University of Minnesota



Observations finales du Comité contre la torture, Ghana, U.N. Doc. CCA T/C/GHA/CO/1 (2011).


 


CA T/C/GHA/CO/1

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Comité contre la torture

Quarante-sixième session

9 mai-3 juin 2011

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention

Observations finales du Comité contre la torture

Ghana

1. Le Comité contre la torture a examiné le rapport initial du Ghana (CAT/C/GHA/1) à ses 992e et 995e séances (CAT/C/SR.992 et 995), les 16 et 17 mai 2011, et a adopté à sa 1011e séance (CAT/C/SR. 1011) les observations finales ci-après.

A. Introduction

2. Le Comité accueille avec satisfaction la soumission du rapport initial du Ghana. Il regrette néanmoins que les Directives générales concernant la forme et le contenu des rapports initiaux (CAT/C/4/Rev.3) n’aient dans l’ensemble pas été suivies et que le rapport ait été présenté avec près de huit ans de retard, ce qui a empêché le Comité de procéder à une analyse de la mise en œuvre de la Convention dans l’État partie depuis la ratification, en 2000. Le Comité regrette aussi l’absence, dans le rapport, de données statistiques et de renseignements concrets sur la mise en œuvre des dispositions de la Convention.

3. Le Comité apprécie le dialogue franc et ouvert qu’il a eu avec la délégation de l’État partie, ainsi que les renseignements complémentaires qui ont été apportés pendant l’examen du rapport.

B. Aspects positifs

4. Le Comité salue les efforts entrepris et les progrès réalisés par l’État partie depuis le rétablissement de la démocratie, en janvier 1993.

5. Le Comité note avec satisfaction que depuis l’entrée en vigueur de la Convention pour l’État partie, en 2000, le Ghana a ratifié les instruments internationaux et régionaux ci-après ou y a adhéré:

a) Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en 2000;

b) Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Protocole facultatif s’y rapportant, reconnaissant la compétence du Comité des droits de l’homme pour examiner les communications émanant de particuliers, en 2000;

c) La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, en 2000;

d) Le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, en 2011.

6. Le Comité prend note des efforts entrepris par l’État partie pour réformer sa législation afin de mieux protéger les droits de l’homme et relève en particulier:

a) L’adoption en 2003 de la loi relative à la justice pour mineurs (loi no 653);

b) L’adoption en 2005 de la loi sur la traite des êtres humains (loi no 694), modifiée en 2009;

c) L’adoption en 2007 de la loi sur la violence dans la famille (loi no 732);

d) L’adoption en 2007 du Code pénal modifié (loi no 741), qui érige en infraction les mutilations génitales féminines.

7. Le Comité note avec satisfaction que le Ghana a fait le 9 février 2011 la déclaration visée au paragraphe 6 de l’article 34 du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, acceptant la compétence de la Cour pour recevoir et examiner les requêtes des individus et des organisations non gouvernementales, conformément au paragraphe 3 de l’article 5 du Protocole.

8. Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a adressé une invitation permanente aux titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme et se félicite de la récente visite du Rapporteur spécial sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible.

C.  Principaux sujets de préoccupation et recommandations Définition du délit de torture

9. Le Comité note que le paragraphe 2 a) de l’article 15 de la Constitution de 1992 interdit la torture et les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, mais regrette que la définition du délit de torture donnée à l’article premier de la Convention n’ait pas encore été incorporée au Code pénal. Le Comité note avec intérêt les renseignements apportés par la délégation de l’État partie qui a indiqué que le bureau du Procureur général avait demandé l’approbation du Cabinet en vue de l’incorporation de la Convention dans le droit interne, qui sera ensuite soumise au Parlement pour examen, conformément à l’article 106 de la Constitution (art. 1er et 4).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour introduire dans sa législation l’infraction de torture et pour adopter une définition de la torture qui couvre tous les éléments figurant à l’article premier de la Convention. Il devrait également veiller à ce que ces infractions soient passibles de peines appropriées qui prennent en considération leur gravité, conformément au paragraphe 2 de l’article 4 de la Convention.

