University of Minnesota



Comité contre la torture, Observation générale No. 02, Mesures internationales d’assistance technique (art. 22 du Pacte) , U.N. Doc. HRI/GEN/1/Rev.7 à 13 (2004).


 

 

Quatrième session (1990) *

Observation générale n o 2: Mesures internationales d’assistance technique
(art. 22 du Pacte)

1. En vertu de l’article 22 du Pacte, il est institué un mécanisme par lequel le Conseil économique et social peut porter à l’attention des autres organes de l’Organisation des Nations Unies compétents toute question que soulèvent les rapports soumis conformément au Pacte «qui peut aider ces organismes à se prononcer, chacun dans sa propre sphère de compétence, sur l’opportunité de mesures internationales propres à contribuer à la mise en œuvre effective et progressive du [...] Pacte». Certes, la responsabilité visée à l’article 22 incombe au premier chef au Conseil économique et social, mais à l’évidence il appartient au Comité des droits économiques, sociaux et culturels de jouer un rôle actif dans ce domaine, en conseillant et en assistant le Conseil économique et social.

2. Les recommandations visées à l’article 22 peuvent être faites aux «organes de l’Organisation des Nations Unies», à «leurs organes subsidiaires» et aux «institutions spécialisées intéressées qui s’occupent de fournir une assistance technique». Le Comité estime que cette disposition doit être interprétée de façon à inclure quasiment tous les organes et institutions de l’ONU qui, d’une manière ou d’une autre, participent aux activités de coopération internationale pour le développement. Il conviendrait donc d’adresser les recommandations visées à l’article 22 notamment au Secrétaire général, aux organes subsidiaires du Conseil économique et social comme la Commission des droits de l’homme, la Commission du développement social et la Commission de la condition de la femme, à d’autres organes comme le PNUD, l’UNICEF et le Comité de la planification du développement, à des institutions comme la Banque mondiale et le FMI, et à des institutions spécialisées comme l’OIT, la FAO, l’UNESCO et l’OMS.

3. L’application de l’article 22 pourrait donner lieu soit à des recommandations portant sur des considérations de politique générale soit à des recommandations plus précises concernant une situation spécifique. Dans le premier cas, le rôle principal du Comité devrait être d’engager à faire davantage porter l’effort sur la promotion des droits économiques, sociaux et culturels dans le cadre des activités internationales de coopération en faveur du développement entreprises par l’Organisation des Nations Unies et ses organismes et institutions ou avec leur aide. À cet égard, le Comité note que, par sa résolution 1989/13 du 2 mars 1989, la Commission des droits de l’homme l’a invité «à accorder de l’attention aux moyens par lesquels les divers organismes des Nations Unies s’occupant de développement pourraient le mieux inclure dans leurs activités des mesures destinées à favoriser le plein respect des droits économiques, sociaux et culturels».

4. À titre préliminaire, et d’un point de vue concret, le Comité note que si les divers organismes et institutions compétents s’intéressaient davantage à ses travaux, d’une part, il serait lui‑même aidé dans ses efforts et d’autre part les organismes seraient mieux informés. Tout en reconnaissant que cet intérêt peut prendre diverses formes, le Comité observe qu’à l’exception notable de l’OIT, de l’UNESCO et de l’OMS, les organismes des Nations Unies compétents n’étaient guère représentés à ses quatre premières sessions. En outre, le Comité n’a reçu des documents et des renseignements écrits que d’un très petit nombre d’organisations. À son avis, une meilleure compréhension de l’importance des droits économiques, sociaux et culturels dans le contexte des activités de coopération internationale en vue du développement serait considérablement facilitée si l’interaction entre le Comité et les organes et organisations compétents était renforcée. À tout le moins, le débat général autour d’une question spécifique auquel le Comité consacre une journée à chacune de ses sessions est l’occasion idéale d’un échange de vues potentiellement fructueux.

5. À propos de la question plus générale de la promotion du respect des droits de l’homme dans le contexte des activités de développement, les actions spécifiques entreprises par des organes de l’ONU dont le Comité a eu connaissance à ce jour restent très limitées. Il note avec satisfaction à cet égard l’initiative conjointe du Centre pour les droits de l’homme et du PNUD qui ont écrit aux représentants résidents des Nations Unies et à d’autres fonctionnaires sur le terrain pour les inviter à faire part de leurs suggestions et de leur avis, en particulier au sujet des modalités possibles d’une coopération à des projets en cours considérés comme touchant aux droits de l ’homme ou à des projets nouveaux qui seraient menés à la demande expresse d’un gouvernement. Le Comité a également été informé des efforts que l’OIT déploie depuis longtemps pour tenir compte, dans ses activités de coopération technique, des normes en matière de droits de l’homme et des normes internationales en matière de travail qu’elle a elle‑même établies.

