University of Minnesota


 

Comité contre la Torture, Examen des rapports présentés par les États parties en application de l'article 19 de la Convention, Pays-Bas (Antilles et Aruba), U.N. Doc. CAT/C/44/Add.4 (1998).


Troisièmes rapports périodiques devant être soumis en 1998

Additif

PAYS-BAS
(ANTILLES ET ARUBA)

/ Le rapport initial présenté par le Gouvernement des Pays-Bas porte la cote CAT/C/9/Add.2 et 3. Il est rendu compte de l'examen de ce rapport par le Comité dans les documents CAT/C/SR.46 et 47 ainsi que dans les Ddocuments officiels de l'Assemblée générale, quarante-cinquième session, Supplément No 44 (A/45/44), par.435 à 470. Le deuxième rapport périodique porte la cote CAT/C/25/Add.1, 2 et 5; il est rendu compte de l'examen de ce rapport par le Comité dans les documents CAT/C/SR.210 et 211/Add.1 ainsi que dans les Documents officiels de l'Assemblée générale, cinquantième session, Supplément No 44 (A/50/44), par. 111 à 131./


[3 septembre 1998]

TABLE DES MATIÈRES


Paragraphe


Première partie - Antilles néerlandaises..... 1 - 62


I. RENSEIGNEMENTS DE CARACTÈRE GÉNÉRAL..... 1 - 12


II. RENSEIGNEMENTS RELATIFS AUX ARTICLES DE LA PREMIÈRE PARTIE DE LA CONVENTION ..........13 - 62


Article 1 ................13 - 17
Article 2 ................18 - 34
Article 3 ...................35
Article 4 ................36 - 38
Article 5 ................39 - 40
Article 6 ................41 - 42
Articles 7 et 8........... 43
Article 9 ................44 - 45
Article 10 ..............46 - 47
Article 11.............. 48 - 52
Articles 12 et 13 ....53 - 56
Article 14 ..............57 - 58
Article 15 ..............59 - 61
Article 16................. 62


Liste des annexes


Deuxième partie - Aruba....... 63 - 198


I. SYSTÈME PÉNAL ET PÉNITENTIAIRE ...63 - 77


A. Généralités .................63
B. Constitution d'Aruba.. 64 - 65
C. Droit pénal................ 66 - 68
D. Procédure pénale...... 69 - 72
E. Détention ..................73 - 77


II. RENSEIGNEMENTS RELATIFS AUX ARTICLES DE LA CONVENTION ....78 - 198


Article 2 ................78 - 87
Article 3 ................88 - 90
Article 4................ 91 - 95
Article 5 ................96 - 97
Article 6 ................98 - 140
Article 7.................141 - 142
Article 8 ................143 - 144
Article 10 ..............145 - 150
Articles 11 et 15... .151 - 158
Article 12 ..............159 - 165
Article 13 ..............166 - 189
Article 14 ..............190 - 198


Annexe : Ordonnance nationale concernant la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants


PREMIÈRE PARTIE

Antilles Néerlandaises

I. RENSEIGNEMENTS DE CARACTÈRE GÉNÉRAL


Introduction


1. Le présent rapport est soumis en application de l'article 19 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui est entrée en vigueur à l'égard du Royaume des Pays-Bas le 21 janvier 1989. Il suit d'aussi près que possible les directives générales concernant la forme et le contenu des rapports périodiques et porte sur la période comprise entre le 1er janvier 1994 et le 1er janvier 1998.


2. Ce troisième rapport périodique décrit les faits nouveaux survenus au sujet des questions traitées dans le deuxième rapport (CAT/C/25/Add.2). Il contient aussi des renseignements concernant l'évolution récente de la législation et de la politique générale, notamment sur les articles de la Convention au sujet desquels les membres du Comité contre la torture ont posé des questions supplémentaires pendant l'examen du rapport précédent. Cette évolution est ensuite comparée à la situation précédente ou actuelle ou examinée dans ce contexte. Lorsque les informations contenues dans le précédent rapport ont été considérées incomplètes ou imprécises, la manière dont la Convention est actuellement appliquée est décrite plus en détail. Il convient de se reporter aux rapports précédents dans le cas des articles pour lesquels il n'a pas été constaté d'évolution significative.


