University of Minnesota


Comité contre la Torture, Examen des rapports présentés par les États parties en application de l'article 19 de la Convention, Sri Lanka, U.N. Doc. CAT/C/28/Add.3 (1997).



Rapports initiaux que les Etats parties devaient présenter en 1995

Additif

SRI LANKA

[27 octobre 1997]


TABLE DES MATIÈRES

    Paragraphes
I. RENSEIGNEMENTS GÉNÉRAUX
    1 - 38
      A. Cadre juridique général de l'interdiction de la torture
    1 - 8
      B. Législation internationale et nationale contenant des dispositions plus larges que la Convention
    9 - 15
      C. Autorités judiciaires, administratives et autres ayant compétence pour connaître des matières traitées dans la Convention
    16 - 36
      D. Difficultés pratiques d'application de la Convention
    37 - 38
II. INFORMATION CONCERNANT LES ARTICLES 2-16 DE LA CONVENTION
    39 - 135

I. RENSEIGNEMENTS GÉNÉRAUX


A. Cadre juridique général de l'interdiction de la torture

1. L'action contre la torture figure dans le droit de Sri Lanka depuis 1883. Toute personne qui en torture une autre commet le délit de coups et blessures réprimé par le droit pénal du pays (articles 310-329 du Code pénal). A cet égard, le Code ne distingue pas entre un particulier et un fonctionnaire. Tous deux se rendent coupables du même délit. Le Code prévoit un cas aggravé de ce même délit, sanctionné plus sévèrement quand le délit est commis pour extorquer des renseignements ou des aveux qui pourraient conduire à connaître un autre délit ou à obliger à restituer des biens ou à satisfaire une revendication (article 321). Bien que le Code ne distingue pas à ce propos entre fonctionnaires et particuliers, il est significatif que trois des quatre exemples de tortures que donne cet article 321 concernent celles commises par un fonctionnaire.

2. L'interdiction de la torture était déjà consacrée dans la première Constitution républicaine (1972), selon laquelle nul ne peut être privé de la vie, de sa liberté ou de sa sécurité, sauf conformément à la loi. La deuxième Constitution (1978) proscrit expressément la torture dans son article 11 et toute violation ou menace de violation de cet article relève de la Cour suprême qui est la plus haute juridiction du pays.

3. Il faut noter que la Cour suprême dans l'exercice de sa juridiction ou en vertu de l'article 126 de la Constitution ne siège pas en tant que cour criminelle. Les preuves requises dans les affaires qui lui sont soumises à ce titre se fondent sur une forte probabilité comme au civil et non pas sur une preuve manifeste. De plus, la présentation des preuves diffère notablement. Dans une affaire concernant les droits fondamentaux, la Cour se fonde seulement sur la requête, les dépositions sous serment et les preuves écrites. Des témoins ne sont entendus que dans des circonstances exceptionnelles. La Cour n'a donc l'occasion ni d'observer le comportement des témoins ni d'entendre leur contre-examen. C'est pourquoi, sa décision dans les cas de torture consiste à attribuer une indemnité à la victime et à ordonner à l'autorité compétente de prendre des mesures disciplinaires contre le coupable. Il convient de noter que la Cour suprême est fondée à accorder une indemnité à la victime d'une torture si elle est assurée en pesant les probabilités qu'un fonctionnaire s'est rendu coupable d'une violation du droit fondamental garanti par l'article 11, bien qu'il ne puisse pas être identifié au moyen des preuves administrées.

4. En se fondant sur les renseignements contenus dans une requête en violation des droits fondamentaux, le Procureur général est habilité à mettre en oeuvre l'appareil de droit criminel contre tout suspect que des preuves suffisantes permettent d'inculper d'une infraction pénale. A cet effet il peut prescrire à la police d'enquêter sur toute allégation de torture et il sera alors décidé si quelqu'un doit être poursuivi d'après les documents fournis par l'enquête. Cette faculté de poursuivre qu'a le Procureur général se borne aux affaires où l'identité du prévenu et l'existence de l'infraction peuvent être prouvées de façon manifeste.

5. En septembre 1982, le Gouvernement sri-lankais a déposé auprès du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies une déclaration unilatérale contre la torture où il affirme son intention de se conformer à la Déclaration de l'ONU sur la protection de toutes les personnes contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée par l'Assemblée générale en 1975 et s'engage à appliquer par tous les moyens appropriés les principes qui y sont énoncés.

6. Sri Lanka a adhéré à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en déposant l'instrument de son adhésion auprès du Secrétaire général des Nations Unies le 3 janvier 1994. La Convention est entrée en vigueur pour le Sri Lanka le 2 février 1994. La législation requise pour donner effet aux obligations contractées par Sri Lanka au titre de ladite Convention a été votée le 25 novembre 1994. La loi No 22 de 1994 (loi CAT) concernant la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a considérablement renforcé le cadre juridique d'interdiction de la torture.

7. Cette loi qualifie la torture de crime et confie à la Haute Cour de Sri Lanka la connaissance des cas de tortures commises dans le pays et même en dehors. Elle amende aussi la loi sur l'extradition en prévoyant le régime "d'extradition ou poursuite" envisagé dans la Convention. La procédure pénale, garde à vue, poursuite, etc. reste régie par le droit pénal général de Sri Lanka.

8. Les autres lois relatives aux règles de la procédure pénale et de la preuve dans ces affaires visent aussi à éliminer la torture.


B. Législation internationale et nationale contenant des dispositions
plus larges que la Convention

9. Sri Lanka est partie aux instruments internationaux suivants qui contiennent des dispositions d'application plus large que celles figurant dans la Convention contre la torture : Pacte international relatif aux droits civils et politiques; Conventions de Genève du 12 août 1949 sur la protection des victimes des conflits.

10. La législation nationale d'application plus large est contenue dans le Code pénal.

11. Il convient de mentionner que Sri Lanka a décidé de ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et qu'il est en train de rédiger une nouvelle Constitution qui supprimerait le Président exécutif et confierait le pouvoir exécutif au Parlement, renforcerait le chapitre consacré aux droits fondamentaux et permettrait une large délégation du pouvoir. La Commission parlementaire formée de représentants de tous les partis politiques siégeant au Parlement, chargée de cette rédaction, a officiellement publié 18 chapitres du projet en mars 1997. Cette Commission a procédé par large consultation du public, des partis politiques enregistrés, des organisations non gouvernementales et des établissements d'enseignement.

12. Le chapitre consacré aux droits fondamentaux a une portée plus large que celui de l'actuelle Constitution. Il y ajoute un certain nombre de droits nouveaux, tels que le droit à la vie, le droit à l'action palliative en faveur des groupes défavorisés, le droit de quitter le pays, le droit de posséder des biens et de recevoir une indemnisation équitable en cas d'expropriation, le droit à la vie privée et le droit à l'information.

13. La nouvelle Constitution proposée confère également à une vaste gamme de droits qui ont toujours constitué le fondement du droit criminel en vigueur, le caractère de droits fondamentaux garantis par la Constitution. Ces droits d'intérêt immédiat pour l'application de la Convention sont les suivants :









14. Dans le projet de Constitution, les restrictions aux droits fondamentaux ont été strictement limitées aux cas particuliers où elles s'imposent dans l'intérêt d'une société démocratique. Les droits énoncés dans la Constitution de 1978 sont surtout accordés aux "citoyens", que le nouveau projet remplace dans de nombreux cas par les "personnes". Le droit de saisir la Cour suprême de toute violation des droits fondamentaux par un agent du pouvoir exécutif ou de l'administration a été étendu aux violations commises par le pouvoir judiciaire lors de poursuites pénales devant les tribunaux de première instance. Les procès dans l'intérêt public sont maintenant permis et le délai pour les plaintes en cas de violation des droits fondamentaux a été porté de un à trois mois.

15. En vertu du projet de Constitution, la Cour suprême sera chargée de l'examen de la législation future. Pour concilier deux intérêts essentiels, la permanence du droit et sa conformité aux droits et libertés fondamentaux protégés par la Constitution, la Commission parlementaire précitée, après maintes délibérations, a convenu que la Cour suprême aurait le pouvoir d'examiner la législation future pendant les deux ans suivant sa promulgation. Cette disposition n'est encore qu'un projet au moment de la rédaction du présent rapport. Le Parlement examinera ces propositions en vue de leur adoption prochaine.


C. Autorités judiciaires, administratives et autres ayant compétence
pour connaître des matières traitées dans la Convention

1. Haute Cour

16. En vertu de la loi CAT, la Haute Cour connaît des cas de tortures commises à Sri Lanka et au dehors. Le Procureur général doit la saisir s'il s'est assuré de l'existence de preuves suffisantes pour poursuivre le suspect grâce au rapport établi à la suite de l'enquête menée par la police à ce sujet.

