University of Minnesota



Comité contre la Torture, Examen des rapports présentés par les États parties en application de l'article 19 de la Convention, Fédération de Russie, U.N. Doc. CAT/C/17/Add.15 (1996).





Deuxièmes rapports périodiques des Etats parties prévus en 1992



Additif



FEDERATION DE RUSSIE    

 

[17 janvier 1996]
TABLE DES MATIERES


    Paragraphes
    Introduction
    1 - 2
    Renseignements relatifs à la mise en oeuvre des
    différents articles de la Convention
    3 - 109
    Article premier
    3 - 7
    Article 2
    8 - 19
    Article 3
    20 - 22
    Article 4
    23 - 25
    Article 5
    26 - 31
    Article 6
    32 - 66
    Article 7
    67 - 68
    Article 8
    69 - 72
    Article 9
    73 - 74
    Article 10
    75 - 76
    Article 11
    77
    Article 12
    78
    Article 13
    79 - 83
    Article 14
    84 - 92
    Article 15
    93 - 96
    Article 16
    97 - 109

Introduction


1. Le présent rapport est présenté en vertu du paragraphe 1 de l'article 19 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et a été établi conformément aux Directives générales concernant la forme et le contenu des rapports périodiques que les Etats parties doivent présenter en application du paragraphe 1 de l'article 19 de la Convention (CAT/C/14).

2. Ce rapport porte sur la période 1990-1995 et décrit les mesures prises depuis la présentation du rapport initial, en 1988 (CAT/C/5/Add.11).


RENSEIGNEMENTS RELATIFS A LA MISE EN OEUVRE
DES DIFFERENTS ARTICLES DE LA CONVENTION

Article premier

3. L'article premier de la Convention contient la définition de la torture. Ce terme n'est défini ni dans la Constitution ni dans les autres instruments juridiques de la Fédération de Russie. Pour mesurer la portée de l'article en question dans la Fédération de Russie, il convient de se référer au paragraphe 4 de l'article 15 de la Constitution russe :

4. Cette clause constitutionnelle offre la possibilité d'une application directe des normes du droit international par les pouvoirs publics, y compris les tribunaux. Les personnes physiques ou morales peuvent invoquer directement ces normes pour régler leurs litiges ou les différends qui les opposent aux administrations, entreprises, institutions et organisations publiques.

5. Conformément au paragraphe 4 de l'article 15 de la Constitution de la Fédération de Russie, les règles établies par les traités internationaux l'emportent sur les dispositions de la législation interne. Par conséquent, en cas de contradiction entre un traité international et un texte législatif, les organes chargés de l'application des lois doivent appliquer les dispositions du traité. Celui-ci a priorité sur toute loi - fédérale ou autre - adoptée avant sa conclusion ou après.

6. Il résulte de ce qui précède que la définition de la torture figurant au paragraphe 1 de l'article premier de la Convention peut être utilisée par les organes du pouvoir de la Fédération de Russie, y compris les tribunaux, pour régler tout différend dans ce domaine.

7. En ce qui concerne le paragraphe 2 de l'article premier de la Convention, la Fédération de Russie n'est partie à aucun autre instrument international et ne possède aucun texte législatif national dont les dispositions aient une portée plus large que celles de la Convention.


Article 2

8. Depuis la présentation du rapport initial, la Fédération de Russie a adopté un ensemble de lois et de textes normatifs nouveaux qui contiennent des dispositions visant à renforcer l'application de la Convention.

9. Il convient avant tout de mentionner la Constitution de la Fédération de Russie, adoptée par référendum le 12 décembre 1993. Aux termes de l'article 2, "l'homme, ses droits et libertés constituent des valeurs suprêmes. La reconnaissance, le respect et la protection des droits et libertés de l'homme et du citoyen sont une obligation pour l'Etat". Le chapitre 2 de la Constitution est entièrement consacré aux droits et libertés de l'homme et du citoyen. L'article 21 qui figure dans ce chapitre se rapporte directement aux dispositions de la Convention contre la torture :

10. Parmi les instruments juridiques adoptés de 1990 à 1995, les textes suivants contiennent différentes dispositions ayant pour effet de renforcer l'application de la Convention : loi sur la réhabilitation des victimes de répressions politiques (texte de 1994), loi sur les services du procureur de la Fédération de Russie (1992), loi sur la milice (1993), loi sur les institutions et organes chargés de l'administration des peines privatives de liberté (1993), loi sur l'état d'urgence (1991), loi sur les soins psychiatriques et les garanties des droits civils (1992), loi sur le recours en justice contre les actes et décisions violant les droits et libertés civils (1993), loi sur les opérations de recherche (1995), loi sur la détention provisoire des personnes soupçonnées ou inculpées d'une infraction (1995), Déclaration des droits et libertés de l'homme et du citoyen (1992), déclaration d'amnistie de la Douma d'Etat à l'occasion du cinquantième anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale (1995), règlement relatif à l'octroi de certains privilèges aux personnes réhabilitées et aux personnes reconnues comme victimes de mesures de répression politique, approuvé par le Gouvernement de la Fédération de Russie le 3 mai 1994, ordonnance gouvernementale du 30 décembre 1993 sur les mesures urgentes à prendre en 1994 et 1995 pour améliorer les moyens matériels et techniques des maisons d'arrêt et des prisons relevant du Ministère de l'intérieur et renforcer la protection sociale du personnel pénitentiaire, ordonnance gouvernementale du 3 novembre 1994 sur le programme fédéral à l'an 2000 de construction et de rénovation des maisons d'arrêt et des prisons relevant du Ministère de l'intérieur et de construction de logements pour le personnel pénitentiaire.

11. Au cours de la période couverte par le présent rapport, divers amendements et compléments ont également été apportés au Code de la réinsertion par le travail, au Code pénal et au Code de procédure pénale de la Fédération de Russie.

12. Des nouveaux projets de code pénal, de code de procédure pénale et de code d'application des peines ont été rédigés. Ils ont déjà fait l'objet de plusieurs lectures devant l'Assemblée fédérale.

13. En vertu du paragraphe 3 de l'article 56 de la Constitution, les droits et libertés consacrés par les divers articles de ladite Constitution, notamment l'article 21 précité, ne peuvent faire l'objet d'aucune restriction.

14. Une disposition similaire figure dans la loi sur l'état d'urgence, dont l'article 27 dispose que "la proclamation de l'état d'urgence ne peut être invoquée pour justifier la torture ou des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ... au sens ... du Pacte international relatif aux droits civils et politiques".