Garanties juridiques fondamentales

10. Le Comité prend note des mesures adoptées par l’État partie pour garantir la régularité de la procédure, y compris le droit de tous les détenus d’avoir immédiatement accès à un avocat, d’être examinés par un médecin, d’être immédiatement informés de leurs droits dans une langue qu’ils comprennent et d’être déférés devant un juge dans un délai de quarante-huit heures après leur arrestation. Il note également que certains postes de police sont équipés de caméras de télévision en circuit fermé. Il est toutefois préoccupé par les informations selon lesquelles les suspects ne sont pas déférés devant un juge dans les quarante-huit heures qui suivent l’arrestation et d’autres selon lesquelles certains policiers signeraient eux-mêmes les mandats de mise en détention et conduiraient directement les suspects en prison. Le Comité s’inquiète aussi du nombre extrêmement faible d’avocats intervenant au titre de l’aide juridictionnelle qui empêche les justiciables de bénéficier de l’assistance d’un conseil. En outre, le Comité est préoccupé par le contenu des points 10 à 13 de l’Instruction 171 destinée aux services de police, qui prévoit que les examens médicaux se font sous le contrôle des «médecins officiels», lesquels doivent assister aux examens pratiqués par des médecins indépendants (art. 2, 11 et 12).

L’État partie devrait prendre des mesures efficaces pour que les garanties juridiques fondamentales visant à protéger les personnes arrêtées par la police soient respectées, notamment le droit d’être rapidement informées des raisons de leur arrestation et des accusations portées contre elles, le droit de comparaître devant un juge dans les délais prévus par la loi et le droit d’être examinées par un médecin indépendant ou par le médecin de leur choix.

L’État partie devrait aussi:

a) Garantir à tous les détenus la possibilité de contester efficacement et rapidement la légalité de leur détention au moyen de la procédure d’habeas corpus;

b) Procéder systématiquement à l’enregistrement audio et vidéo des interrogatoires de tous les suspects;

c) Augmenter le nombre d’avocats au titre de l’aide juridictionnelle;

d) Faire en sorte que toutes les personnes privées de liberté soient rapidement enregistrées et que les registres de détention des postes de police et des établissements pénitentiaires soient régulièrement examinés pour vérifier qu’ils sont tenus à jour conformément aux procédures établies par la loi;

e) Garantir le caractère confidentiel des données médicales. L’examen médical des personnes en garde à vue devrait se dérouler hors de la présence de fonctionnaires, sauf circonstances exceptionnelles et justifiables.

Interdiction absolue de la torture

11. Le Comité prend note des informations données par l’État partie au sujet des principes constitutionnels qui régissent la déclaration et l’application de l’état d’urgence, mais il est préoccupé par l’absence de dispositions légales précises prévoyant qu’il ne peut pas être dérogé à l’interdiction absolue de la torture en aucune circonstance (art. 2, par. 2).

L’État partie devrait inscrire dans la Constitution et d’autres lois le principe de l’interdiction absolue de la torture en vertu duquel aucune circonstance exceptionnelle ne peut être invoquée pour justifier de tels actes.

Peine capitale

12. Le Comité prend note avec intérêt des renseignements donnés par la délégation qui a indiqué que la peine de mort n’avait pas été prononcée dans l’État partie depuis le régime militaire qui a pris fin en 1993.

Le Comité invite l’État partie à envisager la possibilité d’abolir la peine de mort ou, tout au moins, de rendre officiel le moratoire de facto qui est appliqué actuellement en la matière. Le Comité encourage vivement l’État partie à envisager de ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort.

Aveux obtenus par la contrainte

13. Le Comité apprécie les renseignements et les précisions donnés par le représentant de l’État partie au sujet du décret de 1975 sur la preuve (NRCD 323), qui régit l’administration des preuves et qui prévoit que le tribunal ne peut pas considérer comme recevables des preuves obtenues en l’absence «d’un témoin indépendant accepté par l’accusé, autre qu’un policier ou un membre des forces armées». Le Comité est néanmoins préoccupé de voir que le texte ne fait pas expressément mention de la torture. Il s’inquiète également de l’absence de renseignements sur les éventuelles décisions des tribunaux ghanéens tendant à refuser des aveux obtenus par la torture (art. 15).

