University of Minnesota



H. S. T. c. Norway, Communication No. 288/2006, U.N. Doc. CAT/C/37/D/288/2006 (2006).



GENERALE
CAT/C/37/D/282/2005**
29 novembre 2006
FRANCAIS
Original: ANGLAIS

Communication No. 288/2006 : Norway. 01/12/2006.
CAT/C/37/D/288/2006. (Jurisprudence)

Convention Abbreviation: CAT
Comité contre la Torture
Trente-septième session

6 - 24 novembre 2006

ANNEXE
Décision du Comité contre la Torture en vertu de l'article 22

de la Convention contre la Torture et Autres Peines

ou Traitements Cruels, Inhumains ou Dégradants

- Trente-septième session -

 

Communication No 288/2006

 

 

Présentée par: H. S. T. (représenté par un conseil)
Au nom de: H. S. T.
État partie: Norvège
Date de la requête: 9 janvier 2006 (lettre initiale)

 

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l'article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 16 novembre 2006,

Ayant achevé l'examen de la requête no 288/2006, présentée par H. S. T. en vertu de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l'État partie,

Adopte ce qui suit:

 

Décision au titre du paragraphe 7 de l'article 22 de la Convention

 

1.1 Le requérant est H. S. T., de nationalité mauritanienne, dont la demande d'asile en Norvège a été rejetée et qui fait l'objet d'un arrêté d'expulsion délivré le 14 avril 2004. On ne sait où il se trouve actuellement (voir par. 5.2 ci-après). Il affirme que s'il était renvoyé en Mauritanie (1) il serait soumis à la torture ou à des traitements cruels, inhumains et dégradants, ce qui constituerait une violation par la Norvège de l'article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. La requête a été initialement présentée par l'auteur lui-même, mais les commentaires sur les observations de l'État partie ont été communiqués par son avocat au nom de l'auteur (2) .
1.2 Le 3 février 2006, le Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications a rejeté la demande de mesures conservatoires présentée par le requérant.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1 Le requérant déclare être membre des Forces de libération africaines de Mauritanie (FLAM), mouvement interdit. Cette organisation militante a transmis des informations à ses membres en exil afin d'alerter les organisations internationales de défense des droits de l'homme et la presse internationale sur les violations des droits de l'homme commises en Mauritanie. Au sein de cette organisation, le requérant était chargé de «recruter et sensibiliser les jeunes membres».

2.2 En Mauritanie, le requérant a été arrêté trois fois. En 1995, à l'issue d'une manifestation d'étudiants contre l'«arabisation», il a été détenu pendant trois jours, sans être interrogé. En 1996, il a été arrêté et détenu pendant 14 jours en relation avec l'opposition de son père à la réforme agraire. De 1996 à 2001, il a fait des études et a obtenu un diplôme d'ingénieur en Jordanie. De retour en Mauritanie, il a de nouveau été arrêté au mois de juin 2001. Il a été interrogé, et on l'aurait torturé afin d'obtenir de lui qu'il explique son rôle au sein des FLAM et qu'il révèle où se trouvait son frère (son frère a obtenu l'asile en Suède en raison de son rôle en tant que secrétaire général des FLAM). Il a été libéré deux jours après. En décembre 2001, ayant appris qu'il était recherché par la police, il a quitté le pays pour se rendre en Norvège, où il est arrivé en février 2002 et a déposé une demande d'asile le 21 février 2002.

2.3 Le 21 février 2003, sa demande a été rejetée par la Direction de l'immigration (UDI). Le 31 mars 2004, son recours auprès de la Commission de recours en matière d'immigration (UNE) a été rejeté. Le 14 avril 2004, une décision d'expulsion a été prise contre lui. Il a engagé une action judiciaire et demandé une injonction visant à suspendre l'exécution de cette décision jusqu'à ce que sa plainte concernant l'asile ait été examinée par les tribunaux. Le 13 septembre 2005, le tribunal de première instance (Oslo byfogdembete) a rejeté sa demande. Le 8 décembre 2005, la cour d'appel (Borgarting lagmannsrett) a rejeté son appel. Le requérant n'ayant pas obtenu d'injonction visant à surseoir à l'exécution de la mesure d'expulsion, il n'a pas engagé d'action judiciaire principale. En outre, il a déclaré ne pas avoir les moyens d'assumer le coût d'une telle procédure.