15. L'enquête ouverte par le ministère public au sujet des violations des droits de l'homme commise à Moscou en octobre 1993 a mis en évidence des cas d'abus de pouvoir de la part des autorités chargées d'appliquer l'état d'urgence, diverses infractions à la loi et des actes relevant de traitements cruels et dégradants. Sur mandat du Président de la Fédération de Russie, une information a été ouverte concernant les abus de pouvoir commis pendant cette période par des fonctionnaires des ministères de l'intérieur, de la sûreté et de la défense. En outre, la légalité de l'ensemble des actes promulgués à cette époque par le gouvernement de Moscou a été vérifiée. Des données du parquet de Moscou font état de 115 plaintes reçues de particuliers et d'organisations au sujet d'actes illicites commis au cours de l'état d'urgence par des agents des services du Ministère de l'intérieur : ces plaintes ont donné lieu à 36 actions pénales. Celles-ci ont été classées à la suite de l'adoption du décret d'amnistie par la Douma d'Etat au printemps de 1994.

16. En vertu de l'article 7 de la loi du 5 mars 1992 sur la sécurité, "le maintien de la sécurité n'autorise aucune restriction des droits et libertés du citoyen, sauf dans les cas expressément prévus par la loi ... Les agents de l'Etat qui outrepassent leurs pouvoirs en assurant le maintien de la sécurité sont considérés comme responsables conformément à la législation".

17. Tout ordre d'un supérieur hiérarchique ou d'une autorité publique qui dépasse manifestement les limites des droits et des pouvoirs que leur confère la loi et qui cause un préjudice important aux intérêts de l'Etat ou de la société ou porte atteinte aux droits et intérêts légitimes des citoyens constitue un abus de pouvoir ou d'autorité et est passible de sanctions pénales. A cet égard, l'article 171 du Code pénal de la Fédération de Russie ("Abus de pouvoir ou d'autorité") est libellé comme suit :

18. Tout abus de pouvoir ou d'autorité s'accompagnant de violences, de l'usage d'une arme ou de traitements cruels ou dégradants à l'encontre de la victime est puni d'une peine d'emprisonnement d'une durée pouvant aller jusqu'à dix ans.

19. A la suite des événements d'août 1991, le texte du règlement militaire a été complété comme suit : "Un supérieur ayant donné un ordre est juridiquement responsable de la légalité de celui-ci". Une telle disposition nécessite, bien entendu, une amélioration de la formation juridique de l'encadrement des forces armées de la Russie à tous les niveaux.


Article 3

20. En vertu du paragraphe 1 de l'article 61 de la Constitution, "aucun citoyen de la Fédération de Russie ne peut être expulsé ni extradé vers un autre Etat".

21. L'article 63 de la Constitution est ainsi conçu :

22. La Fédération de Russie applique les dispositions de la résolution 45/116 en date du 14 décembre 1990 adoptée sans vote par l'Assemblée générale des Nations Unies à sa quarante-cinquième session, qui contient un traité type d'extradition. Ce traité contient notamment la clause suivante : Si l'individu dont l'extradition est demandée a été ou serait soumis dans l'Etat requérant à des tortures et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ou s'il n'a pas bénéficié ou ne bénéficierait pas des garanties minimales prévues, au cours des procédures pénales, par l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l'extradition ne sera pas accordée.


Article 4

23. La législation pénale de la Fédération de Russie ne contient pas de dispositions posant expressément le principe de la responsabilité en cas de torture. En revanche, le Code pénal réprime les infractions suivantes : sévices (art. 113), enlèvement (art. 125.1), séquestration illégale (art. 126), prise d'otages (art. 126.1), internement illégal en établissement psychiatrique (art. 126.2), abus de pouvoir ou d'autorité (art. 170), extorsion de témoignage (art. 179), recours à la contrainte pour obliger un témoin ou la victime à faire de fausses déclarations ou un expert à rendre des conclusions mensongères (art. 183).

24. D'une manière générale, ces infractions font l'objet de sanctions relativement sévères. Ainsi, le fait, pour celui qui mène une enquête ou une instruction préliminaire de contraindre une personne à faire une déposition en ayant recours aux menaces ou à tout autre procédé illégal, en usant de violence et en bafouant la personne interrogée, est puni d'une peine d'emprisonnement allant de trois à dix ans (art. 179 du Code pénal); tout abus de pouvoir ou d'autorité, s'il s'accompagne de violence, de l'usage d'une arme ou d'actes de nature à faire souffrir la victime ou à l'offenser dans sa dignité personnelle est sanctionné par une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à dix ans (art. 171 du Code pénal).

25. En vertu de l'article 17 du Code pénal ("Complicité"), l'organisateur, l'instigateur et la personne qui favorise l'exécution d'une infraction sont reconnus complices de l'auteur. Le degré et la nature de la participation de chacun doivent être pris en compte dans la détermination de la peine.


Article 5

26. En vertu de l'article 4 du Code pénal actuellement en vigueur, quiconque se rend coupable d'une infraction sur le territoire de la Russie est considéré comme juridiquement responsable au regard de la législation russe.

27. La question de la responsabilité pénale des agents diplomatique, d'Etats étrangers et des citoyens qui, conformément aux lois et aux accords internationaux en vigueur, échappent à la juridiction pénale des tribunaux de la Russie et qui commettent une infraction sur le territoire de la Fédération de Russie est réglée par la voie diplomatique.

28. Bien que la législation interne n'apporte aucune précision directe à ce sujet, le territoire de la Fédération de Russie s'étend, conformément aux règles universellement reconnues et aux principes du droit international : aux bâtiments de guerre battant le pavillon de la Fédération de Russie ou portant ses marques d'identification en haute mer, ou dans les eaux territoriales ou le port d'un Etat étranger; aux embarcations maritimes ou fluviales civiles de la Fédération de Russie qui naviguent en haute mer sous son pavillon; et aux aéronefs portant une marque d'identification de la Fédération de Russie qui se trouvent dans l'espace aérien d'un Etat étranger.

29. En vertu de l'article 5 du Code pénal, une juridiction de la Fédération de Russie peut réduire la peine d'un citoyen russe condamné à l'étranger (dans le pays où il a commis une infraction), ou le dispenser entièrement de l'exécution de sa peine.

30. La législation actuelle ne contient pas de disposition générale établissant la compétence pénale de la Fédération de Russie pour les infractions commises à l'étranger qui portent atteinte à la vie, à la santé, à l'honneur, à la dignité ou aux autres droits et intérêts légitimes des citoyens russes (y compris les infractions visées à l'article 4 de la Convention contre la torture).

