University of Minnesota



Conclusions et recommandations du Comité contre la torture, Sri Lanka, U.N. Doc. CAT/C/LKA/CO/2 (2005).


 

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Trente‑cinquième session

7‑25 novembre 2005

 

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Conclusions et recommandations du Comité contre la torture

SRI LANKA

1. Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique de Sri Lanka (CAT/C/48/Add.2) à ses 671 e et 674 e séances, les 10 et 11 novembre 2005 (CAT/C/SR.671 et 674), et a adopté, à sa 683 e séance, les conclusions et recommandations ci‑après.

A. Introduction

2. Le Comité accueille avec satisfaction le deuxième rapport périodique de Sri Lanka, qui est centré sur les conclusions et recommandations du Comité (A/53/44, par. 243 à 257), ainsi que sur les recommandations faites à l’issue de l’enquête effectuée en 2000 en vertu de l’article 20 de la Convention, et qui est établi selon les directives du Comité; il relève toutefois qu’il a été soumis avec cinq ans de retard. Le Comité se félicite du dialogue instauré avec la délégation de l’État partie et remercie celui‑ci des réponses écrites détaillées apportées à la liste des points à traiter, qui ont facilité le débat entre la délégation et les membres du Comité. Il remercie en outre la délégation des réponses orales qu’elle a données aux questions soulevées et aux préoccupations exprimées pendant l’examen du rapport.

B. Aspects positifs

3. Le Comité prend note avec satisfaction des faits positifs suivants:

a) La signature de l’accord de cessez‑le‑feu entre le Gouvernement sri‑lankais et les Tigres de libération de l’Eelam tamoul en février 2002, qui s’est traduite par une forte diminution des cas de torture liés au conflit signalés, dus principalement aux forces armées. Le Comité encourage les parties à reprendre et à poursuivre les pourparlers afin de régler le problème;

b) Le renforcement de la Commission nationale des droits de l’homme, qui est maintenant en mesure de traiter plus efficacement les violations des droits de l’homme en général et les cas de torture en particulier;

c) La création de la Commission nationale de la police, par l’adoption du dix‑septième amendement à la Constitution en 2001, qui a obtenu des succès dans la promotion des droits de l’homme;

d) Les mesures institutionnelles et autres prises par l’État partie pour donner effet aux conclusions et recommandations du Comité et aux recommandations faites à l’issue de l’enquête menée en application de l’article 20 de la Convention, notamment la mise en place du Comité permanent interministériel et du Groupe de travail sur les questions relatives aux droits de l’homme, du Département des enquêtes criminelles, du Groupe des enquêtes spéciales de la police et du fichier central des personnes placées en garde à vue;

e) L’établissement de directions des droits de l’homme dans les forces armées terrestres, navales et aériennes et dans la police ainsi que de cellules des droits de l’homme dans les trois corps de l’armée, dotées du pouvoir d’enquêter sur les violations des droits de l’homme;

f) La ratification, le 21 août 2000, du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, et l’adhésion, le 15 octobre 2002, au Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes;

g) L’abolition récente des châtiments corporels, par la promulgation de la loi n o  23 de 2005.

C. Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention

4. Le Comité reconnaît la situation difficile à laquelle Sri Lanka doit faire face du fait du conflit armé interne. Il fait observer toutefois qu’aucune circonstance exceptionnelle quelle qu’elle soit ne saurait être invoquée pour justifier la torture.

D. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition

5. Le Comité est préoccupé par le fait qu’il n’existe pas dans la législation interne de définition complète de la torture telle qu’elle est donnée à l’article premier de la Convention.

L’État partie devrait adopter une définition de la torture qui couvre tous les éléments énoncés à l’article premier de la Convention.

Commission nationale des droits de l’homme

6. Reconnaissant l’importance du rôle joué par la Commission nationale des droits de l’homme dans la promotion et la protection des droits de l’homme à Sri Lanka et le fait qu’elle a opté pour une politique qui exclut toute tolérance vis‑à‑vis de la torture, le Comité s’inquiète de ce que, fréquemment, l’État partie ne donne pas suite aux recommandations émanant de la Commission.

