University of Minnesota



Observations finales du Comité contre la torture, Turquie, U.N. Doc. CAT/C/TUR/CO/3 (2011).


 


CA T/C/TUR/CO/3

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Comité contre la torture

Quarante-cinquième session

1er-19 novembre 2010

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention

Observations finales du Comité contre la torture

Turquie

1. Le Comité contre la torture a examiné le troisième rapport périodique de la Turquie (CAT/C/TUR/3) à ses 959e et 960e séances, tenues les 3 et 4 novembre 2010 (CAT/C/SR.959 et 960), et adopté les observations finales et recommandations ci-après à sa 975e séance (CAT/C/SR.975).

A. Introduction

2. Le Comité prend acte avec satisfaction du troisième rapport périodique de la Turquie mais regrette qu’il ait été présenté avec quatre ans de retard, ce qui l’a empêché de procéder à une analyse suivie de l’application de la Convention par l’État partie.

3. Le Comité note aussi avec satisfaction que le rapport a été soumis conformément à la nouvelle procédure facultative d’établissement de rapports, qui consiste pour l’État partie à répondre à une liste de points à traiter établie et transmise par le Comité. Il remercie l’État partie d’avoir accepté de présenter son rapport en suivant cette nouvelle procédure qui facilite la coopération entre l’État partie et le Comité. Il note que les réponses à la liste des points à traiter ont été soumises dans les délais prescrits. Le Comité se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec une délégation de haut niveau et des efforts de celle-ci pour fournir des explications pendant l’examen du rapport.

B. Aspects positifs

4. Le Comité salue le fait que, depuis l’examen du deuxième rapport périodique, l’État partie a adhéré aux instruments suivants ou les a ratifiés:

a) Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (2003);

b) Pacte international relatif aux droits civils et politiques (2003), et protocoles facultatifs s’y rapportant (2006);

c) Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et l’implication d’enfants dans les conflits armés (2004);

d) Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (2004);

e) Convention relative aux droits des personnes handicapées (2009).

5. Le Comité prend note avec satisfaction des vastes réformes entreprises par l’État partie dans le domaine des droits de l’homme et de ses efforts en cours pour revoir sa législation de façon à renforcer la protection des droits de l’homme, y compris le droit de ne pas être soumis à la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le Comité se félicite des aspects positifs ci-après:

a) La modification de l’article 90 de la Constitution en vertu de laquelle les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales priment les lois nationales en cas de conflit avec ces dernières;

b) L’adoption du nouveau Code de procédure pénale (loi no 5271) en 2005 et du nouveau Code pénal (loi no 5237) en 2004. Le Comité se félicite en particulier des dispositions concernant:

i) L’adoption de peines plus sévères pour l’infraction de torture (trois à douze ans d’emprisonnement) (Code pénal, art. 94);

ii) L’engagement de la responsabilité pénale de quiconque empêche ou restreint l’exercice du droit d’accès à un avocat (Code de procédure pénale, art. 194);

iii) Le droit du suspect ou de l’accusé d’obtenir les services d’un ou de plusieurs avocats à tout stade de l’enquête (Code de procédure pénale, art. 149);

iv) L’assistance obligatoire d’un avocat quand le défendeur fait l’objet d’une décision de détention provisoire (Code de procédure pénale, art. 101, par. 3);

c) Les éléments du programme de réforme constitutionnelle adopté en septembre 2010 à la suite d’un référendum national, qui prévoit notamment:

i) Le droit de présenter des requêtes en tant que droit constitutionnel ayant pour corollaire la création de l’institution du médiateur (Constitution, art. 74);

ii) Le droit de recours devant la Cour constitutionnelle en matière de droits de l’homme et de libertés fondamentales (Constitution, art. 148);

iii) La garantie que des civils ne seront pas jugés par des tribunaux militaires, sauf en temps de guerre (Constitution, art. 145 et 156).

6. Le Comité salue également les efforts déployés par l’État partie pour modifier ses politiques de façon à renforcer la protection des droits de l’homme et à donner effet à la Convention, notamment:

a) L’annonce d’une politique de «tolérance zéro à l’égard de la torture» le 10 décembre 2003;

b) L’élaboration d’un deuxième plan national de lutte contre la traite des personnes;

c) L’invitation permanente adressée aux mécanismes au titre des procédures spéciales de l’ONU et la réponse favorable de l’État partie aux demandes de visites du Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste (2006), du Groupe de travail sur la détention arbitraire (2006) et du Rapporteur spécial sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences (2008);

d) L’engagement pris par l’État partie tendant à ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention, qu’il a signé en 2005, et à mettre en place un mécanisme national de prévention en consultation avec les représentants de la société civile, qui fera partie de l’institution nationale des droits de l’homme devant être créée conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales chargées de la promotion et de la protection des droits de l’homme (Principes de Paris).