31. Conformément à l'article 5 du Code pénal déjà cité, tout étranger qui a commis une infraction hors des frontières de la Fédération de Russie est responsable, au regard de la législation pénale russe, dans les cas prévus par les traités internationaux. Par conséquent, l'auteur présumé de l'une des infractions visées à l'article 4 de la Convention qui est trouvé sur le territoire de la Russie ne peut être extradé vers un Etat se trouvant dans l'un des cas visés au paragraphe 1 de l'article 5 de la Convention et sera poursuivi conformément à la loi pénale russe.


Article 6

32. Dans la Fédération de Russie, l'instruction des affaires pénales s'effectue conformément à la législation relative à la procédure pénale. Ces dernières années, d'importants amendements et adjonctions y ont été apportés pour élargir les droits de procédure garantissant la protection juridique des citoyens et l'inviolabilité de la personne.

33. Le texte fondamental régissant ces questions est le Code de procédure pénale de la Fédération de Russie.

34. En vertu de l'article 11 du Code, "nul ne peut être arrêté autrement qu'en vertu d'une décision judiciaire ou d'une autorisation du procureur". Toute personne en état d'arrestation a le droit de former un recours et de saisir la justice pour vérifier la légalité et les motifs de son maintien en détention. Toute décision de justice tendant à relâcher un détenu, prise à la suite d'un recours judiciaire, est immédiatement applicable.

35. Le procureur doit faire libérer sans retard toute personne incarcérée illégalement ou maintenue en détention pendant une durée supérieure au délai prévu par la loi ou par une décision de justice.

36. Conformément à l'article 19 du Code de procédure pénale, toute personne prévenue ou inculpée est en droit d'être défendue.

37. L'article 47 du Code de procédure pénale fixe de manière précise les modalités de participation du défenseur à la procédure pénale : celui-ci peut intervenir dès la signification d'inculpation ou, lorsqu'un suspect est placé en garde à vue ou en détention provisoire avant l'inculpation, dès la communication du procès-verbal de garde à vue ou de la décision autorisant la mesure de contrainte en question.

38. Le 21 juin 1995, la Douma d'Etat a adopté une loi fédérale sur la mise en détention des personnes soupçonnées ou inculpées d'une infraction, qui, aux termes de son article premier, vise à fixer les modalités et les conditions de maintien en détention des intéressés et à protéger leurs droits et intérêts légitimes.

39. L'article 4 de cette loi est d'une grande importance : il dispose que "la détention doit s'effectuer dans le respect de la légalité, de l'égalité de tous les citoyens devant la loi, des principes d'humanité et de dignité de la personne, conformément à la Constitution de la Fédération de Russie, aux principes et aux normes du droit international, ainsi qu'aux traités internationaux auxquels la Fédération de Russie est partie, et ne doit pas s'accompagner de torture ou de traitements de nature à infliger des souffrances physiques ou morales aux personnes soupçonnées ou accusées d'avoir commis une infraction qui sont mises en détention".

40. Le chapitre II de la nouvelle loi est entièrement consacré aux droits des prévenus et des inculpés et à l'exercice de ces droits. On y trouve toute une série de droits nouveaux dans la législation russe. Parmi ces innovations figurent notamment le droit d'obtenir de l'administration du lieu de détention des informations relatives au régime d'incarcération, aux règles disciplinaires à respecter et aux modalités à suivre pour déposer une requête ou une plainte, le droit à la sécurité de la personne, le droit d'être traité courtoisement par le personnel du centre de détention et le droit d'observer des rites religieux et de posséder des objets de culte.

41. Les prévenus et les inculpés bénéficient désormais de droits élargis, qu'il s'agisse de la correspondance, des visites de parents et d'autres personnes, de la possibilité de recevoir des colis et des communications téléphoniques, ou de l'acquisition de denrées alimentaires et de produits de première nécessité.

42. Le droit des prévenus et des inculpés de rencontrer leur défenseur, leurs parents et d'autres personnes fait l'objet de l'article 18 de la loi, qui les autorise notamment à rencontrer leur avocat en tête-à-tête dès leur mise en détention, et ce aussi souvent et aussi longtemps qu'ils le souhaitent. Ils peuvent rencontrer les personnes suivantes : l'avocat participant à la procédure en qualité de défenseur, sur présentation de l'autorisation de consultation juridique; le représentant d'un syndicat ou d'une organisation agissant en qualité de défenseur, sur présentation du justificatif correspondant; toute autre personne participant à la procédure en tant que défenseur, sur présentation de la décision de justice ou de l'ordonnance du juge et d'une pièce d'identité.

43. Les entretiens entre le prévenu ou l'inculpé et son défenseur ont lieu dans des conditions permettant à un agent des forces de l'ordre de voir les intéressés sans les entendre.

44. Sur autorisation écrite de la personne ou de la juridiction saisie de la procédure pénale, le prévenu ou l'inculpé peut avoir au maximum deux entrevues par mois, de trois heures chacune, avec des membres de sa famille ou d'autres personnes.

45. Les entretiens de l'intéressé avec les membres de sa famille ou des tiers se déroulent sous la surveillance des agents pénitentiaires et sont immédiatement interrompus en cas de tentative visant à transmettre au prévenu ou à l'inculpé des objets, des substances et des produits alimentaires interdits ou des informations de nature à faire obstacle à l'établissement de la vérité ou à contribuer à une infraction.

46. Il convient également de mentionner les dispositions de l'article 27, en vertu desquelles les prévenus et les inculpés détenus dans une maison d'arrêt ou dans un autre établissement pénitentiaire ne travaillent que si les conditions voulues sont réunies et s'ils en expriment le souhait. Dans ce cas, ils "sont en droit de percevoir ... une rémunération appropriées" (par. 2 de l'article 27).

47. En cas de manquement à leurs obligations, les prévenus et les inculpés peuvent faire l'objet de sanctions (blâme, placement en cellule disciplinaire ou en cellule d'isolement dans un poste de garde). Les modalités d'application des mesures disciplinaires sont fixées en détail à l'article 39 de la loi, qui prévoit également la possibilité d'un recours devant l'autorité supérieure, le procureur ou le tribunal. L'article 40 dresse une liste exhaustive des actes ou omissions pour lesquels les prévenus et les inculpés peuvent être placés dans une cellule disciplinaire ou individuelle. Les sanctions prises en dehors de ces cas sont illégales et leurs auteurs doivent en répondre.

48. L'emploi de la force physique, de moyens spéciaux, d'armes à aérosol ou à feu dans les lieux de détention est strictement réglementé. Il convient de souligner que les situations dans lesquelles le personnel des centres de détention et les fonctionnaires des services de police sont autorisés à recourir à de telles mesures font également l'objet d'une liste de caractère exhaustif, ce qui exclut une interprétation extensive de cette disposition et met en jeu la responsabilité de quiconque en ferait usage pour des motifs autres que ceux qui sont prévus aux articles 44, 45, 46 et 47 de la loi.

