University of Minnesota


 

Mme Pauline Muzonzo Paki Kisongi c. Suède, Communication No. 41/1996, U.N. Doc. CAT/C/16/D/41/1996 (1996).


Présentée par : Mme Pauline Muzonzo Paku Kisongi

[représentée par un conseil]


Au nom de : L'auteur


État partie : Suède


Date de la communication : 12 février 1996


Le Comité contre la torture, institué conformément à l'article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,


Réuni le 8 mai 1996,


Ayant achevé l'examen de la communication No 41/1996 présentée au Comité contre la torture au nom de Mme Pauline Muzonzo Paku Kisongi en vertu de l'article 22 de la Convention,


Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par l'auteur de la communication, son conseil et l'État partie,


Adopte ce qui suit :

 

 

Constatations au titre du paragraphe 7 de
l'article 22 de la Convention

1. L'auteur de la communication est Pauline Muzonzo Paku Kisongi, ressortissante zaïroise habitant actuellement en Suède où elle a demandé le statut de réfugié. Elle fait valoir que son retour forcé au Zaïre constituerait une violation par la Suède de l'article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Elle est représentée par un conseil Une communication avait déjà été soumise au nom de l'auteur (No 30/1995), et le Comité l'avait déclarée irrecevable le 20 novembre 1995 au motif du non-épuisement des recours internes..


Rappel des faits présentés par l'auteur


2.1 L'auteur dit que le 18 octobre 1990, des membres du MPR, le parti au pouvoir, ont visité son restaurant à Kisanto, non loin de Kinshasa, et lui ont fait savoir qu'ils souhaitaient y tenir une réunion de leur parti le lendemain. L'auteur a refusé de les accueillir parce qu'elle militait pour le parti d'opposition, l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), et parce que son mari était secrétaire particulier de M. Bosasi Bolia, l'un des dirigeants de l'UDPS.


2.2 Le 20 octobre 1990, l'auteur et son mari ont été arrêtés par les forces de sécurité. Elle affirme avoir été violée chez elle, devant ses enfants, puis avoir été conduite dans un petit centre de détention sur la route de Kinshasa, où elle a été passée à tabac. Le lendemain, elle a été emmenée à la prison Makal à Kinshasa. L'auteur décrit des conditions de détention inhumaines et dégradantes : toute visite lui était interdite, elle partageait une cellule de 3 mètres sur 6 avec 7 autres détenues. Il n'y avait pas de véritable installation sanitaire et les détenues étaient obligées d'uriner à même le sol. Tous les matins les gardiens venaient dans la cellule et obligeaient les femmes à danser, les rouaient de coups et parfois les violaient. L'auteur déclare avoir été violée plus de 10 fois pendant sa détention. Elle ajoute qu'elle était régulièrement frappée, parfois à l'aide de fouets fabriqués avec des lamelles de pneu hérissées de fils métalliques, qu'elle avait été brûlée à la cigarette à l'intérieur des cuisses et bastonnée.


2.3 L'auteur est restée détenue un an sans jugement. Le 20 octobre 1991, avec l'aide d'un surveillant de la prison qui avait été soudoyé par sa soeur, elle a réussi à s'enfuir et s'est alors rendue en Suède, via la Belgique, en présentant le passeport d'une femme qui lui ressemblait. Ce passeport a été renvoyé plus tard à sa titulaire.


2.4 Dès son arrivée en Suède, le 14 novembre 1991, l'auteur a demandé l'asile. Le 31 janvier 1994, l'Office suédois de l'immigration a rejeté sa demande au motif que la situation politique au Zaïre s'était améliorée et qu'il était peu probable que Mme Muzonzo y soit en butte à des persécutions ou à des brimades graves pour ses activités antérieures avec l'UDPS. L'Office a par ailleurs mis en doute les circonstances dans lesquelles elle avait quitté la prison et le Zaïre.


2.5 Le 13 février 1995, l'Office de recours des étrangers a confirmé la décision de l'Office suédois de l'immigration, considérant que vu la situation présente au Zaïre, Mme Muzonzo ne courait pas le risque d'être persécutée par les autorités zaïroises. L'auteur a alors saisi une nouvelle fois l'Office de recours, en invoquant le rapport sur le Zaïre, en date du 23 décembre 1994, établi par le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme de l'ONU E/CN.4/1994/67.. Le 16 mars 1995, l'Office a rejeté sa demande, considérant que les circonstances invoquées par l'auteur ne pouvaient être admises comme nouvelle preuve.


