University of Minnesota



Comité contre la Torture, Examen des rapports présentés par les États parties en application de l'article 19 de la Convention, États-Unis d'Amérique, U.N. Doc. CAT/C/28/Add.5 (2000).


 

Rapports initiaux que les États parties devaient présenter en 1995

Additif

ÉTATS‑UNIS D'AMÉRIQUE*

[15 octobre 1999]

TABLE DES MATIÈRES

                                                                                                                           Paragraphes      

Introduction.............................................................................................................        1 – 10              

       I.     INFORMATIONS GÉNÉRALES...............................................................           11                 

A.      Cadre constitutionnel et juridique.....................................................       12 – 21             

B.      Le système de justice pénale des États-Unis.....................................       22 – 44             

C.      Autorités compétentes et recours.....................................................       45 – 53           

D.      Les traités dans le système juridique des États-Unis..........................       54 – 63           

E.      Information et publicité....................................................................       64 – 69           

F.      Facteurs entravant la mise en œuvre de la Convention......................       70 – 71           

G.      Statistiques......................................................................................       72 – 93           

      II.     APPLICATION DES ARTICLES DE LA CONVENTION...................       94 - 353          

               Articles premier et 2 : Définition et interdiction..........................................      94 – 155          

              Article 3 : Non-refoulement.....................................................................     156 – 177         

              Article 4 : La torture constitue une infraction pénale.................................     178 – 182         

              Article 5 : Compétences..........................................................................     183 – 189         

              Article 6 : Détention et enquête préliminaire dans les cas
              d'extradition............................................................................................     190 – 192         

              Article 7 : Extrader ou poursuivre............................................................     193 – 194         

              Article 8 : Infractions pénales pouvant entraîner l'extradition.....................     195 – 200         

              Article 9 : Entraide judiciaire...................................................................     201 – 205         

              Article 10 : Enseignement et information..................................................     206 – 226         

              Article 11 : Techniques d'interrogatoire....................................................     227 – 230         

              Article 12 : Enquête rapide et impartiale..................................................     231 – 238         

              Article 13 : Droit de porter plainte...........................................................      239 - 266        

              Article 14 : Droit d'obtenir réparation et d'être indemnisé.........................      267 - 286         

              Article 15 : Déclarations faites sous la contrainte......................................     287 – 300         

              Article 16 : Autres peines ou traitements cruels, inhumains
              ou dégradants.........................................................................................      301 - 353         

 

Liste des annexes*

 

I.       U.S. reservations, understandings and declarations
          and Convention against Torture and Other Forms of Cruel,
          Inhuman or Degrading Treatment or Punishment

II.      Relevant constitutional and legislative Provision

III.     Information on capital punishment

IV.     INS regulations on torture

V.      Department of State regulations on torture

 

 

 


Introduction

1.       Le Gouvernement des États‑Unis d'Amérique se félicite de l'occasion qui lui est offerte de présenter, conformément à l'article 19 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, les mesures prises pour donner effet à ses engagements au titre de la Convention. Le plan du présent rapport initial est conforme aux directives générales révisées du Comité contre la torture concernant la forme et le contenu des rapports initiaux que doivent présenter les États parties (CAT/C/4/Rev.2).

2.       Le présent rapport a été établi par le Département d'État des États‑Unis avec un large soutien du Département de la justice et d'autres départements et organes compétents du Gouvernement fédéral. D'importantes contributions ont été également sollicitées et obtenues d'organisations non gouvernementales, d'universitaires et de particuliers. Le rapport passe en revue la situation aux États‑Unis et les mesures prises jusqu'en septembre 1999 pour donner effet à la Convention.

3.       Les États‑Unis ont ratifié la Convention contre la torture en octobre 1994, qui est entrée en vigueur à l'égard des États‑Unis le 20 novembre 1994. Dans leur instrument de ratification (déposé le 21 octobre 1994 auprès du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies), les États‑Unis ont fait, en vertu du paragraphe 1 de l'article 21, une déclaration reconnaissant la compétence du Comité contre la torture, sur une base de réciprocité, pour recevoir et examiner des communications dans lesquelles un État partie prétend qu'un autre État ne s'acquitte pas de ses obligations au titre de la Convention. Les États‑Unis ont en outre subordonné leur ratification à deux réserves et à un certain nombre de déclarations interprétatives; qui figurent à l'annexe I et sont examinées dans les sections pertinentes du présent rapport.

4.       En 1992, les États‑Unis sont devenus parties au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dont on peut penser que certaines dispositions ont un champ d'application plus large que celles de la Convention contre la torture. Le rapport initial présenté par les États‑Unis au titre du Pacte, qui fournit des renseignements d'ordre général sur la manière dont les États‑Unis se sont conformés et ont donné effet à leurs obligations au titre du Pacte, a été présenté au Comité des droits de l'homme en juillet 1994 (voir HRI/CORE/1/Add.49 et CCPR/C/81/Add.4). Les États‑Unis ont également ratifié la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, en même temps que la Convention contre la torture. En février 1995, ils ont signé la Convention relative aux droits de l'enfant.

5.       Les États‑Unis sont depuis longtemps de fervents partisans de la lutte internationale contre la torture. Des  représentants des États‑Unis ont pris une part active à l'élaboration de la Déclaration des Nations Unies sur la protection de toutes les personnes contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée en 1975, et aux négociations sur la Convention contre la torture. Les États‑Unis restent le principal donateur au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture, auquel ils avaient versé des contributions s'élevant à plus de 12,6 millions de dollars en août 1999. Dans le cadre de sa politique globale en faveur des droits de l'homme, le Gouvernement américain suit les allégations faisant état d'actes de torture commis par d'autres gouvernements, et les questions de ce type sont au centre de ses rapports annuels par pays consacrés à la situation des droits de l'homme.

6.       La torture est interdite par la loi sur tout le territoire des États‑Unis. Elle est catégoriquement dénoncée pour des raisons de principe et comme instrument d'exercice de l'autorité de l'État. Tout acte constituant une torture au sens de la Convention est une infraction pénale au regard de la législation des États‑Unis. Un fonctionnaire de l'administration, qu'il relève du pouvoir fédéral, d'un État ou d'une collectivité locale, qu'il soit civil ou militaire, ne peut être autorisé à commettre ou à charger quiconque de commettre un acte de torture. Un fonctionnaire ne peut davantage admettre ou tolérer la torture sous quelque que forme que ce soit. Aucune circonstance exceptionnelle ne peut être invoquée pour justifier la torture. Rien dans la législation des États‑Unis n'autorise à recourir, en raison de circonstances exceptionnelles (par exemple dans une situation d'"état d'urgence") ou sur l'ordre d'un fonctionnaire ou d'une autorité supérieure, à des actes par ailleurs prohibés de torture ou autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et rien ne permet non plus de suspendre les mécanismes de protection résultant d'un pouvoir judiciaire indépendant. Les États‑Unis sont résolus à s'acquitter pleinement et effectivement, sur tout leur territoire, de leurs obligations découlant de la Convention.

7.       Cependant, aucun État ne peut se targuer d'un bilan parfait dans tous les domaines et au regard de toutes les obligations visées par la Convention. Des abus peuvent se produire malgré les précautions les plus vigilantes et en dépit des plus strictes interdictions. Aux États‑Unis mêmes, comme il est indiqué dans le présent rapport, il continue d'y avoir des sujets de préoccupation, des débats et des critiques. Il y a eu, notamment, de la part de la police, des cas d'abus de pouvoir, d'emploi excessif de la force, voire de brutalités, et des prisonniers sont décédés pendant leur détention. Le surpeuplement carcéral, les agressions physiques et sexuelles à l'encontre de détenus, et l'absence d'un système adéquat de formation et de contrôle de la police et du personnel pénitentiaire sont d'autres sources de préoccupation. La conscience nationale a été fortement ébranlée en 1991 à la suite du spectacle, largement diffusé par les médias, du passage à tabac de Rodney King par quatre fonctionnaires du département de la police de Los Angeles, puis des poursuites engagées contre eux par les autorités de l'État et les autorités fédérales. Plus récemment, un immigrant haïtien, Abner Louima, a été brutalisé par des policiers de la ville de New York après avoir été placé en garde à vue. Des inquiétudes quant à l'emploi excessif de la force par des agents fédéraux ont été exprimées à la suite des incidents, abondamment traités par les médias, de Ruby Ridge (Idaho) en 1992 et de Waco (Texas) en 1993; le département de la police de Philadelphie a fait l'objet d'accusations analogues en mai 1985 après l'explosion d'une bombe au siège de l'organisation radicale afro‑américaine MOVE.

8.       À la suite, en particulier, de ces incidents, la société américaine a redoublé d'efforts pour faire en sorte que les directives pertinentes concernant l'emploi de la force soient respectées et que les interdictions de la torture et du recours à d'autres formes de sévices physiques, mentaux et psychologiques par les agents de la force publique et le personnel pénitentiaire soient effectivement observées dans la pratique. C'est ainsi qu'en 1994, le Congrès des États‑Unis a adopté une importante disposition législative qui autorise l'Attorney General à engager une action civile pour obtenir qu'il soit remédié aux comportements ou aux pratiques répréhensibles des organismes chargés de l'application des lois et de la garde des mineurs détenus. Le Département de la justice a activement recours à cette loi et à d'autres plus anciennes permettant d'engager des poursuites pénales contre les agents de la force publique et de l'administration pénitentiaire qui privent délibérément un individu de ses droits constitutionnels, ainsi qu'aux lois autorisant le Département de la justice à agir au civil pour remédier à des situations inappropriées dans les maisons centrales et d'arrêt des États et des collectivités locales.

9.       De plus, aux États‑Unis, des inquiétudes se sont fait jour à propos d'autres questions relevant de la Convention ou de domaines voisins, telles que les expériences scientifiques et médicales effectuées sans le consentement des personnes qui y sont examinées, le traitement des handicapés mentaux et des immigrants en situation irrégulière placés en détention, et l'application de la peine capitale. Ces problèmes, et d'autres, sont examinés dans le contexte de l'article 16.

10.     Aux États‑Unis, toutes les entités administratives à tous les niveaux sont  tenues par la loi et pour des considérations de principe de protéger la vie, la liberté et l'intégrité physique de la personne. Toutes doivent également veiller à ce que tout incident ayant donné lieu à des allégations de mauvais traitements et de sévices fassent l'objet d'enquêtes rapides et approfondies et à ce que les personnes reconnues coupables de violations soient punies. La réalisation des réformes et des améliorations nécessaires est un objectif permanent des pouvoirs publics à tous les niveaux. Les États‑Unis entendent mettre à profit les engagements et obligations contractés au titre de la Convention pour stimuler et faciliter un examen continu des politiques, pratiques et institutions pertinentes et garantir ainsi l'observation effective du traité.

I.  INFORMATIONS GÉNÉRALES

11.     Il n'y a pas de cas de torture aux États‑Unis, sauf dans des situations aberrantes et jamais à la suite d'une politique délibérée. Quand un acte de torture est commis, il constitue une infraction pénale grave, qui expose ses auteurs à des poursuites et ouvre aux victimes différentes voies de recours, y compris le droit à des mesures de réadaptation et à indemnisation. Il n'y a pas de loi fédérale criminalisant la torture en tant que telle, mais tout acte entrant dans la définition de la torture au sens de la Convention est manifestement illégal et passible de poursuites partout dans le pays, en tant par exemple que violences et voies de fait, homicide volontaire ou involontaire, enlèvement ou séquestration, arrestation ou détention arbitraire, agression sexuelle, ou violation des droits civils.

A.  Cadre constitutionnel et juridique

12.     Les États‑Unis d'Amérique sont une république fédérale composée de 50 États, et de plusieurs États libres associés, territoires et possessions. La Constitution des États‑Unis, y compris ses différents amendements, est la clef de voûte de l'organisation politique et la loi suprême du pays. Elle institue un système représentatif de gouvernement démocratique au niveau fédéral et garantit un régime républicain à l'échelon des États et des collectivités locales.

13.     Le Gouvernement fédéral comprend trois branches distinctes : l'exécutif (le Président et les divers départements et organes de l'exécutif), le législatif (le Congrès des États‑Unis, qui comprend le Sénat et la Chambre des représentants) et le système judiciaire (système indépendant à trois degrés de juridiction, avec la Cour suprême des États‑Unis au sommet de la hiérarchie). Dans le système fédéral, les lois sont adoptées par le Congrès, mises en œuvre par l'exécutif par l'intermédiaire de ses divers départements et organes, et interprétées et appliquées par le système judiciaire.

14.     En vertu de la Constitution des États‑Unis, le Gouvernement fédéral est un gouvernement investi d'une autorité et d'un pouvoir limités. Les pouvoirs qui ne sont pas délégués au Gouvernement fédéral sont expressément réservés aux États et au peuple. Il en résulte une division des pouvoirs qui fait que les États et les collectivités locales conservent des compétences étendues dans de nombreux domaines. Cette dévolution des responsabilités gouvernementales revêt une importance particulière pour certains aspects de l'application de la Convention contre la torture. Par exemple, bien qu'il y ait un corpus fédéral, continuellement en devenir et en expansion, de législation et de procédure pénale, le droit pénal demeure en grande partie un domaine relevant de la compétence des États, et la nomenclature, les règles, les procédures et les peines précises varient d'un État à l'autre. Néanmoins, dans tous les États, aussi bien au niveau fédéral que dans les États libres associés et dans les territoires, la législation et la procédure pénale doivent respecter les normes minima énoncées dans la Constitution des États‑Unis. Tous les individus, quelle que soit leur nationalité ou leur citoyenneté, ont droit à une protection constitutionnelle.

15.     Chacun des 50 États de l'Union a aussi sa propre constitution, et les structures du pouvoir au niveau de l'État reproduisent fidèlement celles du Gouvernement fédéral, et comportent des branches distinctes pour l'exécutif, le législatif et le pouvoir judiciaire. Essentiellement, chaque État est une entité souveraine, dotée d'une liberté intrinsèque de promulguer et d'appliquer des lois et des politiques qui lui sont propres. Le pouvoir d'un État n'est limité en vertu de la Constitution fédérale que dans la mesure où ce pouvoir a été délégué au Gouvernement fédéral ou si le droit fédéral prime sur celui des États dans un domaine particulier. Par conséquent, outre l'adoption et l'application de la législation pénale générale, le pouvoir des États s'étend à pratiquement tous les aspects de la réglementation en ce qui concerne les affaires intérieures de l'État, par exemple la création et le fonctionnement des tribunaux, des prisons et des établissements pénitentiaires de l'État, la réglementation des entreprises industrielles et commerciales, des professions et du commerce; les établissements d'enseignement; le régime des biens; etc.

16.     Chaque État comprend à son tour de nombreuses entités administratives subordonnées, y compris des comtés (ou subdivisions territoriales), diverses formes de juridictions municipales (villes, grandes agglomérations, municipalités, villages, bourgs, etc.), et d'autres types d'entités administratives (districts des eaux, circonscriptions scolaires, du logement et de la lutte contre l'incendie). Dans quelques cas, l'État et les collectivités locales ont constitué des autorités régionales, par exemple pour le développement économique ou la gestion des ressources. À l'échelle nationale, on compte quelque 87 000 entités administratives locales, y compris environ 3 000 comtés, 3 500 communes et municipalités et 15 000 circonscriptions scolaires. Neuf villes ont une population supérieure à un million d'habitants; 65 en comptent plus de 250 000. Bon nombre de ces entités subordonnées exercent, d'une façon ou d'une autre, une part des pouvoirs réglementaires ou des "pouvoirs de police" de l'État, y compris en matière pénale, répressive ou pénitentiaire.

17.     Il en va de même pour les autres échelons administratifs qui existent indépendamment des États constitutifs de l'Union : le district de Columbia (siège du Gouvernement fédéral); l'État libre associé de Porto Rico et le Commonwealth des Îles Mariannes septentrionales; et les territoires, non incorporés aux États‑Unis, des Samoa américaines, des îles Vierges américaines et de Guam. Si les structures administratives spécifiques peuvent présenter des différences, il existe dans chaque cas des entités locales dûment constituées qui exercent des pouvoirs et des compétences en matière pénale à l'échelon local.

18.     Cette structure fédérale complexe a à la fois pour conséquence de décentraliser la police et autres autorités administratives et de restreindre l'aptitude du Gouvernement fédéral à influencer directement la législation des entités constitutives. Bien que la torture et autres peines ou traitements cruels, inhabituels ou inhumains soient interdits dans chaque juridiction, les cas dans lesquels de tels actes pourraient se produire ne relèvent pas tous directement de l'autorité ou de la responsabilité du Gouvernement fédéral.

19.     Pour cette raison, il est apparu nécessaire de subordonner la ratification de la Convention contre la torture par les États‑Unis à une déclaration interprétative qui tient compte des compétences respectives des diverses entités gouvernementales en ce qui concerne certaines dispositions de la Convention. La déclaration (pour le texte complet, voir annexe I) précise que les obligations des États‑Unis au titre de la Convention sont exécutées par le Gouvernement fédéral dans la limite de ses compétences législatives et judiciaires, et sinon par l'État et les administrations locales. Pour ce qui est des dispositions qui intéressent au premier chef les États et les collectivités locales (art. 10 à 14 et art. 16), le Gouvernement fédéral s'est expressément engagé à prendre, "en ce qui concerne le système fédéral, toutes les mesures voulues pour faire en sorte que les autorités compétentes des unités constituantes des États‑Unis puissent prendre les mesures qui s'imposent pour donner effet à la Convention". Il s'agissait d'indiquer clairement que les mesures nécessaires à prendre par le Gouvernement fédéral en vue de l'application de la Convention au niveau des États et au niveau local seraient compatibles avec la structure fédérale de l'organisation administrative interne.

20.     Il importe de souligner que l'idée de "fédéralisme" n'atténue et ne limite en rien les obligations fondamentales incombant aux États-Unis au titre de la Convention, et n'exonère pas non plus les agents des États ou des collectivités locales de l'obligation d'appliquer les dispositions de la Convention concernant l'interdiction, la prévention et la répression de la torture ou autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il importe également de reconnaître que les principales sauvegardes constitutionnelles, y compris notamment l'interdiction des peines cruelles et inhabituelles, ont un effet restrictif à tous les niveaux de pouvoir; aux États-Unis, toutes les personnes, indépendamment de leur statut, bénéficient d'une protection constitutionnelle, en particulier de la protection contre les peines cruelles et inhabituelles.

21.     Aux États-Unis, les droits des personnes, y compris des détenus et des condamnés privés de liberté, sont protégés par l'état de droit. En général, les agents de l'administration agissent dans le respect et en conformité des normes pertinentes. Quand ils ne le font pas, un organe judiciaire indépendant peut appliquer ces règles contre eux. C'est ce qui ressort, dans l'analyse qui suit, des nombreuses références à des décisions judiciaires ainsi qu'à la législation.

B.  Le système de justice pénale des États-Unis

22.     Aux États-Unis, l'adoption et l'application de la législation pénale restent essentiellement du ressort des États et des collectivités locales. En fait, dans la tradition américaine, l'accent est mis sur l'application de la loi à l'échelon local. Malgré un corpus de lois fédérales de plus en plus imposant et malgré le rôle accru des organes de police fédéraux (en premier lieu du Federal Bureau of Investigation ou "FBI"), il n'en reste pas moins qu'aux États-Unis la plupart des infractions tombant sous le coup de la loi, l'immense majorité des crimes commis et une part considérable des poursuites pénales restent du domaine de la législation et des institutions des États et des collectivités locales. Le pouvoir reconnu à l'autorité locale contribue à assurer que le système de justice pénale se montre sensible (et soit effectivement perçu comme tel) aux préoccupations de la population concernée, il permet aussi aux États et aux collectivités locales de mettre à l'essai dans la pratique de nouvelles approches des problèmes de la justice pénale. L'expérimentation au niveau local s'est révélée un atout majeur du système en vigueur aux États‑Unis; dans le même temps, la Constitution et les lois fédérales des États-Unis (y compris les traités) offrent des dispositifs protecteurs visibles et efficaces dans tout le pays, de sorte que les expériences tentées à l'échelon local ne portent pas atteinte aux droits fondamentaux. De plus, ces facteurs constituent pour le système de justice pénale des États-Unis une source enrichissante de diversité et de complexité.

23.     Niveau fédéral. Au niveau fédéral, les seules infractions que le Congrès des États-Unis, en vertu de la Constitution, est expressément autorisé à punir, sont les actes de piraterie et crimes commis en haute mer et les atteintes au droit des gens, la trahison et la contrefaçon des effets et de la monnaie ayant cours aux États-Unis (art. I, sect. 8, al. 10; art. I, sect. 8, al. 5 et 6; art. III, sect. 6). Néanmoins, il est depuis longtemps reconnu que la législation pénale peut être fondée sur la clause du commerce (art.I, sect. 8, al. 3), et que le Congrès est investi du pouvoir intrinsèque de créer, définir et punir d'autres infractions chaque fois que cela est nécessaire pour l'exercice des responsabilités des pouvoirs publics (art. I, sect. 8, al. 18). Voir, par exemple, Brooks c. États‑Unis, 267 U.S. 432 (1925); États‑Unis c. Fox, 95 U.S. 670 (1878).

24.     Ces infractions sont énumérées pour l'essentiel dans la partie I du titre 18 du Code des États-Unis. Y sont qualifiés d'infractions fédérales une série d'actes illégaux qui ont trait à des fonctions relevant uniquement de la compétence du Gouvernement fédéral (par exemple la contrefaçon et la falsification, la fraude douanière, l'espionnage, la fraude postale ou électronique, les passeports et visas), qui sont commis sur ou contre des biens fédéraux ou contre des agents ou fonctionnaires fédéraux dans l'exercice de leurs fonctions officielles (par exemple la corruption, la concussion, la fraude, l'entrave à l'exercice de la justice, les voies de fait, l'homicide), ou qui revêtent une importance particulière pour les autorités fédérales (par exemple le détournement et le sabotage d'aéronefs, les armes à feu et explosifs, les jeux de hasard, le terrorisme, la piraterie, l'enlèvement, l'exploitation sexuelle des enfants). Quelques infractions fédérales sont énumérées ailleurs dans le Code des États-Unis (par exemple les infractions concernant les produits alimentaires et les médicaments, les transactions monétaires, les infractions relevant du Code des impôts). Les dispositions qui régissent la procédure pénale au niveau fédéral figurent également au titre 18 ainsi qu'au titre 28 et dans les Règles fédérales de procédure pénale. Un chapitre distinct du titre 18 traite de l'extradition internationale.

25.     La mise en œuvre de la législation pénale et les programmes de prévention de la criminalité au niveau fédéral relèvent essentiellement de l'Attorney General et du Département de la justice des États-Unis, dont elle est le chef. L'Attorney General est également chargée de la coordination et de l'exécution d'importants programmes fédéraux d'assistance aux responsables de l'application des lois au niveau des États et des collectivités locales.

26.     Il n'y a pas aux États‑Unis de force de police nationale unique et pas non plus d'organisme responsable de l'application des lois doté d'une compétence universelle dans l'ensemble du pays. Il existe au niveau fédéral une cinquantaine d'organismes responsables de l'application des lois; ils emploient environ 69 000 fonctionnaires ou agents spéciaux autorisés à porter des armes à feu et à procéder à des arrestations. Le principal organisme de police judiciaire au niveau du Gouvernement fédéral est le FBI. Sa compétence s'étend à toutes les infractions à la législation fédérale, à l'exception de celles pour lesquelles un autre organisme fédéral a été expressément déclaré compétent. Plusieurs autres organismes d'enquête et de police fonctionnent dans le cadre du Département de la justice, notamment la Drug Enforcement Administration (Administration chargée de la répression du trafic de stupéfiants), l'U.S. Marshals Service (Service fédéral des huissiers de justice), le Bureau fédéral des prisons et, dans le cadre du service de l'immigration et de la naturalisation, la Police des frontières. Relèvent du Département du trésor le Service secret, le Bureau des alcools, tabacs et armes à feu, le Service des douanes et la Section du recouvrement de la Direction des impôts. Le Département de l'intérieur a la haute main sur le Service des parcs nationaux, auquel sont rattachés la Police fédérale des parcs et le corps d'inspection du Service de protection de la faune sauvage aquatique et terrestre. Sont également investis de pouvoirs de police le Service fédéral de protection (dans le cadre de l'administration des services généraux), le Service d'inspection des postes, la Police fédérale du Capitole et le Service de sécurité diplomatique du Département d'État des États‑Unis (entre autres organismes). En outre, chaque département militaire possède son propre service d'enquêtes criminelles.

27.     Les enquêtes criminelles conduites dans le cadre de la législation fédérale sont généralement engagées et dirigées par les Services des 93 procureurs fédéraux, qui sont les représentants régionaux du Département de la justice dans tout le pays. Dans quelques cas, leurs fonctions peuvent être exercées par des fonctionnaires de la Division des affaires criminelles ou d'autres divisions du Département de la justice de Washington (D.C.).

28.     Les affaires pénales sont jugées par les 94 tribunaux fédéraux de première instance (les tribunaux fédéraux de district ou U.S. District Courts) conformément aux règles d'administration de la preuve et de procédure pénale applicable au niveau fédéral. Le droit à être jugé par un jury dans toutes les affaires pénales est garanti par le sixième amendement à la Constitution fédérale. La décision sur la peine à infliger aux personnes reconnues coupables est une prérogative des tribunaux. Le Service fédéral des huissiers de justice fournit assistance et protection aux tribunaux fédéraux, notamment en assurant la protection, la garde et le transport des détenus fédéraux et l'arrestation des fugitifs recherchés par la justice fédérale.

29.     Les personnes reconnues coupables d'une infraction fédérale sont condamnées et remises à la garde de l'Attorney General des États‑Unis. Le Bureau fédéral des prisons, qui a la responsabilité de ces personnes condamnées, a la haute main sur 94 établissements pénitentiaires répartis dans tout le pays, y compris 10 maisons centrales, 54 maisons d'arrêt et 15 colonies pénitentiaires. Le choix de l'établissement où le détenu purge sa peine dépend de la gravité de l'infraction, des antécédents pénaux de l'intéressé et de critères ou de besoins particuliers. En juillet 1999, il y avait 117 331 adultes incarcérés dans les établissements relevant du Bureau fédéral des prisons.

30.     Les prisonniers fédéraux peuvent être condamnés à purger leur peine directement dans des centres de détention communautaires appartenant à des entités privées, également connus sous le nom de "half-way houses". Ces établissements appartiennent généralement à des organisations privées à but non lucratif qui en assurent également l'administration (par exemple, l'Armée du salut, des organisations religieuses, etc.) dans le cadre d'un contrat conclu avec le Département de la justice. Ils sont dirigés par des spécialistes et placés sous la surveillance du Bureau fédéral des prisons, qui dispense une formation et inspecte les locaux pour s'assurer que la réglementation fédérale est respectée.

31.     Il appartient à la Commission fédérale des libérations conditionnelles d'accorder, de rejeter et d'annuler les mesures de libération conditionnelle dont peuvent bénéficier les délinquants fédéraux. Le Bureau des grâces, en consultation avec l'Attorney General, aide le Président dans l'exercice du droit de grâce qui lui est conféré par l'article 2, section 2, de la Constitution des États‑Unis. La loi prévoit que les délinquants fédéraux ayant commis leur infraction après novembre 1987 doivent accomplir au moins 85 % de leur peine (à l'exception des condamnés à la détention à perpétuité, qui doivent purger l'intégralité de leur peine).

32.     Les États libres associés et les territoires, ainsi que le district de Columbia, ont leurs propres corps de police et organes d'enquête. La juridiction pénale compétente dans les États est le tribunal fédéral de première instance, sauf dans le district de Columbia, qui a son propre système de justice pénale pour les infractions mineures (les infractions plus graves – infractions majeures ou "felonies" – relèvent du tribunal fédéral de première instance de ce district).

33.     Au niveau des États et des collectivités locales.  Les 50 États constitutifs de l'Union conservent, dans leurs juridictions respectives, de larges pouvoirs de réglementation dans les domaines de la santé, de la sécurité, de la moralité publique et de la protection sociale, notamment dans le cadre des pouvoirs dont ils sont investis en matière pénale. À la différence du Gouvernement fédéral, ils n'ont pas à fonder l'exercice de leur autorité sur une disposition spécifique de la Constitution fédérale, mais ils tirent leur pouvoir de leurs propres constitutions et de leurs propres législations. Tous doivent néanmoins respecter les droits et sauvegardes accordés aux particuliers en vertu de la Constitution fédérale.

34.     L'application de la législation des États relève de l'Attorney General de l'État concerné, qui exerce ses responsabilités sous l'autorité du Gouverneur. La plupart des poursuites pénales, cependant, sont en fait engagées et conduites par les procureurs des comtés ou des municipalités, devant les tribunaux des États ou des collectivités locales. Les procureurs peuvent être élus ou nommés, selon l'usage local. Aux États-Unis, les procureurs jouissent à tous les niveaux d'une grande indépendance dans l'exercice de leurs fonctions.

35.     Si chaque État (à l'exception d'Hawaï) possède, sous une forme ou une autre, sa propre force de police (appelée le plus souvent police routière, et parfois "police d'État"), ces autorités n'ont en fait qu'une compétence assez limitée. Dans pratiquement chacun des quelque 3 000 comtés que comptent les États-Unis, l'administration possède sa propre force de police indépendante, généralement placée sous le commandement d'un shérif élu. Il y a en plus des milliers de forces de police urbaines municipales et autres unités locales; près des trois quarts des quelque 650 000 fonctionnaires de police à plein temps aux États-Unis travaillent pour des services de police municipaux. Tout compte fait, les différentes forces de police existant aux États-Unis, au niveau des villes, des comtés et des États, sont au nombre de 15 000 environ. La plupart des services de police locaux sont de dimension modeste; plus de 90 % emploient moins de 50 fonctionnaires assermentés, et la moitié environ en emploient moins de 10.

36.     Aucune de ces autorités de police ne fonctionne exactement de la même manière. Elles s'acquittent de fonctions très diverses, allant de la prévention du crime et des enquêtes criminelles à l'arrestation et à la mise en détention des suspects, à la garde et au traitement correctionnel des délinquants condamnés et à tout ce qui concerne la probation, la libération conditionnelle et les grâces. Vu la multiplicité des institutions des personnels et des services administratifs et autres structures appelés à jouer un rôle dans le système américain de justice pénale, il est difficile d'assurer que tous les fonctionnaires et agents des services pénitentiaires et de la police reçoivent une formation analogue, par exemple dans le domaine des droits de l'homme. Cependant, les possibilités d'accès aux instances judiciaires et le grand nombre de juristes exerçant sur tout le territoire des États‑Unis contribuent à garantir un certain degré de cohérence dans la protection des droits de l'homme à tous les niveaux.

37.     Les infractions relevant de la législation des États et des collectivités locales sont généralement jugées par un tribunal d'État à compétence générale. Dans quelques États, il existe un système distinct pour les appels en matière pénale. Quelques villes sont dotées de juridictions pénales distinctes. Dans tous les cas, les condamnés ont le droit de former un recours devant l'instance supérieure de l'État; bien souvent, ils ont aussi le droit de demander à la Cour suprême, d'exercer sa faculté d'examiner leur recours. Dans certaines circonstances, les juridictions fédérales peuvent être également saisies d'une affaire relevant de la législation d'un État ou d'une collectivité locale au moyen d'un recours en habeas corpus. Dans tous les cas, cependant, l'intéressé a accès aux instances fédérales pour faire valoir ses droits reconnus par la Constitution des États‑Unis. Il existe dans la plupart des États des services de libération conditionnelle qui décident si et quand un détenu peut être libéré avant d'avoir purgé sa peine (par exemple pour bonne conduite et pour mérites spéciaux). En moyenne, les personnes détenues dans le système pénitentiaire des États accomplissent environ 41 % de leur peine.

38.     Les prisons des États relèvent généralement de l'administration pénitentiaire de l'État, qui rend compte au Gouverneur ou à l'Attorney General de l'État. Dans quelques cas, elles sont rattachées à la Division des services sanitaires et sociaux ou à la Division des services de police dans le cadre de l'administration de l'État. Dans l'ensemble du pays, les établissements pénitentiaires (prisons, hôpitaux pénitentiaires, centres de transition (half‑way houses) et centres pour délinquants autorisés à travailler à l'extérieur) administrés par les États sont au nombre de 1 375 environ.

39.     Au niveau régional et au niveau des comtés et des collectivités locales, les maisons d'arrêt et les centres accueillant des détenus pour de courtes périodes sont placés sous le contrôle de l'administration du comté ou de la collectivité locale concerné. Ces établissements (au nombre d'environ 3 300 dans tout le pays) sont généralement utilisés pour la détention des personnes qui viennent d'être arrêtées ou qui sont susceptibles d'être inculpées, traduites en justice et condamnées. La plupart sont de dimension modeste : d'après une enquête de 1988, les deux tiers des maisons d'arrêt locales avaient une population pénale journalière inférieure à 50 détenus. Au niveau des comtés, les maisons d'arrêt, comme les administrations, sont responsables en dernier ressort devant le Gouvernement de leurs États respectifs. Dans six États, les prisons sont à la fois des maisons d'arrêt et des maisons centrales. Dans quelques zones métropolitaines très étendues, l'administration – au niveau de la municipalité ou de la ville – peut également exercer des fonctions pénitentiaires, compte tenu de la législation de l'État et de la législation fédérale. Il existe, dans de nombreux États, des systèmes d'inspection des maisons d'arrêt qui veillent à ce que les normes de l'État soient effectivement appliquées dans ces établissements locaux. Quelques entités ont entrepris de "privatiser" les prisons, sous réserve de la surveillance et du contrôle exercés par l'État.

40.     L'American Correctional Association, organisation privée à but non lucratif, administre un système d'agrément volontaire des prisons des États‑Unis et du Canada, basé sur des normes jugées essentielles pour une bonne gestion pénitentiaire. Le Bureau fédéral des prisons applique volontairement ces normes.

41.     Justice militaire.  Le Congrès des États‑Unis a mis en place un système distinct de justice militaire pour les membres des forces armées des États‑Unis. Les dispositions applicables aux militaires en service actif sont celles du Code uniforme de justice militaire (UCMJ), vaste code pénal et de procédure pénale établi en 1950 et figurant au titre 10 du Code des États-Unis. En cas d'allégations faisant état d'actes criminels visés par le Code uniforme, une enquête est ouverte et, si le bien-fondé des allégations est établi, l'affaire est réglée selon une procédure appropriée, qui va de la sanction non judiciaire à la comparution devant l'une des trois catégories de cours martiales (sommaire, spéciale ou générale). La compétence de la juridiction militaire en ce qui concerne la conduite criminelle de membres de l'armée s'applique aux actes commis sur le périmètre ou en dehors d'installation militaire, que le militaire en question soit ou non en service, où que l'infraction ait été commise dans le monde. En ce qui concerne les activités non militaires des membres de l'armée, les militaires en service actif relèvent des lois et des juridictions pénales ordinaires des États‑Unis. Le système de justice militaire ne s'applique pas aux civils, sauf dans un petit nombre de cas exceptionnels étroitement délimités (par exemple, aux civils travaillant avec les forces armées sur le théâtre d'opérations en temps de guerre).