49. La disposition selon laquelle les personne prévenues et inculpées doivent être libérées sans délai à l'expiration de la durée légale du maintien en détention constitue également une innovation importante.

50. Compte tenu des problèmes qui freinent encore l'amélioration des infrastructures, il a fallu renoncer provisoirement à l'application de certaines normes. Il est ainsi question de reporter au 1er janvier 1998 la mise en oeuvre de plusieurs dispositions de la loi, prévoyant notamment d'octroyer à tous les prévenus et inculpés sans exception un espace individuel pour dormir et de porter à 4 m2 la superficie disponible par personne dans les cellules (au lieu de 2,5 m2 actuellement).

51. A cet égard il convient de rappeler que le surpeuplement des maisons d'arrêt et des centres de détention provisoire a été considéré comme le principal sujet d'inquiétude par le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme sur la torture, M. Nigel Rodley, lors de sa visite en Fédération de Russie, au point qu'il a assimilé les conditions de détention des suspects et des inculpés à des tortures dans son rapport sur sa mission (document E/CN.4/1995/34/Add.1).

52. En réponse aux critiques qui lui savaient été adressées, la Fédération de Russie a pris une série de mesures pour humaniser les conditions de détention. L'adoption de la loi fédérale déjà évoquée concernant la mise en détention provisoire des personnes soupçonnées ou inculpées d'une infraction en est un exemple.

53. Parmi ces mesures figure également l'amnistie décrétée par la Douma d'Etat à l'occasion du cinquantième anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale. Quelque 300 000 personnes ont bénéficié de cette mesure, qui ne concerne pas les auteurs d'infractions graves. Il faut noter que, pour les intéressés, les affaires en cours d'instruction ou en instance de jugement seront considérées comme classées.

54. L'un des aspects importants de la réforme du système pénitentiaire en Russie porte sur l'amélioration de la situation dans les maisons d'arrêt, qui nécessite des investissements considérables et un financement régulier. Au cours des deux dernières années, plusieurs ordonnances ont été adoptées à ce sujet dont l'une, du 30 décembre 1993, sur les mesures urgentes à prendre en 1994 et 1995 pour améliorer les moyens matériels et techniques des maisons d'arrêt et des prisons relevant du Ministère de l'intérieur de la Fédération de Russie et renforcer la protection sociale du personnel pénitentiaire, et l'autre, du 8 novembre 1994, sur le programme fédéral de construction et de rénovation des établissements de ce type et de construction de logements pour le personnel pénitentiaire à l'horizon 2000.

55. Dès 1994, ces importantes mesures ont permis d'accroître la capacité des maisons d'arrêt (SIZO) de 6 070 places, dont 4 570 dans de nouveaux établissements. Au total, il est prévu d'augmenter les capacités des maisons d'arrêt et des prisons de 113 200 places, dont 33 600 à l'intérieur d'établissements neufs et 29 700 dans des installations rénovées.

56. Parmi les causes du surpeuplement observé dans les maisons d'arrêt et les prisons, le Rapporteur spécial a relevé, à juste titre, d'une part, que les services chargés de l'enquête et de l'instruction et le parquet appliquaient parfois sans discernement des mesures coercitives telles que le placement en détention, et, d'autre part, que les procédures d'enquête et d'examen judiciaire traînaient en longueur.

57. Les critiques et les conclusions formulées par le Rapporteur spécial, y compris lors de son séjour à Moscou, ont été portées à l'attention du Ministère de la justice, de la Cour suprême et du Bureau du Procureur général de la Fédération de Russie. Suite à ces observations, le Ministère de la justice a envoyé aux tribunaux des directives en vue d'accélérer l'examen des affaires pénales. Dans sa décision du 29 septembre 1994, le plénum de la Cour suprême a également exprimé sa préoccupation devant les insuffisances actuelles du contrôle judiciaire de la légalité et des motifs des mesures d'incarcération ordonnées par les organes chargés des enquêtes et des instructions ou les services du ministère public, ainsi que des mesures de prolongation des délais de détention provisoire. La décision de la Cour suprême indique des moyens de remédier à ces problèmes.

58. Par ailleurs, il a été décidé, en concertation avec les administrations publiques concernées, de transférer dans des établissements provisoires installés dans certaines colonies pénitentiaires une partie des détenus incarcérés dans des maisons d'arrêt et des prisons surpeuplées et dont la sentence n'est pas encore devenue exécutoire, afin d'améliorer leurs conditions de détention. Au premier trimestre de 1995, 12 300 condamnés ont été ainsi transférés.

59. Le Ministère de l'intérieur envisage, en collaboration avec le Ministère de la santé et de l'industrie médicale de libérer quelque 2 000 m2 actuellement occupés par des services hospitaliers de psychiatrie légale situés dans différentes maisons d'arrêt.

60. Le personnel des maisons d'arrêt et des prisons a un rôle majeur à jouer dans le respect des règles en matière de conditions de détention. Dans les établissements surpeuplés, la charge de travail est multipliée par deux ou par trois et les niveaux de rémunération et de protection sociale ne sont pas à la mesure des pressions physiques et psychiques imposées au personnel. On compte à l'heure actuelle un agent pénitentiaire pour six détenus. Pour remédier à cette situation, le gouvernement a pris en août 1994 une ordonnance fixant des normes relatives aux effectifs dans les établissements d'exécution des peines soumis à un régime particulier d'activité économique et dans les maisons d'arrêt relevant du Ministère de l'intérieur. D'ici à l'an 2000, il est prévu d'augmenter de 25 % les effectifs des maisons d'arrêt et des prisons (un agent pour quatre détenus).

61. Les contrôles exercés ces dernières années par le ministère public montrent que les cas d'entorses aux droits des citoyens par des organes chargés de l'application des lois, de recours à des méthodes d'enquête illégales, et de gardes à vue ou d'arrestations injustifiées ne sont pas encore exclus.

62. En 1994, 4 780 personnes placées dans des centres de détention provisoire - soit 0,8 % du nombre total de suspects détenus dans ces établissements - ont été remises en liberté en l'absence d'éléments confirmant les soupçons qui pesaient sur elles. Au cours de l'année écoulée, ce sont 2 035 personnes, dont 73 mineurs, qui ont été remises en liberté et réhabilitées par les magistrats instructeurs et les juges après clôture de l'enquête.

63. Les mesures prévues par la loi, y compris sur le plan pénal, ont été prises à l'encontre des agents de la force publique ayant toléré des atteintes à la loi et des infractions dans l'exercice de leurs fonctions.