2.6 Le 12 décembre 1995, l'auteur a déposé une nouvelle requête à l'Office de recours des étrangers en fournissant de nouveaux éléments, une expertise médico-légale établie par le Centre pour les survivants de la torture et de ses séquelles de Stockholm. Le 7 février 1996, l'Office de recours a rejeté la demande, considérant que les éléments qui lui étaient soumis à ce stade auraient pu aisément lui être apportés plus t_t, ce qui diminuait la crédibilité de la requête.


Teneur de la plainte


3.1 L'auteur fait valoir que les décisions prises par les autorités suédoises se fondent sur une perception fausse de la situation au Zaïre. Elle invoque le rapport du Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme sur la situation des droits de l'homme au Zaïreb, où il est signalé que la pratique de la torture est courante au Zaïre et que les prisonnières sont souvent violées. Elle invoque aussi le document du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés intitulé "Background paper on Zairian refugees and asylum seekers" daté de mars 1995, où il est dit que la police de la sécurité s'intéresse tout particulièrement aux demandeurs d'asile rapatriés, qui sont soumis à de longs interrogatoires.


3.2 L'auteur rappelle qu'elle est membre de l'UDPS depuis 1987 et que son restaurant accueillait souvent les réunions politiques de l'antenne locale de ce parti. En outre elle dirigeait le groupe local des femmes et avait participé à de grandes manifestations organisées par l'UDPS pour protester contre le régime de Mobutu. Pendant l'été 1990, elle avait organisé àKinshasa une manifestation qui avait rassemblé des milliers de femmes. De plus, elle a continué ses activités politiques en Suède et elle a assisté régulièrement à des réunions et à des manifestations de l'UDPS. Une lettre de soutien de l'UDPS-Suède est jointe à la communication. Dans ce contexte, l'auteur indique aussi qu'entre 1985 et 1990 son mari était le secrétaire particulier de Bosasi Bolia, cofondateur et dirigeant de l'UDPS, et qu'il demande aujourd'hui l'asile au Congo.


3.3 Des certificats médicaux établis par le Centre pour les survivants de la torture et de ses séquelles (Stockholm) font état de cicatrices correspondant aux accusations de torture et de mauvais traitements formulées par l'auteur ainsi que des sympt_mes d'un état réactionnel aigu à une situation éprouvante.


3.4 L'auteur demande au Comité de prier la Suède, conformément au paragraphe 9 de l'article 108 de son règlement intérieur, de ne pas la renvoyer au Zaïre tant que la communication sera examinée par le Comité.


Observations de l'État partie


4. Le 28 février 1996, le Comité a transmis, par l'intermédiaire de son Rapporteur spécial, la communication à l'État partie en lui demandant de faire parvenir ses observations et en le priant de ne pas expulser l'auteur tant que la communication était à l'examen.


5.1 Dans une réponse datée du 18 avril 1996, l'État partie conteste la recevabilité de la communication mais traite également du fond. Il prie le Comité, s'il ne déclare pas la communication irrecevable, de l'examiner quant au fond le plus t_t possible.


5.2 L'État partie rappelle qu'il était parmi les auteurs de la résolution 1995/69, relative à la situation des droits de l'homme au Zaïre, adoptée par la Commission des droits de l'homme le 8 mars 1995 Documents officiels du Conseil économique et social, 1995, Supplément No 3 (E/1995/23 et Corr.1 et 2), chap. II.A. et qu'il a conscience de la situation déplorable des droits de l'homme dans ce pays. Toutefois, tout en se référant au rapport du Rapporteur spécial de la Commission sur le Zaïre, l'État partie fait valoir qu'il semble y avoir une amélioration depuis la nomination, le 14 juin 1994, de M. Kengo Wa Dondo au poste de premier ministre. Des prisonniers politiques ont été remis en liberté et le nombre d'arrestations pour des motifs politiques a considérablement diminué. Dans ce contexte, l'État partie cite aussi un rapport établi par une organisation appelée "Voice of the Voiceless for Human Rights" qui porte sur les problèmes de demandeurs d'asile zaïrois et qui concluait qu'il n'était pas possible d'affirmer a priori que les demandeurs d'asile zaïrois expulsés couraient un danger au Zaïre. Il était précisé que ces affaires devaient être étudiées et réglées au cas par cas.


