University of Minnesota


M. V.R. c. Danemark, Communication No. 210/2002, U.N. Doc. CAT/C/31/D/210/2002 (2003).


 

Présentée par : M. V. R.
Au nom de : M. V. R.
État partie : Danemark
Date de la requête : 13 mai 2002 (date de la lettre initiale)

Le Comité contre la torture , institué en vertu de l'article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 17 novembre 2003,

Ayant achevé l'examen de la requête no 210/2002, présentée au Comité contre la torture par M. V. R. en vertu de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l'État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision au titre du paragraphe 7 de l'article 22 de la Convention

1. Le requérant est M. V. R., de nationalité russe, demeurant au Danemark à la date de la présentation de sa requête. Il affirme que sa reconduite de force dans la Fédération de Russie constituerait une violation de l'article 3 de la Convention contre la torture par le Danemark. Il n'est pas représenté par un conseil.

Rappel des faits

2.1 Le 6 novembre 1992, le requérant et sa femme sont entrés au Danemark et ont immédiatement demandé asile. Le 5 novembre 1993, le Conseil danois pour les réfugiés a confirmé une décision antérieure de la Direction de l'immigration selon laquelle le requérant et sa famille devaient quitter le Danemark avant le 20 novembre 1993. Le requérant et sa famille ont quitté le Danemark et sont rentrés en Russie.(1)

2.2 Le requérant affirme que le 26 juillet 1994, à son retour du Danemark en Fédération de Russie, il a été arrêté et accusé de franchissement illégal de la frontière, de participation à des crimes de subversion et de diffamation de personnes représentant l'autorité publique. Il affirme avoir été détenu par les autorités du 26 juillet 1994 au 20 janvier 1998 et avoir été soumis à diverses formes de torture; on lui aurait notamment introduit du gaz dans la trachée jusqu'à en vomir et fait avaler de la soupe directement d'un bol alors qu'il avait les mains liées dans le dos. En janvier 1996, il aurait été condamné à trois ans et demi d'emprisonnement pour avoir traversé illégalement la frontière et participé à des crimes de subversion. À sa libération, il est devenu membre de l'Union des citoyens, où il a mené des activités de défense des droits civils. Par suite de ces activités, il serait entré en conflit avec les autorités qui l'auraient de nouveau privé de sa liberté et soumis à la torture.

2.3 Le 15 juillet 1999, le requérant, sa femme et son enfant sont entrés au Danemark pour la deuxième fois; le lendemain, ils ont demandé asile. Le 19 décembre 2001, le Service danois de l'immigration a rejeté leur demande. Le 21 mars 2002, le Conseil pour les réfugiés a confirmé cette décision et le requérant et sa famille ont été invités à quitter le Danemark. Le requérant a demandé au Conseil pour les réfugiés de rouvrir le dossier, affirmant qu'un avis du Département de médecine légale daté du 21 décembre 2000 («avis du 21 décembre 2000») était entaché d'irrégularité. Il a aussi déclaré que sa femme avait été soumise à la torture et qu'elle en avait eu des réminiscences au cours de l'audition du Conseil car l'un de ses membres lui rappelait un policier russe. Le 27 juin 2002, le Conseil pour les réfugiés a examiné la demande d'asile du requérant mais a refusé de rouvrir le dossier.


Teneur de la plainte

3.1 Le requérant affirme qu'il existe un risque réel qu'il soit soumis à la torture à son retour dans la Fédération de Russie et que sa reconduite de force constituerait une violation de l'article 3 de la Convention. Il fait valoir à l'appui de ses craintes qu'il aurait déjà été torturé, qu'il était un membre actif de l'Union des citoyens et qu'il a été reconnu coupable d'une infraction pénale.

3.2 D'après le requérant, l'avis du 21 décembre 2000, sur lequel le Conseil pour les réfugiés a fondé pour une grande part sa décision de ne pas lui accorder l'asile, n'était pas rigoureux et laissait le champ libre à l'interprétation. Il affirme que cet avis ne dément pas le fait qu'il souffre de troubles post-traumatiques chroniques dus aux effets de la torture. Il affirme aussi que cet avis mentionne la présence sur son corps de cicatrices résultant d'actes de torture qui lui auraient été infligés dans le passé.

3.3 Il déclare en outre que, même souffrant de psychose paranoïaque (ainsi que cela est déclaré dans le même avis), à son retour dans la Fédération de Russie, il serait soit jeté en prison (où il est d'après lui courant que les autorités torturent les détenus), soit enfermé dans une institution psychiatrique.