64. Selon des estimations du ministère public, 23 800 fonctionnaires des services du Ministère de l'intérieur ont été visés par des sanctions disciplinaires de 1994 pour faute commise, soit dans le cadre de l'examen des plaintes et des dénonciations, soit pendant la procédure d'instruction ou d'enquête. Quelque 1 400 personnes ont fait l'objet de poursuites pénales pour différentes infractions commises dans l'exercice de leurs fonctions. Des actions pénales ont été engagées à l'encontre de 290 fonctionnaires des services du Ministère de l'intérieur qui s'étaient rendus coupables d'infractions dans le cadre des procédures d'instruction et d'enquête, et, dans le cas de 98 d'entre eux, pour avoir employé des méthodes d'enquête illégales.

65. Conformément aux articles 28, 29 et 30 de la loi sur les services du procureur de la Fédération de Russie, les procureurs contrôlent le respect des lois dans les établissements de détention provisoire et d'administration des peines privatives de liberté, ainsi que l'application des peines et autres mesures de contrainte ordonnées par les tribunaux. Les décisions et les injonctions des procureurs concernant le respect de la légalité et les conditions de détention des personnes placées en garde à vue, ou en détention provisoire, ou privées de liberté en vertu d'une décision de justice, ont un caractère obligatoire pour l'administration.

66. Appelés à veiller en permanence au respect de la légalité au stade de l'exécution des peines, les procureurs ont pris des mesures pour lutter contre les atteintes aux droits constitutionnels des personnes condamnées. En 1994, ils ont examiné plus de 20 370 plaintes à ce sujet, dont 2 275 environ concernant des sanctions illicites infligées à des condamnés par l'administration d'établissements de réinsertion par le travail. Dans 124 cas, des infractions à la loi ont effectivement été constatées. Au cours de la même période, 836 personnes détenues illégalement dans des établissements de ce type ont été remises en liberté. On observe depuis plusieurs années une tendance stable à la diminution du nombre de plaintes concernant les conditions de détention des condamnés.


Article 7

67. En vertu du paragraphe 3 de l'article 62 de la Constitution, "les ressortissants étrangers et les apatrides se trouvant sur le territoire de la Fédération de Russie jouissent des mêmes droits et sont soumis aux mêmes obligations que les citoyens de la Fédération de Russie, sauf dans les cas spécifiés par la loi fédérale ou par un traité international auquel la Fédération de Russie est partie".

68. Ce principe s'applique également à toutes les étapes de la procédure pénale, ainsi que dans les cas où les intéressés purgent une peine privative de liberté.


Article 8

69. Le paragraphe 2 de l'article 63 de la Constitution de la Fédération de Russie est libellé comme suit :

70. Conformément à la convention signée à Berlin le 19 mai 1978, relative à l'extradition des personnes condamnées à une peine privative de liberté en vue de leur faire subir leur peine dans leur pays d'origine, il est fréquent que des condamnés soient rapatriés (ou pris en charge) dans le pays pour purger la fin de leur peine. En l'absence de traités régissant les modalités d'extradition des condamnés, il appartient aux procureurs généraux des parties contractantes d'examiner personnellement, à titre exceptionnel, et de régler la question du transfert (ou de la prise en charge) d'un condamné. Cette procédure concerne l'Ukraine, la République du Bélarus, la République du Kazakstan et quelques autres Etats. Des accords distincts d'extradition des condamnés ont été conclus avec la République de Finlande, la République de Lettonie, la République azerbaïdjanaise et le Turkménistan. Des projets d'accords semblables avec d'autres Etats sont à l'étude.

71. En règle général, les accords bilatéraux conclus par la Fédération de Russie (ou l'URSS) avec d'autres Etats en matière d'extradition ne contiennent pas de liste des infractions pouvant donner lieu à une telle procédure. L'élément déterminant est en fait le type de sanction susceptible d'être infligée par le tribunal (selon la législation des deux parties contractantes). Il s'agit le plus souvent de peines d'emprisonnement d'une durée supérieure à un an ou de sanctions plus lourdes.

72. Compte tenu des sanctions prévues dans les articles du Code pénal dont il est question dans la partie du présent rapport consacrée à l'article 4 de la Convention, les actes constitutifs d'infractions réprimées par lesdits articles sont de ceux qui donnent lieu à extradition.


Article 9

73. En vertu des traités internationaux qu'elle a conclus, la Fédération de Russie prête son concours à d'autres Etats dans le cadre de l'entraide judiciaire pour les affaires pénales, notamment celles qui ont un rapport avec les actes visés à l'article 4 de la Convention. L'entraide judiciaire est également pratiquée suivant les directives d'INTERPOL.

74. Le Ministère de l'intérieur de la Fédération de Russie a conclu une série d'accords avec les ministères compétents d'autres Etats (Azerbaïdjan, Bélarus, Ukraine, Kirghizistan, Tadjikistan, Kazakstan, Turkménistan, Lettonie). En règle générale, les parties assument les obligations suivantes :

- Recherche des criminels et des personnes qui tentent de se soustraire à l'instruction, au jugement ou à l'exécution d'une peine;

- Echange d'informations concrètes dans le cadre des enquêtes ou des procédures criminelles au sujet des infractions en préparation et des personnes qui y sont mêlées;

- Arrestation et placement en garde à vue des personnes devant faire l'objet d'une extradition en raison d'une infraction.


Article 10

75. Le système de formation du personnel des organes chargés de l'application des lois, du corps enseignant et du personnel médical pouvant intervenir dans la garde, l'interrogatoire ou le traitement de tout individu arrêté, détenu ou emprisonné de quelque façon que ce soit joue un rôle important dans la mise en oeuvre de la Convention dans la Fédération de Russie. Les établissements d'enseignement juridique et médical assurant la formation du personnel appelé à travailler dans les organes chargés de l'application de la loi et les instituts de médecine et de psychiatrie légales dispensent des cours consacrés au respect de la légalité et aux règles applicables au traitement des personnes participant à une procédure pénale. Conformément aux Principes de la réforme et de l'amélioration du système d'application des peines élaborés par la Direction générale de l'application des peines du Ministère de l'intérieur, les personnes qui ont suivi une formation spéciale dans les établissements relevant de ce Ministère sont recrutées en priorité.

76. Les normes relatives au traitement humain des condamnés font partie intégrante du droit pénal, de la procédure pénale et de la législation sur la réinsertion par le travail. Elles sont développées dans les circulaires et directives administratives du Procureur général et du Ministère de l'intérieur, dans les arrêts de la Cour suprême, ainsi que dans les programmes et les manuels de formation du personnel des organes chargés de l'application des lois. Ces dispositions réglementaires et administratives interdisent aux agents de l'Etat de se livrer aux actes visés à l'article premier de la Convention. L'observation de ces règles est soumise au contrôle permanent des tribunaux, des procureurs et des administrations.


