University of Minnesota



Comité contre la Torture, Examen des rapports présentés par les États parties en application de l'article 19 de la Convention, Pérou, U.N. Doc. CAT/C/20/Add.6 (1997).




Deuxième rapport périodique que les Etats parties doivent présenter en 1993

Additif

PÉROU

Le rapport initial présenté par le gouvernement péruvien a été publié sous la cote CAT/C/7/Add.16; en ce qui concerne l'examen de ce rapport par le Comité, voir les documents CAT/C/SR.193, CAT/C/SR.194 et Add.2, ainsi que les Documents officiels de l'Assemblée générale, cinquantième session, supplément n° 44 (A/50/44), par. 62-73.
[20 janvier 1997]

TABLE DES MATIÈRES

    Paragraphes
I.
    RÉVISION DE LA PROCÉDURE ANTITERRORISTE
    1 - 36
II.
    LES CIVILS DEVANT LES TRIBUNAUX MILITAIRES
    37 - 45
III.
    LE CONSEIL NATIONAL DE LA MAGISTRATURE,
    LE DÉFENSEUR DU PEUPLE
    46 - 57
IV.
    L'ACTION DU MINISTÈERE PUBLIC
    58 - 73
V.
    LA DÉCLARATION DEMANDÉE AUX ARTICLES 21 ET 22
    DE LA CONVENTION
    74
VI.
    LA TORTURE EN TANT QUE DÉLIT AUTONOME
    75
VII.
    FORMATION DES FORCES ARMÉES ET DE SÉCURITE ET
    PROGRAMMES EN VUE DE LA RÉPARATION INTÉGRALE
    DES VICTIMES
    76 - 90

I. RÉVISION DE LA PROCÉDURE ANTITERRORISTE

La procédure antiterroriste

1. L'Etat est juridiquement tenu de combattre par les voies légales tous les groupes qui attentent à la vie ou à l'intégrité de ses ressortissants. Dans ces conditions, et compte tenu du caractère délictueux des actes de terrorisme, lequel a été qualifié de "délit de droit commun aggravé" par la Conférence spécialisée de l'hémisphère sur le terrorisme que l'Organisation des Etats américains a réunie à Lima en avril 1996, nous nous trouvons face à une question qui relève de la compétence d'Etats souverains : c'est-à-dire que chaque gouvernement est légitimement fondé à élaborer les politiques et les stratégies antiterroristes qu'il estime les mieux adaptées dans le cadre des règles de la protection due aux droits de l'homme, y compris de ceux dont les terroristes peuvent eux-mêmes se réclamer. A partir de ces principes, le gouvernement péruvien a promulgué une législation antiterroriste abondante en créant notamment les délits de trahison contre la patrie et de terrorisme.

2. Dans ce cadre législatif a notamment été promulgué le décret-loi n° 25475 qui fixe les sanctions dont est passible le délit de terrorisme et qui définit la procédure d'enquête, d'instruction et de jugement, tout en réservant l'identité des magistrats, des membres du ministère public et des auxiliaires de justice appelés à intervenir (il s'agit de ce qu'on appelle les "juges ou les tribunaux sans visage").

3. L'Etat s'est trouvé dans l'obligation de recourir à cette législation pénale ainsi qu'à la suspension des droits afin de pouvoir décréter les états d'exception qui permettent de faire face à la délinquance terroriste. En même temps, l'Etat a conçu un appareil légal et institutionnel pour lutter efficacement contre le terrorisme, celui-ci ayant gagné tout le territoire national et menaçant gravement la vie même de la nation.

4. La législation antiterroriste vise à conférer l'efficacité voulue aux organes de répression en les dotant des instruments nécessaires pour sanctionner sévèrement les auteurs d'actes de terrorisme ainsi que tous ceux qui y participent. Les pouvoirs de la police ont donc été étendus sans que soit entamée pour autant la faculté de contrôle et de surveillance du ministère public. Il a été également établi des procédures de référé particulièrement abrégées pour accélérer au maximum et l'instruction en cas d'inculpation de terrorisme, ce qui permet de définir rapidement et équitablement la situation juridique des prévenus.

Les "tribunaux sans visage"

5. L'institution des "tribunaux sans visage" et le recours à la justice militaire pour qu'elle statue dans les affaires de trahison contre la patrie constituent les deux axes majeurs de ce type de justice. Les "tribunaux sans visage" s'expliquent par le fait que les groupes terroristes identifiaient les juges, que ceux-ci étaient ensuite menacés et très souvent victimes d'attentat; de même, le caractère précaire des institutions judiciaires qui a aussi nécessité leur réforme expliquait que les meneurs, les dirigeants, les participants à ce type de délit n'étaient pas sanctionnés comme il le fallait,

de sorte que, face à l'ampleur croissante de la violence terroriste, il devenait impérieux de recourir à la justice militaire pour juger de tels délits.

La garde à vue (détention préventive assurée par la police)

6. La Constitution autorise une garde à vue, c'est-à-dire une détention préventive aux mains de la police, d'une durée maximale de quinze jours. Toutefois, les personnes soumises à cette détention ne se trouvent pas totalement sans défense car la législation antiterroriste n'a pas aboli en l'occurrence les attributions du ministère public. Le procureur non seulement se rend dans les centres de détention et assure la défense des détenus, mais il veille en outre à ce que l'enquête policière ne dépasse pas les limites prescrites par la loi.

7. Toute mise en détention est portée à la connaissance du ministère public et du juge. Dès ce moment, le procureur assure ses tâches de contrôle et de surveillance. La Constitution interdit la torture et reconnaît en outre aux détenus le droit de réclamer un examen médical immédiat. Par conséquent, bien que la police ait été autorisée àprolonger la garde à vue en cas de terrorisme, d'espionnage ou de trafic illicite de stupéfiants, l'ordre juridique péruvien reconnaît au ministère public le pouvoir de garantir les droits des détenus et des prévenus et reconnaît également à ces derniers le droit d'exiger l'examen médical permettant d'établir qu'il y a eu ou non mauvais traitements.

8. Dans les affaires de trahison contre la patrie, le décret-loi n° 25744 autorise à prolonger la garde à vue mais cette décision relève non pas de la police mais du juge militaire. De toute façon, la Constitution actuelle n'autorise pas ladite prolongation (article 2, par. 24, alinéa f).

L'avocat de la défense

9. Si le décret-loi n° 25475 n'autorise l'avocat de la défense à intervenir qu'au moment où l'intéressé le demande formellement, c'est parce qu'il existait des organisations d'avocats liées à des groupes terroristes qui conseillaient ou menaçaient les détenus, les obligeant à adopter une ligne de conduite déterminée au cours du procès. Mais cette restriction n'empêche pas le ministère public d'intervenir de son côté pour préserver les droits de la défense en faveur du détenu.

10. La Constitution stipule que toute personne a le droit de contacter un défenseur de son choix et de se faire conseiller par lui quand elle est citée à comparaître ou qu'elle est mise en détention par une autorité quelconque (article 139, par. 14). La Constitution tient donc compte du souci de garantir au maximum à l'individu le droit de se défendre.

La disparition forcée

11. Par ailleurs, notre législation pénale fait une place au délit de disparition forcée car le décret-loi n° 25592 en date du 2 juillet 1992 sanctionne le "fonctionnaire ou agent de la fonction publique qui prive un individu de sa liberté en ordonnant ou en exécutant des actes à la suite desquels la disparition de l'individu est dûment constatée".

