University of Minnesota



Observations finales du Comité contre la torture, Irlande U.N. Doc. CAT/C/IRL/CO/1 (2011).


 


CA T/C/IRL/CO/1

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Comité contre la torture

Quarante-sixième session

9 mai-3 juin 2011

Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 19 de la Convention

Observations finales du Comité contre la torture

Irlande

1. Le Comité contre la torture a examiné le rapport initial de l’Irlande (CAT/C/IRL/1) à ses 1002e et 1005e séances (CAT/C/SR.1002 et 1005), les 23 et 24 mai 2011, et a adopté, à sa 1016e séance (CAT/C/SR.1016), le 1er juin 2011, les observations finales ci-après.

A. Introduction

2. Le Comité se félicite de la présentation du rapport initial de l’État partie mais regrette que celle-ci soit intervenue avec un retard de huit ans, qui a empêché le Comité de suivre la mise en œuvre de la Convention dans l’État partie. Il note aussi que le rapport de l’État partie suit généralement les directives mais manque de renseignements précis sur la mise en œuvre de la Convention.

3. Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a envoyé une délégation de haut niveau à la quarante-sixième session du Comité et se réjouit de la possibilité qu’il a eue d’engager un dialogue constructif sur de nombreux domaines visés par la Convention. Le Comité remercie aussi l’État partie des réponses écrites détaillées qu’il a communiquées au moment de l’examen du rapport de l’État partie.

B. Aspects positifs

4. Le Comité salue le fait que l’État partie ait ratifié les instruments internationaux et régionaux ci-après:

a) Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le 8 décembre 1989; discrimination raciale, le 29 décembre 2000;

b) La Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de

c) La Convention relative aux droits de l’enfant, le 28 septembre 1992;

d) La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le 23 décembre 1985;

e) La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, le 17 juin 2010;

f) Le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, le 17 juin 2010;

g) Le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, le 18 juin 1993;

h) La Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, le 13 juillet 2010.

5. Le Comité se félicite de la promulgation des textes de loi ci-après: a) La loi pénale de 2008 (Traite des êtres humains); b) La loi de 2006 relative à la Cour pénale internationale.

6. Le Comité se félicite également du Plan d’action national 2009-2012 visant à prévenir et combattre la traite des êtres humains en Irlande.

7. Il salue en outre la mise au point de la Stratégie nationale 2010-2014 contre les violences domestiques, sexuelles et sexistes.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations Réduction des ressources financières allouées aux institutions des droits de l’homme

8. Tout en saluant l’engagement pris par l’État partie d’allouer des ressources aux institutions des droits de l’homme, le Comité se dit préoccupé par les informations reçues selon lesquelles les coupes budgétaires auraient affecté de manière disproportionnée, en comparaison des autres institutions publiques, plusieurs institutions des droits de l’homme mandatées pour promouvoir et surveiller les droits de l’homme, notamment la Commission irlandaise des droits de l’homme (CIDH). De plus, tout en prenant acte de la décision prise de transférer la CIDH du Département des affaires communautaires, de l’égalité et du Gaéltacht au Département de la justice et de l’égalité, le Comité regrette que la CIDH ne rende pas directement compte au Parlement et ne jouisse pas de l’autonomie financière (art. 2).

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les coupes budgétaires actuellement imposées aux institutions des droits de l’homme et en particulier à la Commission irlandaise des droits de l’homme ne se traduisent pas par un rétrécissement de ses activités et ne la mettent pas dans l’incapacité d’accomplir son mandat. L’État partie est encouragé à cet égard à redoubler d’efforts pour s’assurer que les institutions des droits de l’homme continuent à assumer leur mission avec efficacité. Le Comité recommande en outre à l’État partie de renforcer l’indépendance de la CIDH, notamment en la rendant directement responsable devant le Parlement et en lui accordant l’autonomie financière, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la protection et la promotion des droits de l’homme (Principes de Paris).

Vols à des fins de transfert

9. Le Comité prend note avec préoccupation des différentes informations selon lesquelles l’État partie aurait coopéré à un programme de transfert, dans le cadre duquel les aéroports et l’espace aérien de l’État partie auraient été utilisés. Il s’inquiète aussi de la réponse inadéquate de l’État partie concernant les enquêtes menées sur ces allégations (art. 3).