5.3 En ce qui concerne la procédure interne, l'État partie explique que les dispositions fondamentales régissant le droit des étrangers d'entrer en Suède et d'y demeurer sont les dispositions de la loi de 1989 relative aux étrangers. Pour se prononcer sur l'octroi du statut de réfugié, deux instances sont normalement compétentes : l'Office suédois de l'immigration et l'Office de recours des étrangers. Dans des cas exceptionnels, la requête est renvoyée au gouvernement. L'article premier du chapitre 8 de la loi correspond à l'article 3 de la Convention puisqu'il dispose que l'étranger dont l'entrée sur le territoire a été refusée ou qui va être expulsé ne peut en aucun cas être renvoyé dans un pays où il y a des raisons sérieuses de croire qu'il risquerait de subir la peine capitale ou des châtiments corporels ou d'être soumis à la torture, ni dans un pays où il ne peut pas être prémuni contre la possibilité d'être renvoyé dans un pays où il courrait ce risque. De plus, en vertu de l'article 5 a) du chapitre 2 de la loi, l'étranger qui va se voir refuser l'entrée sur le territoire ou qui va être expulsé peut solliciter un permis de séjour si sa demande est justifiée par des circonstances qui n'ont pas déjà été examinées et si l'étranger a droit à l'asile en Suède ou si l'exécution de la décision de refus d'entrée ou de la décision d'expulsion serait d'une manière ou d'une autre incompatible avec le droit humanitaire.


5.4 En ce qui concerne la recevabilité de la communication, l'État partie objecte que la communication est irrecevable car elle est incompatible avec les dispositions de la Convention, en l'absence des éléments nécessaires pour étayer les allégations avancées.


6.1 En ce qui concerne le fond, l'État partie renvoie à la jurisprudence du Comité établie dans l'affaire Mutombo c. Suisse Communication No 13/1993, constatations adoptées le 27 avril 1994., et aux deux critères arrêtés par le Comité : premièrement, l'intéressé doit personnellement risquer d'être soumis à la torture et deuxièmement, la torture doit être une conséquence nécessaire et prévisible de son retour dans le pays.


6.2 Pour ce qui est de la situation générale des droits de l'homme au Zaïre, l'État partie reconnaît qu'elle est grave et inacceptable, malgré certaines améliorations constatées depuis 1994. Néanmoins, il fait valoir que d'une façon générale les demandeurs d'asile qui rentrent au Zaïre ne sont pas en butte à des persécutions politiques.


6.3 L'État partie invoque sa propre législation, affirmant que les principes sur lesquels elle repose sont précisément ceux qui sont consacrés à l'article 3 de la Convention. Les autorités suédoises appliquent donc le même critère que le Comité quand elles décident de renvoyer un individu dans son pays. L'État partie rappelle que la simple possibilité qu'un individu soit soumis à des mauvais traitements dans son pays d'origine ne suffit pas pour créer une obligation d'accorder l'asile à l'intéressé dans un pays tiers ou pour interdire son renvoi, pour incompatibilité avec l'article 3 de la Convention.


6.4 En l'espèce, l'État partie ne doute pas du bien-fondé de l'avis de l'Office d'immigration et de l'Office de recours qui, après un examen attentif des faits de la cause, ont conclu que l'auteur ne risquerait pas personnellement d'être soumise à la torture si elle retournait au Zaïre.


6.5 L'État partie met de plus en relief des incohérences dans le récit de l'auteur en ce qui concerne le viol dont elle se déclare victime. D'après un certificat médical daté de mai 1995, l'auteur avait dit qu'elle avait été violée plus de dix fois pendant sa détention, alors que dans sa déclaration de février 1992 à la police suédoise, elle avait dit avoir été rouée de coups mais n'avait pas parlé du viol, et dans son récit du 21 janvier 1993, elle avait dit avoir été violée deux fois. D'après l'État partie, ces incohérences portent un coup sérieux à la véracité du récit de l'auteur. De plus, l'État partie rappelle que le certificat médical n'a été produit qu'en 1995, c'est-à-dire une fois achevée la procédure d'examen de la demande de statut de réfugié, ce qui affaiblit encore la crédibilité de l'auteur.