17. La Haute Cour n'a encore été saisie d'aucune affaire de torture. La raison essentielle est qu'il existe une autre voie de recours : une plainte en violation des droits fondamentaux devant la Cour suprême. Cette voie est plus simple, et plus prompte qu'un procès pénal devant la Haute Cour, qui exige des preuves plus manifestes.

2. Tribunal d'instance

18. Ce tribunal joue un rôle important dans la protection de la liberté individuelle et de la sécurité des personnes. En vertu de l'article 13.2, la Constitution oblige, obligation reprise par les articles 36 et 37 du Code de procédure pénale, quiconque procède à une arrestation à présenter le suspect à un juge d'instance sans retard et au plus dans les 24 heures. Le juge doit alors s'assurer de son état physique, entendre ses plaintes éventuelles et inscrire ce qu'il observe et entend. Ces renseignements peuvent être utiles pour le cas où cette personne présenterait des allégations de torture pendant sa détention. Le juge contribue aussi beaucoup à prévenir la torture car il peut visiter les lieux de détention en vertu des règlements d'exception.

19. Selon le Code pénal, le tribunal d'instance est compétent pour entendre et juger les accusations d'actes équivalant à la torture.

3. Cour suprême

20. La Cour suprême, parce que les droits fondamentaux relèvent de sa juridiction, est compétente pour entendre les accusations de torture. Durant les années 1993, 1994 et 1995, elle a reçu entre 50 et 70 plaintes en vertu de l'article 11. La majorité concernait la violation de l'interdiction de tortures commises par des officiers de police. Des officiers de l'armée n'en ont été accusés que dans de très rares cas.

21. Dans les plaintes dont la Cour a reconnu le bien-fondé, elle a accordé une indemnité appropriée. Dans les cas plus graves, elle a ordonné à l'autorité compétente d'agir contre le coupable et/ou de tenir un registre à des fins administratives.


Affaires portées devant la Cour suprême en vertu de l'article 11
de la Constitution de 1978

1993
1994
1995
    Total
68
58
70
    Plaintes contre des officiers de police
57
68
    Plaintes contre des officiers de l'armée
4
1
2
    Affaires où une indemnité a été accordée au plaignant
28
28
15

22. Il faut noter que la Cour suprême est d'opinion que l'interdiction de la torture doit être appliquée avec un soin jaloux et chaque plainte est examinée avec le plus grand soin. Les détails de celles portées en 1994 et 1995 figurent en annexe.

4. Cour d'appel

23. La Cour d'appel est compétente pour délivrer une ordonnance d'habeas corpus et aussi pour examiner les allégations de mauvais traitements durant une détention. Elle s'est prononcée dans plusieurs affaires.

5. Equipe spéciale de défense des droits de l'homme (1991-1997)

24. L'Equipe spéciale de défense des droits de l'homme, créée en 1991 par les règlements d'application pris en vertu de l'article 19 de la loi No 31 de 1973, est une institution non gouvernementale indépendante chargée de protéger les droits des détenus et de tous ceux qui se trouvent en détention sans avoir fait l'objet d'une décision judiciaire. Son mandat a été prolongé par les règlements pris en vertu de l'ordonnance sur la sécurité publique (voir règlement d'exception No 1 de 1995 portant création de l'Equipe).

25. Cette Equipe est habilitée à procéder à l'inspection régulière des lieux de détention, tient un registre exact des détenus, veille au respect de leurs droits fondamentaux et à la garantie d'un traitement humain. Elle reçoit leurs plaintes et observations et prend des mesures pour remédier à tout manquement.

26. Les membres de l'Equipe peuvent visiter à l'improviste les camps militaires, les postes de police et les camps de détention et rencontrer librement les détenus. Son siège central travaille jour et nuit pour permettre aux parents et autres de s'informer en tout temps. Avec ses neuf centres régionaux et un centre secondaire, elle s'évertue à prévenir la torture en intervenant promptement lors d'arrestations et de détention.

27. La Commission nationale des droits de l'homme, récemment créée à Sri Lanka avec de plus larges pouvoirs d'enquête, a repris les tâches confiées à l'Equipe dont cette Commission poursuivra le travail.

6. Commission nationale des droits de l'homme

28. La Commission nationale des droits de l'homme, créée en mars 1997, a pouvoir de surveiller, d'enquêter et de conseiller en matière de promotion et de protection des droits de l'homme. Institution nationale permanente, elle est chargée d'examiner toute violation ou menace de violation d'un droit fondamental déclaré et reconnu par la Constitution et d'y apporter les remèdes appropriés. Par ses pouvoirs, plus larges que ceux de la Cour suprême, elle complétera le cadre national établi pour protéger les droits de l'homme.

29. En vertu de l'article 14 de la loi No 21 de 1996 qui a créé ladite Commission, celle-ci peut à son initiative ou sur plainte présentée par une personne ou un groupe de personnes lésées, ou encore par une personne agissant au nom d'une personne lésée, examiner toute allégation de violation ou menace de violation d'un droit fondamental dont aurait été victime cette personne.

30. Selon l'article 15.3 de la loi, si une enquête menée par la Commission révèle la violation d'un droit fondamental, celle-ci peut recommander aux autorités compétentes d'entamer des poursuites pénales ou autres, contre la ou les personnes qui auraient commis la violation. Elle peut aussi saisir tout tribunal compétent pour entendre et juger l'affaire. Elle peut encore adresser toute recommandation qu'elle juge appropriée à l'autorité compétente, à la personne ou aux personnes intéressées en vue de prévenir ou réparer cette violation ou sa continuation.

31. Selon l'article 15.6, un exemplaire de la recommandation est envoyé à la partie lésée, au chef de l'institution concernée et à son ministre de tutelle.

32. Selon l'article 15.7, toute autorité, personne ou personnes à qui une telle recommandation est adressée, doit rendre compte à la Commission, dans le délai prescrit, de la mesure qu'elle a prise ou qu'elle se propose de prendre pour lui donner effet. A défaut d'un tel rapport, ou d'un tel effet, la Commission est fondée à adresser un rapport circonstancié au Président qui en fera transmettre un exemplaire au Parlement.

33. La loi précitée prévoit aussi que la Commission peut nommer des sous-comités provinciaux pour exercer des pouvoirs qu'elle leur délègue. Par là elle ferait connaître davantage l'existence de cette voie de recours et la rendrait plus facile d'accès.

34. La Commission a également été expressément habilitée à s'assurer de la condition des détenus par l'inspection régulière des lieux de détention. Pour faciliter l'exercice de ce pouvoir, toutes arrestations et détentions opérées en vertu des règlements d'exception et de la loi sur la prévention du terrorisme doivent être signalées à la Commission dans les 48 heures. L'omission délibérée de cette obligation est susceptible de sanctions pénales selon la loi. Veiller à la condition des détenus fait donc maintenant partie du droit permanent de Sri Lanka.

7. Comité international de la Croix-Rouge (CICR)

35. En juillet 1990, le Gouvernement sri-lankais a invité le CICR à venir exercer ses fonctions humanitaires à Sri Lanka, en association avec les autorités publiques chargées des secours et de la réadaptation pour apporter une assistance humanitaire à la population victime des violences exercées par les activités terroristes des Tigres de la libération. Le CICR a librement accès à tous les lieux de détention. Le gouvernement entend agir à cet égard pour que soient maintenues les normes internationalement acceptées en matière de sécurité et de santé des détenus en permettant aux délégués du CICR de s'entretenir avec eux de façon confidentielle et en privé.

36. Le CICR exécute aussi des programmes de diffusion visant à faire encore mieux connaître les règles et normes humanitaires à respecter par les forces armées, les forces de police et autres en s'attachant à former des instructeurs sortis des écoles militaires et des écoles de police.


D. Difficultés pratiques d'application de la Convention

37. Le Gouvernement sri-lankais a promulgué le 25 novembre 1994 sa loi CAT No 22. Il est trop tôt pour envisager les éventuelles difficultés de son application. Aucune qui soit importante n'a encore été rencontrée. Un exposé et une analyse plus significative figureront dans les futurs rapports.

38. Le gouvernement n'en est pas moins averti des allégations concernant des actes de torture qui auraient été commis par des membres des forces de sécurité dans l'exercice de leurs activités antiterroristes. De même, il est reproché à la police dans sa lutte contre la criminalité de traiter brutalement les délinquants. Ces transgressions ne résultent pas d'une politique délibérée : ce sont des actes isolés commis par quelques-uns. Le Comité peut être assuré que tous les efforts seront faits pour éliminer de tels abus. La loi CAT No 22 de 1994 a encore renforcé le mandat légal donné aux autorités chargées de maintenir l'ordre de rechercher et de poursuivre les délinquants.