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations Torture et impunité

7. Le Comité est vivement préoccupé par les allégations nombreuses, récurrentes et cohérentes relatives à la pratique de la torture, en particulier dans des lieux non officiels de détention, notamment dans des véhicules de la police, dans la rue et en dehors des commissariats de police, malgré les informations fournies par l’État partie selon lesquelles la lutte contre la torture et les mauvais traitements est une «question prioritaire» et tout en notant que le nombre de plaintes pour actes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans les lieux de détention officiels de l’État partie aurait diminué. Le Comité est aussi préoccupé par l’absence d’enquêtes rapides, approfondies, indépendantes et efficaces sur les actes de torture présumés imputés à des agents de la sécurité et aux forces de l’ordre, contrairement à ce que requiert l’article 12 de la Convention, et par les manquements répétés à cette obligation. Il est également préoccupé par le fait que de nombreux agents des forces de l’ordre reconnus coupables de tels actes ont été condamnés à des peines avec sursis, ce qui a contribué à un climat d’impunité. À cet égard, il est préoccupant pour le Comité que les allégations de torture donnent souvent lieu à des poursuites en vertu de l’article 256 («Usage excessif de la force») ou de l’article 86 («Coups et blessures volontaires») du Code pénal, qui prévoient des peines plus clémentes et assorties de sursis en cas de condamnation, plutôt qu’en vertu des articles 94 («Torture») ou 95 («Torture avec circonstances aggravantes») du même Code (art. 2).

L’État partie devrait prendre immédiatement des mesures pour mettre un terme à l’impunité pour les actes de torture. Il devrait en particulier veiller à ce que toutes les allégations de torture fassent rapidement l’objet d’enquêtes efficaces et impartiales. Lorsqu’il y a des raisons sérieuses de penser que des actes de torture et des mauvais traitements ont été commis, l’État partie devrait veiller à ce que le fonctionnaire concerné soit suspendu de ses fonctions ou muté pendant la durée de l’enquête, en particulier lorsqu’il y a un risque qu’il fasse obstruction à celle-ci, ou continue de commettre des actes proscrits par la Convention. L’État partie devrait également veiller à fixer des lignes directrices relatives aux cas où les poursuites pour mauvais traitements doivent être engagées en vertu des articles 256 et 86 du Code pénal, plutôt que de l’article 94. De plus, l’État partie devrait mettre immédiatement en place des mécanismes efficaces et impartiaux pour que des enquêtes effectives et indépendantes soient menées promptement sur toutes les allégations de torture ou de mauvais traitement, et veiller à ce que les auteurs de tels actes soient poursuivis au titre de l’article 94 («Torture») et 95 («Torture avec circonstances aggravantes») de façon à garantir que les actes de torture soient passibles de peines appropriées, conformément aux dispositions de l’article 4 de la Convention.

êtes efficaces, rapides et indépendantes au sujet des plaintes déposées

8. Le Comité est préoccupé par le fait que les autorités continuent de ne pas mener d’enquêtes rapides, efficaces et indépendantes sur les allégations de torture et de mauvais traitements. Il s’inquiète en particulier des informations selon lesquelles les procureurs se heurtent à des obstacles lorsqu’ils veulent enquêter efficacement sur les plaintes contre des responsables de l’application des lois et les enquêtes sont généralement confiées aux responsables de l’application des lois eux-mêmes − procédure caractérisée par un manque d’indépendance, d’impartialité et d’efficacité −, en dépit de la circulaire no 8 du Ministère de la justice en vertu de laquelle les enquêtes relatives aux allégations de torture et de mauvais traitements doivent être conduites par le Procureur et non par les responsables de l’application des lois. À cet égard, le Comité est aussi préoccupé par l’absence de transparence du système actuel d’enquête administrative sur les allégations de violences policières, qui manque d’impartialité et d’indépendance, et par le fait qu’une autorisation préalable est toujours requise en vertu du Code de procédure pénale pour enquêter sur le comportement des responsables de l’application des lois du plus haut niveau. Le Comité est également préoccupé par les informations selon lesquelles les dossiers médicaux indépendants relatifs aux actes de torture ne font pas partie des éléments de preuve examinés par les tribunaux et que les juges et les procureurs n’acceptent que des rapports de l’Institut de médecine légale du Ministère de la justice. En outre, tout en prenant note du projet de «Commission indépendante des plaintes contre la police et du système de plaintes contre la police et la gendarmerie» lancé en 2006, le Comité s’inquiète de ce qu’aucun mécanisme indépendant de plainte contre la police n’ait été mis en place à ce jour. Il est préoccupé par les atermoiements, la passivité et l’incurie des autorités de l’État partie en ce qui a trait aux enquêtes, poursuites et condamnations concernant des agents de la police ou des membres des forces de l’ordre ou de l’armée accusés d’actes de violence, de mauvais traitements ou de tortures (art. 12 et 13).