L’État partie devrait fournir davantage d’informations sur les mesures concrètes prises pour enquêter sur les allégations d’implication de l’État partie dans des programmes de transfert et d’utilisation de ses aéroports et de son espace aérien par des vols de «transfert illégal». L’État partie devrait apporter des éclaircissements sur ces mesures ainsi que sur l’issue des enquêtes et faire le nécessaire pour prévenir de tels faits.

Réfugiés et protection internationale

10. Tout en prenant acte du fait que les demandes d’asile relevant du Règlement Dublin II sont susceptibles de recours devant le Tribunal d’appel en matière de statut de réfugié dans l’État partie, le Comité relève avec préoccupation que la formation d’un recours n’a pas d’effet suspensif sur les décisions contestées. Il note aussi avec préoccupation que le projet de loi de 2008 sur l’immigration, la résidence et la protection, s’il consacre l’interdiction du non-refoulement, ne précise pas la procédure à suivre. De plus, le Comité prend note d’informations faisant état d’une chute considérable de la proportion des demandes du statut de réfugié auxquelles est donnée une suite favorable (art. 3 et 14).

Le Comité recommande à l’État partie de continuer à s’efforcer d’améliorer la protection des personnes ayant besoin d’une protection internationale. À ce propos, l’État partie devrait envisager de modifier le projet de loi sur l’immigration, la résidence et la protection afin de le mettre en conformité avec la Convention, en particulier en ce qui concerne les droits des migrants au réexamen juridictionnel des décisions administratives, comme le lui avait aussi recommandé le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD/C/IRL/CO/3-4, par. 15). Le Comité recommande aussi à l’État partie d’envisager de modifier sa législation de manière à ce que la formation d’un recours auprès du Tribunal d’appel en matière de statut de réfugié ait un effet suspensif sur la décision contestée. De plus, il lui recommande d’enquêter sur la baisse considérable du nombre de demandes du statut de réfugié auxquelles est donnée une suite favorable afin de s’assurer que ces demandes sont bien traitées selon la procédure régulière.

Conditions carcérales

11. Le Comité prend acte des mesures prises par l’État partie pour réduire la surpopulation carcérale, notamment l’agrandissement des centres pénitentiaires existants et la rénovation de certains d’entre eux ainsi que la prise de mesures de substitution à la privation de liberté afin de réduire le nombre d’individus envoyés en prison, parmi lesquelles l’adoption de la loi de 2010 relative aux amendes. Il demeure toutefois vivement préoccupé par les informations selon lesquelles la surpopulation reste un problème aigu (art. 11 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie:

a) D’arrêter des calendriers précis pour la construction de nouveaux établissements pénitentiaires conformes aux normes internationales. Le Comité prie à cet égard l’État partie de l’informer de toute décision prise concernant le projet de prison de Thornton Hall;

b) D’adopter une politique de développement des mesures de substitution à la privation de liberté et notamment de promulguer la loi portant modification de la loi de 1983 relative au travail d’intérêt général, à l’état de projet, qui prévoit que les juges soient tenus d’envisager des travaux d’intérêt général plutôt qu’une peine d’emprisonnement dans tous les cas où la peine encourue est inférieure ou égale à douze mois d’emprisonnement;

c) D’accélérer le processus de ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et la création d’un mécanisme national de prévention.

12. Le Comité prend note des efforts de l’État partie pour équiper toutes les cellules de sanitaires mais constate avec préoccupation que les tinettes restent utilisées dans certains établissements pénitentiaires et souligne que cela constitue un traitement inhumain et dégradant (art. 11 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour éliminer sans délai la pratique du vidage de la tinette, en commençant par les cellules partagées. Il lui recommande en outre d’engager une action concertée pour veiller à ce que, dans l’attente de l’installation de sanitaires dans toutes les cellules, tous les prisonniers soient autorisés à sortir à tout moment de leur cellule pour utiliser les toilettes.