II. RENSEIGNEMENTS RELATIFS AUX ARTICLES 2 À 16 DE LA CONVENTION


Article 2 - Mesures pour prévenir la torture

Compétences de la Cour suprême en matière de droits fondamentaux

39. Selon la Constitution de Sri Lanka, infliger des tortures viole un droit fondamental. L'article 11 déclare "Nul ne peut être soumis à la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants". Le droit fondamental de protection contre la torture est inaliénable et ne saurait être abrégé, restreint ou dénié en quelque circonstance que ce soit. De plus, tout résident à Sri Lanka (citoyen ou non) a droit à être protégé de la torture. C'est là, de même que l'article 10, qui garantit la liberté de pensée, de conscience et de religion, une disposition constitutionnelle, dont la modification exigerait non seulement une majorité des deux tiers au Parlement, mais encore un référendum.

40. L'article 17, pris conjointement avec l'article 126 de la Constitution, pourvoit au respect des droits fondamentaux. La Cour suprême a seule compétence pour entendre et juger toute question concernant la violation par le pouvoir exécutif ou par mesure administrative de tout droit reconnu par la Constitution. Les requêtes adressées à ce sujet à la Cour suprême doivent lui être adressées par la victime elle-même ou par son avocat dans le mois suivant la violation ou la menace de violation alléguée. Dès que cette plainte est déclarée recevable, la Cour est tenue d'accorder telle réparation ou de prendre toute décision qu'elle juge juste et équitable en la circonstance dans les deux mois de sa réception.

41. Dans les affaires présentées en vertu de l'article 11, la Cour a vigoureusement dénoncé la torture et s'est prononcée de plus en plus fermement contre ceux qui en ont violé l'interdiction. Au début, quand des fonctionnaires en étaient accusés, le Ministre a comparu à leur place et la victime a été indemnisée par l'Etat. La Cour a souligné la responsabilité de l'Etat et attiré l'attention sur l'inexécution de l'obligation pour l'Etat de donner effet aux droits consacrés par la Constitution. Soza J. dans l'affaire Vivienne Gunawardene c. Hector Prera et consors (requête 20/83 devant la Cour suprême 1983) a déclaré que les autorités publiques chargées par la loi de fonctions exécutives et administratives sont des organes de l'Etat et qu'un fonctionnaire qui exerce les pouvoirs de coercition que lui confère la loi agit en tant qu'organe de l'Etat. De même que, tant qu'il applique la loi, le fonctionnaire sert l'Etat, celui-ci répond des transgressions des droits fondamentaux que ce fonctionnaire commet quand il applique la loi. Dans une autre affaire Samanthilaka c. Ernest Perera et consors (1990 1 SLR 318), Amerasinghe J. a déclaré que l'Etat agit nécessairement par ses agents, ses agences et ses institutions. Mais c'est la responsabilité de l'Etat, non celle de ses agents, agences et institutions, dont il s'agit. Ce n'est pas une question de responsabilité du fait d'autrui. C'est bien la responsabilité de l'Etat lui-même.

42. Depuis la fin des années 80, la Cour retient non seulement la responsabilité de l'Etat, mais aussi la responsabilité personnelle de ses fonctionnaires accusés lors de requêtes présentées en vertu de l'article 11. Ces dernières années, le Ministre de la justice a refusé par principe de comparaître à la place de ces fonctionnaires qui ont dû prendre un avocat. La Cour s'est désormais fait une règle de condamner le délinquant à verser lui-même une partie du dédommagement au motif que le versement de ces dommages par l'Etat risque de faire prévaloir un sentiment d'impunité. Outre condamner à verser des dommages, la Cour renvoie généralement l'affaire devant l'autorité compétente concernée en vue de toute action que celle-ci juge appropriée. Par exemple, quand des officiers de police ont été reconnus coupables d'actes de torture, la Cour a ordonné à l'inspection générale de la police de prendre des mesures disciplinaires ou au greffier de transmettre à l'inspection une expédition du jugement à verser au dossier à des fins administratives et pour s'assurer que les dommages sont versés sans tarder. Dans une affaire, la Cour a ordonné que des officiers de police qui avaient violé l'article 11 ne soient pas promus pendant un an (requête 393/93 devant la Cour suprême). Dans l'affaire Sudah Peiris c. Adikari et consors (requête 94/93 devant la Cour suprême), la Cour, concluant que le médecin de l'hôpital public où le plaignant avait été conduit par la police, avait établi un faux certificat médical, a chargé le Procureur général de décider quelle action devait être intentée contre lui (en vertu notamment du chapitre IX du Code pénal). Conformément à cette prescription, le Procureur a chargé l'IGP de mener une enquête à ce sujet. Selon les conclusions de cette enquête, le médecin a été traduit devant la Haute Cour de Ratnapura, en vertu de l'article 215 du Code pénal, pour avoir falsifié un certificat aux fins d'éviter à quelqu'un une sanction.

43. Le Département de la police a entrepris une enquête judiciaire sur certains de ses officiers à la suite de la décision de la Cour suprême dans l'affaire Wimal Vidyamani c. Lieutenant-colonel L.E.P.W. Jayatilake et consors (requête 852/91 devant la Cour suprême). Dans cette affaire, le plaignant alléguait deux incidents : arrestation et détention illégales en mai 1990 et arrestation et détention illégales et tortures en novembre de la même année par des officiers du poste de police d'Embilipitiya. Concluant à la violation de l'article 13 en mai et à celle des articles 13 et 11 en novembre, la Cour suprême a condamné l'Etat à verser des dommages. En outre, elle a ordonné au greffier de transmettre à l'IGP une expédition du jugement pour lui permettre de prendre les mesures pertinentes et d'en rendre compte à la Cour dans un délai prescrit. En conséquence, l'IGP a ordonné une enquête judiciaire sur les événements de mai et novembre 1990. Le service spécial d'enquête, au siège central de la police, a, sous la direction d'un commissaire divisionnaire, enquêté en la matière. Se fondant sur les conclusions de cette enquête, le Ministère public a intenté des poursuites pénales contre tous les suspects.

44. La Cour a également pris nombre d'autres initiatives et établi par interprétation de la jurisprudence certains principes de droit qui ont eu pour résultat de faire accorder réparation à de plus nombreuses victimes.

45. Le délai d'un mois est supplétif, ce qui a permis de connaître d'affaires qui autrement auraient été forcloses. Dans les cas de torture lors de détention, la Cour est d'opinion que pour assurer une réparation effective en vertu de l'article 126, le délai d'un mois doit courir à partir du moment où la personne a recouvré son libre arbitre.

46. En 1990, la Cour a adopté une nouvelle règle selon laquelle elle peut être saisie par simple lettre. (Auparavant, elle ne statuait que sur la base de dépositions sous serment.) Les lettres reçues de détenus sont transmises à l'Association du barreau ou à l'ESDDH/CDH pour enquête et introduction des requêtes en leur nom.

47. La Cour a décidé que le fait de ne pas citer comme accusés les officiers de police que le demandeur a reconnus et a mis en cause dans sa requête et sa déposition écrite sous serment comme ayant violé l'interdiction de la torture n'est pas un vice de forme et n'invalidera pas la procédure.

Définition de la torture selon la Cour suprême

48. La Cour suprême définit très largement la torture pour l'étendre à tout supplice physique ou mental. Dans l'affaire Kumarasena c. le commissaire Sriyantha et consors (requête 257/93 devant la Cour suprême), la plaignante est une jeune fille arrêtée sans juste motif et détenue environ six heures au poste de police. Pendant ce temps, elle a été l'objet d'un harcèlement sexuel par plusieurs policiers. La Cour a estimé ce qui suit :


49. Dans l'affaire Bandara c. Wickramsinghe (1995 2 SLR 167), le plaignant, adolescent de 17 ans, avait été battu par le directeur adjoint, le vice-directeur et un professeur de son école. Les dommages corporels étaient sans gravité mais il a souffert d'une dépression qui l'a obligé à une hospitalisation d'un mois. La Cour a jugé les accusés coupables de torture. Elle s'est fondée sur le fait que le plaignant, surveillant dans son école, risquait d'éprouver une humiliation et un choc nerveux causés par les actes de violence subis, qui étaient à la fois cruels et dégradants.

Compétence de la Haute Cour en matière de torture

50. En exécution des obligations contractées par le Sri Lanka en vertu de la Convention, la loi No 22 de 1994 a fait de la torture un délit passible d'emprisonnement et d'une amende. L'article 2 de la loi précise que quiconque torture commet un délit. Sont également des délits le fait de tenter de torturer, se rendre complice de torture et s'associer pour torturer.

51. L'article 12 de la loi CAT définit la torture comme tout acte qui cause une violente douleur tant physique que mentale à autrui,


i) obtenir de cette personne ou d'un tiers tout renseignement ou aveu;

ii) punir cette personne pour tout acte commis par elle ou par un tiers;

iii) intimider ou violenter cette personne ou un tiers;

2) ou pour toute autre raison fondée sur la discrimination.