Le Comité engage l’État partie à redoubler d’efforts pour mettre en place des mécanismes impartiaux et indépendants permettant de faire en sorte que toutes les allégations de torture et de mauvais traitements fassent rapidement l’objet d’enquêtes efficaces et indépendantes. L’État partie devrait en priorité:

a) Renforcer l’efficacité et l’indépendance du ministère public en augmentant le nombre de procureurs et d’officiers de police judiciaire, en renforçant leurs pouvoirs et en améliorant leur formation;

b) Garantir la conservation des preuves jusqu’à l’arrivée du procureur et donner pour instruction aux tribunaux d’envisager la possibilité de preuves falsifiées ou de preuves manquantes comme des éléments clefs dans les procédures judiciaires;

c) Veiller à ce que les procureurs et le personnel judiciaire lisent et évaluent tous les rapports médicaux contenant des informations sur les actes de torture et les mauvais traitements établis par le personnel médical et des médecins légistes qui, quelle que soit l’institution à laquelle ils appartiennent, ont les compétences nécessaires et ont suivi une formation spécifique au sujet du Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul);

d) Mettre en place un mécanisme indépendant de plainte contre la police, comme le prévoit le Ministère de l’intérieur;

e) Modifier le paragraphe 5 de l’article 161 du Code de procédure pénale, tel que modifié par l’article 24 de la loi no 5353 du 25 mai 2005, afin d’assurer qu’une autorisation spéciale ne soit pas nécessaire pour poursuivre les membres de rang élevé de la force publique accusés d’actes de torture ou de mauvais traitements. De même, l’État partie devrait abroger l’article 24 de la loi no 5353.

Absence d’enquête sur les disparitions

9. Le Comité est préoccupé par l’absence d’informations, de la part de l’État partie, au sujet des progrès réalisés dans le cadre des enquêtes sur les cas de disparition. En particulier, il est particulièrement préoccupé par a) le nombre de cas de disparition non élucidés recensés par le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires (63 en 2009), b) l’absence d’informations sur l’état d’avancement des enquêtes sur les cas de disparition pour lesquels il a été constaté que l’État partie avait violé les articles 2, 3 et 5 de la Convention européenne des droits de l’homme (Chypre c. Turquie et Timurtas c. Turquie, Cour européenne des droits de l’homme). Le Comité est aussi préoccupé par a)l’absence d’informations sur la conduite d’enquêtes efficaces, indépendantes et transparentes au sujet des affaires susmentionnées et, le cas échéant, sur les poursuites engagées et les condamnations prononcées, b) le fait que les proches des personnes disparues ne sont pas dûment informés des résultats des enquêtes et des poursuites. Cette absence d’enquête et de suivi soulève des questions graves quant au non-respect, par l’État partie, de ses obligations au titre de la Convention et, comme l’a conclu la Cour européenne des droits de l’homme, constitue une violation continue à l’égard des proches des victimes (art. 12 et 13).

L’État partie devrait prendre rapidement des mesures pour procéder à des enquêtes efficaces, transparentes et indépendantes sur tous les cas de disparition non élucidés, dont ceux cités par la Cour européenne des droits de l’homme (Chypre c. Turquie et Timurtas c. Turquie) et ceux recensés par le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires. Le cas échéant, il devrait engager des poursuites. L’État partie devrait informer les proches des victimes des résultats de telles enquêtes et poursuites. Le Comité exhorte aussi l’État partie à songer à signer et ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Exécutions extrajudiciaires

10. Le Comité est préoccupé par le peu d’information fourni par l’État partie en ce qui concerne l’exécution de la recommandation du Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte contre le terrorisme, l’invitant à ouvrir rapidement des enquêtes impartiales, approfondies et transparentes, et à organiser des procès équitables pour déterminer le rôle qu’auraient joué les forces de sécurité dans des incidents au cours desquels des personnes ont été tuées à Kiziltepe et Semdinli en 2004 et 2005, respectivement (art. 12 et 13).

L’État partie devrait ouvrir rapidement des enquêtes approfondies et indépendantes sur tous les cas allégués d’exécution extrajudiciaire imputés à des agents de sécurité et de la force publique et faire en sorte que les auteurs de ces actes soient traduits en justice et condamnés à des peines adaptées à la nature de leurs crimes.

Restrictions aux garanties juridiques fondamentales

11. Le Comité est préoccupé par les restrictions à l’exercice des garanties juridiques fondamentales contre la torture et les mauvais traitements résultant de l’adoption de nouvelles lois et de modifications apportées au Code de procédure pénale de 2005. Il est en particulier préoccupé par les éléments suivants: a) le déni, en application de la loi sur la lutte antiterroriste (loi no 3713) du droit du suspect d’être assisté par un avocat pendant les vingt-quatre heures suivant l’arrestation; b) le refus de l’octroi de l’aide juridictionnelle aux personnes accusées d’avoir commis des infractions emportant une peine d’emprisonnement de moins de cinq ans (loi no 5560); c) l’absence dans la loi de droit à un examen médical indépendant; d) le fait que le droit d’être immédiatement examiné par un médecin est limité aux condamnés (art. 94, loi no 5275). Par ailleurs, le Comité est préoccupé par les renseignements selon lesquels un agent de l’État est présent lors de l’examen médical du détenu bien que cela soit interdit par la loi, sauf si le personnel médical en fait la demande pour des raisons de sécurité personnelle (art. 2).

