University of Minnesota


Observations finales du Comité contre la Torture, Allemagne, U.N. Doc. A/53/44, paras. 179-195 (1998).


Convention Abbreviation: CAT
COMITÉ CONTRE LA TORTURE
Vingtième session
8 - 22 mai 1998

Observations finales du Comité contre la Torture


Allemagne

Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique de l'Allemagne (CAT/C/29/Add.2) à ses 328e et 329e séances, le 11 mai 1998 (CAT/C/SR.328 et 329) et a adopté les conclusions et recommandations suivantes.

1. Introduction

L'Allemagne a signé la Convention le 13 octobre 1986 et déposé son instrument de ratification le 1er octobre 1990. La Convention est entrée en vigueur pour l'Allemagne le 31 octobre 1990. Au moment de la ratification, l'Allemagne a fait des déclarations concernant son interprétation de l'article 3 de la Convention et la concordance présumée du droit allemand avec la Convention. L'Allemagne n'a pas fait les déclarations prévues aux articles 21 et 22. Le rapport initial soumis par l'Allemagne le 9 mars 1992 et le présent deuxième rapport périodique soumis le 17 décembre 1996 ont été tous deux établis conformément à l'article 19 de la Convention et aux directives générales concernant la forme et le contenu des rapports. Le deuxième rapport périodique porte sur la période du 9 mars 1992 au 17 décembre 1996. Des informations importantes concernant l'État partie figurent également dans le document de base établi par l'Allemagne le 8 août 1996.

2. Aspects positifs

Le Comité est encouragé par le fait que le Comité des affaires intérieures du Parlement fédéral allemand, la Conférence permanente des ministres de l'intérieur et des sénateurs des Länder ainsi que la Conférence des ministres de la justice des Länder ont examiné le rapport d'Amnesty International dans lequel il était fait état de 70 cas de mauvais traitements qui auraient été infligés par la police, en particulier à des étrangers, entre janvier 1992 et mars 1995.

Le Comité s'est assuré qu'aucun cas de torture au sens strict de l'article premier de la Convention n'a été signalé et qu'aucune information n'a été fournie selon laquelle des éléments de preuve douteux auraient été utilisés dans des procédures judiciaires.

Le Comité juge encourageante la création de 12 centres de réadaptation des victimes de tortures et se félicite que le Gouvernement allemand verse des contributions au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture.

3. Facteurs et difficultés entravant l'application des dispositions de la Convention

Le Comité est conscient des problèmes que posent à l'État partie l'intégration et la gestion d'un grand nombre de réfugiés et d'autres minorités d'origine non allemande ainsi que des problèmes découlant des tentatives faites par l'État partie pour appliquer des procédures d'asile et d'immigration objectives et équitables.

4. Sujets de préoccupation

Le Comité juge préoccupant le fait que la définition précise de la torture qui figure à l'article premier de la Convention n'a pas encore été intégrée dans le droit allemand. Bien que l'article 340 du Code pénal allemand et la loi sur la répression des délits, datée du 28 octobre 1994, semblent s'appliquer à la plupart des cas de torture, la fréquence de la torture, les formes aggravées de torture intentionnellement infligées ( dolus specialis ) et les actes provoquant des souffrances mentales aiguës («torture mentale» dans la mesure où elle n'est pas traitée par l'article 343 du Code pénal allemand) ne sont pas couverts par les dispositions législatives en vigueur, ce qui n'est pas conforme à la Convention. Il n'est pas non plus absolument clair qu'il soit totalement exclu d'invoquer l'ordre d'un supérieur pour justifier la torture comme l'exige la Convention.

Le Comité est préoccupé par le grand nombre d'informations émanant d'organisations non gouvernementales nationales et internationales au cours des dernières années faisant état de cas de mauvais traitements par la police, pour la plupart lors d'arrestations, ainsi que par les conclusions de l'étude intitulée «La police et les étrangers», effectuée à la demande de la Conférence des ministres des affaires intérieures en 1994 et présentée en février 1996, selon lesquelles les cas de mauvais traitements infligés par la police à des étrangers ne sont pas de «simples cas isolés».