13. Le Comité prend note des éclaircissements apportés par l’État partie sur le recours aux cellules d’observation spéciale. Il note aussi avec intérêt qu’à la suite d’une recommandation de l’Inspecteur des prisons, l’administration pénitentiaire est en voie de réserver les cellules d’observation de sécurité à des fins médicales uniquement, ce qui donnera lieu à une modification du règlement pénitentiaire (art. 11 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à suivre les orientations données par l’Inspecteur des prisons dans son rapport daté du 7 avril 2011 concernant l’usage qu’il conviendrait de faire des cellules d’observation de sécurité et des cellules d’observation rapprochée.
14. Le Comité s’inquiète d’informations reçues selon lesquelles les soins de santé fournis dans un certain nombre de prisons de l’État partie laissent à désirer (art. 11 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie d’améliorer les soins de santé dans tous les établissements pénitentiaires, à la lumière des orientations formulées par l’Inspecteur des prisons dans son rapport daté du 18 avril 2011.

Violence entre détenus

15. Le Comité prend acte des mesures que l’État partie a adoptées pour résoudre les problèmes de violence entre détenus. Il reste néanmoins préoccupé par les taux d’incidents, qui continuent à être élevés dans certains établissements de détention, ainsi que par les informations selon lesquelles les détenus de la communauté du voyage de la prison de Cork se plaindraient d’être systématiquement l’objet d’actes d’intimidation de la part d’autres détenus (art. 11 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour s’attaquer à la violence entre détenus, notamment:

a) En s’attaquant aux facteurs qui contribuent à la violence entre détenus, tels que la disponibilité de stupéfiants, l’existence de bandes rivales, le manque d’activités constructives et le manque d’espace ou encore la médiocrité des conditions matérielles de détention;

b) En assurant une dotation en personnel suffisante et en veillant à ce que ce personnel soit formé à la gestion de la violence entre détenus;

c) En luttant contre les actes d’intimidation à l’encontre des membres de la communauté du voyage et en ouvrant une enquête sur toute allégation d’intimidation de ce type.

Le Comité recommande en outre à l’État partie de lui fournir des données statistiques afin qu’il puisse évaluer l’efficacité des mesures prises pour combattre la violence entre détenus.

Séparation des détenus

16. Tout en saluant les efforts déployés par l’État partie pour appliquer dans toute la mesure possible le principe de séparation des condamnés et des prévenus, le Comité relève avec inquiétude que ce principe n’est toujours pas appliqué (art. 11 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre d’urgence les mesures qui s’imposent pour séparer les condamnés des prévenus.
Placement en détention de réfugiés et de demandeurs d’asile

17. Le Comité note avec inquiétude que des personnes détenues en raison de leur statut migratoire sont placées dans des établissements pénitentiaires ordinaires avec des condamnés et des prévenus (art. 11 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour que toutes les personnes détenues pour des raisons d’ordre migratoire soient placées dans des structures adaptées à leur statut.

Mécanismes de plainte et d’enquête

18. Le Comité prend acte des informations communiquées par l’État partie sur les enquêtes menées suite aux plaintes de détenus contre du personnel pénitentiaire en rapport avec des incidents qui seraient survenus dans les prisons ci-après: Portlaoise, le 30 juin 2009; Mountjoy, les 15 juin 2009 et 12 janvier 2010; Cork, le 16 décembre 2009; et Midlands, le 7 juin 2009. Le Comité relève avec inquiétude qu’il n’y a eu d’enquête indépendante et effective sur les allégations de mauvais traitements infligés par le personnel pénitentiaire dans aucune de ces affaires. L’Inspecteur des prisons a conclu, dans son rapport du 10 septembre 2010 intitulé «Guidance on best practice for dealing with prisoners complaints» (Orientations sur les meilleures pratiques en matière de traitement des plaintes des détenus), qu’il n’y avait pas d’organisme indépendant de plainte et d’enquête pour mener des investigations sur les plaintes des prisonniers et que les procédures en vigueur ne tenaient pas compte des meilleures pratiques, et a recommandé l’établissement d’un mécanisme indépendant chargé de recevoir les plaintes contre le personnel pénitentiaire et d’enquêter sur celles-ci (art. 2, 12, 13 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie:

a) D’instituer un mécanisme indépendant et efficace de plainte et d’enquête pour faciliter le dépôt de plaintes par les victimes de torture et de mauvais traitements de la part de membres du personnel pénitentiaire et de veiller à ce que dans la pratique les plaignants soient protégés contre tout acte d’intimidation ou de représailles du fait de leur plainte;

b) D’ouvrir rapidement des enquêtes impartiales et approfondies sur toutes les allégations de torture ou de mauvais traitements par des membres du personnel pénitentiaire;

c) De veiller à ce que tous les fonctionnaires visés par des allégations d’une violation quelconque de la Convention soient suspendus de leurs fonctions le temps des enquêtes;

d) De communiquer au Comité des renseignements sur le nombre de plaintes déposées pour actes présumés de torture ou de maltraitance par des membres du personnel pénitentiaire, le nombre d’enquêtes menées à bien et le nombre de poursuites et de condamnations, ainsi que sur les réparations accordées aux victimes.