Cadre juridique général


3. Jusqu'en 1995, le Code pénal des Antilles néerlandaises n'interdisait pas expressément la torture. Il contenait toutefois des dispositions relatives à différentes formes de violence (art. 300 à 322), qui, si elles étaient interprétées au sens large, étaient applicables à de nombreux actes de torture. En 1995, toutefois, le Gouvernement des Antilles néerlandaises a décidé de réprimer la torture en tant qu'infraction pénale distincte plutôt que sous la qualification de coups et blessures ou de violences graves. Les circonstances qui l'ont amené à prendre cette décision sont exposées dans la section du présent rapport relative à l'article premier de la Convention contre la torture.


Autorités compétentes et recours


4. Aux Antilles néerlandaises la procédure pénale est régie par ce que l'on appelle le "principe de l'opportunité", ce qui signifie que le ministère public peut décider de ne pas déclencher de poursuites pour des raisons d'intérêt général. Cependant, en vertu du Code de procédure pénale révisé, toute partie concernée peut former un recours contre une telle décision devant la Cour de justice des Antilles néerlandaises. La Cour entend alors cette partie et, s'il y a lieu, la personne contre laquelle elle demande que des poursuites soient engagées. Elle peut alors en toute indépendance décider d'inviter le ministère public à engager des poursuites.


5. Même si aucun recours n'a été déposé, la Cour peut décider de sa propre initiative des poursuites qu'il y a lieu d'intenter ou de continuer la procédure engagée (en vertu de l'article 28 du Code de procédure pénale). En pareil cas, les dispositions des articles 14 à 27 de ce Code sont applicables par analogie. Il s'ensuit que, avant qu'une telle décision ne soit prise, il sera demandé au procureur général d'établir un rapport sur l'affaire.


Problèmes soulevés précédemment


6. Pour comprendre le contexte dans lequel le nouveau Code de procédure pénale a été établi, il faut remonter loin dans le temps. Le Code de 1914 était essentiellement fondé sur le Code néerlandais de 1838. Des amendements partiels y ont été apportés par la suite afin de le mettre à jour, mais ceux-ci tendaient plutôt à rendre le système moins clair. Étant donné les connaissances spécialisées nécessaires pour rédiger un Code entièrement nouveau, le Gouvernement alors en place aux Antilles néerlandaises a décidé que cette action législative importante serait entreprise par un comité spécial. Comme on estimait que le comité devait reposer sur une large participation, ses membres ont été choisis parmi différentes professions. Le Comité pour la révision du Code pénal et du Code de procédure pénale a été créé par le décret national du 8 juillet 1985. Il avait pour attributions de conseiller le Gouvernement sur la façon dont les deux Codes devraient être modifiés et mis à jour. Bien que chargé de la révision des deux Codes, le comité a commencé par porter essentiellement son attention sur le Code de procédure pénale.


7. Après un processus long, difficile et complexe, le Code unifié de procédure pénale des Antilles néerlandaises est entré en vigueur le 1er octobre 1997. Son adoption a considérablement amélioré la situation juridique des suspects, par exemple pour ce qui est des pouvoirs que la police peut exercer au cours des enquêtes portant sur des infractions pénales. Ces pouvoirs comprennent le pouvoir d'arrestation et de détention, de perquisition dans les domiciles et d'autres locaux, la fouille à corps et des vêtements et la saisie d'objets. En vertu du nouveau Code, un ensemble de conditions doivent être satisfaites avant que la police ne soit autorisée à exercer ces pouvoirs de coercition. On peut citer les conditions générales suivantes :


- l'exercice d'un tel pouvoir ne doit pas être disproportionné par rapport aux intérêts en cause;


- ce pouvoir ne peut être exercé dans un but autre que celui pour lequel il a été conféré;


- ce pouvoir ne peut être exercé que s'il est impossible d'atteindre le but recherché par d'autres moyens moins radicaux;


- toute atteinte aux droits du suspect résultant de l'exercice de ce pouvoir doit être proportionné à la gravité de l'infraction présumée.

