University of Minnesota


S.S. et S.A. (noms supprimés) c. Pays-Bas, Communication No. 142/1999, U.N. Doc. CAT/C/26/D/142/1999 (2001).


Présentée par: S . S. et S. A. (noms supprimés) (représentés par un conseil)

au nom de: Les auteurs


État partie:
Pays-Bas


Date de la communication:
12 juillet 1999



Le Comité contre la torture
, institué conformément à l'article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,


Réuni
le 11 mai 2001,


Ayant achevé
l'examen de la Communication n 142/1999 présentée au Comité contre la torture en vertu de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,


Ayant tenu compte
de toutes les informations qui lui ont été communiquées par l'auteur de la communication, son conseil et l'État partie,


Adopte
ses constatations au titre du paragraphe 7 de l'article 22 de la Convention

1.1 Les auteurs de la communication sont: M. S. S., de nationalité sri-lankaise, né le 1er avril 1963, sa femme, Mme S. A., de nationalité sri-lankaise, née le 28 août 1972 et leur fille, B. S., née le 12 octobre 1997 aux Pays-Bas. Résidant actuellement aux Pays-Bas, les auteurs affirment que la mesure d'expulsion vers le Sri Lanka susceptible de leur être appliquée constituerait une violation par les Pays-Bas de l'article 3 de la Convention. Ils sont représentés par un conseil.


1.2 Conformément au paragraphe 3 de l'article 22 de la Convention, le Comité a porté la communication à l'intention de l'État partie le 18 août 1999. Simultanément, conformément au paragraphe 9 de l'article 108 du règlement intérieur du Comité, il a été demandé à l'État partie de surseoir à l'expulsion des auteurs vers Sri Lanka tant que leur communication serait à l'examen par le Comité. Dans un mémoire en date du 28 octobre 1999, l'État partie a informé le Comité que les auteurs ne seraient pas renvoyés à Sri Lanka tant que le Comité serait saisi de leur affaire.


Rappel des faits présentés par les auteurs


2.1 M. S. S., tamoul de souche, affirme avoir été retenu en captivité du 10 janvier au 30 septembre 1995 par une organisation tamoule (les Tigres de libération de l'Eelam tamoul - LTTE) pour l'avoir critiquée en public ainsi que son chef et refusé de participer à ses actions. Durant sa détention, il a dû accomplir des tâches telles que couper du bois, remplir des sacs de sable, creuser des abris et faire la cuisine. Avant de capturer l'auteur, le LTTE avait arrêté à sa place son père, qui était décédé d'une crise cardiaque pendant sa captivité. M. S. S. est parvenu à s'évader du camp du LTTE le 30 septembre 1995 et s'est rendu à Colombo.


2.2 Le 3 octobre 1995, à l'occasion d'un contrôle d'identité de routine il a été arrêté par la police parce qu'il n'avait pas de carte d'identité. Il a subi un interrogatoire au cours duquel on lui a posé des questions sur sa situation personnelle et on lui a demandé s'il était impliqué dans les activités du LTTE, ce qu'il a nié. Il affirme que la police ne l'a pas cru et l'a accusé d'espionner pour le compte du LTTE et d'être venu à Colombo pour y préparer une attaque. Les autorités le soupçonneraient d'être un espion du LTTE et d'être venu préparer des actions dirigées contre l'État. Le jour suivant, il a été libéré après l'intervention d'un oncle et le paiement d'une somme d'argent, avec obligation de se présenter quotidiennement au poste de police pendant toute la durée de son séjour à Colombo. L'auteur affirme avoir appris que les autorités projetaient de l'incarcérer à la prison de Boosa, d'où, selon certaines sources, aucun détenu n'est jamais ressorti vivant. Le 8 octobre 1995, M. S. S. a quitté Sri Lanka par avion pour les Pays-Bas.