6. Pour ce qui est de ces activités, il importe de tenir compte de deux principes généraux. Tout d’abord, les deux groupes de droits sont indivisibles et interdépendants. Tout effort visant à promouvoir l’un doit tenir pleinement compte de l’autre. Les organismes des Nations Unies chargés de la promotion des droits économiques, sociaux et culturels doivent faire tout leur possible pour veiller à ce que leurs activités soient pleinement compatibles avec le respect des droits civils et politiques. Dans un sens négatif, ce principe signifie que les organismes internationaux doivent éviter soigneusement d’appuyer des projets qui supposent, par exemple, le recours au travail forcé, en violation des normes internationales, encouragent ou renforcent la discrimination à l’encontre d’individus ou de groupes, en violation des dispositions du Pacte, ou entraînent des expulsions ou déplacements massifs, sans mesures appropriées de protection et d’indemnisation. Dans un sens positif, il signifie que les organismes doivent, dans toute la mesure possible, appuyer les projets et les méthodes qui contribuent non seulement à la croissance économique ou à la réalisation d’objectifs plus larges, mais également au plein exercice de la totalité des droits de l’homme.

7. Le deuxième principe général est que les activités de coopération pour le développement ne contribuent pas automatiquement à promouvoir le respect des droits économiques, sociaux et culturels. Un grand nombre d’activités entreprises au nom du «développement» se sont révélées par la suite mal conçues ou même néfastes du point de vue des droits de l’homme. Pour que ces problèmes se posent moins souvent, il faudrait, dans la mesure du possible et selon les besoins, examiner en détail et soigneusement toute la série des questions faisant l’objet du Pacte.

8. Bien qu’il importe de chercher à intégrer les préoccupations relatives aux droits de l’homme aux activités de développement, il reste que les propositions faites dans ce sens risquent trop souvent d’en rester au stade des généralités. C’est pourquoi, afin d’encourager la mise en œuvre effective du principe énoncé à l’article 22 du Pacte, le Comité souhaite attirer l’attention sur les mesures spécifiques ci‑après qui méritent d’être étudiées par les organismes intéressés:

a) Les organismes et institutions concernés des Nations Unies devraient avoir pour principe de reconnaître expressément les rapports étroits qui doivent être établis entre les activités de développement et les efforts visant à promouvoir le respect des droits de l’homme en général et des droits économiques, sociaux et culturels en particulier. Le Comité note à cet égard qu’il n’a pas été tenu compte de ces rapports dans les trois premières Stratégies internationales du développement adoptées par les Nations Unies et demande instamment que cette omission soit réparée dans le cadre de la quatrième stratégie, qui doit être adoptée en 1990;

b) Les institutions des Nations Unies devraient donner suite à la proposition faite par le Secrétaire général dans un rapport de 1979 selon laquelle une «étude d’impact sur les droits de l’homme» devrait être réalisée dans le cadre de toutes les grandes activités de coopération pour le développement;

c) La formation ou les réunions d’information générale à l’intention des agents engagés au titre de projets ou d’autres catégories de personnel employé par les institutions des Nations Unies devraient comporter un élément portant sur les normes et les principes applicables dans le domaine des droits de l’homme;

d) Il faudrait tout mettre en œuvre, à chaque étape de l’exécution des projets de développement, pour que les droits énoncés dans les Pactes soient dûment pris en compte, notamment lors de l’évaluation initiale des besoins prioritaires du pays concerné, de l’identification des projets, de leur conception, de leur exécution et de leur évaluation finale.

9. Lorsqu’il a examiné les rapports des États parties, le Comité s’est préoccupé en particulier des incidences néfastes du fardeau de la dette et des mesures d’ajustement sur l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels dans un grand nombre de pays. S’il reconnaît que les programmes d’ajustement sont souvent inévitables et se traduisent dans la plupart des cas par d’importantes mesures d’austérité, il est convaincu qu’il est alors encore plus urgent d’intensifier les efforts visant à protéger les droits économiques, sociaux et culturels les plus élémentaires. Les États parties au Pacte, ainsi que les institutions compétentes des Nations Unies, devraient donc veiller tout particulièrement à ce que des mesures de protection soient, dans toute la mesure possible, intégrées aux programmes et aux politiques destinés à encourager les ajustements. Une telle démarche, parfois appelée «l’ajustement à visage humain» suppose que la protection des couches pauvres et vulnérables de la population devienne un objectif fondamental de l’ajustement économique. De même, les mesures prises au niveau international pour faire face à la crise de la dette devraient tenir pleinement compte de la nécessité de protéger les droits économiques, sociaux et culturels, notamment dans le cadre de la coopération internationale. Dans un grand nombre de cas, d’importantes mesures d’allégement de la dette pourraient s’avérer nécessaires.

10. Enfin, le Comité souhaite appeler l’attention sur l’excellente occasion qu’ont les États parties, conformément à l’article 22 du Pacte, d’indiquer dans leurs rapports tous besoins particuliers qu’ils pourraient avoir en matière d’assistance technique ou de coopération pour le développement.

* Figurant dans le document E/1990/23.

Note

«Les dimensions internationales du droit au développement comme droit de l’homme, en relation avec d’autres droits de l’homme fondés sur la coopération internationale, y compris le droit à la paix, et ce, en tenant compte des exigences du nouvel ordre économique international et des besoins humains fondamentaux» (E/CN.4/1334, par. 314).

 



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