Observations de l'État partie sur la recevabilité et sur le fond et commentaires de l'auteur

4.1 Par une note verbale datée du 12 septembre 2002, l'État partie a fait parvenir sa réponse sur la recevabilité et sur le fond de la communication. Il affirme que le requérant n'a pas établi à première vue le bien-fondé de sa requête aux fins de la recevabilité. Si néanmoins le Comité décidait de ne pas rejeter la communication pour cette raison, l'État partie fait valoir qu'il ressort de l'examen de l'affaire au fond qu'aucune disposition de la Convention n'a été violée.

4.2 L'État partie décrit de manière approfondie l'organisation et le processus de prise de décisions du Conseil pour les réfugiés et affirme notamment que, ainsi qu'il est normal de procéder, le requérant s'est vu désigner un avocat qui avait la possibilité, tout comme le requérant lui-même, d'étudier le dossier de l'affaire et la documentation de base avant que le Conseil ne siège. Un interprète et un représentant du Service danois de l'immigration étaient également présents lors de l'audition.

4.3 Pour ce qui est de l'application de l'article 3 de la Convention à l'examen de l'affaire au fond, l'État partie souligne que c'est à l'auteur qu'il incombe de présenter des arguments défendables, conformément au paragraphe 5 de l'Observation générale sur l'application de l'article 3 adoptée le 21 novembre 1997 par le Comité. Se référant à l'Observation générale susmentionnée, l'État partie souligne que le Comité contre la torture n'est pas un organe d'appel ni un organe juridictionnel ou administratif, mais un organe de surveillance. Il fait valoir que la communication ne contient pas d'informations qui n'aient pas déjà été examinées en détail par le Service danois de l'immigration et le Conseil pour les réfugiés. À son avis, l'auteur tente de se servir du Comité comme d'un organe d'appel afin d'obtenir le réexamen d'une demande que les autorités danoises de l'immigration ont déjà examinée de manière approfondie.

4.4 Quant à savoir s'il existe des motifs sérieux de croire que le requérant risquerait d'être soumis à la torture s'il retournait dans la Fédération de Russie, l'État partie renvoie à la décision du Conseil pour les réfugiés dans son intégralité. Dans sa décision du 21 mars 2002, ce dernier a estimé que le requérant et sa femme «n'avaient pas établi de manière convaincante et crédible qu'après leur retour en Russie en 1994 et jusqu'à leur départ en 1999, ils avaient été soumis à des actes de violence susceptibles de justifier l'octroi de l'asile, ni qu'à leur retour ils seraient en danger de subir de tels actes et qu'il y avait lieu de leur accorder des permis de séjour au titre de l'article 7 de la loi sur les étrangers».

4.5 L'État partie estime que l'évaluation du Conseil pour les réfugiés est conforme à la pratique du Comité consistant à considérer la torture subie dans le passé comme l'un des éléments à prendre en compte lorsque l'on cherche à déterminer si un requérant risque d'être torturé à son retour dans son pays d'origine. À cet égard, le Conseil a attaché une importance décisive à l'avis du 21 décembre 2000 selon lequel, entre autres, aucune séquelle physique ou mentale manifeste de la torture qu'aurait subie le requérant n'a été constatée lors de son examen. C'est pourquoi le Conseil a écarté la déclaration du requérant selon laquelle il avait été soumis à la torture.

4.6 Il n'a pas été fourni de traduction de l'avis du 21 décembre 2000 mais celui-ci est interprété par l'État partie.(2) Au cours de l'examen, l'auteur a affirmé avoir été soumis à diverses formes de torture. L'examen a conclu à l'absence de traces de violence récente. Pour ce qui est des traces de violence ancienne, on a relevé une petite cicatrice d'aspect banal sur son dos et une sur son pied gauche. Par ailleurs, des dépressions étaient présentes sur la face extérieure de ses dents de devant, qui pouvaient être dues à des brûlures corrosives, mais n'étaient pas d'aspect caractéristique. Il a été constaté que l'auteur souffrait d'une modification substantielle de la personnalité, ce que l'on pouvait considérer comme une suite chronique de troubles post-traumatiques, mais le diagnostic le plus vraisemblable devait être celui de psychose paranoïaque (trouble mental caractérisé par le délire de persécution). Le Département de médecine légale a conclu qu'on ne constatait directement aucune séquelle physique ou mentale manifeste de la torture alléguée.

