University of Minnesota


 

Henri Unai Parot c. Espagne, Communication No. 6/1990, U.N. Doc. CAT/C/14/D/6/1990 (1995).


Présentée par : Mme Irène Ursoa Parot


Au nom de : Henri Unai Parot


État partie concerné : Espagne


Date de la communication : 13 octobre 1990


Date de la décision concernant la recevabilité : 26 avril 1994


Le Comité contre la torture, institué conformément à l'article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,


Réuni le 2 mai 1995,


Ayant achevé l'examen de la communication No 6/1990 présentée au Comité contre la torture au nom de M. Henri Unai Parot en vertu de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,


Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par l'auteur de la communication et par l'État partie,


Adopte les constatations suivantes au titre du paragraphe 7 de l'article 22 de la Convention1.

 

1. L'auteur de la communication est Mme Irène Ursoa Parot, qui réside actuellement en France. Elle soumet la communication au nom de son frère, Henri Unai Parot, citoyen français, né à Alger. Membre de l'organisation séparatiste basque ETA, il purge actuellement une peine d'emprisonnement à vie en Espagne. Elle affirme que son frère est victime d'une violation, par l'Espagne, de la Convention contre la torture, sans préciser toutefois de quelles dispositions de la Convention il s'agit.


Rappel des faits présentés par l'auteur


2.1 Henri parot a été arrêté à Séville, le 2 avril 1990, après un échange de coups de feu avec la Guardia Civil, lors d'un contr_le routier. La Guardia Civil a déclaré qu'il transportait dans sa voiture 300 kilogrammes d'ammonal, destinés à faire sauter la préfecture de police de Séville. L'Audiencia Nacional l'a reconnu coupable de participation à des actes terroristes, d'assassinat et de tentative d'assassinat et, sous différents chefs d'accusation, l'a condamné à des peines consécutives de 30 ans de prison.


2.2 Dans une communication en date du 13 octobre 1990, l'auteur affirme que son frère lui a dit qu'il avait été interrogé à la Direction générale de la Guardia Civil à Séville jusqu'au matin du 3 avril 1990, et qu'au cours de l'interrogatoire, il avait été torturé. Le 3 avril 1990, il a été transféré à Madrid, où son interrogatoire s'est poursuivi; une unité spéciale de la Guardia Civil, normalement stationnée au pays basque, que l'on avait fait venir pour qu'il fût torturé par des "experts en la matière", aurait participé à cette séance. L'interrogatoire a duré cinq jours entiers, au cours desquels on ne l'a laissé ni manger ni dormir.


2.3 Entre autres tortures qui auraient été infligées à son frère, l'auteur cite :


— La suffocation provoquée à l'aide d'un sac en plastique dont on lui avait recouvert la tête. Cette torture lui aurait été infligée une vingtaine de fois;


— Les coups ininterrompus assenés de manière à ne pas laisser de marques apparentes;


— L'injection d'une substance non identifiée à l'aide d'une seringue;


— La suspension par les cheveux après lui avoir mis une camisole de force.


2.4 La famille d'Henri Parot a pu constater les séquelles de ces tortures tant physiques (perte de cheveux, amaigrissement, épuisement permanent) que psychologiques (dépression profonde). En outre, l'intéressé souffrirait périodiquement de pertes de mémoire, notamment en ce qui concerne les cinq premiers jours de sa détention.


2.5 Le 7 avril 1990, M. Parot a été présenté au juge d'instruction de la quatrième chambre centrale d'instruction de l'Audiencia Nacional de Madrid. À l'issue de la déclaration qu'il a faite au juge, il a dénoncé les tortures qui lui avaient été infligées par la Guardia Civil. Devant le juge, il était assisté d'un avocat qui avait été désigné par sa famille.


2.6 Le 10 avril 1990, M. Parot a été transféré à la prison de Herrera-de-la-Mancha. Le 11 avril, il a comparu à nouveau devant l'Audiencia Nacional de Madrid pour être entendu par un magistrat français, auquel il s'est également plaint de mauvais traitements.