L’État partie devrait renforcer la Commission nationale des droits de l’homme de façon à lui permettre de fonctionner efficacement et veiller à ce que les recommandations qu’elle formule soient intégralement mises en œuvre. La Commission devrait être dotée de ressources suffisantes, être notifiée de toutes les arrestations et pouvoir compter sur une coopération totale pour faire fonctionner sa permanence téléphonique d’urgence sur les cas de torture ouverte 24 heures sur 24 et améliorer le système des visites de contrôle. De plus l’État partie devrait prendre les dispositions nécessaires afin que les nouveaux membres de la Commission soient rapidement désignés quand le mandat de trois ans de ses membres actuels prendra fin, en mars 2006.

Commission nationale de la police

7. Le Comité prend note du rôle important joué par la Commission nationale de la police dans les enquêtes disciplinaires sur les actes des forces de police, mais il relève que le mandat de ses membres actuels expire à la fin de novembre 2005 et s’inquiète de ce que de nouveaux membres n’aient pas encore été désignés.

L’État partie devrait procéder d’urgence à la désignation des membres de la Commission nationale de la police. Il devrait de plus faire en sorte que la procédure de plainte prévue à l’article 155G(2) de la Constitution soit mise en œuvre et que la Commission dispose des ressources suffisantes et compte sur la coopération sans réserve de la police de Sri Lanka pour s’acquitter de sa tâche.

Garanties fondamentales

8. Le Comité est préoccupé par les allégations faisant état de l’inobservation des garanties légales fondamentales dans le cas des personnes arrêtées et détenues par la police, notamment du droit d’habeas corpus.

L’État partie devrait prendre des mesures efficaces pour que les garanties légales fondamentales dans le cas des personnes arrêtées et détenues par la police soient respectées, notamment le droit d’habeas corpus, le droit d’informer un proche, de communiquer avec un avocat et de voir le médecin de son choix et d’être informés de leurs droits.

Non‑refoulement

9. Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a pas donné effet au principe de non‑refoulement inscrit à l’article 3 de la Convention.

L’État partie devrait adopter des dispositions législatives pour mettre en œuvre le principe de non‑refoulement inscrit à l’article 3 de la Convention.

Compétence universelle

10. Le Comité est préoccupé par l’absence dans la législation sri‑lankaise de dispositions établissant la compétence universelle pour connaître des actes de torture.

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour que la législation sri‑lankaise établisse sa compétence à l’égard des actes de torture conformément à l’article 5 de la Convention, et notamment conformément à l’article 7 de la Convention, des dispositions permettant d’engager des poursuites pénales contre les ressortissants non sri‑lankais qui ont commis des actes de torture ailleurs qu’à Sri Lanka qui se trouvent sur le territoire de Sri Lanka et qui n’ont pas été extradés.

Surveillance systématique de tous les lieux de détention

11. Le Comité constate avec préoccupation que la Commission nationale des droits de l’homme et les autres mécanismes de surveillance ne procèdent pas systématiquement à une surveillance effective de tous les lieux de détention, notamment en y effectuant de façon régulière et inopinée des visites (art. 11).

L’État partie devrait habiliter des observateurs indépendants des droits de l’homme, notamment la Commission nationale des droits de l’homme, à se rendre sans restriction dans tous les lieux de détention, y compris dans les commissariats de police, sans préavis, et mettre en place un système national permettant de passer en revue les conclusions des visites de surveillance systématique et de prendre des mesures en conséquence.

Enquêtes immédiates et impartiales

12. Le Comité exprime sa profonde préoccupation face à la persistance d’allégations bien établies de torture et de mauvais traitements généralisés ainsi que de disparitions, mettant en cause principalement les forces de police. Il s’inquiète également de ce que ces violations commises par des agents des forces de l’ordre ne fassent pas l’objet de la part des autorités compétentes de l’État partie d’enquêtes immédiates et impartiales (art. 12).

L’État partie devrait:

a) Veiller à ce que des enquêtes impartiales et approfondies soient immédiatement menées chaque fois que des allégations de torture, mauvais traitements et disparitions mettent en cause des agents des forces de l’ordre. Il faut veiller en particulier à ce que ces enquêtes ne soient pas menées par la police ou sous l’autorité de celle‑ci mais soient confiées à un organe indépendant. Dans le cas de présomptions d’actes de torture, la personne accusée devrait être suspendue de ses fonctions ou affectée à une autre charge pendant la durée de l’enquête, en particulier s’il existe un risque qu’elle cherche à l’entraver;

b) Juger les auteurs de tels actes et en cas de culpabilité dûment les condamner, de façon à éliminer toute idée d’impunité que pourraient nourrir les auteurs d’actes de torture.

