University of Minnesota



Observations finales du Comité contre la torture, Serbie, U.N. Doc. CAT/C/SRB/CO/1 (2009).



CAT/C/SRB/CO/1

19 janvier 2009

FRANÇAIS
Original: ANGLAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE Quarante et unième session
3-21 novembre 2008

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Conclusions et recommandations du Comité contre la torture

SERBIE

1. Le Comité contre la torture a examiné le rapport initial de la Serbie (CAT/C/SRB/1) à ses 840e et 843e séances (CAT/C/SR.840 et CAT/C/SR.843), tenues les 5 et 6 novembre 2008, et a adopté à ses 857e et 859e séances (CAT/C/SR.857 et 859, tenues les 17 et 18 novembre 2008, les conclusions ci-après.

A. Introduction

2. Le Comité accueille avec satisfaction la soumission du rapport initial de la Serbie portant sur la période 1992-2003 ainsi que les réponses à la liste de questions qui apportent des renseignements complémentaires sur les mesures législatives, administratives, judiciaires et autres prises par l’État partie en vue de mettre œuvre la Convention. Le Comité relève par ailleurs avec satisfaction le dialogue constructif qui a eu lieu avec une délégation de haut niveau.

B. Aspects positifs

3. Le Comité se félicite des nombreuses modifications apportées à la législation, parmi lesquelles l’adoption des textes suivants:

a) Une nouvelle Constitution, entrée en vigueur en 2006, qui prévoit que nul ne peut être soumis à la torture;

b) La loi, adoptée en 2003, qui porte création de la Chambre des crimes de guerre;

c) Le Code pénal, adopté en 2005, qui définit et érige en crime la torture;

d) La loi, adoptée en 2005, qui porte création du Défenseur des citoyens (Médiateur);

e) Une loi de procédure pénale, qui a été adoptée en 2006 et est entrée en vigueur en 2009; et

f) La loi sur l’asile, adoptée en 2007 et entrée en vigueur en 2008, qui établit le principe du non-refoulement.

4. Le Comité se félicite de la ratification, en 2006, du Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il se félicite également de la ratification du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en 2002, et du Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, en 2003, ainsi que du Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, en 2003.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition de la torture

5. Tout en notant que la torture est considérée comme un crime dans plusieurs textes normatifs, le Comité est préoccupé par le fait que la législation n’est pas entièrement harmonisée sur la Convention puisque, selon l’article 137 du Code pénal, les peines prévues ne sont pas proportionnelles à la gravité du crime. Le Comité déplore l’arrêt rendu par la Cour suprême en 2005 frappant de prescription le crime de torture. Toutefois, il prend note de la déclaration de l’État partie selon laquelle une nouvelle loi serait adoptée d’ici à la fin 2009 pour remédier à l’incompatibilité de la loi serbe avec la Convention en ce qui concerne la prescription (art. 1).

L’État partie devrait poursuivre ses efforts afin que sa définition de la torture soit conforme à l’article premier de la Convention. Il devrait à cet égard faire en sorte que les peines prévues par le Code pénal soient proportionnelles à la gravité du crime de torture. Le Comité invite instamment l’État partie à accélérer la réforme de la justice et à faire en sorte que les cas de torture ne puissent pas être frappés de prescription.

Garanties fondamentales

6. Le Comité note que la loi sur l’exécution des sanctions pénales prévoit un contrôle interne par les divers départements du Ministère de la justice, que la loi sur la police adoptée en 2005 prévoit la création du secteur de contrôle interne et que des unités de contrôle interne ont été établies dans tous les services de police régionaux. Toutefois, il reste préoccupé par l’absence de mécanisme de contrôle externe indépendant, chargé d’examiner les actes illicites qui auraient été commis par les membres de la police. Le Comité est en outre préoccupé par le fait que, dans la pratique, la police ne respecte pas le droit des détenus de s’entretenir avec un conseil de leur choix, d’être examinés par un médecin indépendant dans les vingt-quatre heures qui suivent leur mise en détention et de se mettre en contact avec leurs proches. Le Comité s’inquiète aussi de l’absence de protocole approprié sur la manière pour les médecins de présenter les constatations de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de manière systématique et indépendante (art. 2).