2.7 Pour ce qui est des conditions de détention, l'auteur affirme que pendant les trois jours où son frère a été incarcéré à la prison de Carabanchal, à Madrid, du 7 au 10 avril 1990, les gardiens l'ont empêché de dormir, par exemple en laissant la lumière allumée dans sa cellule, ou en frappant continuellement contre la porte. À la prison d'Herrera-de-la-Mancha, il a été détenu au secret la plupart du temps et le médecin de la prison lui a fait signer une déclaration par laquelle il certifiait qu'il n'avait subi aucune forme de torture ou de mauvais traitements. Pendant 20 jours, M. Parot a été détenu dans une cellule proche d'un bureau de la Guardia Civil dont les occupants cherchaient à l'effrayer en tirant des coups de feu à l'extérieur de sa cellule et en le menaçant de mort, ainsi que les membres de sa famille. Le 17 avril, alors qu'il prenait une douche, il aurait été passé à tabac par un groupe d'hommes masqués supposés être des membres de la Guardia Civil. Le 8 juin 1990, M. Parot a été transféré à la prison d'Alcalá-Meco, à Madrid, pour faciliter son interrogatoire par le juge d'instruction de l'Audiencia Nacional.


2.8 Par lettre du 10 mai 1993, M. Parot confirme qu'il souhaite que le Comité contre la torture examine les allégations de torture et de mauvais traitements formulées dans la communication présentée par sa soeur.


2.9 Dans une nouvelle communication, datée du 20 août 1993, l'auteur donne des précisions sur les actes de torture et mauvais traitements dénoncés par M. Parot ou en son nom, entre autres sur la plainte que celui-ci a formulée au cours de sa comparution devant le juge d'instruction de la quatrième chambre centrale d'instruction de l'Audiencia Nacional, en avril 1990, et de 25 plaintes formulées au cours du procès devant l'Audiencia Nacional, la première, le 4 décembre 1990, et la dernière, le 4 juin 1993. L'auteur affirme que le 28 mai 1991, son frère a reçu à la prison d'Alcalá-Meco la visite d'un juge d'instruction d'Alcalá-de-Henares qui lui a demandé officiellement s'il souhaitait maintenir sa plainte, question à laquelle il a répondu par l'affirmative.


Décisions antérieures du Comité


3.1 Le Comité contre la torture a examiné pour la première fois la communication No 6/1990 au cours de sa septième session, en novembre 1991. Il a estimé que, comme l'auteur l'avait indiqué, étant donné qu'un juge d'instruction d'Alcalá-de-Henares avait ordonné une enquête sur les allégations de M. Parot, les recours internes n'avaient pas été épuisés. Le 12 novembre 1991, il a donc déclaré la communication irrecevable2.


3.2 Lors de sa neuvième session, en 1993, le Comité était saisi par l'auteur d'une demande de réexamen de la communication, l'auteur alléguant que les autorités espagnoles n'avaient encore fait aucune enquête. Le Comité a décidé de désigner l'un de ses membres comme rapporteur spécial chargé d'examiner la requête. Celui-ci a demandé à l'État partie de formuler ses observations, lesquelles ont été présentées au Comité à sa dixième session. Le Comité a décidé ultérieurement de demander à M. Parot lui-même s'il souhaitait que le Comité examine son affaire et de le prier de fournir davantage de précisions sur les plaintes pour torture déposées auprès des autorités espagnoles (voir par. 2.8 et 2.9 ci-dessus). Sur la base des renseignements reçus, le Comité, agissant conformément à l'article 109 de son règlement intérieur, a décidé, le 18 novembre 1993, d'annuler sa décision antérieure du 12 novembre 1991 et de réexaminer le cas. Il a en outre décidé de demander à l'État partie de lui présenter des observations concernant la question de la recevabilité de la communication.