52. Conformément à l'article 2 (2) et (3) de la Convention, l'article 3 de la loi CAT ajoute que le fait que la torture soit commise en temps de crise, de guerre, de menace de guerre ou d'instabilité politique interne, ou encore sur l'ordre d'un organe ou d'une autorité publique supérieurs, ne saurait être invoqué en défense.

Compétence du tribunal d'instance en matière de torture

53. Avant la promulgation de la loi CAT No 22 en 1994, le délit de torture était punissable en vertu du droit pénal général du pays. Par exemple, devant le tribunal d'instance d'Embilipitiya, dans l'affaire No 77818, cinq officiers de police sont accusés d'enlèvement (article 356 du Code pénal), détention illégale (article 333 du Code pénal) et sévices (article 314 du Code pénal). L'instance a été introduite en août 1993, à la suite de la décision rendue par la Cour suprême dans l'affaire Wimal Vidyamani (voir plus haut) où celle-ci a jugé que certains officiers de police avaient violé les articles 13.1 et 13.2 et l'article 11. D'autres lois relatives à la procédure et à l'administration de la preuve en matière pénale visent à prévenir et éliminer la torture.

Arrestation et détention

54. L'article 13 (2) de la Constitution dispose que nul ne peut être arrêté si ce n'est conformément à la procédure établie par la loi et que quiconque est gardé à vue, détenu ou de toute autre façon privé de sa liberté individuelle, doit être traduit devant un magistrat et ne peut être davantage gardé à vue sauf sur ordonnance de ce magistrat rendue conformément à la procédure établie par la loi.

55. En vertu du Code de procédure pénale, tout individu arrêté doit être présenté à un magistrat dans les 24 heures (article 37). Il ne peut être détenu ou gardé à vue plus longtemps que sur ordonnance de ce magistrat. Celui-ci doit donc rendre une ordonnance de renvoi et il est tenu de décider par ailleurs si l'individu arrêté doit être libéré sous caution ou mis en détention préventive dans une prison en attendant son jugement. La loi établit que nul ne peut être indéfiniment détenu préventivement. Quand des poursuites ne sont pas entreprises dans les trois mois suivant l'arrestation, le prévenu peut être libéré sous caution.

56. Les dispositions imposant de traduire tout individu arrêté devant un magistrat dans les 24 heures se retrouvent dans l'ordonnance sur la police qui en fait un devoir pour tout membre de ce corps. L'article 65 dispose que tout individu arrêté sans mandat par un officier de police doit être aussitôt remis à la garde du chef de poste; et s'il n'est pas libéré sous caution, il doit être traduit devant un magistrat dans les 24 heures sauf si les circonstances rendent un plus long délai inévitable. L'article 82 punit tout officier de police coupable d'avoir délibérément négligé son devoir s'il ne traduit pas devant un magistrat tout individu qu'il a sous sa garde sans mandat.

57. Arrestation et détention peuvent aussi s'opérer en vertu du règlement d'exception (RE) décidé par le Président en application de l'article 5 de l'ordonnance sur la sécurité publique (voir règlement d'exception (dispositions et attributions diverses) No 4 de 1994 modifié) et la loi No 48 de 1979 sur la prévention du terrorisme (modifiée). Ces textes ont été nécessités par les exigences de la situation d'insécurité créée par les activités terroristes, pour préserver l'ordre public et maintenir les approvisionnements et services indispensables à la vie de la collectivité. Ils sont constamment réexaminés et toutes les précautions sont prises pour veiller à la santé physique et mentale des détenus.

58. Selon le règlement 17 du RE, le Secrétaire à la défense peut ordonner de détenir un particulier pour une durée n'excédant pas trois mois chaque fois jusqu'à un maximum d'un an s'il est assuré que les documents qui lui sont soumis le rendent nécessaire. Cet ordre ne saurait être ni arbitraire ni automatique et peut être contesté quant à son bien-fondé. Le Secrétaire doit pouvoir déclarer qu'il s'est lui-même formé une opinion objective au vu des preuves présentées et que cette opinion se fonde sur la raison. Des assertions catégoriques ne suffisent pas. Sa décision doit être revue tous les trois mois pour s'assurer qu'existent des motifs suffisants de maintenir la détention.

59. Le règlement 18 (1) autorise les officiers de police et les membres des forces armées à arrêter tout individu qui a commis ou qui commet une infraction au RE. Cet individu peut être détenu pour une période n'excédant pas 21 jours, portée à 60 si l'arrestation a eu lieu dans la province du Nord ou celle de l'Est. A la fin de cette période, il doit être libéré sauf s'il tombe sous le coup du règlement 17 ou s'il est traduit en justice.

60. Selon l'article 6(1) de la loi sur la prévention du terrorisme (LPT), tout policier ayant rang de commissaire, ou ayant rang d'inspecteur et autorisé par écrit, peut arrêter sans mandat un individu impliqué dans tout délit visé à l'article 2. Il peut être gardé à vue pendant une période n'excédant pas 72 heures sauf s'il tombe sous le coup de l'article 9, auquel cas il peut être détenu une première fois pendant trois mois. Cette période peut être renouvelée pour trois mois au plus chaque fois jusqu'à un total de 18 mois.

61. Quiconque a subi une détention ordonnée en vertu du règlement d'exception ou de la LPT peut demander au Conseil consultatif établi par cette réglementation (règlement 17(5)-17(11)) ou au Comité consultatif créé par la LPT (article 13.1) de réexaminer cet ordre.

62. De plus, le gouvernement, par l'intermédiaire de sa Commission chargée d'instruire, de classer et de recommander les demandes tendant à réinsérer et libérer les suspects, s'occupe aussi de régler promptement le cas des détenus soupçonnés d'activités subversives au titre du RE ou de la LPT. Elle a pouvoir de recommander, de libérer ou de réinsérer dans les circonstances suivantes :

a) Quand une enquête de police est terminée et ne produit pas de preuves suffisantes pour demander au parquet la mise en accusation, la Commission reçoit ce rapport et recommande de libérer ou de réinsérer;

b) Quand les conclusions de l'enquête de police sont transmises pour mise en accusation au parquet, qui estime les preuves insuffisantes, la Commission examine chaque cas pour recommander de libérer ou de réinsérer;

c) Quand des représentations sont adressées à Son Excellence le Président, au Ministre adjoint de la défense, ou au Secrétaire de la défense pour qu'ils réexaminent un ordre de détention, la Commission demande un rapport et recommande de libérer ou de réinsérer;

d) La Commission peut de sa propre initiative examiner un ordre de détention s'il est porté à sa connaissance, par exemple par les médias, qui ne se fonde pas sur des preuves suffisantes ou ne se justifie pas.

63. La Commission est habilitée à procéder à ses propres enquêtes par déposition ou audition du détenu et de l'officier de police ou de l'armée concerné et à juger d'après les preuves administrées. Outre cette faculté d'enquêter et de décider des plaintes qui lui sont adressées pour arrestation et détention injustifiables, la Commission se prononce en dernier ressort sur les décisions du Conseil consultatif établi par les RE et du Comité consultatif établi par la LPT.

64. Les arrestations et détentions opérées tant en vertu des lois ordinaires que des RE et de la LPT peuvent être contestées par une requête invoquant les droits fondamentaux selon l'article 13 de la Constitution.

65. Il y a lieu également de souligner que la procédure suivie à propos des particuliers détenus et accusés en vertu des RE et de la LPT, c'est-à-dire, enquête, instruction, administration de la preuve, etc. est la procédure pénale ordinaire. Ainsi, dès qu'un particulier est détenu en vertu des RE ou de la LPT, la police a le devoir de mener une enquête et d'en transmettre les conclusions au parquet. Si les preuves suffisent, l'inculpé peut être traduit devant les tribunaux ordinaires selon la procédure établie par la loi. Un tel détenu a droit à un avocat.

66. Une nouvelle Haute Cour a commencé à siéger à Colombo le 15 août 1997 et une autre à Vavuniya, le 11 septembre, pour hâter l'audition des affaires présentées en vertu de la LPT et des RE, de façon à réduire le temps de détention des individus arrêtés à ce titre.

Protection de la liberté et de la sécurité des personnes détenues en vertu des RE et de la LPT

67. La proscription de la torture est assurée dans les RE et la LPT par une série de dispositions qui y sont insérées. Au temps de l'ESDDH, ces dispositions de protection ont été réitérées et renforcées par le règlement d'exception (création de l'ESDDH) et par les directives adressées par le Président aux forces armées et à la police.

68. Quand la CDH a repris les fonctions de l'ESDDH, la surveillance de la condition des détenus sans mandat est devenue un élément du droit permanent de Sri Lanka (voir article 28(1)-(3) de la loi instituant la CDH). Le 7 septembre 1997, le Président a réitéré ses instructions aux forces armées et à la police, identiques à celles émises au titre de la réglementation créant l'équipe spéciale, pour que ces forces et cette police coopèrent avec la nouvelle Commission et la secondent pour lui permettre de poursuivre efficacement et sans interruption l'oeuvre commencée par l'ESDDH.