42.     Lors d'un procès en Cour martiale, le militaire accusé bénéficie de la plénitude de ses droits constitutionnels, y compris du droit d'être représenté gratuitement par un défenseur qualifié. Lorsque le procès en Cour martiale aboutit à une condamnation à une peine d'emprisonnement d'un an ou plus, à la radiation définitive de l'armée ou à la peine capitale, la sentence faire automatiquement l'objet d'un appel devant la Cour d'appel criminelle de l'arme concernée. Ces tribunaux, composés d'avocats militaires chevronnés désignés comme juges d'appel à plein temps, examinent les procès‑verbaux du procès afin de déceler d'éventuelles erreurs de fait ou de droit. Il peut être fait appel des décisions devant la Cour fédérale d'appel des forces armées des État‑Unis, où siègent cinq juges civils. Les décisions défavorables peuvent encore fait l'objet d'un recours devant la Cour suprême des États-Unis, qui peut l'examiner en vertu de son pouvoir discrétionnaire.

43.     Au cours de l'exercice budgétaire 1995 (1er octobre 1994 – 30 septembre 1995), les services de la défense (armée de terre, armée de l'air, marine, corps des fusiliers marins et garde‑côtes) ont conduit 1 949 procès devant des cours martiales générales, 3 307 devant des cours martiales spéciales, 1 786 devant des cours martiales sommaires, et 75 444 procédures aboutissant à des sanctions non judiciaires.

44.     Il existe des locaux et des programmes pénitentiaires distincts administrés par les Forces armées, soumis à des règles et à des normes uniformes établies par le Département de la défense. D'après les directives du Département de la défense, les officiers commandant les établissements de détention ne sont autorisés à infliger que l'une ou plusieurs des sanctions disciplinaires administratives suivantes pour mauvaise conduite du prisonnier : réprimande ou avertissement; privation d'un ou plusieurs privilèges; imposition de tâches supplémentaires; rétrogradation dans une catégorie inférieure; isolement avec régime alimentaire normal ou restreint après avis médical; annulation ou suspension du crédit‑temps acquis en vue d'une libération anticipée. Les membres de l'armée qui ont été privés de leur liberté doivent être traités humainement et dans le respect de leur dignité dans un environnement comportemental structuré, dont les principaux objectifs sont l'amendement et la réadaptation.

C.  Autorités compétentes et recours

45.     Aux États-Unis, les fonctions visant à garantir ou à faire respecter les droits de l'homme et les libertés fondamentales ne relèvent pas d'une loi, d'une autorité ou d'un mécanisme unique. Pour l'essentiel, la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales résulte en fait des garanties consacrées par la Constitution et les lois fédérales, ainsi que par les constitutions et les lois des États et autres entités de l'Union. Les autorités compétentes en la matière sont donc, entre autres, les responsables de l'exécutif, les agents des autorités administratives, le législateur et les juges. Cette structure diffuse offre des protections juridiques étendues et une large gamme de mécanismes d'exécution et de recours, allant de l'action pénale, aux actions civiles en dommages et intérêts, en passant par les mesures administratives.

46.     La responsabilité en matière de protection et de promotion des libertés fondamentales, eu égard notamment à l'interdiction de la torture, est donc une responsabilité commune des différentes composantes des pouvoirs publics à tous les échelons. Au niveau du Gouvernement fédéral, c'est au Président qu'il incombe de faire appliquer la loi, tâche qu'il confie à l'Attorney General, son principal assistant dans ce domaine. Au sein du Ministère de la justice, c'est d'abord à la Division des droits civils qu'il appartient de veiller à l'application effective des lois fédérales relatives aux droits civils; la Division des affaires pénales et les bureaux des procureurs fédéraux régionaux engagent des poursuites contre les auteurs de la plupart des infractions fédérales et le Bureau des prisons supervise et gère les établissements pénitentiaires fédéraux. Au niveau des États, les responsabilités peuvent être partagées entre le Gouverneur élu et/ou l'Attorney General et une commission des droits de l'homme indépendante; un grand nombre de collectivités locales, notamment la plupart des grandes villes ont leurs propres organismes de ce type. À tous les niveaux, un pouvoir judiciaire indépendant garantit les droits fondamentaux, notamment le droit de ne pas être soumis à la torture et à des peines cruelles et inhabituelles, le droit à une égale protection, et à une procédure régulière, et le droit à un procès équitable. Enfin, il existe aux États-Unis, une communauté nombreuse et dynamique d'organisations non gouvernementales qui veillent en permanence à ce que les abus soient révélés au grand jour et à ce que les pouvoirs publics se montrent attentifs aux vœux de la population. Une presse puissante et indépendante (notamment la presse écrite et les médias électroniques) joue un rôle important à cet égard.

47.     En 1994, le Congrès a adopté une nouvelle loi fédérale visant à appliquer les dispositions de la Convention contre la torture aux actes de torture commis en dehors du territoire des États‑Unis. Cette loi, codifiée sous le No 18 USC, par. 2340 et suiv., étend la compétence des États‑Unis en matière pénale à tout acte (ou tentative) de torture commis par un ressortissant américain en dehors des États-Unis, ou par l'auteur présumé de l'infraction se trouvant sur le territoire des États-Unis, quelle que soit sa nationalité. Cette loi adopte la définition de la torture figurant dans la Convention, pour autant qu'elle est compatible avec les conditions auxquelles les États-Unis ont subordonné la ratification de la Convention. Elle permet, sous certaines conditions,  d'engager devant les tribunaux fédéraux des poursuites pénales contre des tortionnaires présumés.

48.     Tout acte entrant dans le cadre de la définition de la Convention est manifestement illégal et passible de poursuites dans tout le pays. Le droit pénal en vigueur ayant été jugé suffisant pour assurer l'application des interdictions impératives édictées par la Convention et compte tenu du lien entre l'État fédéral et les États, il a été décidé lors de la ratification de la Convention de ne pas proposer l'adoption d'une loi d'application de portée générale, et de ne pas adopter une qualification unique de la torture en tant qu'infraction fédérale.

49.     La torture a toujours été proscrite par le huitième amendement à la Constitution des États‑Unis, qui interdit les "châtiments cruels et inhabituels". Cet amendement est directement applicable aux actes du Gouvernement fédéral et, par le biais du quatorzième amendement, à ceux des États de l'Union. (Voir Robinson c. Californie 370 U.S.660, recours rejeté, 371 US 905 (1962); Estelle c. Gamble, 429 U.S.97 (1976)). Si la loi constitutionnelle et les lois des États offrent, dans certains cas, des protections plus étendues ou plus spécifiques, la garantie du droit à la vie et à la liberté, de la liberté individuelle et de l'intégrité physique, consacrée par le quatrième, le cinquième et le huitième amendement à la Constitution des États-Unis, représente une norme applicable au niveau national, à laquelle aucune autorité ne peut déroger. De par sa nature constitutionnelle, cette protection s'applique aux actes des pouvoirs publics et de leurs agents sur l'ensemble du territoire à tous les échelons de l'administration; tous les individus bénéficient de la protection prévue par la Constitution, quelle que soit leur nationalité ou leur citoyenneté.

50.     La constitution de chaque État prévoit également des garanties précises en matière de libertés individuelles, le plus souvent analogues à celles que l'on trouve dans la Constitution fédérale. Par exemple, la quasi-totalité des constitutions des États interdisent expressément les châtiments cruels et inhabituels (y compris les actes constituant des actes de "torture") et prévoit des garanties de procédure tout aussi rigoureuses que celles stipulées par la Constitution fédérale. Les Constitutions de 33 États prévoient également des protections particulières contre les fouilles et saisies irrégulières; deux constitutions seulement ne comportent pas de garantie expresse protégeant, en matière pénale le droit de toute personne à ne pas s'accuser elle-même et cinq seulement ne comportent pas de dispositions relatives à la double incrimination. Toutefois, même en pareils cas, les prévenus ou les accusés bénéficient des garanties offertes par la Constitution fédérale : celles-ci sont en effet applicables sur l'ensemble du territoire, et les dispositions constitutionnelles garantissant le droit à une procédure régulière sont interprétées de manière large par les tribunaux. Dans un certain nombre de cas, la législation des États garantit des droits qui ne sont pas expressément reconnus par la Constitution fédérale (droit à la protection de la vie privée, à l'éducation, à l'accès aux tribunaux, par exemple), ou prévoit des garanties qui vont parfois au-delà de ce qui est exigé par la Constitution fédérale.

51.     Recours.  La législation des États-Unis prévoit diverses procédures pour demander réparation, y compris des réparations financières, en cas de torture ou autre violation de droits en rapport avec la Convention garantis par la Constitution et la législation. Outre le droit de faire appel, il peut s'agir, sous certaines conditions, des procédures suivantes :

·               Solliciter une ordonnance d'habeas corpus, qui requiert du juge un examen des motifs et des conditions de la détention, et reconnaît à quiconque estime que sa détention viole les droits protégés par la Constitution la possibilité de saisir un tribunal indépendant et impartial qui statuera sur le bien-fondé des mesures prises à son encontre;

·               Engager une action pénale, qui peut déboucher sur une enquête et, le cas échéant sur des poursuites;

·               Engager une action au civil devant un tribunal fédéral ou d'État, en vertu de la loi fédérale sur les droits civils (42 U.S.C., art. 1983), directement contre des fonctionnaires locaux ou de l'État en vue d'obtenir des dommages et intérêts ou des mesures provisoires;

·               Demander, au titre du Federal Tort Claims Act (22 U.S.C, par. 2671 et suiv.), des dommages et intérêts pour faute intentionnelle commise par des agents fédéraux, et pour faute intentionnelle ou délictuelle de la part de responsables fédéraux de l'application des lois, ou au titre de lois analogues des États, des dommages et intérêts pour faute intentionnelle ou délictuelle de la part d'agents des États et des collectivités locales;

·               Poursuivre directement des agents fédéraux pour violation des droits consacrés par la Constitution des États‑Unis ("constitutional tort") (voir Bivens c. Six Unknown Named Agents, 403 U.S. 388 (1971), et Davis c. Passman, 442 U.S. 228 (1979));

·               Attaquer une action ou une omission des pouvoirs publics en engageant, sur la base de dispositions législatives ou constitutionnelles, des procédures devant les instances judiciaires des États et en vertu de la législation des États;

·               Engager en vertu du paragraphe 1985 du titre 42 du Code des États‑Unis une action civile en dommages et intérêts contre des participants à une entente délictueuse ayant pour but la privation de droits civils;

·               Engager sur la base de l'Alien Tort Claims Act et du Torture Victims Protection Act (28 U.S.C. art. 1350, et note) une action civile en dommages et intérêts en vertu des instruments juridiques internationaux interdisant la torture;

·               Introduire, notamment devant les commissions de recours civiles un recours administratif demandant que soit examiné un comportement répréhensible dont la police se serait rendue coupable;

·               Le Gouvernement fédéral peut engager des poursuites civiles en vertu des dispositions de la loi pénale de 1994 relatives aux comportements ou pratiques répréhensibles de la police (42 U.S.C. art. 14141), afin de faire cesser les comportements ou les pratiques répréhensibles des services chargés de l'application des lois et des organisations dont ils dépendent. Il peut également engager des poursuites administratives et civiles contre les services en question qui, tout en bénéficiant de subventions fédérales, exercent des discriminations fondées sur la race, le sexe, l'origine nationale ou la religion;

·               Les particuliers peuvent, sur la base des lois fédérales relatives aux droits civils, introduire un recours administratif et engager une action civile contre les services chargés de l'application des lois qui tout en bénéficiant de subventions fédérales, exercent des discriminations fondées sur la race, le sexe, l'origine nationale ou la religion (voir 42 U.S.C. art. 2000d (Titre VI) et 42 U.S.C. art.. 3789d) (Safe Streets Act);

·               Dans le cas de personnes en détention, le Gouvernement fédéral peut engager une action en vertu du Civil Rights of Institutionalized Persons Act (42 U.S.C. art. 1997), afin de faire cesser les comportements ou pratiques répréhensibles dans toute prison, maison d'arrêt ou centre de détention relevant d'un État.

52.     Exemples.  À l'échelon du Gouvernement fédéral, la Division des droits civils du Département de la justice est la principale institution chargée de l'application des lois fédérales relatives aux droits civils. Bien que ses attributions soient beaucoup plus larges, la Division, et en particulier sa section pénale, procède à des enquêtes et engage des poursuites sur les fautes éventuelles des responsables de l'application des lois au niveau fédéral, des États et des collectivités locales. La section pénale enregistre 8 000 à 10 000 plaintes par an, mène ou coordonne 3 000 enquêtes environ, et engage des poursuites pénales dans 40 à 50 affaires. La majorité des plaintes examinées par la section concernent des allégations de fautes commises par des fonctionnaires. En outre, la section spéciale du contentieux procède à des enquêtes et engage des actions civiles en vue de faire cesser des comportements ou des pratiques répréhensibles des organes chargés de l'application des lois. Elle mène actuellement des enquêtes sur des plaintes visant un certain nombre de départements de police et de bureaux de shérifs, et elle a engagé des actions civiles qui ont abouti à des règlements judiciaires ayant force exécutoire en vue de faire cesser les comportements constants et répréhensibles de plusieurs services chargés de l'application des lois.

53.     Voici quelques exemples de procédures récentes, en rapport avec l'interdiction de la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, au sens de la la Convention contre la torture :

·               En janvier 1995, un shérif du Conté de Gulf (Floride) a été reconnu coupable d'avoir abusé de son autorité pour contraindre cinq détenues à se livrer avec lui à des actes de caractère sexuel. États Unis c. Harrison (N.D.Fla).

·               En juin 1996, un chef d'équipe à l'Institut fédéral pénitentiaire de Danbury (Connecticut) a été accusé d'avoir eu pendant une longue période des rapports sexuels avec un détenu; par la suite, il a été reconnu coupable de sévices sexuels contre un surveillant, en vertu du paragraphe 2243 b) du titre 18 du Code des États‑Unis.

·               En février 1997, l'ancien directeur de la prison de Pearl River a plaidé coupable du chef d'accusation de sévices sexuels contre des détenues qui étaient sous sa garde.

·               En avril 1996, un officier de police de la Nouvelle-Orléans (Louisiane) et deux autres personnes ont été reconnus coupables de s'être concertés en vue d'assassiner une femme qui avait vu l'officier de police frapper un jeune homme. Le lendemain du jour où elle a déclaré à la Division des affaires internes des services de police qu'elle avait assistée à l'incident, l'intéressée a été tuée par balle au coin d'une rue. L'officier de police et un complice civil ont été reconnus coupables de ce crime. (États‑Unis c. Davis, (E.D.La)).

·               Au Texas, un officier de police de Galveston a été condamné à 15 ans de prison pour avoir contraint, à plusieurs reprises, des femmes à se livrer avec lui à des actes à caractère sexuel, en les menaçant de prison ou de violences physiques. (États‑Unis c. Sanchez, S.D. Texas, 1994).

·               Un fonctionnaire du Bureau des affaires indiennes a été condamné à 30 mois de prison après avoir reconnu qu'il avait violé une jeune indienne alors qu'elle était incarcérée dans un centre de détention du Bureau des affaires indiennes en Arizona (États‑Unis c. Wescogame, D. Arizona, 1993).

·               En mars et en mai 1999, le Département de la justice est parvenu à un règlement s'agissant des actions civiles engagées contre les États de l'Arizona et du Michigan en vertu de la loi relative aux droits civils des personnes placées en institution (1980); les auteurs des actions soutenaient que des femmes détenues dans les prisons de l'Arizona et du Michigan étaient victimes de comportements sexuels répréhensibles de la part d'agents des services pénitentiaires, notamment de viols, agressions sexuelles et immixtions illégales dans la vie privée.

·               En avril 1994, 11 agents des services pénitentiaires d'une prison du Mississipi ont été accusés d'avoir roué de coups un prisonnier qui s'était évadé, après l'avoir capturé, alors que celui‑ci était menotté. Le détenu a été battu à coups de pied une dizaine de fois, jeté à l'arrière d'une camionnette, puis frappé à nouveau plusieurs fois à la tête, au visage et aux épaules avec des armes à feu. Il a subi plusieurs déchirures et il a eu une artère sectionnée. Six des accusés ont plaidé coupable. Deux des cinq autres accusés ont été condamnés et trois ont été acquitté.

·               En mai 1995, un ancien agent du Service de l'immigration et des naturalisations (INS) chargé des détentions a reconnu avoir frappé un détenu au Centre de l'INS de Krome. Le détenu a été assommé, a eu le visage tailladé et a subi des contusions au ventre. (États-Unis c. Calejo, S.D.Fla).

·               En août 1997, quatre agents de police de la ville de New York ont été accusés d'avoir brutalisé Abner Louima, un immigrant haïtien, à Brooklyn. Deux d'entre eux ont été accusés de l'avoir frappé pendant qu'ils le conduisaient au poste de police, après l'avoir arrêté suite à une bagarre à l'extérieur d'une boîte de nuit à Flatbush; les deux autres agents ont été accusés de l'avoir frappé avec un débouchoir à ventouse dans les toilettes du poste de police. Inculpés, dans un premier temps, en vertu des lois de l'État réprimant les violences sexuelles et les agressions, ces derniers ont ensuite été poursuivis en vertu de la législation fédérale relative aux droits civils, qui prévoit des peines plus lourdes. Ils ont tous été suspendus de leurs fonctions. À ce jour, un agent a reconnu avoir roué de coups et sodomisé Louima, et un autre a été jugé coupable de complicité et de violation des droits civils. Les deux autres agents de police sont en instance d'être jugés pour entrave à la justice.

·               En mai 1991, des agents de police de la ville de Los Angeles ont été filmés alors qu'ils passaient à tabac un automobiliste, Rodney King, qui avait été arrêté pour infraction au code de la route, et qui aurait opposé une résistance lors de son arrestation. De nombreuses personnes ont dit que cet incident était un exemple caractéristique d'un usage excessif de la force par la police contre des citoyens noirs et latinos‑américains. Après qu'un tribunal de district de Los Angeles eut acquitté quatre  policiers en vertu de la législation de l'État, deux d'entre eux ont été condamnés dans le cadre des poursuites engagées au niveau fédéral pour violation pénale des droits civils de la victime. Le tribunal a également accordé à la victime des réparations civiles et des dommages-intérêts.

·               En avril 1997, un tribunal de district fédéral a entériné un jugement d'expédient entre les États‑Unis et la ville de Pittsburgh et le Bureau de la police de Pittsburgh portant sur les allégations des États-Unis selon lesquelles les agents du Bureau de la police avaient tendance à faire un usage excessif de la force, et avaient procédé à des fouilles et des saisies illicites. Aux termes du jugement d'expédient, le Bureau s'engage à procéder à une réforme complète du contrôle de la formation, et de la discipline de la police, ainsi que des méthodes d'enquête sur les plaintes du public concernant les abus commis par la police.

·               Un jugement d'expédient similaire a été entériné par un tribunal de district fédéral en septembre 1997 entre le Gouvernement fédéral et la ville de Steubenville (Ohio) et les services de la police de Steubenville, portant sur les allégations selon lesquelles les services de police avaient tendance à faire un usage excessif de la force et à effectuer des fouilles et des saisies illicites.

·               En juin 1996, les États-Unis ont conclu un accord de règlement avec les services du Sheriff de Louisiane, à Iberia Parish, dans lequel ceux-ci sont requis de mettre un terme aux méthodes inhumaines de séquestration des détenus.

·               Des détenus de l'établissement d'Occoquan (Services pénitentiaires du District de Columbia), qui fait partie de la prison de Lorton, ont engagé une action collective devant un tribunal fédéral concernant leurs conditions de détention. À l'issue du procès, en 1989, le tribunal a statué en leur faveur, estimant que la prison manquait dangereusement de personnel. En décembre 1995, la situation ayant empiré, un rapport judiciaire complémentaire concluait que la prison connaissait un "dysfonctionnement du système disciplinaire", que l'usage de drogues et la possession d'armes à feu y étaient généralisés, que la violence visait à la fois le personnel et les détenus, et que la situation exigeait que des agents soient spécialement désignés pour trouver une solution à la violence et au contrôle des détenus.

·               En juillet 1998, le Département de la justice a fait part aux autorités de la ville de Columbus (Ohio) de son intention d'engager des poursuites civiles, au motif que la police de Columbus avait tendance à faire un usage excessif de la force, et à se livrer à des arrestations illégales et à des fouilles et saisies illicites; actuellement, le Département et la ville mènent des négociations en vue de parvenir à un règlement pour éviter un procès. De même, en avril 1999, le Département de la justice a fait part aux autorités de l'État du New Jersey de son intention d'engager des poursuites civiles, au motif que des policiers de l'État ont tendance à procéder à des contrôles routiers discriminatoires; le Département et l'État mènent actuellement des négociations en vue de parvenir à un règlement pour éviter un procès.

·               En mars 1998, les États-Unis ont engagé avec l'État de Géorgie des négociations en vue de la conclusion d'un accord de règlement global à la suite de l'enquête fédérale concernant les conditions d'internement illicites dans 31 établissements pour mineurs délinquants de l'État. Aux termes du règlement, l'État doit élaborer et appliquer des mesures correctives dans plusieurs domaines, notamment les suivants : prévention des atteintes à l'intégrité physique, soins médicaux et de santé mentale. En décembre 1997, les États-Unis ont également donné leur accord à un jugement d'expédient avec l'État libre associé de Porto Rico en vue de mettre fin aux poursuites qu'ils avaient engagées au sujet des conditions d'internement dans 20 établissements pour mineurs à Porto Rico. En novembre 1998, les États-Unis ont engagé des poursuites contre l'État de Louisiane concernant quatre établissements pour mineurs de cet État et des accords provisoires et partiels ont été conclus avec cet État.

·               Ces dernières années, les États-Unis ont donné leur accord à des jugements d'expédient et à des règlements afin d'améliorer la situation qui régnait dans plusieurs autres prisons et centres de détention dans le pays, notamment les suivants : prison pour hommes de l'État du Montana, établissements dans le territoire de Guam et le Commonwealth des Iles Mariannes septentrionales, prisons dans les comtés de Maricopa (Phoenix), de Gila (Arizona), de Clay et de Dooly (Géorgie).

D.  Les traités dans le système juridique des États-Unis

54.     Les États-Unis sont non seulement parties à la Convention contre la torture, mais également à un certain nombre de traités concernant la protection des droits de l'homme. En 1992, ils ont adhéré au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dont l'article 7 prévoit que nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Par ailleurs, ils ont ratifié la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, et signé la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, ainsi que la Convention relative aux droits de l'enfant.

55.     Conformément à l'alinéa 2 de l'article VI de la Constitution des États-Unis, les traités dûment ratifiés font partie de "la loi suprême du pays", et ils ont le même régime juridique que les lois fédérales promulguées. Sous réserve d'incompatibilité, ils peuvent donc se substituer aux lois fédérales et aux lois des États antérieures, de même qu'ils peuvent être remplacés par des lois fédérales ultérieures. Lorsqu'ils ont trait à des questions qui relevaient auparavant de la compétence des États et des collectivités locales, ils peuvent également servir à "fédéraliser" la question, ce qui peut avoir des incidences sur la répartition des compétences entre les États et le gouvernement central.

56.     Dans la pratique des États-Unis, les dispositions d'un traité ne sont pas directement applicables en droit interne, c'est-à-dire qu'elles ne peuvent être invoquées à l'appui d'une action engagée par des particuliers, ou servir de fondement à celle-ci. Seuls les traités dotés de l'effet direct peuvent être directement appliqués ou mis en œuvre par le juge lorsque des parties les invoquent en l'absence de texte d'application. Cette distinction a été établie par la Cour suprême des États-Unis dans son interprétation de l'alinéa 2 de l'article VI de la Constitution (voir Foster c. Neilson, 27 Pet. 253,  314 (1829)). Elle n'est applicable qu'en droit interne, dans un cas comme dans l'autre, le traité engage les États-Unis sur le plan du droit international.

57.     Même lorsqu'un traité n'est pas directement applicable, les tribunaux peuvent néanmoins, dans une espèce donnée prendre acte des obligations auxquelles les États-Unis ont souscrit et se référer aux principes et objectifs stipulés dans le traité, ainsi qu'aux raisons de politique générale invoquées pour le ratifier (voir, par exemple, Sale c. Haitian Centers Council, 509 U.S. 155 (1994)).

58.     En règle générale, lorsque l'exécution des obligations découlant du traité l'impose, et en particulier lorsque le droit interne en vigueur doit être mis en conformité avec les dispositions du traité, les États-Unis engagent la procédure interne visant à promulguer les textes d'application. Tel a été le cas, par exemple, pour la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (dont le texte d'application est codifié aux paragraphes 1091 à 1093 du titre 18 du Code des États-Unis). Lorsque le droit interne permet de satisfaire aux obligations découlant du traité, et est suffisant pour que les États-Unis remplissent leurs obligations internationales, les États‑Unis considèrent, en règle générale, qu'il est inutile d'adopter des textes d'application.

59.     Dans le cas de la Convention contre la torture, comme indiqué précédemment, des textes d'application ont dû être adoptés pour satisfaire aux obligations découlant de l'article 5, relatif à la compétence en matière d'actes de torture commis en dehors du territoire national par des citoyens des États-Unis, ainsi que par des personnes se trouvant sur le territoire des États-Unis, que ceux‑ci n'extradent pas. En outre, les obligations découlant de l'article 3 ("non-refoulement") ont donné lieu à des processus, des procédures et des règlements administratifs fédéraux destinés à en assurer l'application effective. (Voir 22 C.F.R, par. 3, 103, 208, 235, 238, 240, 241 et 253, reproduits aussi dans 64 Federal Register 33, No  8478-8496 (19 février 1999) (Règlements du Service de l'immigration et des naturalisations); 22 C.F.R., paragraphe 95, reproduit aussi 64 Federal Register 38, No 9435-9437 (26 février 1999) (Règlements du Département d'État).

60.     Déclaration de non‑applicabilité directe.  Toutefois, de manière générale, considérant que la législation en vigueur leur permettait de satisfaire à leurs obligations découlant de la Convention, les États-Unis ont décidé qu'il était inutile d'instituer un nouveau motif d'action en justice au niveau fédéral ou de "fédéraliser" les garanties prévues par les États, en promulguant un texte d'application à caractère général. Pour ces motifs, les États-Unis ont déclaré dans leur instrument de ratification que les dispositions de fond de la Convention (art. 1 à 16) n'étaient pas directement applicables. En droit interne, le traité ne confère donc pas, en soi, le droit aux particuliers de saisir le juge en vue de faire appliquer ses dispositions. Cela étant, cette déclaration ne saurait aucunement limiter ou restreindre les obligations internationales des États‑Unis en vertu de la Convention.

61.     Références judiciaires à la Convention.  La Convention contre la torture a été citée et invoquée dans un certain nombre d'affaires portées, à ce jour, devant des juridictions fédérales, notamment les suivantes: Xuncax c. Gramajo, 886 F. Supp. 162 (D. Mass. 1995) (action engagée par des expatriés guatémaltèques contre l'ancien Ministre de la défense du Guatemala en vertu du Alien Tort Claims Act (ATCA), et du Torture Victims Protection Act (TVPA); Kadic c. Karazdic, 70 F.3d 232 (2ème Cir. 1995) (action engagée par des Bosniaques contre le Président autoproclamé de Bosnie‑Herzégovine pour des actes de torture, de génocide et d'autres crimes, en vertu du TVPA et du ATCA); Siderman de Blake c. Republic of Argentina, 965 F.2ème 699 (9th Cir. 1992) (action engagée par une famille d'Argentins contre le Gouvernement argentin pour des actes de torture); In Re Estate of Ferdinand E. Marcos, 25 F.3rd 1467 (9th Cir. 1994), (voir également 94 F.3d 539 Cir. 1996) (action engagée en vertu du ATCA contre l'ancien Président des Philippines Marcos, sur le fondement d'allégations de torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants); Hilao c. Estate of Ferdinand Marcos, 103 F.3d 767 (9th Cir. 1996) (action également engagée contre l'ancien Président Marcos en vertu du ATCA); In Re Extradition of John Cheung 968 F. Supp. 791 (D. Conn. 1997) (application de la disposition relative au non‑refoulement prévue par la Convention contre la torture à une demande d'extradition émanant de Hong Kong). Voir également U.S. c. Ekwunoh, 888 F. Supp. 369 (E.D.N.Y. 1994).

62.     Un certain nombre de tribunaux fédéraux ont également reconnu que le droit de ne pas être soumis à la torture et à d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants constitue une norme reconnue du droit international coutumier. Voir Abebe‑Jira c. Negero, 72 F.3d 844 (11th Cir.1996), demande d'ordonnance de certiorari rejetée, 519 U.S. 830, 117 S.Ct. 961 (1996); Najarro de Sanchez c. Banco Central de Nicaragua, 770 F.2ème 1385 (5th Cir. 1985); Paul c. Avril. 901 F. Supp. 330 (S.D. Fla. 1994); Xuncax c. Gramajo, 886 F. Supp. 162 (D. Mass. 1995).

63.     Dans un grand nombre de ces affaires, les tribunaux des États-Unis se sont référés à la Convention pour déterminer s'il existait une norme juridique de droit international coutumier interdisant la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Bien que la Convention ne soit pas directement applicable en droit interne, ils ont considéré qu'elle traduisait bien l'accord général qui existait entre les États pour déclarer de telles pratiques illicites. La Convention a donc contribué de façon notable au développement du droit international relatif aux droits de l'homme dans les tribunaux des États-Unis.

E.  Information et publicité

64.     En règle générale, la population des États-Unis est pleinement consciente de ses droits, et n'hésite pas à les faire valoir. À tous les niveaux du système éducatif, les étudiants reçoivent une information approfondie sur les droits civils et politiques fondamentaux, notamment en ce qui concerne l'interdiction et la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et ils sont initiés à ces questions. La portée, la signification et la mise en œuvre des droits de l'homme donnent lieu à des discussions constantes dans les médias, des débats ouverts et passionnés des partis politiques dans les assemblées législatives, ainsi qu'à des actions devant les tribunaux à tous les niveaux.

65.     Aux États-Unis, l'information sur les traités relatifs aux droits de l'homme est librement et facilement accessible à toute personne intéressée. La disposition constitutionnelle qui prévoit que le Sénat des États‑Unis doit donner son avis et son accord en vue de la ratification des traités permet d'assurer la publicité de ceux-ci, publicité qui se traduit en général par une transmission officielle de la part du Président, un compte rendu de l'audition publique du Comité des affaires étrangères du Sénat et le rapport du Comité au Sénat, ainsi que par l'action du Sénat lui‑même. En outre, le texte de tout traité, que les États-Unis y soient parties ou non, peut être facilement obtenu à partir d'un grand nombre de sources.

66.     S'agissant de la Convention contre la torture, son examen est consigné dans plusieurs documents officiels, notamment les suivants : message du Président transmettant la Convention au Sénat, daté du 20 mai 1988 (Sen. Treaty Doc. 100‑20); procès‑verbal imprimé de l'audition publique devant le Comité des affaires étrangères du Sénat, daté du 30 janvier 1990 (S. Hrg. 101‑718); rapport et recommandation du Comité des affaires étrangères du Sénat, datés du 30 août 1990 (Exec. Report 101‑30); compte rendu de son examen par le Sénat le 27 octobre 1990, publié dans Cong. Rec. S14486 (édition quotidienne).

67.     À l'occasion des auditions devant le Comité des affaires étrangères du Sénat, des représentants de diverses organisations non gouvernementales de défense des droits de l'homme ainsi que des universitaires et des juristes concernés par la question ont déposé en personne, ou communiqué leurs observations par écrit afin que celles-ci soient examinées par le Comité et consignées dans ses documents officiels. L'administration était représentée par le Département de la justice et le Département d'État.

68.     Dans le cadre d'un programme visant à sensibiliser le public aux obligations en matière de droits de l'homme dans l'ensemble du pays, les services d'impression du Gouvernement ont publié le présent rapport, qui a été mis à la disposition du public par le biais du système des bibliothèques dépositaires. En outre, le rapport et la Convention sont largement diffusés auprès des services administratifs du Gouvernement et des autorités judiciaires fédérales, des fonctionnaires compétents des États, des ordres des avocats, des États et des collectivités locales, ainsi que des organisations non gouvernementales de défense des droits de l'homme. En outre, le présent rapport peut également être consulté sur la page Web du Département d'État des États‑Unis : <http://www.state.gov>

69.     Des exemplaires de la Convention ont été communiqués aux Attorneys General des 50 États et des autres unités territoriales des États-Unis, auxquels il a été demandé de les transmettre aux fonctionnaires locaux relevant de leurs juridictions respectives.

F.  Facteurs entravant la mise en œuvre de la Convention

70.     Le Gouvernement des États-Unis reconnaît la persistance d'allégations de sévices et de mauvais traitements, de sujets de préoccupation dans le cadre du système de justice pénale et d'obstacles à la pleine application des buts et objectifs de la Convention. Il est signalé notamment des allégations et des cas (il s'agit même parfois de pratiques courantes) :

·               de sévices, de brutalités et de recours injustifié ou excessif à la force imputables à la police, y compris l'utilisation inappropriée de moyens et de techniques, tels que le recours à des gaz lacrymogènes et à des pulvérisateurs de substances chimiques (poivre) ou l'emploi de tasers ou matraques électriques, de ceintures électriques, de chiens policiers, de menottes et d'entraves;

·               de prévention ou de discrimination raciale à l'encontre de membres de minorités, ainsi qu'en témoignent, notamment, les statistiques relatives aux cas (et aux allégations) de harcèlement et de sévices;

·               d'agressions et de violences sexuelles infligées à des détenus par le personnel pénitentiaire et d'autres détenus;

·               de mauvais traitements et de discrimination à l'égard de personnes en garde à vue, y compris d'insuffisance de soins médicaux, dans le cas notamment de personnes atteintes de troubles mentaux ou séropositives;

·               de refus de mettre en cause des membres de la police, notamment en matière de rappel à l'ordre, de poursuites et de sanctions en cas de faute commise par des policiers;

·               de surpeuplement des prisons;

·               de rigueur excessive et de dureté injustifiée des méthodes utilisées dans les établissements de haute sécurité à l'égard des détenus violents, y compris les incarcérations abusives dans des établissements de ce type;

·               d'internement d'enfants dans des centres de détention ne répondant pas aux normes ou dans lesquels les enfants sont maltraités;

·               de financement insuffisant des organismes publics, y compris les établissements pénitentiaires.