12. L'existence de cette législation prouve que l'Etat tient à réprimer sévèrement les fonctionnaires des corps de sécurité qui portent atteinte aux droits de l'homme. L'enquête menée par le procureur provincial et l'adoption de dispositions spécifiques en la matière (résolution n° 342-92-MP/FN en date du 11 juillet 1992) ainsi que la création, grâce à la coopération internationale, du Registre national des détenus montrent combien le gouvernement péruvien tient à faire disparaître ces délits qui constituent un sérieux obstacle à l'action menée en faveur de la pacification nationale.

Pourquoi une révision de la législation antiterroriste ?

13. La législation antiterroriste orchestrée par le gouvernement péruvien avait pour objet de faire échec avec fermeté et détermination à un phénomène criminel qui avait progressivement et dangereusement gagné tout le territoire national. Les groupes subversifs unanimement considérés comme les principaux coupables des violations des droits de l'homme au Pérou devaient absolument être combattus au moyen d'une législation d'exception. Le régime mis en place avec le décret-loi n° 25475 a permis de faire face à cette situation.

14. On a donc, en matière juridique, redéfini les formes caractéristiques du délit de terrorisme, on a élaboré une législation sur le repentir, et on a établi une procédure type qui a permis d'opérer différentes captures, de démanteler ces groupes terroristes jusque dans leur organisation, et de prononcer des condamnations correspondant bien à la gravité des délits commis, ce qui est actuellement l'élément le plus propice à la généralisation d'un sentiment de sécurité et de confiance chez les citoyens.

15. Cette législation antiterroriste a un bilan extrêmement positif, car elle a pu faire reculer la violence terroriste. Mais il a fallu, de ce fait, concevoir un nouveau cadre juridique qui tienne compte de l'évolution de la situation et réviser progressivement mais fermement cette législation sur certains aspects ponctuels qui favorisent la réalisation de l'objectif final, celui d'une totale pacification nationale. C'est dans cette perspective qu'a été adoptée la loi dite d'assouplissement.

La politique d'assouplissement

16. Devant les succès enregistrés, le gouvernement a décidé d'assouplir progressivement la législation antiterroriste : il s'agit essentiellement de préciser les principales formes caractéristiques du délit de trahison contre la patrie ou du terrorisme de telle sorte que les nouvelles procédures appliquées devant les tribunaux militaires comme devant les juridictions civiles soient garantes d'un procès équitable.

La loi d'assouplissement

17. Le 25 novembre 1993 a donc été adoptée la loi n° 26248, dite loi d'assouplissement. Elle apporte d'importantes modifications à la législation antiterroriste qui sont notamment les suivantes :

a) Les actions en garantie : l'article 6 du décret-loi n° 25659 disposait qu'à aucun des stades de l'enquête policière ni de la procédure pénale, il n'était possible de recourir à une action en garantie en faveur des détenus mis en cause ou poursuivis du chef de terrorisme ou de trahison contre la patrie et il n'existait à cet égard pas la moindre exception. Cette règle visait à empêcher que l'enquête soit perturbée par des demandes incidentes de garantie dont l'objet ne répondrait pas vraiment à leur nature juridique. La loi d'assouplissement modifie la règle, rétablit l'action en garantie et prévoit une procédure spéciale en pareil cas;

b) La liberté inconditionnelle : le décret-loi n° 25745 interdisait d'accorder pendant l'instruction, sans la moindre exception, la liberté aux prévenus, quelle que soit leur situation juridique. La loi d'assouplissement modifie la règle et habilite le juge de la juridiction répressive saisie , lequel agira de sa propre initiative ou sur la demande de l'inculpé, à accorder la liberté inconditionnelle dans les conditions prévues par le code de procédure pénale. La décision doit avoir valeur de recommandation et il n'y aura pas de remise en liberté tant qu'elle n'est pas dûment confirmée;

c) La condamnation par contumace : le décret-loi n° 25728 habilitait les juridictions à condamner in absentia l'auteur d'un délit de terrorisme ou de trahison contre la patrie. Dans l'état actuel des poursuites prévues pour sanctionner ces délits, eu égard aux succès enregistrés dans le démantèlement des organisations terroristes, l'exercice de cette faculté ne se justifie plus. La loi d'assouplissement supprime par conséquent la règle en question;

d) Les avocats de la défense : l'article 18 du décret-loi n° 25475 interdit à un avocat de défendre plus d'une personne inculpée de terrorisme à l'échelle nationale. Cette disposition répondait à une certaine stratégie des terroristes : ceux-ci, on s'en souvient, avaient créé des organisations de soutien (dénommées le Secours populaire ou les Avocats démocratiques), qui recrutaient des avocats essentiellement avec l'intention d'exercer un contrôle sur les détenus, de faire obstacle au travail d'enquête et d'établir une liaison entre les intéressés et les principaux dirigeants terroristes. L'efficacité de la politique antisubversive a permis de porter des coups sérieux à ces organisations de soutien et d'atténuer sensiblement le risque de voir perturbés l'instruction et le déroulement du procès pénal, risque imputable aux hommes de loi affectés à la défense des groupes subversifs. La loi d'assouplissement a donc abrogé cette disposition;

e) Le recours extraordinaire en révision devant le tribunal militaire : les délits de trahison contre la patrie sont jugés devant les tribunaux militaires suivant une procédure de référé; la loi d'assouplissement étend le bénéfice du recours extraordinaire en révision de la sentence prononcée à tous ceux qui ne sont pas des dirigeants, des meneurs, des chefs ou qui n'exercent pas de fonction équivalente au sein d'une organisation terroriste. S'il est possible, au moyen des éléments de preuve sur lesquels la condamnation prononcée est fondée ou bien grâce à des éléments nouveaux, d'établir que l'on n'a pas fait valoir certains points déterminants qui auraient débouché sur un acquittement, le recours extraordinaire doit être déclaré valable, l'objet étant toujours de prononcer une décision équitable suivant les faits.

Nouvelles mesures d'assouplissement

18. Dans le même esprit et suivant le même principe d'assouplissement, la loi n° 26447 en date du 20 avril 1995 a également été adoptée, qui énonce, elle aussi, de nouvelles modifications importantes :

a) Les "tribunaux sans visage" : la loi n° 26447 dispose qu'il est mis fin à l'activité des "tribunaux sans visage" et que les délits de terrorisme visés dans le décret-loi n° 25475 relèvent désormais des magistrats compétents aux termes des règles de procédure et des règles de fond en vigueur. Les magistrats sont dûment désignés et identifiés suivant un système de roulement. La loi n° 26237 en date du 12 octobre 1996 stipule en outre que ladite mesure entre en vigueur le 15 octobre 1996;

b) Les avocats de la défense et le ministère public : il est désormais prévu que les prévenus ont le droit de choisir un avocat et de bénéficier de son concours dès le début de l'intervention policière. Le concours de l'avocat de la défense, y compris ses entretiens avec le prévenu, ne saurait être restreint même s'il a été décidé d'isoler le détenu. La présence de l'avocat de la défense de même que celle d'un représentant du ministère public est obligatoire lors de tous les entretiens que le détenu a avec la police. Si l'inculpé ne désigne pas d'avocat, l'autorité policière, en accord avec le ministère public, en désignera un d'office sur indication du ministère de la justice;

c) La responsabilité pénale des mineurs : le paragraphe 2 de l'article 20 du code pénal a été modifié par le décret-loi n° 25564 qui exonère les mineurs de toute responsabilité pénale jusqu'à l'âge de dix-huit ans, sauf s'ils ont participé ou ont dirigé des actes définis comme relevant du délit de terrorisme, auquel cas ils ne sont exemptés de responsabilité que tant qu'ils n'ont pas atteint l'âge de quinze ans. La loi n° 26447 rétablit le texte original du code pénal qui énonce la règle générale de l'exonération de responsabilité des jeunes de moins de dix-huit ans.