2.3 Le 18 décembre 1995, la demande d'asile déposée par M. S. S. le 19 octobre 1995 a été rejetée. Le recours contestant cette décision formé le 23 janvier 1996 auprès du Secrétaire d'État à la justice a été rejeté le 16 septembre 1996. La décision du Secrétaire d'État a fait l'objet d'un appel le 30 octobre 1996 mais avant même que l'affaire ait été jugée, il a été notifié à M. S. S. que la décision de rejet du 16 septembre 1996 avait été annulée et qu'une nouvelle décision serait rendue une fois son affaire examinée par la Commission consultative indépendante pour les affaires relatives aux étrangers ( Adviescommissie voor vreemdelingzaken ).


2.4 Pour ce qui est de Mme S. A., également tamoule de souche, il est affirmé que le LTTE l'aurait arrêtée elle aussi, à la mi-novembre 1995, pour essayer de déterminer où se trouvait son mari et ce qu'il faisait. Durant son séjour au camp du LTTE, elle a été contrainte d'accomplir des tâches telles que cuisine et nettoyage. Après avoir été hospitalisée à la fin du mois de mars 1996, elle s'est évadée le 3 avril 1996.


2.5 Le 17 juin 1996, elle a été arrêtée par le Front révolutionnaire de libération du peuple de l'Eelam (EPRLF). Elle affirme avoir été accusée par un tiers de collaboration avec le LTTE et avoir été interrogée à plusieurs reprises sur ce point par des membres de l'EPRLF auxquels elle a expliqué la raison pour laquelle elle avait été contrainte au travail forcé par le LTTE. Elle indique ne pas avoir été maltraitée malgré des coups occasionnels. Elle a été remise aux autorités sri-lankaises, placée en détention et conduite à plusieurs reprises à des barrages routiers en vue de l'éventuelle identification de membres du LTTE. À la mi-août 1996, elle est parvenue à s'évader lorsque l'un des véhicules d'un convoi dans lequel elle se trouvait a sauté sur une mine. Elle s'est rendue à Colombo à la fin du mois d'août et a quitté le pays par avion pour les Pays-Bas le 12 septembre 1996. Il est indiqué, sans renseignements détaillés à l'appui, que son oncle aurait été tué par les autorités à titre de représailles pour son évasion.


2.6 Le 18 novembre 1996, la demande d'asile déposée par Mme S. A. le 16 octobre 1996 a été rejetée. Le recours formé le 31 décembre 1996 auprès du Secrétaire d'État à la justice a été rejeté le 20 mars 1997. Le lendemain, Mme S. A. a été informée que la décision avait été annulée et qu'une nouvelle décision serait rendue après examen du dossier par la Commission consultative.


2.7 M. S. S. et Mme S. A. ont tous les deux été entendus le 2 février 1998 par la Commission consultative, composée de trois membres; dans un jugement détaillé et pleinement motivé, les membres de la Commission ont recommandé à l'unanimité que le Secrétaire d'État à la justice rejette l'objection des auteurs contestant le refus initial d'accorder l'asile (1). Le 30 juin 1998, le Secrétaire d'État à la justice a déclaré que l'objection des auteurs au refus initial était infondée, estimant qu'ils n'étaient pas admissibles au statut de réfugié et n'étaient pas réellement en danger d'être soumis à des traitements inhumains. Le 23 juillet 1998, les auteurs ont fait appel de cette décision auprès de la section de Bois-le-Duc du tribunal d'arrondissement de La Haye, qui, le 25 janvier 1999, a jugé infondé leur appel.


Teneur de la plainte


3. Les auteurs affirment que de solides raisons donnent à penser qu'en cas de rapatriement à Sri Lanka ils y seront soumis à la torture. Selon eux, en tant que Tamouls originaires de la ville de Jaffna à peuplement tamoul, dans le nord du pays, leur présence à Colombo ne peut que les faire suspecter par les autorités d'entretenir des relations avec le LTTE. Ayant été déjà suspectés d'entretenir de telles relations, ils soutiennent qu'aucun lieu ne saurait être sûr pour eux à Sri Lanka. Ils affirment que les autorités sont fermement convaincues de leur appartenance à l'opposition au régime. Citant sans autre précision des rapports sur la situation d'ensemble au Sri Lanka émanant d'Amnesty International, du HCR et d'autres sources, les auteurs font valoir qu'ils risquent effectivement d'être arrêtés et torturés en cas de rapatriement. En conséquence, ils soutiennent que leur retour forcé constituerait une violation de l'article 3 de la Convention.