Teneur de la plainte

3.1 Le requérant dit qu'il craint d'être soumis à des traitements inhumains et dégradants s'il retourne en Mauritanie, car il serait arrêté et torturé, ou même tué, en raison de son militantisme politique et des activités politiques de son père et de son frère.

3.2 Le requérant affirme qu'il a reçu l'ordre de quitter la Norvège avant que sa plainte soit examinée par les tribunaux et que le système judiciaire norvégien n'offre pas de recours utile. Il ajoute que la procédure a dépassé les délais raisonnables et que cela est entièrement la faute du Gouvernement qui, pour se justifier, a fait valoir qu'il ne savait rien de la situation en Mauritanie.

Observations de l'État partie sur la recevabilité

4.1 Le 3 avril 2006, l'État partie a présenté ses observations sur la recevabilité seulement. Il explique qu'en général les demandes d'asile sont étudiées en première instance de la procédure administrative par la Direction de l'immigration (UDI). Les recours administratifs sont portés devant la Commission norvégienne de recours en matière d'immigration (UNE). Tous les demandeurs d'asile bénéficient des services d'un avocat désigné par l'État. La légalité d'un acte administratif peut être contestée devant les tribunaux norvégiens. Il s'ensuit que les demandeurs d'asile dont la demande d'asile politique est rejetée par l'administration ont la possibilité de déposer une demande de contrôle judiciaire devant les tribunaux norvégiens et, ainsi, de faire examiner par le juge la légalité de la décision de rejet. Une telle demande n'est pas soumise à autorisation de la part des tribunaux; une demande d'injonction non plus.

4.2 L'intéressé peut solliciter des tribunaux une injonction ordonnant à l'administration de surseoir à l'expulsion du demandeur d'asile. Conformément à la loi de 1992 sur l'exécution des jugements, une injonction peut être accordée si le plaignant a) démontre qu'il y a de fortes chances pour que la décision attaquée soit annulée par le tribunal lorsque l'affaire principale sera jugée, et b) justifie par des motifs suffisants la demande d'injonction, c'est-à-dire montre que l'injonction est nécessaire pour éviter les dommages ou préjudices graves qui surviendraient si la décision d'expulsion était exécutée avant que le tribunal n'ait eu la possibilité de statuer dans l'affaire principale. Lorsque la décision attaquée est un rejet d'une demande d'asile, dans la pratique les deux conditions se rejoignent, c'est-à-dire que, dans une affaire concernant l'asile, l'octroi d'une injonction sera fonction de l'aptitude du plaignant à démontrer que la décision contestée sera probablement annulée par le tribunal lorsque celui-ci se prononcera dans l'affaire principale. Lorsqu'ils statuent sur la légalité des décisions administratives en matière d'asile, les tribunaux ont pleine juridiction. Le contrôle judiciaire porte sur tous les éléments de fait et de procédure, ainsi que sur l'interprétation et l'application de la loi.

4.3 S'agissant des faits, l'État partie indique que le 21 février 2003 l'UDI a rejeté la demande d'asile du requérant, au motif que celui-ci n'avait pas suffisamment démontré qu'il serait persécuté à son retour. Le 16 mars 2004, l'UNE a rejeté le recours du requérant après avoir procédé à des auditions lors desquelles le requérant a fait de longues déclarations et après avoir examiné tous les documents fournis par le requérant, y compris la déclaration de son frère et celle de M. Garba Diallo, professeur à l'International People's College d'Elseneur au Danemark. Selon l'UNE, les FLAM ont été créées en mars 1983 et interdites l'année suivante. Au cours des dernières années, cette organisation a essentiellement fonctionné en exil, depuis son siège au Sénégal. Aucune information ne donne à penser que les FLAM jouent un rôle de premier plan en Mauritanie ou ont un quelconque pouvoir politique. Rien n'indique non plus que les membres ordinaires des FLAM soient persécutés. L'UNE sait bien qu'en Mauritanie l'opposition politique rencontre des problèmes avec les autorités, mais depuis 2002 aucune information digne de foi n'a fait état d'arrestations d'opposants politiques, mis à part l'arrestation d'un des dirigeants d'une organisation engagée dans la lutte contre l'esclavage, qui a été libéré au bout de deux jours.

