University of Minnesota



Observations finales du Comité sur l
'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Azerbaïdjan, U.N. Doc. A/53/38/Rev.1,paras.37-79 (1998).




Comité sur l'élimination de la
discrimination à l'égard des femmes

Azerbaïdjan

37. Le Comité a examiné le rapport initial de l'Azerbaïdjan (CEDAW/C/AZE/1) à ses 361e, 362e et 367e séances, les 20 et 23 janvier 1998 (voir CEDAW/C/SR.361,362 et 367).

38. La représentante du Gouvernement a informé le Comité que le 20 janvier était la journée nationale consacrée à la commémoration des victimes du totalitarisme. L'un des résultats de la lutte pour l'indépendance avait été l'adoption, par le Conseil suprême de la République azerbaïdjanaise, de la Déclaration sur le rétablissement de l'indépendance de la République le 30 août 1991, et de la Loi constitutionnelle sur l'indépendance de l'État, le 18 octobre de la même année.

39. Une série de réformes socioéconomiques et politiques avaient été mises en chantier après l'accession à l'indépendance mais, selon la représentante du Gouverne- ment, le pays avait été touché par la crise socioéconomique et les conséquences de l'agression armée de l'Arménie, qui avaient eu des répercussions sur l'ensemble de la population. En outre, 85 % de la population vivait en deçà du seuil depauvreté, et il y avait un grand nombre de réfugiés et de personnes déplacées, parmi lesquels figuraient des femmes et des enfants.

40. Malgré ces difficultés, le Gouvernement attachait une grande importance à l'application des instruments internatio- naux relatifs aux droits de l'homme, notamment la Conven- tion sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, à laquelle l'Azerbaïdjan avait adhéré sans aucune réserve en juin 1995. La quatrième Conférence mondiale sur les femmes (Beijing, 4-15 septembre 1995) et les activités de suivi menées à l'échelon national avaient également contribué à la promotion des droits de la femme en Azerbaïdjan.

41. Le rapport initial de l'Azerbaïdjan avait été établi un an après son adhésion à la Convention, dans une période de difficultés économiques, au cours de laquelle 20 % du territoire azerbaïdjanais était occupé et le pays comptait plus d'un million de réfugiés et de personnes déplacées. Ces facteurs avaient eu des répercussions négatives sur l'application de la Convention.

42. La représentante de l'Azerbaïdjan a fait une analyse rétrospective de tous les changements qui concernaient la situation des femmes dans le pays et a rendu hommage à la contribution que des femmes influentes avaient apportée à cet égard.

43. Un comité spécial chargé des questions relatives aux femmes avait été récemment créé par le Gouvernement et celui-ci s'employait activement à promouvoir l'égalité des droits et l'égalité des chances. Cette politique servait de cadre de référence pour les rapports avec les organisations non gouvernementales.

44. Le Comité a été informé que la nouvelle Constitution, adoptée en 1995, soulignait le principe de l'égalité des droits fondamentaux des hommes et des femmes. Sur le plan juridique, les droits fondamentaux des femmes étaient pleinement garantis et toute discrimination proscrite. Les difficultés socioéconomiques avaient néanmoins entraîné une forte baisse du niveau de vie et une hausse du ch_mage. Il en résultait une pauvreté généralisée qui touchait aussi bien les femmes que les hommes. Les taux élevés de mortali- té infantile et maternelle étaient également un sujet de vive préoccupation.

45. Beaucoup de femmes avaient un niveau d'instruction élevé en Azerbaïdjan et, depuis 1996, elles étaient plus nombreuses que les hommes à s'inscrire dans l'ensei- gnement supérieur. Cependant, elles étaient davantage touchées par le ch_mage et leur nombre inférieur à celui des hommes à tous les niveaux de la prise des décisions. Les femmes détenaient 12 % des sièges au Parlement et occu- paient 20 % des postes de direction. Les femmes sur le marché de l'emploi étaient généralement concentrées dans les secteurs de la santé, des services sociaux, de l'éducation et de la culture.

46. Le Gouvernement azerbaïdjanais était particulièrement préoccupé par le grand nombre de réfugiés et de personnes déplacées dans le pays, où la population était constituée en majorité de femmes et d'enfants. À l'heure actuelle, les pouvoirs publics appliquaient un vaste ensemble de mesures visant à faciliter la réinsertion des femmes réfugiées ou déplacées dans la vie économique et sociale.

47. Le Gouvernement azerbaïdjanais était conscient qu'il restait beaucoup à faire pour assurer l'égalité complète entre hommes et femmes. À cet égard, le Comité a reçu l'assu- rance que le Gouvernement entendait continuer à prendre toutes les dispositions nécessaires pour s'acquitter de ses obligations aux termes de la Convention.

Conclusions du Comité

Introduction

48. Le Comité a remercié le Gouvernement azerbaïdjanais d'avoir ratifié la Convention sans formuler de réserves après la proclamation de son indépendance.