71.     Le Gouvernement des États-Unis est conscient de ces difficultés et s'efforce d'y remédier. Il estime cependant que, dans l'ensemble, les organes chargés de faire respecter la loi et les établissements pénitentiaires du pays appliquent des règlements très stricts en ce qui concerne le comportement du personnel et le traitement des détenus. Parmi les éléments qui favorisent l'application des normes de la Convention, on peut citer les directives et les textes d'application rigoureux élaborés par le Gouvernement fédéral, les activités de sensibilisation et d'investigation indépendantes menées par des organisations et des groupes non gouvernementaux compétents et l'existence de recours administratifs et judiciaires efficaces dont disposent les personnes qui estiment avoir été victimes de violences ou d'abus.

G.  Statistiques

72.     Aux États-Unis, il n'y a pas de recueil unique de statistiques nationales sur les allégations ou les plaintes faisant état de tortures, de recours excessif à la force par la police ou de l'application de formes moins graves de mauvais traitements infligés par des agents de l'État. Il n'y a pas non plus de registre centralisé dans lequel sont consignés des renseignements sur les personnes arrêtées ou placées en détention, les poursuites engagées, les procès tenus, les condamnations prononcées ou les dommages‑intérêts versés pour des violations de ce genre. Ceci tient principalement au fait que les des autorités de justice pénale sont très nombreuses.

73.     En raison du manque d'informations fiables sur les cas de recours excessif à la force par la police, le Congrès américain a demandé à l'Attorney général de rassembler des données et de présenter un rapport annuel sur la question. Voir art. 210402, titre XXI, sous‑titre D, du Violent Crime Control and Law Enforcement Act de 1994, Pub. L. No 103‑322. Sous la direction de l'Attorney général, le Bureau de statistique de la justice (un organe qui fait partie de l'Office des programmes de la justice au sein du Département de la justice des États-Unis) et l'Institut national de la justice travaillent ensemble au rassemblement de données nationales sur l'utilisation de la force par la police. Le premier rapport, intitulé "Rassemblement de données nationales sur l'utilisation de la force par la police", a été publié en avril 1996. Il récapitule les précédents travaux de compilation des données.

74.     Parmi les autres sources d'information statistique à l'échelon fédéral, on peut citer : 1) le rapport annuel du Federal Bureau of Investigation (FBI), intitulé "Crime in the United States"; 2) le Programme uniforme de rapports sur la criminalité (FBI), qui s'étend à 16 000 organismes chargés de l'application de la loi dans l'ensemble du pays; 3) l'enquête nationale du Département de la justice sur les victimes de la criminalité; et 4) le rapport annuel de la Commission des libérations conditionnelles des États-Unis.

75.     Il a été encore plus difficile d'obtenir des informations au niveau des États et des collectivités locales. Chaque État dispose maintenant d'un centre d'information unique ou bureau d'enregistrement pour le signalement des infractions ou la justice pénale, qui transmet des informations au Gouvernement national. Il existe d'autres sources d'informations comme le National Center for State Courts.

76.     Les données ci-après, tout comme les statistiques contenues ailleurs dans le présent rapport, proviennent essentiellement de sources gouvernementales officielles qui sont à la disposition du public, en particulier les diverses publications du Bureau fédéral des recensements et du Bureau de statistique de la justice du Département de la justice.

77.     Population.  D'après les estimations, la population totale des États-Unis était de 267 millions d'habitants au milieu de l'année 1997. Sur ce total, 33,8 millions (soit 13 %) se décrivent comme étant des Noirs; 2,3 millions (1 %) s'identifient comme étant des Amérindiens, des Esquimaux ou des Aléoutes et 10 millions (4 %) se considèrent comme étant des Asiatiques ou des insulaires du Pacifique. Environ 29 millions (11 %) sont d'origine hispanique. Environ 25,8 millions (9,7 %) sont nés à l'étranger. Vingt-sept pour cent de ces personnes sont nées au Mexique; les autres pays d'origine des étrangers sont principalement les Philippines, la Chine (y compris Hong Kong), Cuba, l'Inde, le Viet Nam, El Salvador, le Canada, la République de Corée, l'Allemagne et la République dominicaine. En Californie, près d'un habitant sur quatre est né à l'étranger; ont en outre une forte proportion d'habitants nés à l'étranger les États de New York, de Floride, du New Jersey et du Texas notamment. Près d'un habitant né à l'étranger sur quatre est devenu citoyen américain.

78.     Population carcérale.  D'après les estimations du Bureau de statistique de la justice, il y avait, en juillet 1999, environ 1,7 million de détenus adultes aux États-Unis, dont un peu plus de deux tiers dans des prisons fédérales ou des prisons d'État et le reste dans des prisons locales. On estimait à 129 678 le nombre des détenus incarcérés dans des prisons fédérales, dont 117 331 se trouvaient dans des prisons gérées par le Bureau des prisons et 12 347 dans des prisons gérées dans le cadre de contrats de sous-traitance, y compris des centres pénitentiaires de quartier ou des établissements de semi-liberté. Plus de 1,1 million de détenus se trouvaient dans des établissements d'État et quelque 637 000 étaient incarcérés dans des prisons locales ou étaient placés sous surveillance pénitentiaire.

79.     Les États-Unis ont actuellement la population carcérale et le taux de détention les plus élevés du monde. On compte environ 436 détenus condamnés pour 100 000 habitants. Au milieu de 1997, un habitant des États-Unis sur 155 était détenu.

80.     La population carcérale a augmenté de 6,5 % en moyenne depuis 1990. Le nombre des détenus condamnés du système pénitentiaire fédéral a augmenté plus rapidement que celui des prisons d'État. Au milieu de 1995, les 1 500 établissements pénitentiaires pour adultes du pays avaient une capacité de 976 000 lits.

81.     On estime que les prisons d'État ont actuellement une population de 16 à 24 % supérieure à leur capacité déclarée et que le nombre de détenus dans le système pénitentiaire fédéral est de 19 % supérieur à sa capacité théorique. Les autorités fédérales et les autorités des États ont construit 213 nouvelles prisons entre 1990 et 1995, ce qui représente une augmentation de 17 % du nombre d'établissements et quelque 280 000 nouveaux lits. Plus de la moitié des prisons du pays ont moins de 20 ans.

82.     Parmi les raisons de la hausse régulière du nombre de détenus, on peut citer : l'accroissement du nombre des arrestations, en particulier pour agression, infractions liées à la drogue et violation de la législation sur les armes à feu; l'accroissement du nombre des condamnations pour infractions majeures prononcées par les tribunaux d'État et les tribunaux fédéraux (augmentation de 5 % en 1994 par rapport à 1990); l'augmentation du temps passé en détention (par rapport à la durée de la peine prononcée) et l'adoption de lois plus sévères concernant les récidivistes.

83.     En 1994, la durée moyenne des peines de prison prononcées par les tribunaux d'État était de six ans et par les tribunaux fédéraux de six ans et demi. Toutefois, la plupart des détenus condamnés à l'échelon fédéral (environ 60 %) l'ont été pour des infractions liées à la drogue et ont à purger des peines qui sont en moyenne de trois ans plus longues que celles des détenus des prisons d'État, les lois fédérales sur la drogue prévoyant des sanctions plus lourdes. Environ 47 % de l'ensemble des détenus à l'échelon fédéral ont été reconnus coupables d'infractions violentes. Selon une enquête effectuée en 1993, 27 % des détenus des prisons fédérales et 61 % des détenus des prisons d'État avaient été condamnés pour infractions violentes soit lors de leur dernier procès soit lors d'un procès antérieur. Environ 12 % des détenus des prisons fédérales et 16 % des détenus des prisons d'État étaient armés lorsqu'ils ont commis les infractions pour lesquelles ils ont été condamnés.

84.     En 1994, 14,6 millions de personnes ont été arrêtées, d'après les estimations, pour tous types d'infraction autres que les infractions au code de la route, et essentiellement pour vol. La proportion des personnes arrêtées était de 5 715 pour 100 000 habitants.

85.     Cependant, d'après les rapports uniformes du FBI sur la criminalité, le nombre total d'infractions commises a baissé ces dernières années. Les infractions violentes (telles que viol, homicide volontaire, vol qualifié et violences graves) sont passées de 3,5 millions en 1992 à 3,3 millions en 1995.

86.     À l'échelon national, sur l'ensemble des détenus, 44 % environ sont des non-hispaniques noirs, 40 % des non-hispaniques blancs, 15 % des hispaniques et les 1 à 2 % restants des Asiatiques, des insulaires du Pacifique et des autochtones d'Amérique et d'Alaska. Dans les prisons fédérales, la proportion des non-hispaniques noirs est d'environ 38 % et celle des hispaniques d'environ 30 %. Par rapport au nombre d'habitants aux États-Unis, les non‑hispaniques noirs de sexe masculin risquent, statistiquement, deux fois plus d'être incarcérés que les hispaniques et sept fois plus que les non-hispaniques blancs.

87.     Au mois de juillet 1999, les femmes détenues représentaient 7,5 % de l'ensemble des détenus à l'échelon fédéral. Dans les prisons locales, les détenus sont à 90 % environ des hommes. Si les hommes risquent 16 fois plus d'être incarcérés que les femmes, il n'en reste pas moins que le nombre de femmes en détention augmente plus vite que celui des hommes.

88.     Les mineurs (que la législation des États définit généralement comme étant des personnes âgées de moins de 18 ans) relèvent généralement de la justice pour mineurs, qui est un système à part. Les mineurs délinquants sont placés dans des centres de détention ou des établissements pénitentiaires qui leur sont spécifiquement réservés. Il arrive que certains d'entre eux, lorsqu'ils ont été accusés ou reconnus coupables d'actes qui sont des infractions lorsqu'ils sont commis par des adultes, soient détenus dans des prisons locales, dans lesquelles ils sont en règle générale séparés, sur les plans visuel et sonore, des autres détenus. Pour certaines infractions particulièrement graves, les mineurs peuvent être poursuivis et jugés comme des adultes. Bien que le nombre total de mineurs arrêtés pour infraction violente continue de baisser, en 1996 les jeunes représentaient 19 % de l'ensemble des personnes arrêtées pour ce motif (y compris pour homicide volontaire, viol, vol qualifié et violences graves).

89.     Mauvais traitements et brutalités.  L'absence de statistiques nationales fiables fait qu'il est impossible de donner une description statistique exacte de la fréquence des cas de mauvais traitements et brutalités ayant pour auteurs des policiers. Cependant, les plaintes émanant de détenus de prisons fédérales sont peu nombreuses. Entre le 1er janvier 1995 et le 31 décembre 1997, il y a eu 2 147 plaintes faisant état de fautes commises par le personnel pénitentiaire liées à des violences physiques, verbales, mentales ou psychologiques, à des agressions sexuelles ou à un recours excessif à la force. Parmi celles-ci, 117 ont été jugées recevables (5,4 %) et 384 font l'objet d'une enquête. Dans le cadre des affaires jugées au cours de l'exercice 1998, 425 agents ont été l'objet de plaintes émanant de détenus faisant état de sévices. Des sanctions administratives ont été infligées à 13 de ces agents (3,1 %) à la suite de ces plaintes. Aucun des agents concernés n'a été reconnu coupable de violation de la loi pénale.

90.     Au cours de l'exercice 1998 également, le bien-fondé des allégations de sévices sexuels infligés à des détenus par 24 employés contractuels relevant ou non du Bureau des prisons a été reconnu. Au total, 16 d'entre eux ont été reconnus coupables d'infraction à la loi pénale. Sur les 24, 23 ont soit donné leur démission soit été licenciés. Il a été interdit à un employé contractuel qui avait des relations avec un ancien détenu de travailler avec des détenus des prisons fédérales et d'autres fonctions lui ont été confiées.

91.     Les plaintes les plus courantes font état de violences physiques, verbales, mentales ou psychologiques, d'agressions sexuelles et de recours excessif à la force. La plupart de ces plaintes concernent des codétenus plutôt que des gardes ou d'autres agents pénitentiaires.

92.     Le taux des décès en détention a sensiblement baissé au cours des dernières décennies. En 1995, il était de 311 pour 100 000 détenus dans les prisons d'État. La plupart de ces décès (156 pour 100 000) étaient dus à une maladie ou à des causes naturelles autres que le sida (qui est à l'origine de 100 décès pour 100 000). Le taux de suicide était de 16 pour 100 000. En 1998, il y a eu dans les prisons fédérales 231 décès de détenus pour 100 000 et le taux de suicide a été de 11 pour 100 000 détenus. Au cours des cinq dernières années, la moyenne des suicides a été de 13 pour 100 000.

93.     À la fin de 1995, les autorités pénitentiaires ont déclaré que 2,3 % de l'ensemble des détenus des prisons d'État et des prisons fédérales étaient infectés par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH). La proportion pour les détenus des prisons d'État était de 2,4 % contre 1 % environ pour les détenus des prisons fédérales.

II.  APPLICATION DES ARTICLES DE LA CONVENTION

Articles premier et 2 : Définition et interdiction

A.  Définition de la torture

94.     Déclarations interprétatives des États‑Unis.  Afin de clarifier le sens du terme "torture" et de définir le champ d'application de la Convention avec toute la précision requise par le droit interne des États‑Unis, les États‑Unis ont formulé, en tant que conditions à la ratification de la Convention, plusieurs déclarations interprétatives portant sur l'article premier. Le texte intégral de ces déclarations figure à l'annexe I. Il y est dit en substance :

95.     Qu’il est pertinent d'avoir inclus dans la définition de la "torture" l'intention d'infliger une douleur et des souffrances "mentales" car des États ont de plus en plus recours malheureusement à des formes diverses de torture et de mauvais traitements psychologiques, tels que simulacres d'exécution, privations sensorielles, usage de drogues et internement dans des hôpitaux psychiatriques. Toutefois, ainsi que tous les systèmes juridiques le reconnaissent, l'évaluation de la douleur et des souffrances mentales peut être un exercice très subjectif. Les milieux de la justice pénale aux États‑Unis ont estimé qu'à cet égard la définition de la Convention manquait de la précision exigée par la Constitution concernant la définition des infractions pénales. Pour répondre aux exigences de clarté du droit interne, les États‑Unis ont donc énoncé comme conditions à la ratification de la Convention le fait que, pour constituer un acte de torture, l’acte en question devait avoir été commis avec l'intention d'infliger une douleur ou des souffrances physiques ou mentales aiguës, la douleur ou la souffrance mentale désignant une atteinte durable à l’intégrité mentale en raison de 1) menaces de souffrances physiques aiguës ou de douleurs ou de souffrances physiques aiguës infligées intentionnellement; 2) menaces d'administration ou de l'administration de substances psychotropes de menaces d'application ou de l'application d'autres méthodes visant à perturber profondément les organes sensoriels ou la personnalité; 3) menaces de mort imminente ou 4) menaces de mort imminente touchant une autre personne ou menaces d'infliger à celle‑ci des douleurs ou souffrances physiques aiguës, de lui administrer des substances psychotropes ou de lui appliquer d'autres méthodes visant à perturber profondément ses organes sensoriels ou sa personnalité.

96.     Pour des raisons analogues de clarté et de précision, les États‑Unis n'ont adhéré à la Convention qu'à condition que la définition de la "torture" à l'article premier ne s'applique "qu'à des actes commis contre des personnes placées sous la garde ou le contrôle de leur auteur", ceci afin de bien situer le contexte de la Convention par rapport à celui d’opérations militaires ou policières normales.

97.     Une autre déclaration interprétative avait pour but d'établir clairement que le terme "sanctions" à l'article premier s’appliquait aux sanctions infligées par la justice ainsi qu’à toute autre mesure répressive autorisée par la législation des États‑Unis ou en vertu d'une interprétation jurisprudentielle de cette législation. Toutefois, ainsi qu'il a été explicitement stipulé, un État partie ne saurait aller à l’encontre de l’objet et du but de la Convention, qui est d'interdire la torture, en infligeant des "sanctions officielles" légitimes à l'échelon national.

98.     Les États‑Unis ont également souligné que le terme "consentement", au sens de l'article premier, exigeait qu'un "agent de la fonction publique, avant que l'acte qualifié de torture n'ait été commis, ait été conscient de cet acte et qu'il ait ensuite manqué à son devoir en n’intervenant pas pour l'empêcher". Le but était d'énoncer clairement que le terme "consentement" à l'article premier s'appliquait tant à la notion de connaissance véritable des faits qu'à celle de "cécité intentionnelle".

99.     Enfin, pour éviter une application inappropriée de la Convention à des actes de répression légitimes, les États‑Unis ont déclaré que, de leur point de vue, le non‑respect de normes de procédure juridique applicables (telles que les principes énoncés dans l’arrêt Miranda auxquels il est fait référence plus haut) ne constituait pas en soi un acte de "torture".

B.  Interdiction de la torture

100.   Tout acte de torture au sens de la Convention est illégal au regard des lois existantes au niveau fédéral et au niveau des États et toute personne qui commet un acte de ce genre sera soumise aux sanctions pénales prévues par la loi pénale. Des actions en justice pour ce motif sont effectivement engagées lorsque les circonstances l'exigent. La torture ne peut être justifiée par des circonstances exceptionnelles, et le fait d'avoir exécuté un tel acte sur l'ordre d'un supérieur ne peut être invoqué comme moyen de défense.

101.   La législation des États‑Unis reconnaît et protège le droit fondamental de chacun à la vie, à la liberté et à l'inviolabilité de sa personne. Tout système de droit pénal aux États‑Unis interdit clairement et catégoriquement les actes de violence, physique ou mentale, qui constitueraient un acte de torture au sens de la Convention. De tels actes peuvent faire l'objet de poursuites, par exemple en tant qu’agressions, voies de fait ou actes de mutilation en cas d'atteinte à l'intégrité physique; en tant qu’homicides, meurtres ou assassinats en cas de décès de la victime; enlèvements, séquestration ou enlèvement en cas de détention illégale; viols, sodomies ou attentat à la pudeur ou en tant qu’actes entrant dans le cadre d'une tentative d'entente délictueuse ou d'une entente délictueuse, manœuvres d'extorsion de fonds ou violation pénale des droits civils d'une personne. La nomenclature juridique et les définitions varient d'une juridiction à l'autre, mais il est clair que tout acte de torture relevant de la Convention pourra donner lieu à des poursuites au pénal devant n’importe quelle juridiction aux États‑Unis.

102.   Dans certaines juridictions, le "meurtre par la torture" est reconnu comme une infraction spécifique par la loi de l’État et entre dans la catégorie des homicides lorsque des souffrances sont infligées intentionnellement, de manière délibérée et préméditée ; ce type d'infraction fait l'objet de sanctions particulièrement lourdes. Voir par exemple, Idaho I.C., par. 18‑4001 et 18‑4003; Nevada N.R.S., par. 200.033; New York Penal, par. 125.27; South Carolina Code 1976, par. 16‑3‑20; Tennessee T.C.A., par. 39‑13‑204. Cependant, dans quelques juridictions d'État ou juridictions locales, la "torture" est une infraction distincte. Mais voir California Penal Code, titre 8, par. 206 (interdisant la torture); Conn. G.S.A., par. 53 à 20 (cruauté envers des personnes); Alabama Stats., par. 13A‑6‑65.1 ("torture sexuelle" classée dans la catégorie des infractions graves de la classe A).

103.   Huitième amendement.  La protection la plus grande et la plus claire contre la torture est peut‑être celle qu’offre le huitième amendement à la Constitution des États‑Unis, qui interdit "les châtiments cruels et inhabituels".

104.   Cette interdiction s'applique directement aux actes du Gouvernement fédéral et, par le biais du quatorzième amendement, aux actes des États et des autorités locales. Robinson c. Californie, 370 U.S. 660 (1962). Elle s'applique aux châtiments barbares ou inhumains, aux châtiments qui portent atteinte à la dignité humaine et aux peines occasionnant des souffrances physiques injustifiables. Furman c. Georgie, 408 U.S. 238 (1972). Elle s'applique aussi aux peines qui, bien qu'elles ne soient pas "barbares" sur le plan physique, entraînent pour le condamné des souffrances injustifiables et gratuites ou aux peines qui sont "tout à fait disproportionnées" à la gravité de l'infraction commise. Elle s'étend ainsi aux peines dénuées de toute justification pénologique, Rhodes c. Chapman, 452 U.S. 337 (1981), ainsi qu'aux travaux que les détenus sont obligés d'accomplir en prison lorsqu’ils sont au-dessus de leurs forces, mettent leur vie en danger ou occasionnent des douleurs injustisfiables, Ray c. Mabry, 556 F.2ème 881 (8ème Cir. 1977). Considérées il y a de nombreuses années comme étant excessives et tout à fait disproportionnées, les peines de travaux forcés ne font plus partie des sanctions pénales applicables en vertu du droit fédéral. Weems c. États-Unis, 217 U.S. 349 (1910).

105.   Dans la mesure où ils ont la garde d'un grand nombre de condamnés, parmi  lesquels figurent beaucoup d'individus dangereux, les agents pénitentiaires peuvent faire un usage raisonnable de la force pour des raisons de légitime défense, pour défendre des tiers, pour faire appliquer les règles et directives de la prison et pour prévenir des évasions et des infractions. Toutefois, le huitième amendement interdit aux agents de la fonction publique d'infliger délibérément des souffrances aux détenus, de manière injustifiée et gratuite, en les brutalisant par exemple. Dans l'affaire Hudson c. McMillan, 503 U.S. 1 (1992), des membres du personnel pénitentiaire avaient menotté et entravé un détenu et l'avaient frappé après une altercation; contusionné, tuméfié, le détenu avait eu les dents déchaussées et son dentier avait été fêlé. La Cour suprême des États-Unis a déclaré que les mauvais traitements qu'il avait subis constituaient un recours excessif à la force, en violation du huitième amendement, bien que les blessures reçues par le détenu n'aient pas été graves. La Cour a en outre déclaré coupable un surveillant qui avait observé la scène sans y participer, au motif qu'il aurait dû intervenir pour protéger la victime. Dans l'affaire Inmates of Attica Correctional Facility c. Rockefeller, 453 F.2ème 12 (2ème Cir. 1971), des agents pénitentiaires ont été reconnus coupables d'avoir commis des actes de  brutalité sans avoir été provoqués lorsqu'ils avaient repris le contrôle de la prison après des émeutes sanglantes déclenchées par des détenus; une cour d'appel fédérale a interdit aux fonctionnaires de se livrer à l'avenir à des actes de brutalité et de torture.

106.   Tel qu’il a été interprété, le huitième amendement, s'applique en outre  1) aux mauvaises conditions de détention qui sont le résultat de l'"indifférence délibérée" d'un fonctionnaire à des besoins humains identifiables (par exemple, privation prolongée de nourriture, de chaleur et d'exercice), Wilson c. Seiter, 501 U.S. 294 (1991), ainsi qu'éventuellement au surpeuplement des locaux, Rhodes c. Chapman, 452 U.S. 337 (1981); 2) au recours excessif à la force par les membres de personnel pénitentiaire ainsi qu'à leur incapacité à protéger les détenus de la violence physique exercée par d'autres détenus ainsi qu'au manque de formation ou de sélection des gardes, Whitley c. Albers, 475 U.S. 312 (1986) et 3) à l'insuffisance des soins médicaux, dentaires et psychiatriques, y compris l'indifférence délibérée d'un responsable aux besoins aigus de soins médicaux d'un détenu, allant au-delà de la simple faute médicale, Estelle c. Gamble, 429 U.S.97 (1976), et Farmer c. Brennan, 511 U.S. 825 (1993) (les autorités pénitentiaires sont tenues, en vertu du huitième amendement, de garantir aux détenus des conditions de détention humaines).

107.   Étant donné que le huitième amendement renferme les normes actuelles de traitement humain, son interprétation continue d'évoluer. Dans l'affaire Helling c. McKinney, 509 U.S. 25 (1992), par exemple, la Cour suprême des États-Unis a estimé que les risques que présentait pour la santé des détenus le fait d'être exposé à la fumée du tabac pouvaient donner lieu à des plaintes au titre du huitième amendement. Ceci a déjà été mentionné à propos de l'affaire DeShaney c. Winnebago County Dept. of Social Services, 489 U.S. 189, 199-200 (1989).

Lorsqu'un État place une personne en détention et l'y maintient contre sa volonté, la Constitution lui impose le devoir d'assurer sa sécurité et son bien-être général... La raison d’être de ce principe est simple : lorsqu'un État exerce son pouvoir de manière à restreindre la liberté d'une personne de sorte que celle-ci ne peut prendre soin d'elle-même, s'il ne garantit pas la satisfaction des besoins fondamentaux de cette personne – en matière de nourriture, d’habillement, de logement, de soins médicaux, etc. - il transgresse les limites fondamentales que le huitième amendement impose à ses actes...

108.   D'un point de vue purement juridique, les protections accordées en vertu du huitième amendement ne s'appliquent qu'aux "peines", c'est-à-dire au traitement des personnes qui ont été reconnues coupables d'une infraction et sont donc détenues par les autorités de l'État. Ingraham c. Wright, 430 U.S. 651 (1977);  United States c. Lovett, 328 U.S. 303 (1946).

109.   Système de justice militaire.  Le huitième amendement s'applique de la même façon au système de justice militaire. Par ailleurs, l'article 55 du Code uniforme de justice militaire interdit spécifiquement les peines consistant à flageller, marquer au fer rouge ou autrement ou tatouer un individu, ainsi que toute autre peine cruelle ou inhabituelle. L'article 55 interdit également l'usage de moyens de contrainte appelés "fers", que ceux-ci soient simples ou doubles, si ce n'est à des fins de maintien de la surveillance. Un officier supérieur qui donnerait l'ordre d'infliger ce genre de châtiment outrepasserait ses pouvoirs et serait personnellement responsable d'avoir infligé intentionnellement des dommages corporels et psychologiques. En outre, l'article 93 du Code uniforme de justice militaire stipule qu'un militaire qui fait subir à un subordonné un traitement cruel ou des sévices (y compris des actes de harcèlement sexuel) se rend coupable d'une infraction pénale.

110.   Selon le Code uniforme de justice militaire, une personne ne peut être appréhendée ("arrêtée") que si l'on a de bonnes raisons de croire qu'une infraction a été commise et que la personne appréhendée en est l'auteur. Le Code uniforme énonce aussi les motifs pour lesquels une personne peut-être placée en détention ainsi que les conditions de celle-ci y compris son droit à être informée de la nature des actes dont elle est accusée, de son droit de garder le silence, à se faire assister d’un avocat civil sans frais pour l’administration de l’État à se faire assister gratuitement d'un avocat militaire et à être informée des procédures de réexamen de la décision de mise en détention. Celle-ci doit être confirmée par l'officier supérieur dans les 72 heures et doit faire l'objet d'une audience menée par un magistrat neutre qui peut ordonner la libération de l'intéressé. Une fois la Cour martiale saisie des charges retenues contre le détenu, le bien-fondé du placement en détention peut de nouveau être examiné par le juge militaire.

111.   Le Département de la défense a adopté la "Règle commune" pour les personnes faisant l'objet de travaux de recherche médicale dont il est question plus loin. Voir 32 C.F.R. Part. 219.

112.   Autres dispositions constitutionnelles.  Du fait que le huitième amendement porte sur les "peines", les tribunaux ont invoqué d'autres dispositions constitutionnelles, en particulier celles du quatrième amendement ayant trait à l'interdiction des perquisitions et saisies injustifiées ainsi que celles des cinquième et quatorzième amendements concernant les garanties d'une procédure régulière, pour interdire les sévices ou mauvais traitements infligés à des personnes détenues dans d'autres circonstances. Ces garanties constitutionnelles sont applicables et appliquées à tous les échelons de l'appareil de l'État.

113.   Le quatrième amendement protège les citoyens contre toute perquisition et saisie injustifiées et prévoit qu'"aucun mandat d'arrêt (warrant) ne peut être délivré, si ce n'est pour des motifs raisonnables et suffisants, étayés par un serment ou une déclaration solennelle, ni sans qu'il décrive avec précision le lieu à fouiller et les personnes ou objets à saisir".

114.   Le quatorzième amendement prévoit qu'"aucun État ne privera qui que ce soit de sa vie, de sa liberté ou de ses biens en l'absence des garanties d'une procédure régulière". Le cinquième amendement concerne le Gouvernement fédéral et prévoit de la même façon que nul ne sera  "privé de sa vie, de sa liberté ou de ses biens en l'absence des garanties d'une procédure régulière". Le principe des garanties d'une procédure régulière offre une protection étendue et souple contre les abus de pouvoir de l'État. Les clauses des cinquième et quatorzième amendements qui s’y rapportent peuvent être invoquées pour des actes qui, techniquement, ne relèvent pas du huitième amendement, comme par exemple l'usage excessif de la force par la police au stade de l'enquête ou de l’instruction. Un refus de mise en liberté provisoire peut en soi soulever des questions de fond et de procédure quant au respect des garanties d'une procédure régulière. États‑Unis c. Salerno, 481 U.S. 739 (1987).

115.   Bien que le huitième amendement ne s'applique pas aux personnes placées en détention provisoire, c'est‑à‑dire des personnes qui ont été légalement arrêtées mais n'ont encore été ni déclarées coupables ni condamnées, les tribunaux ont décidé que ces personnes jouiraient d'une protection équivalente en vertu du quatorzième amendement en ce qui concerne les conditions de détention. "Les États ne peuvent imposer aux personnes en détention provisoire des conditions qui violeraient les droits reconnus à un condamné en vertu du huitième amendement". Hamm c. DeKalb County, 774 F.2ème 1567, 1573-74 (11ème Cir. 1985), demande d’ordonnance de certiorari rejetée 475 U.S. 1096 (1986). Voir également Graham c. Connor, 490 U.S. 386 (1989) (la clause du quatorzième amendement qui porte sur les garanties d'une procédure régulière protége une personne placée en détention provisoire d'un usage de la force qui équivaut à un châtiment); Bell c. Wolfish, 441 U.S. 520 (1979); Ingraham c. Wright, 430 U.S. 651 (1977). Dans l'affaire Lancaster c. Monroe County, Ala., 116 F.3ème 1419 (11ème Cir. 1997), une Cour d'appel fédérale a déclaré qu'une personne placée en détention provisoire avait droit au même niveau minimum de soins médicaux en vertu du quatorzième amendement que celui auquel un condamné avait droit en vertu du huitième amendement.

116.   Le cinquième amendement garantit le droit de toute personne à ne pas être forcée de témoigner contre elle‑même. La clause de garantie d'une procédure régulière que contient le quatorzième amendement protège les citoyens des actes dommageables commis dans l'intention de forcer une personne à faire des aveux en la menaçant de violences ou de sévices ou en la plaçant dans un état d'épuisement. Adamson c. California, 332 U.S. 46 (1947).

117.   La loi réglemente aussi directement l'usage officiel de la force. Les gardiens de prison, les shérifs, les policiers et autres fonctionnaires de l'État qui abusent de leur pouvoir en faisant un usage excessif de la force peuvent être l'objet de sanctions en vertu des dispositions pénales des lois fédérales sur les droits civils, 18 U.S.C par. 241 et 242. Lorsque des responsables de l'application des lois font un usage excessif de la force, individuellement ou en collusion avec d'autres, les droits des victimes sont également protégés par les quatrième, cinquième, huitième et quatorzième amendements suivant les circonstances et la situation de la victime.

118.   Constitutions des États.  Le droit constitutionnel des États offre des protections égales ou complémentaires. Par exemple, la Constitution de l'Oregon dispose qu'"aucune personne arrêtée ou emprisonnée ne sera traitée avec une rigueur excessive". Const. Oreg. art. 1, par. 13. Cette disposition, d'après une interprétation qui en a été faite, concerne notamment les sévices physiques et s'étend aux traitements inutilement violents, dégradants, ou déshumanisants. Elle interdit les violences policières et tout attouchement intime de la part de gardiens de prison du sexe opposé et exige des agents pénitentiaires qu'ils veillent à ce que l'environnement dans lequel se trouvent les détenus ne présente pas de risques excessifs pour leur santé.

119.   La plupart des constitutions des États contiennent des dispositions relatives aux perquisitions et aux saisies qui sont pour l'essentiel identiques à celles du quatrième amendement et de nombreux États (mais pas tous) ont adopté la "règle d'exclusion" des éléments de preuve obtenus illégalement dans leur droit constitutionnel indépendamment de la règle fédérale. Voir, par exemple, State c. Dukes, 209 Conn. 98, 547 A.2ème 10 (1998); State c. Johnson, 110 Idaho 516, 716 P.2ème 1288 (1986).

C.  Protections spécifiques d'ordre procédural

120.   Outre l'interdiction des châtiments cruels et inhabituels et les protections assurées par la clause de procédure régulière, le système de justice pénale des États-Unis contient un certain nombre de mécanismes procéduraux spécifiques dont la combinaison offre un important surcroît de protection contre le risque de torture, ainsi que des modalités de réparation lorsqu'un acte de torture est néanmoins commis. Au risque de simplifier un peu abusivement un corpus juridique et procédural complexe, ces protections peuvent se résumer comme suit.

121.   Habeas Corpus.  Une importance capitale s'attache au droit d'habeas corpus, reconnu par la Constitution, qui confère à toute personne détenue le droit de demander à la justice de se prononcer immédiatement sur la légalité et les conditions de sa détention et, le cas échéant, d'ordonner à l'autorité qui la détient de la libérer. En particulier, toute personne arrêtée qui n'a pas encore été officiellement placée en détention et n'a pas comparu en audience préliminaire comme l'exige la loi peut demander sa libération immédiate en engageant une action en habeas corpus devant un tribunal d'État ou fédéral. L'action en habeas corpus peut servir également à obtenir le réexamen d'une condamnation, contester l'exécution d'une peine ou la légalité d'une ordonnance d'internement ne découlant pas d'une condamnation pénale, par exemple en cas d'internement pour altération des facultés mentales ou de placement sous écrou extraditionnel. Ce droit fait, par exemple, qu'un suspect ne peut pas être détenu "au secret" aux États-Unis.

122.   Arrestation et détention.  Aux États-Unis, la loi impose des règles strictes concernant l'arrestation et la détention des suspects par des agents de l'État et protège efficacement les personnes contre les arrestations et les détentions arbitraires.

123.   En règle générale, une personne ne peut être détenue que pour une courte période, à moins qu'elle n'ait été officiellement placée en état d'arrestation ou accusée d'une infraction pénale à la suite d'une plainte ou d'une inculpation ou qu'elle n'ait refusé de déférer aux ordonnances d'un tribunal (mais uniquement tant qu'elle refuse de s'y conformer). En vertu du quatrième amendement à la Constitution, nul ne peut être arrêté s'il n'existe pas des motifs raisonnables et suffisants de penser qu'il a commis une infraction pénale. La détention doit être autorisée par un magistrat qui, soit délivre un mandat d'arrêt, soit, si l'arrestation a déjà eu lieu, donne son assentiment à celle-ci dans les plus brefs délais (c'est‑à‑dire dans les 48 heures). Les lois des États exigent en général, comme la loi fédérale, un mandat d'arrêt, sauf en cas de flagrant délit.