8. Un suspect a le droit de garder le silence et n'est pas obligé de répondre aux questions de la police. Avant son interrogatoire par des membres de la police ou un magistrat concernant sa participation éventuelle à un acte punissable, la personne soupçonnée doit être prévenue qu'elle a le droit de garder le silence. Les membres de la police ou le magistrat menant l'interrogatoire doivent à tout moment s'abstenir d'actes visant à obtenir d'un suspect des aveux contre son plein gré (art. 50 du Code de procédure pénale).


9. Avant d'être interrogé, le suspect a le droit de demander l'assistance d'un avocat. Au cours de l'interrogatoire, il peut être décidé de détenir le suspect dans l'intérêt de l'enquête. Cette détention s'appelle la garde à vue. Une ordonnance de placement en garde à vue ne peut être prise que pour une durée de 48 heures au plus. S'il y a lieu, la garde à vue peut être prolongée de huit jours (art. 83 à 91 du Code de procédure pénale). En vertu de ce code, tout suspect placé en garde à vue bénéficie gratuitement du concours d'un avocat pendant la durée de sa détention.


Le Ministère de la justice


10. Il a été mentionné dans le rapport précédent que l'infrastructure gouvernementale ne faisait pas du Ministère de la justice un département ministériel distinct. Il avait aussi été relevé que les instances judiciaires ne fonctionnaient pas comme un ensemble, mais de manière très indépendante. Il était impossible de ce fait d'apporter des modifications structurelles au système judiciaire. Ce problème a été abordé en 1993 lors de la création du Ministère de la justice, dont la plupart des services fonctionnent actuellement. Une de ses tâches les plus importantes consiste à surveiller l'application de certains instruments internationaux tels que la Convention contre la torture et à formuler des politiques durables pour en assurer le respect.


11. Une des activités du Département des questions de politique générale est de surveiller et d'appuyer la réorganisation du système pénitentiaire dans les Antilles néerlandaises. Le Département des affaires juridiques contribue largement à mettre au point une politique de justice pénale. Il le fait en donnant des avis spécialisés, en créant le cadre nécessaire à l'application de la politique générale et en fournissant des conseils et une assistance. Le Département donne aussi des conseils sur les mesures propres à atteindre les objectifs de politique générale au moyen d'une législation nouvelle ou modifiée.


Fonds pour l'organisation des stages


12. La situation financière du pays est encore très critique. Quoi qu'il en soit, les autorités continuent à faire tout leur possible pour dispenser une formation aux agents de la force publique. Cette action est parfois accomplie avec la coopération d'organisations non gouvernementales. Récemment, par exemple, des stages internes ont été organisés à l'intention du personnel pénitentiaire axés en particulier sur les différentes matières du droit pénitentiaire, du droit pénal et de la procédure pénale contenues dans le Code de procédure pénale révisé.

II. RENSEIGNEMENTS RELATIFS AUX ARTICLES DE LA PREMIÈRE PARTIE DE LA CONVENTION

Article premier


13. En 1995, le Gouvernement des Antilles néerlandaises a décidé de faire de la torture une infraction distincte et de ne pas attendre pour cela que la révision du Code pénal, commencé en 1997, soit terminée après celle du Code de procédure pénale. Comme indiqué précédemment, la révision du Code de procédure pénale a été un processus long et laborieux. En raison de retards dans l'examen de la législation par le Parlement, il n'était plus possible, à bref délai, de faire de la torture une infraction distincte dans le Code pénal révisé.


14. Il va sans dire que dans le droit pénal des Antilles néerlandaises les actes visés par la définition de la torture à l'article premier de la Convention contre la torture étaient déjà qualifiés d'infractions pénales, en particulier dans le Titre XX du Livre 2 du Code pénal des Antilles néerlandaises. Toutefois, la Convention impose l'obligation de prendre un certain nombre de mesures dans les cas spéciaux où une douleur ou des souffrances physiques ont été infligées à une personne par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel, ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite. Ces mesures spéciales comprennent l'établissement d'une compétence universelle, qui exclut que l'on puisse invoquer comme moyen de défense le fait que les actes incriminés ont été commis en exécution d'un ordre émanant d'un supérieur ou d'une autorité publique, et l'assurance que l'extradition vers d'autres États parties est possible pour cette infraction.