69. Dans les RE et la LPT figurent les dispositions suivantes contre la torture :

a) Le policier ou le militaire qui procède à une arrestation doit en informer par écrit le conjoint, le père, la mère ou tout autre proche parent du détenu. Il doit décliner son nom et son grade, l'heure et la date de l'arrestation et le lieu de la détention ou de la garde à vue (règlement 18(8));

b) Tout policier ou militaire qui opère une arrestation en vertu du règlement 18 doit en rendre compte à son supérieur dans les 24 heures (règlement 18(7));

c) Tout lieu de détention en vertu des RE doit être approuvé par le Secrétaire à la défense et publié au journal officiel. L'existence et l'adresse de ces lieux de détention doivent être notifiées au magistrat du ressort. Détenir quiconque ailleurs que dans un lieu autorisé par le Secrétaire à la défense est un délit (règlement 19(4) et 19(8));

d) Tout policier ou militaire, chef d'un camp de détention, est obligé de fournir tous les 15 jours une liste des détenus au magistrat. Ce dernier est tenu de l'afficher à son tribunal et de visiter le camp chaque mois (règlement 19(6)).

70. Les dispositions suivantes figurent dans les directives adressées par le Président aux forces armées et à la police pour permettre à la CDH d'exercer ses pouvoirs et de s'acquitter de ses fonctions et devoirs, et aussi pour assurer aux individus arrêtés ou détenus le respect de leurs droits fondamentaux et un traitement humain :

a) Tout membre des forces armées et de la police doit aider et seconder la CDH et toute personne autorisée par elle dans l'accomplissement de ses pouvoirs, devoirs et fonctions et veiller aussi au respect des droits fondamentaux de ceux qui sont arrêtés ou détenus;

b) Nul ne peut être arrêté ou détenu en vertu des RE ou de la LPT que conformément à la loi et la procédure prescrite et par une personne légalement autorisée à procéder à cette arrestation ou à ordonner cette détention;

c) Lors de l'arrestation ou, si les circonstances l'empêchent, aussitôt après :

i) la personne qui procède à l'arrestation doit sur sa demande décliner son nom et son grade à la personne arrêtée ou à tout parent ou ami de celle-ci;

ii) toute personne arrêtée ou détenue doit être informée de la raison de son arrestation;

iii) la personne qui procède à l'arrestation ou à la mise en détention doit remettre au conjoint, au père, à la mère, ou à tout autre proche parent, le formulaire établi par le Secrétaire à la défense qui atteste l'arrestation. Doivent y figurer le nom et le grade de celui qui procède à l'arrestation, l'heure et la date de l'arrestation et le lieu de la détention. Le détenteur de ce formulaire devra le rendre ou le présenter à l'autorité compétente quand la personne ainsi arrêtée ou détenue est libérée. Quand une personne est mise en garde à vue sans qu'il soit possible de remettre ce formulaire, celui qui procède à l'arrestation, s'il s'agit d'un policier, doit consigner au registre les raisons qui empêchent cette remise; s'il s'agit d'un membre des forces armées, il doit rendre compte de ces raisons au chef du poste de police à qui il incombe de consigner le fait et les raisons au registre;

iv) la personne arrêtée doit avoir la possibilité de communiquer avec un parent ou un ami pour que sa famille connaisse sa situation;

d) Quand un enfant de moins de 12 ans ou une femme est recherché pour être arrêté ou détenu, une personne de son choix doit être autorisée à l'accompagner au lieu de l'interrogatoire. Autant que possible, l'enfant ou la femme sera confié à la garde d'une unité féminine ou d'un membre féminin des forces armées ou de la police;

e) Toute déclaration d'une personne arrêtée ou détenue sera enregistrée dans la langue de son choix et elle sera ensuite invitée à la signer. Une personne qui désire faire une déclaration écrite de sa main y sera autorisée;

f) Les membres de la CDH ou toute personne autorisée par elle pourront prendre contact avec la personne arrêtée ou détenue et l'accès leur sera permis en tout temps à tout lieu de détention, poste de police ou tout autre lieu où cette personne est gardée à vue ou détenue;

g) Tout policier ou militaire qui procède à une arrestation ou une mise en détention doit aussitôt et au plus tard dans un délai de 48 heures informer la CDH ou toute personne expressément autorisée par elle de cette arrestation ou de cette détention et du lieu de la garde à vue.

Surveillance extérieure de la condition des détenus

71. Les conditions d'existence des détenus sont également surveillées par le CICR. Celui-ci a pleinement et librement accès à tous les lieux de détention. Il les visite régulièrement et s'entretient avec les détenus en dehors de la présence des gardiens. Il surveille les conditions de détention, en particulier la façon dont les détenus sont traités corporellement et psychologiquement. Il contrôle l'état de santé des détenus et arrange l'échange de messages avec leurs familles. En se fondant sur ses visites et ses constatations, le CICR peut adresser le cas échéant au gouvernement des observations verbales ou écrites.

Règles d'administration des preuves

72. Selon l'ordonnance sur l'administration des preuves, les aveux obtenus par incitations, menaces ou promesses ne sont pas recevables dans un procès pénal. En vertu de la même ordonnance, aucun aveu fait par une personne gardée par un officier de police ne peut être retenu contre elle (voir articles 24, 25 et 26). La Cour suprême a étendu cette interdiction aux aveux faits à des officiers de police en dehors du service ou quand l'accusé ignorait s'adresser à un tel officier.

73. Le règlement d'exception permet de déroger aux règles ordinaires d'administration des preuves (règlement 49), mais en général la répugnance de la justice à condamner quelqu'un sur de simples aveux et en l'absence d'autres preuves sert de sauvegarde. La Haute Cour a souligné que dans toutes ces affaires l'accusation doit prouver sans l'ombre d'un doute la culpabilité et que les éléments constitutifs du délit en vertu de la LPT et du RE doivent être prouvés indépendamment, tandis que les aveux qui, autrement, ne sont pas recevables, pourraient être invoqués à l'appui. La Cour a décidé que condamner un accusé sur de simples aveux sans autres motifs à l'appui serait une caricature de la justice (affaire Krishnapillai Nageswaran parue dans The Island du 13 septembre 1994).

Prisonniers

74. Tout individu écroué est examiné par un médecin qui fait un rapport de ses observations; ce rapport sert à vérifier si l'état du prisonnier s'est détérioré de quelque façon durant sa détention. Le détenu est également informé de ses droits et devoirs en tant que tels et notamment de son droit à se plaindre de tout mauvais traitement en prison.

75. Le Conseil de visiteurs de prison désigné par le Ministre de la justice en vertu de l'ordonnance sur les prisons est habilité à visiter toute prison située dans l'île pour y examiner les conditions de détention, entendre les plaintes des détenus et faire les recommandations appropriées aux autorités. Une commission locale de visiteurs de prison, également désignée pour chaque prison, est chargée de veiller aux conditions d'existence des prisonniers.

76. L'ordonnance sur les prisons autorise également les magistrats à visiter les prisons à tout moment et à interroger tout détenu.


Article 3 - Non-refoulement

77. La loi sri-lankaise No 8 de 1977 sur l'extradition autorise des limitations à l'extradition, par exemple possibilité de sanctionner, de détenir ou d'assigner à résidence pour des raisons de race, religion, nationalité ou opinion politique (article 7.1). Ces dispositions sont suffisamment larges pour être invoquées dans des cas prévus par l'article 3 de la Convention.

78. Par principe, les ressortissants sri-lankais ne sont pas extradés dans des pays où ils risquent la peine de mort ou d'autres formes de peines dégradantes. Ce principe peut même s'appliquer à des étrangers. Le non-refoulement d'un délinquant dans un pays où il risque d'être soumis à la torture prendra effet par décision administrative ou exécutive compte tenu de tous les facteurs pertinents.


Article 4 - La torture, infraction pénale

79. Conformément à l'article 4(2) de la Convention, la loi qualifie de délit grave tout acte de torture, sans possibilité d'élargissement sous caution et susceptible d'arrestation sans mandat et la juridiction de première instance compétente pour connaître des affaires de torture est la Haute Cour.

80. Toute personne reconnue coupable par la Haute Cour d'un acte de torture est passible d'une peine de prison de sept à dix ans et d'une amende de 10 000 à 50 000 roupies sri-lankaises (article 2(4) de la loi de 1994).