49. Le Comité a noté avec satisfaction que le rapport avait été présenté un an seulement après la ratification et s'est félicité des renseignements complémentaires qu'il avait obtenus grâce à un excellent exposé oral fait par une déléga- tion de haut niveau.

Facteurs entravant l'application de la Convention

50. Le Comité a reconnu que l'Azerbaïdjan était en proie à des difficultés économiques, sociales et politiques liées aux conséquences de la guerre dans laquelle il avait été impliqué, au grand nombre de réfugiés et à la transition vers la démo- cratie et une économie de marché. À cet égard, il a relevé que l'État partie rencontrait de graves problèmes économi- ques et sociaux qui avaient des répercussions négatives sur l'ensemble de la population, 85 % des Azerbaïdjanais vivant en deçà du seuil de pauvreté. Ces problèmes touchaient plus particulièrement les femmes, qui formaient la majorité de la population ainsi que la majorité des réfugiés et des personnes déplacées, et faisaient obstacle à la mise en oeuvre intégrale de la Convention.

Éléments positifs

51. Le Comité s'est déclaré satisfait que la Convention ait été traduite en azéri et largement diffusée.

52. Le Comité a pris note de la volonté exprimée par la délégation de l'État partie de renforcer le dispositif national en faveur de la promotion de la femme et d'associer les organisations non gouvernementales à la réalisation des objectifs du Programme d'action adopté par la quatrième Conférence mondiale sur les femmes.

53. Le Comité a noté que les femmes étaient largement représentées dans la vie professionnelle et culturelle en Azerbaïdjan et que la proportion de femmes intervenant dans la prise des décisions était relativement élevée.

54. Le Comité a noté avec intérêt l'annonce de la création, avec le concours de l'UNICEF, de six centres régionaux de planification familiale qui permettraient de conseiller un plus grand nombre d'hommes et de femmes sur les questions concernant la santé en matière de reproduction.

55. Le Comité a également pris note avec intérêt des informations relatives au projet de création d'une banque réservée aux femmes qui octroierait des prêts et des crédits aux petites entreprises montées par des femmes.

Sujets de préoccupation

56. Le Comité était préoccupé par le fait que, bien que la Constitution proclame que «les hommes et les femmes ont des libertés et droits égaux», il n'existait pas de définition de la discrimination dans la Constitution ni dans la législa- tion, ni de mécanisme pour renforcer la mise en oeuvre de pratiques antidiscriminatoires à l'égard des femmes.

57. Le Comité a constaté avec inquiétude que le Gouverne-ment n'avait pas encore prévu d'ensemble de mesures d'application du Programme d'action.

58. Le Comité a constaté avec inquiétude que, même si l'Azerbaïdjan était un État séculaire où il devrait être relativement facile d'appliquer les dispositions de la Convention, le Gouvernement ne s'était toujours pas montré suffisamment déterminé à éliminer les attitudes patriarcales ancestrales et à éviter le danger de voir surgir des tendances intégristes qui faisaient obstacle à la pleine application de la Convention, en particulier de son article 5 a).

59. Le Comité a regretté que le r_le des mécanismes nationaux n'ait pas été encore clairement défini de sorte qu'une stratégie cohérente et globale puisse être adoptée pour assurer la pleine participation des femmes au processus de développement national.

60. Le Comité a constaté avec préoccupation qu'il subsis-tait un écart entre l'égalité de jure et de facto, notamment dans le contexte de la mise en oeuvre des articles 10 et 11 de la Convention et qu'un grand nombre de femmes très instruites vivaient en deçà du seuil de pauvreté.

61. Le Comité était préoccupé par le fait que, même si les droits des femmes énoncés à l'article 11 de la Convention étaient garantis, le ch_mage était en hausse chez les femmes et aucune mesure n'avait été prise pour remédier à cette situation.

62. Le Comité s'est déclaré préoccupé par le fait que le paragraphe 1 de l'article 4 de la Convention, qui préconise l'adoption de mesures temporaires spéciales pour accélérer l'instauration d'une égalité de fait entre les sexes, n'avait pas été appliqué pour éliminer l'inégalité entre les femmes et les hommes, notamment dans le contexte de l'intégration des femmes dans la politique et l'emploi et de l'aide aux femmes déplacées et réfugiées.

63. Le Comité s'inquiétait particulièrement des taux élevés de mortalité maternelle et infantile et du fait qu'il n'y a pas suffisamment de ressources pour une aide internationale d'urgence à cet égard.

64. Le Comité a exprimé ses vives préoccupations devant le fait que les efforts déployés pour mesurer et combattre la violence à l'encontre des femmes avaient été insuffisants, étant donné notamment que les difficultés socioéconomiques et matérielles avaient tendance à accroître l'incidence de la violence, en particulier dans la famille.