6.6 L'État partie fait valoir que les éléments de preuve fournis par l'auteur sont insuffisants pour démontrer que le risque qu'elle courrait d'être torturée est une conséquence prévisible et nécessaire de son retour au Zaïre. Il fait valoir à ce sujet que la situation qui prévaut aujourd'hui au Zaïre est différente de celle qui régnait quand l'auteur a été arrêtée pour ses activités politiques et qu'il n'y a pas de raison de croire qu'elle serait maintenant arrêtée si elle rentrait dans son pays.


Commentaires du conseil


7.1 Dans ses commentaires sur les observations de l'État partie, l'avocate qui représente l'auteur confirme que l'Office suédois de l'immigration a décidé le 8 mars 1996 de surseoir à l'expulsion jusqu'au 25 mai 1996.


7.2 L'avocate renvoie au rapport de 1995 du Département d'État des États-Unis sur les pratiques en matière de droits de l'homme au Zaïre, où il est indiqué que le Gouvernement a continué de tolérer et de commettre de graves violations des droits de l'homme, imputables en particulier à ses forces de sécurité.


7.3 En ce qui concerne les incohérences dans le récit de l'auteur relevées par l'État partie, le conseil affirme que l'auteur avait déjà devant le premier organe parlé de mauvais traitements graves et de viols et elle se réfère à des articles parus dans des revues de médecine, où il est expliqué que les victimes de torture souffrent d'un blocage psychologique qui les empêche de raconter tout ce qu'elles ont vécu dès leur arrivée dans un pays sûr. Dans ce contexte, elle fait remarquer qu'au début l'auteur ne parlait de ses souffrances que très peu et comme en passant et que ce n'est que plus tard, avec le temps, qu'elle a pu les raconter vraiment. Le conseil souligne que le récit de l'auteur est resté inchangé, cohérent et plausible à tout moment. Elle ajoute que si l'auteur n'a pas fourni de certificat médical avant juillet 1995, c'était parce qu'elle était sûre du bien-fondé de sa requête et parce que de surcroît elle n'avait pas assez d'argent.


7.4 Pour répondre à l'argument de l'État partie qui affirme que la situation des droits de l'homme au Zaïre s'est améliorée et que par conséquent l'auteur ne court aucun danger si elle rentre dans son pays, le conseil cite les propos tenus le 9 mai 1995 par un conseiller juridique de haut rang du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés qui a dit que bien que le HCR ne soit plus opposé au retour dans leur pays des Zaïrois dont la demande d'asile avait été rejetée, il fallait faire une exception pour des groupes particulièrement à risque, par exemple les membres actifs des partis d'opposition politique et plus spécialement de l'UDPS. Le conseil fait valoir que malgré certaines améliorations, il existe encore incontestablement au Zaïre un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme graves, flagrantes ou massives.


7.5 Le conseil conclut que l'auteur a apporté des éléments suffisants pour montrer qu'elle était bien une militante de l'UDPS et qu'elle était connue des autorités zaïroises, qu'elle avait été incarcérée, torturée et maltraitée du fait de son engagement politique, que la situation des droits de l'homme au Zaïre est déplorable et que les militants de l'UDPS sont tout particulièrement menacés de persécution. Elle affirme donc que le renvoi de l'auteur au Zaïre aurait pour conséquence prévisible et nécessaire de l'exposer à un danger réel d'être arrêtée et torturée.


Délibérations du Comité


8. Avant d'examiner une plainte contenue dans une communication, le Comité doit déterminer si elle est recevable en vertu de l'article 22 de la Convention. Il s'est assuré, comme il y est tenu par le paragraphe 5 a) de l'article 22 de la Convention, que la même question n'avait pas été et n'était pas en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement. Il note en outre que tous les recours internes disponibles ont été épuisés et constate qu'aucun autre obstacle ne peut être opposé à la recevabilité de la communication. Étant donné que l'État partie et le conseil de l'auteur ont fait parvenir des observations sur le fond de la communication, le Comité procède immédiatement à l'examen de la communication quant au fond.