4.4 L'UNE a souligné que les renseignements fournis par le requérant étaient vagues et imprécis, qu'il s'agisse de ses liens avec les FLAM ou de ses relations avec les autorités mauritaniennes. Le requérant avait expliqué que les autorités le recherchaient essentiellement parce qu'elles le soupçonnaient d'appartenir aux FLAM et parce que son frère était également membre de cette organisation, mais il n'a pas donné plus de précisions. C'est pourquoi on a estimé qu'il ne remplissait pas les conditions prévues à l'article 1 A) de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, ouvrant droit à l'octroi de l'asile en vertu de l'article 16 de la loi norvégienne relative à l'immigration. Il ne remplissait pas non plus les conditions prévues dans la clause de non-refoulement de l'article 15 de la loi relative à l'immigration, qui accorde la même protection que l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et que l'article 3 de la Convention contre la torture. À la suite de la décision rendue par l'UNE, le requérant a présenté une «demande aux fins d'une nouvelle appréciation». L'UNE a considéré qu'aucun motif ne justifiait qu'elle revienne sur sa première décision. De l'avis de l'État partie, la plainte du requérant a été dûment examinée, tant par l'UDI que par l'UNE.

4.5 Le 16 juin 2005, le requérant a sollicité une injonction provisoire au titre du chapitre 15 de la loi norvégienne sur l'exécution des jugements, visant à suspendre l'exécution de la décision administrative refusant l'octroi de l'asile ou d'un permis de séjour pour raisons humanitaires jusqu'à ce que l'affaire principale ait été examinée par les tribunaux. À ce jour, le requérant n'a pas porté l'affaire principale devant les tribunaux norvégiens. Le 13 septembre 2005, le tribunal de première instance (Oslo byfogdembete) a rejeté la demande d'injonction. Cette décision a été prise à l'issue d'une journée complète d'auditions au cours desquelles le requérant s'est longuement exprimé et cinq autres témoins, dont le frère du requérant, ont été entendus. Le Gouvernement avait cité, à titre de témoin expert, le conseiller régional de Landinfo (centre d'information sur les pays d'origine), qui dispose personnellement de renseignements récents sur la situation des droits de l'homme en Mauritanie. Il avait également cité le fonctionnaire de l'UNE chargé de l'affaire du requérant qui, dans sa déposition, a rendu compte de la manière dont les autorités de l'immigration avaient examiné le dossier et pris leur décision.

4.6 Le requérant a fait appel de la décision sur sa demande d'injonction devant la cour d'appel (Borgarting lagmannsrett), qui a confirmé la décision de première instance le 8 décembre 2005. Après avoir examiné les faits de la cause, la cour a estimé que le requérant ne courait pas personnellement le risque d'être persécuté s'il retournait en Mauritanie. Le requérant n'a pas contesté cette décision devant la Commission d'appel de la Cour suprême. Le requérant était représenté par un conseil tout au long de la procédure judiciaire.

4.7 L'État partie fait valoir que la requête est irrecevable car elle est manifestement infondée. À son avis, il n'y a pas de risque sérieux que le requérant soit persécuté s'il retourne en Mauritanie. La seule allégation qu'il appartiendrait aux FLAM et les vagues déclarations selon lesquelles il aurait été torturé lorsqu'il a été détenu en 1996 et 2001 ne constituent pas des éléments dont on peut se prévaloir au regard de la Convention. Le requérant n'a pas donné d'informations précises sur les incidents allégués ni produit de certificats médicaux à l'appui de ses allégations. Selon des sources dignes de foi, il n'y a pas de raison de penser qu'un membre ordinaire des FLAM pourrait subir des persécutions au sens de la Convention s'il est renvoyé dans son pays.