15. Il découle logiquement de la Convention qu'il est préférable de réprimer la torture en tant qu'infraction distincte que d'engager des poursuites en vertu de dispositions pénales qui ne s'appliquent pas expressément à la torture en tant que telle. C'est pour cette raison que le Gouvernement a décidé d'ériger la torture en infraction distincte. En s'appuyant sur l'article premier de la Convention, le Gouvernement a choisi une qualification conforme au système de la législation pénale des Antilles néerlandaises, mais visant aussi les différents éléments constitutifs de l'infraction. Le texte de l'ordonnance nationale sur la criminalisation de la torture (PB 1995, 197) est joint en annexe au présent rapport.


16. Si des poursuites à raison d'actes de torture sont engagées sur la base des qualifications d'infractions non établies à cette fin, il est possible que tous les actes justifiant des poursuites ne soient pas visés par ces qualifications. Par exemple, la qualification de "violences graves" suppose préalablement des lésions graves, y compris des traumatismes psychiques mentionnés au paragraphe 2 de l'article 84 du Code de procédure pénale. Étant donné les dispositions de l'article considéré de la Convention, un paragraphe séparé a été inclus dans le texte de l'ordonnance pour indiquer que certaines formes de mauvais traitements qui causent des souffrances morales plutôt que physiques peuvent aussi être qualifiées de torture. Toutefois, l'infraction est constituée en cas de forte anxiété ou d'autres formes graves de souffrance morale causées par de tels actes, qui doivent aussi avoir été commis intentionnellement.

17. L'ordonnance nationale (Journal officiel de 1995, 197) prévoit des sanctions pour tout acte de torture interdit par la Convention. Elle établit aussi le principe de la compétence universelle, précisant qu'un ordre émanant d'un supérieur ou d'une autorité publique ne peut être invoqué pour justifier la torture. Toute tentative de torture constitue également une infraction.

Article 2


La police


18. Comme indiqué plus haut au chapitre I du rapport (Renseignements de caractère général, le Ministère de la justice a depuis sa création récente joué un important rôle de coordination dans l'application de la Convention et dans la réorganisation des forces de police, qui n'est d'ailleurs pas encore terminée. Une Section de la police est actuellement en voie de création au sein du Ministère, pour aider le Ministre de la justice à remplir ses fonctions de gestion, par exemple dans la mise en valeur des ressources humaines. Cette Section de la police aidera aussi le Ministre à faire respecter la Convention. Elle fera de ce fait partie des mécanismes officiels qui assurent les fonctions de surveillance du Ministre de la justice.


19. Une commission chargée d'examiner les plaintes concernant les brutalités policières et les mauvais traitements infligés par la police a été créée en 1994. Elle comprend un médecin, un professeur de droit de l'Université des Antilles néerlandaises et un ancien procureur. Elle est autorisée à mener des enquêtes indépendantes. Toute personne peut déposer une plainte auprès de la Commission, qui procède à une enquête et soumet ses conclusions et recommandations au Ministre de la justice. Celui-ci décide des mesures appropriées à prendre dans chaque cas. Le Parlement est informé des résultats de l'enquête et de la décision prise par le Ministre.


20. En mai 1994, une loi portant création et réglementation du Département national des enquêtes a été adoptée. Celui-ci est entré en fonction en 1997 et relève directement du procureur général. Il ne comprend qu'un effectif de trois personnes et fonctionne comme un organisme d'enquête indépendant dans les actions pénales mettant en cause des fonctionnaires et des autorités, entre autres, le personnel de la police et de l'administration pénitentiaire. Le département mène actuellement plusieurs enquêtes. Il n'est pas inutile de mentionner que son effectif est très insuffisant par rapport à son volume de travail. C'est pour cette raison que l'actuel Bureau des affaires internes des forces de police s'occupe de questions de nature disciplinaire.


La maison d'arrêt


21. Les Antilles néerlandaises ont des obligations à respecter à la fois en vertu de la Convention contre la torture et de la Convention européenne pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants. En ce qui concerne cette dernière Convention, et étant donné les événements récemment survenus à la maison d'arrêt de Willemstad à Curaçao, il importe que le Comité dispose des informations exposées ci-après.