L’État partie devrait veiller à ce qu’un mécanisme indépendant chargé d’examiner les actes illicites éventuellement commis par des agents de l’État, quels qu’ils soient, soit créé. Il devrait veiller à ce que le droit de s’entretenir avec un avocat de son choix et de se mettre en contact avec ses proches soit respecté dans la pratique et à ce que tous les détenus soient soumis à un examen médical dans les vingt-quatre heures qui suivent leur mise en détention, comme le Comité l’a déjà recommandé dans la procédure d’enquête effectuée au titre de l’article 20. L’État partie devrait également instituer des protocoles à l’intention du corps médical prévoyant l’établissement systématique de rapports sur les constatations de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Le Défenseur des citoyens (Médiateur)

7. Le Comité se félicite de la création de la fonction de médiateur et de la désignation d’un Médiateur adjoint chargé d’améliorer la situation des personnes privées de liberté placées en établissement et/ou en détention, parmi lesquelles les personnes souffrant d’un handicap mental, intellectuel ou physique et de difficultés d’apprentissage. Il demeure toutefois préoccupé de voir que la structure correspondante n’est pas entièrement mise en place, que l’indépendance du Médiateur n’est pas entièrement garantie, qu’il ne dispose pas des ressources nécessaires pour s’acquitter efficacement de ses fonctions et qu’il n’a pas les capacités nécessaires pour analyser le nombre important de plaintes (700) qui lui sont soumises. Le Comité s’inquiète aussi de voir qu’aucune autorité n’est chargée de veiller au respect des droits de l’enfant (art. 2).

L’État partie devrait:

a) Intensifier ses efforts afin de veiller à ce que le Médiateur soit en mesure de suivre en toute indépendance et en toute impartialité les cas allégués de fautes commises par des policiers et d’enquêter à ce sujet, notamment en renforçant le rôle et les fonctions du Médiateur adjoint chargé de protéger les droits des personnes privées de liberté afin de lui donner pouvoir d’enquêter sur les actes commis par des policiers;

b) Veiller à ce que toutes les autorités compétentes donnent suite aux recommandations du Médiateur;

c) Encourager le Médiateur à demander l’accréditation auprès du Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme, pour avoir la garantie qu’il applique les Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme («Principes de Paris»), joints en annexe à la résolution 48/134 de l’Assemblée générale;

d) Envisager de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que le Médiateur œuvre à promouvoir les droits de l’enfant et à protéger les enfants de la violence, et envisager en particulier l’adoption d’une loi portant création d’un médiateur des droits de l’enfant.

Indépendance de la justice

8. Le Comité demeure préoccupé par les nouvelles dispositions constitutionnelles qui prévoient que les magistrats, à tous les niveaux de la hiérarchie de l’ordre judiciaire, sont élus par l’Assemblée nationale. Il s’inquiète aussi face à la définition des règles et procédures des tribunaux et de l’absence de législation définissant les mesures disciplinaires susceptibles d’être adoptées à l’égard des juges (art. 2 et 12).

L’État partie devrait garantir l’indépendance et l’impartialité totales des juges en veillant à ce que, entre autres choses, la désignation des juges se fasse sur la base de critères objectifs quant à leurs qualifications, leur intégrité, leurs capacités et leur efficacité. L’État partie devrait aussi définir les règles de procédure des tribunaux et créer un organe disciplinaire indépendant à cet égard.

Réfugiés

9. Le Comité prend note de la nouvelle loi sur l’asile (2008) qui établit le principe du non-refoulement, mais demeure préoccupé par les règles d’interprétation de la loi touchant le traitement des demandeurs d’asile (art. 3).

L’État partie devrait adopter d’urgence les mesures nécessaires, d’ordre juridique en particulier, pour mettre en pratique la nouvelle loi sur l’asile afin de protéger les droits des demandeurs d’asile et des personnes qui demandent le statut de réfugié. L’État partie devrait aussi introduire des mesures en vue de protéger les demandeurs d’asile et autres étrangers qui ont besoin d’une protection humanitaire.

Plaintes, enquêtes et condamnations

10. Tout en prenant acte de la réforme de la justice, y compris la nouvelle loi sur les juges et le nouveau Code pénal qui devrait entrer en vigueur en 2009, le Comité s’inquiète de la lenteur des enquêtes et du fait que les fonctionnaires ne sont pas suspendus de leurs fonctions pendant la durée des enquêtes portant sur des allégations de torture ou de mauvais traitements (art. 4, 12, 13 et 16).