Article 11

77. L'entrée en vigueur de la loi fédérale sur la mise en détention des personnes soupçonnées ou inculpées d'une infraction témoigne de l'humanisation de la législation relative à la réinsertion par le travail. Cette loi élargit considérablement les droits et les libertés des prévenus et des inculpés placés en détention provisoire (voir les observations concernant l'article 6 de la Convention).


Article 12

78. Le respect des dispositions de l'article 12 de la Convention repose sur divers articles du Code de procédure pénale de la Fédération de Russie. Aux termes de l'article 2 du Code, la procédure pénale doit permettre "d'élucider rapidement et complètement les infractions, d'identifier les coupables et d'appliquer la loi afin que tout auteur d'une infraction reçoive un châtiment juste et qu'aucun innocent ne soit accusé et condamné". En vertu de l'article 3 du Code, le tribunal, le procureur, le magistrat instructeur et les membres de la police judiciaire sont tenus, dans les limites de leurs compétences, de mettre en mouvement l'action pénale chaque fois qu'ils découvrent les indices d'une infraction et de prendre toutes les mesures prévues par la loi en vue d'établir l'existence de l'infraction, d'identifier les coupables et de faire en sorte qu'ils soient punis. L'article 20 du Code impose aux personnes susmentionnées l'obligation "de prendre toutes les mesures prévues par la loi afin d'assurer un examen détaillé, exhaustif et objectif des éléments de l'affaire, ainsi que des faits à la charge et à la décharge de l'inculpé et des circonstances atténuantes ou aggravantes de l'infraction". Ce même article interdit "de chercher à obtenir une déposition de l'inculpé ou d'autres parties à la procédure par la violence, la menace ou d'autres moyens illégaux".


Article 13

79. L'article 46 de la Constitution de la Fédération de Russie stipule :

80. La loi de la Fédération de Russie sur les recours en justice contre les actes et les décisions violant les droits et libertés des citoyens est entrée en vigueur le 27 avril 1993. En vertu de cette loi, tout acte ou décision émanant d'une institution ou d'un organe public, ou d'un agent de l'Etat, peut faire l'objet d'un recours en justice. Conformément à l'article 46 de la Constitution et aux dispositions de la loi précitée, il est possible de former un recours contre les actes et les décisions de tous les organes chargés de l'application de la loi : procureurs, magistrats instructeurs, enquêteurs et services d'enquête, responsables des services d'instruction, directeurs des établissements de réinsertion par le travail, agents des services de recherche, de renseignement, de contre-espionnage, des services fiscaux et des douanes. Auparavant, les recours contre les actes et les décisions des organes et des fonctionnaires susmentionnés devaient être adressés au Bureau du Procureur général, qui était considéré comme le principal organe de surveillance et de contrôle dans le domaine de l'application des lois.

81. En vertu du paragraphe 7 de l'article 17 de la loi fédérale sur la mise en détention des personnes soupçonnées ou inculpées d'une infraction, tout prévenu ou inculpé a le droit de déposer une plainte, y compris auprès du tribunal, concernant la légalité et les motifs de sa détention ou une violation de ses droits et intérêts légitimes. Le paragraphe 17 de ce même article dispose qu'il doit être traité courtoisement par le personnel de l'établissement de détention.

82. L'article 18 de la loi fédérale définit de manière détaillée les modalités de dépôt des plaintes par les prévenus et les inculpés :

- Les plaintes adressées aux organes de la force publique, aux administrations locales autonomes et aux organisations sociales sont transmises par l'intermédiaire de l'administration de l'établissement de détention.

- Les réclamations adressées au procureur, aux tribunaux ou à tout autre organe public habilité à exercer un contrôle sur les établissements de détention ne sont pas soumises à la censure et sont envoyées sous pli cacheté à leur destinataire au plus tard le jour ouvrable suivant la date du dépôt de la proposition, de la requête ou de la plainte en question.

- Les plaintes adressées à d'autres organes de la force publique, aux organisations sociales ou aux avocats doivent être examinées par l'administration du lieu de détention et remises à qui de droit dans un délai de trois jours.

- Les plaintes contenant des informations susceptibles d'empêcher l'établissement de la vérité ou de contribuer à l'accomplissement d'une infraction, des renseignements cryptés ou chiffrés, un secret d'Etat ou une information confidentielle, ne sont pas envoyées à leur destinataire mais sont remises à la personne ou au service chargé d'instruire l'affaire pénale.

- Les pourvois dirigés contre les actes et décisions du tribunal, du responsable de l'enquête, du magistrat instructeur ou du procureur sont transmis selon les modalités prévues par le Code de procédure pénale dans un délai de trois jours.

- Les réponses sont communiquées aux prévenus et aux inculpés contre signature et sont versées à leur dossier personnel.

83. Le même article interdit également toute mesure d'intimidation à l'encontre des prévenus et des inculpés qui se plaignent d'une violation de leurs droits et intérêts légitimes. Les agents des établissements de détention qui se rendent coupables de telles mesures doivent en répondre devant la loi.


Article 14

84. L'article 52 de la Constitution dispose ce qui suit :

85. En vertu de l'article 53 de la Constitution, "toute personne a le droit d'être dédommagée par l'Etat pour tout préjudice causé par les actes illicites ou omissions de la part des autorités ou de leurs agents".

86. Les conditions et les modalités de réparation d'un préjudice découlant d'une irrégularité commise par un représentant de l'Etat ou des services d'enquête, d'instruction préalable, du procureur ou du tribunal sont régies par les textes ci-après : décret du Présidium du Soviet suprême de l'URSS en date du 18 mai 1981, relatif à la réparation du préjudice causé à tout citoyen par les actes illégaux des organes d'Etat et des organisations sociales ou des fonctionnaires dans l'exercice de leurs attributions; ordonnance (confirmée par le décret susmentionné) relative aux modalités de réparation du préjudice causé à tout citoyen par les actes illégaux des services d'enquêtes et d'instruction préalable ou d'un tribunal; et Directive d'application de ladite ordonnance, en date du 2 mars 1991. Ces instruments consacrent les droits suivants :

- tout préjudice subi en raison de poursuites pénales engagées illégalement, d'une mise en détention arbitraire ou d'une sanction administrative illégale (internement ou travaux correctifs) doit être réparé;

- la réparation du préjudice subi incombe à l'Etat, par l'intermédiaire des services compétents;

- outre la réparation du préjudice matériel, la personne lésée est rétablie dans ses droits en matière d'emploi, de pension et de logement, et doit être indemnisée pour tout autre préjudice matériel ou moral.