19. Il a été également promulgué une loi, la loi n° 26590 en date du 12 avril 1996, qui ajoute un nouvel alinéa à l'article 13 du décret-loi n° 25475, l'alinéa i), lequel s'énonce comme suit : "Il sera possible de traduire à nouveau en justice une même personne quand la Cour suprême a déclaré nulle la décision d'acquittement prononcée en sa faveur".

L'état d'urgence

20. La doctrine constitutionnelle admet qu'au cours du développement progressif d'un régime démocratique il peut se présenter des situations extraordinaires et imprévues qui compromettent ou perturbent sérieusement le fonctionnement des institutions juridico-politiques, la stabilité et la bonne marche de l'Etat ou du gouvernement ainsi que le développement des relations sociales; en pareil cas, il s'impose au pouvoir exécutif d'adopter des dispositions et des décisions exceptionnelles pour dénouer la crise et rétablir l'ordre.

21. Il convient donc de réglementer ces situations, de façon à soumettre l'application des règles habituelles aux limites imposées par une "légalité d'exception". C'est en ce sens que l'Etat péruvien, dans son décret suprême n° 022-84-PCM, définit les états d'urgence, en établissant des catégories et/ou des degrés et en énonçant les critères et les procédures voulues pour que l'état d'urgence ne soit déclaré que dans les cas expressément prévus par la Constitution.

22. L'article 137 de ladite Constitution régit les états d'urgence; c'est au président de la République en accord avec le Conseil des ministres qu'il incombe de proclamer tout état d'exception. Le décret suprême promulgué à cette fin précise nécessairement la durée de l'état d'urgence, l'étendue du territoire où il sera appliqué et prévoit qu'il doit en être rendu compte au Congrès ou à la Commission permanente. Les états d'exception reconnus par la Constitution sont l'état d'urgence proprement dit et l'état de siège.

23. L'état d'urgence est proclamé quand la paix et l'ordre intérieur sont perturbés, quand il survient une catastrophe naturelle ou que des circonstances graves affectent la vie même de la nation. En pareil cas, il est possible de restreindre, voire de suspendre les droits constitutionnels relatifs à la liberté et à la sécurité de la personne, à l'inviolabilité du domicile ainsi que la liberté de réunion et de mouvement. L'état d'urgence est limité à soixante jours au maximum. Pour pouvoir le prolonger, il faut promulguer un nouveau décret. Les forces armées sont chargées de maintenir l'ordre intérieur si le président de la République le décide.

La pacification nationale et l'état d'urgence

24. Tout état d'urgence s'appuie sur la Constitution dans le cadre du droit interne et conformément aux principes du droit international tels qu'ils s'expriment dans des instruments comme la Convention américaine relative aux droits de l'homme ou le Pacte international relatif aux droits civils et politiques pour ce qui concerne la protection effective des droits de l'homme. C'est dans ce cadre que se déroulent les tâches de pacification exécutées par les forces armées dans les zones soumises à l'état d'urgence, et leur intervention a été en l'occurrence strictement conforme aux dispositions légales régissant la structure du système de défense nationale.

25. Les forces armées n'interviennent dans les régions soumises à l'état d'urgence que si le dispositif juridique qui accompagne la déclaration de l'état d'urgence leur confie expressément le maintien de l'ordre intérieur dans le cadre des différents domaines d'activité où s'exerce la défense nationale. Les forces armées respectent scrupuleusement à cet égard les directives et les plans approuvés par le président de la République. Leur action obéit à une politique ordonnée, planifiée, préparée, dirigée et conduite par le pouvoir exécutif au moyen du système de défense nationale.

26. Les états d'urgence sont régis par la loi n° 24150 en date du 6 juin 1985, modifiée par le décret législatif n° 749 en date du 9 novembre 1991, qui "définit les règles applicables quand l'état d'urgence est décrété et que les forces armées sont chargées de maintenir l'ordre sur tout ou partie du territoire, conformément aux articles 231 et 275 de la Constitution politique du Pérou" (articles confirmés l'un et l'autre par les articles 137 et 165 de la Constitution politique de 1993).

Le rôle des forces armées

27. La loi n° 24150 visée ci-dessus dispose que les forces armées, quand elles sont chargées du maintien de l'ordre par le gouvernement, s'acquittent de la tâche par le biais d'un commandement politico-militaire auquel sont confiées les fonctions de coordination et de concertation à assurer avec les différentes branches du secteur public et du secteur privé pour exécuter les plans de pacification et de développement; de même, ce commandement est chargé de diriger les actions de développement dans les zones de son ressort et, à cette fin, les autorités compétentes mettront à sa disposition les ressources, les biens, les services et le personnel nécessaires à l'exécution de sa mission. Comme il est logique, le Commandement politico-militaire a sous ses ordres les membres de la police nationale.

28. Avec la directive 023-MD en date du 28 octobre 1991, le ministère de la défense a défini les règles et procédures à suivre pour faciliter le déroulement des opérations dans les zones placées sous état d'exception, et souligne l'importance à accorder au respect des droits de l'homme notamment en ce qui concerne les visites des autorités du ministère public, du pouvoir judiciaire et du Comité international de la Croix-Rouge.

29. Par ailleurs, le règlement énoncé dans la loi organique du ministère de la défense, le décret suprême n° 001-DE/SGMD, dispose à l'article 72, alinéa b), que les commandants en chef des instituts des forces armées sont responsables du maintien de l'ordre pendant la durée de l'état d'urgence quand le président de la république le décide.

30. La directive n° 001-EMFFAA/DDHH en date de janvier 1995 définit les règles relatives aux droits de l'homme dans les zones soumises à l'état d'urgence où doivent se dérouler des opérations relevant de la sécurité nationale et il est confié des responsabilités particulières aux institutions militaires. Il convient de noter que le décret suprême n° 064-91-DE/SG porte approbation de la directive n° 023-MD/SGMD, qui énonce les règles et procédures à observer pour faciliter le déroulement des opérations dans les zones soumises à l'état d'urgence tout en veillant au respect et à la défense des droits de l'homme.

L'action en habeas corpus demeure en vigueur

31. L'état d'exception ne suspend pas l'exercice de l'action en habeas corpus ni du recours en amparo; quand il est question de restreindre ou de suspendre l'exercice de certains droits, c'est au juge qu'il appartient de dire après examen si la décision adoptée en ce sens est raisonnable et bien adaptée, conformément aux dispositions de l'article 200 de la Constitution.

Le rôle du ministère public

32. De même, l'article 8 du décret législatif n° 052, la loi organique du ministère public, dispose que l'instauration d'un état d'exception ne suspend pas l'activité du ministère public ni le droit qu'ont les citoyens de s'adresser personnellement au ministère public ou d'y accéder.

33. Le décret législatif n° 665 en date du 2 septembre 1991 autorise, dans les zones soumises à l'état d'urgence, les procureurs à se rendre dans des installations militaires ou n'importe quel autre centre de détention pour constater quelle est la situation des personnes détenues ou déclarées disparues; le même décret dispose également que les ministères de la défense et de l'intérieur adoptent les mesures voulues pour donner toutes facilités et garanties aux procureurs afin de leur permettre d'accomplir leurs tâches.

34. De même encore, la résolution ministérielle n° 1072-91-IN/DM précise que, dans les zones soumises à l'état d'urgence, il incombe aux fonctionnaires affectés aux commissariats et aux postes de police (devenus depuis des délégations de police) de recevoir en personne les procureurs et de leur faciliter l'accomplissement de leur mission.