124.   À cet égard, la loi fédérale ne permet pas la "détention provisoire" à seule fin d'enquête, comme c'est le cas dans de nombreux pays. La police doit avoir des raisons précises et objectives de suspecter un individu d'activités criminelles avant de pouvoir l'arrêter ne serait-ce que dans un but ou pour une durée limité (pour une "fouille à corps" par exemple). En outre, le quatrième amendement protège aussi les personnes contre les mauvais traitements physiques au stade de l'arrestation ou de l'interpellation. Un emploi manifestement déraisonnable de la force n'est pas permis. (Graham c. Connor, 490 U.S. 386 (1989)). Le magistrat doit également autoriser le maintien en détention de la personne arrêtée à l'issue d'une audience au cours de laquelle il doit être constaté qu'il y a des raisons suffisantes de penser qu'elle risque de se soustraire à la justice ou de constituer une menace pour autrui si elle est remise en liberté.

125.   Ces clauses constitutionnelles s'imposent à tous les échelons du pouvoir fédéral. Par ailleurs, les lois des États prévoient que nul ne peut faire l'objet d'une arrestation ou d'une détention arbitraires par les autorités de l'État et la notification sans retard des chefs d'accusation retenus contre une personne et son jugement dans les plus brefs délais.

126.   Droit d'être informé.  Les personnes arrêtées doivent au minimum être informées du crime ou délit dont elles sont accusées et avoir la possibilité de voir le mandat d'arrêt dès que possible. En cas d'arrestation sans mandat, l'autorité qui procède à l'arrestation doit informer la personne arrêtée des motifs de son arrestation. La loi fédérale et celles des États imposent généralement des conditions similaires à cet égard.

127.   Droit à l'assistance d'un avocat.  Le droit de se faire assister d'un avocat dans les affaires pénales est garanti par le sixième amendement à la Constitution des États-Unis. Ce droit s'impose aux États par le biais du quatorzième amendement. Il est en outre, garanti, en des termes similaires ou proches, par les constitutions de tous les États (excepté celle de la Virginie). Le sixième amendement stipule que "dans toutes les poursuites pénales, l'accusé aura le droit d'être ... assisté d'un conseil pour sa défense". Ce droit traduit certes avant tout la nécessité de la représentation juridique lors du procès, mais il a été interprété de telle manière qu'il peut être invoqué dès l'ouverture d'une procédure judiciaire contradictoire, que l'accusé soit en détention ou non (voir Massiah c. États-Unis, 377 U.S. 201 (1964)) (si des agents de l'État, désireux d'extorquer à l'accusé des aveux ou des déclarations pouvant être retenues contre lui après sa mise en accusation formelle commettent des actes constituant une entrave à l'exercice du droit à l'assistance d'un avocat, ces aveux et déclarations sont irrecevables en tant que preuves à charge.

128.   Le droit à l'assistance d'un avocat peut aussi être exercé au stade de l'audience préliminaire, lors de l'interrogatoire de première comparution et à l'issue du procès (à la phase de la détermination de la peine). (Voir Coleman c. Alatan, 339 U.S. 1 (1990); Michigan c. Jackson, 475 U.S. 625 (1986); et Mempa c. Rhay, 389 U.S. 128 (1967)). Le suspect a aussi droit à cette assistance lors des interrogatoires pendant la garde à vue. Dans l'affaire Escobedo c. Illinois (378 U.S. 478 (1964)), les aveux de l'accusé ont été écartés (jugés irrecevables) parce que la police avait violé les droits qu'il tenait du sixième amendement en lui faisant croire à tort au moment de l'interrogatoire que son avocat ne voulait pas le voir.

129.   Un accusé ne disposant de ressources suffisantes pour s'assurer les services d'un avocat ne saurait être de ce seul fait privé du droit à l'assistance d'un avocat. Dans l'affaire Gideon c. Wainwright, 372 U.S. 335 (1962), la Cour suprême des États-Unis a estimé que le sixième amendement imposait aux États de rémunérer les services d'un avocat pour défendre une personne indigente accusée d'une infraction grave. Ce droit a été étendu à toutes les infractions, y compris les délits mineurs punissables d'une peine de prison (Scott c. Illinois, 440 U.S. 367 (1979); Argersinger c. Hamlin, 407 U.S. 25 (1972)). En conséquence, aucun État ne peut condamner un accusé indigent à une peine de prison sans avoir mis à sa disposition un avocat commis d'office. L'exigence constitutionnelle de régularité de la procédure impose également de garantir le droit à l'assistance d'un avocat en appel Evitts c. Lucey, 469 U.S. 387 (1985)).

130.   Le droit à l'assistance d'un avocat conféré par le cinquième amendement est différent dans son principe, puisqu'il procède du droit à ne pas s'accuser soi-même durant l'interrogatoire en garde à vue, et il peut être exercé même lorsque, de ce point de vue, le sixième amendement ne s'applique pas (voir Miranda c. Arizona, 384 U.S. 436 (1966)).

131.   En matière d'assistance d'un avocat, la loi d'un État confère parfois aux accusés, expressément ou suivant l'interprétation qui en a été faite, des droits supérieurs aux protections garanties par de la constitution fédérale. Ainsi, Hawaï et la Louisane, par exemple, confèrent aux indigents plus de droits en matière d'assistance d'un avocat commis d'office que n'en exige la constitution  des États‑Unis si l'on se réfère aux décisions dans les affaires Gideon c. Wainwright, (372 U.S. 335 (1963)) et Argersinger c. Hamlin, (407 U.S. 25 (1972)). Dans le New Jersey, la Cour suprême de l'État a estimé que le consentement de l'avocat était requis pour que le procureur puisse s'entretenir avec l'accusé après son inculpation et avant son interrogatoire de première comparution (voir State c. Sanchez), 129 N.J. 261, 609 A.2ème 400 (1992)). La loi de l'État de New York interdit à l'accusé de renoncer à ses droits en vertu du sixième amendement sans avoir consulté un avocat (People c. West, 81 N.Y.2ème 370, 599 N.S.S.2ème 484, (1993)). La Constitution de l'État de Californie étend le droit à l'assistance d'un avocat à la confrontation d'identification. (People c. Bustamonte, 30 Cal.3d 88, 177 Cal. Rptr. 576 (1981)).

132.   Interrogatoire pendant la garde à vue.  La loi des États-Unis prévoit plusieurs formes de protection contre la contrainte physique et psychologique, les menaces et les incitations à avouer pendant la garde à vue. En vertu du droit à ne pas s'accuser soi-même sous la contrainte et de la règle imposée par la Cour suprême des États-Unis dans l'affaire Miranda c. Arizona (384 U.S. 436 (1966)), la police doit informer l'intéressé qu'il a le droit de garder le silence et que toute déclaration qu'il pourra faire peut être utilisée contre lui au cours du procès, qu'il a le droit de consulter un avocat, qui peut être présent au cours de l'interrogatoire, et que s'il n'a pas les moyens de s'assurer les services d'un avocat, un avocat sera désigné pour le représenter avant l'interrogatoire. Ces droits (communément appelés "droits Miranda") peuvent d'ordinaire être exercés dès le premier interrogatoire pendant la garde à vue, même lorsqu'il s'agit d'une infraction mineure.

133.   Première comparution.  Tout détenu doit être traduit dans les plus brefs délais à un magistrat pour une première comparution, même lorsqu'il a été arrêté en vertu d'un mandat en bonne et due forme reposant sur des motifs raisonnables et suffisants. Les personnes arrêtées sans mandat doivent être traduites devant un magistrat dans un délai raisonnable afin de déterminer si leur arrestation repose sur des motifs sérieux et suffisants. L'expression "délai raisonnable" n'est certes pas définie avec précision, mais la Cour suprême des États-Unis a estimé que ce délai ne peut généralement excéder 48 heures (voir County of Riverside c. McLaughlin, 500 U.S. 44, (1991)). Dans certains États, des normes plus strictes sont appliquées pour réduire encore plus le délai de garde à vue.

134.   Lors de sa première comparution, l'accusé est informé des charges retenues contre lui, de son droit de garder le silence et des conséquences de toute déclaration qu'il pourrait faire, de son droit à l'assistance d'un avocat et des conditions générales régissant sa mise en liberté provisoire (sous caution, par exemple). Si la première comparution est tardive, ce retard peut entrer en ligne de compte pour déterminer dans quelle mesure une déclaration à charge de l'accusé était volontaire et, partant, recevable (voir McNabb c. États-Unis, 318 U.S. 332, (1943); Mallory c. États-Unis, 354 U.S. 449, (1957)).

135.   Règle d'exclusion des éléments de preuve obtenus illégalement.  La protection d'une personne contre toute déclaration à charge qu'elle pourrait faire, garantie par le cinquième amendement à l'échelon fédéral (et, par le biais du quatorzième amendement, à celui des États et juridictions locales), a pour objet de dissuader la police de se livrer à des actes répréhensibles, en empêchant en principe le ministère public d'utiliser contre l'accusé une déclaration obtenue de manière irrégulière. Cette règle d'exclusion s'applique aussi en cas de violation du quatrième amendement (s'agissant de preuves matérielles ou corporelles, par exemple) ou du sixième amendement (droit à l'assistance d'un avocat, par exemple). Comme on l'a vu plus haut, dans bien des cas, les lois des États contiennent aussi leur propre règle d'exclusion des preuves obtenues illégalement.

136.   Mise en liberté provisoire.  La libération conditionnelle est la règle dans le système de justice pénale des États-Unis. La Constitution ne confère certes aucun droit à la libération sous caution (le huitième amendement interdit les "cautions excessives") mais la règle générale, aussi bien dans le système judiciaire fédéral que dans ceux des États, veut qu'un accusé ne peut être maintenu en détention que si le magistrat instructeur ne peut pas avoir la certitude qu'en cas de libération conditionnelle, la sécurité du public et la comparution de l'intéressé au procès seraient raisonnablement garanties. Au niveau fédéral, le Bail Reform Act de 1966 (18 U.S.C., art. 3141 et suiv.; dernière modification en 1984) stipule que (hormis les personnes particulièrement dangereuses ou qui risquent de s'enfuir si elles ne sont pas maintenues en détention) les accusés en instance de jugement peuvent être libérés "sur la foi d'un engagement "personnel, par le dépôt d'une caution de garantie de comparution ou dans toute autre condition fixée par le juge. Les procédures des États sont similaires; divers États fixent la caution en tenant compte de différents facteurs, et certains États n'ont pas légiféré dans ce domaine.

137.   Droit d'être jugé dans les plus brefs délais.  Le sixième amendement garantit à tout accusé le droit "d'être jugé dans les plus brefs délais et publiquement". Au niveau fédéral, ce droit est concrétisé par la Speedy Trial Act de 1974 (18 U.S.C. art. 3161‑3174, dernière modification en 1984). Le droit d'être jugé dans les plus brefs délais et publiquement s'applique à l'échelon des États en vertu du quatorzième amendement (Klopfer c. Caroline du Nord, 386 U.S. 213 (1967)), et de nombreux États ont adopté des textes similaires à la loi fédérale. Au cours du procès proprement dit, les accusés bénéficient bien entendu d'un certain nombre de protections importantes, notamment le droit d'être présents à leur procès et d'assurer en personne leur défense, de se faire représenter par un avocat, d'être confrontés aux témoins à charge, de se faire aider d'un interprète en cas de besoin, de ne pas s'accuser eux‑mêmes et de faire réexaminer leur condamnation par un tribunal indépendant.

D.  Conditions de détention

138.   Comme on l'a vu plus haut, l'interdiction constitutionnelle des châtiments cruels et inhabituels s'applique non seulement aux peines prévues par la loi ou en exécution d'une décision judiciaire mais également aux conditions d'incarcération et au traitement auquel le condamné est soumis en prison. Ainsi, les prisonniers ne sauraient être privés de "nécessités humaines concrètes telles que l'alimentation, la protection contre le froid ou l'exercice physique" (Rhodes c. Chapman, 452 U.S. 337, (1981)).

139.   Les détenus doivent recevoir "des aliments suffisamment nutritifs, préparés et servis dans des conditions qui ne posent pas un danger immédiat à la santé et au bien‑être de ceux détenus qui les consomment" (Ramos c. Lane, 639 F.2ème 559, 10th Cir. (1980)); demande d'ordonnance de certiorari rejetée, 450 U.S. 1041 (1981)). Les détenus doivent également bénéficier de soins médicaux, mais un manquement involontaire à l'obligation de fournir ces soins n'est pas assimilable à la violation d'un droit garanti par la Constitution; "l'indifférence délibérée" d'un agent pénitentiaire devant une maladie ou une blessure grave du détenu, en revanche, constitue un châtiment "cruel et inhabituel" (Estelle c. Gamble, 429 U.S. 97 (1976)). Plusieurs textes fédéraux visent aussi à assurer la protection des détenus malades ou handicapés. Il en est ainsi de l'Americans with Disabilities Act (42 U.S.C. art. 12101-12213), qui interdit, à qualifications égales, la discrimination, fondée sur les handicaps, et du Rehabilitation Act de 1973 (29 U.S.C. art. 794).

140.   Le personnel pénitentiaire est tenu de protéger les prisonniers contre les violences commises par d'autres détenus (Hudson c. Palmer, 468 U.S. 517, (1984)). Les prisons étant par définition des lieux dangereux, le personnel pénitentiaire n'est responsable (tenu à réparation) à l'égard des victimes que s'il avait préalablement connaissance d'un danger imminent. Dans l'affaire Vosberg c. Solem (845 F.2ème 763, 8th Cir. (1988)), les requérants, des détenus d'une prison du Dakota du Sud, ont fait valoir qu'un certain nombre de politiques institutionnelles avaient contribué à leur faire subir des violences, notamment un système de circulation des détenus à l'intérieur de l'établissement qui permettait de placer de jeunes détenus seuls avec des détenus plus âgés, l'incarcération dans la même cellule des détenus violents et non violents et le placement des gardes à des endroits où ils ne pouvaient pas voir l'intérieur des cellules. Le tribunal a conclu que cette politique avait été à l'origine directe de la violence qui en était résultée, et constituait donc une violation du huitième amendement donnant lieu au versement de dommages‑intérêts et au remboursement des honoraires d'avocat.

141.   Enfin, il ne doit pas être fait un usage excessif de la force contre les détenus. La force ne peut être employée que si elle vise "de bonne foi à maintenir ou rétablir la discipline" mais ne saurait l'être pour "causer délibérément et par sadisme des dommages" (Whitley c. Abers. 475 U.S. 312, (1968)).

142.   Dans tous les systèmes pénitentiaires, les politiques et pratiques du personnel de surveillance reposent sur une réglementation officielle conçue, entre autres, pour veiller à ce que les détenus soient traités avec humanité et dignité. Les responsables d'institutions pénitentiaires connaissent et, en général, appliquent l'Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des prisonniers et le Code de conduite pour les responsables de l'application des lois.

143.   Mesures disciplinaires.  Sur le plan du droit constitutionnel fédéral, le principe du respect de la légalité garantit aux détenus un certain nombre de droits concernant les sanctions disciplinaires ou les punitions qui peuvent leur être infligées pendant leur détention. Il s'agit, par exemple, de la notification préalable par écrit des actes qui leur sont reprochés, de la possibilité de faire citer des témoins et de présenter des preuves et de l'obligation d'exposer par écrit les motifs et les conclusions des décisions de l'administration (Wolff c. McDonnell, 418 U.S. 539 (1974); Meachum c. Fano, 427 U.S. 215 (1976); Sandin c. Conner, 515 U.S. 472 (1995)). Dans certains cas, les lois des États offrent davantage de protection que les garanties constitutionnelles fédérales (voir, par exemple, McGinnis c. Stevens, 543 P.2ème 1221, (Alaska, 1975)).

144.   Mesures de sécurité spéciales.  Dans les limites fixées par le huitième amendement, les détenus condamnés ne peuvent faire l'objet de mesures de sécurité spéciales ni être séparés des autres détenus que dans des circonstances bien précises, déterminées par la nécessité de maintenir la sûreté et la sécurité des détenus ou du personnel pénitentiaire. Les détenus ont droit aux protections légales dans l'application de ces mesures et à des voies de recours à l'échelon fédéral lorsque leur situation constitue une violation des normes établies par le huitième amendement.

145.   En novembre 1994, le Bureau fédéral des prisons a inauguré, à Florence (Colorado), la centrale de haute sécurité (Administrative Maximum Security Institution) ou ADX, qui a pour mission d'accueillir les individus les plus dangereux et les plus agressifs de la population carcérale fédérale, ainsi qu'un certain nombre de détenus provenant de prisons d'État extrêmement difficiles à surveiller. Ces délinquants sont incarcérés à l'ADX de Florence parce qu'ils sont si agressifs, et si enclins à voler les autres détenus ou à s'évader qu'il serait dangereux de les placer dans des établissements traditionnels avec d'autres détenus où la sécurité est moins renforcée. Cela étant, les règles de fonctionnement de l'ADX de Florence ne sont pas plus rigoureuses qu'il n'est nécessaire pour assurer la sécurité du public, du personnel pénitentiaire et des autres détenus. À ce jour, ces conditions de détention n'ont donné lieu à aucune action en justice

146.   Diverses organisations non gouvernementales se sont inquiétées des conditions de détention dans les établissements de "très haute sécurité " créés par certains États. En janvier 1995, un tribunal de district des États-Unis a jugé que les conditions de détention dans le quartier de haute sécurité de la prison de Pelican Bay, gérée par le Département des services pénitentiaires de l'État de Californie, étaient contraires à la Constitution des États-Unis. Plus précisément, le tribunal a estimé, 1) que des souffrances étaient infligées aux détenus gratuitement et inutilement et que la force était employée de manière excessive; 2) que les responsables de la prison ne garantissaient pas aux détenus le droit constitutionnel à des soins de santé physique et mentale; 3) que les conditions de détention dans le quartier de haute sécurité, qui comprenaient notamment un isolement extrême et la privation de tout contact avec le milieu externe, constituaient un châtiment cruel et inhabituel, non pas pour tous les détenus mais pour ceux d'entre eux qui souffraient de maladie mentale; 4) que certains procédés utilisés pour déterminer si un détenu faisait partie d'un gang et devait être transféré au quartier de haute sécurité ne respectaient pas les garanties prévues par la loi; et 5) un administrateur spécial devait être nommé (Madrid c. Gomez, 889 F.Supp.1146, (N.D.Cal., (1995)).

147.   La Division des droits civiques du Département de la justice a mené une enquête sur l'établissement "de très haute sécurité" de l'État du Maryland et adressé à ce dernier, en mai 1996, une lettre contenant les conclusions de l'enquête et avisant cet État que plusieurs droits garantis par la constitution avaient été violés, concernant notamment les soins de santé physique et mentale dispensés aux détenus. L'État a pris des mesures pour remédier à la situation, ce qui a amené la Division des droits civiques à clore son enquête en septembre 1998.

148.   Visites.  Les visites aux détenus condamnés sont essentiellement régies par la loi des États et relèvent du pouvoir discrétionnaire des directeurs des établissements pénitentiaires; il n'existe sur le plan fédéral aucun droit constitutionnel ni légal de visite aux détenus dans l'établissement où ils sont incarcérés. Ce droit de visite est toutefois prévu pour l'avocat ou le représentant juridique du détenu (Souza c. Travisono, 368 F. Supp. 459, (D.R.I. 1973); décision confirmée 498 F.2ème 1120 (1ère Circ., 1974)), et il est de règle que l'administration pénitentiaire encourage les proches et amis des détenus à rendre visite à ceux-ci, sous réserve d'un certain nombre de restrictions raisonnables destinées à assurer le maintien de l'ordre et de la sécurité (Kentucky Department of Corrections c. Thompson, 490 U.S. 454, (1989); Meachum c. Fano, 427 U.S. 215, (1976)). Le Bureau fédéral des prisons en fait de même, par voie de réglementation (28 C.F.R., par. 540.40). Dans certains États, le système pénitentiaire permet des visites conjugales. La visite de membres du clergé, de la presse, d'organisations non gouvernementales concernées et d'autres personnes qui ne sont pas membres de la famille des détenus, ainsi que du public, est également autorisée, sous réserve d'un certain nombre de restrictions raisonnables.

149.   Expérimentations médicales ou scientifiques.  À une exception près, qui est limitée et sera examinée plus loin, les expériences médicales sans le consentement de l'intéressé sont illégales aux États-Unis. Plus précisément, elles sont contraires au quatrième amendement, qui interdit les perquisitions et saisies non motivées (y compris la saisie du corps d'une personne) par les agents de l'État, aux cinquième et quatorzième amendements, qui interdisent de priver quiconque de sa vie, de sa liberté ou de ses biens sans procédure régulière, au huitième amendement, qui interdit d'infliger des châtiments cruels et inhabituels, et aux dispositions des lois des États ou de la common law qui interdisent, au civil ou au pénal, les violences et voies de fait.

150.   Dix-sept organismes fédéraux ont adopté un ensemble général commun de règles interdisant, sauf dans un nombre limité de cas, la participation à la recherche médicale de sujets humains non consentants (voir 45 C.F.R., titre 46). Cet ensemble de règles procède du National Research Act de 1974, en vertu duquel a été créée une commission nationale pour la protection des sujets humains dans la recherche biomédicale et comportementale dont les recommandations (plus connues sous l'appellation de "Rapport Belmont") ont été publiées en avril 1979, ainsi que des recommandations formulées en 1981 par le Président de la Commission d'étude des problèmes d'éthique médicale et de recherche biomédicale et comportementale. Les dispositions garantissant l'application de ce "règlement commun" ont permis d'établir des procédures et des normes en matière de consentement à participer à tout travail de recherche sur des sujets humains qui serait effectué, financé ou réglementé par l'un quelconque des organismes fédéraux. L'une de ces procédures consiste à exiger que l'étude envisagée soit examinée par une commission institutionnelle composée d'experts bien au fait du travail de recherche considéré, d'au moins une personne qui n'est pas un chercheur et d'une personne n'ayant aucun lien avec l'institution qui effectue le travail de recherche. La Commission doit également vérifier que les documents prouvant le consentement en connaissance de cause de l'intéressé sont conformes à la réglementation pertinente. Des protections complémentaires sont exigées dans le cas des femmes enceintes, des fœtus, des expériences de fécondation in vitro, des enfants et des détenus sont utilisés à des fins de recherche médicale.

151.   Il est prévu une possibilité limitée de dérogation à l'interdiction de la recherche médicale sans le consentement de l'intéressé, à savoir lorsqu'une personne doit subir une thérapie d'urgence mais ne peut légalement donner son consentement en connaissance de cause parce que son état de santé ne le lui permet pas et qu'aucun représentant légalement habilité à consentir à la thérapie en ses lieu et place n'est disponible. Le Secrétaire à la santé et aux services sociaux a autorisé à déroger à l'obligation réglementaire du consentement en connaissance de cause, préalable et prouvé, pour cette catégorie limitée de participants à la recherche médicale, permettant ainsi aux commissions institutionnelles d'examiner et d'approuver des travaux de recherche portant sur des thérapies d'urgence en dérogation à l'obligation du consentement en connaissance de cause (voir 61 Fed. Reg. 51531-33 (2 octobre 1996); voir également 21 C.F.R., par. 50.24). La dérogation pour thérapie d'urgence n'est pas autorisée lorsque le travail de recherche considéré fait appel à des femmes enceintes, des fœtus, des expériences de fécondation in vitro ou des détenus.

152.   Les autorités fédérales mènent une action constante de sensibilisation et d'éducation dans ce domaine, qui prend diverses formes. À titre d'exemple, l'Institut national de la santé impose aux étudiants en doctorat de médecine relevant de divers programmes d'enseignement subventionnés par le Gouvernement fédéral de suivre un cours intitulé "Intégrité scientifique et conduite responsable de la recherche". La Commission consultative nationale de bioéthique, créée par le décret No 12975 du Président des États-Unis (3 octobre 1995), est chargée de définir les grands principes qui sont censés régir la conduite éthique en matière de recherche, en particulier la gestion et l'utilisation de la recherche génétique, et d'examiner dans quelle mesure les politiques, directives et réglementations des organismes fédéraux relatives aux problèmes de bioéthique soulevés par la recherche en biologie et l'étude des comportements humains sont appropriées.

153.   Les détenus sont en général libres de consentir à tout acte médical ou chirurgical normalement requis pour le traitement de leur propre état de santé, mais ce consentement doit être donné "en connaissance de cause". Cela étant, la réglementation pénitentiaire ne permet pas aux prisonniers, en règle générale, de participer aux travaux de recherche médicale et scientifique. Ainsi, le Bureau fédéral des prisons interdit toute expérimentation médicale ou essai pharmaceutique sur tous les détenus dont l'Attorney General lui a confié la garde (voir 28 C.F.R., par. 512.11 c)). Si aucune loi ne l'interdit par ailleurs, le recours à des détenus pour la recherche médicale est possible, dans le respect des règles de protection des sujets humains et des garanties et procédures relatives au consentement spécial en connaissance de cause qui est obligatoire pour les détenus (voir 45 C.F.R., Part. 46, Subpart. C)).

154.   Les responsables d'établissements pénitentiaires se sont collectivement dotés de normes similaires qui imposent des limites strictes aux types de travaux de recherche dont les prisonniers peuvent faire l'objet, y compris avec le consentement de ceux-ci. En exigeant l'agrément obligatoire des institutions de recherche, par exemple, l'Association américaine du personnel pénitentiaire précise que :

          Les textes et la pratique interdisent l'utilisation des détenus pour des expériences médicales, pharmaceutiques ou cosmétiques. Cette politique n'interdit pas le traitement individuel d'un détenu nécessitant un acte médical spécifique dont la pratique n'est pas générale.

155.   En règle générale, administrer à un détenu, sans son consentement, des neuroleptiques équivaut à le priver d'un élément de liberté garanti par la Constitution fédérale et peut également constituer une violation de droits qui lui seraient conférés par la loi de l'État. Si le détenu est atteint d'une maladie mentale grave, qu'il constitue une menace pour lui-même ou pour autrui et que le traitement envisagé est jugé bénéfique sur le plan médical, le traitement peut lui être administré en toute légalité (Washington c. Harper, 494 U.S. 210 (1990)).

Article 3 : Non-refoulement

156.   Les États-Unis reconnaissent l'obligation qui leur incombe de "n'expulser, ni refouler, ni extrader une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture". Le Département d'État et le Département de la justice sont les deux organismes chargés d'exécuter les obligations visées à l'article 3 de la Convention. Le Service de l'immigration et de la naturalisation (INS), qui relève du Département de la justice, est chargé de veiller au respect des obligations susmentionnées en matière de refoulement et d'expulsion (anciennement éloignement ou interdiction de séjour sur le territoire) d'étrangers se trouvant illégalement aux États-Unis et le Département d'État est chargé des mêmes fonctions en matière d'extradition.

157.   En général, les expulsions et refoulements d'étrangers hors du territoire des États-Unis sont régis par les règles de fond et de procédure énoncées dans l'Immigration and Nationality Act (INA). La procédure d'extradition s'appuie sur les traités bilatéraux en la matière et est régie par d'autres textes fédéraux. Ainsi, les obligations visées à l'article 3 font intervenir deux composantes du droit interne distinctes et assez différentes. Au cours de l'exercice budgétaire 1998, 171 154 étrangers ont été expulsés ou refoulés des États-Unis, 38 personnes ont été officiellement extradées des États-Unis et 28 autres personnes ont été remises à d'autres pays après renonciation à une procédure d'extradition.

158.   Déclaration interprétative des États-Unis.  Les principes à appliquer pour assurer le respect des dispositions de l'article 3 de la Convention contre la torture peuvent être déduits de la comparaison des dispositions de l'article 33 de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés (Convention sur les réfugiés) et du Protocole de 1967 à la Convention sur les réfugiés, auxquels les États-Unis sont parties. L'article 33 susmentionné stipule qu'"aucun des États contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques". Les États-Unis appliquent actuellement l'article 33 de la Convention sur les réfugiés en s'abstenant de donner effet à la disposition sur le refoulement et l'expulsion de l'article 241 b) 3) de l'INA. Cette disposition, telle qu'elle est interprétée par les tribunaux, impose l'obligation à l'Attorney General de s'abstenir d'ordonner le refoulement ou l'expulsion d'un étranger vers un pays où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de l'un des cinq critères susmentionnés (INS c. Stevic, 467 U.S. 407 (1984)). Afin de clarifier le sens de l'expression "motifs sérieux" employée à l'article 3 de la Convention contre la torture, les États-Unis ont assorti leur ratification d'une déclaration l'interprétative selon laquelle le membre de phrase "où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture" signifie "si la probabilité qu'elle soit torturée est plus forte que la probabilité contraire".

159.   L'INS et le refoulement ou l'expulsion des étrangers.  La procédure de refoulement ou d'expulsion, dans le cadre de laquelle on détermine si un étranger doit être refoulé ou expulsé des États-Unis, est assimilée à une procédure civile et non pénale. Selon les circonstances de chaque affaire, les étrangers faisant l'objet d'une procédure de refoulement ou d'expulsion peuvent bénéficier, en application de lois ou de règlements, de toute une série de droits tels que la possibilité de se faire représenter par un avocat, d'être entendus par un juge chargé de l'immigration, de faire appel d'une décision qui leur est défavorable devant la Commission des recours en matière d'immigration et de faire réexaminer certaines décisions par un tribunal fédéral. Par ailleurs, certaines catégories d'étrangers faisant l'objet d'une procédure de refoulement ou d'expulsion ont la possibilité de choisir le pays vers lequel elles préfèrent être transférées.

160.   L'étranger dispose de plusieurs formes de protection contre son refoulement ou son expulsion vers un pays où il craint de subir des dommages, notamment la possibilité de demander l'asile ou le retrait de la mesure dont il fait l'objet. Ces deux voies de recours diffèrent certes par leur procédure et leurs effets, mais elles supposent toutes deux une constatation que l'étranger risque d'être persécuté "en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques" (INA, art. 208 et 241 b)).

161.   En principe, un étranger qui ne peut être ni expulsé ni refoulé vers un pays donné sans contrevenir à l'article 3 de la Convention contre la torture a de fortes chances de remplir également les conditions requises pour obtenir l'asile ou le retrait de la décision dont il fait l'objet. Il existe toutefois un certain nombre de différences importantes entre l'asile et le retrait d'une décision d'expulsion ou de refoulement d'une part, et l'article 3, de l'autre. En premier lieu, conformément à l'article 33 de la Convention sur les réfugiés, plusieurs catégories de personnes, notamment les auteurs de persécutions, les auteurs de crimes particulièrement graves, les personnes dont on pense qu'elles ont commis des crimes graves à caractère non politique avant leur arrivée aux États-Unis, les personnes qui constituent une menace à la sécurité des États-Unis et certains terroristes ne peuvent bénéficier de l'asile ou d'un retrait d'une décision d'expulsion ou de refoulement (INA, par. 208 b) 2) A) i-v) et 241 b) 3) B)), mais ces catégories de personnes ne sont pas exclues du champ d'application de l'article 3. La deuxième différence tient au fait que seuls les étrangers qui risquent d'être persécutés en raison des caractéristiques précises énumérées par la loi peuvent obtenir l'asile ou un retrait d'une décision d'expulsion ou de refoulement, alors que l'article 3 s'applique à toutes les personnes qui risquent d'être soumises à la torture, même si celle-ci n'est pas motivée par l'une de ces caractéristiques "protégées". En troisième lieu, la définition de la torture ne vise pas tous les types de dommage qui peuvent être assimilés à des actes de persécution en vertu des lois sur l'asile et le retrait des décisions d'expulsion ou de refoulement. De ce point de vue, la portée des lois sur l'asile et le non-refoulement est plus grande que celle de l'article 3 de la Convention. En conséquence, le champ d'application de la Convention contre la torture n'est pas exactement le même que celui des dispositions légales relatives à l'asile et au retrait des décisions d'expulsion ou de non-refoulement.

162.   Respect des obligations imposées par l'article 3 en matière d'expulsion ou de refoulement. Avant de se doter d'une réglementation officielle (comme on le verra plus loin), l'INS a adopté une procédure administrative provisoire détaillée permettant de déterminer l'applicabilité de l'article 3 à chaque cas d'étranger faisant l'objet d'une mesure d'expulsion ou de refoulement. Dans ce cadre, si, une fois la procédure d'expulsion ou de refoulement menée à son terme, mais avant l'exécution de la décision d'expulsion ou de refoulement, il y a des raisons de penser que l'étranger concerné risque d'être torturé dans un pays donné, l'INS examine si l'article 3 interdit l'expulsion ou le refoulement de l'intéressé vers ce pays. L'INS a adopté une attitude assez ouverte pour ce qui était d'examiner l'applicabilité de l'article 3, en permettant aux étrangers de soulever cette question à tout moment au cours de la procédure d'expulsion ou de refoulement. Si, à tout moment durant cette procédure, l'étranger ou son avocat ou représentant invoque l'article 3 ou exprime la crainte d'être torturé, l'INS examine son cas au regard de l'article 3. Par ailleurs, l'INS a mis au point, en collaboration avec le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés un mécanisme informel permettant au HCR d'appeler l'attention du Gouvernement des États‑Unis sur les cas qui, à son avis, posent des problèmes au regard de l'article 3.

163.   Plus précisément, dans le cadre de cette pratique administrative, si une procédure d'expulsion ou de refoulement est déjà en cours lorsque l'affaire est portée à l'attention du Gouvernement, l'expulsion ou le refoulement est suspendu jusqu'à ce qu'il soit statué sur l'applicabilité de l'article 3 en l'espèce. Si l'étranger a soulevé la question à un stade antérieur de la procédure, l'INS ne se prononce sur l'applicabilité de l'article 3 qu'après que l'étranger a épuisé toutes les autres voies de recours contre son expulsion ou son refoulement et que la décision définitive a été prise de l'expulsion de le refouler vers un pays où il y a lieu de penser qu'il risque d'être torturé. Cette façon de procéder permet à l'INS de n'examiner l'applicabilité de l'article 3 à un cas déterminé que lorsque cet examen est effectivement nécessaire pour assurer le respect des dispositions de la Convention contre la torture. Elle permet aussi à chaque étranger d'engager et de mener à son terme toute autre procédure plus avantageuse ou protectrice qui est ouverte, l'asile ou le retrait d'une décision d'expulsion ou de refoulement par exemple.

164.   Une fois que l'ordonnance définitive d'expulsion ou de refoulement a été prise dans une affaire qui pourrait mettre en jeu les obligations prévues à l'article 3, un "agent chargé des questions d'asile" ayant reçu une formation spéciale à cet effet s'entretient avec l'étranger au sujet du risque de torture auquel il serait exposé s'il était renvoyé dans le pays où il doit être expulsé ou refoulé. Ces agents bénéficient d'une formation approfondie et continue sur la situation des différents pays et sur les pratiques en matière de droits de l'homme dans le monde, sur la manière de procéder à une évaluation détaillée du risque qu'un étranger court dans tel ou tel pays et sur les techniques d'entretien. Les résultats de l'entretien sont transmis au Département d'État afin qu'il donne son avis sur l'applicabilité de l'article 3 compte tenu de la situation dans le pays considéré. Après avoir évalué tous les faits de l'affaire, l'INS décide si l'expulsion ou le refoulement de l'étranger vers ce pays constituerait une violation des obligations des États‑Unis en vertu de l'article 3. S'il est établi que l'étranger ne peut pas être expulsé ou refoulé vers ce pays sans violer l'article 3, l'INS, en vertu de ses pouvoirs discrétionnaires veille à ce que l'étranger ne soit pas expulsé ou refoulé vers le pays considéré (voir INA, art. 103 a); 8 CFR, art. 2.1). L'article 3 laisse bien entendu à l'INS la liberté d'expulser ou de refouler l'étranger vers tout autre pays où il ne risque pas d'être torturé.