L’État partie devrait garantir par la loi et dans la pratique le droit de tous les détenus de voir rapidement un avocat, d’avertir un membre de leur famille et d’être examinés par un médecin indépendant dès leur placement en détention. L’État partie devrait garantir le respect du principe de la confidentialité entre le patient et son médecin dans le cadre de ces examens médicaux.

Considérations générales concernant l’application de la Convention

12. Le Comité regrette qu’en dépit de la demande d’informations statistiques qu’il a formulée dans sa liste de points à traiter avant la présentation du rapport et lors du dialogue avec l’État partie, la plupart des renseignements demandés n’ont pas été fournis. En particulier, en raison de l’absence de données complètes ou ventilées sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations d’agents des forces de l’ordre et de la sécurité ou du personnel pénitentiaire pour des actes de torture et des mauvais traitements, les expulsions d’immigrés et de demandeurs d’asile, l’accès aux registres de détention, la durée des procès, la réadaptation et la réparation ainsi que la traite et la violence sexuelle, il est extrêmement difficile de savoir si l’État partie respecte ou non les dispositions de la Convention.

L’État partie devrait recueillir et fournir au Comité des données statistiques ventilées par sexe, âge, origine ethnique et appartenance à une minorité, lieu géographique et nationalité utiles pour le suivi de l’application de la Convention au niveau national, ainsi que des renseignements complets sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations pour torture et mauvais traitements, les expulsions, la durée des procès, la réadaptation et la réparation (y compris l’indemnisation pécuniaire), la traite et la violence sexuelle, et sur les résultats de toutes les plaintes et affaires.

Usage excessif de la force par les agents chargés de l’application des lois et recours à des contre-accusations pour intimider les personnes qui signalent des actes de torture et des mauvais traitements

13. Tout en notant que le représentant de l’État partie reconnaît l’usage excessif de la force par les forces de l’ordre et en prenant note des informations sur les mesures prises pour mettre fin à une telle pratique, notamment en faisant porter aux policiers des casques munis de numéros d’identification lors des manifestations, le Comité demeure préoccupé par les informations faisant état d’un usage excessif de la force et de la violence de plus en plus fréquent par la police sur les manifestants en dehors des lieux officiels de détention. Il est particulièrement préoccupé par les renseignements faisant état de tirs mortels de la police et la gendarmerie ainsi que de l’application arbitraire des modifications apportées en juin 2007 à la loi sur les pouvoirs et les devoirs de la police (loi no 2559), qui autorisent la police à arrêter toute personne et à lui demander ses papiers d’identité, ce qui aurait entraîné une augmentation des altercations violentes. En outre, le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles la police se sert souvent du Code pénal pour porter des contre-accusations contre les personnes et les membres de la famille des victimes présumées qui se plaignent de brutalités policières, en particulier en utilisant l’article 265 relatif au «recours à la violence ou aux menaces contre un agent de l’État pour l’empêcher de s’acquitter de ses fonctions», l’article 125 relatif à «la diffamation de la police», l’article 301 relatif au «dénigrement de l’identité turque» et l’article 277 relatif aux «tentatives d’influencer le cours de la justice». Le Comité s’inquiète de ce que de telles accusations seraient utilisées pour intimider les victimes présumées de mauvais traitements et leurs proches et les dissuader de porter plainte (art. 11 et 16).

L’État partie devrait rapidement adopter des mesures efficaces pour mettre un terme à l’usage excessif de la force et de la violence par les agents chargés d’appliquer la loi. Il devrait en particulier:

a) Veiller à ce que les lois internes, les règles d’engagement et les procédures applicables au maintien de l’ordre public et à l’action antiémeutes soient pleinement conformes aux Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois, en particulier la disposition selon laquelle les responsables de l’application des lois ne recourent à l’usage meurtrier d’armes à feu que si cela est absolument inévitable pour protéger des vies humaines (Principes de base, disposition 9);

b) Mettre en place un système de suivi de la mise en œuvre de la loi sur les pouvoirs et les devoirs de la police (loi no 2559) et empêcher que la police ne l’utilise de manière arbitraire;

c) Veiller à ce que les agents de l’État n’utilisent pas la menace de la contre-accusation en vertu, par exemple, des articles 265, 125, 301 et 277 du Code pénal, pour intimider les personnes détenues ou leurs proches et les dissuader de porter plainte pour torture, réexaminer les condamnations prononcées au cours de la période considérée en application des articles en question, afin de déceler toute utilisation abusive de ces dispositions à de telles fins et veiller à ce que tout grief valable concernant des actes de torture fasse l’objet d’une enquête indépendante et de poursuites, si la situation l’exige.

Réparation et indemnisation, y compris la réadaptation

14. Le Comité est préoccupé par le manque d’informations et de données statistiques exhaustives sur la réparation et l’indemnisation, y compris les moyens de réadaptation, offerts aux victimes de la torture ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans l’État partie, comme le requièrent les dispositions de l’article 14 de la Convention (art. 14).