Violences et sévices sexuels

13. Le Comité est inquiet de la persistance des allégations de violences et de sévices sexuels sur la personne de femmes et d’enfants en détention, mettant en cause notamment des agents des forces de l’ordre, de même que de l’absence d’enquêtes immédiates et impartiales sur elles (art. 12).

L’État partie devrait veiller à mettre en place des procédures pour surveiller le comportement des agents des forces de l’ordre et ouvrir sans délai des enquêtes impartiales chaque fois que des cas de torture et de mauvais traitements sont dénoncés, y compris des cas de violences sexuelles, en vue de traduire les responsables en justice. De plus, l’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir de tels actes, en particulier en veillant à ce que les directives concernant le traitement des femmes en détention soient intégralement appliquées, et devrait envisager d’ouvrir dans les postes de police situés dans les zones de conflit des bureaux pour accueillir les femmes et les enfants.

Retard dans l’administration de la justice

14. Le Comité est préoccupé par les retards excessifs qui interviennent dans l’administration de la justice, en particulier dans le cas de procès intentés contre des personnes accusées d’actes de torture.

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour garantir que la justice soit administrée sans retard.

Intimidation et menaces

15. Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de représailles, d’intimidation et de menaces subies par des personnes qui signalent des cas de torture et de mauvais traitements ainsi que par l’absence de dispositifs efficaces de protection des témoins et des victimes (art. 13).

Conformément à l’article 13, l’État partie devrait prendre des mesures concrètes pour garantir que toute personne qui signale des cas de torture ou de mauvais traitements soit protégée contre tout acte d’intimidation et toutes représailles que pourrait entraîner le fait d’avoir dénoncé ces cas. L’État partie devrait ouvrir une enquête sur tous les cas signalés d’intimidation de témoins et mettre en place un dispositif de protection des témoins et des victimes.

Réadaptation

16. Le Comité note avec préoccupation l’absence de programme de réparation, comprenant des mesures de réadaptation, en faveur des nombreuses victimes de torture pendant le conflit armé (art. 14).

L’État partie devrait instituer un programme de réparation, comportant un traitement pour le traumatisme subi et d’autres formes de réadaptation, et dégager des ressources suffisantes pour en garantir le fonctionnement efficace.

Enfants soldats

17. Le Comité est vivement préoccupé par des allégations faisant état de la persistance de l’enlèvement et de l’enrôlement d’enfants dans les rangs des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (art. 16).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires, de tous ordres et dans la mesure du possible au regard des circonstances, pour empêcher les enlèvements et l’enrôlement d’enfants par les Tigres de libération de l’Eelam tamoul et pour faciliter la réinsertion des anciens enfants soldats dans la société.

18. Le Comité recommande en outre ce qui suit:

a) L’État partie devrait envisager de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention;

b) L’État partie devrait envisager de devenir partie au Protocole facultatif se rapportant à la Convention;

c) L’État partie devrait envisager de devenir partie au Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

19. Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des données statistiques détaillées, ventilées par infraction, origine ethnique et sexe, sur les plaintes pour actes de torture et mauvais traitements qui auraient été commis par des agents des forces de l’ordre, ainsi que sur les enquêtes, poursuites et sanctions pénales ou disciplinaires engagées. Il lui demande également de fournir des renseignements sur les mesures d’indemnisation et les services de réadaptation offerts aux victimes. Le Comité recommande à l’État partie d’accueillir favorablement les contributions d’organisations non gouvernementales pour l’établissement de son prochain rapport périodique.

20. L’État partie est encouragé à diffuser largement les rapports qu’il soumet au Comité et les conclusions et recommandations de celui‑ci, dans les langues voulues, en recourant aux sites Web officiels, aux médias et aux organisations non gouvernementales.

21. Le Comité demande à l’État partie de lui adresser, dans le délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations contenues aux paragraphes 6, 7, 8, 11, 12 et 15 ci‑dessus.

22. L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, qui sera considéré comme combinant les troisième et quatrième rapports, au plus tard le 1 er février 2007, date à laquelle le quatrième rapport périodique doit être soumis.

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