4.7 Ayant écarté la déclaration de l'auteur selon laquelle celui-ci avait été soumis à la torture, le Conseil a estimé que cela affaiblissait son dossier de manière décisive. Il a noté en outre que la déclaration de la femme de l'auteur était moins convaincante et que, bien qu'elle ait été interrogée à plusieurs reprises, elle n'avait pu expliquer que de manière imprécise pour quelle raison ils avaient finalement décidé de partir. Le Conseil a conclu qu'il ne pouvait accueillir ni la déclaration de l'auteur ni celle de sa femme concernant le motif de leur demande d'asile. Bien qu'il n'ait pas entièrement rejeté leurs déclarations selon lesquelles l'auteur avait mené des activités pour le compte de l'Union des citoyens en matière de défense des droits civils, l'auteur avait eu certains conflits avec les autorités et une perquisition avait été effectuée à leur domicile, le Conseil est parvenu, au terme d'une appréciation globale des informations fournies, à la conclusion que l'auteur et sa femme n'avaient pas établi de manière convaincante et crédible qu'après leur retour en 1994 et jusqu'à leur départ en 1999, ils avaient été soumis à des actes de violence susceptibles de justifier l'octroi de l'asile, ni qu'à leur retour ils risquaient d'en subir de nouveaux.

4.8 L'État partie mentionne l'affirmation selon laquelle la demande d'asile du requérant a été rejetée alors que l'avis du 21 décembre 2000 n'excluait pas la possibilité qu'il souffre de troubles post-traumatiques. Il affirme (comme cela est indiqué dans le paragraphe précédent) que lors de l'examen du requérant, il a été constaté que celui-ci souffrait de troubles profonds de la personnalité qui pouvaient découler de troubles post-traumatiques, mais que le diagnostic le plus vraisemblable était celui de psychose paranoïaque. Il n'existe donc selon lui aucune information médicale prouvant que le requérant a été soumis à la torture.

4.9 D'après l'État partie, en demandant au Conseil pour les réfugiés de rouvrir son dossier, le requérant a déclaré, entre autres choses, qu'il était en désaccord avec l'avis du 21 décembre 2000, affirmant que son état mental résultait des effets de la torture et que l'examen réalisé par les médecins avant d'établir cet avis n'avait pas été suffisamment approfondi. L'État partie note qu'en refusant de rouvrir le dossier le 27 juin 2002, le Conseil pour les réfugiés a estimé qu'aucune information nouvelle n'avait été fournie qui puisse laisser penser que l'avis du 21 décembre 2000 était entaché d'irrégularité. (3) Pour l'État partie, le simple fait que le requérant soit en désaccord avec la conclusion donnée dans cet avis n'y change rien.

4.10 En écartant les allégations du requérant selon lesquelles celui-ci avait été précédemment torturé, le Conseil pour les réfugiés n'a pas considéré que sa déclaration était crédible ni étayée. On peut en dire autant de la déclaration de la femme du requérant, qui, bien qu'elle ait été questionnée à de nombreuses reprises par le Conseil, n'a pu expliquer que de manière imprécise leur décision finale de partir. L'État partie mentionne aussi le fait que plusieurs aspects des déclarations du requérant et de sa femme n'étaient pas très convaincants. Ainsi, il se réfère à un mémorandum daté du 26 novembre 2001 émanant du Ministère des affaires étrangères qui est cité dans la décision du Conseil pour les réfugiés. Il avait été demandé au Ministère de faire des observations sur l'authenticité de l'expédition d'un jugement daté de janvier 1996, où le requérant aurait été condamné. Bien qu'il n'ait pas pu établir si l'expédition était ou non authentique, le Ministère y a relevé des anomalies. Il n'y avait aucune référence aux dispositions pénales applicables, la peine était infligée en parties d'année et non en années entières, ce qui est inhabituel, et elle consistait en une peine d'emprisonnement et non de camp de travail, ce qui aurait été normal dans une telle affaire. L'État partie évoque aussi l'allégation, faite par le requérant lorsqu'il a demandé au Conseil de réexaminer son affaire, selon laquelle sa femme avait été soumise à la torture et en avait eu des réminiscences au cours de l'audition car l'un des membres du Conseil lui rappelait un policier russe. Le Conseil a noté que la femme du requérant ne lui avait pas semblé être une personne «en état de choc» au cours de l'audition et que cet argument ne pouvait l'amener à revenir sur sa décision.

