Observations finales du Comité contre la Torture, Pérou, U.N. Doc. A/55/44, paras. 56-63 (1999).
Convention Abbreviation: CAT
COMITÉ CONTRE LA TORTURE
Vingt-troisième session
8-19 novembre 1999
EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE
19 DE LA CONVENTION
Observations finales du Comité contre la Torture
Pérou
56. Le Comité a examiné le troisième rapport périodique du Pérou (CAT/C/39/Add.1)
à ses 399ème, 402ème et 404ème séances, les 12, 15 et 16 novembre 1999 (CAT/C/SR.399,
402 et 404) et a adopté les conclusions et recommandations ci-après :
1. Introduction
57. Le Comité accueille avec satisfaction le troisième rapport périodique du
Pérou qui correspond dans les grandes lignes aux directives concernant la forme
et le contenu des rapports périodiques, et se félicite de la poursuite du dialogue
avec les représentants de haut niveau de l'État partie, notamment des renseignements
donnés par la délégation dans son introduction.
2. Aspects positifs
58. Le Comité note les éléments positifs ci-après :
a) La qualification dans le Code pénal du crime de torture, généralement conforme
à la définition qui en est donnée à l'article premier de la Convention;
b) La politique consistant à donner aux tribunaux civils compétence pour connaître
du crime de trahison aggravée;
c) Le programme général d'éducation mis en œuvre à l'intention de tous les secteurs
des forces civiles et des forces armées en vue de sensibiliser leurs membres
aux obligations en matière de droits de l'homme, en particulier à l'interdiction
de la pratique de la torture;
d) La levée progressive de l'état d'urgence dans la plupart des régions du pays
et l'intention déclarée de lever totalement l'état d'urgence en 2000;
e) La mise en place du bureau du Défenseur du peuple;
f) La création du Registre national des détenus en prévention et des détenus
condamnés (loi No 26295), qui est accessible à tous;
g) La création de la Commission nationale spéciale des grâces;
h) la diminution du nombre de plaintes pour mauvais traitements déposées par
des personnes détenues ces dernières années.
3. Sujets de préoccupation
59. Le Comité se déclare préoccupé par les éléments suivants :
a) Le nombre toujours élevé d'allégations de torture;
b) L'absence d'"indépendance" des membres du pouvoir judiciaire qui
ne sont pas inamovibles;
c) La période de mise au secret de 15 jours pendant la détention avant jugement
pour les individus soupçonnés de terrorisme;
d) Le jugement de civils par des tribunaux militaires;
e) La peine d'isolement d'au moins un an à partir de la date du procès, appliquée
automatiquement dans le cas de toute personne condamnée pour infraction à la
loi contre le terrorisme;
f) L'absence apparente d'enquêtes et de poursuites effectives pour les personnes
accusées d'avoir commis des actes de torture;
g) L'utilisation, en particulier, des lois d'amnistie pour empêcher de poursuivre
les personnes dont on soupçonne qu'elles sont des tortionnaires alors que celles-ci
doivent impérativement, en vertu des articles 4, 5 et 12 de la Convention, faire
l'objet d'enquêtes et être poursuivies le cas échéant;
h) Le maintien en vigueur dans certaines régions du pays de la législation d'urgence
qui entraîne la suspension de la protection ordinaire des droits fondamentaux;
i) Le régime pénitentiaire spécial applicable aux terroristes condamnés et en
particulier aux dirigeants terroristes reconnus coupables;
j) L'incapacité des services du procureur de tenir un registre précis des personnes
qui portent plainte pour torture.
4. Recommandations
60. Le Comité contre la torture réitère les recommandations qu'il avait formulées
à l'issue de l'examen du deuxième rapport périodique du Pérou, le 12 mai 1998,
et qui sont les suivantes :
"Tout en prenant acte et en se réjouissant des nouvelles mesures prises
ou annoncées, dont certaines vont dans le sens de ses recommandations formulées
à l'occasion de l'examen du rapport initial du Pérou, le Comité réitère celles-ci
et engage l'État partie à accélérer les réformes allant dans le sens de l'instauration
d'un véritable État de droit.
L'État partie devrait envisager l'abrogation des lois susceptibles de porter
atteinte à l'indépendance du pouvoir judiciaire et tenir compte du fait que,
dans ce domaine, l'autorité compétente en matière de sélection et de carrière
des juges devrait être indépendante du Gouvernement et de l'administration.
Pour garantir cette indépendance, des dispositions devraient être prises en
vue de veiller, par exemple, à ce que ses membres soient désignés par le pouvoir
judiciaire et que l'autorité décide elle-même de ses règles de procédure.
L'État partie devrait envisager, en application des articles 6, 11, 12, 13 et
14 de la Convention, de prendre des mesures propres à assurer aux victimes de
la torture ou d'autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi qu'à
leurs ayants cause, indemnisation, réparation et réadaptation, en toutes circonstances."
61. En outre, le Comité recommande ce qui suit :
a) L'État partie devrait veiller à ce que des enquêtes énergiques et, si nécessaire,
des poursuites soient engagées dans tous les cas rapportés d'allégations de
torture et de mauvais traitements par ses agents, qu'ils soient civils ou militaires;
b) La période de détention au secret avant jugement devrait être supprimée;
c) La période automatique d'isolement pour les personnes condamnées pour infraction
à la loi contre le terrorisme devrait être supprimée;
d) La torture devrait être exclue du champ d'application des lois d'amnistie;
e) Le régime spécial appliqué aux condamnés terroristes devrait être revu de
façon à supprimer progressivement les conditions de quasi-isolement et les autres
restrictions qui sont incompatibles avec les dispositions de l'article 16 et
peuvent dans certains cas représenter des tortures au sens de l'article premier
de la Convention;
f) Un registre national sur le modèle du Registre national des détenus devrait
être établi pour les personnes qui se déclarent victimes de torture.
62. Le Comité souligne une fois encore que l'État partie devrait transférer
aux juridictions civiles la compétence dévolue actuellement aux juridictions
militaires dans toutes les matières qui concernent des civils.
63. Enfin, le Comité engage l'État partie à envisager de faire les déclarations
prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.