Observations de l'État partie et commentaires de l'auteur à ce sujet


4.1 Dans sa réponse du 11 février 1994, l'État partie soutient que la communication est irrecevable. Il fait valoir que les recherches entreprises dans les sept juridictions de première instance d'Alcalá-de-Henares révèlent que, contrairement à ce qu'affirme l'auteur, aucune plainte pour torture n'a été déposée par M. Parot.


4.2 L'État partie nie que M. Parot ait été soumis à des mauvais traitements. Il affirme que pendant qu'il était détenu par la Guardia Civil à Séville et à Madrid puis durant son incarcération, M. Parot a été régulièrement examiné par des médecins qui n'ont fait aucune mention de mauvais traitements ou de torture dans leurs rapports. Les juges d'instruction devant lesquels M. Parot a comparu n'ont pas constaté non plus de marques apparentes de mauvais traitements ou de torture. Bien que M. Parot ait dit qu'il avait été soumis à des mauvais traitements à la fin de l'audience devant la quatrième juridiction de l'Audiencia Nacional, le 7 avril 1990, le juge d'instruction n'a pas jugé utile d'ordonner une enquête sur les actes dénoncés, compte tenu des renseignements figurant dans les rapports médicaux et du fait que M. Parot ne portait pas de traces visibles de mauvais traitements. L'État partie affirme que l'enquête approfondie menée sur toutes ces allégations révèle que M. Parot n'a pas ultérieurement demandé officiellement l'ouverture d'une enquête sur les mauvais traitements qu'il aurait prétendument subis au cours des premiers jours de sa détention.


4.3 L'État partie prétend que les renseignements fournis par l'auteur au sujet des plaintes formulées par son frère ou en son nom sont par trop vagues. Il soutient que l'ETA a pour politique de déposer, par l'intermédiaire de ses membres, de leur famille et de leurs avocats, des plaintes, au hasard, auprès de toutes sortes d'organisations internationales. Il affirme que M. Parot a adressé au juge de surveillance des conditions pénitentiaires (Juzgados de Vigilancia Penitenciara) de nombreuses plaintes au sujet du mauvais fonctionnement des services pénitentiaires, montrant ainsi qu'il connaît bien la procédure à suivre pour déposer une plainte, mais qu'il ne s'est jamais plaint d'avoir fait l'objet de tortures ou de mauvais traitements.


4.4 L'État partie fait valoir que les seules plaintes déposées au nom de M. Parot sont deux requêtes, identiques, présentées en avril et mai 1991 par sa femme, qui font état de rumeurs selon lesquelles des agents du personnel pénitentiaire avaient essayé de recruter les services d'un prisonnier pour tuer des membres de l'ETA emprisonnés. Des plaintes analogues ont été déposées par d'autres parents de membres de l'ETA en détention. Une enquête a été ouverte, à l'issue de laquelle le tribunal No 7 d'Alcalá-de-Henares a, le 9 mars 1993, rendu une ordonnance de non-lieu, en raison du manque de preuves.


4.5 L'État partie en conclut que la communication est irrecevable parce qu'elle ne correspond pas à la vérité, qu'elle est sans rapport avec la Convention contre la torture et que les recours internes n'ont pas été épuisés.


5.1 Dans ses commentaires sur les observations de l'État partie (en date du 24 mars 1994), l'auteur affirme qu'elle a du mal à obtenir des informations précises sur l'enquête ordonnée par un juge d'instruction du tribunal d'Alcalá-de-Henares et que l'État partie est mieux placé qu'elle pour le faire. Elle affirme qu'au début de l'après-midi du 28 mai 1991, son frère a reçu la visite, à la prison d'Alcalá-de-Henares, d'une juge du tribunal qui était de permanence et qui, selon elle, a refusé de donner son nom à son frère et a demandé à celui-ci s'il souhaitait maintenir sa plainte pour torture. Son frère ayant répondu par l'affirmative, sa plainte a été transcrite l'après-midi même et relue puis signée par lui en présence d'un avocat commis d'office. Aucune copie de cette plainte ne lui a été envoyée, ce qui serait contraire à la loi espagnole.