L'action socio-économique quand il y a état d'urgence

35. Du point de vue socio-économique, le décret suprême n° 003-86-PCM crée une commission spéciale chargée du plan de développement de la zone soumise à l'état d'urgence qui a pour objet de coordonner au plus haut niveau la planification du développement intégral de la zone en question; cette commission spéciale est composée comme suit :

1. Le directeur de l'institut national de la planification, qui préside ses travaux;

2. Un vice-ministre pour chaque branche de la fonction publique;

3. Le chef du commandement politico-militaire de la zone soumise à l'état d'urgence;

4. Le directeur de l'Institut national de développement (INADE);

5. Les chefs politico-militaires des sous-régions soumises à l'état d'urgence;

6. Les présidents des sociétés installées sur le territoire soumis à l'état d'urgence.

36. Il est également créé un programme de développement des zones soumises à l'état d'urgence, lequel relève de l'Institut national de la planification, aux fins de programmer, exécuter et appliquer les décisions de la commission spéciale.


II. LES CIVILS DEVANT LES TRIBUNAUX MILITAIRES

37. La Constitution politique du Pérou de 1993 dispose à l'article 139 : "Les principes et les droits de la fonction juridictionnelle sont les suivants : 1. Unité et exclusivité de la fonction. Il n'existe pas et il ne peut être créé la moindre juridiction indépendante sauf en matière militaire et en matière arbitrale. La procédure judiciaire ne s'exerce pas par commission ni par délégation." Du point de vue normatif par conséquent, la justice militaire est reconnue par la Constitution mais, à la différence des juridictions civiles, la Constitution ne lui confie que des fonctions éminemment exceptionnelles qui ne sont exercées que dans les cas autorisés par la loi et dans aucun autre cas que

ceux-là. Ce n'est que dans le cadre d'une restriction fonctionnelle que nous accepterons comme légitime un tribunal ou une "juridiction" de caractère privé.

La compétence du tribunal militaire

38. La Constitution politique dispose à l'article 173 : "En cas d'abus d'autorité, les membres des forces armées de la police nationale sont jugés par le tribunal compétent et suivant le code de justice militaire. Les dispositions de ce code ne sont pas applicables aux civils sauf en cas de trahison contre la patrie et de terrorisme tels que ces délits sont définis par la loi. La cassation du jugement visée à l'article 141 ne s'applique que si la peine de mort a été prononcée. Quiconque commet une infraction aux règles du service militaire obligatoire est jugé suivant le code de justice militaire."

39. Par conséquent, dans tous les cas où il peut y avoir eu délit d'autorité de la part des membre des forces armées ou de la police nationale, les intéressés sont jugés par un tribunal militaire et suivant le code de justice militaire. Dans presque tous les autres cas où le délit ne correspond pas à un délit d'autorité, les membres des forces armées comparaissent devant les juridictions mises en place par le pouvoir judiciaire et il leur est dûment appliqué le code pénal en vigueur.

40. Les civils sont déférés devant les tribunaux militaires et soumis à l'application du code de justice militaire exclusivement quand ils sont accusés de trahison contre la patrie, en cas de guerre, de terrorisme, ou quand ils refusent de se soumettre au service militaire obligatoire.

41. Il est donc impossible de dire que la justice de droit commun a une compétence tronquée ou réduite face à la justice militaire; en revanche, la justice militaire est soumise à des restrictions et des limitations explicites non seulement quand elle est appelée à juger des civils (en cas de trahison contre la patrie, de terrorisme et d'insoumission) mais aussi quand elle doit juger, dans son propre ressort, des membres des forces armées ou de la police nationale inculpés de délit d'autorité.

Les civils poursuivis du chef de trahison contre la patrie

42. Ici, il convient de signaler que les tribunaux militaires sont actuellement compétents pour statuer dans les affaires de trahison contre la patrie relevant du terrorisme, la réglementation correspondante figurant dans le décret-loi n° 25659 lequel regroupe sous l'appellation de trahison contre la patrie certaines formes d'actes de terrorisme (notamment le délit de "terrorisme aggravé"). La procédure applicable dans ces affaires est celle qui est définie dans le code de justice militaire aux fins de tous les jugements à prononcer sur le théâtre d'opérations (article premier du décret-loi n° 25708). Il est également possible de s'appuyer sur les règles visées à l'article 13 du décret-loi n° 25475 en ce qui concerne l'instruction et le jugement. En pareil cas, il est possible de réduire d'un tiers la durée du procès (article 5 du décret-loi 25659). Il convient de citer enfin l'article 721 du code de justice militaire qui dispose qu'en cas de flagrant délit, le conseil de guerre se réunit immédiatement pour prendre connaissance des faits et rendre sa sentence sur-le-champ.

43. Les cas de terrorisme aggravé étant donc assimilés au délit de trahison contre la patrie et régis par conséquent par le code de justice militaire, ce sont donc les règles générales visant ce type de délit qui s'appliquent, notamment l'article 78 du code, conçu spécialement pour en délimiter le champ d'application. Aux termes de cet article, est coupable du délit de trahison contre la patrie tout péruvien de naissance ou péruvien naturalisé ainsi que tout individu soumis pour une raison quelconque aux lois du Pérou qui commet l'un quelconque des actes visés dans les 27 alinéas de l'article.

44. Par ailleurs, les raisons pour lesquelles il a fallu faire appel aux tribunaux militaires pour traduire les terroristes en justice, d'après de nombreux auteurs, sont avant tout que les tribunaux de droit commun se voient privés de toute efficacité par les lâches méthodes d'intimidation appliquées par les terroristes et ne parviennent pas à prononcer les jugements qui s'imposent et sanctionnent comme il convient les auteurs d'actes de terrorisme commis dans le pays. On en a donc été réduit à renvoyer les affaires de terrorisme aggravé devant les tribunaux militaires auxquels leurs caractères propres permettent d'élaborer un bon appareil de sécurité intérieure : voilà pourquoi ces tribunaux militaires font du bon travail quand ils sont appelés à juger des terroristes.

La réglementation de la justice militaire

45. Pour les raisons exposées ci-dessus et eu égard au fait que la Constitution donne expressément compétence aux tribunaux militaires pour juger des civils dans les cas dûment précisés à l'article 173, toute réglementation à cet égard, conformément à la recommandation du Comité, doit nécessairement passer par les procédures prévues pour la réforme de la Constitution et être en accord avec la politique de pacification nationale.


III. LE CONSEIL NATIONAL DE LA MAGISTRATURE - LE DÉFENSEUR DU PEUPLE

Le Conseil national de la magistrature

46. Le Conseil national de la magistrature est un organe indépendant inscrit dans la Constitution, qui est chargé de choisir et de nommer les juges et les procureurs sauf quand ces derniers sont issus d'une élection populaire. C'est l'article 150 de la Constitution qui précise que ledit conseil est indépendant et qu'il est régi par sa loi organique énoncée dans la loi n° 26397 en date du 6 décembre 1994. Le Conseil a les fonctions ci-après :

a) Nommer à la suite d'un concours public et après examen du dossier personnel les juges et les procureurs à tous les niveaux de la hiérarchie;

b) Tous les sept ans, confirmer dans leurs fonctions les juges et les procureurs de tous les niveaux. Ceux qui ne sont pas confirmés ne peuvent pas réintégrer la fonction judiciaire ni le ministère public. Ce processus de confirmation est indépendant des mesures disciplinaires;

c) Prononcer la destitution des membres de la Cour suprême ou du Procureur suprême et, sur demande de la Cour suprême ou du conseil des procureurs suprêmes respectivement, des juges et procureurs de toutes les juridictions. La décision finale est motivée et adoptée après audition de l'intéressé; elle est sans appel.