L’État partie devrait:

a) Veiller à ce qu’il soit procédé à des enquêtes approfondies, rigoureuses et impartiales sur les allégations de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, y compris sur des plaintes déposées sous le régime précédent, comme le Comité l’a déjà recommandé dans son rapport au titre de l’article 20;

b) Suspendre les personnes visées par une plainte de torture pendant la durée de l’enquête concernant ces plaintes, comme le Comité l’a déjà recommandé dans son rapport au titre de l’article 20; et

c) Se conformer aux constatations du Comité au sujet de l’article 22 demandant qu’il soit procédé à des enquêtes sur des communications individuelles et fournir des informations à cet égard dans son prochain rapport périodique.

Coopération avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie

11. Le Comité se félicite des mesures prises pour renforcer la coopération avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et de la mise en place de programmes de protection des témoins, mais se demande avec inquiétude ce qui adviendra quand le Tribunal pénal international aura cessé de siéger, et s’inquiète pour la sécurité de ceux qui ont fourni des preuves ou qui sont en train d’en fournir (art. 12).

L’État partie devrait veiller à ce que:

a) Une pleine coopération soit apportée au Tribunal pénal international, notamment en arrêtant et en déférant les personnes mises en accusation et celles qui sont toujours en liberté et en lui donnant plein accès aux documents demandés et aux éventuels témoins;

b) Toutes les personnes, y compris les policiers et militaires haut gradés et les personnalités politiques soupçonnées de complicité et de participation à des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité soient jugées dans le cadre de procédure régulières y compris après que le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie aura cessé de siéger;

c) Les témoins soient efficacement protégés à tous les stades du procès et après le procès.

Autres enquêtes portant sur des crimes de guerre

12. Le Comité déplore que l’État partie n’ait pas donné d’explication sur les résultats des enquêtes menées dans l’affaire Ovcara (novembre 1991) et en particulier sur le rôle de la Cour suprême qui a classé la décision de la juridiction de première instance en 2006, et se déclare préoccupé par le manque d’informations données quant aux raisons qui ont amené la Cour suprême à ordonner un nouveau procès.

L’État partie devrait fournir des informations sur les résultats de l’enquête menée dans l’affaire Ovcara (novembre 1991), ainsi que sur les motifs qui ont conduit à ordonner un nouveau procès en 2006.

Défenseurs des droits de l’homme

13. Le Comité se dit inquiet de l’hostilité dont font l’objet les défenseurs des droits de l’homme, en particulier ceux qui s’occupent de la justice transitionnelle et des droits des minorités, et du fait que les défenseurs des droits de l’homme traduits en justice pour des raisons dites politiques n’ont pas droit à un procès équitable (art. 16).

L’État partie devrait prendre des mesures concrètes pour reconnaître la légitimité des défenseurs des droits de l’homme et de leur action et veiller à ce que lorsque des plaintes sont déposées contre ces personnes, elles soient traitées conformément aux normes relatives à l’équité de la procédure judiciaire.

Formation

14. Le Comité prend note des efforts de l’État partie en ce qui concerne la formation du personnel pénitentiaire dispensée au Centre de formation des employés de la Direction à compter de septembre 2004. Il s’inquiète toutefois de voir que la formation n’est pas axée sur l’éducation et l’information touchant l’interdiction de la torture et que les programmes destinés à former le personnel médical à l’identification et à l’établissement de preuves documentaires des cas de torture, conformément au Protocole d’Istanbul, ainsi que les programmes de réadaptation des victimes, sont insuffisants. Il semble d’autre part que les efforts de formation destinés à amener les membres des institutions policières, juridiques et médicales à adopter une approche plus soucieuse de l’égalité entre les sexes soient également insuffisants (art. 10).

L’État partie devrait:

a) Veiller à ce que l’enseignement et l’information concernant l’interdiction de la torture fassent partie intégrante de la formation du personnel chargé de l’application des lois;

b) Introduire l’interdiction absolue de la torture, dans les modules de formation sur les règles, instructions et méthodes concernant les interrogatoires et dispenser une formation spécifique au personnel médical sur la manière de détecter les signes de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants, conformément au Protocole d’Istanbul;

c) Faire régulièrement le bilan de la formation dispensée aux responsables de l’application des lois et mettre en place un mécanisme indépendant de surveillance de leur comportement; et

d) Intensifier ses efforts pour appliquer une approche soucieuse de l’égalité entre les sexes dans la formation des personnes qui sont chargées de la garde, de l’interrogatoire ou du traitement de toute personne mise en état d’arrestation ou en détention.