19. Le Comité se félicite de l’établissement, en 2005, de la Commission du Médiateur de la Garda Síochána (CMGS), dont les membres ne peuvent être ni des membres en exercice ni d’anciens membres de la Garda Síochána (forces de police). La CMGS est habilitée à enquêter sur les plaintes pour torture et mauvais traitements déposées contre des membres de la Garda Síochána. Toutefois, le Comité regrette que celle-ci puisse également renvoyer les plaintes au Commissaire de la Garda (police), lequel peut procéder aux enquêtes de manière indépendante ou sous la supervision de la CMGS, sauf s’agissant d’une plainte pour décès ou préjudice corporel grave en garde à vue. Le Comité s’inquiète aussi d’informations selon lesquelles la CMGS a soumis des propositions d’amendement à la loi de 2005 relative à la Garda Síochána dans un certain nombre de domaines, à l’effet notamment de permettre à la CMGS de renvoyer des enquêtes à la Garda Síochána, ce qui autoriserait la police à enquêter sur les agissements de ses propres membres (art. 2, 12, 13 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie de garantir par la loi que toutes les allégations de torture et de mauvais traitements par des membres de la police fassent l’objet d’enquêtes directement menées par la Commission du Médiateur de la Garda Síochána et que les fonds alloués à cette Commission soient suffisants pour lui permettre de mener ses missions à bien de manière rapide et impartiale et de traiter l’arriéré de plaintes et d’enquêtes qui s’est accumulé. Le Comité invite de plus l’État partie à lui fournir des données statistiques concernant: a) le nombre de plaintes pour torture ou mauvais traitements déposées à l’encontre de membres du personnel pénitentiaire, le nombre d’enquêtes ouvertes et le nombre de poursuites engagées et de condamnations prononcées; et b) le nombre d’affaires ayant été renvoyées à la Garda Síochána.

Suite donnée au Rapport Ryan

20. Le Comité prend note des efforts faits par l’État partie concernant le plan qu’il avait adopté en 2009 pour mettre en œuvre les recommandations présentées dans le rapport de la Commission d’enquête sur les maltraitances à enfants (Rapport Ryan). Il s’inquiète cependant de ce que, selon une déclaration faite par le Médiateur pour l’enfance en mars 2011, d’importants engagements pris dans le cadre de ce plan n’ont toujours pas été traduits en actes. Le Comité est également gravement préoccupé du fait qu’en dépit des conclusions du Rapport Ryan selon lesquelles «les mauvais traitements physiques et psychologiques et le délaissement étaient des caractéristiques intrinsèques des institutions» et «des sévices sexuels avaient été commis dans beaucoup d’entre elles, en particulier dans les institutions pour garçons», il n’y avait eu aucun suivi de la part de l’État partie. Le Comité relève aussi avec préoccupation que, malgré les nombreux éléments de preuve rassemblés par la Commission, l’État partie n’a saisi la justice que dans 11 affaires, dont 8 ont été rejetées (art. 12, 13, 14 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie:

a) D’indiquer comment il se propose de mettre en œuvre l’ensemble des recommandations de la Commission d’enquête sur les maltraitances à enfants, en précisant quel calendrier il entend suivre à cet égard;

b) D’ouvrir rapidement des enquêtes indépendantes et approfondies sur tous les cas de mauvais traitements signalés dans le rapport et, le cas échéant, de poursuivre et sanctionner les auteurs;

c) De garantir à toutes les victimes de mauvais traitements le droit d’obtenir réparation et d’être indemnisés, y compris les moyens nécessaires à leur réadaptation la plus complète possible.

