Observations finales du Comité contre la torture, Israël, U.N. Doc. A/52/44, paras. 254-260 (1997).
Convention Abbreviation: CAT
COMITÉ CONTRE LA TORTURE
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION
Conclusions et recommandations du Comité contre la torture
M. Israël
253. Le Comité contre la torture a examiné le rapport spécial d'Israël (CAT/C/33/Add.2/Rev.1)
à ses 295e, 296e et 297e séances, les 7 et 9 mai 1997 (CAT/C/SR.295, 296 et
297/Add.1) et a adopté les conclusions et recommandations suivantes :
1. Introduction
254. Le rapport spécial d'Israël a été soumis le 18 février 1997, à la suite
de la demande formulée par le Comité dans sa lettre en date du 22 novembre 1996
adressée au Représentant permanent d'Israël auprès de l'Office des Nations Unies
à Genève (voir par. 25 plus haut). Dans ce rapport, il est donné réponse à un
certain nombre de préoccupations exprimées par le Comité dans ses conclusions
relatives au premier rapport périodique d'Israël et à la réaction du Comité
à certaines décisions prises par la Cour suprême d'Israël. Le Comité remercie
la délégation israélienne de sa déclaration liminaire riche d'informations et
des réponses franches et ouvertes qu'elle a apportées aux questions du Comité.
2. Conclusions
255. Dans son rapport spécial et dans la déclaration liminaire de ses représentants,
le Gouvernement israélien réitère pour l'essentiel sa position présentée dans
le rapport initial, à savoir que les méthodes d'interrogatoire, y compris l'usage
d'une "pression physique modérée" sur les personnes interrogées lorsque
les autorités pensent qu'elles détiennent des renseignements sur des attentats
imminents contre l'État, qui peuvent entraîner la mort de citoyens innocents,
sont légales si elles sont conformes aux règles édictées par la Commission Landau.
Ces règles autorisent l'usage d'une "pression physique modérée" dans
des conditions d'interrogatoire strictement définies.
256. Le point de vue des autorités israéliennes est que les interrogatoires
menés conformément aux "règles de la Commission Landau" n'enfreignent
pas l'interdiction de traitements cruels, inhumains ou dégradants énoncée à
l'article 16 de la Convention contre la torture et ne constituent pas des actes
de torture tels qu'ils sont définis à l'article premier de la Convention.
257. Cependant, la description des méthodes d'interrogatoire donnée par des
organisations non gouvernementales après avoir entendu les récits de personnes
interrogées, méthodes qui semblent appliquées systématiquement, n'a été ni confirmée
ni contestée par Israël. Le Comité doit donc présumer qu'elle est exacte. Ces
méthodes consistent notamment à 1) maintenir la personne interrogée attachée,
dans des positions très pénibles, 2) lui recouvrir la tête d'une cagoule dans
des conditions spéciales, 3) lui infliger des volumes sonores excessifs durant
de longues périodes, 4) la priver de sommeil durant de longues périodes, 5)
proférer des menaces, notamment des menaces de mort, 6) la secouer violemment,
et 7) l'exposer à de l'air glacial; ces traitements constituent, de l'avis du
Comité, des violations de l'article 16 de la Convention ainsi que des actes
de torture tels qu'ils sont définis à l'article premier de la Convention. Cette
conclusion s'impose encore plus lorsque de telles méthodes d'interrogatoire
sont utilisées conjointement, ce qui semble être la règle.
258. Le Comité reconnaît le terrible dilemme devant lequel Israël est placé
en raison des menaces terroristes qui pèsent sur sa sécurité, mais en tant qu'État
partie à la Convention, Israël ne peut pas invoquer devant le Comité l'existence
de circonstances exceptionnelles pour justifier des actes interdits par l'article
premier de la Convention, comme il est expressément énoncé à l'article 2 de
la Convention.
259. Le Comité est aussi préoccupé par les conséquences de la décision de la
Cour suprême israélienne d'annuler l'ordonnance interlocutoire dans l'affaire
Hamdan, qui a eu pour effet d'autoriser certaines des méthodes d'interrogatoire
précitées, d'en poursuivre l'utilisation et de les légitimer à des fins d'ordre
intérieur.
3. Recommandations
260. Le Comité recommande à l'État partie :
a) De mettre immédiatement fin à l'emploi, lors des interrogatoires, des méthodes
précitées et de toutes autres méthodes contraires aux dispositions des articles
1 et 16 de la Convention;
b) D'incorporer par une loi les dispositions de la Convention et en particulier
la définition de la torture figurant à l'article premier de la Convention au
droit interne, ainsi que l'envisage actuellement le Comité d'experts de la Commission
ministérielle pour les questions législatives;
c) D'envisager de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la
Convention et de retirer la réserve émise à propos de l'article 20;
d) De rendre en tout état de cause publiques, dans leur intégralité, les procédures
d'interrogatoire énoncées dans les règles de la Commission Landau;
e) De fournir des renseignements sur les mesures prises comme suite aux présentes
conclusions et recommandations dans son deuxième rapport périodique, qui devait
être présenté avant le 1er novembre 1996. Ce rapport devra être soumis dès que
possible, et en tout état de cause le 1er septembre 1997 au plus tard, afin
que le Comité puisse l'examiner à sa prochaine session.