Conditions de détention

15. Tout en prenant acte des réformes qui ont été apportées au système pénitentiaire depuis 2004, y compris la construction de nouveaux établissements et la reconstruction d’établissements existants, le Comité se déclare préoccupé par les conditions matérielles actuelles de la détention, le problème de surpeuplement dans les lieux de privation de liberté, et le manque d’indépendance du personnel médical dans les prisons. Il prend note de la déclaration de la délégation selon laquelle aucune demande de visite d’établissement pour contrôler l’exécution des peines émanant d’une organisation non gouvernementale n’a été rejetée mais il constate avec préoccupation qu’il semble que la visite doive être annoncée à l’avance.

Il s’inquiète par ailleurs de l’absence de système de contrôle des conditions de détention par des experts indépendants (art. 11).

L’État partie devrait:

a) Veiller à la mise en œuvre, à bref délai, de la réforme du système pénitentiaire et solliciter, si nécessaire, l’assistance technique de l’Organisation des Nations Unies et d’autres organismes compétents;

b) Améliorer les conditions matérielles de détention dans les lieux de privation de liberté, en particulier les conditions d’hygiène et les soins médicaux, notamment en permettant l’accès à du personnel médical indépendant de manière systématique. À cet égard, il importe que l’État partie veille à ce que le Ministère de la santé contrôle l’exercice de ses devoirs professionnels par le personnel médical dans les établissements pénitentiaires;

c) Mettre sur pied un système de contrôle des conditions de détention par des experts indépendants, conformément à la requête renouvelée par le Comité dans sa recommandation contenue dans son rapport au titre de l’article 20.

Personnes handicapées et torture

16. Le Comité prend acte du fait que l’État partie admet la médiocrité et l’insuffisance de certains traitements et demeure préoccupé par les informations concernant les traitements subis par des enfants et des adultes souffrant de troubles mentaux ou physiques, en particulier par les mesures d’internement forcé ou à long terme qui peuvent être assimilées à des actes de torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans les établissements de protection sociale accueillant des personnes atteintes de troubles mentaux et les hôpitaux psychiatriques. Le Comité est préoccupé de constater qu’aucune enquête ne semble avoir été engagée concernant les traitements que subissent des personnes souffrant de handicap placées dans des établissements qui peuvent être assimilés à des actes de torture ou à des traitements inhumains ou dégradants (art. 2, 12, 13 et 16).

L’État partie devrait:

a) Entreprendre des réformes sociales et mettre en place des systèmes de soutien communautaire de remplacement, parallèlement au processus de désinstitutionalisation des personnes handicapées actuellement en cours, et renforcer la formation professionnelle tant dans les établissements de protection sociale accueillant des personnes atteintes de troubles mentaux que dans les hôpitaux psychiatriques; et

b) Enquêter sur la torture ou les peines ou traitements inhumains ou dégradants que subiraient les personnes handicapées dans ces établissements.

Minorités ethniques, en particulier la minorité rom

17. Tout en prenant acte des mesures prises par l’État partie, y compris les charges pénales retenues contre des personnes pour violences à caractère ethnique à l’égard de minorités ethniques et le Plan d’action pour l’amélioration de l’éducation des Roms (2005), le Comité exprime les préoccupations que lui inspire l’absence de protection des minorités, en particulier lorsque des événements politiques indiquent qu’elles sont exposées à des risques plus élevés que de coutume (art. 10, 12 et 16).

L’État partie devrait prendre toutes les mesures de prévention qui s’imposent pour protéger les personnes appartenant à des communautés minoritaires, en particulier lorsque des événements politiques donnent à penser qu’elles courent un risque particulièrement élevé d’être attaquées, et veiller à ce que les mesures juridiques et administratives pertinentes en vigueur soient strictement respectées. L’État partie devrait aussi veiller à ce que la diversité ethnique soit plus largement représentée au sein des forces de police afin de faciliter la communication et les contacts avec toutes les communautés de Serbie et faire en sorte que les programmes de formation et les campagnes d’information transmettent constamment le message que et la violence ne sera pas tolérée et sera sanctionnée en conséquence.