47. Il convient de signaler que, dans le cadre du processus de réforme du pouvoir judiciaire, il a été créé un conseil de coordination judiciaire. On a ainsi cherché à moderniser et à adapter le pouvoir judiciaire aux besoins du pays en créant une structure et un corps judiciaire fiables et efficaces qui permettent de consolider l'état de droit dans le pays.

Le Conseil de coordination judiciaire

48. Ce conseil, créé par la loi n° 26623 en date du 18 juin 1996, est composé du président de la Cour suprême de justice de la République péruvienne, qui le préside; du président du tribunal constitutionnel; du ministre de la justice; du président du Conseil national de la magistrature; du procureur de la nation; du président du Conseil exécutif de l'académie de la magistrature; du doyen du collège des avocats de Lima; du président du conseil des doyens des collèges des notaires du Pérou; d'un représentant des facultés de droit des universités publiques; d'un représentant des facultés de droit des universités privées. Ce conseil a les attributions suivantes :

a) Coordonner la politique générale des institutions judiciaires et définir à titre complémentaire une politique interinstitutions;

b) Harmoniser les plans et programmes de développement de chacun des organes faisant partie du Conseil;

c) Mettre en oeuvre des projets conjoints pour assurer la préparation, la formation, la qualification, l'élection, l'évaluation et le contrôle permanent des magistrats et fonctionnaires des différentes entités constitutives du Conseil;

d) Etablir au moyen de réseaux interconnectés des voies d'information sur les aspects et questions d'intérêt commun, en assurant l'échange d'études et de recherches ainsi que la promotion d'une bonne image de l'administration de la justice;

e) Assurer la formation de commissions permanentes ou temporaires en liaison avec d'autres institutions chargées de l'administration de la justice en vue d'uniformiser les normes de comportement institutionnel et de résoudre les conflits éventuels, et

f) Toutes autres attributions que le Conseil peut avoir définies dans son règlement intérieur.

Le défenseur du peuple

49. La Constitution de 1993 a prévu aux articles 161 et 162 la création d'une nouvelle institution, la Defensoria del pueblo (institution du Défenseur du peuple) en précisant que son mode d'organisation ferait l'objet d'une loi organique. Suite à ce mandat constitutionnel, le Congrès démocratique constituant a donc adopté la loi n° 26520 (loi organique relative à l'institution du Défenseur du peuple) laquelle a été publiée au Journal officiel du 8 août 1995 et dispose sous forme de principes généraux que le titulaire de la nouvelle charge portera le nom de Défenseur du Peuple et qu'il lui incombera de défendre les droits constitutionnels et fondamentaux de la personne et de la société et de contrôler l'exécution, par l'administration publique, de ses obligations ainsi que la prestation des services publics à la population.

50. Le Défenseur du peuple est élu par le Congrès à la majorité des deux tiers de son effectif officiel pour un mandat de cinq ans. Pour être élu, il faut être citoyen péruvien, avoir plus de 35 ans, être avocat et jouir d'une sérieuse réputation d'intégrité et d'indépendance. Le Défenseur du peuple jouit en outre d'une indépendance totale dans l'exercice de ses fonctions, il n'est assujetti à aucun mandat impératif et ne reçoit d'instructions de la part d'aucune autorité, il se soumet exclusivement aux prescriptions de la Constitution et de sa loi organique. Il ne répond ni sur le plan civil ni sur le plan pénal des recommandations ni, en règle générale, des avis qu'il formule dans l'exercice de ses fonctions. Il jouit d'une totale immunité et ne peut être détenu ni jugé sans l'autorisation du Congrès, sauf en cas de flagrant délit. La procédure de désignation du Défenseur du peuple par le Congrès a été fixée par la loi n° 26535 publiée le 4 octobre 1995 au Journal officiel, laquelle remplace l'article 3 de la loi n° 26520.

51. Le Défenseur du peuple peut, au titre des pouvoirs qui lui sont conférés, prendre, en vertu de l'alinéa b) de l'article 9 de la loi n° 26520, l'initiative d'actions en habeas corpus, en amparo, en habeas data ou d'actions collectives et d'actions en exécution d'obligations afin de protéger les droits constitutionnels de la personne et de la collectivité. Il est en outre habilité à intervenir dans les actions en habeas corpus pour participer à la défense du prévenu. Par ailleurs, il organise et gère le registre national des détenus et des personnes condamnées à des peines privatives de liberté.

52. L'article 16 de la loi n° 26520 dispose que les autorités, fonctionnaires et agents des organismes publics sont tenus de fournir au Défenseur du peuple les informations qu'il demande et de lui faciliter les inspections auxquelles il veut procéder dans les services publics, les établissements de la police nationale et les pénitenciers ainsi que les entités publiques soumises à son contrôle. A cette fin, il peut se présenter, le cas échéant à l'improviste, pour obtenir les données ou informations voulues, avoir des entretiens personnels, ou procéder à l'examen de dossiers, rapports et documentation, précédents et de tout autre élément qu'il jugera utile.

53. Il est précisé à l'article 17 de la même loi que les dispositions énoncées à l'article précédent s'appliquent sans préjudice des restrictions légales en matière de secret de l'instruction et sans préjudice de l'intérêt supérieur de l'Etat quand cette considération est dûment justifiée par les organes compétents, mais uniquement quand il s'agit de questions touchant à la sécurité, à la défense nationale ou aux relations internationales. En outre, le refus de remettre ou de montrer des documents qui est fondé sur les raisons ci-dessus doit être confirmé par le directeur du secteur concerné, en accord avec le ministre de la défense, le ministre de l'intérieur ou le ministre des affaires étrangères selon le cas, et doit être accompagné d'une attestation qui sera remise au Défenseur du peuple.

54. En dernier lieu, quand la même violation des droits de l'homme fait l'objet d'une enquête de la part d'une autre autorité, d'un autre fonctionnaire ou d'une autre institution de l'Etat, le Défenseur du peuple aura accès aux informations pertinentes. Il apportera de son côté aux autorités compétentes les éléments issus de sa propre enquête.

55. Quand un état d'exception est en vigueur, le Défenseur du peuple pourra, dans l'exercice de sa fonction constitutionnelle, informer les autorités administratives, judiciaires ou militaires compétentes des mesures qui seraient à son avis manifestement contraires à la Constitution ou qui porteraient atteinte aux droits constitutionnels et fondamentaux de la personne et de la collectivité constituant le noyau essentiel desdits droits et qui devraient par conséquent être immédiatement révoquées ou modifiées.

56. Par ailleurs, le Défenseur du peuple est chargé en vertu de la loi n° 26295 d'organiser et de gérer le Registre national des détenus et des personnes condamnées à des peines privatives de liberté et il préside la commission de coordination également chargée du registre; il peut prendre l'initiative de l'élaboration de lois et proposer des mesures propres à lui permettre de mieux s'acquitter de ses fonctions. Ce système de contrôle qui incombait précédemment au ministère public représente un progrès incontestable en matière de protection des droits de l'homme et donne la preuve que le Pérou est résolu à faire respecter ces droits.