5.2 Pour ce qui est de l'affirmation de l'État partie selon laquelle rien dans les rapports des médecins légistes n'indique que M. Parot ait été maltraité ou torturé, l'auteur déclare que son frère a été victime de "tortures qui n'étaient pas médiévales" et avaient été infligées de manière à ne laisser pratiquement aucune trace visible sur le corps. Elle affirme que son frère n'a pas dénoncé ces mauvais traitements aux médecins qui l'ont examiné, de peur d'être victime de représailles de la part de la Guardia Civil.


Décision du Comité concernant la recevabilité


6.1 Lors de sa douzième session, le Comité a examiné la question de la recevabilité de la communication. Il s'est assuré que la même question n'avait pas été examinée et n'était pas en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête. Il a noté que personne ne contestait que M. Parot s'était plaint, le 7 avril 1990, de mauvais traitements et de torture devant le magistrat instructeur. Le Comité a estimé que, même si ces tentatives pour se prévaloir des recours internes disponibles n'avaient pas été faites selon les modalités prescrites par la loi, elles prouvaient à l'évidence que M. Parot souhaitait qu'une enquête soit ouverte sur les actes qu'il avait dénoncés. Il a conclu que, dans ces conditions, rien ne l'empêchait d'examiner la communication.


6.2 En conséquence, le 26 avril 1994, le Comité a déclaré la communication recevable étant donné qu'elle pouvait soulever des questions relevant de la Convention, notamment concernant le fait que l'État partie n'avait pas fait d'enquête sur les actes dénoncés par M. Parot.


Observations de l'État partie quant au fond et commentaires de l'auteur


7.1 Dans ses observations du 29 novembre 1994, l'État partie fait valoir que le cas de M. Parot a été porté à l'attention du Rapporteur spécial sur la torture de la Commission de l'ONU des droits de l'homme qui a adressé une demande d'information à l'État partie. Après que celui-ci eut fourni les renseignements demandés l'affaire a été classée et le Rapporteur spécial n'en a pas fait mention dans son rapport à la Commission des droits de l'homme.


7.2 L'État partie soutient par ailleurs que la communication présentée au Comité au nom de M. Parot est extrêmement vague. Il note qu'il n'est donné aucune précision sur la plainte qu'il aurait formulée au cours de sa comparution devant un juge d'Alcalá-de-Henares et il fait état de sa perplexité devant la décision qu'a prise le Comité, dans ces conditions, de déclarer la communication recevable. Il rappelle à cet égard que M. Parot est l'un des plus grands criminels de l'époque contemporaine, qu'il a été chef d'un commando de l'ETA et que les allégations mensongères qu'il a formulées ont suscité une attention démesurée au profit de l'ETA, disproportionnée par rapport au traitement que recevraient d'autres citoyens.


7.3 En ce qui concerne le fond de la communication, l'État partie fait observer que M. Parot a montré qu'il connaissait parfaitement le système judiciaire espagnol, puisqu'il a formulé de nombreuses réclamations au sujet de ses conditions de détention et a reçu une réponse pour chacune d'elles, mais qu'il n'a jamais déposé officiellement de plainte pour mauvais traitements ou torture. À ce sujet, l'État partie soutient que les membres de l'ETA ont pour instructions de se plaindre systématiquement d'avoir subi des tortures et des mauvais traitements. Il ajoute que le juge d'instruction n'a pas non plus remarqué de traces de lésions qui auraient nécessité l'ouverture d'une enquête. L'État partie affirme que si ces allégations avaient été fondées, l'avocat de M. Parot aurait certainement demandé au juge de transmettre copie du témoignage au juge compétent pour enquête. Or, les avocats de M. Parot n'ont jamais porté plainte pour mauvais traitements pendant la détention. En outre, l'un des avocats de Parot a déposé officiellement une plainte, le 22 juin 1990, au motif que Parot avait été insulté et battu au cours d'un transfert effectué dans la ville de Madrid même. De l'avis de l'État partie, il est pour le moins incohérent, si ces allégations sont fondées, de porter plainte officiellement au sujet d'un incident particulier et de ne pas dénoncer les tortures qu'aurait subies l'intéressé lors de son arrestation.


