University of Minnesota


Observations finales du Comité contre la Torture, Jordaine, U.N. Doc. A/50/44, paras. 159-182 (1995).


Convention Abbreviation: CAT
COMITÉ CONTRE LA TORTURE



EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION



Conclusions et recommandations du Comité contre la torture



Jordanie


A. Introduction


159. Le Comité a examiné le rapport initial de la Jordanie (CAT/C/16/Add.5) à ses 218e et 219e séances, le 1er mai 1995 (CAT/C/SR.218 et 219), et a adopté les conclusions et recommandations suivantes.


160. Le Comité remercie le Gouvernement jordanien de son rapport, attendu en 1992, du document de base (HRI/CORE/1/Add.18/Rev.1) contenant des renseignements d'ordre général sur l'État partie et des explications détaillées apportées par la délégation.


161. Le Comité note que le rapport ne suit pas entièrement les directives qu'il a établies et qu'il ne contient pas assez de renseignements sur l'application effective de la Convention.


162. Toutefois, la présence d'une délégation de haut niveau, qui a pu apporter des renseignements supplémentaires, a permis au Comité de mieux comprendre la situation concernant l'application de la Convention en Jordanie.



B. Aspects positifs


163. Le Comité se félicite des mesures positives prises par le Gouvernement jordanien pour donner effet à la Convention, en particulier la levée de l'état d'urgence et l'abolition de la loi martiale en avril 1992, la remise en liberté de prisonniers politiques, la possibilité de faire appel des arrêts et décisions de la Cour de sûreté de l'État concernant des points de fait aussi bien que de droit.


164. Le Comité prend aussi note avec satisfaction de la nouvelle loi sur les partis politiques, d'octobre 1992, de la nouvelle loi sur la presse et les publications, de la ratification de la Convention relative aux droits de l'enfant, de la création d'une commission nationale pour les droits de l'homme et de l'ouverture en Jordanie d'une section de l'Organisation arabe des droits de l'homme et d'une section d'Amnesty International. Ce sont là des mesures positives qui dénotent une tendance au progrès dans la promotion des droits de l'homme en général et des droits consacrés dans la Convention contre la torture en particulier.



C. Sujets de préoccupation


165. Le Comité note que la Constitution jordanienne ne contient aucune disposition consacrée expressément au rapport entre les traités internationaux et les lois nationales. Il est donc nécessaire d'incorporer la Convention à l'appareil législatif de la Jordanie de façon à en garantir promptement la bonne application.


166. Le Comité est préoccupé de l'absence de définition de l'acte de torture, selon l'article premier de la Convention, dans la législation jordanienne. La législation pénale jordanienne ne couvre pas tous les cas de torture et de mauvais traitements énoncés dans la Convention.


167. Le Comité est profondément inquiet de ce qu'un certain nombre d'allégations de torture aient été formulées depuis que la Jordanie a ratifié la Convention. Ces allégations semblent faire rarement l'objet d'enquêtes indépendantes et impartiales. Le Comité est également inquiet de la condamnation à mort ou de l'emprisonnement de détenus politiques, en 1993 et 1994, à l'issue de procès menés par la Cour de sûreté de l'État, sur la foi d'aveux qui auraient été extorqués sous la torture.


168. Le Comité regrette que le quartier général du Service des renseignements généraux soit devenu une prison officielle, que les membres des forces armées soient habilités à agir en qualité de procureur, qu'ils aient la faculté de placer des suspects, qu'ils soient militaires ou civils, en détention au secret jusqu'à la fin de l'interrogatoire, pour des périodes pouvant aller jusqu'à six mois, et que les détenus n'aient pas la possibilité de voir un magistrat, un avocat ou un médecin.


169. Le Comité exprime sa préoccupation face à la persistance de l'application de la peine de mort, ainsi que des châtiments corporels qui pourraient constituer en soi une violation des dispositions de la Convention.


170. Le Comité est également préoccupé de ce que, selon certaines allégations, des individus ont été expulsés de Jordanie vers des pays où il y a des motifs sérieux de croire qu'ils risquent d'être soumis à la torture, en violation de l'article 3 de la Convention.


171. Le Comité note qu'il ne semble pas y avoir dans l'État partie de programme global d'instruction à l'intention des membres de la police et des forces de sécurité portant sur les obligations contractées par la Jordanie en vertu de la Convention. De même, aucun programme précis d'éducation n'est mis en place à l'intention du personnel médical. De tels programmes seraient d'autant plus utiles qu'un grand nombre de réfugiés provenant d'autres pays se trouvent en Jordanie.



D. Recommandations


172. Le Comité recommande à l'État partie de revoir sa position en ce qui concerne les articles 21 et 22 de la Convention.


173. Le Comité compte que l'État partie prendra les mesures législatives voulues pour assurer l'incorporation de la Convention au droit interne et pour en garantir l'application rapide et effective.


174. Le Comité prie instamment l'État partie d'envisager de faire de la torture une infraction pénale spécifique. Il lui suggère en outre de renforcer encore les mesures visant à protéger les droits des détenus, et tout particulièrement leur droit d'avoir accès à un avocat, ainsi qu'aux magistrats et aux médecins de leur choix. Il recommande aussi à l'État partie d'entreprendre sans délai des enquêtes sur les cas de torture et de mauvais traitements rapportés et de veiller à ce que des peines en rapport avec l'infraction soient appliquées, chaque fois que de tels actes sont commis, de prévenir les actes de torture par une action visant à garantir une observation plus rigoureuse des règles applicables au traitement des détenus et des délinquants et enfin de réduire la durée de la détention provisoire, compte tenu du principe de la présomption d'innocence et de la complexité des enquêtes.


175. Le Comité demande aux autorités jordaniennes d'envisager d'abolir les tribunaux d'exception comme la Cour de sûreté de l'État et de redonner à l'appareil judiciaire ordinaire pleine juridiction criminelle dans le pays.


176. Le Comité demande que les compétences relatives au placement en détention et à l'interrogatoire soient séparées et que la surveillance des centres de détention soit la responsabilité de fonctionnaires expressément chargés de cette tâche et non des directeurs des centres de détention.


177. Le Comité compte que la Jordanie reverra sa politique en matière de châtiments corporels.


178. Les autorités devraient suivre des procédures permettant de garantir effectivement que personne ne soit expulsé vers un pays où il y a des motifs sérieux de croire que l'intéressé risque d'être soumis à la torture.


179. Le Comité demande aussi que des programmes de formation soient lancés d'urgence à l'intention de tous les responsables de l'application de la loi et du personnel médical, en mettant l'accent sur les obligations énoncées dans la Convention et sur les indices permettant d'établir qu'il y a eu torture. Dans le cas du personnel médical, l'enseignement doit inclure les méthodes de réadaptation des victimes de la torture.


180. Le Comité insiste sur le fait qu'il faut s'employer davantage à faire connaître largement à la population les dispositions de la Convention.


181. Le Comité recommande aux autorités jordaniennes de diffuser aussi largement que possible le rapport qu'elles ont soumis au Comité et les observations de celui-ci, de façon à encourager tous les secteurs intéressés de la société à être partie prenante dans la défense des droits de l'homme.


182. Le Comité souhaiterait obtenir dans le prochain rapport des renseignements sur toutes ces questions ainsi que des éclaircissements pour les questions qu'il a posées et qui sont restées sans réponse.



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