University of Minnesota



Observations finales du Comité sur l
'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Arménie, U.N. Doc. A/52/38/Rev.1,PartIIparas.35-68 (1997).




Comité sur l'élimination de la
discrimination à l'égard des femmes

Arménie

35. Le Comité a examiné le rapport initial de l'Arménie (CEDAW/C/ARM/1 et Corr.1) à ses 344e, 345e et 349e séances les 14 et 16 juillet 1997 (voir CEDAW/C/SR.344, 345 et 349).

36. La personne qui a présenté ce rapport au nom de l'Arménie a souligné qu'après sa déclaration d'indépendance en 1991, le pays avait engagé des réformes économiques et politiques. Mais le passage à une économie de marché avait été compromis par le blocus des principales voies de communication, une grave crise de l'énergie et les conséquences du séisme dévastateur survenu en 1988. En dépit des difficultés économiques et sociales, le Gouvernement attachait beaucoup d'importance aux traités internationaux protégeant les droits de l'homme et en particulier à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, à laquelle il avait adhéré sans réserves en 1993. Afin de donner suite à cet instrument de manière satisfaisante, il avait entrepris d'aligner sa législation actuelle sur les normes internationales ainsi posées. La quatrième Conférence mondiale sur les femmes, d'autre part, avait marqué une étape déterminante pour les droits des femmes d'Arménie.

37. Le rapport initial avait été présenté au Secrétariat en 1995 et avait donc été établi pendant la restructuration économique et politique, et alors que l'Azerbaïdjan et la Turquie imposaient un embargo sur les biens, les services et l'énergie et que le conflit se poursuivait entre le Haut-Karabakh et l'Azerbaïdjan.

38. Ce rapport avait été établi en collaboration avec les Ministères de la justice, des affaires sociales et de la santé et les commissions compétentes de l'Assemblée nationale. La deuxième partie avait été remplacée par le rectificatif de février 1997, qui exposait les changements découlant de la nouvelle Constitution adoptée en 1995, la réforme juridique et la situation actuelle des femmes arméniennes.

39. La personne qui présentait le rapport a dit qu'il n'existait pas en Arménie d'organe expressément chargé de défendre les droits de la femme. C'était principalement le Ministère des affaires sociales et le Centre de la démocratie et des droits de l'homme qui s'occupaient de ces questions.

40. Les conditions politiques, économiques et juridiques en Arménie et leurs incidences sur la situation des femmes ont été exposées au Comité. La nouvelle Constitution faisait ressortir le principe de l'égalité des droits fondamentaux des femmes et des hommes. Le droit interne protégeait les femmes contre toute discrimination mais la situation économique et sociale dans laquelle se trouvait le pays ne permettait pas toujours de concrétiser pleinement cette garantie. Cette situation, qui se traduisait par une très forte dégradation du niveau de vie, l'accroissement du taux de chômage et l'appauvrissement de la population, touchait plus les femmes que les hommes. Le Parlement avait donc adopté en 1991 une résolution établissant les mesures à prendre impérativement pour protéger la femme, la maternité et l'enfance et consolider la famille, et qui donnait aux femmes et aux mères (en particulier aux mères célibataires) des droits supplémentaires dans les domaines du travail et de la sécurité sociale. Un programme national d'action avait été lancé pour, notamment, diffuser les textes de loi protégeant les droits des femmes et mettre en place des services d'information et de conseils juridiques.

41. Les femmes d'Arménie avaient pour la plupart un très bon niveau d'instruction et elles étaient souvent plus nombreuses que les hommes dans les établissements d'enseignement supérieur. Mais elles constituaient aussi la majorité des chômeurs. Elles étaient généralement concentrées dans les professions qui leur sont traditionnellement réservées et seul un petit nombre d'entre elles occupait des postes à responsabilité. Bien que faiblement représentées au gouvernement, les femmes participaient activement à la vie économique et sociale du pays, où s'étaient formées depuis quelques années une trentaine d'organisations féminines, qui s'occupaient aussi bien de préparer les femmes à jouer un rôle moteur dans la société que de défendre leurs droits.