7.4 L'État partie signale en outre que M. Parot a été régulièrement examiné par un médecin légiste pendant sa détention. Il indique que le premier examen médical a eu lieu un peu après minuit, le 3 avril 1990, et que seules deux petites égratignures ont alors été constatées et que M. Parot a déclaré qu'il n'avait fait l'objet d'aucun mauvais traitement. Le deuxième examen a eu lieu le même jour, 3 avril 1990, à l'arrivée de Parot à Madrid, et les suivants les 5, 6 et 7 avril 1990. L'État partie joint des copies des rapports médicaux et conclut qu'aucun signe de mauvais traitements n'a été relevé.


7.5 L'État partie fait observer qu'au cours de cette période, M. Parot ne s'est jamais plaint d'avoir été torturé ou maltraité dans aucune de ses dépositions. Celles-ci ont toutes été faites en présence de l'avocat commis d'office pour l'assister. L'État partie joint à ses observations une déclaration faite par un avocat ayant assisté Parot pendant les premiers jours de sa détention, qui affirme qu'il n'a pas eu connaissance que des mauvais traitements ou des tortures avaient été infligés à Parot et qu'au contraire celui-ci paraissait en bonne santé et avait déposé en toute liberté.


7.6 Concernant la comparution de M. Parot devant le magistrat instructeur le 7 avril 1990, l'État partie fait valoir que, le 7 novembre 1994, le juge a affirmé que celui-ci n'avait manifesté aucun signe de nervosité, de fatigue ou d'épuisement et que l'avocat qui l'assistait n'avait pas émis de protestations. L'État partie se réfère en outre au jugement rendu par l'Audiencia Nacional, le 18 décembre 1990, qui a rejeté la plainte pour mauvais traitements formulée par Parot au cours de l'audience du 7 avril 1990. Le juge a estimé qu'aucun des cinq avocats commis d'office qui se relayaient pour assister Parot au cours des interrogatoires n'avait relevé d'irrégularité, qu'il n'était fait mention dans les rapports médicaux que de lésions produites au moment de l'arrestation de Parot (le juge a rappelé que Parot avait été arrêté après avoir tiré à 15 reprises sur les policiers présents et que ceux-ci avaient dû avoir recours à la force pour l'arrêter), que Parot lui-même avait déclaré au médecin qui l'avait examiné qu'il n'était pas maltraité, ce qui n'a pas été contesté, qu'il n'avait formulé sa plainte qu'à l'issue de sa déclaration, en réponse à une demande précise de son avocate et enfin, que les faits dénoncés ne concordaient pas avec les constatations qu'avait faites le juge durant l'audience.


7.7 Pour ce qui est de l'affirmation selon laquelle M. Parot a reçu la visite à la prison d'Alcalá-de-Henares d'un juge qui était de permanence (une femme) qui lui a demandé s'il souhaitait maintenir sa plainte pour mauvais traitements, l'État partie affirme qu'un juge d'instruction (un homme) lui a rendu visite à la prison le 18 mai 1991 afin de l'informer qu'une ordonnance d'ouverture d'une information avait été rendue et de recueillir sa déclaration et que Parot, en attendant que son avocate arrive, a affirmé que ses déclarations antérieures avaient été obtenues sous la torture. L'État partie souligne que cette allégation ne peut être considérée comme une plainte officielle pour mauvais traitements et qu'une allégation similaire avait déjà été rejetée par l'Audiencia Nacional dans le cadre de la même procédure d'instruction préliminaire, le 18 décembre 1990 (voir ci-dessus).