Observations de l'État partie


4.1 En ce qui concerne la recevabilité de la communication, par une lettre en date du 28 octobre 1999, l'État partie a reconnu que toutes les voies en appel contre la décision du tribunal d'arrondissement avaient été épuisées et qu'en conséquence aucune objection ne pouvait à sa connaissance être formulée au sujet de la recevabilité de la communication.


4.2 En ce qui concerne le fond, dans une lettre en date du 18 février 2000, l'État partie fait valoir qu'après prise en considération des observations formulées par les auteurs durant le déroulement de la procédure de demande d'asile compte tenu de la situation générale régnant à Sri Lanka, rien ne permet de supposer qu'il existe des motifs sérieux de croire que les auteurs encourent un risque réel et personnel d'être soumis à la torture en cas de rapatriement. En conséquence, il considère infondée la communication.


4.3 L'État partie fait observer d'emblée qu'en vertu de sa législation, eu égard à la forte densité démographique et aux problèmes attenants, les étrangers ne sont admis sur son territoire que si les obligations internationales et les intérêts essentiels des Pays-Bas ou des raisons humanitaires impérieuses le justifient. En vertu de la procédure applicable aux demandeurs d'asile, tout requérant est interrogé à deux reprises après avoir déposé sa demande, ce par le Service de l'immigration et des naturalisations qui, au besoin, fait appel à des interprètes. Les requérants ont la possibilité de se faire assister par un conseil lors des deux entretiens.


Des procès-verbaux sont établis et le requérant a la possibilité de formuler des observations ou de proposer des corrections et des ajouts. Pour rendre sa décision, le Service de l'immigration et des naturalisations tient compte des rapports de pays que le Ministère des affaires étrangères établit en se fondant sur des sources non gouvernementales et les données fournies par les missions diplomatiques néerlandaises. En cas de rejet d'une objection à une décision de refus, la Commission consultative est saisie pour avis si le requérant affirme craindre des persécutions. La Commission entend le requérant, invite le HCR à faire part de ses observations et formule des recommandations à l'intention du Secrétaire d'État à la justice. La décision du Secrétaire est susceptible d'un dernier appel devant le tribunal d'arrondissement ( Arrondissementsrechtbank ). Une aide juridictionnelle est disponible pendant l'ensemble de la procédure d'appel.


4.4 L'État partie expose ensuite sa perception de la situation générale des droits de l'homme à Sri Lanka, en se fondant sur le rapport de pays relatif à Sri Lanka établi en novembre 1998 par le Ministère des affaires étrangères. Dans ce rapport il est fait état de l'existence de régions en proie à l'instabilité et de violations des droits de l'homme dans les zones ravagées par le conflit, sous forme en particulier de placements en détention pour des périodes de courte durée de nombreux Tamouls. L'État partie estime pourtant - opinion que partagent de nombreux autres États de l'Union européenne - que la situation dans les zones sous contrôle du Gouvernement n'est pas telle que le renvoi vers celles-ci de personnes dont les dossiers ont été examinés avec soin pourrait par définition être qualifié d'irresponsable. L'État partie souligne que le Secrétaire d'État à la justice tient compte de la situation en ce qui concerne le respect des droits de l'homme des Tamouls au cas par cas, tout comme le tribunal d'arrondissement lorsqu'il statue sur ce type de décisions.