L’État partie devrait veiller à ce que la législation concernant les preuves produites dans une procédure soit rendue conforme aux dispositions de l’article 15 de la Convention, de façon à exclure expressément les preuves obtenues par la torture.

Le Comité demande à l’État partie de lui communiquer des renseignements sur l’application du décret de 1975 sur la preuve et de lui faire savoir si des fonctionnaires ont été poursuivis et sanctionnés pour avoir obtenu des aveux par la torture.

Institution nationale des droits de l’homme

14. Le Comité note qu’en 2008, dans le cadre de l’Examen périodique universel, le Ghana a accepté de renforcer encore les capacités de la Commission des droits de l’homme et de la justice administrative (CHRAJ) en lui allouant davantage de ressources, financières et autres. Il est néanmoins préoccupé de voir que, d’après les renseignements donnés par la délégation de l’État partie, qui comprenait notamment un représentant de la CHRAJ, la Commission ne reçoit pas de fonds suffisants pour mener à bien son programme.

L’État partie devrait renforcer l’indépendance de la Commission, notamment en lui allouant un budget de fonctionnement suffisant et en redoublant d’efforts pour qu’elle soit pleinement conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la protection et la promotion des droits de l’homme (Principes de Paris).

Torture et traitements cruels, inhumains ou dégradants envers les détenus (art. 2, 4, 11 et 15)

15. Le Comité est gravement préoccupé par la déclaration de l’État partie, qui reconnaît que la probabilité que des actes de torture soient perpétrés dans les centres de détention est élevée. Le Comité a demandé ce qui allait être fait pour mettre fin à cette pratique, notamment veiller à ce que les personnels pénitentiaires rendent compte de leurs actes et offrir une réparation aux victimes de torture. Le Comité s’inquiète de l’existence de textes législatifs autorisant les coups de canne ou de fouet, mais prend note du fait que de tels cas ne sont pas fréquents.

Le Comité engage l’État partie à prendre immédiatement des mesures efficaces pour enquêter sur tous les actes de torture et poursuivre et punir les auteurs, et à veiller à ce que la torture ne soit pas utilisée par le personnel chargé de faire appliquer la loi, notamment en réaffirmant clairement l’interdiction absolue de la torture et en condamnant publiquement sa pratique, en particulier par la police et le personnel pénitentiaire, et en faisant clairement savoir que quiconque commettrait de tels actes, en serait complice ou y participerait, serait tenu personnellement responsable devant la loi, et encourrait des poursuites pénales et des peines appropriées.

Conditions de détention

16. Le Comité prend note des renseignements donnés par l’État partie sur les mesures prises pour tenter de résoudre le problème de la surpopulation carcérale et de la détention provisoire prolongée, en particulier la construction d’un nouvel établissement pénitentiaire à Ankaful et le lancement du programme «Justice pour tous» en 2007. Il s’inquiète toutefois des taux d’occupation élevés constatés dans la majorité des centres de détention, qui sont décrits dans le rapport de l’État partie comme étant «dans un état déplorable» et «inhabitables». En outre, il est particulièrement préoccupé de continuer à recevoir des informations concernant le manque de personnel, les conditions déplorables dans le domaine de la santé et de l’hygiène, l’insuffisance des services de santé et l’insuffisance de la literie et de la nourriture. À ce sujet, le Comité note que les prisonniers n’ont qu’un repas par jour car l’État dépense moins d’un dollar des États-Unis par jour pour leur entretien. Le Comité se déclare aussi préoccupé par les informations faisant état d’un nombre limité de centres de détention provisoire pour les délinquants mineurs et de mauvaises conditions de vie dans ces établissements. Le Comité se félicite de voir que le nombre de décès en prison a nettement baissé (passant de 118 en 2008 à 55 en 2010), mais regrette l’absence d’informations sur les causes des décès. Il regrette aussi l’absence de renseignements sur les conditions de détention des migrants en situation irrégulière (art. 11).