Désignation du Défenseur du peuple

57. Aux termes de la résolution législative n° 26584 en date du 1er avril 1996, c'est le Congrès qui élit le Défenseur du peuple, et il faut y voir un nouvel exemple patent de la démocratisation du pays par la voie institutionnelle. La personnalité nommée en l'occurrence est Me Jorge Vicente Santistevan y de Noriega qui a retenu pour axes prioritaires de son action la condition de la femme, la condition de l'enfant, la situation des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays et qui propose à cette fin la création d'institutions de défense ad hoc au niveau national. Une fois mise en place, l'institution de la Defensoria del pueblo commencera à fonctionner à compter du mois de septembre de l'année en cours. Il convient de noter que cette institution dispose d'ores et déjà d'un budget et d'une infrastructure l'autorisant à fonctionner.


IV. L'ACTION DU MINISTERE PUBLIC

58. La Constitution dispose à l'article 2, paragraphe 24, alinéa f) que chacun jouit du droit à la liberté et à la sécurité de sa personne et que par conséquent nul ne peut être détenu si ce n'est sur mandat écrit et motivé du juge ou des autorités policières en cas de flagrant délit. Le détenu doit être mis à la disposition du juge compétent dans les 24 heures ou dans le temps imposé par la durée du trajet.

59. Cette prescription de la Constitution précise en outre : "Ces délais ne sont pas applicables aux cas de terrorisme, d'espionnage et de trafic illicite de drogue. Dans ces cas-là, les autorités de la police peuvent placer en détention préventive (garde à vue) les individus présumés en cause pendant quinze jours francs au maximum. Elles sont tenues d'aviser le ministère public et le juge et ce dernier peut exercer sa compétence avant l'expiration du délai."

60. La garde à vue d'une durée maximale de quinze jours est donc autorisée par la Constitution mais les détenus ne sont pas pour autant totalement dépourvus de défense car la législation antiterroriste n'a pas aboli le rôle imparti au ministère public. Le procureur non seulement se rend dans les centres de détention et assure la défense des détenus mais veille en outre à ce que l'enquête policière n'outrepasse pas les limites prescrites par la loi. Toute mise en détention est portée à la connaissance du ministère public et du juge et le procureur exerce dès ce moment ses tâches de contrôle et de surveillance.

61. Pour les cas de trahison contre la patrie, le décret-loi n° 25744, promulgué en septembre 1992, lequel énonce les principes applicables à l'enquête de la police, à l'instruction et au jugement ainsi qu'à l'exécution de la condamnation sanctionnant les délits de trahison contre la patrie prévus dans le décret-loi n° 25659, a autorisé à prolonger la garde à vue mais la décision en l'occurrence ne relève non pas de la police elle-même mais de l'autorité judiciaire dont est alors investi le tribunal militaire. De toute façon, sans préjudice des garanties constitutionnelles indiquées ci-dessus, il faut considérer que la Constitution actuelle, promulguée en 1993, n'autorise pas cette prolongation de la garde à vue (article 2, par. 24, alinéa f)).

62. Conformément aux dispositions du décret-loi n° 25475 (article 12, alinéa c)), la police nationale peut placer en garde à vue les personnes présumées coupables du délit de terrorisme pendant quinze jours francs au maximum, à condition d'aviser par écrit dans les 24 heures le ministère public ainsi que le juge de la juridiction répressive compétente.

Le registre spécial des personnes portées disparues

63. Le décret-loi n° 25592 en date du 26 juin 1992 prévoit que sont passibles d'une peine privative de liberté les fonctionnaires ou agents de la fonction publique qui privent un individu de sa liberté en ordonnant ou exécutant des actes à la suite desquels la disparition de l'individu est dûment constatée. Aux termes du même décret-loi, les services de la police nationale doivent non seulement tenir un registre des personnes portées disparues qui donne les informations permettant d'identifier lesdites personnes mais encore aviser immédiatement le procureur provincial que ces disparitions leur ont été signalées dans leur circonscription.

64. Le même texte prévoit en outre que les procureurs provinciaux doivent enquêter sur les disparitions qui leur sont signalées et informer des résultats de l'enquête le procureur en chef doyen du district judiciaire qui informera à son tour le procureur de la nation, lequel prendra alors les mesures qui lui incombent. Les services du procureur de la nation font rapport tous les mois au Conseil national des droits de l'homme du ministère de la justice sur les disparitions qui ont été signalées sur l'ensemble du territoire. A la date du présent rapport un projet de loi est à l'étude qui vise à saisir également de ce rapport du parquet la Commission des droits de l'homme et de la pacification relevant du Congrès de la République.

Le registre des disparitions signalées

65. Conformément aux indications qui précèdent, le Procureur de la nation, agissant dans le cadre de ses attributions, a publié le 10 juillet 1992 la résolution n° 342-92-MP-FN aux termes de laquelle tous les procureurs de province auprès des juridictions pénales et les procureurs de province conjoints de la République sont tenus, chacun dans son ressort, de tenir un registre des disparitions signalées.

66. En application du décret-loi n° 25592, lesdits fonctionnaires doivent donner la priorité aux disparitions signalées qui concernent des personnes de leur connaissance, et procéder immédiatement sous leur propre responsabilité à une enquête dont ils rendront compte au procureur en chef doyen dans les 48 heures suivant le moment où la disparition leur a été signalée ou bien le moment où ils en ont eu connaissance. Lesdits fonctionnaires devront en outre aviser les services de la police ou services assimilés aux fins d'enquête sur les disparitions signalées à leurs bureaux.

67. En dernier lieu, il est prévu à l'article 5 de la résolution visée qu'il sera également tenu un registre des disparitions signalées au sein des services du Défenseur du peuple et des droits de l'homme; c'est dans ce registre que seront rassemblés les renseignements émanant des procureurs en chef doyens; à partir de là seront élaborés les formulaires permettant de transmettre l'ensemble des informations au Conseil national des droits de l'homme du ministère de la justice.

Les services spéciaux du Défenseur du peuple et des droits de l'homme

68. Aux termes du décret suprême n° 009-93-JUS promulgué le 3 avril 1993, a été approuvée la structure organique du ministère public qui compte désormais au nombre de ses organes permanents un service spécial chargé de la défense du peuple et des droits de l'homme, appelé à intervenir dans les diverses circonscriptions judiciaires de la république.

69. Le Procureur de la nation a précisé dans la circulaire n° 005-94-MP-FN en date du 1er mars 1994 les fonctions et la compétence de ces services spéciaux de la défense du peuple et des droits de l'homme pour autant que le Défenseur du peuple n'exerce pas lui-même lesdites fonctions en vertu de la Constitution. Ladite circulaire précise qu'il incombe au ministère public, pour s'acquitter des dispositions du paragraphe 1 de l'article 159 de la Constitution, de favoriser, de sa propre initiative ou à la demande d'un tiers, les actions judiciaires destinées à défendre la légalité ainsi qu'à faire valoir l'intérêt public protégé par le droit, de veiller à l'indépendance des organes juridictionnels et à la bonne administration de la justice en assumant à cette fin la représentation de la société.

70. Les procureurs spéciaux chargés de la défense du peuple et des droits de l'homme dans les diverses circonscriptions judiciaires de la République ont donc été investis jusqu'à présent, dans le domaine des droits de l'homme, des pouvoirs ci-après :

a) Prendre connaissance des plaintes relatives à des violations des droits de l'homme; des disparitions forcées; des exécutions extrajudiciaires; des cas de mauvais traitements, coups et blessures ou torture; des abus dont seraient responsables des membres de la police nationale ou des forces armées péruviennes; des détentions injustifiées ou des mauvais traitements subis au cours de la détention; des retards apportés à la procédure de jugement et/ou des irrégularités de la procédure dans les affaires de terrorisme; des mauvais traitements infligés à des personnes détenues dans des centres pénitentiaires; ce à fin de veiller au respect intégral des droits de l'homme et, le cas échéant, de porter à la connaissance des procureurs provinciaux compétents de la juridiction concernée tous faits constitutifs d'un délit;

b) Assurer le respect des droits de l'homme en faveur des malades mentaux, des handicapés, des alcooliques, des toxicomanes notamment;

c) Tenir à jour le registre des disparitions signalées en application de la résolution n° 342-MP-FN en date du 10 juillet 1992.