4.5 Dans toute une série de décisions, le tribunal d'arrondissement a estimé que le Secrétaire d'État à la justice avait estimé à bon escient que la situation d'ensemble à Sri Lanka n'exposait plus à des difficultés particulières les rapatriés. Concernant la torture en particulier, le tribunal a fait valoir que même à supposer que les données relatives aux affaires de torture mentionnées dans le rapport du Ministère soient très en dessous de la réalité, aucun élément sérieux ne permettait de conclure que la probabilité d'être soumis à la torture pour les Tamouls vivant à Colombo et appartenant à des groupes à «risque élevé» (tels que les jeunes hommes dépourvus de documents d'identité) était d'une manière générale si forte que le groupe dans son ensemble courait un risque considérable d'être exposé à ce type de pratiques.


4.6 Dans le rapport du Ministère des affaires étrangères, il est indiqué que lors d'un contrôle d'identité tous les jeunes Tamouls parlant peu cinghalais et dont les documents d'identité indiquent qu'ils sont originaires du nord courent le risque d'être arrêtés pour interrogatoire. C'est particulièrement le cas pour tout individu arrivé récemment à Colombo en provenance d'une zone de guerre et démuni de titre d'identité, n'ayant pas de raison valable de se trouver à Colombo ou encore ayant omis de se faire enregistrer à son arrivée. Ces individus sont, dans leur majorité, remis en liberté dans les 48 à 72 heures, une fois qu'ils ont expliqué les raisons de leur présence à Colombo et que leur identité a été établie. Ceux retenus plus longtemps sont susceptibles de subir un traitement plus dur tandis que ceux détenus plus d'une semaine parce que suspectés d'être en relation avec le LTTE sont confrontés à un risque encore plus élevé de mauvais traitements. Les individus détenus plus de trois mois sur la base d'indices solides de relations de ce type courent un risque élevé d'être soumis à la torture.


4.7 L'État partie fait en conséquence valoir que la situation à Sri Lanka n'est pas telle pour les Tamouls en général (en particulier les jeunes hommes) - même s'ils sont originaires (ou sont venus récemment) du nord, qu'il existe des motifs sérieux de croire qu'ils risquent d'être soumis à la torture en cas de rapatriement. À ce sujet, l'État partie insiste sur le fait que le tribunal d'arrondissement se fonde sur le rapport de pays du Ministère des affaires étrangères et sur un large éventail d'autres sources, ainsi que sur la volonté de l'État partie de voir le Comité aider à mettre un terme aux violations de la Convention mis en évidence lors de l'examen de son dernier rapport périodique.


4.8 En ce qui concerne les paramètres individuels, l'État partie constate au sujet de M. S. S. qu'il a été arrêté à Colombo à l'occasion d'un contrôle de routine pour n'avoir pu produire un titre d'identité. Ce qui est révélateur, c'est que plusieurs autres personnes ont été arrêtées en même temps; son arrestation ne saurait donc être considérée comme un acte dirigé expressément contre l'auteur. La libération ultérieure de M. S. S. avec apparemment la possibilité de circuler à son gré ne donne pas davantage à penser que les autorités lui portaient un intérêt particulier. S'agissant de l'obligation de se présenter quotidiennement au poste de police, l'État partie renvoie au rapport de pays établi par le Ministère néerlandais des affaires étrangères dans lequel est expliqué que l'obligation de se présenter après libération ne signifie pas que la personne visée soit considérée comme recherchée par la police et que le fait de ne pas respecter cette obligation entraîne automatiquement le placement du récalcitrant sur une liste de personnes sur laquelle pèsent de graves soupçons. En l'occurrence, le fait que M. S. S. ait été soumis à l'obligation de se présenter n'entraîne nullement pour lui un risque supplémentaire en cas de rapatriement.