Laveries des sœurs de Marie-Madeleine

21. Le Comité est gravement préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas, faute d’avoir inspecté les laveries des sœurs de Marie-Madeleine et d’avoir encadré leur fonctionnement, protégés les femmes et les jeunes filles qui y ont été recluses contre leur gré entre 1922 et 1996 et y auraient subi des mauvais traitements physiques, psychologiques et autres constituant des violations de la Convention. Le Comité fait également part de ses graves préoccupations face à l’absence d’enquêtes rapides, indépendantes et approfondies de l’État partie sur les allégations de mauvais traitements à l’encontre de femmes et de jeunes filles dans les laveries des sœurs de Marie-Madeleine (art. 2, 12, 13, 14 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie d’ouvrir rapidement des enquêtes indépendantes et approfondies sur toutes les plaintes relatives à des actes constitutifs de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui auraient été commis dans les laveries des sœurs de Marie-Madeleine et, le cas échéant, de poursuivre et sanctionner les auteurs en leur imposant des peines à la hauteur de la gravité des actes commis et en garantissant à toutes les victimes le droit d’obtenir réparation et d’être indemnisées, y compris les moyens nécessaires à leur réadaptation la plus complète possible.

Enfants en détention

22. Le Comité prend note de la politique suivie par l’État partie, qui consiste à placer les enfants en détention dans des centres éducatifs de détention pour mineurs sous la supervision du Service de la justice pour mineurs. Il s’inquiète toutefois sérieusement du fait que des garçons de 16 et 17 ans sont toujours détenus au centre pénitentiaire de Saint-Patrick, qui n’est pas un établissement de prise en charge spécialement conçu pour les enfants mais un établissement fermé de moyenne sécurité. Le Comité s’inquiète aussi de ce que, contrairement à l’engagement qu’il avait pris de mettre un terme au placement en détention de jeunes enfants au centre de Saint-Patrick, l’État partie n’a toujours pas entériné la décision de procéder à la construction de nouvelles structures nationales de détention pour mineurs (art. 2, 11 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie de procéder, sans délai, à la construction des nouvelles structures nationales de détention pour mineurs à Oberstown. Il lui recommande dans l’intervalle de prendre toutes les mesures voulues pour cesser de maintenir des enfants en détention au centre pénitentiaire de Saint-Patrick et de transférer les enfants concernés dans des structures appropriées.

23. Le Comité exprime les vives préoccupations que lui inspire le fait que le Médiateur pour l’enfance ne soit pas mandaté pour enquêter sur les allégations d’actes contraires à la Convention survenus au centre pénitentiaire de Saint-Patrick, ce qui prive les enfants se trouvant dans cette institution d’accès à tout mécanisme de plainte (art. 12 et 13).

Le Comité recommande à l’État partie de revoir sa législation relative à la création du Médiateur pour l’enfance en vue d’habiliter celui-ci à enquêter sur toute plainte de torture ou de mauvais traitements d’enfants placés au centre pénitentiaire de Saint-Patrick.

Châtiments corporels

24. Tout en prenant note de ce que les châtiments corporels sont interdits à l’école et dans le système pénal, le Comité est gravement préoccupé de constater que ce type de châtiments est autorisé dans la famille dans le cadre du droit que confère la common law aux parents de recourir à des «châtiments raisonnables et modérés» pour éduquer leurs enfants ainsi que dans certains établissements de protection de remplacement (art. 2 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie d’interdire tous les châtiments corporels à enfants dans tous les contextes, de mener des campagnes d’information pour sensibiliser les parents et le grand public aux effets néfastes de ces châtiments, et de promouvoir des formes de discipline non violentes, positives, en remplacement des châtiments corporels.

Interdiction des mutilations génitales féminines

25. Le Comité prend acte de l’intention de l’État partie de remettre à l’ordre du jour du Seanad (Parlement) le projet de loi sur la justice pénale (mutilations génitales féminines), qui criminalise les mutilations génitales féminines et prévoit plusieurs infractions dans ce cadre, dont certaines pour lesquelles les tribunaux irlandais peuvent exercer une compétence extraterritoriale. Le Comité regrette néanmoins l’absence de législation interdisant les mutilations génitales féminines, alors même qu’il ressort de données reposant sur un recensement mené en 2006 qu’environ 2585 femmes ont subi des mutilations génitales féminines dans l’État partie (art. 2 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie:

a) De hâter l’examen par le Seanad du projet de loi sur la justice pénale (mutilations génitales féminines);

b) De mettre en œuvre des programmes ciblés en vue de sensibiliser toutes les couches de la population aux effets extrêmement néfastes des mutilations génitales féminines;

c) De définir explicitement dans la loi les mutilations génitales féminines comme une forme de torture.