165.   Respect des obligations prévues par l'article 3 en cas d'extradition.  Avant de se doter d'une réglementation officielle sur le sujet (et qui sera examinée plus loin), le Département d'État se fondait sur le droit et la pratique des États‑Unis pour décider s'il y avait lieu de refuser d'extrader une personne recherchée par la justice vers un autre État partie où il y avait des motifs sérieux de croire qu'il risquait d'être soumis à la torture.

166.   Dans le droit des États‑Unis, l'extradition vers un autre pays ne peut avoir lieu qu'en application des dispositions d'un traité d'extradition dûment ratifié. À l'heure actuelle, cette condition n'est soumise qu'à trois exceptions bien circonscrites : i) extradition de personnes devant être jugées par les tribunaux internationaux pour l'ex‑Yougoslavie et le Rwanda; ii) extradition de personnes qui ne sont pas des nationaux des États‑Unis et qui ont commis des actes de violence à l'encontre de nationaux des États‑Unis à l'étranger, dans certaines circonstances (voir 18 U.S.C., art. 3181, et note, par. 3184); et iii) extradition vers les Palaos, les Îles Marshall et les États fédérés de Micronésie, en application d'un accord en forme simplifié. Rares, voire inexistants, sont les traités d'extradition qui prévoient expressément la possibilité de ne pas faire droit à une demande d'extradition au motif que la personne concernée risquerait d'être torturée. Toutefois, le droit interne confère au Secrétaire d'État le pouvoir discrétionnaire de décider s'il faut remettre ou non une personne recherchée par la justice susceptible d'être extradée (voir 18 U.S.C., art. 3184 et 3186). Le Secrétaire d'État, qui est à cet effet l'"autorité compétente" au sens de l'article 3 de la Convention, dispose donc de suffisamment de pouvoirs pour s'assurer, avant d'ordonner la remise de la personne recherchée, que celle‑ci ne sera pas torturée après son extradition. Certains traités bilatéraux contiennent des dispositions relatives au refus d'accorder l'extradition pour des raisons humanitaires ou lorsqu'il y a des motifs sérieux de croire que la demande d'extradition a été faite dans le but de persécuter ou de punir la personne recherchée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de ses opinions politiques.

167.   Pour se conformer aux exigences de la Convention en matière d'extradition, le Département d'État a mis en place une procédure permettant l'examen de toutes les requêtes invoquant l'article 3 lors de l'étude des demandes d'extradition. Lorsqu'une personne recherchée dans un autre pays a été jugée susceptible d'être extradée par un magistrat des États-Unis, une décision concernant son extradition est soumise au Secrétaire d'État. Si la personne recherchée allègue qu'elle risque d'être torturée, les services politiques et juridiques compétents passent en revue et analysent les informations pertinentes en l'espèce en vue de recommander au Secrétaire d'État de signer ou de ne pas signer l'arrêté d'extradition. Même si la personne recherchée ne le demande pas, le comportement du pays demandeur en matière de droits de l'homme, tel qu'il est décrit dans les rapports de pays établis chaque année par le Département d'État, est pris en considération dans ses aspects relatifs à l'article 3. À partir de cette analyse des informations pertinentes, le Secrétaire d'État peut soit accorder soit refuser l'extradition de la personne recherchée vers l'État requérant, ou encore subordonner l'extradition à certaines conditions. La décision du Secrétaire d'État en la matière relève du pouvoir discrétionnaire de l'exécutif et ne peut être réexaminée par une instance judiciaire.

168.   Législation.  Le 21 octobre 1998, le Président Clinton a promulgué une loi adoptée par le Congrès en vertu de laquelle "au plus tard 120 jours après la date de promulgation de la présente loi, les chefs des organismes compétents édictent des règles de mise en œuvre des obligations contractées par les États‑Unis en vertu de l'article 3 de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, compte tenu de toute réserve, interprétation, déclaration ou restriction figurant dans la résolution du Sénat des États‑Unis portant ratification de la Convention" (art. 2242, Foreign Affairs Reform and Restructuring Act de 1998, Public Law 105‑277 (21 octobre 1998)). En conséquence, l'INS et le Département d'État ont promulgué, chacun dans son domaine de compétence respectif, des règles d'application de l'article 3 tenant compte des réserves et déclarations interprétatives des États-Unis.

169.   Réglementation de l'INS.  Le 19 février 1999, le Département de la justice a publié un règlement provisoire édictant les règles formelles qui mettent officiellement en œuvre, conformément aux instructions du Congrès des États-Unis, les obligations découlant de la Convention contre la torture. Ce règlement provisoire (dont le texte intégral figure à l'annexe IV) est entré en vigueur le 22 mars 1999.

170.   En vertu de ce règlement aux sections 8 C.F.R. 3, 103, 208, 235, 238, 240, 241 et 253, il appartient aux "juges chargés de l'immigration" de l'Executive Office for Immigration Review (EOIR) de statuer sur les demandes de protection au titre de l'article 3 de la Convention. Le règlement permet aux étrangers d'invoquer l'article 3 au cours de la procédure normale d'expulsion ou de refoulement, donnant ainsi la possibilité d'examiner ces requêtes rapidement et équitablement. Il peut être fait appel des décisions des juges chargés de l'immigration devant la Commission des recours en matière d'immigration, qui relève également de l'EOIR.

171.   Le règlement institue deux nouvelles formes de protection au titre de l'article 3. La première consiste à ne pas appliquer la décision d'expulsion ou de refoulement et la seconde à surseoir à son exécution, qui constitue une forme de protection plus provisoire accordée aux étrangers qui risquent fortement d'être torturés mais ne remplissent pas les conditions requises pour ne pas être expulsés ou refoulés ‑ par exemple, certains criminels, terroristes et auteurs de persécutions. La décision de surseoir à l'exécution d'un arrêté d'expulsion ou de refoulement peut être abrogée plus facilement et plus rapidement dès lors que la personne visée ne court plus le risque d'être soumise à la torture dans le pays où elle doit être expulsée ou refoulée. La décision de surseoir à l'exécution d'un tel arrêté est sans effet sur le pouvoir qu'a l'INS d'ordonner l'incarcération d'une personne qui doit être placée en détention. Dans un cas comme dans l'autre, il reste à l'administration la possibilité de transférer l'intéressé vers un pays tiers où il ne risque pas d'être torturé, mais dans les deux cas également, l'obligation fondamentale instituée par l'article 3, celle de ne pas expulser ou refouler une personne dans un pays où elle risque d'être torturée, est respectée.

172.   Le nouveau règlement ne s'applique pas aux affaires qui ont été définitivement tranchées par l'INS en vertu de la procédure administrative antérieure. Les personnes auxquelles une protection avait déjà été accordée ont été considérées comme bénéficiant soit d'une décision de ne pas appliquer l'arrêté d'expulsion ou de refoulement soit de surseoir à son exécution, selon la qualification qui convenait le mieux en l'espèce. Les personnes dont l'expulsion ou le refoulement avait été ordonné par un juge chargé de l'immigration et dont les requêtes au titre de l'article 3 étaient examinées par l'INS dans le cadre de la procédure antérieure ont été informées que la phase intérimaire s'achevait et qu'elles devaient déposer une demande de réouverture de leur dossier auprès de l'EOIR pour faire réexaminer leur requête initiale, étant entendu qu'il serait fait automatiquement droit à leur demande. Pour donner aux intéressés la possibilité de déposer effectivement cette demande, la notification qui leur a été adressée comportait également un sursis automatique de 30 jours à l'exécution de l'arrêté d'expulsion ou de refoulement.

173.   Si l'INS n'examine pas leur requête au titre de l'article 3, les personnes dont l'expulsion ou le refoulement avait été ordonné avant l'entrée en vigueur du nouveau règlement ont bénéficié non pas d'un sursis automatique mais d'un délai de 90 jours pour déposer une demande de réexamen de leur dossier auprès de l'EOIR. Pendant ce délai de 90 jours, les intéressés étaient dégagés de l'obligation qui était généralement imposée d'étayer la demande de réexamen de leur dossier par l'apparition d'éléments nouveaux.

174.   Pour certaines personnes, par exemple celles qui ont été arrêtées à l'entrée du territoire ou sont retournées illégalement aux États‑Unis après en avoir été expulsées ou refoulées, ou certains criminels étrangers, le Congrès a établi une procédure spéciale simplifiée qui ne fait pas appel au système normal d'examen par les juges chargés de l'immigration. Dans ces cas particuliers, le règlement prévoit que des fonctionnaires spécialement formés à l'examen des demandes d'asile procèdent à une première sélection des personnes qui prétendent qu'elles risquent d'être torturées, afin de déterminer rapidement quelles allégations sont fondées et d'écarter les requêtes manifestement infondées ou fantaisistes. Les demandes des personnes considérées comme fondées sont examinées par un juge chargé de l'immigration et les personnes dont les demandes ne le sont pas sont expulsées ou refoulées dans les plus brefs délais, conformément aux vœux du Congrès. Les personnes appartenant à la première catégorie, dont les demandes sont transmises au juge chargé de l'immigration, ont le droit de faire appel d'une décision de rejet de celui‑ci auprès de la commission des recours en matière d'immigration. Les personnes appartenant à la seconde catégorie, dont la demande a été rejetée au stade de la première sélection, ont le droit de faire réexaminer cette décision du fonctionnaire chargé des questions d'asile par un juge chargé de l'immigration. Ainsi, même les personnes soumises à la procédure accélérée sont en mesure de faire réexaminer toute décision de rejet les concernant. Les étrangers qui sont expulsés ou refoulés pour activités terroristes ou pour certaines raisons de sécurité relèvent également d'une procédure d'expulsion ou de refoulement spéciale. Toute demande au titre de l'article 3 formulée par cette catégorie d'étrangers est examinée conformément à la procédure administrative par laquelle l'INS prend et exécute ses arrêtés d'expulsion ou de refoulement.

175.   Le règlement offre aussi au Gouvernement des États‑Unis la possibilité, dans un nombre très limité de cas, de régler par la voie diplomatique une affaire où l'article 3 est invoqué, et ce, en obtenant de l'autre gouvernement concerné des assurances que la personne expulsée ou refoulée ne sera pas torturée. En principe, cette formule n'est appliquée que dans des cas exceptionnels, et la nature et la crédibilité des assurances données sont soigneusement évaluées par l'Attorney General, en consultation, avec le Secrétaire d'État.

176.   Réglementation du Département d'État. Le 26 février 1999, le Département d'État a publié, conformément aux instructions du Congrès, un règlement définitif contenant les règles de mise en œuvre de la Convention contre la torture en cas d'extradition. Cette publication était applicable avec effet immédiat (on trouvera le texte intégral du règlement dans l'annexe V).

177.   Par ce règlement, à la section 22 C.F.R. 95, le Département d'État a essentiellement codifié la pratique existante (voir plus haut) pour ce qui est de veiller à ce que nul ne soit extradé des États‑Unis vers un pays où la probabilité qu'il soit soumis à la torture est plus forte que la probabilité contraire.

Article 4 : La torture constitue une infraction pénale

178.   Aux États‑Unis, dans ses territoires et ses possessions, tous les actes constitutifs de la torture sont des infractions pénales punissables à juste titre de lourdes peines. En outre, les actes constituant des tentatives, une "complicité", une "participation" ou une entente pour commettre des actes de torture sont également qualifiés d'infractions pénales. Il n'y a pas de loi fédérale qui définit ou interdit expressément la torture ou donne directement effet aux dispositions essentielles de la Convention. Néanmoins, lors de la ratification de la Convention, il y a été estimé que la législation fédérale et celle des États étaient suffisantes pour appliquer l'article 4, sauf pour réprimer les actes de torture commis en dehors de la juridiction des États‑Unis, comme il est exposé ci‑après dans le texte concernant l'article 5.

179.   Lorsque les actes constitutifs de la torture au titre de la Convention relèvent de la compétence fédérale, ils tombent sous le coup des incriminations de voies de fait, de violences suivies de mutilations, d'homicide volontaire, d'homicide involontaire, de tentative d'homicide volontaire ou involontaire, ou de viol. Voir 18 U.S.C., art. 113, 114, 1111, 1113, 2031. L'entente pour commettre de telles infractions, ainsi que la complicité par assistance, sont aussi réprimées. Voir 18 U.S.C., art. 3, 371 et 1117. Lorsque de tels actes sont commis dans la "juridiction maritime et territoriale spéciale" à l'intérieur d'un État, la législation fédérale reproduit les moyens de défense en matière pénale, définis par la législation de cet État. Voir 18 U.S.C., art. 7, 13.

180.   Les comportements tombant sous le coup des dispositions de la Convention constituent souvent des violations punissables des lois fédérales sur les droits civils. Par exemple, les violations des articles 241 et 242 de l' U.S.C. 18 sont punies d'une peine de dix ans d'emprisonnement au plus ou, si la victime décède, de la peine de mort. L'article 241 réprime les ententes consistant à priver une personne du "libre exercice ou de la jouissance d'un droit garanti par la Constitution ou la législation des États‑Unis". L'article 242 traite de la privation intentionnelle de tels droits "sous couvert de la loi".

181.   Il a été reconnu depuis longtemps que ces lois s'appliquent aux abus de pouvoir et de la force commis par des fonctionnaires. Dans la célèbre affaire Rodney King, deux agents du département de la police de Los Angeles ont été reconnus coupables de violation de l'article 242 au motif qu'ils avaient battu M. King à de nombreuses reprises à l'aide de matraques durant une interpellation. Ils ont été condamnés à 30 mois d'emprisonnement pour avoir violé les lois sur les droits civils. Cette affaire avait commencé lorsque des poursuites avaient été engagées sur le plan local à l'encontre des quatre agents de police impliqués dans l'incident – ils avaient été acquittés après que la défense a convaincu le jury que leur comportement n'était pas déraisonnable dans les circonstances de l'espèce. L'action pénale intentée sur le plan fédéral a permis de convaincre un jury fédéral que l'auteur principal avait utilisé une force excessive, et que son supérieur hiérarchique l'avait autorisé à agir ainsi. Voir États‑Unis c. Koon, 518 U.S. 81 (1996).

182.   Même lorsqu'un acte déterminé constitutif de la torture ne relève pas de ces lois fédérales, ou n'entre pas dans le champ d'application des protections accordées par les quatrième, cinquième, huitième et quatorzième amendements, il sera considéré comme une violation de la législation pénale d'un État. Tout État réprime pénalement les actes délibérés portant atteinte à l'intégrité physique ainsi que les abus de pouvoir commis par des agents de l'État, qu'il s'agisse de coups et blessures volontaires, d'homicide, de viol, etc., ainsi que les ententes délictueuses, les tentatives, les complicités, les incitations à commettre de tels actes, etc. Vingt-deux États sont dotés de lois sur "l'oppression par des fonctionnaires", dont de nombreuses sont établies sur le modèle de l'article 243.1 du Code pénal type de l'Institut de droit des États‑Unis, qui prévoit qu'une personne agissant ou prétendant agir à titre officiel commet une infraction si en toute connaissance de cause elle arrête, détient, fouille, appréhende abusivement, soumet à des mauvais traitements, dépossède une autre personne de ses biens ou l'oblige à verser des contributions, confisque ses biens ou porte atteinte à ses droits personnels ou réels ou l'empêche d'exercer ou de jouir de tous ses droits, privilèges, pouvoirs ou immunités. Le Code pénal de l'Oregon, par exemple, qualifie d'infractions pénales les actes fautifs commis par des agents de l'État. Voir aussi Alaska Stat. 11.56.850 ("actes fautifs commis par des agents de l'État"); Col. Crim. Code C.R.S. 18-8-403 (1996); Georgie OCGA 45-11-3 (1997); N. Dak. Cent. Code 12.1-14.01 (1997); Oreg. Stat. 163.205(2); Tenn. Code Ann. 8-18-101 (1997).

Article 5 : Compétences

183.   D'une manière générale, en droit fédéral et en droit des États la compétence pénale est territoriale. Elle s'étend aux infractions commises par toute personne sur le territoire des États‑Unis (ou sur un territoire qui en relève) quelle que soit la nationalité ou la citoyenneté de l'auteur ou de la victime.

184.   Dans un assez petit nombre de cas, la définition du "territoire" a été expressément établie pour s'appliquer aux actes commis en dehors du territoire géographique des États‑Unis. Par exemple, certaines dispositions du Code pénal fédéral s'appliquent dans la "juridiction maritime et territoriale spéciale des États‑Unis" (18 U.S.C., art. 7), qui comprend notamment les navires immatriculés aux États‑Unis, les aéronefs appartenant aux États‑Unis et "tout lieu situé en dehors de la compétence de toute nation pour connaître d'une infraction commise par un ressortissant des États‑Unis ou à son encontre". La législation fédérale définit aussi la "juridiction aérienne spéciale des États‑Unis" qui s'applique aux infractions commises en dehors du territoire des États‑Unis contre des aéronefs dans des cas spécifiques. Voir 49 U.S.C., art. 46501 2).

185.   Par exemple, la compétence pénale des États‑Unis s'étend au‑delà du territoire des États‑Unis pour connaître des actes suivants :

-               Actes criminels commis à bord d'un navire appartenant à une personne physique ou morale des États‑Unis en haute mer. 18 U.S.C., art. 7 1).

-               Actes criminels commis à bord d'un aéronef appartenant à une personne physique ou morale des États‑Unis au‑dessus de la haute mer. 18 U.S.C., art. 7 5).

-               Actes criminels commis par un ressortissant des États‑Unis ou à son encontre en dehors de la juridiction de tout pays. 18 U.S.C., art. 7 7).

-               Actes criminels commis à bord d'un navire étranger en partance ou à destination des États‑Unis et actes criminels commis par un ressortissant des États‑Unis ou à son encontre. 18 U.S.C., art. 7 8).

-               Actes criminels commis à bord d'un aéronef dont la destination ou le dernier lieu de départ est situé aux États‑Unis, si cet aéronef doit atterrir aux États‑Unis. 49 U.S.C., art. 46501 2) D) i).

-               Actes criminels commis à bord d'un aéronef affrété (sans son équipage) à un affréteur des États‑Unis dont le lieu principal d'activité est situé aux États‑Unis. 49 U.S.C.,  art. 46501 2) E).

186.   Ces dispositions répondent à l'obligation imposée aux États‑Unis par l'article 5 d'établir sa compétence aux fins de connaître des actes de torture commis "sur tout territoire sous sa juridiction ou à bord d'aéronefs ou de navires immatriculés aux États‑Unis.

187.   Extraterritorialité.  Lorsque les États‑Unis ont signé la Convention contre la torture, aucune loi fédérale ou d'un État n'était suffisamment étendue pour répondre aux obligations supplémentaires prévues par l'article 5 concernant la compétence pour connaître des actes de torture commis par des ressortissants américains quel que soit le lieu où ils ont été perpétrés ou des infractions commises ailleurs par des auteurs présumés se trouvant sur le territoire des États‑Unis et que les États-Unis n'extradent pas.

188.   Pour remédier à cette carence avant la ratification, les États-Unis ont promulgué une nouvelle disposition du Code pénal fédéral en 1994. Ce texte, qui est codifié au chapitre 113B du titre 18 du Code des États-Unis (reproduit à l'annexe II) prévoit que la compétence pénale fédérale s'exercera à l'égard de tout acte extraterritorial ou de tentative d'acte de torture si 1) l'auteur présumé est un ressortissant des États-Unis; ou 2) si l'auteur présumé se trouve aux États-Unis, quelle que soit la nationalité de la victime ou de l'auteur présumé. Voir 18 U.S.C., art. 2340 et 2340A, Pub. L., 103‑236, Titre V, article. 506 a), tel que modifié par la Pub. L., 103‑322, Titre VI, article 60020, Pub. L. 103-415, article. 1 k), et Pub. L., 103‑429, article 2 2). Le texte définit la "torture" d'une manière compatible avec les réserves des États-Unis à la Convention. Les infractions sont punissables d'une peine d'amende ou d'emprisonnement de 20 ans au plus (ou, si l'acte interdit entraîne un décès, de la peine capitale ou d'une peine d'emprisonnement d'une durée déterminée ou à perpétuité). Cette disposition ne fait pas obstacle et ne se substitue pas à l'application d'une loi d'un État ou d'une collectivité locale.

189.   Ce texte a pris effet le 21 octobre 1994; les États-Unis n'ont engagé aucune poursuite en application de cette disposition jusqu'à présent.

Article 6 : Détention et enquête préliminaire dans les cas d'extradition

190.   La législation fédérale et les traités bilatéraux d'extradition autorisent les fonctionnaires compétents à placer en détention une personne soupçonnée d'avoir commis une infraction et à le mettre sous écrou extraditionnel durant la procédure d'extradition comme le prévoit l'article 6.

191.   D'une manière générale, l'arrestation et la détention d'un tortionnaire présumé aux fins de son extradition nécessite la délivrance d'un mandat d'arrêt par un juge d'un tribunal fédéral de première instance ou un juge d'instance. Dans une situation d'urgence (par exemple lorsqu'un suspect cherche à entrer dans le pays ou à le quitter dans un point d'accès sur le territoire), il peut être procédé à son arrestation sans mandat et à sa détention conformément à la procédure normale. Les prescriptions ordinaires prévues pour la première comparution devant un magistrat s'appliquent dans une telle situation; toutefois, d'une manière générale, dans la pratique des États‑Unis, une mise en liberté sous caution n'est pas accordée aux personnes faisant l'objet d'une procédure d'extradition. La personne détenue peut naturellement demander que sa détention soit réexaminée par la voie judiciaire en invoquant le bénéfice de l'habeas corpus.

192.   En ce qui concerne les dispositions de l'alinéa 3 de l'article 6, les règles ordinaires de notification consulaire sont applicables.

Article 7 : Extrader ou poursuivre ("Aut dedere aut judicare")

193.   Dans les cas où un tortionnaire présumé a été découvert sur le territoire des États-Unis et où les États-Unis ne l'extradent pas, l'article 7 prévoit que l'affaire doit être soumise aux autorités compétentes "pour l'exercice de l'action pénale". Cette obligation aut dedere aut judicare est comparable aux dispositions d'autres conventions multilatérales telles que les Conventions sur les détournements et le sabotage d'aéronefs, ainsi que sur le terrorisme maritime. Le cas des personnes jouissant d'une protection internationale et les prises d'otages sont traités expressément dans la législation dont il est fait mention au sujet de l'article 5 ci‑dessus.

194.   Les États-Unis exercent une compétence pénale pour engager des poursuites contre une personne soupçonnée d'avoir commis des actes de torture sur leur territoire en application d'un certain nombre de lois fédérales et des États. En outre, l'article 2340A du titre 18 réprime les actes de torture commis en dehors des États-Unis par un ressortissant des États-Unis ou par une personne se trouvant ultérieurement sur le territoire des États-Unis. La définition de la torture énoncée à l'article 2340 est conforme à la définition de la Convention, telle qu'elle est interprétée dans les déclarations formulées par les États-Unis lors de la ratification. En résumé, dans de telles circonstances, des poursuites peuvent être engagées en vertu de la loi des États-Unis dans des conditions conformes aux obligations énoncées à l'article 7. De fait, le Département de la justice des États-Unis a pris des mesures pour veiller à ce que toute personne se trouvant sur le territoire des États-Unis soupçonnée d'avoir commis des actes de torture soit interpellée et poursuivie conformément aux prescriptions de cette disposition.

Article 8 : Infractions pénales pouvant entraîner l'extradition

195.   Conformément à l'article 8, tout acte de torture au sens de la Convention constitue aujourd'hui une infraction pouvant entraîner l'extradition en application de la législation pertinente des États-Unis et des traités d'extradition conclus avec des pays qui sont aussi parties à la Convention. Les États-Unis se sont engagés à faire figurer de telles infractions, directement ou indirectement, dans tout traité d'extradition qu'ils négocieront dans l'avenir.

196.   L'extradition internationale est une matière relevant du droit fédéral. Voir 18 U.S.C, articles 3181-3196. Comme il a été indiqué ci‑dessus, en application de leur législation, les États‑Unis ne peuvent généralement extrader en l'absence d'un traité d'extradition. Pour cette raison, les États‑Unis ne se prévaudront pas de la disposition facultative de l'alinéa 2) de l'article 8 pour considérer comme base juridique de l'extradition la Convention contre la torture.

197.   Dans le passé, les États-Unis préféraient que les infractions pouvant entraîner l'extradition soient indiquées expressément dans chaque traité d'extradition conclu avec un pays étranger. La méthode typique utilisée à cette fin consistait à énumérer chacune des infractions visées dans une annexe au traité. Toutefois, plus récemment, la pratique des États-Unis s'est écartée de cette méthode fondée sur l'énumération des infractions. Les États-Unis préfèrent aujourd'hui conclure des traités obligeant les États parties à extrader des personnes accusées d'avoir commis des infractions qui constituent des infractions dans les deux États passibles de peines privatives de liberté supérieures à un an ou d'une peine plus lourde. Cette méthode de la "double incrimination" s'applique automatiquement à des infractions récemment codifiées telles que la torture et s'est révélée plus souple et plus efficace pour traduire en justice des criminels ayant participé à des activités criminelles telles que le blanchiment d'argent, le trafic de stupéfiants, la criminalité en col blanc et le crime organisé. Dans le cadre de cette méthode, il n'est pas nécessaire d'indiquer expressément l'infraction constitutive de la "torture" dans les traités bilatéraux en vigueur ou dans ceux qui seront négociés dans l'avenir dès lors que la torture ou les actes constitutifs de la torture sont des infractions dans les deux pays.

198.   Jusqu'à présent, il n'y a eu aucun cas d'extradition vers un autre pays concernant des actes de torture ou des infractions en rapport avec la torture. Les États-Unis peuvent extrader une personne pour une infraction qui constituerait un acte de torture vers un État qui n'est pas partie à la Convention si l'infraction est inscrite sur la "liste" ou (dans le cas d'un traité de "double incrimination") si l'infraction est punissable d'une peine supérieure à un an d'emprisonnement dans les deux pays. En ce qui concerne les États qui sont parties à la Convention mais n'ont pas conclu un traité bilatéral d'extradition avec les États-Unis, ceux-ci disposent des options suivantes lorsque d'autres critères sont satisfaits : expulsion en application de l'Immigration and Nationality Act, poursuites aux États-Unis, ou, dans le cas d'un non-ressortissant ayant commis des violences à l'encontre de ressortissants des États-Unis en dehors de son territoire, l'extradition en vertu de l'article 3181 b) de l'U.S.C. 18. Dans le cas du Rwanda ou de l'ex-Yougoslavie, les États-Unis peuvent aussi extrader des personnes pour qu'elles soient jugées par les tribunaux pénaux internationaux respectifs.

199.   La Convention contre la torture a été citée dans un assez petit nombre d'affaires d'extradition jusqu'à présent. L'une d'entre elles est l'affaire de l'extradition de John Cheung, 968 F. Supp. 791 (D. Conn. 1997). Cheung s'était opposé à son extradition vers Hong Kong notamment en faisant valoir que s'il était extradé dans ce territoire, il serait soumis à la torture ou à un traitement inhumain en violation des articles 6 et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de l'article 3 de la Convention contre la torture. Le magistrat des États-Unis chargé d'examiner la demande d'extradition avait estimé que Cheung n'avait pas démontré suffisamment qu'il risquait d'être exposé à la torture ou d'être tué à Hong Kong, et avait fait observer qu'en tout état de cause c'était le Secrétaire d'État des États-Unis qui était habilité à décider si l'extradition devrait être refusée dans un cas donné pour des motifs humanitaires. Ce rôle du Secrétaire d'État constitue le fondement de la règle judiciaire qui interdit au magistrat chargé de se prononcer sur l'extradition de tenir compte du risque que la personne extradée soit maltraitée si elle était transférée dans le pays requérant. Voir aussi Ahmad c. Wigen, 910 F.2ème 01063, 1066 (2ème Cir. 1990).

200.   En droit américain, une personne accusée ou reconnue coupable d'un acte de torture au sens de la Convention ne peut invoquer l'exception du "délit politique" pour s'opposer à l'extradition. Cette situation s'explique pour deux raisons. Premièrement, le droit américain exige l'application du critère du "caractère fortuit" pour juger si un acte déterminé de violence constitue un délit politique "relatif". Ahmad c. Wigen, 726 F.Supp. 389, 401‑408 (E.D.N.Y. 1989). Selon cette règle, l'acte en question doit être la conséquence fortuite d'un acte dirigé contre un objectif autorisé dans le contexte d'une guerre civile, d'une insurrection ou d'un soulèvement. Il n'y a pas d'objectif autorisé pour un acte de torture quel qu'en soit le contexte. Deuxièmement, les nouveaux traités d'extradition excluent aujourd'hui de l'exception du délit politique les actes pour lesquels les deux États ont l'obligation d'extrader la personne recherchée ou de soumettre l'affaire à leurs autorités compétentes pour l'exercice de l'action pénale en application de traités multilatéraux tels que la Convention contre la torture.

Article 9 : Entraide judiciaire

201.   Le droit américain autorise les organes chargés de faire respecter la loi et les tribunaux à demander et à accorder de nombreuses formes d'"entraide judiciaire" dans les instances pénales visées par les dispositions de la Convention contre la torture. Les formes d'entraide possibles comprennent notamment la signification d'actes, l'audition de témoins, la communication de pièces, l'exécution de commissions rogatoires pour procéder à des perquisitions ou à des saisies, le transfert de personnes détenues et la confiscation d'actifs pour n'en citer que quelques‑unes.

202.   Le pouvoir légal des États-Unis de se prononcer sur ces demandes émanant d'États étrangers est codifié à l'article 1782 de l'U.S.C. 28. En application d'un amendement adopté en 1996, la législation des États-Unis autorise les tribunaux fédéraux de première instance compétents d'ordonner à une personne de faire une déposition ou de fournir des documents devant être utilisés dans "une procédure engagée devant un tribunal étranger ou international, y compris dans le cadre d'enquêtes pénales menées avant une mise en accusation en bonne et due forme". Le droit américain n'interdit pas la coopération volontaire avec des instances pénales étrangères. Toutefois, une personne ne peut être contrainte de faire une déposition ou de produire un document en violation de tout privilège juridiquement applicable.

203.   Depuis la fin de 1998, les États-Unis ont conclu 22 traités bilatéraux et des dizaines d'accords bilatéraux avec d'autres pays pour instaurer une coopération plus étroite et plus efficace en matière d'application des lois et accroître la possibilité d'obtenir des éléments de preuve recevables dans les enquêtes et les procédures pénales. Dix-neuf autres traités bilatéraux d'entraide judiciaire ont été ratifiés par les États-Unis en décembre 1998 et en janvier 1999. Certains de ces traités et accords exigent la double incrimination à l'égard des infractions visées, d'autres non; mais tous s'appliquent à une gamme étendue d'infractions pénales et permettent l'échange d'éléments de preuve et d'autres formes d'assistance concernant les infractions entrant dans le champ d'application de la Convention contre la torture. Ces traités sont considérés comme directement applicables aux États-Unis et remplacent toute autre norme juridique interne incompatible avec leurs dispositions. In re Erato, 2 F.3ème 11 (2ème Cir. 1993).

204.   Les États-Unis ont signé la Convention interaméricaine sur l'entraide judiciaire en matière pénale, qui a été transmise au Sénat pour qu'il donne son avis à son sujet et autorise sa ratification en 1997. Comme la Convention n'est pas encore en vigueur à l'égard des États-Unis, aucune demande d'entraide judiciaire n'a été exécutée en application de ses dispositions.

205.   Sur le plan multilatéral également, les États-Unis ont joué un rôle important dans la création par l'Organisation des Nations Unies des deux tribunaux pénaux internationaux spéciaux (pour l'ex‑Yougoslavie et pour le Rwanda) et leur ont fourni un appui opérationnel important pour leur permettre d'exécuter leurs activités. En 1996, la loi sur l'entraide judiciaire (art. 1782) a été modifiée pour permettre d'accorder une assistance aux tribunaux et aux pays étrangers en vue de recueillir des éléments de preuve aux fins des enquêtes préliminaires ainsi que des poursuites. Cette modification tend à éviter que plusieurs décisions adoptées par des cours fédérales d'appel limitant l'application de ces dispositions aux phases préliminaires des enquêtes menées dans des pays étrangers ne fassent obstacle à l'exécution par les États-Unis de leur obligation de fournir une assistance aux tribunaux.

Article 10 : Enseignement et information

206.   Le Gouvernement des États-Unis attache une grande importance à la tâche consistant à veiller à ce que l'enseignement et l'information concernant l'interdiction de la torture fassent partie de la formation des personnes qui peuvent participer à la garde, l'interrogatoire, et au traitement de tout individu arrêté, détenu ou emprisonné. De fait, pour favoriser la réalisation des objectifs en matière d'enseignement et d'information, le présent rapport a été placé sur la page Web du Département d'État des États-Unis : <http://www.state.gov>

207.   Campagne d'éducation. Des exemplaires de la Convention ont été envoyés à l'Attorney général de chacun des 50 États et autres unités constitutives de l'administration des États‑Unis, en leur demandant de les faire distribuer aux fonctionnaires spécialisés. Une fois que le présent rapport aura été publié, des exemplaires seront fournis aux bibliothèques, aux écoles, et aux citoyens intéressés par l'intermédiaire du Government Printing Office (GOP) des États-Unis.

208.   Le Département d'État accroît actuellement le volume d'informations concernant les questions des droits de l'homme disponibles sur sa page Web : <http://www.state.gov>. Cette page Web contient des informations sur tous les aspects des activités du Département, y compris les questions concernant les droits de l'homme, les exposés faits par des fonctionnaires du Département et les rapports annuels de pays sur la situation des droits de l'homme. En outre, le présent rapport sera placé sur la page Web du Département. Le but recherché est d'accroître la partie consacrée aux droits de l'homme dans la page Web pour établir des liaisons avec les textes des instruments relatifs aux droits de l'homme et d'autres documents disponibles sur l'Internet, y compris la Convention considérée.

209.   Formation. Tous les agents fédéraux chargés de faire respecter la loi et les membres du personnel pénitentiaire suivent une formation obligatoire concernant le traitement qui doit être accordé aux personnes arrêtées ou détenues, qui comprend des informations précises sur l'interdiction de la torture, le recours excessif à la force, les méthodes et les techniques illicites d'interrogatoire et de contrainte, la sensibilité et la diversité culturelles, et d'autres questions touchant au respect de la Convention.