42. S'agissant de la santé des femmes en matière de reproduction, l'avortement était permis jusqu'à la quatorzième semaine de grossesse; il constituait en réalité le principal moyen de contrôle des naissances et les services de planification familiale faisaient défaut. Le Gouvernement avait entrepris d'informer les femmes sur la contraception et de rendre les contraceptifs plus accessibles.

43. Le Gouvernement était très préoccupé par le grand nombre de réfugiés dans le pays, en majorité des femmes, et il avait pris tout un train de mesures pour faciliter leur insertion dans la vie économique et sociale.

44. La personne qui a présenté le rapport a déclaré en conclusion que le Gouvernement arménien était conscient du long chemin restant à parcourir pour que les femmes soient traitées absolument en égales des hommes mais qu'il entendait continuer de prendre toutes les mesures voulues pour donner effet aux principes énoncés dans la Convention.

Conclusions du Comité

Introduction

45. Le Comité a accueilli avec satisfaction l'exposé présenté par le Gouvernement arménien et s'est félicité de ce que celui-ci ait ratifié sans réserve la Convention si peu de temps après l'accession de l'Arménie à l'indépendance, en 1991. Il s'est également félicité de ce que le rapport initial, qui fournissait des informations détaillées sur l'application de la Convention, conformément aux directives du Comité, ait été soumis dans les délais voulus. Il a salué la volonté des représentants de l'Arménie d'instaurer avec le Comité un dialogue franc, ouvert et constructif.

Aspects positifs

46. Le Comité a salué les efforts déployés par le Gouvernement pour mener à bien une réforme de sa législation qui permette d'adapter celle-ci aux normes prévues par les instruments internationaux en matière de droits de l'homme, y compris la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

47. Il a noté avec satisfaction que les dispositions de la Convention avaient été incorporées dans la législation nationale et qu'elles prenaient désormais le pas sur toute disposition législative contraire. Il s'est félicité du fait que le Gouvernement ait veillé à faire traduire en arménien le texte de la Convention et à en assurer une large diffusion.

48. Le Comité a pris note avec satisfaction de l'intention du Gouvernement arménien de procéder à une réforme fondamentale de la législation dans le cadre de la révision en cours du Code pénal, touchant la violence à l'encontre des femmes et l'exploitation sexuelle de celles-ci par le biais de la prostitution et de la traite des femmes.

49. Le Comité a pris note avec satisfaction des taux exceptionnellement élevés d'alphabétisation et d'éducation en Arménie, en particulier parmi les femmes.

50. Il s'est félicité du fait que le Gouvernement ait désigné quatre domaines d'action prioritaires touchant la santé des femmes, ainsi que de son programme visant à établir un système de services de planification familiale et à fournir aux femmes des moyens contraceptifs gratuits.

Facteurs et difficultés affectant l'application de la Convention

51. Le Comité a noté que la politique de compétition résultant du processus de démocratisation en Arménie avait eu dans l'immédiat des effets indésirables sur la situation des femmes, dont la participation à la prise de décisions à tous les échelons avait été réduite dans des proportions alarmantes.

52. Le Comité a noté aussi que le processus de transition vers une économie de marché semblait avoir eu pour effet une marginalisation des femmes sur le plan économique, phénomène qui s'était trouvé encore exacerbé par les pertes économiques dues au tremblement de terre de 1988 et par le conflit armé au sujet du Haut-Karabakh.

53. Le Comité a noté les stéréotypes culturels tendant à exagérer, d'une manière protectrice et restrictive, le rôle traditionnel des femmes en tant que mères.

Principaux sujets de préoccupation

54. Le Comité a exprimé et réaffirmé sa plus vive préoccupation devant l'absence de structure nationale spécifiquement chargée de la promotion de la femme et de l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes.

55. Le Comité s'est déclaré extrêmement préoccupé par le fait que le Gouvernement arménien s'était jusque-là refusé à prendre en considération la question de la violence à l'encontre des femmes, phénomène qui semblait être un sujet tabou dans la société arménienne, où tout portait cependant à croire qu'il sévissait au même degré que dans d'autres sociétés.