A vortement

26. Le Comité prend note de la préoccupation exprimée par la Cour européenne des droits de l’homme quant à l’absence de procédure effective et accessible au niveau national aux fins de déterminer si certaines grossesses présentent un risque médical réel et majeur pour la vie de la mère (affaire A, B et C c. Irlande), ce qui engendre des incertitudes chez les femmes et leurs médecins, lesquels encourent aussi des poursuites ou des sanctions si leur avis ou leur traitement est jugé illégal. Le Comité se dit inquiet du manque de clarté évoqué par la Cour et de l’absence de cadre juridique auquel se référer pour trancher en cas d’avis divergents. Relevant le risque de poursuites pénales et d’emprisonnement pesant à la fois sur les femmes et sur leurs médecins, le Comité indique avec inquiétude que cela peut soulever des problèmes constitutifs de violation de la Convention. Le Comité salue l’intention de l’État partie, exprimée au cours du dialogue avec le Comité, d’établir un groupe d’experts pour étudier la décision de la Cour. Il n’en reste pas moins préoccupé du fait que malgré la jurisprudence déjà existante autorisant l’avortement, aucune législation n’a été mise en place, ce qui a des conséquences graves dans certains cas individuels − les mineures, les femmes migrantes et les femmes en situation de pauvreté étant particulièrement touchées (art. 2 et 16).

Le Comité engage instamment l’État partie à clarifier par voie législative le champ de la légalité de l’avortement et de prévoir des procédures adéquates pour arbitrer les avis médicaux divergents ainsi que des services adaptés pour la réalisation des interruptions volontaires de grossesse dans l’État partie, de manière à mettre son droit et sa pratique en conformité avec la Convention.

Violence contre les femmes, y compris au sein de la famille

27. Le Comité se félicite des mesures prises par l’État partie pour prévenir la violence à l’égard des femmes et venir en aide aux victimes, telles que l’adoption de la Stratégie nationale contre les violences domestiques, sexuelles et sexistes (2010-2014). Il est toutefois vivement préoccupé par les informations faisant état de taux de violence familiale à l’encontre des femmes toujours élevés et de réductions, en 2009 et en 2010, des fonds alloués aux services d’accueil et de soutien des victimes de violence.

Le Comité engage instamment l’État partie:

a) À intensifier ses efforts pour prévenir la violence à l’égard des femmes, notamment en veillant à la mise en œuvre effective de la Stratégie nationale contre les violences domestiques, sexuelles et sexistes, y compris en collectant des données pertinentes;

b) À accentuer son soutien, y compris financier, aux services d’accueil et d’assistance proposés aux victimes de violences domestiques;

c) À ouvrir rapidement des enquêtes impartiales et approfondies sur toute allégation de violence familiale et, le cas échéant, à engager les poursuites et à prononcer les condamnations qui s’imposent;

d) À modifier la loi de 1996 sur la violence dans la famille afin d’y inclure des critères clairs pour l’adoption de mesures de protection et d’interdictions et d’étendre cette possibilité à toutes les parties ayant ou ayant eu des relations intimes, indépendamment du fait qu’elles vivent ensemble ou non, conformément aux meilleures pratiques internationalement reconnues;

e) À faire en sorte que les femmes migrantes, dont le statut migratoire dépend de leur conjoint, qui sont victimes de violence familiale se voient accorder de par la loi un statut indépendant.

Traitement des handicapés mentaux

28. Le Comité fait part de ses préoccupations quant au fait que l’État partie ne s’appuie pas assez sur la définition de patient volontaire pour protéger le droit à la liberté des individus susceptibles d’être admis dans un service de santé mentale agréé. Il regrette en outre le manque de clarté qui entoure la requalification des personnes atteintes de troubles mentaux de «patients volontaires» en «patients involontaires» (art. 2 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie de revoir sa loi de 2001 sur la santé mentale afin de faire en sorte qu’elle soit conforme aux normes internationales. Il lui recommande en conséquence de rendre compte dans son deuxième rapport périodique des mesures spécifiques adoptées pour mettre sa législation en conformité avec les normes internationalement reconnues.