81. Avant la promulgation de la loi CAT No 22 de 1994, les individus soupçonnés d'avoir torturé relevaient du Code pénal. Il faut noter que ce dernier ne prévoit pas expressément le délit de torture comme le définit la Convention. Mais les dispositions pénales au chapitre sur les atteintes corporelles sont suffisamment larges pour s'étendre au délit de torture au sens de la Convention. Par exemple, dans l'affaire No 77818 portée devant le tribunal d'instance d'Embilipitiya, les officiers de police reconnus coupables d'actes de torture par la Cour suprême sur plainte en violation des droits fondamentaux ont été accusés de sévices graves en vertu de l'article 214 du Code pénal.


Article 5 - Compétence de la Haute Cour en matière de torture

82. Le tribunal d'instance et la Haute Cour ont compétence pour connaître de toutes les infractions pénales, dont les actes de torture commis sur le territoire sri-lankais.

83. En vertu de l'article 4 de la loi CAT, la Haute Cour doit connaître des actes de torture commis en dehors du territoire sri-lankais quand :

a) le délinquant se trouve à Sri Lanka, ou à bord d'un navire ou d'un avion enregistré à Sri Lanka;

b) le délinquant présumé est citoyen de Sri Lanka;

c) la victime présumée est citoyenne de Sri Lanka.


Article 6 - Poursuites pénales

84. Tout individu soupçonné d'avoir commis un délit est passible d'arrestation en vertu du droit pénal sri-lankais. La torture est un délit si grave que le délinquant peut être promptement arrêté sans mandat. Caution, renvoi et ouverture de l'action pénale consécutifs à la garde à vue s'appliquent selon le droit pénal général du pays. Ainsi, une personne soupçonnée d'avoir commis des actes de torture, une fois arrêtée, doit être traduite dans les 24 heures devant le juge. Celui-ci peut libérer le suspect sous caution jusqu'à l'ouverture de l'action pénale, ou le détenir pour complément d'instruction pendant 15 jours au maximum. Si à la fin de cette période, aucune action n'est ouverte, le juge doit soit prononcer le non-lieu, soit le libérer sous caution.

85. L'enquête terminée selon la procédure prescrite par le Code de procédure pénale, un rapport est adressé au parquet pour avis. Si celui-ci estime les preuves suffisantes pour poursuivre le prévenu, il le renvoie devant la Haute Cour.

86. Selon l'article 6 de la loi CAT, si un individu qui n'est pas citoyen sri-lankais est arrêté pour le délit de torture, il a le droit de communiquer sans retard avec le plus proche représentant compétent de l'Etat dont il est ressortissant.

87. Selon l'article 7(1) de la loi CAT, quand un individu est arrêté pour délit de torture, le Ministre des affaires étrangères informe les autorités concernées de tout autre Etat, compétent pour en connaître, des mesures prises soit pour poursuivre, soit pour extrader.

88. Selon l'article 7(2) de la loi CAT, si une demande est adressée au Gouvernement sri-lankais pour qu'il extrade un individu accusé ou convaincu de torture, le Ministre des affaires étrangères informe l'Etat requérant des mesures que Sri Lanka a prises ou se propose de prendre pour poursuivre ou extrader.


Article 7 - Poursuites et garanties d'un jugement équitable

89. L'article 7 de la loi CAT, conformément à l'article 7 de la Convention, prévoit la poursuite ou l'extradition de toute personne arrêtée pour un délit prévu et réprimé par la loi.

90. La Constitution garantit à toute personne accusée d'un délit qu'elle sera jugée avec toutes garanties de droit. L'article 13(3) dispose qu'elle a droit à être entendue en personne ou à être représentée par un avocat lors d'un jugement équitable par un tribunal compétent. La loi pose fermement des principes tels que la signification complète des chefs d'accusation, des facilités pour préparer la défense, le droit à l'assistance juridique, le droit d'interroger les témoins, etc.


Article 8 - Extradition

91. Selon la loi No 8 de 1977 sur l'extradition, celle-ci dépend de l'existence d'un traité d'extradition sauf pour les pays du Commonwealth. Pour ces derniers, l'extradition est possible pour les délits énoncés dans le tableau joint à la loi. Avant la promulgation de la loi CAT No 22 de 1994, figuraient dans ce tableau les délits suivants prévus et réprimés par le Code pénal :

a) Coups et blessures graves;

b) Coups et blessures légères;

c) Viol.

92. La loi CAT accorde le droit de l'extradition avec l'article 8 de la Convention par les dispositions et modifications suivantes :

a) L'article 9(1) dispose maintenant que tout accord d'extradition entre le Gouvernement sri-lankais et un autre Etat est réputé inclure l'extradition pour motif de torture définie dans la Convention, ainsi que pour le fait de tenter de torturer, de s'en rendre complice ou s'y associer;

b) L'article 9(2) dispose qu'en l'absence d'accord d'extradition le Ministre peut, par une décision publiée au Journal officiel, considérer la Convention comme un tel accord d'extradition pour le délit de torture.

La loi CAT modifie la loi d'extradition précitée en ajoutant la torture aux cas d'extradition.


Article 9 - Coopération et assistance lors de poursuites pénales pour torture

93. La loi CAT dans son article 10 dispose que le gouvernement doit apporter aux autorités compétentes de tout autre Etat l'assistance nécessaire aux poursuites pénales pour torture.

94. Par courtoisie, le Gouvernement sri-lankais, lors de telle ou telle poursuite pénale, coopère avec d'autres Etats s'il est assuré de la réciprocité, par exemple en notifiant des documents juridiques reçus de ces Etats et en enregistrant les preuves. L'assistance juridique mutuelle à cet effet est également consentie en vertu d'accords bilatéraux et multilatéraux et à réception d'une commission rogatoire.


Article 10 - Proscription de la torture : éducation et information

95. L'enseignement des droits de l'homme fait partie de la formation dispensée à tous les membres des forces de l'ordre, à ceux des forces armées et aux gardiens de prison. Cette formation comprend des exposés sur les droits fondamentaux garantis par la Constitution, les normes internationales applicables aux droits de l'homme, d'autres lois pertinentes, les droits des citoyens et les devoirs et obligations des membres des forces de l'ordre. Ces exposés s'accompagnent de démonstrations et d'aides visuelles. Des séminaires et des discussions ont lieu à divers stades de la carrière.

96. L'enseignement des droits de l'homme a été ajouté à la formation de la police au début des années 80. Il est maintenant dispensé à l'Ecole de police où les recrues reçoivent leur formation élémentaire, à l'Institut de perfectionnement de la police qui donne des cours de complément et de rappel et au Centre divisionnaire de formation qui assure la formation en service. Les officiers de police sont interrogés dans tous leurs examens sur les divers aspects des droits de l'homme. En 1997, tous les inspecteurs en fonction, commissaires adjoints, commissaires et inspecteurs généraux adjoints suivront un programme spécial de formation aux normes internationales en matière de droits de l'homme.

97. Par principe, le gouvernement se voue à faire dûment instruire et former tout le personnel de ces services à respecter et observer les normes concernant les droits de l'homme et le droit humanitaire de façon qu'ils agissent sans arbitraire ni abus et ne se servent pas indûment de leurs armes. Le droit de la guerre et le droit humanitaire font déjà partie de l'enseignement et de la formation dispensés aux forces armées, mais on en revoit actuellement la portée et la matière en insistant sur la compréhension et la pratique.

98. A la suite d'une récente conférence de haut niveau tenue au siège du CICR à Genève, où assistait une délégation d'officiers supérieurs, il a été décidé au début de 1997 de créer au grand quartier général une Direction chargée de s'occuper exclusivement du droit international humanitaire. Elle aura pour rôle et pour tâche de faire respecter ce droit et le droit de la guerre dans les opérations que mènent les forces de sécurité, de prévoir et d'appliquer un programme d'information régulière pour les militaires de tous grades engagés sur les théâtres d'opérations ou suivant des cours de formation, et d'élaborer un nouveau programme qui sera enseigné aux militaires jusqu'au grade de capitaine en vue d'en faire une matière obligatoire de tous les examens d'avancement.

99. Le gouvernement a également bénéficié de l'assistance d'organisations non gouvernementales, pour réaliser des programmes de sensibilisation aux droits de l'homme destinés aux forces armées, à la police et à la fonction publique.

Comité international de la Croix-Rouge

100. Le CICR a commencé en 1986 sa série de séminaires visant à donner aux forces armées sri-lankaises une plus grande conscience et compréhension du droit international humanitaire. Depuis l'installation de sa délégation à Sri Lanka en 1990, ses programmes ont continué et ont été étendus aux membres des forces de l'ordre, membres des corps francs, unités paramilitaires, fonctionnaires et agents de la Croix-Rouge sri-lankaise. Des cours et exposés sont donnés régulièrement au personnel de tous grades des forces armées dans les centres de formation et sur les théâtres d'opérations. Quelque 25 000 d'entre eux et au total 35 000 personnes les ont suivis depuis juin 1993. En mars 1997, le CICR a organisé sur le droit humanitaire un séminaire d'une semaine pour 10 commandants et 15 capitaines. Il est prévu d'envoyer ces officiers en équipes dans les centres de formation et sur les théâtres d'opérations pour diffuser ces connaissances.