71. La Constitution politique approuvée en 1993 a toutefois créé l'institution de la Defensoria del pueblo et l'a dotée des attributions qu'elle indique : c'est un organisme autonome, indépendant du ministère public, lequel n'est plus de ce fait compétent pour agir comme défenseur du peuple face à l'administration publique ni pour connaître des plaintes formulées et/ou des faits signalés par les citoyens péruviens à l'encontre des agents ou fonctionnaires de l'administration publique en général.

72. Les procureurs spéciaux chargés de la défense du peuple et des droits de l'homme sont donc devenus des procureurs ordinaires sous l'effet du décret suprême n° 036-94-JUS en date du 17 juin 1994 qui a modifié la structure organique du ministère public; mais le gouvernement a promulgué le 16 novembre 1994 la loi n° 26387 qui rétablit ces services spéciaux du parquet jusqu'à ce que l'institution du Défenseur du peuple soit en place et prête à fonctionner.

73. Le Procureur de la nation a donc dans l'exercice de ses fonctions publié le 17 novembre 1994 la résolution n° 709-94-MP-FN pour rétablir les services spéciaux chargés de la défense du peuple et des droits de l'homme dans les circonscriptions judiciaires ci-après : Ancash, Apurimac, Arequipa, Ayacucho, Huancavelica, Huanuco Junin, La Libertad, Lima, Callao, Piura et San Martin.


V. LA DÉCLARATION DEMANDÉE EN VERTU DES ARTICLES 21 ET 22
DE LA CONVENTION CONTRE LA TORTURE


74. L'Etat péruvien est partie à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, instrument international approuvé par la résolution législative n° 24815 en date du 12 mai 1988 et ratifiée le 14 juin 1988, avec dépôt de l'instrument de ratification le 7 juillet 1988. Au sujet de la déclaration visée aux articles 21 et 22 de la Convention, il convient de signaler qu'à ce jour, la possibilité de formuler ladite déclaration est à l'étude au sein des organes compétents, conformément à nos mécanismes internes, aux fins de permettre à l'Etat péruvien de prendre position et de décider s'il y a lieu pour lui de formuler ladite déclaration.


VI. LA TORTURE EN TANT QUE DÉLIT AUTONOME

75. Il a été élaboré plusieurs propositions de loi ayant trait à la possibilité de faire figurer dans le code pénal certaines formes de "délits contre les droits de l'homme" parmi lesquels figurerait la torture. Lesdites propositions font actuellement l'objet des procédures habituelles d'examen au sein du Congrès.


VII. FORMATION DES FORCES ARMÉES ET DE SÉCURITE ET PROGRAMMES
EN VUE DE LA RÉPARATION INTÉGRALE DES VICTIMES


76. La pacification nationale doit être réalisée dans le cadre du respect des droits de la personne; il a été adopté à cette fin des dispositions visant à garantir l'entière application de ces droits lors des actions menées pour lutter contre le terrorisme. Au nombre de ces dispositions il convient de faire état de la loi n° 25211 en date du 16 mai 1990 qui prévoit l'exécution d'un plan national de diffusion et d'enseignement de la Constitution politique du Pérou ainsi que des pactes et conventions relatifs à la défense et à la promotion des droits de l'homme. Ce plan est désormais appliqué dans tous les centres d'enseignement civils et militaires et dans tous les services publics et entreprises de l'Etat.

77. Il s'est incontestablement produit quelques cas de violation des droits de l'homme au Pérou mais il convient de souligner que la pratique n'en est pas encouragée car le secteur de la défense assure la formation du personnel militaire et favorise de sa part une prise de conscience. Les forces armées ainsi que la police nationale ont publié de nombreuses directives et règlements qui visent en premier lieu à former les militaires et les policiers au respect des droits de l'homme; en second lieu, à éviter l'adoption, à l'encontre de la population civile, de comportements de nature à porter atteinte à ses droits fondamentaux; en troisième lieu, à sanctionner sévèrement les auteurs de violations des droits de l'homme.

78. C'est ainsi qu'à la suite de la loi n° 25211 en date du 16 mai 1990 (relative à la diffusion et à l'enseignement de la Constitution politique du Pérou ainsi que des pactes et conventions relatifs à la défense et à la promotion des droits de l'homme dans tous les centres d'enseignement civils et militaires et dans tous les établissements publics et entreprises de l'Etat) ainsi que de la directive présidentielle approuvée par le Conseil des ministres le 9 septembre 1991 (relative à l'élaboration d'une politique présidentielle relative aux droits de l'homme dans le cadre de la pacification nationale), il a notamment été publié les directives ou règlements ci-après :

a) La directive n° 023-MD-SGMD datée d'octobre 1991, qui énonce des règles et des procédures à respecter lors du déroulement d'opérations militaires pour assurer le maintien et la défense des droits de l'homme en donnant une série d'indications :

i) Il convient de faciliter aux représentants du ministère public l'exécution de leurs obligations;

ii) L'intervention des inspecteurs enquêtant sur les violations des droits de l'homme est destinée à prendre en compte les faits signalés en la matière, à les examiner et à leur donner suite;

b) La directive n° 05-MINDEF d'avril 1992, qui dispose que les instituts des forces armées doivent élaborer des programmes d'enseignement relatif aux droits de l'homme à l'intention de leur personnel à tous les niveaux;

c) La directive n° 025-CCFFAA-D3-1E en date du 23 novembre 1993, qui énonce des dispositions tendant à uniformiser l'enseignement relatif aux droits de l'homme à dispenser dans les instituts des forces armées et de la police nationale du Pérou à tous les niveaux où se déroulent des opérations de lutte antisubversive, c'est-à-dire que l'enseignement, pour être dispensé à la totalité du personnel, doit être conçu soit pour la troupe et le personnel subalterne (techniciens et sous-officiers), soit pour les lieutenants et capitaines (au niveau de la compagnie), soit pour les commandants (au niveau du bataillon). Les programmes doivent être conçus autour des thèmes ci-après : aspects fondamentaux des droits de l'homme, législation internationale relative aux droits de l'homme, législation nationale relative à ces mêmes droits, législation antiterroriste, études de cas de violation des droits de l'homme, organismes de protection, le droit international humanitaire et ses rapports avec les droits de l'homme. Les programmes devront par ailleurs tenir compte du niveau de leurs destinataires :

i) Pour les écoles de formation d'officiers et de personnel subalterne, il est prévu 60 heures de cours;

ii) Pour les écoles de formation des instituts des forces armées et de la police nationale (lieutenants), il est prévu 35 heures de cours;

iii) Pour le personnel de troupe des instituts des forces armées et de la police nationale, il est prévu 24 heures de cours;

d) La directive n° 01-COFI-DOP/PLN d'avril 1994 émanant du commandement conjoint des forces armées, qui énonce des dispositions en vue de la planification de la pacification dans les services de l'armée : à l'annexe 08 (consacrée aux droits de l'homme), cette directive énonce des dispositions pour que les opérations dirigées contre le terrorisme et le trafic de stupéfiants se déroulent dans le strict respect des droits de l'homme. Ce texte donne des précisions sur une série de questions liées au thème central :

i) Le texte indique la procédure à suivre quand il est signalé que des membres des forces de l'ordre se seraient rendus coupables de violation des droits de l'homme au cours des opérations;

ii) Le texte indique aussi les procédures à suivre pour le cas où il faudrait signaler que les délinquants terroristes seraient coupables de violation des droits de l'homme;

e) La directive n° 001-EMFFAA/DDHH de janvier 1995, qui énonce des règles et des dispositions ayant trait aux droits de l'homme à appliquer strictement dans les zones soumises à l'état d'urgence où se déroulent des opérations et manoeuvres relevant de tout le domaine de la sécurité nationale, et où, de ce fait, des responsabilités particulières incombent aux instituts des forces armées.