87. En vertu de la loi de la Fédération de Russie sur la réhabilitation des victimes de répressions politiques, le gouvernement a approuvé, le 3 mai 1994, une ordonnance relative à l'octroi de privilèges aux personnes réhabilitées. En application de cette ordonnance, les intéressés bénéficient des droits suivants :

- conditions spéciales en matière d'aide médicale, de fourniture de médicaments et de séjours en établissement de cure;

- attribution prioritaire de logements, gratuité des transports et autres avantages.

88. Aux termes de l'article premier de la loi précitée, on entend par répressions politiques "diverses mesures de contrainte appliquées par l'Etat pour des motifs politiques, notamment la peine capitale ou la privation de liberté, l'internement d'office en établissement psychiatrique, l'exil forcé avec déchéance de la citoyenneté, l'expulsion de certains groupes de la population de leur lieu de résidence, l'assignation à résidence, l'interdiction de séjour ou la déportation, les travaux forcés assortis d'une restriction des libertés, ainsi que d'autres mesures de privation ou de limitation des droits et libertés de personnes censées présenter un danger social pour l'Etat ou le régime politique en raison de critères de classe ou de critères sociaux, nationaux, religieux ou autres, ces mesures étant prises soit en application de décisions des tribunaux ou d'autres organes exerçant des fonctions judiciaires, soit par des décisions administratives d'organes du pouvoir exécutif de fonctionnaires, d'organisations sociales ou d'organes dotés de compétences administratives".

89. Outre les personnes directement persécutées sous le régime soviétique, l'article 2.1 de la loi considère également comme victimes de répressions politiques :

- les enfants qui se trouvaient avec leurs parents dans des lieux de privation de liberté ou sous le coup d'une assignation à résidence, d'une interdiction de séjour ou d'une déportation;

- les enfants privés des soins de l'un de leurs parents ou de leurs deux parents en raison d'une répression injuste pour des motifs politiques;

- les enfants, le conjoint et les parents de personnes fusillées ou décédées dans des lieux de privation de liberté et réhabilitées à titre posthume.

90. L'article 15 de la loi prévoit expressément le versement d'une compensation financière aux victimes.

91. Le 11 octobre 1995, la Douma d'Etat a adopté un projet de loi sur les amendements et compléments à apporter à la loi de la Fédération de Russie sur la réhabilitation des victimes de répressions politiques. Ce projet prévoit de reconnaître comme victimes de répressions politiques et comme personnes à réhabiliter les enfants qui se trouvaient avec leurs parents dans des lieux de privation de liberté ou sous le coup d'une assignation à résidence, d'une interdiction de séjour ou d'une déportation.

92. Malheureusement, les difficultés économiques et financières rencontrées actuellement par la Fédération de Russie ne permettent pas dans tous les cas de donner pleinement effet aux dispositions de cette loi de la plus haute importance pour le pays. Néanmoins, le gouvernement continuera à tout mettre en oeuvre pour appliquer l'ensemble des mesures prévues dans la loi sur la réhabilitation des victimes de répressions politiques, ainsi que les textes normatifs adoptés en l'espèce.


Article 15

93. Le paragraphe 3 de l'article 20 du Code de procédure pénale de la Fédération de Russie interdit catégoriquement d'extorquer une déposition à l'accusé ou à toute autre personne participant à une procédure par la violence, les menaces ou d'autres moyens illégaux.

94. Toute déposition ainsi obtenue est dénuée de toute valeur de preuve, si ce n'est contre la personne accusée d'avoir commis les actes illégaux susmentionnés.

95. En outre, l'article 171 du Code pénal prévoit des sanctions relativement sévères lorsque la personne conduisant l'enquête ou l'instruction préalable cherche à obtenir des déclarations sous la menace ou d'autres actes illégaux accompagnés de violences ou d'outrage à l'encontre de la personne interrogée (emprisonnement de 3 à 10 ans).

96. De tels actes sont considérés comme des infractions graves à la législation relative à la procédure pénale, justifiant l'annulation ou la réformation du jugement en deuxième instance (art. 342 du Code de procédure pénale).


Article 16

97. Ainsi qu'il a déjà été indiqué, l'article 21 de la Constitution contient, au paragraphe 2, une disposition générale interdisant de soumettre une personne à la torture, à la violence ou à des châtiments ou traitements cruels ou dégradants. Cet article dispose en outre que "nul ne peut être soumis sans son consentement à des expériences médicales, scientifiques ou autres".

98. Certaines idées énoncées à l'article 21 de la Constitution sont reprises dans le Code de la réinsertion par le travail : l'exécution de la peine n'a pas pour objet de causer au condamné des souffrances physiques ou de porter atteinte à sa dignité (par. 2 de l'article premier); les condamnés conservent, à quelques exceptions près, le statut juridique général attaché à la citoyenneté (art. 8); les condamnés ont droit à la sûreté de la personne (art. 82); il est strictement interdit au personnel de se livrer à des actes cruels, inhumains ou dégradants (art. 116).

99. La Fédération de Russie adhère au Code de conduite pour les responsables de l'application des lois: ceux-ci ont l'obligation de traiter avec humanité les personnes en état d'arrestation ou en garde à vue, de protéger la dignité humaine de toute personne, de recourir à la force seulement dans les cas d'extrême nécessité, lorsqu'il n'est pas possible de prévenir les infractions par d'autres moyens, et de ne pas infliger un acte de torture ou quelque autre peine ou traitement cruel ou inhumain (art. 2, 3 et 5).

100. Le fait de soumettre des personnes à des expériences médicales, scientifiques et autres sous la contrainte est assimilable à une forme de violence ou de cruauté (par. 2 de l'article 21 de la Constitution). Il est également interdit de procéder à de telles expériences à l'insu des "patients", indépendamment de la question de savoir si les expériences en question présentent un risque pour leur santé et leur vie ou si, de l'avis des "expérimentateurs", elles s'avèrent sans danger. Pour conduire une expérience - quelle qu'elle soit - sur une personne, il faut que celle-ci donne son consentement de son plein gré (et non sous la contrainte). Si l'expérience présente un risque pour la vie ou la santé, elle ne peut être effectuée, même avec l'accord du sujet. Cette règle découle de plusieurs articles des Principes de la législation de la Fédération de Russie sur la protection de la santé des citoyens. Au paragraphe 12 de l'article 6 de ces Principes, il est stipulé que l'utilisation de nouvelles méthodes de prévention, de diagnostic et de traitement et de nouvelles techniques médicales est soumise à un régime d'autorisations (fondé sur des données fiables prouvant que les méthodes en question sont inoffensives ou que les avantages l'emportent sur les inconvénients); le paragraphe 3 de l'article 43 autorise, sous réserve du consentement écrit du malade, l'emploi de nouvelles méthodes qui n'ont pas encore reçu un agrément mais "font l'objet d'un examen selon la procédure officielle", c'est-à-dire après avoir été soumises à des essais préliminaires; aux termes du paragraphe 5 de l'article 43, la recherche biomédicale "doit s'appuyer sur une expérience préalable en laboratoire"; le paragraphe 8 de l'article 43 interdit "la publicité pour des méthodes de prévention, de diagnostic ou de traitement et les médicaments qui n'ont pas encore fait l'objet d'essais conformément à la loi".