L’État partie devrait:

a) Veiller à ce que les conditions de détention dans les prisons du pays soient compatibles avec l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus;

b) Intensifier ses efforts pour réduire la surpopulation carcérale, notamment en instituant des peines de substitution à la privation de liberté;

c) Continuer de mettre en œuvre des plans visant à améliorer et à développer l’infrastructure des prisons et les centres de détention provisoire, notamment ceux pour les délinquants mineurs;

d) Prendre des mesures visant à augmenter le nombre d’agents pénitentiaires;

e) Déterminer si les moyens dont disposent les établissements pénitentiaires pour dispenser des soins de santé sont suffisants et veiller à ce que l’assistance médicale fournie aux détenus soit de qualité;

f) Procéder à la révision de toutes les dispositions législatives autorisant les coups de canne ou de fouet en vue d’abolir ces pratiques, à titre prioritaire.

L’État partie devrait faire figurer dans son prochain rapport périodique des données statistiques sur les décès en détention signalés, ventilées par lieu de détention, sexe, âge, appartenance ethnique et cause du décès.

Établissements psychiatriques

17. Le Comité est préoccupé par les informations relatives au traitement inadéquat et aux mauvaises conditions de vie réservés aux patients atteints de troubles mentaux dans les établissements psychiatriques, en particulier à l’hôpital psychiatrique d’Accra. Il est préoccupé par les informations faisant état d’une surpopulation extrême, d’un manque de personnel qualifié et des mauvaises conditions matérielles et des conditions d’hygiène qui y règnent. Le Comité est aussi profondément préoccupé par la situation des personnes internées par décision de justice, qui auraient été abandonnées pendant des années. À ce sujet, il prend note avec intérêt des déclarations de la délégation de l’État partie qui a mentionné des projets visant à augmenter la capacité des établissements psychiatriques dans le pays et le projet de loi sur la santé mentale en lecture au Parlement, qui devrait prévoir un système de plaintes individuelles. Le Comité est vivement préoccupé d’apprendre que des personnes qui auraient dû quitter l’hôpital depuis longtemps sont toujours internées parce qu’il n’existe pas de moyens d’offrir des soins appropriés à la sortie ou qu’il n’existe pas d’autres structures ni d’établissements sûrs. Le Comité prend note des précisions données par la délégation, selon lesquelles la réinsertion des personnes déclarées aptes à reprendre une vie normale se heurte à un certain nombre de problèmes, parmi lesquels le rejet de la société, mais souligne que cela ne doit en aucun cas empêcher de concevoir d’autres systèmes de soins à la sortie de l’hôpital (art. 16).

L’État partie devrait:

a) Améliorer les conditions de vie des patients placés en établissement psychiatrique;

b) Veiller à ce qu’aucun placement en établissement psychiatrique n’ait lieu si ce n’est pas strictement nécessaire, à ce que toute personne qui n’a pas sa pleine capacité juridique soit placée sous tutelle de façon à permettre qu’elle soit véritablement représentée et que ses souhaits et intérêts soient défendus, et à ce qu’il soit procédé à un contrôle judiciaire efficace de la légalité de toute décision de placement ou de maintien d’une personne dans un établissement de soins, dans chaque cas;

c) Veiller à ce que tous les lieux où sont placés des patients atteints de troubles mentaux pour un traitement sans consentement soient visités par des organismes de surveillance indépendants afin que les garanties destinées à protéger les droits des patients soient dûment appliquées;

d) Concevoir d’autres formes de traitement, en particulier des traitements en milieu extrahospitalier, permettant notamment d’accueillir les personnes qui sortent de l’hôpital.

Contrôle et inspection des lieux de privation de liberté

18. Le Comité prend note des informations apportées par l’État partie selon lesquelles le Procureur général et un certain nombre d’organes indépendants effectuent régulièrement des inspections dans les établissements pénitentiaires. Cependant et malgré les explications données par la délégation, il reste préoccupé par le fait que l’organisation non gouvernementale Amnesty International, qui avait demandé à visiter les prisons, en mars 2008, s’est heurtée au refus du Gouvernement ghanéen qui a fait valoir l’«insécurité» (art. 2).