4.9 En outre, l'État partie relève que l'affirmation de M. S. S. selon laquelle son nom avait été placé sur une liste des personnes devant être transférées à la prison de Boosa n'était corroborée par aucun élément. En tout état de cause, vu qu'il a été relâché au bout d'une journée, il n'est pas plausible que son nom ait figuré sur une telle liste. De surcroît, si l'auteur se croyait sous une étroite surveillance de la part des autorités sri-lankaises parce que soupçonné d'activités en faveur du LTTE, il est difficile de voir pourquoi il aurait pris le risque considérable de quitter le pays depuis l'aéroport de Colombo. Les affirmations de l'auteur concernant le sort de son père son également incohérentes. Contrairement au rappel des faits figurant dans la communication et aux déclarations faites de son premier entretien selon lesquelles son père serait mort en captivité d'une crise cardiaque, l'auteur a déclaré après le second entretien que son père avait été retenu par le LTTE avant son arrestation et été libéré après avoir été victime d'une légère crise cardiaque.


4.10 S'agissant de Mme S. A., l'État partie fait également valoir que dans son récit ne figure aucune indication permettant d'établir qu'elle courrait un risque plus grand que les autres Tamouls à son retour à Sri Lanka. Pour ce qui est de son arrestation et du fait qu'elle serait soupçonnée de relations avec le LTTE, l'État partie souligne que le point important est que les travaux effectués l'ont été sous la contrainte. Elle ne saurait être considérée en rien comme une militante du LTTE et les tâches qu'elle avait accomplies était de nature ancillaire. Vu ses antécédents et son vécu, l'État partie n'estime pas plausible que les autorités sri-lankaises la considèrent comme une précieuse indicatrice et à cet égard sa situation ne diffère en rien de celle de nombreux autres Sri-Lankais de souche tamoule retenus à un moment ou à un autre en captivité dans un camp du LTTE.


4.11 L'affirmation de Mme S. A. selon laquelle les autorités sri-lankaises lui auraient porté un intérêt accru n'est pas davantage étayée par le fait qu'elle a quitté le pays en passant par le point le plus facile à contrôler, c'est-à-dire l'aéroport de Colombo. S'agissant de l'allégation selon laquelle son oncle aurait été tué par les autorités à la suite de son évasion, l'État partie souligne que cette affirmation repose sur un ouï-dire. Aucun élément corroborant ou prouvant l'existence d'un lien entre cette évasion et ce décès n'a été apporté. L'État partie souligne que dans son jugement du 25 janvier 1999 le tribunal d'arrondissement a estimé que le témoignage de Mme Arulthasan n'était pas fiable.


4.12. L'État partie renvoie à la jurisprudence du Comité selon laquelle l'existence, dans un pays, d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi une raison suffisante d'établir qu'une personne donnée serait en danger d'être soumise à la torture à son retour dans ce pays (2) . De plus, l'existence d'un «motif sérieux» de craindre un tel sort doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons de torture (3) . Appliquant ces critères à l'affaire à l'examen, l'État partie fait valoir, au sujet des incohérences exposées plus haut, que les auteurs ne sont pas parvenus à établir de manière convaincante qu'il existait pour eux des motifs sérieux de craindre un risque «prévisible, réel et personnel» d'être soumis à la torture. Les auteurs n'ont pas établi de manière satisfaisante qu'ils étaient exposés à un danger plus grand que les autres Tamouls résidant à Colombo. Ils ne se sont jamais dépeints comme des opposants aux autorités sri-lankaises et n'ont jamais appartenu à un parti ou mouvement politique. Leur récit ne donne pas davantage à penser que certains de leurs parents proches aient été actifs - sur le plan politique ou autre - et aient donc attiré l'attention des autorités sri-lankaises. Les actes que les auteurs indiquent avoir accompli sous la contrainte pour le compte du LTTE sont de nature et de portée insignifiantes.


Observations supplémentaires des auteurs


5.1 Dans une lettre en date du 10 avril 2000, les auteurs réaffirment avoir présenté des motifs sérieux de croire qu'ils courraient un risque personnel d'être soumis à la torture et que l'État partie violerait donc l'article 3 de la Convention en les renvoyant dans leur pays.