7.8 Enfin, l'État partie fait observer que dans ses conclusions écrites portant sur l'instruction, datées du 20 janvier 1992, le conseil de M. Parot ne fait absolument pas état de mauvais traitements. Dans son jugement du 28 juin 1993, la chambre centrale d'instruction conclut que rien n'indique que M. Parot ait subi de mauvais traitements.


8.1 Dans ses commentaires, datés du 27 janvier 1995, l'auteur conteste l'argument de l'État partie selon lequel elle est un instrument de l'ETA et réaffirme que ce n'est que par souci du bien-être de son frère qu'elle a présenté une communication au Comité. Elle soutient que les personnes qui affirment avoir vu son frère pendant les premiers jours de sa détention et maintiennent qu'elles n'ont relevé aucune trace de mauvais traitements sont en réalité complices de la torture. Elle qualifie de propagande l'affirmation de l'État partie selon laquelle les membres de l'ETA ont pour instructions de formuler des plaintes pour torture.


8.2 L'auteur indique en outre que l'imprécision de ses communications s'explique par le fait qu'elle vit en France, ce qui ne facilite pas les contacts avec son frère et ses avocats.


8.3 En ce qui concerne la visite à la prison, le 28 mai 1991, l'auteur dit qu'elle n'a jamais nié qu'un juge (un homme) ait rendu visite à son frère ce jour-là mais ajoute que le même jour, il a également reçu la visite d'un juge du tribunal No 3 d'Alcalá-de-Henares, Mme Isabel Fernandez, à la demande du tribunal No 2 de Manzanares auprès duquel Parot avait officiellement porté plainte pour torture.


8.4 Elle explique que d'après les recherches effectuées à Manzanares, une plainte a été déposée les 21 et 28 avril 1990 au nom de Parot devant la juridiction d'instruction No 1 de Manzanares au sujet de la détention au secret dont Parot faisait l'objet et d'une agression dont il avait été victime dans la prison alors qu'il se rendait aux douches. Le 16 mai 1990, Parot a fait une déclaration en prison confirmant les plaintes formulées en son nom. D'après un certificat médical, Parot avait des ecchymoses au bras droit et à la jambe droite. En outre, le 11 mai 1990, une instruction a été ouverte par le tribunal No 2 de Manzanares après que Parot eut dénoncé en détail devant une commission judiciaire les tortures qui lui avaient été infligées au moment de son arrestation. Le 10 janvier 1991, les deux instructions ont été jointes. Le 21 mai 1991, un juge du tribunal No 3 d'Alcalá-de-Henares a été chargé d'entendre Parot et s'est donc rendu à la prison, le 28 mai 1991, pour recueillir sa déclaration. L'auteur affirme que finalement le juge d'instruction du tribunal No 2 de Manzanares a décidé de classer l'affaire en ne se prononçant que sur la plainte relative à l'agression dans la douche et déclarant à cet égard que les déclarations de Parot ne permettaient pas d'établir les responsabilités pénales en la matière de personnes connues.


8.5 L'auteur dit que son frère n'a jamais été informé du résultat de l'enquête et n'a pas reçu copie des documents pertinents. Elle affirme que, pour cette raison, il lui a été difficile de vérifier les faits.


8.6 L'auteur exprime son étonnement devant la déclaration faite par l'un des avocats commis d'office qui assistait aux interrogatoires de son frère. Elle la conteste et explique que la loi espagnole autorise la détention au secret pendant cinq jours au plus des personnes soupçonnées de terrorisme mais leur interdit d'être assistées d'un avocat de leur choix et exige la présence d'un avocat commis d'office lorsque l'inculpé fait sa déclaration. Selon l'auteur, la loi interdit également tout contact en privé entre le détenu et l'avocat. Elle en conclut qu'on peut par conséquent douter que Parot ait rencontré cet avocat uniquement pour lui dire qu'il avait été bien traité. Elle affirme à ce sujet que son frère nie s'être entretenu en tête-à-tête avec un avocat pendant sa détention.