Commentaires du requérant sur les observations de l'État partie

5.1 Dans une réponse du 3 juillet 2006, le requérant a souligné que l'État partie n'a pas de moyen d'obtenir directement des informations sur la situation des droits de l'homme en Mauritanie et que les renseignements sur lesquels il s'appuie proviennent exclusivement de sources extérieures. Il fait remarquer que les tribunaux norvégiens n'ont que rarement annulé des décisions administratives relatives à des demandes d'asile, ce qui conduit à s'interroger sur l'efficacité des recours judiciaires dans l'État partie. Que les tribunaux l'aient débouté de sa demande, malgré le témoignage d'un expert ayant une connaissance directe de la situation des droits de l'homme en Mauritanie, est la preuve que le système juridictionnel norvégien n'offre pas de recours utile. Compte tenu du fait que l'État partie connaît mal la situation en Mauritanie et que le frère du requérant a obtenu le statut de réfugié en Suède à l'issue d'une mission d'enquête menée par la Suède, le requérant demande au Comité de recueillir lui-même des informations au sujet des faits à l'origine de la plainte, au titre de l'article 20 de la Convention.

5.2 Le 6 juillet 2006, l'avocate qui représente le requérant a informé le secrétariat qu'à sa connaissance il n'était plus en Norvège. Elle a indiqué qu'il était allé en France il y a quelque temps et qu'il s'y trouvait peut-être encore. Le requérant a appelé le secrétariat au mois de mars 2006 pour s'enquérir de l'état de son affaire, et a fait savoir qu'il était en Belgique.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité contre la torture doit décider si cette communication est recevable en vertu de l'article 22 de la Convention et de son Règlement intérieur.

6.2 En vertu du paragraphe 1 de l'article 22 de la Convention, le Comité peut examiner une communication présentée par un particulier qui prétend être victime d'une violation, par un État partie, d'une disposition de la Convention, à condition que l'intéressé relève de la juridiction de cet État et que ce dernier ait déclaré qu'il reconnaissait la compétence du Comité au titre de l'article 22.

6.3 Le Comité note que l'auteur semble avoir quitté la Norvège. L'article 3 de la Convention interdit le refoulement par un État partie d'une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture. En l'espèce, vu qu'apparemment le requérant ne se trouve plus sur un territoire relevant de la juridiction de l'État partie, il ne peut pas être renvoyé en Mauritanie par l'État partie. Par conséquent, l'article 3 de la Convention ne s'applique pas. L'examen de la communication étant devenu sans objet, le Comité conclut que celle-ci est irrecevable. Compte tenu des motifs d'irrecevabilité précités plus haut, le Comité n'a pas à se prononcer sur l'argument de l'État partie selon lequel la plainte du requérant au titre de l'article 3 devrait être déclarée irrecevable car elle est manifestement dénuée de fondement.

6.4 Le Comité conclut donc, en application de l'article 22 de la Convention et de l'article 107 b) de son Règlement intérieur, que la requête est manifestement dénuée de fondement et qu'elle est de ce fait irrecevable.

7. En conséquence, le Comité contre la torture décide:

a) Que la communication est irrecevable;

b) Que la présente décision sera communiquée au conseil du requérant et à l'État partie.

____________________________

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol, en français et en russe. Paraîtra ultérieurement en arabe et en chinois dans le rapport annuel du Comité à l'Assemblée générale.]

Notes

1. La Mauritanie a adhéré à la Convention contre la torture le 17 novembre 2004 mais n'a pas fait la déclaration prévue à l'article 22.
2. Le 29 janvier 2006, le requérant a envoyé un message électronique au secrétariat, indiquant qu'il se cachait et demandant que son adresse électronique ou l'adresse de son avocat soit utilisée pour toute communication avec lui.

 

 



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