65. Le Comité a exprimé sa vive inquiétude au sujet de la situation des femmes victimes de la prostitution et de la traite des femmes. Il craignait que les dispositions et l'application de la législation prévues pour faire face à ces fléaux ne soient discriminatoires, ne respectent peut-être pas toujours les droits des victimes et n'aboutissent pas à des résultats satisfaisants. Ainsi, il a constaté que les prostituées étaient tenues de se soumettre à un contr_le médical obliga- toire, ce qui n'était pas le cas de leurs clients. Il s'agissait là d'une mesure discriminatoire qui pouvait être contraire au but recherché.

66. Le Comité était alarmé par la pratique généralisée de l'avortement comme principal moyen de planification de la famille. Il était également préoccupé par l'état général de santé des femmes, en particulier compte tenu de la propaga- tion de la tuberculose et d'autres maladies contagieuses.

67. Le Comité a exprimé son inquiétude face à la situation des femmes rurales, notamment dans les domaines de la protection et de l'éducation sanitaires de base et celui de la protection sociale (art. 14 de la Convention).

68. Tout en étant conscient de la gravité des problèmes économiques et de la difficulté de trouver des solutions durables au problème des réfugiés, le Comité était préoccupé par la précarité de la situation matérielle et psychologique des femmes réfugiées. Il a également constaté que les femmes réfugiées n'avaient pas reçu une attention suffisante, notamment parce qu'il n'avait pas été fait appel aux organis- mes internationaux compétents.

Propositions et recommandations

69. Le Comité a recommandé au Gouvernement de prendre les mesures voulues pour assurer le respect et l'application efficace des dispositions énoncées dans la Convention. En particulier, il a recommandé d'intégrer dans la Constitution ou la législation une définition de la discrimination, qui corresponde étroitement à celle qu'établit l'article premier de la Convention. Il a aussi recommandé que les dispositions de la Convention soient incorporées dans les textes législa- tifs, en particulier ceux qui concernent la santé, l'éducation et le travail.

70. Le Comité a encouragé le Gouvernement à définir, au moyen d'une législation appropriée, le r_le du mécanisme national de promotion de la femme et à fournir à celui-ci les ressources humaines et budgétaires nécessaires.

71. Le Comité a préconisé l'élaboration d'un plan d'action national pour la mise en oeuvre du Programme d'action de Beijing et proposé d'instaurer une coopération étroite avec les organisations non gouvernementales s'occupant des droits de l'homme et d'autres représentants de la société civile pour susciter une prise de conscience de la spécificité de chaque sexe et promouvoir une campagne visant à combattre les stéréotypes traditionnels concernant le r_le respectif des femmes et des hommes.

72. Le Comité a recommandé que les organismes compé-tents étudient l'utilité et la nécessité de mesures palliatives, notamment pour encourager une plus large représentation des femmes dans les organes de décision.

73. Le Comité a en outre recommandé l'élaboration, avec le concours du Fonds des Nations Unies pour la population, de programmes appropriés de planification de la famille de façon à éviter que l'avortement ne soit un moyen de planifi- cation familiale et à réduire ainsi les risques de mortalité maternelle en raison d'avortements pratiqués dans de mauvaises conditions.

74. Le Comité a recommandé que le Gouvernement révise la législation relative à l'exploitation et à la traite des femmes en vue d'en éliminer les dispositions discrimina- toires.

75. Le Comité a par ailleurs recommandé que les femmes réfugiées et les femmes migrantes reçoivent les informations voulues pour les protéger des proxénètes et autres personnes cherchant à les exploiter à des fins de prostitution.

76. Le Comité a recommandé que le Gouvernement entreprenne d'analyser, dans toute son étendue et sous toutes ses formes, le problème de la violence contre les femmes dans le pays, qu'il adopte des programmes et autres mesures pour remédier à la situation et qu'il soutienne des organisa- tions non gouvernementales dans l'action qu'elles mènent de leur c_té pour combattre ce phénomène.

77. Le Comité a recommandé que les dispositions de la Convention soient largement diffusées auprès du grand public et notamment auprès des enseignants, des travailleurs sociaux, des agents de la force publique, du personnel pénitentiaire et médical, des juges, des avocats et des membres d'autres professions qui sont concernés par l'application de la Convention.

78. Le Comité a recommandé que les droits de l'homme, et notamment les dispositions de la Convention, soient enseignés dans les écoles et les universités.

79. Le Comité a demandé que les présentes conclusions soient largement diffusées dans le pays, afin que toute la population, en particulier les responsables de l'adminis- tration publique et les hommes politiques, sache quelles mesures ont été prises pour assurer une égalité de fait entre les deux sexes et quelles autres actions sont encore nécessai- res. Il a aussi prié le Gouvernement de continuer à faire connaître dans tout le pays, notamment auprès des organisa- tions féminines et des organisations de défense des droits de l'homme, les dispositions de la Convention (avec les recom- mandations générales du Comité lui-même) et la teneur de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing.



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