L’État partie devrait intensifier ses efforts en matière de réparation, d’indemnisation et de réadaptation, et assurer aux victimes d’actes de torture ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants une indemnisation équitable et adéquate, y compris les moyens de se réadapter. Il devrait envisager de mettre en place un programme particulier d’aide aux victimes d’actes de torture et de mauvais traitements.

Non-refoulement et détention de réfugiés, de demandeurs d’asile et d’étrangers en situation irrégulière

15. Le Comité se félicite des informations fournies par le représentant de l’État partie selon lesquelles trois projets de loi relatifs à l’asile, à la création d’un service spécialisé dans les questions d’asile et aux étrangers seront prochainement soumis au Parlement. Il prend également note de la publication des circulaires nos 18/2010 (migration illégale) et 19/2010 (asile et migration) par le Ministère de l’intérieur en mars 2010. Le Comité s’inquiète néanmoins de ce que le projet de loi relatif à l’asile maintienne la restriction géographique à l’application de la Convention relative au statut des réfugiés, qui exclut les demandeurs d’asile non européens de la protection offerte par la Convention. Il est en outre préoccupé par le système d’internement administratif des étrangers arrêtés pour entrée illégale ou séjour clandestin, ou tentatives de quitter l’État partie clandestinement, dans des «centres d’accueil pour étrangers» et d’autres centres de rétention, avec un accès limité à la procédure nationale d’asile temporaire. En outre, le Comité est préoccupé par les cas présumés d’expulsion et de refoulement en dépit du risque de torture. À cet égard, il est préoccupé par les informations selon lesquelles les demandeurs d’asile n’auraient pas accès à l’aide juridictionnelle, par les insuffisances du système de recours en matière d’asile, par l’absence d’effet suspensif de la procédure d’expulsion durant l’examen des demandes d’asile, et par l’accès limité du Haut-Commissariat pour les réfugiés et des avocats aux demandeurs d’asile en détention. Il est également vivement préoccupé par les informations faisant état de mauvais traitements et d’un surpeuplement importante dans les «centres d’accueil pour étrangers» et autres centres de rétention (art. 3).

L’État partie devrait prendre rapidement des mesures efficaces pour s’acquitter de l’obligation de ne pas expulser une personne qui risque d’être soumise à la torture qui lui incombe au titre de l’article 3 de la Convention, et faire en sorte que toutes les personnes ayant besoin d’une protection internationale aient accès, dans des conditions justes et égales, aux procédures d’asile et soient traitées avec dignité. Le Comité demande à l’État partie de:

a) Garantir l’accès d’organes de contrôle indépendants aux «centres d’accueil pour étrangers» et autres lieux de détention, et poursuivre, sans retard, la construction de nouveaux refuges offrant des conditions de vie saines et sûres;

b) Songer à lever la restriction géographique à l’application de la Convention relative au statut des réfugiés en retirant sa réserve à ladite Convention;

c) Veiller à ce que tous les réfugiés reconnus aient accès à la protection internationale fournie par le HCR;

d) Assurer l’accès effectif à la procédure d’asile pour les étrangers arrêtés et placés en détention, et introduire l’effet suspensif en ce qui concerne les procédures d’expulsion durant l’examen des demandes d’asile;

e) Garantir, conformément à la circulaire du Ministère de l’intérieur relative aux demandeurs d’asile et aux réfugiés, l’accès du personnel du HCR aux détenus qui veulent demander l’asile, de manière à ce que ceux-ci puissent exercer ce droit;

f) Garantir que les demandeurs d’asile et les réfugiés en détention soient assistés par un avocat, de manière à ce qu’ils puissent exercer leur droit de contester les décisions relatives à leur demande d’asile ou tout autre aspect de leur situation juridique devant les juridictions compétentes.

Contrôle et inspection des lieux de détention

16. Tout en prenant note des informations fournies par le représentant de l’État partie au sujet du rôle de la Commission d’enquête sur les droits de l’homme du Parlement et en relevant avec satisfaction que les défenseurs des droits de l’homme ont accès aux lieux de détention, le Comité regrette l’absence d’un règlement officiel autorisant un contrôle et des visites indépendants effectués par des représentants de la société civile dans de tels lieux. Il regrette également l’absence d’informations sur la mise en œuvre des principales recommandations et conclusions des organismes visés aux paragraphes 58 à 68 du rapport de l’État partie, qui sont autorisés à inspecter les lieux de détention (art. 2, 11 et 16).

L’État partie devrait fournir des informations sur les règlements officiels autorisant les visites indépendantes des lieux où des personnes sont privées de liberté par des représentants de la société civile, des avocats, du personnel médical et des membres locaux de l’ordre des avocats. L’État partie devrait également fournir au Comité des informations détaillées sur les mesures prises et activités menées pour donner suite aux conclusions et recommandations des organismes publics, notamment ceux visés aux paragraphes 58 à 68 du rapport de l’État partie.