9.1 Le Comité doit déterminer si le renvoi de l'auteur au Zaïre constituerait une violation de l'obligation qui incombe à la Suède en vertu de l'article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture.


9.2 Conformément au paragraphe 1 de l'article 3, le Comité doit déterminer s'il existe des motifs sérieux de croire que Mme Kisoki risquerait d'être soumise à la torture si elle retournait au Zaïre. Pour ce faire, il doit, conformément au paragraphe 2 de l'article 3, tenir compte de toutes les considérations pertinentes, y compris de l'existence d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives. Il s'agit toutefois de déterminer si l'intéressée risquerait personnellement d'être soumise à la torture dans le pays où elle serait renvoyée. En conséquence, l'existence d'un ensemble de violations flagrantes, graves ou massives des droits de l'homme dans un pays ne constitue pas en soi un motif suffisant pour conclure qu'un individu risquerait d'être victime de torture à son retour dans son pays; il faut qu'il existe des motifs particuliers de penser que l'intéressé serait personnellement en danger. De la même manière, l'absence d'un ensemble systématique de violations flagrantes des droits de l'homme ne signifie pas qu'un individu ne peut pas être considéré comme risquant d'être soumis à la torture dans sa situation particulière.


9.3 Dans le cas de l'auteur, le Comité estime que son appartenance et ses activités politiques, ainsi que ses antécédents de détention et de torture doivent être pris en considération pour déterminer si elle risquerait d'être soumise à la torture à son retour dans son pays. L'État partie a relevé des contradictions et des incohérences dans le récit de l'auteur, mais le Comité considère qu'une exactitude parfaite ne peut guère être attendue de victimes de la torture et que les incohérences qui peuvent apparaître dans l'exposé des faits par l'auteur ne porte pas sur des questions matérielles et ne jettent pas le doute sur la véracité des allégations générales de l'auteur.


9.4 Le Comité a pris note de l'affirmation de l'État partie qui remarque qu'en général les demandeurs d'asile renvoyés au Zaïre ne subissent pas de persécution politique parce que le Gouvernement zaïrois sait qu'un grand nombre d'entre eux quittent le pays pour des raisons économiques et non pour des raisons politiques. Il se peut, mais en l'espèce, l'auteur a fait valoir, ce que l'État partie n'a pas contesté, qu'elle était membre actif de l'UDPS et présidente du groupe local de femmes, que son mari était le secrétaire particulier de l'un des dirigeants de l'UDPS, qu'elle avait été arrêtée en raison de ses activités politiques, et qu'elle poursuivait en Suède ses activités de soutien à l'UDPS. Dans ces circonstances, le Comité ne doit pas tenir compte de la situation générale des demandeurs d'asile renvoyés au Zaïre mais doit s'intéresser à la situation de ceux qui sont des opposants actifs au gouvernement du Président Mobutu.


9.5 Dans ce contexte, le Comité a pris note de la position du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, qui signale que les personnes expulsées dont les autorités s'aperçoivent qu'elles ont demandé l'asile à l'étranger sont soumises à un interrogatoire dès leur arrivée à l'aéroport de Kinshasa et que, après l'interrogatoire, celles qui sont considérées comme ayant un profil politique risquent d'être arrêtées, placées en détention et par conséquent maltraitées. Le Comité note également que d'après les renseignements disponibles, les membres de l'UDPS continuent d'être la cible de persécution politique au Zaïre.


9.6 Dans ces circonstances, le Comité estime qu'il existe des motifs sérieux de croire que l'auteur risquerait d'être soumise à la torture si elle était renvoyée au Zaïre.


9.7 Le Comité conclut que l'expulsion ou le refoulement de l'auteur vers le Zaïre dans les circonstances actuelles constituerait une violation de l'article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.


10. Compte tenu de ce qui précède, le Comité est d'avis que, dans les circonstances, l'État partie est tenu de ne pas renvoyer Pauline Muzonzo Paku Kisoki au Zaïre contre son gré.

 

 



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