210.   Le Bureau fédéral des prisons prévoit que chaque nouvel agent permanent (et certains agents temporaires désignés) doivent suivre un cours de formation de deux semaines pour se familiariser avec les bonnes pratiques pénitentiaires. En outre, chaque nouvel agent permanent doit suivre un cours de 120 heures (trois semaines) intitulé "Introduction aux techniques pénitentiaires" au Centre de formation fédéral sur l'application des lois à Glynco (Géorgie). Cette formation comprend l'étude et l'application pratique de la politique du Bureau des prisons, des tests d'aptitude à l'utilisation des armes à feu et aux techniques de légitime défense. Chaque agent en poste dans un établissement relevant du Bureau des prisons doit suivre 40 heures de cours de perfectionnement dans ces domaines chaque année.

211.   Un grand nombre d'organismes chargés de faire respecter la loi utilisent des techniques de contrôle pour rechercher les candidats et les officiers/agents qui pourraient être enclins ou risqueraient d'utiliser une force excessive en faisant appel à des méthodes psychologiques; d'autres emploient aussi des psychologues pour surveiller, former, conseiller et évaluer les agents de la force publique en vue d'éviter les abus avant qu'ils ne se produisent et remédier aux problèmes institutionnels ou organiques qui peuvent contribuer aux mauvais traitements ou aux abus.

212.   Les systèmes de justice pénale des États et des collectivités locales sont dotés de programmes indépendants de formation des agents de la force publique et des membres du personnel pénitentiaire, qui peuvent porter sur des sujets tels que les bonnes techniques de fouille, d'interrogatoire, d'utilisation de la force et les questions de santé mentale. Les fonctionnaires de police des États, par exemple, suivent en moyenne plus de 800 heures (20 semaines) de formation obligatoire. Depuis près de deux ans, tous les États disposent de commissions de "formation au respect des normes des agents des forces de l'ordre".

213.   Aux niveaux des États et des collectivités locales, les programmes de formation et de perfectionnement du personnel pénitentiaire sont complétés par les ressources d'organes publics et privés, des écoles de police locales, de l'industrie privée, des établissements d'enseignement et des bibliothèques. L'Institut national pénitentiaire, l'École nationale de formation pénitentiaire, l'Institut national de la justice, le Federal Bureau of Investigation et d'autres organismes dispensent une formation administrative, spécialisée et de perfectionnement à l'intention des agents des établissements pénitentiaires des États et des collectivités locales. L'Association internationale des directeurs de la formation au respect des normes des agents d'application des lois (IADLEST) a mis en place un système d'information pour l'emploi et la formation du personnel chargé de faire respecter la loi et des membres du personnel pénitentiaire, y compris des normes types minimales applicables dans les États.

214.   L'Association pénitentiaire américaine, une organisation privée à but non lucratif qui se consacre à l'amélioration de l'administration des institutions pénitentiaires américaines du pays, a mis au point un programme d'agrément volontaire et des normes nationales applicables dans les établissements pénitentiaires. Ces critères, qui s'appliquent dans environ 80 % des départements pénitentiaires et des services de traitement des jeunes délinquants des États, ainsi qu'aux installations administrées par le District of Colombia et le Département de la justice des États‑Unis, prévoient que tous les nouveaux agents à plein temps doivent suivre une formation d'orientation initiale de 40 heures, qui doit comprendre des instructions minimales concernant les buts, les objectifs, les politiques et les procédures de l'institution concernée et de l'organisme dont elle relève; les conditions et les réglementations de travail; les droits et les responsabilités des agents et une description générale du système pénitentiaire. Cette formation complète le cours dispensé la première année et la formation sur le lieu de travail nécessaire pour exercer diverses catégories d'emploi.

215.   Les officiers de police et les agents des collectivités locales peuvent être poursuivis en application de la législation fédérale s'ils s'abstiennent de faire suffisamment connaître aux fonctionnaires les restrictions imposées par la Constitution à l'emploi de la force. City of Canton c. Harris, 489 U.S. 378 (1989). Dans l'affaire Davis c. Mason Co. 927 F.2ème 1473 (9ème Cir. 1991), par exemple, les quatre requérants ont prétendu qu'ils avaient été victimes de brutalités policières alors qu'ils avaient été arrêtés séparément pour des infractions présumées à la réglementation sur la circulation routière. Dans chacun de ces cas, les fonctionnaires ont utilisé une force excessive en fouillant les victimes. La cour d'appel a confirmé le jugement rendu en faveur des demandeurs, en estimant plus précisément que le tribunal de première instance avait été fondé à demander au jury de constater que l'administration et le shérif du comté s'étaient rendus coupables d'une infraction punissable en vertu de l'article 1983 du tome 42 du Code des États‑Unis pour ne pas avoir convenablement formé les adjoints du shérif.

216.   Durant la formation de base dispensée à tous les agents des patrouilles frontalières, l'école des patrouilles frontalières organise un cours de deux heures dans le domaine de l'éthique et du comportement. Dans le cadre de ce cours, des précisions sont données aux agents sur leurs obligations envers les particuliers qu'ils arrêtent et les droits des personnes arrêtées. L'école dispense un cours de quatre heures dans le domaine du droit constitutionnel qui permet aux agents de connaître les droits civils des personnes avec lesquelles ils sont en contact. L'école dispense aussi 23 heures d'instruction sur les pouvoirs conférés à ces agents en application de l'Immigration and Nationality Act (INA). Une partie de ce cours permet de faire connaître aux agents les restrictions concernant leurs pouvoirs et les obligations que leur impose cette loi lorsqu'ils procèdent à des arrestations. Enfin, l'école dispense un cours de formation de trois heures sur l'intégrité des fonctionnaires. Ce cours donne des instructions aux agents sur leurs responsabilités dans leurs relations avec la population.

217.   En ce qui concerne les réfugiés, le Service d'immigration et de naturalisation des États-Unis a créé un corps indépendant de magistrats spécialisés dans le droit d'asile, qui suivent une formation approfondie sur les questions concernant la torture pour les sensibiliser aux aspects humanitaires exceptionnels liés aux demandes de statut de réfugié fondées sur des allégations de torture. Tous les fonctionnaires chargés de l'asile sont tenus de suivre un cours de formation de base destiné aux fonctionnaires chargés de l'asile (AOBTC) ainsi qu'une formation en cours d'emploi. Cette formation dure environ quatre semaines et comprend notamment des cours sur les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, la législation des États-Unis en matière d'asile et de réfugiés, les techniques d'entretien, et les aptitudes à prendre des décisions. Ce cours comprend aussi une formation sur les méthodes d'entretien avec les personnes ayant survécu à la torture et à d'autres traumatismes graves. Des experts donnent des informations aux fonctionnaires sur les effets physiques et psychologiques de la torture, ses conséquences sur l'entretien, et la tension nerveuse/l'épuisement que le fonctionnaire chargé de l'asile peut éprouver en interrogeant continuellement des personnes qui peuvent être des survivants de la torture.

218.   Sur le plan militaire, tous les agents participant à la garde, à l'interrogatoire ou au traitement des personnes soumises à une forme quelconque d'arrestation, de détention ou d'emprisonnement suivent une formation appropriée concernant l'interdiction de la torture et des mauvais traitements. Cette formation est dispensée aux agents de la police militaire, aux personnes chargées des interrogatoires, aux inspecteurs généraux et aux membres du personnel des hôpitaux psychiatriques.

219.   Dans le cadre du programme d'assistance à la formation aux enquêtes pénales internationales (ICITAP), le Département de la justice des États-Unis travaille avec des organisations chargées de faire respecter la loi dans plusieurs pays étrangers pour créer des forces de police démocratiques agissant conformément à l'État de droit. Le programme de l'ICITAP comprend notamment un cours de formation intitulé "Le respect de la dignité humaine dans les activités de la police", la création d'un mécanisme de contrôle indépendant (tel qu'un bureau d'un inspecteur général) pour procéder à des enquêtes objectives et impartiales sur les violences policières présumées, ainsi que des cours de formation aux techniques d'interrogatoire des témoins et des suspects, le recours approprié à la force, et les bonnes techniques d'arrestation et de traitement humain des personnes arrêtées ou détenues.

220.   Personnel médical.  La formation aux principes de l'éthique médicale et des "normes de soin" est généralement un élément nécessaire du programme d'études des médecins et d'autres professionnels de la santé. Tous les membres du personnel de santé doivent connaître les obligations fondamentales des serments des médecins (tel que le serment d'Hippocrate, le Code international d'éthique médicale, et les principes d'éthique médicale applicables au rôle des personnels de santé, en particulier des médecins, dans la protection des prisonniers et des détenus contre la torture et d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants). Le Code d'éthique médicale de l'Association médicale américaine (AMA) a servi de guide aux pratiques médicales aux États-Unis depuis plus de 150 ans et constitue la norme éthique généralement reconnue; l'AMA favorise les discussions et les échanges de vues entre professionnels sur les questions d'éthique, par exemple, par l'intermédiaire de son Institut d'éthique qui a été créé en 1997 pour mener des recherches sur un certain nombre de domaines de l'éthique biomédicale (soins de fin de vie, génétique, soins administrés et professionnalisme). Il existe d'autres codes, par exemple, l'école américaine des médecins urgentistes a établi un nouveau code d'éthique en 1997.

221.   Dans ce domaine, les étudiants des écoles de médecine utilisent des manuels tels que le Beauchamp et Childress, Principles of Biomedical Ethics (4ème éd., 1994); Beauchamp et Walters, Contemporary Issues in Bioethics (4ème éd., 1994); Crigger, Cases in Bioethics (2ème éd., 1993); and Levine, Taking Sides (5ème éd., 1993).

222.   À l'échelon fédéral, il existe un Centre national d'éthique clinique, qui a été créé au sein du Département chargé des questions des anciens combattants en 1991 pour élaborer un vaste programme de bioéthique en vue de favoriser l'établissement de normes éthiques élevées dans les soins de santé destinés aux anciens combattants.

223.   Les milieux juridiques des États‑Unis mettent de plus en plus l'accent sur les questions d'éthique médicale. Par exemple, des programmes spécialisés sur le droit de la santé et la bioéthique sont actuellement très largement appliqués, notamment des programmes universitaires destinés à former des cliniciens chargés de donner des consultations spécialisées sur l'éthique ainsi que pour préparer les avocats à exercer leur profession dans le domaine du droit de la santé. Des associations professionnelles telles que la Société américaine du droit, de la médecine et de l'éthique et la section du droit, de la médecine et des soins de santé de l'Association des écoles de droit des États‑Unis favorisent aussi l'étude de la bioéthique.

224.   Propositions de loi.  En partie à la suite de la ratification par les États-Unis de la Convention, des propositions de loi visant à améliorer et à promouvoir l'enseignement et la formation aux fins de prévenir les cas de torture et autres mauvais traitements et d'y remédier ont été soumises au Congrès des États-Unis qui les a adoptées.

225.   Un de ces projets, adopté le 30 octobre 1998, le "Torture Victims Relief Act de 1998" (Pub. L. 105‑320, 112 Stat. 3017), autorise le Président à accorder une assistance pour la réadaptation des victimes de la torture sous la forme de subventions aux centres de traitement et aux programmes visant à établir des centres de traitement des victimes de la torture dans des pays étrangers et aux États-Unis. La loi autorise aussi le versement de contributions au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture pour les exercices budgétaires 1999 et 2000. En outre, la loi prévoit que les agents du corps diplomatique doivent suivre une formation spécialisée en vue de leur permettre de rechercher les éléments de preuve d'actes de torture, les circonstances dans lesquelles ils ont été pratiqués, leurs effets, et la meilleure manière d'interroger les victimes de la torture, y compris des cours selon des critères de sexe pour s'entretenir avec les hommes et les femmes qui ont été victimes de viols ou d'autres formes de violences sexuelles.

226.   La loi indique en outre que le "sentiment du Congrès" est que le représentant permanent des États-Unis devrait demander au Fonds de trouver de nouveaux moyens de financer et de protéger les centres et les programmes de traitement, d'utiliser la voix et le vote des États-Unis pour soutenir les travaux du Rapporteur spécial chargé d'examiner la question de la torture et du Comité contre la torture, et de désigner un rapporteur de pays ou un mécanisme procédural similaire pour permettre au Rapporteur spécial ou au Comité d'indiquer les cas où la pratique de la torture est très répandue.

Article 11 : Techniques d'interrogatoire

227.   Aux États‑Unis, l'interrogatoire, par la police, d'une personne soupçonnée d'avoir commis une infraction pénale est strictement réglementé par les dispositions judiciaires reposant sur le droit constitutionnel. Les agents des forces de l'ordre apprennent ces règles ainsi que les conséquences de leur inobservation. De ce fait, les méthodes et les pratiques d'interrogatoire de personnes soupçonnées d'avoir commis des infractions pénales, ainsi que les dispositions régissant la garde et le traitement des personnes arrêtées, détenues ou emprisonnées, sont constamment et systématiquement réexaminées et remaniées.

228.   Tout d'abord, le droit des États-Unis limite le pouvoir de la police et d'autres autorités publiques de détenir ou d'arrêter des personnes quel qu'en soit le motif, y compris aux fins d'interrogatoire. Le quatrième amendement prévoit non seulement qu'il doit exister des "motifs raisonnables et suffisants" pour procéder à une arrestation mais interdit aussi le recours à une force excessive durant une arrestation ou toute autre "détention" d'une personne. Voir Graham c. Connor, 490 U.S. 386 (1989).

229.   Interrogatoire pendant la garde à vue.  Dans le cas où une personne soupçonnée d'avoir commis une infraction pénale est placée en garde à vue, le droit américain prévoit plusieurs mesures de protection contre les contraintes physiques et mentales, les menaces et incitations à faire des déclarations pour qu'elle s'accuse elle-même. En application du cinquième amendement qui confère à toute personne le droit à ne pas être tenu de témoigner contre elle-même et de la règle appliquée par la Cour suprême des États-Unis dans l'affaire Miranda c. Arizona, 384 U.S. 436 (1966), avant tout interrogatoire, la police doit informer le suspect qu'il a le droit de garder le silence, que toutes les déclarations qu'il pourra faire pourront être utilisées contre lui devant le tribunal, et qu'il a le droit de consulter un avocat et à ce que celui-ci soit présent durant son interrogatoire, et que s'il n'a pas les moyens de le rémunérer lui‑même, un avocat sera commis d'office pour le représenter avant son interrogatoire. Ces droits (généralement dénommés "droits Miranda") peuvent normalement être exercés lorsque la personne est interrogée pour la première fois pendant sa garde à vue.

230.   Règle d'exclusion.  Des aveux ou déclarations obtenus par un fonctionnaire qui s'est abstenu d'observer ces règles ne peuvent normalement être utilisés comme moyens de preuve contre la personne qui a fait ces aveux ou cette déclaration au cours d'une procédure pénale. De même, les éléments de preuve obtenus parce que la police a tiré parti d'une telle déclaration ne peuvent être utilisés au cours d'une procédure pénale. Les règles appliquées par les États peuvent prévoir des restrictions plus rigoureuses pour les agents des forces de l'ordre des États et des collectivités locales.

Article 12 : Enquête rapide et impartiale

231.   Sur le plan du droit, de la politique générale et de la pratique, les autorités compétentes à tous les échelons de l'administration doivent procéder à une enquête approfondie, rapide et impartiale chaque fois qu'il y a des motifs de croire qu'un acte de torture a été commis sur tout territoire sous leur juridiction. Ces enquêtes sont souvent entreprises à la suite de plaintes déposées par des victimes présumées et/ou d'articles publiés dans la presse, mais les autorités de chaque juridiction ont la responsabilité claire et indépendante d'enquêter elles-mêmes sur ces abus et d'y remédier. Les enquêtes sur la torture et d'autres types de violences physiques, sexuelles ou morales sont engagées dans les mêmes circonstances que dans le cas d'autres infractions graves, s'il existe des motifs raisonnables de croire que de tels actes ont été commis.

232.   Plusieurs mécanismes existent à cette fin. Pratiquement toutes les grandes organisations et services chargés de faire respecter la loi sont dotés aujourd'hui d'un mécanisme de contrôle interne (comme un inspecteur général ou une section des affaires intérieures) et/ou certaines formes d'organe de surveillance permanent et indépendant (comme une commission de contrôle ou un groupe d'action composé de citoyens) auprès desquels des plaintes concernant des mauvais traitements, l'usage excessif de la force, ou d'autres irrégularités peuvent être déposées. La pierre de touche à cet égard est l'indépendance du contrôle et de l'enquête.

233.   Toutes les allégations des détenus concernant des violences commises par des agents du Bureau fédéral des prisons, par exemple, sont transmises par son service des affaires intérieures à la section de l'inspecteur général du Département de la justice, qui procède ensuite à une enquête indépendante et décide s'il y a lieu de soumettre les plaintes à la Division des droits civils du Département aux fins d'une enquête plus approfondie. Dans certaines circonstances, des commissions ad hoc sont constituées pour examiner des situations déterminées exigeant un contrôle indépendant, telles que la Commission Christopher créée pour enquêter sur le département de la police de Los Angeles après l'affaire Rodney King en 1991.

234.   Dans tous les cas, des plaintes peuvent aussi être soumises aux procureurs compétents, qui sont indépendants de la police et des autres membres des forces de l'ordre dans le cadre du système des États-Unis. Les procureurs prennent eux-mêmes leurs décisions, souvent sur la base de plaintes, sur l'opportunité d'entreprendre des enquêtes et d'engager des poursuites pénales.

235.   Dans la plupart des affaires importantes, le Gouvernement fédéral peut être compétent pour examiner des allégations concernant des abus qui auraient été commis à l'échelon d'un État, d'un comté ou d'une collectivité locale par des organes chargés de faire respecter la loi. La compétence peut reposer sur les violations de divers textes concernant les droits civils ou sur une législation expressément aménagée telle que le Civil Rights of Institutionalized Persons Act, qui permet à l'Attorney général d'engager des actions civiles contre des institutions de l'État concernant les droits civils de leurs habitants, y compris leurs conditions de détention et le recours à une force excessive.

236.   En outre, le Gouvernement fédéral peut intenter des actions civiles en application de la disposition sur les comportements ou les pratiques répréhensibles de la police du Crime Bill de 1994, qui interdit aux membres des forces de l'ordre d'avoir des comportements ou de se livrer à des actes violant les droits civils des personnes. À titre d'exemple, ce texte permet à la division des droits civils du Département de la justice des États-Unis d'enquêter sur les comportements ou les pratiques consistant à recourir à une force excessive, procéder à des arrestations arbitraires, à des perquisitions et à des saisies injustifiées ou à des contrôles de véhicules ou de piétons à caractère discriminatoire, et de remédier à de tels actes.

237.   La Division des droits civils a engagé deux actions en justice sur la base de cette disposition contre les départements de la police de Pittsburgh (Pennsylvanie) et de Steubenville (Ohio) et a accepté des jugements d'expédient dans ces deux affaires. Ces jugements prescrivent de vastes réformes des méthodes de contrôle, de formation et de procédure de sanction des fonctionnaires, ainsi que des enquêtes sur les plaintes déposées par des particuliers contre les abus de la police.

238.   Deux autres actions fondées sur cette disposition contre la Division de la police de Colombus (Ohio) et la police de l'État du New Jersey ont été annoncées mais n'ont pas encore été engagées car la Division des droits civils et les juridictions concernées cherchent à négocier des arrangements qui devraient être soumis en même temps que les plaintes. De nombreuses enquêtes civiles sur la base de cette disposition contre des membres des départements de police et des bureaux de shérif sont en cours. On peut citer à cet égard les enquêtes annoncées dans les médias concernant le département de la police de New York (notamment dans l'affaire Louima) et les départements de la police de Los Angeles et de La Nouvelle-Orléans.

Article 13 : Droit de porter plainte

239.   Quelle que soit la situation, toutes les victimes de torture aux États-Unis ont le droit de porter plainte et d'être entendues immédiatement et impartialement par les autorités compétentes. Quiconque prétend avoir subi des violences de la part d'un fonctionnaire a notamment le droit de porter plainte auprès d'un agent habilité à diligenter une enquête impartiale. Il n'existe aucune restriction quant à la qualité de l'auteur de la plainte (qui peut être, par exemple, un citoyen ou un ressortissant des États‑Unis, un étranger ou un immigré clandestin). Si la victime est elle‑même accusée d'une infraction pénale, il n'est pas nécessaire d'attendre le prononcé d'un verdict de culpabilité ou d'acquittement. Un établissement pénitentiaire accusé de ne pas donner aux détenus la possibilité de saisir un mécanisme de recours administratifs pouvant examiner les plaintes a été attaqué devant les tribunaux fédéraux.

240.   Au départ, le mécanisme de traitement des plaintes peut faire intervenir une procédure administrative. En ce qui concerne les détenus placés sous la garde du Federal Bureau of Prisons, la première démarche à accomplir consiste à déposer une réclamation relative aux conditions de détention ou une plainte contre un membre du personnel auprès du Programme des recours administratifs. Par le biais de ce programme, un détenu peut présenter ses arguments et faire appel d'une décision à trois niveaux : d'abord à celui de l'établissement pénitentiaire puis au niveau régional et enfin devant le Central Office (voir le tome 28 du CFR, titre 542). Le Bureau of Prisons indique qu'au cours de l'année civile 1998, 17 269 plaintes administratives ont été déposées à l'échelon des établissements pénitentiaires (13,3 % d'entre elles ont été accueillies), 11 106 au niveau régional (6,7 % ont été accueillies) et 4 535 au Central Office (dont 0,8 % ont été admises).

241.   Habeas corpus. La Constitution fédérale garantit à tous les détenus le droit d'invoquer le bénéfice de l'habeas corpus. Une ordonnance d'habeas corpus permet à des juges indépendants d'accorder une réparation effective à tout individu détenu abusivement par une autorité publique à l'issue d'une procédure pénale ou civile. Dans la plupart des affaires pénales, les demandes d'habeas corpus font état d'une violation des normes constitutionnelles garantissant une procédure régulière. Elles peuvent aussi mettre en cause des conditions de détention anticonstitutionnelles, notamment des tortures ou des mauvais traitements. Bien que la Constitution fédérale n'exclue pas la possibilité légale de recourir à une autre procédure que celle de l'habeas corpus, cette autre procédure doit garantir un examen indépendant des conditions de détention (comme c'est le cas par exemple de la loi du 30 septembre 1996 intitulée Illegal Immigration Reform and Immigration Responsability Act, Pub. L. 104‑208, 110 Stat. 3546). Les dispositions adoptées par les États en matière d'habeas corpus suivent généralement ces mêmes prescriptions.

242.   L'Antiterrorism and Effective Death Penalty Act, Pub. L. 104‑132, 110 Stat. 1218, promulgué en avril 1996, stipule que les détenus des prisons d'État doivent avoir épuisé tous les recours disponibles au niveau de l'État avant de pouvoir déposer une demande d'ordonnance d'habeas corpus devant un tribunal fédéral. En outre, cette loi a fixé des délais de prescription aux termes desquels les détenus, tant des prisons fédérales que des prisons d'État, disposent d'un an à partir du moment où leur condamnation devient définitive (après épuisement des appels concernant directement leur condamnation et/ou leur peine) pour pouvoir soumettre une demande d'habeas corpus devant un tribunal fédéral. Les demandes successives doivent être approuvées par une chambre de la cour d'appel fédérale compétente, qui les examine afin de vérifier qu'elles ne concernent que la présentation de faits nouveaux qui auraient influencé le verdict du jury ou l'invocation de nouveaux droits constitutionnels appliqués rétroactivement par la Cour suprême des États-Unis, ou encore qu'elles portent sur des affaires dans lesquelles la précédente demande n'a pas été pleinement examinée par le tribunal compétent.

243.   Des préoccupations ont été exprimées à propos de l'adoption de la loi de 1996 intitulée Prison Litigation Reform Act, Pub. L. 104-134, telle que modifiée par la Pub. L. 105-119, codifiée à l'article 3626 du tome 18 du Code des États-Unis. Le Congrès a adopté cette loi dans le but d'établir des normes plus restrictives quant à la possibilité pour les tribunaux de rendre ou de confirmer des ordonnances de pas faire concernant les conditions de détention dans les maisons centrales, maisons d'arrêt et établissements pour mineurs. Cette loi visait à remédier au problème créé par le grand nombre de poursuites judiciaires abusives et tracassières engagées par les détenus, qui ont grevé les ressources de l'appareil judiciaire fédéral. Les procès intentés par les détenus sont devenus ces dernières années la catégorie la plus volumineuse d'affaires fédérales relatives aux droits civils, constituant approximativement 17 % des affaires civiles inscrites au rôle des tribunaux fédéraux de district et 22 % des recours civils devant les cours d'appel fédérales. La nouvelle loi stipule qu'avant d'intenter une action pour atteinte à ses droits civils devant un tribunal fédéral, tout détenu doit i) avoir épuisé tous les recours administratifs disponibles et ii) prouver qu'il a subi un préjudice physique en vue de recevoir des indemnités pour préjudice mental ou psychologique subi au cours de sa détention. En outre, cette loi interdit en règle générale à un détenu d'introduire une requête in forma pauperis (c'est-à-dire en tant qu'indigent dispensé du paiement des frais de justice) si ce détenu a déjà intenté devant un tribunal fédéral trois actions ou plus qui ont été jugées futiles ou abusives, ou encore s'il n'a pas exposé les motifs pour lesquels il a droit à réparation. Des sanctions peuvent être infligées aux détenus qui abusent du système judiciaire. Certains défenseurs des droits des détenus ont soutenu que cette loi avait eu pour effet de limiter les possibilités pour les individus et les organisations non gouvernementales de contester les décisions judiciaires prises en matière de sévices, affirmant en particulier que la condition selon laquelle les détenus devaient démontrer qu'ils avaient subi un dommage physique avant de pouvoir être indemnisés d'un préjudice moral ou psychologique n'était pas pleinement conforme aux obligations incombant aux États-Unis en vertu de la Convention contre la torture. Les procédures judiciaires des États en matière d'habeas corpus et dans d'autres domaines ne sont pas restreintes par ces lois fédérales et restent accessibles aux détenus relevant des États.

244.   En outre, la législation fédérale et celle des États prévoient diverses mesures visant à faire en sorte que le plaignant et les témoins soient protégés contre tout mauvais traitement ou toute intimidation s'ils déposent des plaintes ou acceptent de témoigner pour les étayer, notamment des programmes de protection des témoins.

245.   Droits des victimes. Les juristes américains discutent actuellement de la question de savoir si une nouvelle législation (voire un amendement à la Constitution des États-Unis) devrait être adoptée pour reconnaître et étendre les droits des victimes d'infractions pénales – d'actes de violence en particulier ‑, notamment le droit pour la victime d'être présente et entendue lors d'une audience publique concernant la mise en liberté d'une personne soupçonnée d'avoir commis une infraction pénale à son encontre placée en garde à vue et le droit à ce que sa sécurité soit prise en considération lorsqu'il est décidé de la libération conditionnelle de cette personne.

246.   Les premiers programmes d'assistance aux victimes d'infractions pénales ont été adoptés il y a quelque 25 ans aux niveaux des États et des collectivités locales. Au niveau fédéral, la loi intitulée Victims of Crime Act, adoptée en 1984, a créé un fonds d'indemnisation des victimes d'infractions pénales, en 1994, et de nouveaux textes sur les droits des victimes ont été adoptés dans le cadre de la loi intitulée Violent Crime Control and Law Enforcement Act, Pub. L. No. 103-322, Title XXIII, 108 Stat. 2077. À ce jour, une vingtaine d'États ont modifié leur Constitution ou adopté des textes législatifs établissant, entre autres, des droits spéciaux à réparation.

247.   Dans certaines circonstances, un tribunal peut rendre dans son jugement une ordonnance de réparation, obligeant l'individu reconnu coupable à verser une indemnité à la victime plutôt qu'à l'administration (voir la loi de 1996 intitulée Mandatory Victims Restitution Act, Title II, Pub. L. 104-132, 110 Stat. 1227, codifiée à l'article 3663 A a), du tome 18 du Code des États‑Unis).

248.   Les victimes et les témoins mineurs bénéficient de protections spéciales au titre de l'article 3509 du tome 18 du Code des États-Unis : préservation de la confidentialité, aide d'un adulte affecté aux mineurs, désignation d'un tuteur ad litem, possibilité pour les mineurs de ne pas déposer directement devant le tribunal et vérification de leur capacité.

249.   Aide aux victimes de la torture sur le territoire des États‑Unis.  En avril 1997, le Département de la santé et des services sociaux et le Sénateur Paul D. Wellstone ont coparrainé une conférence intitulée "Améliorer notre compréhension des personnes qui ont survécu à la torture", à laquelle des représentants des organismes de défense des droits de l'homme et des réfugiés ainsi que du milieu médical ont examiné la question du traitement des personnes ayant survécu à la torture. En outre, le National Institute of Mental Health a alloué 1,5 million de dollars au bénéfice de la recherche consacrée aux personnes ayant survécu à la torture et souffrant de traumatismes à la suite de ces violences. Le Président a même demandé au Congrès d'affecter 7,5 millions de dollars au titre de l'assistance aux victimes de la torture et de leur réadaptation dans son budget pour l'exercice 2000. Par ailleurs, comme on l'a noté plus haut, les États-Unis continuent d'être le principal contributeur mondial au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture.

250.   Depuis trois ans, le Bureau de réinstallation des réfugiés, qui dépend du Département de la santé et des services sociaux, alloue des fonds pour venir en aide aux victimes de la torture. Depuis 1996, ce bureau a progressivement augmenté son appui et finance actuellement à hauteur de 1,7 millions de dollars 10 organisations établies à Denver, San Francisco, San José, Dallas, Boston, Minneapolis et New York. Ces programmes tendent à rechercher les personnes ayant survécu à la torture parmi les réfugiés et à les aider à recevoir un soutien.

251.   Les activités financées par le Bureau sont notamment les suivantes : formation du personnel chargé de la réinstallation des réfugiés, de professeurs d'anglais, de volontaires et d'agents des services communautaires dans le but de rechercher les personnes ayant survécu à la torture et de les diriger vers les services dont ils ont besoin, d'orienter les réfugiés vers les services de santé mentale qui peuvent leur offrir une aide et de guider les professionnels de la santé mentale pour leur permettre d'assister efficacement les réfugiés en surmontant les obstacles linguistiques et culturels. Le Bureau travaille aussi en permanence avec un réseau d'organisations à but non lucratif réparties dans tout le pays, dont la mission est de répondre aux besoins des victimes de la torture. Les services dont ont besoin les personnes ayant survécu à la torture sont notamment des soins médicaux, une assistance spirituelle, une aide psychologique et d'autres prestations sociales. On peut citer parmi les organisations qui offrent ces services le Center for Victims of Torture du Minnesota, qui a établi un programme de formation des enseignants ayant dans leurs classes des élèves eux-mêmes victimes de la torture ou dont les familles en ont souffert; Survivors International, une organisation de San Francisco, qui a créé des groupes d'entraide et un centre communautaire pour permettre aux personnes ayant survécu à la torture de sortir de leur isolement; l'International Institute de Boston, qui forme le personnel des organismes de santé mentale de la Nouvelle-Angleterre au traitement des personnes ayant survécu à la torture; enfin, Solace, à New York, qui aide ces personnes à retrouver leur famille et à bénéficier de certains services, notamment de placement et de logement.

252.   Aide aux victimes de torture à l'étranger.  En outre, l'Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) s'attache à aider les victimes de la torture dans le monde entier.

253.   Amérique latine. L'USAID a appuyé les bureaux du médiateur pour les droits de l'homme dans un certain nombre de pays, notamment la Bolivie, l'Équateur, le Nicaragua, le Guatemala et le Pérou. Le but poursuivi par ces bureaux est de créer un mécanisme chargé ostensiblement de lutter contre les violations des droits de l'homme commises sous l'égide des gouvernements. La torture est un de leurs principaux domaines d'action.

254.   L'USAID soutient aussi, dans le cadre de son programme d'action en faveur de la démocratie régionale, les activités de l'Institut interaméricain des droits de l'homme, qui appuie les travaux de plusieurs bureaux du médiateur. Cet institut a également mis en place un programme de prévention intégrée de la torture. À l'origine, l'accent était mis sur la formation des professionnels de la santé à la réadaptation des victimes de la torture. L'objectif actuel est de former les fonctionnaires de l'administration pénitentiaire, d'améliorer les conditions carcérales et, d'une manière générale, de donner la priorité à la prévention de la torture.

255.   En Colombie, l'USAID aide les victimes de la torture en apportant un soutien aux programmes de formation aux droits de l'homme, notamment du personnel des services des droits de l'homme du bureau du Procureur général. Au Guatemala, l'USAID a appuyé les travaux menés dans deux domaines concernant les droits de l'homme. La Commission chargée de faire la lumière sur le passé, ou Commission de la vérité, a reçu 1,5 million de dollars pour les exercice 1997 et 1998. Par ailleurs, 2,7 millions de dollars ont été alloués pour le traitement des victimes de violations des droits de l'homme au cours des deux derniers exercices budgétaires. La plus grande partie de ces fonds ont été gérés par l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), qui les répartit entre les groupes locaux et communautaires les plus aptes à réagir à diverses violations des droits de l'homme, notamment la torture.

256.   En Haïti, depuis 1994, l'USAID appuie le Fonds pour les droits de l'homme, qui est destiné à aider les victimes de violations des droits de l'homme, notamment de viols politiques, de violences commises pendant la garde à vue et d'autres formes de torture. Les ressources du Fonds, à la fin du mois d'août 1999, ont été portées à 2 millions de dollars, dont environ 600 000 sont consacrés à l'aide aux victimes et à leur traitement. Ces sommes sont affectées aux domaines où elles peuvent être le plus utiles, principalement aux médecins qui mettent en œuvre leur propre programme de traitement et travaillent à l'établissement d'un réseau national d'orientation et de traitement. Le montant restant est destiné aux programmes de prévention traitant des relations entre la police et les collectivités et de l'éducation dans le domaine des droits de l'homme. La fréquence des violations des droits de l'homme décroît en Haïti depuis quelques années, en partie grâce à l'amélioration de la formation de la police nationale.

257.   Au Pérou, depuis 1994, l'USAID aide les victimes de violations flagrantes des droits de l'homme par le biais d'un accord-cadre passé avec le Service de secours catholique, qui à son tour accorde des subventions à des ONG locales. Ces groupes fournissent une assistance juridique aux personnes accusées à tort de terrorisme, dont beaucoup ont été torturées. D'autres programmes tendent à recueillir des preuves dans des affaires de torture.

258.   Afrique.  L'USAID met en œuvre en Afrique divers programmes relatifs à la torture et aux autres formes de sévices. Ainsi, en 1998, le programme exécuté par cette agence en Afrique du Sud bénéficiait d'un financement de 1,5 million de dollars et mettait fortement l'accent sur les victimes de violences et de tortures. En Angola, le programme de l'USAID consiste notamment à traiter et réadapter les enfants traumatisés par la guerre, les victimes de mines terrestres, les veuves et les anciens enfants soldats. L'USAID appuie plusieurs interventions visant à remédier aux incidences de cette violence sur les enfants et les autres victimes de guerre.

