University of Minnesota



Conclusions et recommandations du Comité contre la Torture,
Argentine, U.N. Doc. CAT/C/CR/33/1
(2004).


 


Convention Abbreviation: CAT
COMITÉ CONTRE LA TORTURE
Trente-troisième session
15-26 novembre 2004


EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
EN APPLICATION DE L.ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Conclusions et recommandations du Comité contre la torture

Argentine


1. Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique de l.Argentine (CAT/C/55/Add.7) à ses 622e et 625e séances, les 16 et 17 novembre 2004 (voir CAT/C/SR.622 et 625) et a adopté les conclusions et recommandations suivantes.
A. Introduction


2. Le Comité accueille avec satisfaction la présentation du quatrième rapport périodique de l.Argentine mais observe que ledit rapport, qui aurait dû être soumis en juin 2000, a été reçu avec deux ans de retard. Le Comité se félicite du dialogue constructif engagé avec la délégation de haut niveau envoyée par l.État partie et la remercie des réponses franches et directes apportées aux questions qu.il a posées.
B. Aspects positifs

3. Le Comité prend note avec satisfaction des efforts déployés par l.État partie pour lutter contre l.impunité en ce qui concerne les crimes contre l.humanité commis pendant la dictature militaire et, en particulier:

a) De la déclaration de nullité absolue des lois sur le devoir d.obéissance et sur le règlement final, en vertu de la loi no 25.779 promulguée en septembre 2003;

b) De l.ouverture d.un nombre important de dossiers permettant d.enquêter sur lesdites infractions;

c) De l.abrogation, en 2003, du décret no 1581/01 du pouvoir exécutif, en vertu duquel les demandes d.extradition pour des faits de violations graves et flagrantes des droits de l.homme commises pendant la dictature militaire étaient automatiquement rejetées.

4. Le Comité prend note aussi avec satisfaction des aspects positifs suivants:

a) La récente ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention, en novembre 2004;

b) La ratification du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, en février 2001;

c) La promulgation, en janvier 2004, de la nouvelle loi sur les migrations (no 25.871), qui dispose notamment que la rétention de ressortissants étrangers relève uniquement de l.autorité judiciaire;

d) Le travail réalisé par la Commission nationale pour le droit à l.identité, chargée de rechercher les enfants disparus pendant la dictature militaire.
C. Facteurs et difficultés entravant la mise en .uvre de la Convention

5. Le Comité prend note des difficultés rencontrées par l.État partie, notamment dans le domaine économique et social. Toutefois, il fait observer qu.aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu.elle soit, ne peut être invoquée pour justifier la torture.
D. Sujets de préoccupation

6. Le Comité est préoccupé par les éléments suivants:

a) Les nombreuses allégations selon lesquelles des actes de torture et des mauvais traitements seraient commis de manière généralisée et habituelle par les services de sûreté de l.État et les forces de police, dans les provinces comme dans la capitale fédérale;

b) La disproportion entre le nombre important de plaintes pour actes de torture et mauvais traitements et le nombre minime de condamnations pour les faits en question ainsi que les retards injustifiables dans les enquêtes sur les cas de torture, ce qui contribue également à l.impunité qui règne dans ce domaine;

c) L.habitude des magistrats du parquet de procéder à une qualification erronée des faits, en assimilant le délit de torture à des chefs de moindre gravité (par exemple des contraintes illégales), passibles de peines moins lourdes, lorsque, en réalité, les faits en cause devraient être qualifiés d.actes de torture;

d) Le fait que la Convention n.est pas appliquée de manière uniforme dans les différentes provinces de l.État partie, et l.absence de mécanismes visant à inscrire dans le droit fédéral les dispositions de la Convention, bien que celle-ci ait valeur constitutionnelle en Argentine;

e) Comme le Comité l.a indiqué lors de l.examen des rapports précédents de l.État partie, les renseignements donnés par celui-ci sur l.observation des obligations découlant de la Convention ne sont toujours pas représentatifs de la situation dans l.ensemble du pays.
De même, le Comité note avec préoccupation que le registre national devant regrouper les renseignements provenant de tous les tribunaux sur les cas de torture et de mauvais traitements observés dans le pays n.a pas encore été créé;

f) Les informations selon lesquelles des enfants n.ayant pas atteint l.âge de la responsabilité pénale, «enfants des rues» et mendiants pour la plupart, sont arrêtés et détenus dans des commissariats de police, dans les mêmes locaux que des adultes, et selon lesquelles ces enfants seraient victimes de torture et de mauvais traitements, ayant, dans certains cas, entraîné la mort;

g) Les allégations de torture et de mauvais traitements qu.auraient subis d.autres groupes vulnérables, tels que, par exemple, les membres des communautés autochtones, les minorités sexuelles et les femmes;

h) La surpopulation et les mauvaises conditions matérielles qui règnent dans les établissements pénitentiaires, notamment l.absence d.hygiène, d.alimentation suffisante et de soins médicaux appropriés, éléments susceptibles d.être constitutifs de traitements inhumains et dégradants;

i) Le nombre élevé de détenus en détention provisoire, dont la proportion atteint, selon l.État partie, presque 78 % dans le système pénitentiaire de la province de Buenos Aires;

j) La non-application du principe de séparation des condamnés et des prévenus dans les centres de détention, ainsi que de ceux-ci et des immigrants faisant l.objet d.un arrêté d.expulsion;

k) Les représailles, intimidations et menaces dont seraient victimes les personnes qui dénoncent des actes de torture et des mauvais traitements;

l) Les vexations et traitements dégradants auxquels donnent lieu les fouilles corporelles dans les centres de détention;

m) L.absence d.indépendance du personnel médical des établissements pénitentiaires, qui relève de l.administration pénitentiaire.
E. Recommandations