5.2 Les auteurs indiquent que les deux époux ont quitté séparément le pays en utilisant des faux passeports, ce qui explique qu'ils n'aient pas été inquiétés. Ils contestent l'affirmation de l'État partie selon laquelle les autorités ne leur reprochent pas d'activités politiques, faisant observer que s'ils ne sont officiellement membres d'aucun groupe, tous deux ont été soupçonnés d'entretenir des relations avec le LTTE. M. S. S. a été soupçonné d'espionnage pour le compte du LTTE et d'être venu à Colombo animé de mauvaises intentions, alors que Mme S. A. a été accusée de travailler pour le compte du LTTE et a été employée à identifier d'éventuels membres du LTTE à des barrages routiers. À ce sujet, les auteurs font valoir que dans le rapport du Ministère des affaires étrangères il est indiqué que les Tamouls soupçonnés de savoir quelque chose sur le LTTE risquent d'être détenus plus d'une semaine.


5.3 Au sujet de M. S. S., les auteurs réfutent l'affirmation de l'État partie selon laquelle après avoir été relâché par la police il aurait été libre d'aller où il voulait et selon laquelle la police ne lui aurait porté aucun intérêt particulier, demandant pourquoi - si tel était le cas - il s'était vu imposer l'obligation de se présenter quotidiennement à un poste de police. Les auteurs rejettent l'affirmation de l'État partie selon laquelle, en l'absence de preuves, l'inscription du nom de M. S. S. sur la liste des personnes devant être transférées à la prison de Boosa n'était «pas plausible», une telle conclusion ne pouvant être déduite du simple fait qu'il avait été relâché au bout d'une journée. Les auteurs ajoutent que les déclarations faites antérieurement dans le cadre de la procédure d'asile n'avaient pas été mises en doute ni jugées non plausibles, et qu'aucun complément d'information sur ce point ne leur avait été demandé et donc qu'il n'y avait aucune raison de mettre en doute cette affirmation d'une importance particulière. Pareillement, le fait que le récit des circonstances du décès du père de M. S. S. puisse avoir été consigné de manière erronée dans le procès-verbal ne permet pas de conclure que cette affirmation n'est pas crédible.


5.4 S'agissant du récit de Mme S. A., les auteurs tiennent à souligner qu'elle avait signalé aux autorités avoir été contrainte de travailler pour le LTTE, et que l'affirmation de l'État partie selon laquelle elle ne saurait être considérée comme une activiste du LTTE est dépourvue de fondement. Selon les auteurs, l'État partie ne prend pas en considération le fait qu'il lui a été demandé de servir d'indicatrice et dénoncer des personnes suspectées d'appartenance au LTTE. Pour ce qui est du décès de son oncle, les auteurs soutiennent que même s'ils sont dans l'impossibilité de produire un certificat de décès, rien ne permet de mettre en doute cette information. L'attendu du jugement du tribunal d'arrondissement relatif à la crédibilité de Mme S. A. ne constitue pas selon eux un motif de contester ses déclarations, qui, les auteurs le soulignent, n'ont du reste jamais été mises en doute par l'État partie. C'est pourquoi, sur ce point, le bénéfice du doute devrait être accordé à Mme S. A.


Délibérations du Comité


6.1 Avant d'examiner toute plainte contenue dans une communication, le Comité contre la torture doit décider si elle est ou non recevable en vertu de l'article 22 de la Convention. Le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l'alinéa a) du paragraphe 5 de l'article 22 de la Convention, que la même question n'a pas été examinée et n'est pas en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement. Le Comité note également que tous les recours internes ont été épuisés et que les autres critères de recevabilité sont remplis. En conséquence, le Comité estime recevable la communication. L'État partie et les auteurs ayant formulé des observations sur le fond de la communication, le Comité procède à l'examen quant au fond.


6.2 Le Comité doit répondre à la question de savoir si l'expulsion des auteurs vers Sri Lanka constituerait une violation de l'obligation incombant à l'État partie en vertu de l'article 3 de la Convention aux termes duquel aucun État partie n'expulsera, ne refoulera, ni n'extradera une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture.