Conditions de détention

17. Le Comité est gravement préoccupé par les informations faisant état d’un surpeuplement des lieux de détention de l’État partie et prend acte du fait que le représentant de l’État partie a franchement admis que la situation était «inacceptable». Compte tenu des renseignements fournis par l’État partie faisant état d’une population totale de 120 000 détenus, dont la moitié sont en détention provisoire, le Comité est préoccupé par le peu d’intérêt manifesté par les autorités judiciaires à l’égard de mesures de substitution à la privation de liberté et par la durée excessivement longue de la détention avant jugement, en particulier dans le cas des personnes qui ont été jugées dans le cadre des nouvelles hautes juridictions pénales. En outre, le Comité prend note avec préoccupation des informations selon lesquelles certains avantages concernant les activités de groupe des prisonniers peuvent être limités pour les personnes accusées d’actes de terrorisme ou d’infractions liées à la criminalité organisée ou condamnées pour de telles infractions, et maintenues à l’isolement dans des prisons de type F. Le Comité se félicite que les juges puissent demander que les interrogatoires soient enregistrés en guise de preuve dans le cadre des poursuites pénales mais il est préoccupé par le fait qu’à l’heure actuelle 30 % seulement des postes de police sont équipés de caméras de vidéosurveillance et que ces caméras tomberaient souvent en panne. Les informations concernant l’insuffisance des moyens financiers qui empêche de construire de nouveaux établissements pénitentiaires pour réduire le surpeuplement des prisons, le nombre élevé de postes vacants au sein de l’administration pénitentiaire (environ 8 000) évoqué par le représentant de l’État partie, la pénurie de personnel médical et les carences présumées en matière d’accès aux soins médicaux pour les prisonniers malades sont également des sujets d’inquiétude pour le Comité. En outre, le Comité constate avec préoccupation que l’information relative aux établissements de détention peut être soumise à des restrictions en application de la loi sur le droit d’accès à l’information (loi no 4982) (art. 2 et 16).

L’État partie devrait prendre immédiatement des mesures pour mettre un terme au problème endémique du recours excessif à la détention avant jugement et du surpeuplement des lieux de détention. En outre, il devrait poursuivre ses efforts pour améliorer l’infrastructure des prisons et des commissariats de police, de manière à assurer une protection contre les abus. En particulier, l’État partie devrait:

a) Encourager les autorités judiciaires à songer et à mettre en place des sanctions pénales autres que la privation de liberté, notamment en adoptant la législation nécessaire à cet effet;

b) Installer des caméras de vidéosurveillance dans l’ensemble des postes de police et faire en sorte que l’enregistrement vidéo de tous les interrogatoires devienne une procédure ordinaire;

c) Procéder à un examen juridique des articles 15 à 28 de la loi no 4982 sur le droit d’accès à l’information afin de déterminer leur compatibilité avec les obligations découlant de la Convention;

d) Poursuivre les efforts pour pourvoir les postes vacants dans les établissements pénitentiaires de manière à ce que les prisons disposent d’un personnel suffisant;

e) Limiter les restrictions aux avantages concernant les activités de groupe des prisonniers en régime d’isolement exclusivement à des situations exceptionnelles et bien définies;

f) Remédier à la pénurie de personnel médical et assurer des soins médicaux aux prisonniers malades, notamment en différant les condamnations, si nécessaire.

Enregistrement des détenus

18. Le Comité est préoccupé par des informations selon lesquelles les suspects sont placés en garde à vue sans être officiellement enregistrés et prend note avec préoccupation, à cet égard, de l’imprécision de la disposition selon laquelle le détenu doit être enregistré «dans un délai raisonnable» après son arrestation (art. 2).

L’État partie veillera à enregistrer rapidement les personnes privées de liberté et précisera dans la loi dans quel délai maximum l’enregistrement officiel doit avoir lieu après l’arrestation.

Violence contre les femmes

19. Le Comité est préoccupé par les informations nombreuses et persistantes faisant état de viols, de violences sexuelles et d’autres formes de torture et de mauvais traitements à caractère sexiste commis par des organes de sécurité, le personnel pénitentiaire et des agents de la force publique. Tout en prenant note des programmes de formation et de sensibilisation mis en œuvre par l’État partie pour faire face à de tels actes et les empêcher, le Comité regrette le manque d’informations sur les mesures prises pour s’assurer que les auteurs de tels actes rendent des comptes, notamment sur les enquêtes, les poursuites et les condamnations, ainsi que sur les réparations et les indemnisations accordées aux victimes, y compris les moyens de se réadapter, comme l’exige l’article 14 de la Convention.

L’État partie devrait prendre rapidement des mesures pour empêcher tous les actes de torture et les mauvais traitements, notamment le viol et d’autres formes de violence sexuelle, commis sur des femmes privées de liberté, et faire en sorte que les auteurs de tels actes en rendent compte, notamment en enquêtant rapidement sur les plaintes et, le cas échéant, en poursuivant et en condamnant aux peines appropriées lesdits auteurs. L’État partie devrait veiller à ce que toutes les victimes d’actes de torture ou de mauvais traitements à caractère sexiste bénéficient de mesures d’indemnisation ou de réparation, et de moyens de se réadapter.