Indemnisation, réadaptation et réparations

18. Le Comité prend note des informations relatives à l’indemnisation de certaines victimes de guerre dans le cadre des procédures engagées devant la Chambre des crimes de guerre, conformément au Code de procédure pénale, y compris le versement d’indemnités pécuniaires, et des excuses faites publiquement par l’État partie en 2003, 2004 et 2007. Il regrette toutefois qu’il n’y ait pas de programme spécifique pour donner effet au droit à réparation et à indemnisation des victimes d’actes de torture et de mauvais traitements. Il regrette également le manque d’informations sur le nombre des victimes d’actes de torture et de mauvais traitements qui auraient bénéficié d’une indemnisation et sur le montant de celle-ci, ainsi que sur les autres formes d’assistance, y compris en matière de réadaptation médicale ou psychosociale, apportées aux victimes. Le Comité prend acte avec préoccupation de la déclaration de l’État partie selon laquelle il n’existe pas dans l’État partie de services qui s’occupent spécifiquement du traitement des traumatismes et de la réadaptation, sous d’autres formes, des victimes de la torture. Il est en outre préoccupé par le manque d’informations sur l’indemnisation et la réadaptation des personnes handicapées ainsi que sur les réparations qui leur sont versées (art. 14).

L’État partie devrait:

a) Renforcer les efforts qu’il déploie en matière d’indemnisation, de réparation et de réadaptation afin que les victimes d’actes de torture et de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants reçoivent des réparations ainsi qu’une indemnisation juste et suffisante, y compris les moyens d’une réadaptation aussi complète que possible;

b) Élaborer un programme spécifique d’aide aux victimes de la torture et de mauvais traitements;

c) Donner dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les éventuels programmes de réparation, y compris les programmes relatifs au traitement des traumatismes et à d’autres formes de réadaptation dont bénéficient les victimes de la torture et de mauvais traitements, ainsi que sur l’allocation de ressources suffisantes pour garantir le fonctionnement effectif de ce type de programmes; et

d) Renforcer les efforts qu’il déploie en matière d’indemnisation, de réparation et de réadaptation en faveur des personnes handicapées et donner dans son prochain rapport périodique des informations sur les mesures prises à cet égard.

Violence familiale et sévices sexuels dont les femmes et les filles sont victimes

19. Le Comité note que la violence familiale est définie comme étant une infraction depuis l’adoption de la loi sur les infractions de 2007 mais il est préoccupé par la lenteur des procédures qui fait que de nombreuses victimes abandonnent les démarches. Il est préoccupé par les informations selon lesquelles les sévices sexuels subis par des filles ont augmenté ces dernières années et par la légèreté des peines prononcées contre les auteurs d’actes de violence familiale, ainsi que par la lenteur des procédures, le manque de mesures de protection et l’inexistence de mesures de prévention adéquates (art. 16).

L’État partie devrait:

a) Redoubler d’efforts pour faire en sorte que des mesures de protection efficaces soient mises en place d’urgence et pour prévenir, combattre et punir la violence à l’égard des femmes et des enfants, y compris la violence familiale;

b) Assurer la mise en œuvre effective de la Stratégie nationale de lutte contre la violence familiale;

c) Mener de vastes campagnes de sensibilisation et mettre en place des programmes de formation sur la violence familiale à l’intention des personnels (juges, avocats, forces de l’ordre et travailleurs sociaux) qui sont en contact direct avec les victimes et de la population en général; et

d) Prendre les mesures nécessaires pour développer la coopération avec les organisations non gouvernementales engagées dans la protection des victimes de la violence familiale.

Châtiments corporels

20. Le Comité constate que les châtiments corporels infligés aux enfants ne sont pas explicitement interdits dans tous les cadres et qu’ils sont admis comme étant une méthode d’éducation des enfants courante et acceptée (art. 16).

L’État partie devrait, en tenant compte de la recommandation contenue dans l’Étude du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies sur la violence contre les enfants, adopter et appliquer des dispositions législatives interdisant les châtiments corporels dans tous les cadres, y compris au sein de la famille, assorties des mesures nécessaires en matière de sensibilisation et d’éducation de la population.