101. La loi sur les soins psychiatriques et les garanties des droits civils, entrée en vigueur au 1er janvier 1993, contient une série de dispositions montrant combien la Russie est attachée aux normes juridiques internationales existant dans ce domaine. Le préambule affirme notamment que la loi vise à interdire "l'utilisation de la psychiatrie à des fins non médicales", qui peut "porter préjudice à la santé, à la dignité et aux droits des citoyens".

102. L'article 5 de la loi sur les droits des personnes souffrant de maladies mentales stipule notamment que ces personnes ont le droit : "d'être traitées avec respect et humanité, sans qu'il soit porté atteinte à leur dignité", "de recevoir des soins psychiatriques dans les conditions les moins restrictives possibles"; "de rester dans un hôpital psychiatrique uniquement pendant les délais nécessaires aux examens et au traitement"; "de bénéficier d'une aide psychiatrique conformément aux normes sanitaires et d'hygiène"; "d'accepter ou de refuser à tout moment d'être utilisées comme sujet d'expérience pour des techniques et des méthodes de traitement, des recherches scientifiques ou des activités d'enseignement, ou d'être photographiées ou filmées"; "de recevoir l'aide d'un avocat, d'un représentant légal ou d'un tiers dans les conditions prévues par la loi". En vertu de ce même article, les fonctionnaires qui se rendent coupables d'infractions à ces droits "doivent en répondre conformément à la législation de la Fédération de Russie et des républiques qui en font partie".

103. L'article 10 porte sur les conditions d'application des techniques et méthodes de traitement. Il stipule expressément que celles-ci ne peuvent être employées "qu'à des fins de diagnostic et de soin en fonction de la nature de l'affection et ne doivent pas être utilisées dans le but de punir les malades ou dans l'intérêt de tiers".

104. L'utilisation de mesures de contrainte et d'isolement en psychiatrie est tout aussi sévèrement réglementée. Ces mesures ne sont admises "que dans les cas, dans les conditions et pendant la durée nécessaires ... lorsqu'il est impossible d'empêcher par d'autres moyens le patient de se livrer à des actes mettant directement en danger sa personne ou des tiers, et sont appliquées sous le contrôle permanent du personnel médical".

105. La loi sur les soins psychiatriques consacre sur le plan législatif les mesures de réorganisation prises en 1988 en vue de transférer aux services de santé toutes les compétences en matière d'application des mesures de contrainte à caractère médical ordonnées par les tribunaux à l'encontre de personnes souffrant de troubles mentaux, qui ont commis des actes dangereux sanctionnés par la législation pénale. Avant 1988, les cliniques psychiatriques réservées aux personnes présentant un danger pour la société relevaient de la compétence du Ministère de l'intérieur, ce qui limitait de manière injustifiée les libertés des malades et nuisait à leurs droits et intérêts légitimes. En vertu de l'article 10 de la loi, toutes "les mesures de contrainte à caractère médical sont exécutées dans les établissements psychiatriques des services de santé"; les personnes auxquelles elles s'appliquent jouissent des mêmes droits que tout autre citoyen interné en hôpital psychiatrique (art. 37).

106. Il convient d'ajouter que le Code pénal contient depuis 1988 un article 126 sanctionnant l'"internement illégal en hôpital psychiatrique". Une disposition analogue figure dans le nouveau projet de code pénal en cours d'élaboration.

107. Les efforts visant à humaniser les soins psychiatriques en interdisant les traitements cruels ou dégradants à l'encontre des patients sont le fait non seulement des organes législatifs, mais également des associations professionnelles. En 1994, la direction plénière de la Société russe de psychiatrie a adopté un "code de déontologie psychiatrique", contenant plusieurs dispositions qui tiennent compte des buts et des principes de la Convention. On peut ainsi lire à l'article 4 de ce code que "le psychiatre n'a pas le droit d'appliquer des méthodes de traitement et de soins à titre de sanction contre le patient ou dans l'intérêt du personnel ou d'autres personnes, ni de se livrer à des actes de torture ou à des châtiments ou traitements cruels ou inhumains". L'article 5 porte que "le psychiatre a l'obligation morale de respecter la liberté et l'indépendance du patient, son honneur et sa dignité, en veillant à garantir ses droits et intérêts légitimes". Le code de déontologie insiste sur le caractère inadmissible de toute entorse aux principes de la Convention dans l'expérimentation scientifique et clinique de nouvelles méthodes et techniques médicales. A ce sujet, l'article 9 précise que le chercheur "est tenu de faire passer le bien du patient avant l'intérêt public et scientifique" et que le refus du patient de participer à un programme d'expérimentation "ne doit en aucun cas influer de manière négative sur son traitement ni sur les soins psychiatriques qui lui sont accordés". Des comités d'éthique ont été créés - ou sont en passe de l'être - dans les établissements psychiatriques qui se livrent à des activités de recherche, afin de veiller au respect de ces dispositions.

108. Il convient de souligner que les statuts de la Société russe de psychiatrie (principale organisation professionnelle dans ce domaine) imposent aux membres le respect des normes du code de déontologie. En cas de manquement à ces normes, des sanctions peuvent être infligées, y compris la radiation.

109. Certaines dispositions de la Convention et des Principes d'éthique médicale applicables au rôle du personnel de santé, en particulier des médecins, dans la protection des prisonniers et des détenus contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (résolution 37/194 de l'Assemblée générale des Nations Unies en date du 18 décembre 1982) ont été incluses, à l'initiative du Centre scientifique national de psychiatrie socio-légale V.P. Serbski, dans le projet de loi sur l'expertise qui est actuellement à l'étude. Il s'agit notamment d'interdire la participation d'experts en psychiatrie à l'interrogatoire des personnes emprisonnées ou détenues (principe 4 a), de réglementer rigoureusement l'activité des experts et de garantir leur indépendance à l'égard de l'autorité ordonnant une expertise psychiatrique légale.



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