259.   Au Libéria, le Fonds pour les enfants et les orphelins déplacés appuie un certain nombre de programmes qui aident les enfants et les jeunes gravement perturbés par les années de conflit dans ce pays. Le Fonds Patrick Leahy pour les victimes de guerre subventionne des dispensaires qui non seulement aident les victimes de mines terrestres mais aussi traitent les personnes qui ont été torturées.

260.   En Sierra Leone, l'USAID a alloué 1,3 million de dollars par l'intermédiaire de l'UNICEF afin d'aider les enfants qui ont été séparés de leur famille, enrôlés de force dans des groupes militaires ou gravement touchés de toute autre manière par la violence. Beaucoup de ces enfants ont subi des tortures physiques ou mentales.

261.     En Ouganda, avec le concours financier du Fonds pour les enfants et orphelins déplacés, l'USAID a lancé un programme de 1,5 million de dollars en vue de traiter et de réadapter les enfants soldats démobilisés et d'autres enfants qui ont été recrutés par les armées rebelles ou forcés de les rejoindre, souvent par les coups, la torture et le viol dans le cas des jeunes filles. Beaucoup de ces enfants et de ces jeunes ont été obligés de se livrer à des formes extrêmes de cruauté, ou ont été les témoins.

262.     Asie.  Au Cambodge, pour effacer les terribles séquelles de la terreur qu'ont fait régner les Khmers rouges, le Programme de traitement des traumatismes des réfugiés de la Harvard's School of Public Health s'est joint au Ministère de la santé pour former des médecins de soins de santé primaire au diagnostic et au traitement des maladies et traumatismes psychologiques. Les bénéficiaires de ce programme sont les réfugiés, les enfants, les victimes de mines terrestres et les veuves. L'USAID a soutenu ce programme.

263.     Europe/Nouveaux États indépendants.  En Bosnie, l'USAID a appuyé des programmes qui fournissent une aide sociopsychologique et une assistance médicale aux victimes de guerre, notamment aux victimes de sévices et de viols. Les partenaires d'exécution ont été l'International Human Rights Law Group et Delphi. D'autres ressources ont été fournies aux ONG locales pour qu'elles offrent une aide sociopsychologique aux victimes de tortures, viols et autres atrocités. Heureusement, la fréquence de ces crimes a fortement diminué depuis la signature des Accords de Dayton.

264.     En Géorgie, une aide est fournie par l'intermédiaire de la Horizontal Foundation en matière de formation et de perfectionnement du personnel de groupes tels que le Comité contre la torture, l'Organisation pour la défense des droits de l'homme et la sécurité sociale des prisonniers, Media (groupe d'experts médicaux) et d'autres ONG spécialisées dans la défense des droits de l'homme. Par ailleurs, le Liberty Institute a reçu des fonds pour lui permettre de déceler les violations des droits de l'homme commises notamment par la police.

265.     Enfin, au Kosovo, alors qu'elle lance avec de nombreuses autres organisations et nations un programme massif de secours humanitaires, l'USAID est particulièrement consciente que beaucoup de Kosovars ont subi des viols, des tortures et d'autres formes de brutalités. Elle a contribué au financement du traitement de ces victimes dans les camps de réfugiés et continuera de les aider à mesure qu'elles retourneront dans leur foyer national.

266.     En Macédoine, l'USAID a appuyé des programmes de la Commission internationale catholique pour les migrations et de Médecins du monde qui comprennent des activités thérapeutiques à l'intention des petites filles et des femmes ayant subi des viols ou d'autres formes de traumatisme. En Albanie, les travailleurs sociaux du Service de secours catholique ont fourni une aide sociopsychologique aux petites filles et aux femmes traumatisées par ces violences. L'USAID examine actuellement de nouvelles propositions de services au Kosovo, qui comprendront un traitement psychosocial des victimes de tortures et de viol. Les fonds supplémentaires alloués au titre de l'exercice 1999 pour le Programme de relèvement économique et social du Kosovo seront utilisés en partie à cette fin.

Article 14 : Droit d'obtenir réparation et d'être indemnisé

267.   Toute personne soumise à la torture aux États‑Unis bénéficie du droit à réparation et du droit juridiquement reconnu de recevoir une indemnité juste et suffisante du tortionnaire présumé. En outre, dans certaines circonstances, le droit américain offre des voies de recours aux victimes étrangères de tortures subies en dehors du territoire des États‑Unis. Une victime peut se prévaloir de plusieurs voies de recours en fonction des circonstances de l'espèce. Les victimes de la torture peuvent bénéficier d'un traitement médical et psychiatrique et de mesures de réadaptation.

268.   Déclaration interprétative des États‑Unis.  Les travaux préparatoires de la Convention montrent que l'article 14 fait obligation à tout État partie de garantir le droit de toute personne d'obtenir réparation pour le préjudice qui lui a été causé dans le seul cas où les actes de torture ont été commis sur son territoire et non à raison d'actes de torture commis à l'étranger. En fait, tel qu'il a été adopté, l'article 14 faisait expressément référence à la victime d'un acte de torture "commis dans tout territoire sous sa juridiction". Ces derniers mots semblent avoir été omis par erreur. Pour préciser le champ d'application de la prescription de l'article 14, les États-Unis ont déclaré qu'ils l'interprétaient comme suit :

          "L'article 14 fait obligation à tout État partie de garantir à toute personne le droit d'obtenir réparation pour le préjudice qui lui a été causé dans le seul cas où les actes de torture ont été commis dans le territoire sous la juridiction de cet État partie."

Comme il est indiqué plus loin, la législation fédérale garantit actuellement des droits potentiellement plus étendus que ceux que prévoit l'article 14 s'agissant d'obtenir réparation d'actes de torture commis en dehors du territoire des États-Unis.

A.  Droit d'obtenir réparation en vertu de l'article 14

269.   Indemnisation.  Au niveau fédéral, les principaux moyens de droit sont les recours administratifs pour délits civils et quasi-délits ainsi que l'action civile. La législation des États‑Unis ouvre aux particuliers plusieurs formes d'actions civiles. Ces actions peuvent prendre la forme d'une action en responsabilité en common law pour violences, coups et blessures ou décès causés par un acte illicite, d'une action pour violation de droits civils protégés sur le plan fédéral, ou d'une action fondée sur des délits civils ou quasi-délits définis par la Constitution fédérale. Aux termes de l'article 2412 de l'Equal Access to Justice Act (tome 28 du Code des Etats-Unis), un tribunal fédéral peut accorder le remboursement des frais d'instance et d'un montant raisonnable des honoraires d'avocats à un demandeur qui obtient gain de cause dans une action en violation de ses droits civils.

270.   Ces mécanismes offrent d'amples possibilités de recevoir des "réparations suffisantes" et le montant des indemnités n'est généralement pas plafonné. Les ayants droit d'une personne morte sous la torture ont en common law le droit de demander réparation pour le décès de la victime provoqué par un acte illégal.

271.   Article 1983.  La méthode la plus communément utilisée par les détenus pour demander réparation (dommages et intérêts, décision en équité ou jugement déclaratoire) des actes d'agents de l'État ou de collectivités locales consiste à intenter une action civile en violation des droits fondamentaux conformément à l'article 1983 du tome 42 du Code des États-Unis (adopté à l'origine en tant qu'article premier de la loi de 1871 intitulée Federal Civil Rights Act). Cette disposition se lit comme suit :

          "Toute personne qui, sous couvert d'une loi, d'une ordonnance, d'un règlement, d'une coutume ou d'un usage de tout État ou territoire ou du District of Columbia, prive tout citoyen des États-Unis ou toute autre personne relevant de la juridiction des États-Unis de tous droits, privilèges ou immunités garantis par la Constitution et les lois, ou contribue à la privation desdits droits, privilèges ou immunités, est tenue à réparation envers la partie lésée dans le cadre d'une action en droit ou en équité ou dans toute autre procédure de réparation appropriée."

Les "agissements de l'État" en cause, c'est‑à‑dire les actes de fonctionnaires de cet État ou des collectivités locales peuvent donner lieu à des poursuites en vertu de l'article 1983. En intentant une telle action, une personne peut demander réparation de la violation par un agent au cours de son arrestation, des droits que lui confère le quatrième amendement ou d'une violation par un gardien des droits que lui reconnaît le huitième amendement parce qu'elle a fait l'objet d'un traitement cruel ou inhumain. Peuvent également intenter des actions au titre de l'article 1983 les personnes qui affirment avoir été soumises à des sanctions contre lesquelles une force excessive a été utilisée par des fonctionnaires de l'administration pénitentiaire sans que les garanties prévues par la loi aient été respectées en violation des droits des détenus consacrés par les cinquième et quatorzième amendements.

272.   De tels procès peuvent être engagés devant les tribunaux des États, mais la plupart sont intentés devant les instances judiciaires fédérales. Leur nombre est très important : en 1994 seulement, on comptait environ 58 000 affaires. Si la loi a été adoptée à l'origine pour permettre aux citoyens d'engager des poursuites contre les fonctionnaires des État ou des collectivités locales dont le comportement et les méthodes étaient contraires aux normes constitutionnelles, elle a fini par être utilisée principalement par les détenus des maisons centrales et maisons d'arrêt pour mettre en cause leurs conditions d'incarcération. Habituellement, il est allégué dans ces affaires que les fonctionnaires des États ont privé les détenus de leurs droits constitutionnels, par exemple de l'accès à des traitements médicaux adéquats, comme dans l'affaire Estelle c. Gamble, 429 U.S. 97 (1976), de la protection contre le recours à une force excessive par les gardiens de prison (Hudson c. McMillian, 512 U.S. 995 (1992) et contre la violence exercée par d'autres détenus (Farmer c. Brennan, 114 U.S. 1970 (1994)), ou de l'accès aux tribunaux, aux bibliothèques juridiques et aux hommes de loi (Bounds c. Smith, 430 U.S. 817 (1977)). Fréquemment, les détenus demandent aussi à être indemnisés notamment parce qu'ils prétendent avoir subi des châtiments cruels et inhabituels contraires au huitième amendement (mauvaises conditions de vie, absence de protection contre des détenus atteints du sida, exposition à la fumée de tabac), le refus de respecter leur droit à une égale protection en vertu des cinquième et quatorzième amendements et le non‑respect des garanties prévus par la loi (par exemple, irrégularités dans la conduite des audiences disciplinaires, les classements, la ségrégation administrative).

273.   L'article 1983 s'applique aux agents des États qui agissent sous couvert de la législation étatique (Monroe c. Pape, 365 U.S. 167 (1961)). Il s'applique aussi aux collectivités locales et aux poursuites dans lesquelles "l'acte présumé anticonstitutionnel est commis en application ou en exécution d'une déclaration de politique générale, d'une ordonnance, d'un règlement ou d'une décision officiellement adopté ou promulgué par des personnes dont la conduite ou les actes peuvent à juste titre être considérés comme représentant la politique officielle" (Monell c. Dept. of Social Services, 436 U.S. 651, 690 et 691 (1978)).

274.   L'affaire Bivens.  Les personnes contre lesquelles une force excessive a été utilisée ou qui ont été soumises à un châtiment cruel ou inhabituel peuvent engager des poursuites contre des fonctionnaires fédéraux pour violation de leurs droits constitutionnels fédéraux, tels qu'ils leur ont été reconnus dans l'affaire Bivens c. Six Unknown Federal Narcotics Agents, 403 U.S. 388 (1971).

275.   Autres actions fondées sur la responsabilité quasi délictuelle.  Une autre voie de recours fédérale ouverte en matière civile est assurée par la possibilité légale d'intenter contre le Gouvernement fédéral une action à raison des agissements coupables ou fautifs de ses agents dans l'exercice de ses fonctions. Ainsi, les articles 1346 b), 2671 et suivants du Federal Tort Claims Act, tome 28  du Code des États-Unis lèvent l'immunité de juridiction des États-Unis en ce qui concerne certains délits civils et quasi-délits et confèrent aux tribunaux de district des États‑Unis une compétence exclusive pour connaître d'actions civiles engagées contre les États‑Unis pour préjudice pécuniaire, préjudice corporel ou dommages matériels causés par l'acte ou l'omission fautif ou illicite d'un agent du gouvernement dans l'exercice de son mandat ou de ses fonctions. Cette disposition peut être invoquée par les détenus fédéraux (U.S. c. Munoz, 374 U.S. 150 (1963)), et peut être utilisée pour engager des poursuites contre les agents chargés de faire respecter les lois fédérales ayant commis des délits civils ou quasi-délits, notamment des violences, coups et blessures ou des arrestations arbitraires. (Voir, par exemple, Sami c. United States, 617 F.2ème 755 (D.C. Cir. 1979)).

276.   Législation des États.  Tous les États autorisent les actions civiles en responsabilité pour faute quasi délictuelle contre des agents de l'État (voir, par exemple, la loi intitulée Kansas Tort Claims Act, K.S.A., art. 75‑6104). Certains États autorisent les poursuites pour délit civil ou quasi-délit intentionnel à l'encontre des agents chargés de faire respecter la loi (voir, par exemple, la loi intitulée New Mexico Tort Claims Act, N.M Stat. Ann., 41‑4 à 12). Un nombre croissant d'États autorisent désormais le versement d'indemnités pour violation des droits consacrés par la constitution de l'État. Par exemple, dans l'affaire Brown c. State of New York, 89 N.Y.2ème 172, 652 N.Y.S.2ème 223 (1996), la Cour d'appel de New York a autorisé une action collective au nom d'environ 300 citoyens (des hommes non blancs) qui avaient été systématiquement arrêtés et interrogés par la police locale après qu'une femme âgée eut été agressée sous la menace d'un couteau. Comme la victime ne pouvait décrire son agresseur que comme un homme de type afro‑américain qui s'était peut‑être coupé la main au cours de l'agression, la police a interrogé tous les étudiants noirs inscrits dans les facultés locales du système universitaire de l'État et, en fin de compte, tout homme noir présent dans les environs. Les demandeurs ont fait valoir que cette opération de police répondait à des motivations raciales et ont fondé leurs plaintes sur les dispositions relatives à la protection égale garantie par la Constitution de l'État de New York, car New York n'est pas doté d'une loi analogue à la loi fédérale sur les droits civils. En se rangeant à leurs arguments, la Cour a déclaré :

          "L'État est à juste titre tenu responsable des actes de ses agents et employés parce qu'il est en mesure de prévenir leurs actes fautifs en les formant et en les contrôlant comme il convient et d'éviter qu'ils ne se répètent en licenciant les employés fautifs ou incompétents ou en prenant des mesures disciplinaires à leur encontre. Offrir un recours en matière de délits civils ou quasi-délits au regard de la Constitution ayant pour effet de priver des individus de leur droit à la liberté est le moyen le plus efficace de dissuader les policiers de commettre des fautes dans l'exercice de leurs fonctions..." Idem, 194, 196.

B.  Droits et recours supplémentaires prévus par la législation des États-Unis

277.   L'Alien Tort Claims Act.  La loi garantit le droit d'intenter une action civile à raison d'actes de torture commis en dehors du territoire des États-Unis. L'un des textes autorisant de telles actions, la loi de 1789 intitulée Alien Tort Claims Act, codifiée au tome 28 du Code des États‑Unis, art. 1350, constitue l'un des premiers efforts déployés pour offrir un recours judiciaire aux personnes dont les droits que leur reconnaît le droit international ont été violés. Cette loi stipule que "les tribunaux de district sont compétents en première instance pour connaître de toute action civile intentée par un étranger s'agissant uniquement d'un délit civil, ou quasi-délit, commis en violation du droit international ou d'un traité des États-Unis".

278.   Cette loi n'a été invoquée avec succès que deux fois au cours de ses deux premiers siècles d'existence. Par la suite, en 1980, la Cour d'appel de la deuxième circonscription judiciaire a rendu une décision essentielle dans l'affaire Filartiga c. Pena‑Irala, 630 F.2ème 774 (2ème Cir. 1980). Cette décision autorisait un citoyen paraguayen à intenter une action contre un ancien fonctionnaire paraguayen devant un tribunal fédéral pour des tortures commises sur la personne de son fils au Paraguay. La Cour a estimé que le fait pour des fonctionnaires de pratiquer la torture violait le droit international et pouvait donner lieu à une demande de réparation devant les tribunaux conformément à ladite loi. Depuis que cette décision a été rendue, plusieurs autres affaires ont permis d'analyser la portée de cette loi. Les avocats spécialisés dans la défense des droits de l'homme l'invoquent désormais régulièrement lorsqu'ils s'appuient sur les principes internationaux en matière de droits de l'homme devant les tribunaux américains.

279.   Seuls les étrangers (c'est‑à‑dire les non-ressortissants américains) peuvent intenter une action en vertu de l'Alien Tort Claims Act. La compétence des tribunaux de district pour connaître des plaintes fondées sur cette loi est limitée en outre par la prescription constitutionnelle selon laquelle le tribunal doit avoir une compétence personnelle à l'égard de l'individu accusé, c'est‑à‑dire que l'auteur présumé de la violation doit être présent dans son ressort ou soumis de quelque autre manière à sa juridiction.

280.   On peut citer parmi les exemples d'affaires récentes concernant des sévices commis en dehors du territoire les procès intentés au président autoproclamé de Bosnie‑Herzégovine (Kadić c. Karadžić, 70 F.3ème 232 (2ème Cir. 1995) et aux héritiers de l'ancien Président des Philippines (In Re Estate of Ferdinand E. Marcos, 25 F.3ème 1467 9ème Cir. 1994).

281.   Le Torture Victims Protection Act.  Les moyens de recours offerts par l'Alien Tort Claims Act ont récemment été complétés par la loi de 1992 intitulée Torture Victims Protection Act, Pub. L. 105‑256, 12 mars 1992, 106 Stat. 73 (tome 28 du Code des États-Unis, art. 1350, note). Si l'Alien Tort Claims Act n'offre de recours qu'aux nationaux étrangers, la loi de 1992 autorise tant les nationaux étrangers que les citoyens des États-Unis à réclamer des dommages‑intérêts à tout individu ayant commis des actes de torture ou des assassinats extrajudiciaires sous couvert d'une "autorité réelle ou apparente, ou de la loi de toute nation étrangère". Les deux lois diffèrent également par le fait que cette dernière ne permet d'intenter une action en réparation pour actes de torture ou d'assassinats extrajudiciaires qu'à l'encontre des fonctionnaires de gouvernements étrangers accusés d'en être les auteurs. Si seuls les étrangers peuvent intenter une action au titre de l'Alien Tort Claims Act, cette loi ne stipule pas expressément que l'auteur présumé doit être un fonctionnaire ou un étranger.

282.   Dans certaines affaires, le Gouvernement fédéral a adopté des systèmes légaux d'indemnisation de préjudices causés dans le passé à de larges catégories d'individus qui n'ont pas de motif individuel d'action en justice, même lorsque les circonstances n'ont pas donné lieu à des actes assimilables à des tortures au sens de la Convention. Ainsi, en vertu de l'article 105 de la loi de 1988 intitulée Civil Liberties Act, tome 50 du Code des États-Unis, App. art. 1989b‑4, les États-Unis ont accordé des réparations à des citoyens américains et des résidents permanents étrangers d'origine japonaise qui avaient été évacués de force, réinstallés et internés par le Gouvernement des États‑Unis au cours de la Seconde Guerre mondiale.

283.   Un appui supplémentaire à la réadaptation et au traitement des victimes de la torture a été fourni grâce à l'adoption de la loi intitulée Torture Victims Relief Act de 1998 (examinée plus haut), qui autorise diverses formes d'assistance aux victimes de la torture aux États-Unis et à l'étranger.

284.   Traitement et réadaptation.  Outre une indemnisation pécuniaire, les États devraient bien entendu prendre des mesures pour offrir d'autres formes de réparation aux victimes de la torture, notamment un traitement médical et psychiatrique.

285.   Les États-Unis sont depuis longtemps une terre d'asile pour les victimes de persécutions à l'étranger. Le fait est que beaucoup de personnes récemment arrivées sont des victimes de la torture. Selon certaines estimations, le nombre des réfugiés et bénéficiaires de l'asile dans ce cas qui vivent maintenant aux États‑Unis se situe entre 200 000 et 400 000. Diverses institutions privées se consacrent désormais aux États-Unis au traitement des victimes de la torture. Le Center for Victims of Torture de Minneapolis (Minnesota), créé en 1985, est le principal centre intégré de traitement des séquelles de la torture du pays. D'autres établissements existent, par exemple le Marjorie Kovler Center for the Treatment of Survivors of Torture à Chicago (Illinois), Survivors International à San Francisco (Californie) et d'autres centres situés à Boston (Massachusetts), Los Angeles (Californie), New York (New York) et Tucson (Arizona). En outre, un certain nombre d'écoles de médecine (par exemple la Harvard School of Public Health) mènent des recherches cliniques dans ce domaine. D'autres organisations non gouvernementales exercent aussi une activité en la matière, notamment OMCT/SOS‑Torture, Human Rights Watch, l'International Human Rights Law Group, le Lawyers Committee for Human Rights, la section des États-Unis d'Amnesty International et Médecins pour les droits de l'homme.

286.   Comme il est indiqué plus haut, en juillet 1999, les États-Unis avaient déjà versé plus de 12,6 millions de dollars au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture et ont été autorisés par le Congrès à verser une somme supplémentaire de 3 millions de dollars au Fonds pour l'exercice budgétaire 2000.

Article 15 : Déclarations faites sous la contrainte

287.   Le droit américain actuel contient des règles strictes concernant l'exclusion des déclarations faites sous la contrainte et l'irrecevabilité des éléments de preuve obtenus illégalement dans les procès pénaux. Ces règles sont plus strictes que celles prévues par l'article 15 de la Convention. Dans la pratique, ces règles tendent à fortement dissuader les membres des forces de l'ordre de commettre des actes de violence au cours des interrogatoires.

288.   Privilège constitutionnel.  Le cinquième amendement à la Constitution des États‑Unis prévoit que nul ne peut être contraint de témoigner contre lui‑même dans une affaire pénale. La protection prévue par le cinquième amendement ne s'applique que lorsque le témoin peut invoquer une crainte raisonnable de faire l'objet de poursuites pénales; Zicarelli c. New Jersey State Commission of Investigation, 406 U.S. 472, 480 (1972). Le cinquième amendement permet aussi à une personne de refuser de répondre à des questions posées par un fonctionnaire compétent dans toute procédure, qu'elle soit civile ou pénale, en bonne et due forme ou informelle, lorsque ses réponses pourraient le mettre en cause dans une future procédure pénale; Baxter c. Palmigiano, 425 U.S. 308, 316 (1976). Toutefois, la clause concernant le témoignage contre soi‑même prévue par le cinquième amendement ne s'applique pas aux poursuites engagées à l'étranger; United States c. Balsys, 524 U.S. 666, 118 S.Ct. 2218 (1998).

289.   Selon l'interprétation de la Cour suprême des États‑Unis, le cinquième amendement prescrit d'avertir les personnes gardées à vue notamment de leur droit de garder le silence et de bénéficier du concours d'un avocat et de leur indiquer que les déclarations qu'elles pourraient faire pourraient être utilisées contre elles devant les tribunaux. (Miranda c. Arizona, 384 U.S. 436 (1966)). Depuis 1964, ce privilège est applicable dans tous les États ainsi que sur le plan fédéral. (Malloy c. Hogan 378 U.S. 1 (1964).)

290.   Dans tous les États, un privilège semblable ou similaire (par exemple que nul ne peut être contraint "de témoigner contre lui‑même") est aussi reconnu comme principe de droit constitutionnel dans certains États, et ce privilège est réaffirmé dans des lois et des règlements judiciaires. Certains États, notamment le Connecticut, la Floride et l'Oregon, ont établi leurs propres règles "Miranda" sur la base de leur droit constitutionnel. La Cour suprême du Wyoming a reconnu un droit constitutionnel dans cet État de garder le silence en toutes circonstances (avant, durant et après l'arrestation ainsi qu'avant que les avertissements "Miranda" n'aient été donnés); voir Totolito c. State, 901 P.2ème 387 (WY 1995).

291.   Règle d'exclusion.  Si la déclaration d'un accusé est obtenue par des méthodes qui constituent une contrainte, la juridiction de jugement peut écarter une telle déclaration pour éviter une violation du cinquième amendement. En conséquence, une déclaration faite sous la contrainte à la suite d'un acte de torture sera probablement réputée irrecevable en tant qu'élément de preuve dans une instance pénale, à moins qu'elle ne soit utilisée contre une personne accusée de torture, et dans ce cas elle ne peut être recevable qu'à des fins limitées (par exemple comme preuve que la déclaration a été faite, mais non pour établir la véracité de la déclaration). Les fondements juridiques précis propres à permettre d'écarter des éléments de preuve peuvent varier en fonction des faits de l'espèce. Dans une instance pénale, une déclaration par laquelle un accusé s'accuse lui‑même peut être écartée si elle est le résultat d'aveux forcés, d'éléments de preuve obtenus illégalement, ou si elle constitue une violation de ses droits constitutionnels.

292.   Les aveux faits lors d'un interrogatoire pendant la garde à vue font l'objet de protections particulières très strictes contre tout témoignage contre soi‑même en application de l'arrêt Miranda c. Arizona, 384 U.S. 436 (1966), qui domine le droit en matière d'exclusion des preuves depuis plus de 30 ans. L'arrêt Miranda exige des mises en garde appropriées pour protéger les droits constitutionnels, notamment la notification du droit du suspect de garder le silence, que ses déclarations peuvent et seront utilisées contre lui devant les tribunaux, et de son droit de consulter un avocat et à ce que celui‑ci assiste à l'interrogatoire, et si le suspect ne dispose pas de moyens suffisants pour s'assurer le concours d'un avocat, celui‑ci peut être désigné d'office avant l'interrogatoire. La règle Miranda prescrit généralement l'exclusion de toute déclaration faite en violation de ses principes même lorsque aucune violation du cinquième amendement n'est établie.

293.   Ces droits peuvent naturellement faire l'objet d'une renonciation "volontaire" et "intelligente" par le suspect. Toutefois, des aveux obtenus en violation de ces prescriptions peuvent, selon la jurisprudence Miranda de la Cour suprême, être écartés comme éléments de preuve même si les aveux peuvent être considérés comme "volontaires". De longs débats judiciaires ont été consacrés à la question de savoir ce qui constitue un interrogatoire pendant la garde à vue, mais il a été estimé qu'il visait les paroles ou les actes qui à la connaissance de la police sont raisonnablement susceptibles de susciter des aveux ou une réponse du suspect le mettant en cause.

294.   Une déclaration obtenue sous la torture peut aussi être exclue comme constituant des aveux extrajudiciaires involontaires. Le caractère volontaire des aveux a depuis longtemps constitué une condition constitutionnelle de leur recevabilité aussi bien sur le plan fédéral que sur celui des États en vertu des cinquième et quatorzième amendements respectivement; voir Hopt c. Utah, 110 U.S. 574 (1884); (Brown c. Mississippi, 297 U.S. 278 (1936)) (une condamnation prononcée par un tribunal d'un État reposant sur des aveux extorqués par des actes de brutalité et de violence viole le droit de l'accusé à une procédure régulière garanti par le quatorzième amendement). Cette règle trouve aussi son expression dans le cinquième amendement et est applicable que des charges pénales aient été officiellement retenues ou non.

295.   Fouilles et saisies illégales.  Enfin, une déclaration recueillie sous la contrainte peut être jugée irrecevable si elle a été obtenue irrégulièrement ou illégalement. Cette règle est fondée sur l'interdiction prévue par le quatrième amendement des fouilles et détentions abusives et sur l'obligation de respecter une procédure régulière. Les éléments de preuve obtenus en violation du quatrième amendement doivent normalement être écartés dans l'acte d'accusation et les réquisitions. Cette règle, qui a été établie à l'égard de l'administration fédérale dans l'affaire Weeks c. United States, 232 U.S. 383 (1914), est devenue applicable dans les États à la suite de l'affaire Wolf c. Colorado, 338 U.S. 25 (1949). Dans l'affaire Mapp c. Ohio, 367 U.S. 643 (1961), cette règle a été considérée comme une partie essentielle des protections prévues par les cinquième et quatrième amendements.

296.   Un des meilleurs exemples connus de la règle d'exclusion des éléments de preuve est la décision rendue par la Cour suprême des États‑Unis dans l'affaire Rochin c. California, 342 U.S. 165 (1952), par laquelle la Cour a interdit l'utilisation d'éléments de preuve obtenus dans des conditions qui "choquent la conscience". Dans l'affaire Rochin, le recours à un lavage d'estomac sans mandat pour extraire deux comprimés de morphine qui avaient été avalés par une personne a été considéré comme une violation de la clause sur le respect d'une procédure régulière. Plus récemment, une cour d'appel de l'État de l'Ohio a considéré qu'il était contraire à la notion de la garantie d'une procédure régulière selon la Constitution fédérale et celle des États qu'un suspect violent soit enchaîné sur un lit d'hôpital pour être maintenu par six personnes pendant qu'un membre du personnel soignant prélevait un échantillon de sang; State c. Sisler, 114 Ohio App.3ème 337, 683 N.E.2ème 106 (2ème Dist. Clark Co. 1995).

297.   Le quatrième amendement, en vertu du quatorzième amendement, s'applique à tous les 50 États des États‑Unis et constitue une norme à laquelle aucune législation d'un État ne peut déroger. En outre, les constitutions des deux tiers des États ont sensiblement les mêmes interdictions concernant "les fouilles et les saisies"; de fait, le quatrième amendement de la Constitution des États‑Unis a été établi sur le modèle de l'article 14 de la Constitution du Massachusetts de 1780. Dans certains États, les protections constitutionnelles de "l'intimité de la vie privée" peuvent avoir le même but que le quatrième amendement ou même offrir une plus grande protection; voir par exemple Constitution de l'Alaska, art. 1er, par. 22; Constitution de la Californie, art. 1er, par. 13; Constitution du Montana, art. 2, par. 10. Comme il a déjà été indiqué, certains États ont des règles d'exclusion fondées sur le droit constitutionnel et des textes de loi, voir Duncan c. State, 278 Ala. 145, 176, So.2ème 849 (1965), Dolliver c. State, 598 N.E.2ème 525 (Ind. 1992), alors que d'autres n'ont pas établi leurs propres règles et doivent donc suivre la norme constitutionnelle fédérale, voir State c. Greer, 114 Ohio App.3ème 299, 683 N.E.2ème 82 (1996).

298.   Les aveux peuvent être aussi jugés irrecevables pour d'autres motifs, par exemple lorsque les agents participant à la garde à vue se sont abstenus de respecter les dispositions légales qui les obligent à traduire rapidement les personnes arrêtées devant des magistrats, par exemple, en application de la règle McNabb‑Mallory, ou sur la base du "fruit empoisonné" que constitue une arrestation ou une détention illégale; voir Wong Sun c. United States, 371 U.S. 471 (1963).

299.   Lorsqu'elles sont appliquées, ces règles d'irrecevabilité des éléments de preuve obtenus illégalement et des aveux extorqués sous la contrainte sont plus strictes que celles prévues par la Convention. Elles ne sont pas absolues, mais dans certaines circonstances le ministère public peut obliger un témoin à déposer, mais il ne peut utiliser la déposition faite sous la contrainte à l'encontre du témoin. La loi fédérale sur l'immunité (tome 18 du Code des États‑Unis, art. 6001 et suiv.) traite de la manière de concilier le droit du ministère public d'imposer l'obligation de témoigner devant les tribunaux dans certaines circonstances pressantes avec l'impossibilité matérielle d'utiliser ce témoignage dans une action pénale et le droit de la personne de garder le silence. Les lois des États prévoient aussi différents types d'immunité testimoniale ou transactionnelle.

300.   Lorsqu'une déclaration faite sous la torture est invoquée à l'encontre d'un tiers, la question peut se poser de savoir si le tiers a qualité pour soulever l'exception de l'illégalité des moyens utilisés pour obtenir un tel élément de preuve comme motif d'exclusion. Sur le plan pratique, des considérations concernant la garantie d'une procédure régulière et la fiabilité, ainsi que la règle de la preuve par "ouï-dire", tendent généralement à écarter ce genre de déclaration; voir Examen des rapports présentés par les États parties en vertu de l'article 40 du Pacte, rapport initial des États‑Unis d'Amérique, document des Nations Unies CCPR/C/81/Add.4 (1994) (Droit de confrontation).

Article 16 : Autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

301.   L'article 16 consacre une importante obligation des États parties à la Convention, qui s'engagent à interdire dans tout territoire sous leur juridiction d'autres actes constitutifs de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui ne sont pas des actes de torture. Les mesures spécifiques nécessaires pour donner effet à cet article sont les mesures prévues aux articles 10 à 13 : formation appropriée du personnel chargé de l'application des lois et des autres personnes qui peuvent intervenir dans la garde, l'interrogatoire ou le traitement des personnes arrêtées, détenues ou emprisonnées; surveillance des règles et pratiques en matière d'interrogatoire et de détention; conduite d'une enquête par les autorités de l'État; droit de porter plainte en vue de l'ouverture d'une enquête.

302.   Réserve formulée par les États‑Unis.  Les États‑Unis ont subordonné leur ratification à la réserve suivante :

"Les États‑Unis se considèrent liés par l'obligation, énoncée à l'article 16, d'interdire les 'peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants', pour autant que cette expression s'entend des traitements ou peines cruels, inhabituels et inhumains interdits par les cinquième, huitième et/ou quatorzième amendements à la Constitution des États‑Unis."

303.   La portée et le motif de cette réserve ont suscité certaines interrogations. De l'avis des États‑Unis, s'il était nécessaire de limiter leurs engagements au titre de l'article 16, c'est essentiellement parce que le sens de l'expression "traitement dégradant" est au mieux vague et ambigu. Un sujet de préoccupation spécifique concernait la portée éventuellement considérable des obligations souscrites par le Gouvernement en vertu de cet article, compte tenu, en particulier, des contraintes imposées par le caractère fédéral du système des États‑Unis et des restrictions résultant de la doctrine des "actes d'un État".

304.   Constitution fédérale.  Comme il est indiqué plus haut, la Constitution fédérale a été amendée et interprétée de manière à offrir d'importantes garanties contre les châtiments cruels et inhumains, et ces garanties visent une large part des comportements et des pratiques auxquels s'applique en fait l'article 16.

305.   Constitutions des États.  Les constitutions de près de 30 des États de l'Union utilisent une terminologie identique à celle de la Constitution fédérale; 21 emploient les termes "cruel ou inhabituel", mais 6 seulement n'emploient que le mot "cruel"; le Maryland emploie les deux. Telles qu'elles ont été interprétées, les interdictions formulées dans les constitutions des États contre les peines cruelles et/ou inhabituelles s'appliquent aux condamnations à des peines "fortement disproportionnées", ainsi qu'aux peines qui vont au‑delà de tout objectif pénal légitime (Workman c. Commonwealth, 429 S.W. 2ème 374 (KY 1968)), Steeno c. State, 85 Wisc.2ème 663, 271 N.W.2ème 396 (Wisc. 1978), et aux conditions dans un établissement pénitentiaire relevant d'un comté (Commonwealth ex. rel. Bryant c. Hendrick, 444 Pa. 83, 280 A.2ème 110 (Penna. 1971)).