101. Le CICR a aussi imprimé des brochures en anglais, sinhala et tamil sur le droit de la guerre et des manuels d'instruction ont été distribués aux forces armés. Il offre aux membres des forces armées de participer à des séminaires internationaux ou régionaux sur le droit humanitaire.

Centre d'études des droits de l'homme

102. Ce centre a lancé en juin 1993 un programme destiné à enseigner les droits de l'homme aux forces armées et à la police pour leur en faire sentir la valeur et marquer les limites de leurs pouvoirs. A la suite d'entretiens préliminaires avec les directeurs de la formation des forces armées et de la police, deux séminaires et sessions d'études d'introduction ont eu lieu pour un groupe de 31 commissaires adjoints et 7 officiers de marine respectivement.

103. En 1995, des mesures ont été prises pour compléter la formation de trois catégories de membres des forces armées et de la police : dirigeants, instructeurs et recrues. Un manuel a été rédigé sur les normes et la jurisprudence en matière de droits de l'homme pour les instructeurs et un autre pour les recrues. Le premier a été officiellement remis aux instructeurs des forces armées et de la police en mars 1995 lors d'une journée d'études à Colombo.

Autres activités

104. Un programme de médecine légale, sanctionné par un diplôme et organisé pour les praticiens du droit pénal par la Faculté de médecine de l'Université de Colombo, englobe les droits de l'homme. Une section porte sur les aspects juridiques de la torture et des décès lors de détention. Les matières comprennent des normes nationales et internationales qui proscrivent la torture et les sévices lors de détention, en citant la Convention contre la torture et la loi CAT No 22 de 1994.

105. Des séminaires et exposés sur les aspects médicaux de la torture ont été récemment donnés par le Département de médecine légale de la Faculté de médecine pour l'information des praticiens et du grand public. Les droits de l'homme et la torture formeront bientôt une matière spéciale pour les jeunes étudiants en médecine de l'Université de Colombo.


Article 11 - Dispositif d'examen des règles pour prévenir la torture

106. Nombre de dispositifs gouvernementaux et non gouvernementaux, officiels et officieux permettent de revoir les lois et pratiques influant sur les droits de l'homme.

107. Le gouvernement se consacre présentement à renforcer et étendre les droits fondamentaux consacrés par la Constitution. La Commission parlementaire sur la réforme constitutionnelle nommée en 1994 pour rédiger une nouvelle Constitution en est chargée. C'est un organe multipartite qui réunit des représentants de tous les partis politiques siégeant au Parlement. Le grand public, les partis politiques enregistrés, les organisations non gouvernementales et des établissements d'enseignement ont été invités à faire connaître leur opinion sur la réforme. Plus de 70 réunions ont eu lieu et un large consentement est déjà acquis sur le projet de chapitre traitant des droits fondamentaux. Celui-ci reconnaît plusieurs droits qui ne le sont pas dans la Constitution de 1978 et permet à chaque citoyen de recourir lors d'une violation ou d'une menace de violation de ses droits par des tribunaux de première instance qui, par exemple, n'accordent pas la liberté sous caution ou ne suivent pas la procédure applicable.

108. Le gouvernement nomme périodiquement des comités et commissions qu'il charge d'examiner telle ou telle loi ou pratique touchant aux droits de l'homme. Une commission nommée en février 1995 pour étudier et proposer une réorganisation de la police a examiné l'enseignement des droits de l'homme lors de la formation dispensée aux policiers ainsi que les moyens actuels permettant de se plaindre d'eux. Le Ministre de la défense étudie présentement les recommandations du Comité.

109. Des réunions interministérielles convoquées en tant que de besoin offrent aussi l'occasion de revoir les lois et pratiques touchant aux droits de l'homme. Les recommandations présentées par la Commission des droits de l'homme, au vu du quatrième rapport périodique présenté par Sri Lanka en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, sont présentement examinées et adoptées par les Ministres de la justice et de la défense en vue de leur application.

110. La Commission nationale des droits de l'homme (CDH), récemment créée à Sri Lanka, servira au gouvernement d'organe consultatif en matière législative et administrative et lui adressera des recommandations pour que ces lois et pratiques soient conformes à la Constitution et aux normes internationales concernant les droits de l'homme.

111. Les organisations non gouvernementales de défense des droits de l'homme surveillent attentivement les lois, règlements et pratiques qui y touchent. Le gouvernement entretient un dialogue avec elles et leurs suggestions et recommandations retiennent toute son attention. Par exemple, en 1991, le Centre d'études des droits de l'homme, avec le Centre de Nadesan, a entrepris d'énumérer, d'examiner et d'analyser les effets du RE sur les droits de l'homme. En novembre 1992, il a soumis au Président des recommandations tendant à en adoucir la rigueur. En février 1993, le gouvernement a modifié certains de ses RE et commencé à revoir les autres conformément à ces recommandations.

112. Ce dialogue a encore été activé par la nomination d'un groupe consultatif formé de représentants d'organisations non gouvernementales de défense des droits de l'homme, pour aider le Ministre des affaires étrangères à traiter ces questions, en particulier celles relatives aux obligations internationales souscrites par Sri Lanka. Ses membres servent à titre individuel et honoraire. Leur nomination ne les détourne nullement de continuer à mener leur campagne publique en faveur des droits de l'homme, notamment par des commentaires ou critiques de l'action du gouvernement dans ce domaine.

Règlement d'exception concernant l'arrestation et la détention

113. Le Ministre de la défense examine et modifie périodiquement les RE concernant l'arrestation et la détention en vue de prévenir les abus. Au fil des ans elles ont été notablement améliorées et rendues plus strictes. Tout récemment, le règlement 22 concernant ceux qui se rendent aux forces de l'ordre a été entièrement abrogé et remplacé par un nouveau règlement amélioré. Selon ce nouveau texte, quiconque se rend aux forces de l'ordre à l'occasion de délits déterminés, notamment ceux prévus par les RE, sera non détenu avec d'autres personnes arrêtées en vertu des RE ou de la LPT, mais remis au commissaire général chargé de la réadaptation. Celui-ci l'enverra à un centre d'hébergement en vue de sa réinsertion (Journal officiel No 938/13 du 29 août 1996).

114. Il faut noter que le gouvernement ne peut pas décider le maintien de l'état d'urgence. Il peut seulement le prolonger d'un mois chaque fois, si le Parlement l'approuve par un vote majoritaire après un débat approfondi.


Articles 12 et 13 - Droit de porter plainte et assurance d'une enquête
prompte et impartiale

115. La police est impérativement tenue de procéder à une enquête prompte et impartiale chaque fois qu'il y a un motif de croire qu'un acte de torture a été commis ou qu'elle reçoit une plainte alléguant que quelqu'un était ou est soumis à la torture.

116. Selon l'article 109(1) du Code de procédure pénale, chacun peut donner des renseignements sur un acte criminel à tout officier de police ou tout enquêteur, oralement ou par écrit. Si, recevant cette information, le chef d'un poste de police ou l'enquêteur a des raisons de soupçonner qu'a été commis un délit justifiant une arrestation sans mandat, il doit envoyer un rapport au tribunal d'instance compétent pour en connaître ou à son supérieur immédiat; et il doit se mettre à analyser les faits et circonstances de l'affaire et prendre toute mesure requise pour découvrir et arrêter le délinquant. Tout officier de police en cours d'enquête a pouvoir de convoquer tous ceux susceptibles de le renseigner, de les interroger et de les fouiller. Si des preuves suffisantes sont réunies, le suspect peut être arrêté et traduit dans les 24 heures devant un tribunal compétent.

Plaintes contre des officiers de police

117. Les plaintes contre des officiers de police, notamment les allégations de torture, peuvent être adressées à une subdivision spéciale ad hoc relevant de l'adjoint principal à l'inspection générale. Son chef est le directeur des enquêtes disciplinaires.

118. Toutes les plaintes reçues sont enregistrées par ce directeur qui les envoie pour enquête aux divisions compétentes. Les inspecteurs généraux adjoints dont relèvent ces divisions les transmettent aux commissaires divisionnaires (chefs de division administrative ou territoriale) pour qu'il mène les enquêtes nécessaires. Si cette enquête établit un commencement de preuve, l'affaire est transmise à un jury d'enquête présidé par un commissaire adjoint. Un membre du public y siège.

119. Selon les conclusions de l'enquête, des mesures disciplinaires sont prises conformément à l'ordonnance sur la police (article 55), aux règlements de police (article 82) et au Code de l'administration. Si l'enquête préliminaire révèle des faits qui justifient une action pénale, celle-ci est entreprise, mais toute enquête administrative entreprise se poursuit comme en dispose le Code de l'administration.