79. Aux fins de l'application desdites règles, le ministère de la défense a mis au point un système organisé comme suit :

a) Un organe de direction, qui est le sous-secrétariat à la pacification et aux droits de l'homme du ministère de la défense;

b) Un organe de promotion, qui est la division des droits de l'homme du commandement conjoint des forces armées;

c) Des organes d'exécution constitués par les zones de sécurité nationale, le COMGEDECO et les groupes du front antisubversif, lesquels disposent à leur tour d'éléments dans les zones subsidiaires de sécurité nationale (grandes unités) et dans les secteurs de sécurité nationale ( bataillons);

d) A chaque niveau, on bénéficiera des conseils d'un officier du service juridique de l'armée.

Les comités d'autodéfense

80. Dans le cadre d'une stratégie de pacification, l'un des points les plus importants est de pouvoir compter sur l'appui de la population. A cette fin, il a été créé des comités d'autodéfense. Les actions menées par les groupes terroristes contre ces comités sont à l'origine de certains cas de violation des droits de l'homme imputables aux comités.

81. Pour remédier à cette situation, le commandement conjoint des forces armées a publié la directive n° 011-CCVFFAA-D3/IE-1993 qui prévoit de dispenser un enseignement relatif aux droits de l'homme et au droit international humanitaire au personnel de ces comités au moyen d'un programme d'enseignement mis spécialement au point à cette fin.

Publication de textes, de brochures, etc

82. Pour faciliter concrètement l'enseignement à dispenser, il a été publié toute une série de textes en rapport avec les droits de l'homme (manuels, brochures, affiches notamment), parmi lesquels un manuel destiné aux enseignants, lequel contient les programmes d'enseignement relatif aux droits de l'homme, et une publication spéciale qui a permis de faire connaître à l'ensemble du personnel les aspects les plus importants que revêt le respect des droits de l'homme, publication connue finalement sous le nom de "Décalogue des forces de l'ordre". Ce décalogue a été au cours de l'année 1993 distribué à l'ensemble du personnel des forces armées et de la police nationale. Au cours de l'année 1994 il a été imprimé et diffusé un manuel de l'armée intitulé "Les droits de l'homme : principes, règles et procédures", qui contient les programmes mis au point et conçus à partir des directives indiquées ci-dessus.

L'indemnisation et la réparation dues aux victimes

83. Nous devons avoir conscience que certains dommages sont irréparables : les pertes de vies humaines, la privation de liberté, les atteintes à l'intégrité physique, les dommages à l'intégrité mentale ou, en général, les atteintes àla santé; mais il est indispensable dans un Etat de droit comme le nôtre de reconnaître qu'il existe des moyens de réparer jusqu'à un certain point les dommages causés par des violations des droits de l'homme, des erreurs judiciaires ou des abus de pouvoir.

84. Nous considérons qu'il importe au plus haut point d'intégrer à la législation nationale des principes comme ceux de la réparation, de l'indemnisation, ainsi que de l'élimination de tout acte attentatoire aux droits de l'homme, dans la mesure où cela permet d'atténuer la souffrance des victimes de tels actes et, dans le meilleur des cas, de supprimer le fait qui en est la cause et de revenir à la situation antérieure à l'acte.

85. L'article 139, paragraphe 7 de la Constitution politique garantit l'indemnisation, sous la forme déterminée par la loi, des erreurs judiciaires commises à l'occasion de poursuites pénales ainsi que l'indemnisation des détentions arbitraires, sans préjudice des responsabilités à établir. La loi n° 24973 en date du 28 décembre 1988 qui est toujours en vigueur à ce jour réglemente l'indemnisation de l'erreur judiciaire et de la détention arbitraire. L'indemnisation est assurée par l'Etat au moyen du Fonds national de l'indemnisation des erreurs judiciaires et des détentions arbitraires sous couvert d'une procédure de référé particulièrement abrégée devant une juridiction civile.

86. Le code civil réglemente par ailleurs la responsabilité des délits civils et des quasi-délits, institution en vertu de laquelle toute personne lésée par le comportement illicite d'un fonctionnaire ou d'un agent de la fonction publique peut réclamer à l'intéressé ou à l'Etat l'indemnisation correspondante (articles 1969 et 1981). En droit civil, les prescriptions de fond de notre ordre juridique sont, aux articles 1969 et suivants, que quiconque, sous l'effet d'un délit ou par sa faute, cause un préjudice à un tiers est tenu de l'indemniser. Le même ensemble de règles prescrit que quiconque a un subalterne sous ses ordres est responsable des dommages causés par celui-ci si le dommage est infligé dans l'exercice de la fonction ou l'exécution du service du subalterne. En pareil cas, l'auteur direct et l'auteur indirect du préjudice sont solidairement responsables.

87. De même encore, le code civil péruvien reconnaît l'existence du préjudice moral, de sorte que celui-ci est également indemnisable compte tenu de son importance et du handicap causé à la victime ou à sa famille. L'indemnisation doit couvrir les effets de l'action ou de l'omission qui est à l'origine du dommage causé à la personne ainsi que les effets du préjudice moral, à condition qu'il existe une authentique relation de cause à effet entre le fait à l'origine du dommage et le dommage produit.

88. Par ailleurs, le code pénal en vigueur au Pérou admet le principe de la réparation civile à titre d'indemnisation d'un dommage ou d'un préjudice. La réparation doit être fixée en même temps que la sanction ou la condamnation et prend la forme soit de la restitution du bien, soit du paiement de sa valeur, ou soit encore de l'indemnisation des dommages et préjudices subis. Pour l'exécution du jugement prononcé, il faut se reporter aux dispositions du code civil relatives à l'indemnisation.

89. Le décret législatif n° 768 en date du 4 mars 1992 dispose qu'est compétent pour connaître des demandes d'indemnisation au titre d'une détention arbitraire le juge des instances civiles du lieu de détention ou du lieu de résidence de l'intéressé, au choix de celui-ci. De même, le décret en question dispose que la procédure à suivre pour régler ce type de violation est une procédure de référé, c'est-à-dire une procédure abrégée qui vise à répondre rapidement à la demande formulée. C'est ainsi que les différentes phases de la procédure sont confondues et qu'il est possible de ne tenir qu'une seule audience à laquelle sont présentées les preuves matérielles établissant la véracité du dommage causé; il est même possible de tenir préalablement, avant d'en arriver à la phase unique ci-dessus, une réunion à laquelle les deux parties mettent au point un compromis qui leur paraît équitable à l'une comme à l'autre.

90. Cette procédure répond au souci de mettre le droit à réparation à la portée de tous, d'éviter les procédures interminables, de tenir compte de l'éventuelle vulnérabilité des victimes. De même, il est admis que l'indemnisation doit être proportionnelle aux dommages qui résultent de violations des droits de l'homme se prêtant à une estimation économique et qu'elle doit tenir compte des dommages matériels tout comme du dommage moral causé à la victime.



Page Principale || Traités || Recherche || Liens