Traite des personnes

21. Le Comité note que la traite figure maintenant dans le nouveau Code pénal (art. 389), qui donne une définition de la traite des êtres humains, et qu’elle est considérée comme une infraction pénale. Il est toutefois préoccupé par les informations faisant état de traite transfrontière de femmes à des fins d’exploitation sexuelle ou autre et déplore le petit nombre de poursuites à laquelle celle-ci donne lieu. Il déplore également que l’État partie ne dispose pas d’un système efficace de suivi et d’évaluation de l’ampleur et des incidences du phénomène de nature à lui permettre de le combattre efficacement. Il est préoccupé de constater que les peines minimales sont passées de cinq à trois ans d’emprisonnement et que les réparations et les services de réintégration dont bénéficient les victimes de la traite sont insuffisants.

L’État partie devrait:

a) Continuer à poursuivre et à punir les auteurs de la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants;

b) Intensifier ses efforts en ce qui concerne les réparations et les services de réintégration à l’intention des victimes;

c) Mener des campagnes de sensibilisation à l’échelle du pays et assurer
la formation des forces de police, des fonctionnaires de l’immigration et de la police des frontières pour qu’ils soient au courant des causes, conséquences et incidences de la traite et autres formes d’exploitation;

d) Adopter un plan d’action national pour lutter contre la traite des êtres humains et veiller à ce que des programmes et des mesures soient mis au point à l’intention des enfants victimes de la traite; et

e) Faire en sorte que s’intensifient les liens de coopération entre la police et l’Agence pour la coordination des activités de protection des victimes de la traite des êtres humains et les ONG qui travaillent dans ce domaine.

Kosovo

22. En examinant le rapport initial de la Serbie, le Comité a pris note de l’explication donnée par l’État partie quant à son incapacité de faire rapport sur l’application de la Convention au Kosovo, en raison du fait que l’autorité civile au Kosovo est exercée par la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK).

Recueil de données

23. Le Comité invite l’État partie à fournir dans son prochain rapport périodique des données statistiques détaillées, ventilées par infraction, groupe ethnique, âge et sexe, sur les plaintes faisant état d’actes de torture ou de mauvais traitements qui auraient été infligés par des policiers; sur les enquêtes, poursuites et sanctions pénales ou disciplinaires correspondantes ainsi que sur les personnes en détention avant jugement et celles qui ont été condamnées.

Il demande en outre des renseignements concernant l’indemnisation et la réadaptation des victimes.

24. Le Comité invite l’État partie à devenir partie aux instruments fondamentaux des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, à savoir:

la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Il l’invite à ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

25. Le Comité souligne que les recommandations qu’il a formulées après avoir examiné la situation en Serbie-et-Monténégro dans le cadre de la procédure d’enquête engagée en vertu de l’article 20, doivent être appliquées. C’est en ce sens que le Comité réitère ses recommandations (A/59/44, par. 213 a) à t)) et invite l’État partie à lui communiquer, dans son prochain rapport périodique, des informations pertinentes concernant les mesures prises pour y donner suite.

26. Le Comité accueille avec satisfaction les informations orales fournies lors de l’examen du rapport de l’État partie concernant les données manquantes relatives au suivi des communications émanant de particuliers, conformément à l’article 22 de la Convention.

Il note qu’une nouvelle loi prévoit le réexamen d’une affaire sur la base d’une décision prise par un organe international établi en vertu d’un instrument international et appréciera d’avoir une réponse écrite aux demandes de renseignements spécifiques sur la suite donnée à ses constatations et recommandations.

27. Suite à la ratification par l’État partie du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, le 26 septembre 2006, le Comité rappelle à celui-ci qu’il lui appartient de désigner ou de créer un mécanisme national indépendant de prévention de la torture, conformément aux articles 17 à 23 du Protocole.

28. Le Comité invite l’État partie à fournir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite donnée aux recommandations du Comité contenues dans les paragraphes 6, 9, 11, 12, 13 et 16 b) ci-dessus.

29. L’État partie est invité à diffuser largement les rapports soumis au Comité ainsi que les observations finales et les comptes rendus analytiques de séances par le biais de sites Web officiels, aux médias et aux organisations non gouvernementales.

30. Le Comité invite l’État partie à soumettre son document de base conformément aux dispositions figurant dans les directives harmonisées concernant l’établissement des rapports, telles qu’elles ont été approuvées par les organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et sont contenues dans le document HRI/GEN/2/Rev.5.

31. L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, qui sera examiné en tant que deuxième rapport périodique, le 21 novembre 2012 au plus tard.

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