4.11 Se référant à la déclaration du Conseil pour les réfugiés selon laquelle celui-ci ne rejetterait pas entièrement la déclaration du requérant indiquant qu'il avait mené des activités pour le compte de l'Union des citoyens, qu'il avait eu certains conflits avec les autorités et que son domicile avait été perquisitionné, l'État partie rappelle que, selon la pratique du Comité, «un risque d'arrestation ne suffit pas en soi à déclencher la protection de l'article 3 de la Convention». (4)

4.12 En outre, l'État partie fait valoir que le requérant n'a pas étayé son affirmation selon laquelle il est recherché par les autorités de son pays d'origine et risque d'être arrêté s'il y retourne. (5)

4.13 En conclusion, l'État partie souligne que la Fédération de Russie a ratifié la Convention le 3 mars 1987 et reconnu la compétence du Comité contre la torture pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers conformément à l'article 22 de la Convention. Ainsi, affirme-t-il, le requérant ne risque pas de retourner dans un État non partie à la Convention où il n'aurait pas la possibilité de demander la protection du Comité. (6)

5.1 En novembre 2002, le requérant a commenté les observations de l'État partie. Il a réaffirmé ses affirmations antérieures et contesté les conclusions du Conseil pour les réfugiés. Il a fourni des arguments détaillés dans le but de démontrer l'authenticité du jugement de janvier 1996 rendu contre lui et produit des certificats médicaux tendant à démontrer que sa femme est instable. Il a affirmé que le Conseil pour les réfugiés n'avait tenu aucun compte de son allégation selon laquelle elle avait été violée alors qu'elle se trouvait en garde à vue en 1995.

5.2 Le requérant ne fournit aucun détail sur l'affaire concernant sa femme. Celle-ci a donné des précisions sur les événements qui s'étaient produits après leur retour dans la Fédération de Russie en 1994 dans sa demande d'asile faite le 16 septembre 1999 et le 20 septembre 1999, puis dans un entretien qui a eu lieu le 9 novembre 1999. Elle a affirmé qu'après leur retour, elle avait été détenue pendant quatre jours au cours desquels elle avait été séparée de son enfant. Après être rentrée chez elle, elle avait été interrogée de nouveau et avait reçu un coup à la tête. Par la suite, elle avait été accusée d'avoir quitté la Fédération de Russie sans autorisation et condamnée à une peine d'emprisonnement avec sursis. Au cours de l'entretien du 9 novembre, elle a affirmé que, jusqu'en 1995, elle avait été convoquée toutes les semaines au commissariat de police pour y être interrogée. Toujours au cours de cet entretien de novembre 1999, elle a aussi affirmé qu'en novembre 1995, elle avait été violée par plusieurs policiers. En janvier 1999, au cours d'une perquisition à leur domicile, son mari et son fils ont tous les deux été battus.

5.3 Le requérant affirme que si l'État partie ne rejette pas entièrement ses déclarations selon lesquelles il a mené des activités pour le compte de l'Union des citoyens, il a eu certains conflits avec les autorités et son domicile a été perquisitionné, il doit admettre qu'il a probablement été soumis à la torture. À cet égard, il joint des informations provenant de diverses organisations non gouvernementales évoquant les tortures infligées à des militants des droits de l'homme et à des détenus dans la Fédération de Russie. Il affirme aussi que souvent les techniques employées par les tortionnaires ne laissent que peu de traces physiques, voire aucune. Enfin, il fait tenir copie d'un certificat médical d'un psychologue clinicien norvégien daté du 25 novembre 2002 dans lequel il est décrit comme une «victime de la torture».

5.4 Par une lettre datée du 12 août 2003, le requérant a informé le Comité que bien qu'il ait passé avec sa famille quelque temps en Norvège après l'enregistrement de sa requête par le Comité de crainte d'être expulsé par les autorités danoises, il est depuis rentré avec sa famille au Danemark où ils habitent chez des amis (aucune date n'est donnée). Il joint aussi un certificat médical émanant d'un psychologue norvégien dans lequel il est décrit comme souffrant de «graves symptômes de troubles post-traumatiques (troubles du sommeil, stress, pathologie psychotraumatique) par suite de son emprisonnement et des tortures qu'il a subies dans son pays natal».