          Les problèmes qui se posent à propos de l'article 16 sont notamment les suivants :

306.   Brutalités policières.  L'usage excessif de la force par les agents chargés de l'application des lois équivaut à une violation aussi bien de la Constitution que de la législation fédérale. Il constitue également une violation de la législation de l'État où l'acte a été commis. Tant la législation fédérale que la législation des États offrent aux victimes de tels abus plusieurs moyens de demander réparation, y compris des mesures de réadaptation, ainsi que des moyens de faire sanctionner ceux qui ont fait un usage excessif de la force.

307.   Bien que les garanties offertes par le huitième amendement contre les châtiments cruels et inhabituels ne s'appliquent qu'aux personnes qui sont passibles d'une "peine" au sens de l'amendement, le quatrième amendement protège tout individu contre toute atteinte non motivée à l'intégrité et à la sécurité physiques de sa personne. Dans l'affaire Graham c. Connor, 490 U.S. 386 (1989), la Cour suprême des États-Unis a estimé que la plainte d'une personne appréhendée alléguant que les agents qui avaient procédé à son arrestation avaient fait un usage excessif de la force ayant entraîné une blessure ou un décès, entrait dans le champ d'application du quatrième amendement : "Toutes les allégations faisant état d'un usage excessif de la force ‑ ayant ou non entraîné la mort ‑ par des agents chargés de l'application des lois – à l'occasion d'une arrestation, d'un contrôle ou de tout autre "interpellation" visant un libre citoyen ne devraient pas être analysées à la lumière du quatrième amendement et du "principe qui y est énoncé du droit à des garanties contre les actions non motivées, plutôt que dans le contexte du droit fondamental à une procédure régulière". Id., 395. Le fait d'employer une force excessive pour procéder à une arrestation peut violer le droit établi par le quatrième amendement, même s'il existe des motifs raisonnables et suffisants de procéder à l'arrestation. Tennessee c. Garner, 471 U.S.1 (1985).

308.   La législation sur les droits civils offre également un motif de porter plainte en cas de brutalités policières présumées. Par exemple, dans l'affaire Chew c. Gates, 27 F.3ème 1432 (9ème Cir. 1994), demande d'ordonnance de certiorari rejetée, 513 U.S. 1148 (1995), une personne ayant fait l'objet d'une arrestation a intenté, en vertu de l'article 1983, une action contre la ville de Los Angeles, le chef de la police de la ville et différents fonctionnaires de police; elle affirmait avoir été victime d'une violation de ses droits constitutionnels, un chien policier l'ayant blessée au cours de son arrestation. Le tribunal fédéral de première instance a statué en référé en faveur du défendeur, exonérant les fonctionnaires et la ville de toute faute et responsabilité; cependant, la décision a ensuite été infirmée en appel, et la ville a finalement transigé en versant une somme de 100 000 dollars.

309.   La situation dans les prisons.  Bien que bon nombre d'établissements pénitentiaires du pays soient relativement neufs, beaucoup ne le sont pas, et presque tous ont dû faire face ces dernières années aux pressions résultant du surpeuplement et du manque de moyens financiers. La situation dans les prisons américaines continue donc de susciter des inquiétudes.

310.   Le complexe pénitentiaire du district de Columbia, à Lorton dans l'État de Virginie, et surtout la plus grande unité du complexe, la prison de moyenne sécurité d'Occoquan, en sont un exemple. Plusieurs actions ont été intentées par des détenus devant le tribunal fédéral au sujet des conditions dans divers quartiers de l'établissement, notamment au sujet d'actes de harcèlement sexuel et de l'insuffisance des soins médicaux. Voir, notamment, Women Prisoners c. District of Columbia, 968 F.Supp.744 (D.D.C. 1997).

311.   Diverses organisations non gouvernementales exécutent des projets visant à révéler au grand jour les conditions dangereuses, insalubres et précaires observées dans les prisons centrales et maisons d'arrêt du pays. Par exemple, dans le cadre de son projet "Prisons", l'American Civil Liberty Union intente des actions en justice contre l'administration pénitentiaire afin de mettre en question la situation dans les prisons et d'y porter remède.

312.   D'autres groupes non gouvernementaux ont décrit les conditions de détention dans les établissements de McConnell, Michael et Robertson au Texas; dans la maison d'arrêt du comté de Dade, à Miami, en Floride; dans l'établissement de sécurité du comté d'Onondage à Syracuse, État de New York et dans les locaux de la prison de femmes de Géorgie. La Division des droits civils du Département fédéral de la justice a procédé à une enquête sur la situation dans l'établissement de Syracuse (État de New York) et a adressé au comté, en octobre 1994, une lettre faisant état de violations des droits constitutionnels. Il a été mis fin à l'enquête en avril 1997, le comté ayant effectué les réformes nécessaires.

313.   Le Département fédéral de la justice joue un rôle central en ce qui concerne la protection des droits des détenus dans tout le pays. Il peut agir en justice et faire remédier à la situation à la suite d'une ordonnance judiciaire ou d'un règlement négocié. Il peut aussi procéder à une enquête et publier ses constatations, qui amènent souvent les organes compétents à prendre les mesures correctives nécessaires, mais peuvent être aussi le prologue d'une action en justice.

314.   D'autres jugements d'expédient et d'autres règlements récents visaient la situation dans la prison pour hommes de l'État de Montana; les établissements du territoire de Guam et du Commonwealth des Îles Mariannes septentrionales; et les maisons d'arrêt des comtés de Maricopa (Phoenix) et de Gila, dans l'Arizona, et des comtés de Clay et Doody en Géorgie. D'autres constatations, de date récente, mais qui n'ont pas, à ce jour, donné lieu à une action en justice, concernent la situation dans les maisons d'arrêt du comté de Los Angeles en Californie; dans la maison d'arrêt du comté de Black Hawk, dans l'Iowa; et dans le centre de détention du Nevada, à Reno (comté de Clark).

315.   Isolement et séparation.  En règle générale, les détenus condamnés ne peuvent faire l'objet de mesures spéciales de sécurité, telles que l'isolement ou la séparation du reste de la population carcérale et être placés dans des cellules de construction spéciale, que dans un nombre restreint de cas. De telles mesures peuvent être appliquées pour des raisons disciplinaires ou afin d'assurer la sûreté et la sécurité des détenus et du personnel pénitentiaire, ainsi que du public. Le régime de réclusion, y compris l'isolement, ne doit violer ni les prescriptions du huitième amendement interdisant les châtiments cruels ou inhabituels, ni les droits du détenu, consacrés par les cinquième et quatorzième amendements, à une procédure régulière et à l'accès aux instances judiciaires. Les décisions administratives concernant le placement d'un détenu à l'isolement peuvent être contestées devant les tribunaux au moyen d'un recours en habeas corpus, voir Presier c. Rodrigues (411 U. S. 475 (1973)) ou au titre de l'article 1983, voir Hech c. Humphrey (512 U.S. 477 (1994)); voir aussi Brown c. Plant (131 F.3 d) 163 (D.C. Cir. 1997) (où il a été estimé qu'une action pouvait être intentée en vertu de l'article 1983 à raison de dommages résultant d'une décision de soumettre un détenu au régime de l'isolement administratif sans tenir compte de son droit à une procédure régulière).

316.   Aux États-Unis, tous les systèmes pénitentiaires soumettent le comportement des détenus à des codes de conduite qui prévoient l'application de sanctions disciplinaires au cas où le détenu enfreint le code. Ces règlements disciplinaires sont indispensables pour assurer la sécurité et le bon fonctionnement des institutions. Les détenus reçoivent un exemplaire du Code de conduite à leur arrivée dans l'établissement. Le processus disciplinaire relève des rouages administratifs internes mais doit comporter d'importantes sauvegardes constitutionnelles pour éviter que les détenus puissent être sanctionnés sans avoir eu droit à une procédure régulière.

317.   Comme la Cour suprême des États-Unis l'a déclaré dans l'affaire Wolff c. McDonnell, 418 U.S. 539 (1974), "Bien que ces droits puissent être restreints par les nécessités et les exigences du milieu carcéral, un détenu n'est pas entièrement privé de protections constitutionnelles quand il est incarcéré pour une infraction pénale". Dans cette affaire, la Cour a reconnu le droit du détenu à une procédure régulière avant l'application de mesures disciplinaires.

318.   De même, un tribunal fédéral de première instance a conclu que la situation dans le quartier spécial de la prison de l'État de Californie de Pelican Bay constituait un châtiment cruel et inhabituel pour les membres de la population carcérale atteints de maladie mentale (Madrid c. Gomez , 889 F. Supp. 1146 (N. D. Cal. 1995)). Cette affaire faisait suite à une action collective intentée au titre de l'article 1983 par des détenus qui contestaient leur régime de détention. La Cour a constaté un recours systématique à une force excessive (comportant notamment des voies de fait, des passages à tabac et la réclusion dans des cages situées à l'extérieur par mauvais temps) qui constituait une violation des prescriptions du huitième amendement interdisant un recours excessif à la force, ainsi que des déficiences systématiques dans les soins médicaux et les soins de santé mentale, et diverses violations du droit à une procédure régulière, notamment en ce qui concerne les méthodes employées pour décider du transfert des détenus au quartier spécial.

319.   Violences sexuelles contre des femmes détenues.  La législation fédérale interdit tout comportement de caractère sexuel entre le personnel pénitentiaire et les détenus hommes ou femmes (voir tome 18 du Code des États-Unis, art. 2241‑44). La plupart des États ont des règles analogues. Les directives du Bureau fédéral des prisons (qui figurent sous la rubrique 5324.02, sévices et violences sexuels – programmes de prévention et d'intervention) ont pour but de prévenir les violences sexuelles contre les détenus en assurant la sécurité et le traitement des victimes de sévices et en sanctionnant et en poursuivant les responsables de sévices commis contre des détenus. Dans le cadre du programme annuel de formation et de recyclage de 1998, tous les agents du Bureau fédéral des prisons sont tenus de participer à un cours sur les relations entre le personnel pénitentiaire et les détenus. Les agents recevront une formation qui les aidera à reconnaître les signes physiques, comportementaux et affectifs révélateurs de sévices sexuels, à comprendre le processus d'orientation à engager en cas de sévices sexuels et à avoir une vue plus claire des techniques de prévention et d'intervention.

320.   L'Institut national des établissements pénitentiaires dispense une formation et des conseils aux administrateurs des prisons et maisons d'arrêt des États et des collectivités locales pour les aider à mettre en place des installations efficaces, humaines et conformes aux normes constitutionnelles. Il finance également, à la demande des États, des projets d'assistance technique dans des domaines comme les programmes à l'intention des délinquants sexuels et les stratégies de prévention et d'intervention visant à combattre les sévices sexuels dans les prisons. Dans le cadre de son programme d'agréments, l'Association américaine de science pénitentiaire publie des normes en matière de formation et de réglementation.

321.   Malgré une réglementation claire et stricte destinée à combattre de tels abus, les mauvais traitements infligés à des détenues par des gardiens, divers membres du personnel et d'autres prisonniers continuent de faire l'objet de nombreuses plaintes de la part de détenues et d'organisations non gouvernementales. Il n'y a malheureusement pas de statistiques fiables. Néanmoins, bien qu'il ne semble pas s'agir d'un phénomène endémique, des preuves empiriques révèlent l'existence d'un problème qui doit continuer de mobiliser notre attention et nos efforts. Voir par exemple, Human Rights Watch : "Une histoire beaucoup trop banale : les sévices sexuels contre les femmes dans les prisons locales des États aux États-Unis" (1996) (où il est dit que des agents de sexe masculin d'administrations pénitentiaires des États se seraient rendu coupables de viols, d'agressions sexuelles et autres types de sévices contre des détenues ainsi que d'autres actes inconvenants tels que les fouilles par palpation accompagnées d'attouchements, les propos constituant un harcèlement verbal et des soins de santé inadéquats).

322.   Ces allégations donnent systématiquement lieu à une enquête de la part du Département fédéral de la justice. Comme il est indiqué plus haut, la Division des droits civils du Département a intenté une action, en 1997, contre les États d'Arizona et du Michigan au motif que des femmes détenues dans des prisons administrées par l'État auraient fait l'objet d'atteintes illégales à leur vie privée et de violences sexuelles de la part de gardiens de la prison. Ces pratiques ont également fait l'objet d'actions intentées par des détenues. Par exemple, dans l'affaire Jordan c. Gardner, 986 F.2d 1521 (9ème Cir.1993), la prison de femmes de l'État de Washington a été sommée de renoncer à faire exécuter des fouilles ponctuelles par des gardiens de sexe masculin sur des prisonnières tout habillées, sans raisons d'urgence ni soupçons spéciaux. De plus, des détenues du district de Colombia ont obtenu gain de cause après avoir intenté une action collective, au motif que les autorités violaient le huitième amendement, notamment, en tolérant et en commettant des agressions physiques, des actes de harcèlement sexuel et des actes constituant une atteinte à l'intimité physique. Women Prisoners c. District de Colombia, 968 F.sup.744 (D.D.C. 1997).

323.   Mineurs en détention.  Des inquiétudes sont souvent exprimées au sujet des conditions dans lesquelles des mineurs (c'est-à-dire des personnes âgées de moins de 18 ans) sont détenus dans les prisons centrales et maisons d'arrêt. Dans l'ensemble, les systèmes pénitentiaires existant aux États‑Unis sont administrés conformément aux normes pertinentes, et les États‑Unis suivent les règles et recommandations de l'ONU. D'après la législation fédérale, les mineurs doivent être séparés des délinquants adultes, sans possibilité de contacts visuels ou acoustiques. On trouvera de plus amples détails dans le rapport intitulé "Juveniles in Federal Custody" publié en 1997 par le Bureau de la justice pour mineurs et de la prévention de la délinquance des mineurs, du Département fédéral de la justice.

324.   Bien que la pratique et la politique générale consistent à séparer les délinquants mineurs des adultes et à leur accorder un traitement adapté à leur âge et à leur statut (voir art. 10.3 du Pacte relatif aux droits civils et politiques), en fait cela n'est pas toujours possible en raison du surpeuplement, du manque de financement et d'autres obstacles.

325.   Plusieurs lois autorisent le Département de la justice à intenter une action quant il constate que des délinquants mineurs, en violation de la Constitution ou de la législation fédérales, ne bénéficient pas d'un traitement adapté à leur âge et à leur statut. C'est ainsi que l'Administration fédérale a engagé des actions en justice au sujet de la situation dans des établissements pour mineurs de Géorgie, du Kentucky, de Porto Rico, du Comté d'Essex, (New Jersey) et de Louisiane, et des arrangements ont été conclus avec la Géorgie, le Kentucky, Porto Rico et le Comté d'Essex. L'Attorney General des États‑Unis a adressé à chaque Attorney General des États le texte de l'arrangement conclu avec la Géorgie qui constitue un modèle de bonnes pratiques sur la conduite à suivre pour répondre aux besoins des délinquants mineurs incarcérés.

326.   Le Service de l'immigration et de la naturalisation (INS) a accordé une attention particulière à l'hébergement des étrangers mineurs. L'INS s'efforce de faire en sorte que tous les membres de son personnel qui entrent en contact avec des mineurs reçoivent une formation qui les initie aux besoins spéciaux des jeunes. L'INS a pour principe de toujours placer le délinquant mineur dans l'environnement le moins contraignant possible, compte tenu de l'âge et des besoins spéciaux du mineur et de la nécessité de protéger le bien-être du mineur et celui d'autrui. L'INS s'attache tout particulièrement à placer les mineurs dans des établissements agréés par l'État et à même de pourvoir à leurs besoins en matière de santé, d'éducation et de loisirs.

327.   Sévices à l'encontre des personnes placées en institution.  Conformément aux Civil Rights of Institutionalized Persons Act (CRIPA), (42 U.S.C. art. 1997 e)), le Département fédéral de la justice est autorisé à enquêter sur les établissements publics (prisons centrales, maisons d'arrêt, foyers et institutions pour déficients ou malades mentaux) où l'on peut penser que sont retenues des personnes privées de leurs droits constitutionnels. Le Département s'acquitte de cette fonction par l'intermédiaire de sa Division des droits civils, et celle‑ci avait engagé, sur la base de la loi précitée, au 1er juin 1999, des actions portant sur quelque 340 établissements, qui avaient abouti à près d'une centaine de jugements d'expédient concernant le régime applicable dans 200 établissements environ.

328.   De manière générale, ces enquêtes et ces jugements d'expédient concernent essentiellement la protection contre les sévices et les comportements dommageables, la prestation de soins médicaux et psychiatriques satisfaisants, la mise en place de bonnes conditions sanitaires et une protection adéquate contre le risque d'incendie. Par exemple, en 1997, la Division des droits civils a accepté avec des établissements du Wisconsin et du Tennessee des jugements d'expédient portant sur les soins médicaux à fournir par ces établissements sur l'emploi de moyens de contention et sur l'administration de médicaments psychotropes aux déficients mentaux. La même année, la Division a conclu avec la prison d'État du Montana, contre laquelle elle avait engagé une action judiciaire, un accord destiné à assurer aux détenus vulnérables une protection contre les détenus agressifs.

329.   D'autres dispositions légales peuvent être invoquées pour assurer la protection voulue. Dans l'affaire Coleman c. Wilson, 912 F. Supp. 1282 (E.D. Cal. 1995), par exemple, un juge fédéral a conclu que les politiques et pratiques suivies en matière de soins de santé mentale dans la plupart des établissements de l'administration pénitentiaire de Californie étaient à ce point inadéquates qu'elles constituaient une violation du Federal Rehabilitation Act, 29 U.S.C. art. 794, ainsi que du huitième amendement.

330.   Détenus handicapés.  Outre la loi sur la réadaptation (Rehabilitation Act), le Federal Americans with Disabilities Act de 1990, 42 U.S.C. art. 12101, a été invoqué pour interdire aux établissements pénitentiaires des États de procéder à des discriminations à l'encontre des détenus handicapés. Yeskey c. Com. Of Pa. Dept. Of Corrections, 118 F.3d (3ème Cir. 1997), décision confirmée, Pennsylvania Department of Corrections et al. c. Yeskey, 524 U.S. 206, 118 S.Ct.1952 (1998).

331.   Castration des délinquants sexuels récidivistes.  L'efficacité de la castration comme méthode de prévention des infractions de caractère sexuel, plus particulièrement s'il n'y en avait pas eu lors de l'infraction précédente de pénétration, est un sujet très controversé aux États‑Unis. En août 1996, l'État de Californie a été le premier État à exiger que les auteurs récidivistes d'agressions sexuelles contre des enfants fassent l'objet d'une castration chimique ou chirurgicale avant leur libération de prison. (Voir le Code pénal californien, art. 645 b)). Aux termes de la nouvelle loi, qui s'applique aux personnes condamnées après le 1er janvier 1997, tout individu de sexe masculin ou féminin, qui a été reconnu coupable de deux agressions sexuelles commises contre des mineurs doit, à moins d'opter pour la castration chirurgicale, accepter que lui soit administré durant la semaine précédant sa libération conditionnelle un médicament inhibiteur de ses pulsions sexuelles. Le Montana et la Géorgie ont adopté une législation analogue, et des projets de loi ont été examinés ou sont à l'étude dans au moins dix autres États, notamment ceux de Floride, du Massachusetts, du Missouri, du Texas et du Wisconsin.

332.   La castration forcée a été jugée illégale par les cours suprêmes du Michigan et du Montana et des critiques ont vu dans ces propositions une violation du huitième amendement et du droit à une procédure régulière. Le recours aux médicaments inhibiteurs de la pulsion sexuelle a été défendu comme un mode de traitement sûr et efficace des récidivistes, compte tenu en particulier des résultats obtenus dans divers pays européens.

333.   La législation d'autres États permet aux autorités de l'État d'imposer, à l'issue de l'incarcération, l'internement civil des délinquants sexuellement violents s'il est établi que le délinquant constitue un danger pour la communauté, et cela même après qu'il a accompli sa peine d'emprisonnement. Voir Kansas c. Hendricks, (521 U.S. 346, 117 S.Ct. 2072 (1997)).

334.   Groupes de prisonniers enchaînés (chain gangs).  En mai 1995, l'État d'Alabama a rétabli la pratique des "chain gangs", qui consiste à faire travailler enchaînés des groupes de détenus condamnés à une infraction majeure incarcérés dans le système pénitentiaire de l'État (les chevilles et les poignets du détenu sont entravés afin d'empêcher son évasion, d'où l'appellation de "chain gangs"). Cette pratique a également été adoptée l'année suivante pour les femmes dans le comté de Maricopa, (Arizona), où des équipes de détenues sont employées, sous la surveillance de gardes armées, à des travaux de désherbage ou à des tâches analogues le long d'artères fréquentées. Cette pratique a également cours en Floride, dans l'Iowa et dans le Wisconsin. Voir Amnesty International, "la Floride rétablit le port des chaînes pour les détenus" (janvier 1996).

335.   Expériences médicales et scientifiques réalisées sans le consentement des patients.  Le consentement donné en connaissance de cause est le fondement de la pratique suivie par les autorités américaines en matière d'expériences médicales et scientifiques. En 1991, le Gouvernement fédéral a adopté une directive officielle pour la protection des êtres humains participant à des recherches conduites, financées ou contrôlées par l'une des 17 agences fédérales compétentes. La directive figure au 45 C.F.R., titre 46. Les recherches entrant dans le champ d'application de ces règlements doivent être supervisées par une commission institutionnelle de contrôle composée d'experts connaissant bien la discipline en question et d'au moins un membre autre qu'un scientifique et d'un membre n'ayant aucune affiliation avec l'institution concernée. La Commission institutionnelle de contrôle doit examiner et approuver tous les documents relatifs aux recherches et au consentement donné en connaissance de cause. La Commission consultative nationale de bioéthique étudie actuellement l'efficacité de ces garanties, ainsi que d'autres questions pertinentes, par exemple la question des recherches conduites avec la participation de personnes ayant une capacité diminuée.

336.   Conformément aux dispositions du 45 C.F.R., titre 46, le Département de la justice a publié des règlements concernant la protection des êtres humains (voir 28 C.F.R., titre 46). Sur la base de ce document, le Bureau fédéral des prisons a publié ses propres règlements en matière de recherche (voir 28 C.F.R., titre 512).

337.   Des allégations ont été néanmoins formulées au sujet de violations de la règle du consentement donné en connaissance de cause. La plupart concernent des cas antérieurs à l'adoption de la Federal Policy for the Protection of Human Subjects.

338.   Des inquiétudes ont été exprimées au sujet des essais d'armes nucléaires dans l'atmosphère effectués par les autorités américaines entre 1951 et 1962 dans le Nevada. À la suite d'informations récemment publiées au sujet de ces programmes d'essais, l'idée que des soldats et des civils ont pu être exposés à de fortes doses de radioactivité a encore renforcé ces craintes. Le personnel militaire peut réclamer une indemnité dans le cadre d'une procédure en reconnaissance d'invalidité relevant de l'administration des anciens combattants ou au titre du Federal Radiation Exposure Compensation Act de 1990, 42 U.S.C. art. 2210.

339.   Des préoccupations particulières ont été exprimées au sujet de l'exposition de millions d'enfants à des doses nocives d'iode radioactif présentes, plus spécialement dans du lait contaminé, au cours de la campagne d'essais atmosphériques des années 50 et 60. Les enquêtes de l'Institut national du cancer (ordonnées initialement en 1982 par le Congrès des États‑Unis) n'ont cependant pas pu établir l'existence d'un lien statistique entre les essais et le risque accru de cancer de la thyroïde, qui reste une maladie relativement rare.

340.   Des inquiétudes ont aussi été exprimées au sujet d'autres recherches conduites de 1944 à 1974 sous le patronage du Gouvernement et avec la participation d'êtres humains. Ces travaux, étudiés et passés en revue par le Comité fédéral consultatif sur les expériences d'irradiation de l'être humain puis décrits dans son rapport final de 1995, comportaient des expériences telles que l'administration de plutonium radioactif à 18 personnes sans consentement donné en connaissance de cause. Le Comité a dénombré plusieurs milliers d'expériences d'irradiation d'êtres humains, qui n'impliquaient dans la plupart des cas que l'administration de "traceurs" radioactifs analogues à ceux utilisés couramment dans la recherche contemporaine. Certaines comportaient cependant des risques pouvant affecter le sujet toute sa vie durant. Le Comité a conclu que le Gouvernement n'avait pas pris, dans l'ensemble, de mesures efficaces en application de ses propres règles et principes de précaution, et il a recommandé des mesures offrant des garanties appropriées dans les projets futurs. À la suite de cette étude, le Gouvernement fédéral a versé des indemnités d'un montant de 4,8 millions de dollars environ.

341.   Lors de l'"étude syphilographique de Tuskegee", 400 malades noirs de sexe masculin atteints de la syphilis ont été délibérément privés de tout traitement médical pour permettre à des scientifiques de suivre l'évolution de la maladie. L'étude a pris fin en 1972, trois mois après avoir été portée à l'attention du pays par la presse. Le Président a présenté des excuses pour ce programme et une indemnité a été proposée aux victimes.

342.   La question du consentement donné en connaissance de cause par un représentant légalement habilité, autorisant des mineurs et des handicapés mentaux à participer à des projets de recherche sur les maladies mentales et pédiatriques a tout particulièrement retenu l'attention des milieux médicaux et scientifiques. En décembre 1996, une cour d'appel de l'État de New York a déclaré nul un règlement permettant à des subrogés tuteurs de donner leur consentement à certaines expériences au nom d'enfants mineurs et de personnes incapables de donner elles‑mêmes leur consentement qui séjournaient dans des établissements de santé mentale relevant de l'État. La cour a décidé que l'office de santé mentale de l'État de New York n'avait pas compétence pour promulguer des règlements applicables à des recherches effectuées sur des êtres humains et a dit que le règlement violait les garanties du droit à une procédure équitable découlant aussi bien de la Constitution fédérale et de la Constitution de l'État que du principe de common law relatif au respect de la vie privée. Voir T.D. c. New York State Office of Mental Health, 228 A.D.2d 95 (N.Y. App. Div. 1er Dept.). Le 22 décembre 1997, la juridiction suprême de l'État de New York (la New York Court of Appeals) a estimé que la Division des appels avait émis un avis consultatif inapproprié concernant la constitutionnalité du règlement. (T.D. c. New York State Office of Mental Health, No 252, op. ind. p. 2 (N. Y. 1997)). Les autorités de l'État ont mis en place un comité consultatif chargé de les aider à élaborer un nouveau règlement.

343.   Dans quelques cas récents, les procédures prescrites pour obtenir le consentement préalable donné en connaissance de cause ont été effectivement suivies mais ont été jugées insuffisantes et susceptibles d'amélioration compte tenu de l'enquête approfondie dont le projet de recherche a fait l'objet de la part de la Commission institutionnelle de contrôle, ou au vu des informations figurant dans le consentement préalable. Par exemple, l'Institut neuropsychiatrique de l'Université de Californie de Los Angeles a effectué de 1988 à 1994 des recherches au cours desquelles des schizophrènes ont été privés de leurs médicaments sans avoir donné leur consentement en connaissance de cause. En 1994, à l'Université de Pittsburgh, dans le cadre du projet national sur les traitements d'appoint en chirurgie du sein et de l'intestin, il a été procédé à des recherches avec administration de tamoxifène à des patientes qui risquaient de développer un cancer du sein mais qui n'avaient pas été pleinement averties des risques liés à l'utilisation de cette substance.

344.   Immigrants clandestins en rétention.  Ces dernières années, le nombre d'immigrants en situation irrégulière a beaucoup augmenté aux États-Unis. Quand ils sont arrêtés, ceux qui tentent d'entrer ou ont réussi à entrer clandestinement dans le pays sont généralement retenus en attendant qu'il soit statué sur leur cas conformément à la législation sur l'immigration et la naturalisation. Le Service de l'immigration et de la naturalisation (INS) a accordé beaucoup d'attention aux conditions dans lesquelles sont retenus les étrangers qui attendent l'issue des procédures d'immigration. Au cours des années, l'INS s'est attaché à élaborer en matière de rétention des étrangers un ensemble complet de règles qui apportent une solution à la plupart des aspects jugés problématiques pour les personnes hébergées dans les centres de l'INS. Il a en outre suivi de près les conditions d'hébergement des personnes dont il a la garde et qui sont retenues dans des établissements relevant des États et des collectivités locales. Il inspecte régulièrement ces établissements et tente de faire en sorte qu'ils respectent ou dépassent les normes prescrites dans son programme d'inspection des maisons d'arrêt, normes qui sont elles‑mêmes en cours de révision. Des fonctionnaires de l'INS ont également engagé des discussions avec des représentants du Département de la justice et de l'Amiral Bar Association et des membres de l'administration des États et des collectivités locales afin de les mettre au courant des efforts déployés sans relâche par l'INS pour surveiller et améliorer les conditions de détention.

345.   Les modifications récemment apportées à la législation, notamment l'Illegal Immigration Reform and Immigrant Responsibility Act de 1996 (Pub. L. No 104-208, 110 Stat. 3546 (30 septembre 1996)), rendent obligatoire la rétention administrative d'un nombre accru de catégories d'étrangers, y compris de certains demandeurs d'asile et d'étrangers ayant un casier judiciaire, dans l'attente de la décision à prendre sur leur dossier. Il en est résulté une sensible augmentation du nombre de personnes retenues, qui était d'environ 16 300 à la fin de 1998.

346.   Le nombre des plaintes concernant le traitement des personnes retenues et leurs conditions de détention a augmenté dans des proportions analogues. Un grand nombre de personnes retenues restent sous la garde de l'INS et sont hébergées dans de grands centres fédéraux de rétention comme le Centre de Krome en Floride. Cependant, étant donné le surpeuplement de ces établissements fédéraux, l'INS a conclu des arrangements confiant la garde de beaucoup d'immigrants clandestins à des maisons d'arrêt relevant d'États, de comtés et de collectivités locales, ainsi qu'à des centres administrés par le secteur privé dans le cadre d'arrangements contractuels conclu avec des entités comme la Corrections Corporation of America (CCA).

347.   Les plaintes concernent le surpeuplement, l'état rudimentaire et le manque de sécurité des locaux, le manque de soins médicaux et dentaires adéquats, le fait que des demandeurs d'asile sont classés sans justification dans la catégorie des détenus à haut risque, les difficultés d'accès à un avocat et à une documentation juridique, et l'absence de programmes appropriés d'activités de loisir.

348.   Par exemple, les 18 et 19 juin 1995, une émeute de détenus relevant de l'INS a eu lieu dans un centre de rétention administré par un organisme privé, à Elizabeth (État du New Jersey) après plusieurs mois de plaintes concernant des sévices physiques et psychologiques, des difficultés d'accès au réseau téléphonique, l'infestation par les insectes, la mauvaise qualité de la nourriture et autres conditions inappropriées. Un procès civil intenté par les détenus contre l'INS et son sous‑traitant (ESMOR/Correctional Services Company) est pendant devant le Tribunal fédéral de première instance de Newark, New Jersey (Civ. No 97‑3093), et la plainte est essentiellement fondée sur des violations présumées du droit international coutumier. La société pénitentiaire privée fait en outre l'objet d'une action pénale.

349.   Peine capitale.  La question de la peine capitale reste un problème d'une grande importance et fait l'objet d'un vif débat public aux États-Unis. Une majorité d'hommes et de femmes, dans une majorité d'États, ainsi que dans l'ensemble du pays, a choisi par l'intermédiaire de ses représentants élus de s'assurer la possibilité de recourir à la peine capitale pour les crimes les plus graves.

350.   Réserve des États-Unis.  La peine capitale est actuellement autorisée dans 38 États et par le Gouvernement fédéral; 12 États et le district de Columbia n'appliquent pas la peine de mort. Dans les États qui autorisent la peine capitale, elle ne peut être infligée que pour les crimes les plus graves (essentiellement homicide volontaire avec circonstances aggravantes), sous réserve de procédures rigoureuses destinées à protéger les droits de l'accusé à une procédure régulière (y compris une audience séparée pour la détermination de la peine, au cours de laquelle aussi bien les circonstances aggravantes que les circonstances atténuantes doivent être mises en balance).

351.   En partie parce que les critiques de la peine capitale considèrent que cette sanction est, par sa nature même, cruelle et inhumaine, et parce que de nombreux abolitionnistes estiment que certaines méthodes d'exécution sont également inacceptables, les États-Unis ont subordonné leur ratification de la Convention à la réserve rappelée à l'annexe I, qui limite les obligations assumées par les États-Unis en vertu de l'article 16 aux interdictions des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants au sens des cinquième, huitième et/ou quatorzième amendements. Cette réserve a l'effet recherché, qui est de laisser l'importante question de la peine capitale à l'appréciation des mécanismes politiques, législatifs et judiciaires internes. Le fait que l'interdiction des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants édictée par la Convention n'interdit pas en elle‑même (et n'avait pas pour but d'interdire) la peine de mort ressort de l'existence du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, où il est dit qu'"aucune personne relevant de la juridiction d'un État partie au présent protocole ne sera exécutée".

352.   Déclaration interprétative des États-Unis.  La législation des États-Unis prévoit des protections rigoureuses dans les affaires où peut être prononcée la peine capitale, y compris des procédures spéciales concernant la détermination de la peine. Les questions fréquemment soulevées aussi bien devant les tribunaux des États que devant les tribunaux fédéraux sont notamment les suivantes : discrimination raciale dans l'application de la peine de mort, défenseurs insuffisamment qualifiés et impossibilité de produire des éléments de preuve à décharge, périodes de réclusion intolérablement longues dans le quartier des condamnés à mort. Afin qu' il soit clairement pris acte de la position du Gouvernement des États‑Unis concernant la pertinence du droit international en général, et de la présente Convention en particulier, au regard de ces questions, les États-Unis ont incorporé à leur instrument de ratification la "déclaration interprétative" suivante au sujet de la peine capitale :

          Les États-Unis considèrent que le droit international n'interdit pas la peine capitale et que la présente Convention ne les empêche ni leur interdit d'appliquer la peine de mort, en vertu des cinquième, huitième et /ou quatorzième amendements à la Constitution des États‑Unis, y compris toute période de réclusion prévue par la Constitution avant l'exécution de la sentence.

353.   En raison de ces restrictions, les États‑Unis considèrent que la question de la peine capitale n'entre pas dans le cadre de l'obligation de faire rapport qu'ils ont assumée en vertu de la présente Convention. Néanmoins, pour l'information du Comité, nous avons fait figurer à l'annexe III un bref aperçu des aspects pertinents de cette question.

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* Voir liste des annexes.

* Les annexes sont disponibles pour consultation dans les archives du secrétariat.



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