Le Comité est préoccupé par les cas de suicide de personnes mises en détention en attendant d'être expulsées.

Le Comité est particulièrement préoccupé par le nombre apparemment faible de poursuites engagées et de condamnations prononcées dans les cas de mauvais traitements qui auraient été infligés par la police, en particulier à des personnes d'origine étrangère.

Le Comité s'inquiète de l'existence de certaines dispositions juridiques flexibles facilitant dans certaines circonstances une réduction discrétionnaire mais importante des garanties juridiques auxquelles ont droit les personnes détenues par la police, telles que les dispositions autorisant la police dans certains cas à refuser à une personne placée en garde à vue l'autorisation d'informer un parent de son arrestation. La référence au «principe de la proportionnalité» risque aussi, sauf dans le cas de décisions spécifiques et contraignantes des tribunaux allemands, de conduire à des réductions arbitraires de ces garanties.

5. Recommandations

Le Comité recommande à l'État partie d'adopter la définition précise de la torture qui figure dans la Convention et de l'intégrer dans le droit interne allemand (art. 4, par. 2 de la Convention).

Le Comité demande au Gouvernement allemand d'envisager la possibilité de faire les déclarations nécessaires de façon que l'Allemagne soit liée par les articles 21 et 22 de la Convention.

Le Comité recommande que les mesures disciplinaires internes pouvant être prises contre des policiers coupables de tels délits et les poursuites et les mesures judiciaires externes dont ils peuvent faire l'objet soient considérablement renforcées de façon que dans l'avenir tous les fonctionnaires de police accusés d'avoir infligé des mauvais traitements aussi bien à des nationaux qu'à des ressortissants étrangers soient traduits en justice. Pour veiller à ce qu'en pareil cas, le comportement des policiers incriminés fasse l'objet de l'examen le plus approfondi qui soit, le Comité recommande, sans préjudice des procédures nationales ordinaires que dans le cadre des procédures pénales allemandes, des poursuites subsidiaires puissent être engagées par les victimes des mauvais traitements et que les procédures d'indemnisation ( Adhäsionsprozesse ) et les procédures civiles de réclamation de dommages­intérêts soient plus largement accessibles. Les victimes devraient bénéficier de l'assistance d'un conseil juridique allemand compétent. En outre, la durée de l'enquête sur les plaintes contre la police pour mauvais traitements devrait être réduite.

Le Comité recommande que de nouvelles mesures législatives soient prises pour assurer le strict respect de l'article 15 de la Convention et pour empêcher absolument que des éléments de preuve obtenus directement ou indirectement par la torture ne soient soumis aux juges qui statuent dans toute procédure judiciaire.

Le Comité recommande que les fonctionnaires de police et de l'immigration de tout rang, ainsi que le personnel médical, reçoivent une formation obligatoire concernant les droits de l'homme en général et la Convention contre la torture en particulier; étant donné que la plupart des informations faisant état de mauvais traitements émanent d'étrangers, le Comité recommande qu'une formation obligatoire en matière de gestion des conflits et de communication avec les minorités ethniques soit également dispensée à ces fonctionnaires.

Le Comité recommande en outre à l'Allemagne de poursuivre ses efforts pour que tous les détenus, dès le début de leur mise en détention, reçoivent une brochure, rédigée dans une langue qu'ils comprennent, énonçant leurs droits, y compris le droit d'être informé des motifs de leur arrestation, de communiquer avec un parent et un avocat de leur choix, de se plaindre de leur traitement et de recevoir des soins médicaux.

Pour que des poursuites judiciaires puissent être engagées contre les policiers soupçonnés d'avoir infligé des mauvais traitements, ces derniers devraient être tenus de porter un signe quelconque d'identification personnelle qui permettrait à ceux qui les accusent de mauvais traitements de les identifier.



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