Examen quant au fond


9. Le Comité a examiné la communication en tenant compte de toutes les informations qui lui avaient été soumises par les parties, conformément au paragraphe 4 de l'article 22 de la Convention.


10.1 Dans sa décision du 26 avril 1994, le Comité a convenu que la communication était formellement recevable, car elle soulevait la question de l'éventuelle responsabilité de l'État partie au regard de l'article 13 de la Convention, aux termes duquel :


" Tout État partie assure à toute personne qui prétend avoir été soumise à la torture sur tout territoire sous sa juridiction le droit de porter plainte devant les autorités compétentes dudit État qui procéderont immédiatement et impartialement à l'examen de sa cause."


10.2 Dans le cas considéré, l'auteur de la communication affirme que le 7 avril 1990, son frère Henri Parot, au moment où il achevait sa déclaration devant la quatrième chambre centrale d'instruction de l'Audiencia Nacional de Madrid, s'était plaint des tortures dont il avait été victime aux mains de la Guardia Civil les jours qui avaient suivi immédiatement son arrestation et que jamais cette plainte n'a été examinée par les autorités de l'État partie.


10.3 L'État partie a nié que des mauvais traitements eussent été infligés et a affirmé que les allégations de M. Parot avaient fait l'objet, de la part des autorités pénitentiaires et judiciaires, d'une enquête qui avait donné des résultats négatifs.


10.4 Le Comité constate qu'en principe l'article 13 de la Convention n'exige pas qu'une plainte faisant état de torture soit déposée en bonne et due forme, et qu'il suffit que la victime se contente de formuler une allégation pour que l'État soit tenu de l'examiner immédiatement et impartialement.


10.5 De l'avis du Comité, l'État partie a examiné et rejeté l'allégation de torture formulée par M. Parot dans sa déclaration du 7 avril 1990. En effet, l'Audiencia Nacional, dans le jugement rendu le 18 décembre 1990, a traité expressément de cette plainte, qu'elle a rejetée en se fondant sur les cinq examens médicaux pratiqués à l'époque où auraient eu lieu les tortures en question et sur les propos tenus par M. Parot lui-même devant le médecin légiste de Séville, propos qui n'ont jamais été démentis (voir par. 7.5 et 7.6 ci-dessus).


10.6 Le Comité estime que si des plaintes de torture sont formulées dans le cadre de l'instruction d'une affaire, il est souhaitable que la lumière soit faite à ce sujet au moyen d'une procédure distincte. Cependant, la méthode retenue dépend de la législation interne de chaque État partie et des circonstances propres à chaque cas.


10.7 Ni M. Parot ni l'auteur de la communication considérée n'avaient lieu de contester la procédure suivie en l'espèce par l'État partie, attendu que le premier non seulement avait bénéficié du concours de nombreux avocats au cours du procès, mais avait aussi exercé à maintes reprises son droit de présenter d'autres plaintes et dénonciations, lesquelles avaient été également examinées par les autorités de l'État.


11. Ces considérations amènent le Comité contre la torture à conclure que l'État partie n'a pas violé la règle énoncée à l'article 13 de la Convention et à décider que les informations dont il a été saisi n'établissent la violation d'aucune autre disposition de la Convention.

[Texte établi en espagnol (version originale) et traduit en anglais, français et russe.]

Notes


1 En application de l'article 104 du règlement intérieur du Comité, M. Hugo Lorenzo n'a pas pris part à l'examen de la présente communication ni à la décision dont elle a fait l'objet.


2 Voir CAT/C/7/D/6/1990, décision concernant la recevabilité, en date du 12 novembre 1991.



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