Violence dans la famille et crimes d’honneur

20. Tout en prenant note des modifications à la loi no 4320 sur la protection de la famille en 2007 et au Code pénal en 2005 visant à améliorer la protection des femmes contre la violence, de l’adoption d’un plan d’action national pour lutter contre la violence dont les femmes sont victimes dans la famille et de divers programmes de formation destinés aux agents de la force publique, le Comité demeure préoccupé par l’ampleur présumée des violences physiques et sexuelles à l’encontre de femmes. Il est préoccupé par les informations selon lesquelles les femmes signalent rarement les mauvais traitements et la violence dont elles sont victimes à la police, et par le nombre insuffisant de centres d’accueil où elles pourraient trouver refuge, malgré les dispositions pertinentes de droit interne édictées en 2005. Le Comité est aussi préoccupé par l’absence d’informations sur les mesures de réparation et d’indemnisation, y compris les moyens de se réadapter, qui doivent être prises en faveur des victimes, conformément à l’article 14 de la Convention. Le Comité est en outre préoccupé par les informations selon lesquelles les autorités de l’État n’enquêteraient pas sur les crimes d’honneur, ainsi que par le manque de statistiques officielles globales sur ces crimes et la violence dans la famille. Il est également inquiet de constater qu’en vertu de l’article 287 du Code pénal, les juges et les procureurs peuvent ordonner qu’en cas de viol un test de virginité soit effectué contre la volonté de la femme (art. 2 et 16).

L’État partie poursuivra et accroîtra ses efforts, notamment en coopération avec le Conseil de l’Europe, l’Union européenne et les mécanismes de l’ONU relatifs aux droits de l’homme, pour empêcher toute forme de violence à l’égard des femmes et protéger celles-ci contre cette violence. L’État partie devrait:

a) Prendre toutes les mesures nécessaires pour encourager les femmes à exercer leur droit de porter plainte en cas de violence dans la famille et faciliter cette démarche, y compris par la construction de refuges et leur dotation en personnel, la création de permanences téléphoniques et autres mesures de protection;

b) Assurer des enquêtes rapides et efficaces sur toutes les allégations de crime d’honneur et de violence à l’égard des femmes, et veiller à ce que les auteurs de tels actes soient traduits en justice et condamnés à des peines adaptées à la nature de l’acte commis;

c) Veiller à ce que soient proposées aux victimes des mesures de réparation et d’indemnisation appropriées, ainsi que des moyens de se réadapter;

d) Adopter un système global de collecte de données et de statistiques sur les violences à l’égard des femmes, notamment la violence dans la famille et les crimes d’honneur, ventilées par âge, origine ethnique, appartenance à une minorité et zone géographique.

Enfants en détention

21. Tout en accueillant avec satisfaction la modification apportée en 2010 à la loi sur la lutte contre le terrorisme qui interdit d’intenter des procès pour terrorisme à des mineurs qui ont participé à des réunions et à des manifestations illégales ou distribué des tracts en faveur d’organisations illégales, et réduit les peines auxquelles peuvent être condamnées les personnes accusées d’infractions liées au terrorisme, le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles des enfants continuent d’être détenus dans des locaux non enregistrés de détention provisoire pour adultes, suite à leur arrestation au cours de manifestations, notamment dans les locaux de la section antiterrorisme de la Direction de la sécurité, plutôt que dans la section réservée aux enfants. En outre, le Comité est préoccupé par les informations faisant état de mauvais traitements infligés à des enfants placés dans des lieux de détention officieux, et par le fait que des interrogatoires ont été menés sans aide juridictionnelle ou sans qu’un adulte ou un tuteur légal soit présent. Tout en prenant note de l’indication fournie par le représentant de l’État partie selon laquelle la plupart des condamnations n’excèdent pas deux ans d’emprisonnement, le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les enfants continueraient d’être condamnés à de longues périodes d’emprisonnement (art. 16).

L’État partie devrait élaborer et mettre en œuvre un système complet de mesures de substitution qui garantirait que les enfants ne seraient privés de liberté qu’en dernier ressort, pour la période la plus courte possible et dans des conditions appropriées. L’État partie devrait veiller à ce que la détention d’enfants fasse régulièrement l’objet de contrôles, pour s’assurer qu’aucun enfant n’est soumis à une forme quelconque de mauvais traitements durant sa détention, et n’est détenu dans des lieux de détention non enregistrés. En outre, l’État partie devrait renforcer la sensibilisation des magistrats des tribunaux pour mineurs aux normes internationales relatives aux droits de l’homme concernant la justice pour mineurs et l’application de ces normes par lesdits tribunaux, et accroître le nombre de ces juridictions. De plus, le Comité engage l’État partie à songer à relever l’âge de la responsabilité pénale, fixé actuellement à 12 ans, de manière à se conformer aux normes internationales.