120. Une plainte contre un officier de police peut aussi être adressée au service spécial d'enquête qui relève directement de l'Inspection générale de la police. Chaque fois qu'une plainte grave doit être examinée, l'IGP a la faculté de la transmettre directement à ce service. Celui-ci lui en rend compte et, si nécessaire, porte plainte contre des officiers de police qui se sont rendus coupables de délit.

121. Bien qu'on tente de traiter promptement toutes les plaintes reçues, le manque de personnel et de moyens au service des enquêtes disciplinaires l'empêche. Autre inconvénient, il n'existe pas de dispositif pour suivre toutes les plaintes reçues. Certaines sont adressées au service spécial d'enquête et le reste au service disciplinaire, sans être centralisées.

122. Un récent rapport de la Commission de la police a recommandé de créer une "cellule" relevant directement de l'Inspection générale pour suivre l'instruction de toutes ces affaires et permettre des mesures efficaces. Elle a également suggéré que toutes les plaintes contre des officiers de police soient transmises à un jury où siège un membre du public, même au stade de l'enquête préliminaire, de façon à en assurer l'impartialité. Des mesures sont prises en ce sens.

Compétence de la Cour suprême en matière de droits fondamentaux

123. Tout particulier a le droit de se plaindre à la Cour suprême pour violation du droit fondamental que lui assure la proscription de la torture. Selon le règlement de la nouvelle Cour suprême, elle peut être saisie par une simple lettre.

124. La Cour n'ordonne pas d'enquête. Elle fonde sa décision sur les preuves écrites qui lui sont présentées. Si elle est saisie par une simple lettre, elle peut transmettre l'affaire pour enquête et rapport à la CDH ou à l'Association du barreau. Elle peut aussi transmettre à la CDH pour enquête et rapport toute question qui se pose en cours d'instruction d'une requête qui lui est adressée en vertu de l'article 126 de la Constitution. Voir aussi paragraphes 39 à 47 ci-dessus.

Commission nationale des droits de l'homme (CDH)

125. La Commission dispose des pouvoirs d'enquête suivants :

a) procurer et recevoir toute preuve écrite ou orale et interroger tous témoins;

b) exiger toute preuve par témoin, déclarée sous serment ou sur l'honneur;

c) convoquer toute personne résidant à Sri Lanka à toute réunion de la Commission, pour témoigner ou présenter tout document ou pièce en sa possession, l'interroger comme témoin ou exiger qu'elle présente tout document ou pièce en sa possession;

d) admettre nonobstant toute disposition de l'ordonnance sur l'administration des preuves, toute preuve écrite ou orale irrecevable dans des procès civils ou criminels;

e) admettre ou exclure le public durant toute enquête ou partie de celle-ci.

126. Les pouvoirs et fonctions de la CDH sont exposés plus en détail aux paragraphes 28-34 ci-dessus.

Comité international de la Croix-Rouge

127. Le CICR a plein et libre accès aux lieux de détention et entend les plaintes confidentiellement. Il les communique à l'autorité compétente pour enquête. Voir également les paragraphes 35 et 36 ci-dessus.


Article 14 - Réparation et réinsertion

128. Quand une plainte en violation des droits fondamentaux a été déposée devant la Cour suprême sur l'allégation d'une violation de la proscription de torture, et que cette allégation a été prouvée, la Cour dans ses prérogatives d'ordonner telle réparation ou de prendre toute décision qu'elle juge juste et équitable dans les circonstances, a invariablement accordé des dommages à la victime. Le montant des dommages qu'elle accorde varie.

129. Mais il est admis que les montants ordonnés par la Cour peuvent ne pas toujours être suffisants. Dans ses ordonnances d'indemnisation, la Cour se heurte à certaines difficultés. D'une part, elle doit tâcher de se prononcer dans les meilleurs délais. Ainsi, lors de blessures graves, un constat s'impose avant que la victime se rétablisse. D'autre part, la Cour doit décider d'après l'expertise médicale qui risque d'être insuffisante. Généralement, la Cour n'a pas connaissance d'éléments pertinents comme les revenus du plaignant, la perte passée et future de gains, les frais médicaux et autres passés et futurs occasionnés par les blessures, etc. En outre, elle doit, pour fixer le montant des dommages à verser par l'accusé, tenir compte de ses moyens.

130. Bien que la loi ne prévoie pas expressément la question de l'attribution d'indemnités suffisantes par la Haute Cour aux victimes de torture, selon l'article 17(4) du Code de procédure pénale, un tribunal, s'il condamne l'accusé ou décide que le chef d'accusation reste à prouver mais prend des mesures contre l'accusé sans le condamner, peut ordonner au condamné ou à l'accusé dont la culpabilité reste à prouver de verser des dommages, qu'il doit déterminer, à la victime. Il s'ensuit que la Haute Cour est habilitée à accorder des dommages aux victimes de torture.

131. Un certain nombre d'organisations non gouvernementales offrent des services intégrés médicaux, psychologiques et d'assistance-conseil aux victimes de torture. Ils sont adaptés aux besoins de chacun. Certaines ONG s'occupent en particulier d'assister et de réinsérer les victimes de torture et leur famille. Elles organisent des consultations médicales hebdomadaires à Colombo et dans des centres de campagne. Selon ces ONG, des facteurs socio-économiques, comme les difficultés à trouver un emploi, aggravent les traumatismes dus à la torture. Ainsi, l'assistance à ces victimes consiste à les adresser à d'autres ONG qui leur consentent des prêts pour s'établir, leur dispensent une formation professionnelle, etc.


Article 15 - Aveux sous la torture

132. Selon l'ordonnance sur l'administration des preuves, des aveux obtenus par incitation, menace ou promesse sont irrecevables au pénal. Selon la même ordonnance, les aveux de quiconque est en garde à vue ne peuvent être invoqués contre lui. La législation adoptée pour régler certains délits graves touchant à la sécurité de l'Etat et des délits économiques graves dispose que sont recevables les aveux faits dans certains cas en présence de certains officiers de police ou fonctionnaires de certains départements. Mais, même dans ces cas-là, les aveux obtenus par incitation, menace ou promesse sont jugés irrecevables au pénal.

133. L'article 5 de la loi CAT de 1994 admet toutefois que des aveux, par ailleurs irrecevables au pénal, seront recevables dans tout procès intenté en vertu de ladite loi à la seule fin de prouver que ces aveux ont été faits.


Article 16 - Autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
moindres que la torture

134. Sont des délits relevant du Code pénal les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants moindres que la torture définis par la Convention. Pour un tel délit commis par quelqu'un agissant à titre officiel ou à l'instigation ou avec le consentement ou l'approbation d'un fonctionnaire, on peut invoquer l'une quelconque des dispositions ci-après du Code pénal : coups et blessures légères (article 314), coups et blessures graves (article 366), coups et blessures légères pour extorquer des aveux ou obliger à restituer des biens (article 321), coups et blessures graves pour extorquer des aveux ou obliger à restituer des biens (article 322), interdiction illicite (article 330), détention illicite (article 331), coups ou brutalités (article 343), intimidation (article 483), etc.

135. A noter que trois des exemples donnés par l'article 321 du Code pénal se rapportent expressément à des fonctionnaires.


Liste des annexes

Loi No 22 de 1994 sur la Convention contre la torture.

Code pénal No 2 de 1883.

Code de procédure pénale No 15 de 1979.

Ordonnance sur l'administration des preuves No 14 de 1895.

Loi No 48 de 1979 sur la prévention du terrorisme, amendée par la loi No 10 de 1982.

Règlement d'exception No 4 de 1994 (dispositions diverses et pouvoirs) concernant l'arrestation et la détention (amendé).

Règlement d'exception No 1 de 1995 (établissement de l'Equipe spéciale de défense des droits de l'homme).

Directives adressées par le Président en juillet 1995 aux forces armées et à la police en vertu du règlement d'exception 8(1) (création de l'Equipe spéciale de défense des droits de l'homme).

Règlement No 1 de 1995 pour permettre à cette équipe d'exercer ses pouvoirs et de s'acquitter de ses fonctions pour que soient respectés les droits fondamentaux des personnes arrêtées ou détenues et qu'elles soient traitées humainement.

Règlement d'application de l'ordonnance sur la sécurité publique pris par le Président pour supprimer l'Equipe spéciale.

Loi No 21 de 1996 instituant la Commission nationale des droits de l'homme.

Directives adressées par le Président en juin 1997 aux forces armées et à la police pour permettre à la CDH d'exercer efficacement ses fonctions.

Statistiques des affaires concernant les droits fondamentaux portées devant la Cour suprême en vertu de l'article 11 de la Constitution de 1995.

-------------

Ces annexes se trouvent pour consultation dans les dossiers du Haut Commissariat des Nations Unies pour les droits de l'homme.



Page Principale || Traités || Recherche || Liens