56. Le Comité s'est également dit extrêmement préoccupé devant le taux élevé de chômage (plus de 60 %, selon le rapport), la ségrégation professionnelle à l'encontre des femmes, cantonnées aux secteurs faiblement rémunérés, et la faible représentation des femmes aux postes de responsabilité.

57. Le Comité s'est déclaré préoccupé par l'absence de politiques et de programmes garantissant la sécurité et des prestations sociales aux femmes qui travaillent dans le secteur informel.

58. Le Comité a également noté avec préoccupation les restrictions paternalistes imposées par une législation du travail qui visait à protéger la maternité et qui revenait à limiter légalement les possibilités et les choix offerts aux femmes en matière d'emploi.

59. De même, le Comité s'est déclaré préoccupé devant les indications fournies par le Gouvernement, faisant état d'une progression de la prostitution, compte tenu en particulier du manque de possibilités économiques offertes aux femmes en Arménie. Il a également noté que les femmes se livrant à la prostitution n'avaient pas accès à des services de santé appropriés, y compris en matière de prévention et de traitement du VIH/sida.

60. Au sujet de la santé des femmes, le Comité s'est déclaré vivement préoccupé par le plan du Gouvernement qui envisageait des mesures de privatisation du système de santé. Le Comité a souligné les effets nocifs que les mesures de privatisation dans le domaine de la santé avaient sur les femmes et autres groupes vulnérables, même dans les pays les plus développés.

Suggestions et recommandations

61. Le Comité a demandé instamment au Gouvernement arménien de mettre en place une structure nationale pour la promotion de la femme, dotée du personnel et des ressources appropriés, en vue d'assurer que la notion de droits fondamentaux des femmes et l'analyse des besoins des femmes soient intégrées à l'ensemble des activités touchant l'élaboration des politiques et les stratégies du développement.

62. Le Comité a recommandé au Gouvernement de prendre, à titre temporaire, des mesures spéciales destinées à créer des possibilités d'emploi pour les femmes, y compris des programmes spéciaux de crédit et de prêt à l'intention des femmes chefs d'entreprise.

63. Il a également recommandé l'adoption de mesures temporaires spéciales destinées à remédier à la réduction alarmante de la représentation politique des femmes depuis l'accession du pays à l'indépendance et à accroître leur participation dans tous les domaines de la vie publique.

64. Le Comité a recommandé en outre au Gouvernement d'accorder toute l'attention voulue à la question de la violence à l'encontre des femmes, en encourageant un débat public sur les diverses formes que revêt ce phénomène, en instituant des lois en la matière, en formant agents de la force publique, juges et professionnels de la santé (dont un nombre suffisant de femmes) à identifier, gérer et éliminer les manifestations de la violence à l'encontre des femmes, et en veillant à ce que les victimes de violences, en particulier les femmes déplacées à l'intérieur des frontières du pays et les femmes réfugiées, bénéficient de l'aide psychosociale et des services de santé nécessaires.

65. Le Comité a demandé instamment au Gouvernement de faire appel au système éducatif et aux moyens électroniques pour combattre le stéréotype traditionnel de la femme "dans son noble rôle de mère" et pour faire mieux prendre conscience aux hommes de leur rôle et de leurs responsabilités en tant que parent.

66. Le Comité a souligné la nécessité de recueillir, dans tous les domaines, des informations et des données détaillées en fonction du sexe, notamment en ce qui concerne la violence à l'encontre des femmes, la prostitution et la santé.

67. Le Comité a suggéré que lors de la planification et de la mise en oeuvre de politiques et de programmes de privatisation, le Gouvernement arménien veille à s'acquitter des responsabilités et obligations qui lui incombent dans le domaine social en vertu du droit international relatif aux droits de l'homme de manière à ce que ses politiques et programmes n'empêchent pas les femmes et autres groupes vulnérables d'exercer leurs droits fondamentaux, en particulier dans le domaine de la santé.

68. Le Comité a prié le Gouvernement de répondre, dans son prochain rapport, aux préoccupations exprimées dans les présentes observations et de fournir des informations relatives à l'application des recommandations générales du Comité, en particulier de sa recommandation générale No 19 sur la violence à l'encontre des femmes. Il l'a également prié de veiller à ce que les présentes conclusions fassent l'objet d'une large diffusion en Arménie.



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