Le Comité invite l’État partie à mettre en place un système national indépendant efficace pour contrôler et inspecter tous les lieux de privation de liberté et à donner suite aux conclusions tirées de ce contrôle systématique.

L’État partie devrait renforcer sa coopération avec les organisations non gouvernementales qui mènent des activités de contrôle et leur apporter son soutien.

Le Comité recommande à l’État partie de fournir des informations détaillées sur le lieu, la date et l’heure et la périodicité des visites, y compris sur les visites inopinées, dans les lieux de privation de liberté, sur les constatations et sur les mesures prises suite à ces visites.
Enquêtes rapides, approfondies et impartiales

19. Le Comité est préoccupé par les informations faisant état d’impunité dans les affaires de torture et de mauvais traitements, y compris dans les cas de brutalités policières et d’usage excessif de la force. Il prend note des informations données par l’État partie sur quelques cas qui ont été très médiatisés, mais il demeure préoccupé par le fait que les agents des forces de l’ordre et les personnels militaires responsables d’actes de torture présumés sont rarement poursuivis. Il relève aussi avec préoccupation que l’État partie n’est pas en mesure d’apporter des renseignements sur certains des incidents précis sur lesquels il avait appelé l’attention et de l’absence de données statistiques sur les allégations de torture et de mauvais traitements et sur les résultats des enquêtes engagées au sujet de ces allégations. Il note que la création d’un service des poursuites indépendant a été proposée (art. 12 et 13).

L’État partie devrait prendre des mesures appropriées pour que:

a) Toutes les allégations de torture ou de mauvais traitements fassent sans délai l’objet d’enquêtes, approfondies et impartiales, que les auteurs de ces actes soient poursuivis et s’ils sont reconnus coupables soient condamnés à des peines qui tiennent compte de la gravité de leurs actes, et que les victimes reçoivent une indemnisation suffisante ainsi qu’une réadaptation complète;

b) Des données claires et fiables soient rassemblées sur les actes de torture et les mauvais traitements infligés à des personnes en garde à vue ou en prison et dans d’autres lieux de privation de liberté;

c) Tous les agents des forces de l’ordre et les personnels militaires suivent une formation approfondie sur les normes internationales relatives aux droits de l’homme, et en particulier celles qui sont énoncées dans la Convention.

Réfugiés et demandeurs d’asile

20. Le Comité constate, au vu d’informations, qu’en raison de la crise qui a suivi les élections en Côte d’Ivoire, plus de 14 178 Ivoiriens (dont 6 036 enfants) ont demandé asile à l’État partie depuis le 16 mai 2011. Parmi les nouveaux arrivés, on compte des personnes qui pourraient avoir pu faire l’objet de menaces directes et de violences du fait de l’affiliation politique qui leur est prêtée. Le Comité s’inquiète tout particulièrement des informations reçues au sujet de la présence soupçonnée de combattants parmi les personnes qui ont fui la Côte d’Ivoire dans des régions d’accueil de réfugiés, présence qui pourrait entraîner de graves problèmes de sécurité pour les réfugiés, les demandeurs d’asile et les communautés et menacer le caractère civil et humanitaire de l’asile. Il apprécie les efforts consentis par l’État partie pour répondre à cet afflux massif et l’encourage à établir les procédures requises pour identifier et séparer les combattants et statuer rapidement sur le statut de réfugié des demandeurs d’asile ivoiriens. Le Comité relève aussi avec préoccupation que 11 000 réfugiés du Libéria vivent au Ghana depuis plus d’une vingtaine d’années et que, selon les informations données par la délégation, l’État partie prévoit soit de les réinstaller soit de les renvoyer dans leur lieu d’origine (art. 3 et 16).