Délibérations du Comité


6.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité contre la torture doit déterminer si cette communication est recevable en vertu de l'article 22 de la Convention. Le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l'article 22 de la Convention, que la même question n'a pas déjà été examinée et n'est pas déjà en cours d'examen par une autre instance internationale d'enquête ou de règlement. Le Comité note également que l'État partie n'a pas contesté que les recours internes avaient été épuisés. L'État partie affirme que le requérant n'a pas établi, à première vue, que sa plainte était recevable, mais le Comité note qu'il n'a pas précisé les raisons sur lesquelles il se fonde pour parvenir à cette conclusion. En fait, le Comité ne peut trouver aucun motif visé à l'article 107 de son règlement intérieur pour juger cette communication irrecevable.

6.2 Le Comité doit déterminer si, en renvoyant le requérant dans la Fédération de Russie, l'État partie manquerait à l'obligation qui lui est faite en vertu du paragraphe 1 de l'article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler un individu vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'il risque d'être soumis à la torture. Pour ce faire, le Comité doit tenir compte de tous les éléments, y compris l'existence, dans l'État où le requérant serait renvoyé, d'un ensemble systématique de violations graves, flagrantes ou massives des droits de l'homme. Il s'agit cependant de déterminer si l'intéressé risque personnellement d'être soumis à la torture dans le pays vers lequel il serait renvoyé. Dès lors, l'existence d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives dans le pays ne constitue pas en soi un motif suffisant pour établir que l'individu risque d'être soumis à la torture à son retour dans ce pays; il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l'intéressé courrait personnellement un risque. À l'inverse, l'absence d'un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l'homme ne signifie pas qu'une personne ne peut pas être considérée comme risquant d'être soumise à la torture dans sa situation particulière.

6.3 Le Comité note que le principal argument du requérant a trait à la façon dont le Conseil pour les réfugiés est parvenu à sa décision de ne pas lui accorder l'asile, en particulier son interprétation de l'avis médical du 21 décembre 2000 traitant de la question de savoir si le requérant avait été soumis à la torture. Le Comité réaffirme que c'est aux juridictions des États parties à la Convention et non au Comité qu'il appartient d'apprécier les faits et les éléments de preuve dans un cas d'espèce, sauf s'il peut être établi que la manière dont ces faits et ces éléments de preuve ont été appréciés était manifestement arbitraire ou équivalait à un déni de justice. Le Comité ne considère pas que la décision du Conseil pour les réfugiés était arbitraire ou équivalait à un déni de justice et note que le refus du Conseil de rouvrir le dossier se fondait sur le fait qu'aucune information nouvelle n'avait été produite pour contester l'avis médical du 21 décembre 2000.

6.4 En conséquence, le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conclut que le renvoi du requérant dans la Fédération de Russie ne constituerait pas une violation de l'article 3 de la Convention.



__________________________________


[Adopté en anglais (version originale), en espagnol, en français et en russe. Paraîtra ultérieurement en arabe et en chinois dans le rapport annuel présenté par le Comité à l'Assemblée générale.]

** Conformément à l'article 104 du règlement intérieur, M. Yakovlev n'a pas pris part à l'examen de la requête.



Notes


1. La date exacte de leur retour n'est pas indiquée.

2. Le 5 novembre 2003, l'État partie a fait parvenir une copie en anglais de la décision, à l'intention du Comité.

3. Il note aussi que le Conseil mentionne que le requérant peut contester cet avis conformément aux règles en vigueur et déclare que le requérant s'était plaint précédemment d'un rapport psychiatrique demandé à la Clinique de psychiatrie légale aux fins de l'établissement de l'avis du Département de médecine légale. La Clinique a répondu qu'elle ne pouvait accéder à la demande du requérant de modifier cet avis puisque le requérant et la Clinique étaient en désaccord sur les conclusions auxquelles elle était parvenue.

4. L'État partie se réfère à l'affaire I.O.A. c. Suède, requête no 65/1997, constatations adoptées le 19 mai 1998.

5. L'État partie se réfère à l'affaire K. N. c. Suisse, requête no 94/1997, constatations adoptées le 19 mai 1998.

6. Tahir Hussain Khan c. Canada, requête no 15/1994, constatations adoptées le 18 novembre 1994. Balabou Mutombo c. Suisse, requête no 13/1993, constatations adoptées le 27 avril 1994 et S. C. c. Danemark, requête no 143/1999, constatations adoptées le 3 septembre 2000.



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