University of Minnesota


Observations finales du Comité contre la Torture, El Salvador, U.N. Doc. A/54/44, paras. 152-174 (2000).


Convention Abbreviation: CAT
COMITÉ CONTRE LA TORTURE
Vingt-quartième session
1-19 mai 2000


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité contre la Torture

El Salvador




152. Le Comité a examiné le rapport initial d'El Salvador (CAT/C/37/Add.4), à ses 422ème, 425ème et 429ème séances, tenues les 9, 10 et 12 mai 2000 (CAT/C/SR.422, 425 et 429) et a adopté les conclusions et recommandations ci-après.

1. Introduction

153. El Salvador a adhéré à la Convention le 17 juin 1996, sans formuler de réserve. Il n'a pas fait les déclarations prévues aux articles 21 et 22.
154. Le rapport est conforme aux directives générales adoptées par le Comité concernant la forme et le contenu des rapports initiaux.

155. L'examen du rapport a donné lieu à un dialogue franc et constructif avec les représentants de l'État partie, auxquels le Comité exprime sa satisfaction et ses remerciements.


2. Aspects positifs

156. La Constitution d'El Salvador confère force légale aux traités internationaux ratifiés, dispose que la loi ne peut en modifier les dispositions ni y apporter de dérogations tant qu'ils sont en vigueur, et pose la primauté du traité sur le droit interne en cas de conflit de normes.
157. La promulgation du nouveau Code pénal et du nouveau Code de procédure pénale, dont les dispositions énoncent d'importantes garanties protégeant les droits fondamentaux de la personne; leur respect effectif devrait aider l'État partie à mieux s'acquitter des obligations lui incombant en vertu de la Convention.

158. Parmi les dispositions en question, le Comité attache une importance particulière aux suivantes :

a) L'imprescriptibilité tant de la peine que de l'action pénale en matière de répression des crimes contre l'humanité, dont la torture;

b) L'établissement de la compétence des tribunaux nationaux pour connaître des infractions attentatoires à des droits bénéficiant d'une protection juridique internationale ou à des droits de la personne faisant l'objet d'une reconnaissance universelle, quels qu'en soient l'auteur et le lieu de commission;

c) La nécessité de disposer d'un ordre écrit d'une autorité pour procéder à une arrestation, et l'institution de délais courts tant pour le défèrement d'un individu arrêté devant une autorité judiciaire que pour l'adoption par celle-ci d'une décision concernant sa remise en liberté ou son placement en détention provisoire;

d) L'obligation pour les tribunaux nationaux de juger un individu auquel est imputé un délit portant atteinte à un droit bénéficiant d'une protection internationale, dans le cas où son extradition a été refusée;

e) La création de la Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme et l'activité considérable déployée par cette institution, tant dans l'exercice de ses fonctions de surveillance du respect des droits de l'homme et des garanties en la matière qu'aux fins de l'élaboration de programmes de promotion et d'éducation concernant les droits de l'homme, en particulier à l'intention du personnel chargé de l'application des lois;

f) La création des tribunaux de surveillance pénitentiaire, chargés de vérifier l'application des dispositions relatives à l'exécution des peines et de veiller au respect des droits de toute personne privée de liberté;

g) Les activités de sensibilisation aux droits de l'homme menées par l'Institut salvadorien des droits de l'homme, l'École de formation du personnel pénitentiaire, l'École de formation judiciaire et l'Académie nationale de sécurité publique;

h) Le fait que la législation pénale ne comporte pas de disposition permettant d'invoquer l'ordre d'un supérieur ou de l'autorité publique pour justifier la torture. Au contraire, dans la loi organique de la police nationale civile figure une disposition excluant expressément cette possibilité et dans une telle éventualité, conformément aux dispositions générales du Code pénal, tant la responsabilité pénale de l'auteur matériel des faits que celle du donneur d'ordre sont mises en cause.


3. Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention

159. L'affaiblissement marqué des traditions de coexistence pacifique et de respect des droits de l'homme entraîné par le conflit armé interne prolongé ayant pris fin en 1992, qui a rendu nécessaire non seulement la création de certaines institutions juridiques et politiques ou leur transformation, mais aussi, fondamentalement, un processus de renouveau culturel, lent par nature.

4. Principaux sujets de préoccupation

160. L'absence dans la législation pénale d'une qualification adéquate de l'infraction de torture reprenant les termes de l'article premier de la Convention. L'infraction pénale visée sous cette appellation dans le Code pénal n'englobe pas toutes les fins visées dans la Convention.
161. Il n'existe pas de texte régissant le droit des victimes de la torture à une indemnisation équitable et adéquate, à la charge de l'État, ni de politique officielle destinée à en assurer la réadaptation la plus complète possible.

162. La survivance dans le Code de procédure pénale de l'aveu extrajudiciaire est en contradiction avec la Constitution qui ne reconnaît un effet juridique qu'aux aveux faits devant l'autorité judiciaire.

163. L'absence dans la législation de dispositions énonçant l'interdiction d'expulser, de refouler ou d'extrader un individu lorsqu'il existe des motifs sérieux de croire que l'intéressé risque d'être soumis à la torture.

164. Durant la période couverte par le rapport, il y a eu de nombreux cas de torture et d'autres traitements cruels, inhumains ou dégradants ainsi que de recours disproportionné ou inutile à la force de la part de la police et du personnel pénitentiaire, selon les renseignements émanant de la Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme et d'autres sources fiables.

165. Les affaires d'exécution extrajudiciaire dont les victimes présentent des marques de torture qui, tout en étant bien moins nombreuses, sembleraient traduire la persistance des pratiques criminelles suivies du temps du conflit armé auquel ont mis fin les accords de paix.


5. Recommandations

166. Qualifier l'infraction de torture dans des termes compatibles avec l'article premier de la Convention.
167. Réglementer le droit des victimes de la torture à une indemnisation équitable et adéquate à la charge de l'État et mettre en place des programmes pour leur réadaptation physique et mentale aussi complète que possible.

168. Supprimer la disposition du Code de procédure pénale reconnaissant la recevabilité des aveux extrajudiciaires, qui est contraire à la garantie constitutionnelle applicable.

169. Incorporer dans la législation des dispositions concernant l'interdiction d'expulser, de refouler ou d'extrader dans l'éventualité visée à l'article 3 de la Convention.

170. Poursuivre les activités d'éducation et de promotion concernant les droits de l'homme, et faire une place à une formation sur ces thèmes dans les programmes d'enseignement officiel à l'intention des nouvelles générations.

171. L'État partie est invité à adopter les mesures nécessaires pour que toute allégation de torture fasse l'objet d'une enquête immédiate et impartiale et, si elle est avérée, donne lieu à une sanction adéquate.

172. Faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.

173. Présenter le deuxième rapport (premier rapport périodique) d'ici à l'année prochaine, pour se conformer à l'échéancier prévu dans l'article 19 de la Convention.

174. Le Comité espère recevoir en temps opportun les renseignements demandés lors de l'examen du rapport et les réponses aux questions posées à cette occasion, comme s'y sont engagés les représentants de l'État partie.



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