et de l’héritage. Tout en notant avec intérêt l’adoption de la première partie du Code régissant les décisions familiales (loi no 19 de 2009), relative aux questions familiales de la communauté sunnite, le Comité demeure préoccupé par le fait que ce code n’est pas uniforme et que la loi ne s’applique pas aux tribunaux chiites, ce qui prive les femmes chiites de la protection d’une loi codifiée sur le statut personnel.

Le Comité engage l’État partie à s’inspirer des progrès réalisés dans le cadre de la première partie du Code de la famille (loi n o 19 de 2009) et à accélérer l’adoption de la deuxième partie du Code, afin de disposer d’un Code de la famille unifié, prévoyant l’égalité et l’accès effectif à la justice dans les affaires familiales. À cet égard, le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre des mesures pour assurer à la communauté chiite l’accès à la justice, s’agissant des questions familiales;

b) De sensibiliser la population au fait qu’il faut un Code de la famille unifié garantissant les droits de la femme consacrés par la Convention;

c) De s’inspirer des exemples des autres pays au contexte religieux et au système juridique analogues, qui ont su concilier la législation interne avec les instruments internationaux contraignants qu’ils ont ratifiés, en particulier en ce qui concerne l’égalité des droits des femmes et des hommes concernant le mariage, le divorce, la garde des enf ants et l’héritage;

d) Le Comité recommande de nouveau ( CEDAW/C/BHR/CO/2 , par. 39) à l’État partie de porter à 18 ans l’âge minimum du mariage des filles, afin de l’aligner à celui des garçons, et de prendre des mesures concrètes visant à mettre fin à la pratique de la polygamie. Il appelle l’État partie à réexaminer ses réserves au paragraphe 4 de l’article 15 et à l’article 16 de la Convention, en vue de les retirer.

Conséquences économiques du divorce

Tout en prenant note des renseignements fournis par l’État partie sur les pratiques actuelles en matière de divorce, le Comité est profondément préoccupé par la discrimination et les restrictions juridiques auxquelles les femmes continuent de se heurter dans le cadre du divorce. Il exprime de nouveau sa préoccupation devant les conséquences économiques négatives du divorce qui touchent les femmes, notamment l’obligation de restituer la dot, de verser une compensation et d’accepter une pension alimentaire limitée.

À la lumière de sa Recommandation générale n° 29 relative aux conséquences économiques du mariage, aux rapports familiaux et à leur dissolution, le Comité engage l’État partie à faire en sorte que le Code de la famille (loi n° 19 de 2009) soit pleinement conforme à la Convention, en vue d’éliminer les restrictions imposées aux femmes et la discrimination à leur égard dans les affaires de divorce. Il engage l’État partie à accélérer l’étude consacrée aux conséquences économiques du divorce pour les femmes et à adopter des mesures législatives visant à neutraliser les effets potentiels néfastes des règles existantes régissant le partage et la possession des biens.

Institution nationale pour les droits de l’homme

Le Comité accueille avec satisfaction la création d’une institution nationale pour les droits de l’homme, mais note qu’à ce jour cette institution n’a pas demandé d’être accréditée auprès du Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme. Il note aussi l’absence de renseignements relatifs au mandat de l’institution et aux ressources dont elle dispose.

Le Comité recommande à l’État partie d’inviter l’Institution nationale pour les droits de l’homme à solliciter son accréditation auprès du Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme ; de renforcer son indépendance, son efficacité et sa visibilité, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris); et de lui allouer des ressources humaines et financières suffisantes, et un mandat spécifique en matière d’égalité des sexes et de droits des femmes, ainsi qu’un mécanisme permettant aux femmes de déposer plainte en cas de violation de leurs droits au titre de la Convention.

Protocole facultatif

Le Comité invite l’État partie à ratifier le Protocole facultatif à la Convention.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité demande à l’État partie de s’appuyer sur la Déclaration et le Programme d’action de Beijing pour donner suite aux dispositions de la Convention.

Objectifs du Millénaire pour le développement et cadre de développement pour l’après-2015

Le Comité préconise de prendre en compte la problématique hommes-femmes, conformément aux dispositions de la Convention, dans toutes les activités visant à atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement, ainsi que dans le cadre de développement de l’après-2015.

Diffusion

Le Comité rappelle l’obligation qu’a l’État partie d’appliquer de façon systématique et continue les dispositions de la Convention. Il encourage vivement l’État partie à accorder une attention prioritaire à l’application des présentes observations finales et recommandations d’ici à la présentation du prochain rapport périodique. Le Comité demande par conséquent que les présentes observations finales soient diffusées en temps opportun, dans la langue officielle de l’État partie, aux institutions d’État pertinentes à tous les niveaux, en particulier au Gouvernement, aux ministères, au Parlement et à l’appareil judiciaire, afin d’en assurer l’application intégrale. Il encourage l’État partie à collaborer avec toutes les parties prenantes, comme les associations d’employeurs, les syndicats, les organisations des droits de l’homme et les organisations féminines, les universités, les établissements de recherche et les médias. Il recommande en outre que ses observations finales soient diffusées de manière appropriée au niveau communautaire local, pour en permettre l’application. De plus, le Comité demande à l’État partie de continuer à diffuser la Convention et sa jurisprudence, ainsi que les recommandations générales du Comité, auprès de tous les intéressés.

Assistance technique et visites des titulaires de mandat au titredes procédures spéciales

Le Comité accueille avec satisfaction les renseignements fournis par la délégation de l’État partie concernant l’accord de coopération technique passé avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, qui traduit la volonté de l’État partie de coopérer, de façon régulière, pour élaborer et mettre en œuvre un programme complet relatif aux droits de l’homme et d’y apporter son concours, notamment en appliquant la Convention. Il note aussi avec satisfaction les renseignements qui lui ont été donnés selon lesquels, outre la mission d’évaluation du Haut-Commissariat aux droits de l’homme consacrée au développement d’un programme de coopération technique, des entretiens auront lieu avec le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants afin de choisir une date appropriée pour une visite. Le Comité demande aussi à l’État partie de poursuivre sa coopération avec les institutions spécialisées et les programmes du système des Nations Unies.

Ratification d’autres traités

Le Comité note que l’adhésion de l’État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme permettrait aux femmes d’exercer davantage leurs droits individuels et leurs libertés fondamentales dans tous les aspects de la vie. C’est pourquoi le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier les traités auxquels il n’est pas encore partie, à savoir la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Suivi des observations finales

Le Comité demande à l’État partie de lui fournir, dans un délai de deux ans, des informations écrites sur les mesures qu’il aura prises pour mettre en œuvre les recommandations énoncées aux paragraphes 26 et 44 susmentionnés.

Élaboration du prochain rapport

Le Comité prie l’État partie de soumettre son quatrième rapport périodique d’ici février 2018.

Le Comité invite l’État partie à suivre les directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, y compris les directives concernant le document de base commun et les documents spécifiques à chaque instrument ( HRI/MC/2006/3 et Corr.1 ).



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