Le Comité demande à l’État partie de concevoir ses obligations dans une optique plus active aux niveaux régional et international en vertu du droit international des réfugiés. À cet effet, il devrait:

a) Poursuivre, en coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), ses efforts tendant à continuer d’identifier les réfugiés et les demandeurs d’asile et d’assurer leur protection, conformément au droit international, en respectant en particulier le principe du non-refoulement;

b) Envisager d’accorder le statut de réfugié au moins dans un premier temps aux Ivoiriens qui ont fui leur pays, exception faite de ceux qui peuvent être considérés comme des combattants, jusqu’à ce qu’il soit établi qu’ils ont renoncé véritablement et définitivement à l’action militaire;

c) Prendre des mesures pour filtrer effectivement les arrivées et séparer les combattants des non-combattants afin de garantir le caractère civil des camps ou sites de réfugiés, notamment en renforçant les mécanismes de filtrage existants et les capacités du Conseil ghanéen des réfugiés à la frontière;

d) Renforcer les capacités du Conseil ghanéen des réfugiés pour lui permettre de traiter les requêtes des demandeurs d’asile dans le pays, autres que ceux qui peuvent bénéficier du statut de réfugié sur simple présomption;

e) Veiller à ce que les réfugiés libériens qui se trouvent au Ghana ne soient pas rapatriés de force dans leur pays d’origine en contravention des obligations de non-refoulement prévues par la Convention ou d’autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.

Traite des êtres humains

21. Le Comité prend note de l’adoption en 2005 de la loi sur la traite des êtres humains et de l’amendement apporté en 2009, alignant la définition de la traite sur celle donnée dans le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants. Toutefois il exprime sa préoccupation devant les informations persistantes faisant état de traite interne et transfrontière de femmes et d’enfants aux fins d’exploitation sexuelle ou de travail forcé, de domestiques ou de porteuses (kayaye) par exemple. Il constate aussi avec préoccupation que le rapport de l’État partie ne contient pas de statistiques, notamment sur les poursuites engagées contre les individus qui se livrent à la traite et font travailler des enfants, les condamnations et les peines prononcées, et qu’aucune mesure concrète n’est en place pour empêcher et combattre ce phénomène. Il note également avec préoccupation qu’il n’existe pas de dispositif officiel qui permettrait de transférer dans d’autres structures les victimes placées en détention à des fins de protection (art. 2, 12 et 16).

L’État partie devrait:

a) Intensifier ses efforts pour empêcher et combattre la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des enfants, notamment en appliquant la législation contre la traite, en assurant une protection aux victimes et leur accès aux services médicaux, sociaux et juridiques et à des moyens de réadaptation, y compris à des services de conseils, le cas échéant;

b) Assurer les conditions voulues pour que les victimes puissent exercer leur droit de porter plainte;

c) Mener sans délai des enquêtes impartiales sur les affaires de traite et faire en sorte que les individus reconnus coupables soient condamnés à des peines à la mesure de la gravité de leurs actes;

d) Mener des campagnes de sensibilisation nationales et dispenser une formation aux agents des forces de l’ordre;

e) Donner des informations détaillées sur le nombre d’enquêtes et de plaintes pour traite, ainsi que de poursuites engagées et de condamnations prononcées dans des affaires de traite.

Violences à l’égard des femmes, y compris la violence dans la famille

22. Le Comité prend note de l’adoption en 2007 de la loi sur la violence dans la famille et des statistiques présentées par l’État partie, au cours du dialogue, sur les cas de violence dans la famille qui se sont produits en 2010. Cependant, il est préoccupé par les informations faisant état de violences généralisées contre les femmes, y compris dans la famille, l’application partielle de la loi sur la violence dans la famille et le fait que l’unité des services de police chargée des violences dans la famille et du soutien aux victimes ne dispose pas de ressources suffisantes. Il note avec préoccupation que l’État partie est réticent à faire du viol conjugal une infraction pénale et que le rapport de l’État partie n’indique pas le nombre de plaintes, d’enquêtes, de poursuites, de condamnations et de peines dans les affaires de violence contre les femmes au cours de la période considérée (art. 2, 12, 13 et 16).

Le Comité invite instamment l’État partie à:

a) Enquêter sur ces faits, traduire en justice et punir les auteurs de tels actes;

b) Prendre des mesures plus efficaces pour protéger et aider les victimes;

c) Allouer des ressources financières suffisantes pour assurer le bon fonctionnement de l’unité chargée des violences dans la famille et du soutien aux victimes;

d) Renforcer les mesures de sensibilisation et d’éducation sur les violences faites aux femmes et aux filles à l’intention des fonctionnaires qui ont des contacts directs avec les victimes (agents des forces de l’ordre, juges, travailleurs sociaux, etc.) ainsi que du grand public;

e) Adopter une législation qui érige le viol conjugal en infraction.

Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport des statistiques sur le nombre de plaintes pour violences à l’égard des femmes, y compris pour viol, ainsi que sur les enquêtes et les poursuites engagées et les condamnations obtenues dans ces affaires.
Pratiques traditionnelles préjudiciables

23. Le Comité prend note des actions positives du Gouvernement, qui a érigé en infractions pénales les pratiques traditionnelles préjudiciables, telles que les mutilations génitales et le trokosi (esclavage rituel ou coutumier). Il note aussi la diminution de 25 % du nombre de cas signalés de mutilations génitales féminines entre 1999 et 2010, même si 123 000 cas au total ont encore été enregistrés pendant cette période. Le Comité reste préoccupé par l’incompatibilité évidente des pratiques traditionnelles et de certains aspects du droit coutumier ghanéen avec le respect des libertés et droits fondamentaux, dont l’interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants. À ce sujet, il est préoccupé par les informations d’où il ressort que des femmes ont été accusées de pratiquer la sorcellerie et ont subi de graves violences, notamment commises par la foule, ont été brûlées, lynchées, bannies de leur communauté. Nombre de ces femmes ont été envoyées, selon un système dénué des garanties minimales d’une procédure régulière, dans ce que l’on appelle des «camps de sorcières», qu’elles n’ont que peu de chances de pouvoir quitter un jour pour revenir dans la société. Le Comité exprime aussi son inquiétude devant des informations dénonçant des cas de violence à l’égard des veuves, qui sont souvent privées de leur part d’héritage et, dans certains cas, soumises à des rites de veuvage humiliants et violents. Il regrette de n’avoir pas eu d’informations sur les poursuites engagées contre les auteurs de tels faits et les condamnations prononcées ainsi que sur l’assistance et l’indemnisation accordées aux victimes. Il regrette également l’absence de renseignements sur les mesures prises pour garantir que le droit coutumier ghanéen ne soit pas incompatible avec les obligations contractées par l’État partie au titre de la Convention (art. 2 et 16).

L’État partie devrait:

a) Intensifier ses efforts pour empêcher et combattre les pratiques traditionnelles préjudiciables, y compris les mutilations génitales féminines, en particulier dans les zones rurales, et veiller à ce que ces actes donnent lieu à des enquêtes et à ce que les auteurs présumés soient poursuivis et condamnés;

b) Assurer aux victimes des services juridiques, médicaux et psychologiques et des moyens de réadaptation, ainsi qu’une indemnisation, et créer les conditions requises pour qu’elles puissent porter plainte sans crainte de subir des représailles;

c) Dispenser une formation aux juges, aux procureurs, aux personnels des organes chargés de faire appliquer la loi et aux chefs communautaires sur l’application stricte de la législation qui réprime les pratiques traditionnelles préjudiciables et d’autres formes de violences à l’égard des femmes;

En général, l’État partie devrait faire en sorte que son droit coutumier et ses pratiques coutumières soient compatibles avec ses obligations dans le domaine des droits de l’homme, en particulier celles qui découlent de la Convention. L’État partie devrait aussi expliquer la hiérarchie entre le droit coutumier et le droit interne, spécialement en ce qui concerne les formes de discrimination à l’égard des femmes.

En outre, le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport des informations détaillées et des données statistiques à jour sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites, les condamnations et les peines infligées aux individus reconnus coupables d’un comportement criminel lié aux pratiques traditionnelles préjudiciables, y compris les meurtres, ainsi que sur l’aide et l’indemnisation accordées aux victimes.

Châtiments corporels

24. Le Comité note que la loi de 2003 relative à la justice pour mineurs et la loi de 1998 relative à l’enfance interdisent les châtiments corporels dans les prisons à titre de mesure disciplinaire, mais il est préoccupé de constater que les châtiments corporels sont toujours très répandus, en particulier dans la famille, à l’école et dans les centres de protection de remplacement (art. 11 et 16).