Protection des mineurs séparés et non accompagnés

29. Tout en prenant acte des informations communiquées par l’État partie à propos de la procédure visant à protéger les mineurs séparés et non accompagnés prévue dans le mandat de la Direction des services de santé, le Comité se dit profondément préoccupé de ce que 509 enfant au total ont été portés disparus entre 2000 et 2010 et seulement 58 ont été retrouvés. Le Comité regrette par ailleurs que l’État partie n’ait pas donné de renseignements sur les mesures prises pour prévenir ce phénomène et protéger ces mineurs d’autres formes d’exploitation (art. 2 et 16).

L’État partie devrait prendre des mesures pour protéger les mineurs séparés et non accompagnés. Il devrait aussi fournir des données sur les mesures spécifiques adoptées pour les protéger.

Formation des forces de l’ordre

30. Tout en prenant note avec satisfaction des renseignements fournis par l’État partie sur les programmes de formation générale des membres de la Garda Síochána, le Comité s’inquiète de l’absence de formation spécifique à l’intention aussi bien des forces de l’ordre, s’agissant de l’interdiction de la torture et des mauvais traitements, que des médecins, sur le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) (art. 2, 10 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie:

a) De veiller à ce que les forces de l’ordre reçoivent, de manière régulière et systématique, la formation nécessaire aux dispositions de la Convention, en particulier en ce qui concerne l’interdiction de la torture;

b) De s’assurer que le personnel médical et toute autre personne susceptible de prendre part à la détention, l’interrogatoire ou le traitement des personnes soumises à une quelconque forme d’arrestation, de détention ou d’emprisonnement ou bien à la recherche d’éléments de preuve, ou encore à des enquêtes sur des cas de torture, reçoivent, de manière régulière et systématique, une formation portant sur le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) et que ce Manuel soit traduit dans toutes les langues voulues. L’État partie devrait aussi veiller à ce que ladite formation soit également assurée aux individus impliqués dans les procédures de détermination du statut de réfugié;

c) De mettre au point et d’appliquer une méthodologie pour évaluer l’efficacité et l’impact de tels programmes d’éducation et de formation en termes de prévention de la torture et des mauvais traitements et d’évaluer régulièrement les formations dispensées aux forces de l’ordre;

d) D’intensifier ses efforts pour appliquer une approche soucieuse de l’égalité entre les sexes dans la formation des personnes qui sont chargées de la garde, de l’interrogatoire ou du traitement de toute personne mise en état d’arrestation ou en détention;

e) De redoubler d’efforts pour assurer la formation des forces de l’ordre et autres professionnels en ce qui concerne le traitement des groupes vulnérables risquant particulièrement de faire l’objet de mauvais traitements, notamment les enfants, les migrants, les membres de la communauté du voyage et les Roms, entre autres;

f) De renforcer la formation professionnelle dans les hôpitaux et les établissements médicaux et sociaux.

31. Le Comité invite l’État partie à ratifier les principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie: la Convention internationale sur la protection de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille; la Convention relative aux droits des personnes handicapées et la Convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

32. L’État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité ainsi que les comptes rendus analytiques des séances auxquelles il a été examiné et les présentes observations finales, dans les langues voulues, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

33. Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 8, 20, 21 et 25 du présent document.

34. Le Comité invite l’État partie à présenter son prochain rapport périodique en respectant la limite de 40 pages fixée pour le document spécifique à la Convention. Il l’invite également à actualiser son document de base commun (HRI/CORE/1/Add.15/Rev.1) conformément aux instructions relatives au document de base qui figurent dans les Directives harmonisées pour l’établissement des rapports à présenter en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN.2/Rev.6) approuvées par la Réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, et à respecter la limite de 80 pages fixée pour le document de base commun. Le document spécifique à la Convention et le document de base commun constituent conjointement les documents que l’État partie est tenu de soumettre pour s’acquitter de son obligation de faire rapport en vertu de la Convention.

35. L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, qui sera le deuxième, le 3 juin 2015 au plus tard.



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