Châtiment corporel

22. Tout en notant la modification apportée au Code civil en 2002, qui a supprimé le droit de correction qui était confié aux parents, le Comité est préoccupé par l’absence, en droit interne, d’une interdiction expresse du châtiment corporel au foyer et dans les établissements de protection de remplacement, et par les informations selon lesquelles le châtiment corporel, auquel les parents ont largement recours, est considéré comme ayant encore une valeur éducative à l’école (art. 16).

L’État partie devrait s’employer à ce qu’aucun doute ne subsiste au sujet de l’interdiction par la loi du châtiment corporel à l’école et dans les établissements pénitentiaires et l’interdire en priorité au foyer, dans les établissements de protection de remplacement et, le cas échéant, dans les écoles et les établissements pénitentiaires.

Traitement des personnes nécessitant des soins psychiatriques

23. Le Comité prend note avec préoccupation du fait que le rapport de l’État partie ne comporte pas d’informations au sujet des conditions dans les centres de réadaptation, en ce qui concerne les délinquants nécessitant des soins psychiatriques. Tout en prenant note des renseignements fournis par le représentant de l’État partie au sujet de cinq centres de réadaptation pour détenus ayant des troubles psychiatriques en place dans des établissements pénitentiaires, le Comité est préoccupé par l’absence d’informations sur la situation dans ces établissements, notamment en ce qui concerne l’exercice intégral et effectif des garanties fondamentales accordées aux détenus. Il est également préoccupé par l’absence d’informations sur la situation générale, les garanties juridiques et la protection contre les mauvais traitements des personnes se trouvant dans les établissements et hôpitaux psychiatriques, et note avec inquiétude que le traitement électroconvulsif est fréquemment administré dans les hôpitaux et les cliniques psychiatriques, selon le rapport de l’État partie (par. 306). De plus, le Comité regrette le manque d’informations sur l’accès de mécanismes de suivi indépendants à ces établissements (art. 16).

L’État partie devrait procéder à un examen sérieux du recours au traitement électroconvulsif (ECT) et mettre fin à tout autre type de traitement pouvant être assimilé à des actes interdits par la Convention, sur toutes les personnes ayant besoin de soins psychiatriques. L’État partie devrait veiller, en droit et dans la pratique, au respect des garanties juridiques fondamentales de toutes les personnes ayant besoin de soins psychiatriques, qu’elles se trouvent dans des cliniques ou hôpitaux psychiatriques ou dans des établissements pénitentiaires. L’État partie devrait aussi permettre à des mécanismes de suivi indépendants de se rendre dans les établissements et hôpitaux psychiatriques afin d’empêcher toute forme de mauvais traitements.

Délai de prescription

24. Le Comité prend note de l’allongement, dans le nouveau Code pénal de 2005, du délai de prescription pour le crime de torture, qui est porté de quinze ans à quarante ans lorsque les actes de torture entraînent la mort. Il juge néanmoins préoccupant le maintien par l’État partie d’un délai de prescription pour le crime de torture (art. 2, 12 et 13).

L’État partie devrait modifier son Code pénal de manière à prévoir l’imprescriptibilité des actes de torture.

Formation

25. Tout en se félicitant des informations fournies par les représentants de l’État partie selon lesquelles la formation dispensée aux agents de la force publique et de la gendarmerie porte notamment sur le Protocole d’Istanbul, le Comité regrette l’absence d’informations indiquant si les inspecteurs publics des prisons et autres lieux de détention reçoivent cette formation et en quoi elle consiste. En outre, le Comité regrette l’absence d’informations sur toute formation que recevraient les membres des gardes de village ou les agents de l’immigration en ce qui concerne l’interdiction absolue de la torture (art. 10).

L’État partie devrait développer et renforcer les programmes éducatifs en cours pour faire en sorte que tous les fonctionnaires, notamment les juges et les procureurs, les inspecteurs publics des lieux de détention, les membres des forces de l’ordre, les agents de sécurité, les gardes de village, les agents pénitentiaires et les fonctionnaires de l’immigration ont pleinement connaissance des dispositions de la Convention et de l’interdiction absolue de la torture, et savent qu’ils seront tenus responsables de toute violation de la Convention.

26. Le Comité invite l’État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention, les principaux instruments de l’ONU relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, ainsi que le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, la Convention relative au statut des apatrides et la Convention sur la réduction des cas d’apatridie.

27. L’État partie est invité à diffuser largement le rapport présenté au Comité, les comptes rendus de séance et les observations finales du Comité, dans toutes les langues voulues, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

28. Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée à ses recommandations figurant aux paragraphes 7, 8, 9 et 11 du présent document.

29. Le Comité invite l’État partie à soumettre son prochain rapport périodique conformément à ses directives concernant l’établissement de rapports, et à respecter la limite de 40 pages fixée pour le document se rapportant spécifiquement au traité. Le Comité invite également l’État partie à soumettre un document de base commun actualisé en suivant les directives harmonisées pour l’établissement de rapports adoptées par les organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN.2/Rev.6), et à respecter la limite de 80 pages en ce qui concerne le document de base commun.

30. L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, qui sera le quatrième, d’ici au 19 novembre 2014.

 



Page Principale || Traités || Recherche || Liens