L’État partie devrait:

a) Interdire expressément les châtiments corporels sur les enfants en toutes circonstances, notamment en supprimant tous les moyens de défense relatifs à l’application de châtiments corporels «raisonnables» et «justifiables»;

b) S’attacher à encourager l’utilisation d’autres moyens de discipline respectueux de la dignité de l’enfant et conformes aux dispositions de la Convention;

c) Élaborer des mesures visant à susciter une prise de conscience sur les effets préjudiciables des châtiments corporels;

Formation

25. Le Comité regrette le peu de renseignements donnés par l’État partie sur les programmes de formation aux droits de l’homme à l’intention du personnel médical et des agents des forces de l’ordre, des juges et des autres personnels qui participent à la détention provisoire, aux interrogatoires et au traitement des personnes privées de liberté sur les questions liées à l’interdiction de la torture et des mauvais traitements. Il note avec préoccupation que les activités de formation aux droits de l’homme à l’intention des agents des services de police, organisées grâce au programme intitulé «Accès à la justice» du PNUD au Ghana se sont achevées en 2010 faute de financement.
L’État partie devrait:

a) Continuer d’assurer des programmes de formation obligatoire de façon que tous les agents de l’État en particulier les membres de la police et autres forces de l’ordre connaissent parfaitement les dispositions de la Convention et aient bien conscience que les manquements ne seront pas tolérés et feront l’objet d’enquêtes et que les auteurs d’infractions seront traduits en justice;

b) Évaluer l’efficacité et l’incidence des programmes de formation et de l’éducation sur la réduction des cas de torture et de mauvais traitements;

c) Appuyer la formation de tous les personnels compétents, médical compris, à l’utilisation du Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul).

Collecte de données

26. Le Comité regrette l’absence de données complètes et ventilées sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans les affaires de torture et de mauvais traitements commis par les personnels des forces de l’ordre, des forces de sécurité, des armées et des établissements pénitentiaires, ainsi que sur les violences faites à l’égard des femmes, la traite et les pratiques traditionnelles préjudiciables.

L’État partie devrait compiler des données statistiques utiles pour la surveillance de l’application de la Convention au niveau national, y compris des données sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans les affaires de torture et de mauvais traitements commis par les personnels des forces de l’ordre, des forces de sécurité, des armées et des établissements pénitentiaires, ainsi que sur les violences à l’égard des femmes, sur la traite et les pratiques traditionnelles préjudiciables, y compris l’indemnisation et les moyens de réadaptation accordés aux victimes. Il devrait faire figurer ces données dans son prochain rapport périodique.

27. Le Comité accueille avec satisfaction la signature du Protocole facultatif se rapportant à la Convention, le 6 novembre 2006, et encourage l’État partie à accélérer le processus de ratification, ainsi que la désignation d’un mécanisme national de prévention.

28. Notant l’engagement pris par l’État partie dans le contexte de l’Examen périodique universel (A/HRI/8/36), le Comité lui recommande d’envisager de ratifier la Convention relative aux droits des personnes handicapées ainsi que la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, récemment adoptée.

29. L’État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité ainsi que les présentes observations finales, dans les langues voulues, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

30. Le Comité invite l’État partie à présenter son prochain rapport périodique en suivant les directives pour l’établissement des rapports et à respecter la limite de 40 pages fixée pour le document spécifique à la Convention. Il l’invite également à soumettre un document de base commun mis à jour conformément aux instructions figurant dans les Directives harmonisées pour l’établissement des rapports à présenter en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN.2/Rev.6), approuvées par la Réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, et à respecter la limite de 80 pages fixée pour le document de base commun. Le document spécifique à la Convention et le document de base commun constituent conjointement les documents que l’État partie est tenu de soumettre pour s’acquitter de son obligation de faire rapport en vertu de la Convention.

31. Le Comité demande à l’État partie, de lui faire parvenir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite aux recommandations figurant aux paragraphes 10 c) et d), 17 d) et 23 a).

32. L’État partie est invité à présenter son prochain rapport périodique, qui sera le deuxième, le 3 juin 2015 au plus tard.

 



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