7. Le Comité recommande à l.État partie d.adopter toutes les mesures nécessaires pour empêcher que des actes de torture et des mauvais traitements soient commis sur le territoire national, et notamment:

a) De prendre des mesures énergiques pour mettre un terme à l.impunité dont bénéficient les auteurs présumés d.actes de torture et de mauvais traitements; d.entreprendre sans délai des enquêtes approfondies et impartiales; de poursuivre les auteurs d.actes de torture et de mauvais traitements et, le cas échéant, de faire en sorte qu.ils soient condamnés à des peines appropriées et que les victimes soient indemnisées de manière adéquate;

b) De former les magistrats pour améliorer l.efficacité des enquêtes et pour mettre les décisions judiciaires en conformité avec les normes internationales applicables en la matière;

c) D.améliorer et d.approfondir la formation des membres des services de sûreté de l.État et des forces de police en matière de droits de l.homme, notamment en ce qui concerne les obligations découlant de la Convention;

d) De veiller à ce que les obligations découlant de la Convention soient respectées en permanence dans toutes les juridictions provinciales, afin d.assurer une application uniforme de la Convention sur tout le territoire national; il est rappelé à l.État partie que la responsabilité internationale de l.État incombe à l.État national, quand bien même les violations se produiraient dans les juridictions provinciales;

e) De mettre en place un registre national qui regroupe les renseignements provenant des tribunaux nationaux sur les cas de torture et de mauvais traitements observés dans le pays, comme la délégation de l.État partie a certifié qu.il serait possible de le faire;

f) Adopter des mesures spécifiques pour protéger l.intégrité physique des membres de tous les groupes vulnérables;

g) De garantir, comme la délégation de l.État partie a donné l.assurance qu.il serait possible de le faire dans la province de Buenos Aires: l.interdiction immédiate de retenir des mineurs dans les locaux de la police; le transfert des mineurs qui se trouvent actuellement dans ces locaux vers des centres spécialisés; et l.interdiction pour les membres de la police de détenir des mineurs pour des «raisons de protection» sur tout le territoire national;

h) Adopter des mesures efficaces pour améliorer les conditions matérielles dans les établissements pénitentiaires, réduire la surpopulation actuelle et garantir dûment le respect des besoins fondamentaux de toutes les personnes privées de liberté;

i) Envisager de revoir sa législation et ses pratiques en matière de détention provisoire, afin que celle-ci ne soit appliquée qu.à titre exceptionnel, compte tenu des recommandations formulées en décembre 2003 par le Groupe de travail sur la détention arbitraire en ce qui concerne les mesures autres que la détention provisoire;

j) Adopter les mesures nécessaires afin de garantir le respect du principe de séparation des condamnés et des prévenus, ainsi que de ceux-ci et des immigrants faisant l.objet d.un arrêté d.expulsion et qui se trouvent dans des centres de détention;

k) Adopter des mesures efficaces pour que toutes les personnes qui dénoncent des actes de torture ou des mauvais traitements soient à l.abri de tout acte d.intimidation ou autre de nature à leur porter préjudice;

l) De prendre les mesures nécessaires pour garantir le respect de la dignité humaine et des droits de l.homme de toute personne dans le contexte des fouilles corporelles, conformément aux normes internationales;

m) D.adopter les mesures nécessaires afin de garantir la présence de personnel médical indépendant et qualifié pour procéder à un examen médical périodique des personnes détenues;

n) D.inclure, dans son prochain rapport périodique, des renseignements statistiques détaillés ventilés, notamment, par âge, ethnie et sexe des victimes ainsi que par type de délit et catégorie de délinquant, sur les plaintes pour actes relevant de la torture et d.autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants commis par des agents de l.État, ainsi que sur les enquêtes concernant ces plaintes, les poursuites engagées et les sanctions pénales ou disciplinaires prises contre les responsables, et les conséquences pour les victimes en termes de réparation et d.indemnisation;

o) De mettre en place un mécanisme national de prévention, lequel inspecterait périodiquement les centres de détention fédéraux et provinciaux afin de veiller à l.application intégrale du Protocole facultatif se rapportant à la Convention;

p) De mettre en place et de promouvoir, au sein du système pénitentiaire, un mécanisme efficace chargé de recevoir les plaintes relatives à des violences sexuelles, d.y donner suite et d.assurer protection et assistance psychologique et médicale aux victimes;

q) De diffuser largement par l.intermédiaire des sites Web officiels, des organes de communication et des organisations non gouvernementales les rapports présentés par l.État partie au Comité ainsi que les conclusions et recommandations adoptées par ce dernier;

r) D.informer le Comité dans un délai d.un an des mesures concrètes adoptées pour donner suite aux recommandations formulées aux alinéas e, f, l et o du présent paragraphe;

s) De présenter ses cinquième et sixième rapports périodiques en un seul document au plus tard le 25 juin 2008, date prévue pour la remise du sixième rapport.

 



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