6.3 Le Comité doit déterminer, comme le prévoit le paragraphe 1 de l'article 3, s'il existe des motifs sérieux de croire que les auteurs risqueraient d'être soumis à la torture s'ils étaient renvoyés à Sri Lanka. Pour prendre cette décision, le Comité doit tenir compte de toutes les considérations pertinentes, conformément au paragraphe 2 de l'article 3, y compris l'existence d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives. Toutefois, le but de cette analyse est de déterminer si les intéressés risqueraient personnellement d'être soumis à la torture dans le pays où ils seraient renvoyés. L'existence, dans un pays, d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi une raison suffisante d'établir qu'une personne donnée serait en danger d'être soumise à la torture à son retour dans ce pays; il doit exister d'autres motifs qui montrent que l'intéressé serait personnellement en danger. Pareillement, l'absence d'un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l'homme ne signifie pas qu'un individu ne puisse être considéré comme encourant le risque d'être soumis à la torture dans la situation particulière qui est la sienne.


6.4 Le Comité rappelle son Observation générale sur l'application de l'article 3 aux termes de laquelle:



6.5 Dans le cas à l'examen, le Comité note que les demandes des auteurs ont fait l'objet d'un examen approfondi et qu'ils ont bénéficié de nombreuses occasions de contribuer à l'établissement du dossier officiel et de le corriger, la procédure d'investigation étant mise en uvre par une commission consultative autonome avec réexamen par l'autorité judiciaire. Le Comité note que l'État partie a insisté sur le fait que les différentes autorités concernées avaient mis en évidence dans les récits des auteurs un certain nombre d'incohérences et de contradictions qui faisaient peser un doute sur la véracité de leurs dires. Le Comité prend note également des explications apportées par les auteurs sur ce point.


6.6 Le Comité estime que les auteurs ne sont pas parvenus à établir solidement que la conclusion d'ensemble formulée par les autorités de l'État partie à l'issue de leur évaluation, à savoir qu'à Colombo la probabilité pour les Tamouls appartenant à un groupe à «risque élevé» d'être soumis à la torture n'était pas grande au point que le groupe dans son ensemble encourait un risque substantiel d'être soumis à pareille pratique, était arbitraire ou à tout autre égard déraisonnable. Les auteurs ne sont pas davantage parvenus à mettre en évidence la moindre inexactitude dans la conclusion de l'État partie selon laquelle la situation à Sri Lanka n'est pas telle que pour les Tamouls en général - même ceux du nord du pays - des motifs sérieux existent de croire qu'ils risquent d'être soumis à la torture en cas de rapatriement.


6.7 S'agissant de la situation particulière des auteurs, le Comité considère que la captivité imposée aux auteurs ne permet pas de distinguer leurs cas de ceux de nombreux autres Tamouls ayant subi une pareille expérience, et en particulier que les auteurs ne démontrent pas que leur détention s'est accompagnée d'actes de torture ou autres circonstances susceptibles de faire craindre un risque réel de torture à l'avenir. Eu égard à ces circonstances, le Comité considère que les auteurs ne sont globalement pas parvenus à démontrer que leur appartenance à un groupe particulier et/ou spécifiquement leur situation particulière les exposeraient à un risque personnel, réel et prévisible d'être soumis à la torture s'ils étaient renvoyés à Sri Lanka à l'heure actuelle.


6.8 Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, estime que la décision de l'État partie de renvoyer les auteurs à Sri Lanka ne fait apparaître aucune violation de l'article 3 de la Convention.


Notes



1. La Commission consultative avait invité le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés à faire part de ses observations quant à la situation des auteurs de la communication, mais il n'a pas répondu à cette invitation.
2. A.D.D. c. Pays-Bas (Communication 96/1997).

3. E.A. c. Suisse (Communication 28/1995).



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