22. Le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants s'est rendu aux Antilles néerlandaises en 1994. Dans une partie de son rapport, qui a été publié, il critiquait sérieusement les conditions de détention dans la prison et la maison d'arrêt de Koraal Specht. La principale critique portait sur les conditions matérielles dans lesquelles les détenus étaient incarcérés. Toutefois, très peu de violences physiques ont été constatées, ce qui a été considéré comme positif.


23. Face à cette situation, le Gouvernement des Antilles néerlandaises a examiné les mesures qui avaient été prises à court terme en réponse aux observations et recommandations du Comité européen pour la prévention de la torture. Il faut souligner que le Gouvernement étudie de très près les conditions à Koraal Specht, notamment la surpopulation carcérale et ses conséquences. Une très grande priorité est donc accordée à une vaste réforme du système pénitentiaire. Différentes mesures ont déjà été prises pour remédier à cette situation regrettable et d'autres sont à l'étude.


24. Les activités de réorganisation sont fondées sur plusieurs rapports établis à la demande du Gouvernement (par exemple Di Korekshon pa Korekshon - Problèmes du système pénitentiaire aux Antilles néerlandaises) et sur le rapport du Comité européen pour la prévention de la torture après sa visite d'inspection en 1994, dans lequel il a recommandé plusieurs améliorations.


25. En novembre 1996 un nouveau directeur de l'administration pénitentiaire a été nommé. Un schéma directeur dans ce domaine a été soumis au Conseil des Ministres, qui l'a examiné et approuvé. Il a aussi permis la conclusion d'un accord de coopération entre les Antilles néerlandaises et les Pays-Bas. Ceux-ci contribueront au processus de réorganisation, qui sera long, difficile et coûteux. Un groupe de travail mixte a été chargé de surveiller et d'accélérer la mise en oeuvre de ce processus. Il devrait aussi formuler des propositions concernant le recrutement et la sélection du personnel pénitentiaire et l'agrandissement de la prison.


26. Dans l'intervalle, quelques modifications transitoires ont été adoptées, entre autres :


- agrandissement du centre de rétention des étrangers en situation irrégulière;


- rénovation des cellules qui ne pouvaient plus être utilisées parce qu'elles n'étaient pas conformes aux normes de base, notamment en matière d'éclairage et de ventilation;


- accroissement de l'effectif pénitentiaire;


-construction et utilisation de salles de cours;


-entretien des bâtiments en 1995 et 1996;


-application des consignes de sécurité en 1997;


- création de nouveaux postes, tels que celui du responsable des relations publiques, et du bureau des affaires internes, nomination d'une équipe de gestion et extension du département des affaires concernant le personnel;


- stages pour cadres moyens;


- application de normes de sélection nouvelles ou améliorées pour attirer du personnel mieux formé;


- stages de perfectionnement pour le personnel;


- mise en oeuvre de nouveaux programmes d'accueil et de mise au courant des nouveaux agents;


- reconstitution de l'équipe d'assistance interne;


- mise en service du régime pénitentiaire semi-ouvert.


27. Il est regrettable qu'une mutinerie n'ait pas pu être évitée à l'intérieur de la prison malgré les efforts déployés pour améliorer les conditions de vie carcérale. La mutinerie, qui a duré trois jours (du 7 au 10 août 1997), a été provoquée par l'annonce faite par le directeur d'une modification des heures de visite. Les détenus ont profité du niveau anormalement bas des effectifs de la prison. Des portes de cellules ont été sorties de leurs gonds et les détenus se sont livrés à des actes de vandalisme qui ont sérieusement endommagé les locaux. Après avoir consulté le Ministre de la justice et la police, le Directeur de la prison a décidé de ne pas recourir à la force pour mettre fin à la révolte car il tenait à éviter qu'il y ait des victimes.


28. Le Parlement des Antilles néerlandaises s'est montré très préoccupé par ces événements et a demandé au Ministre de la justice de mener une enquête sur cette affaire. Celui-ci a créé un comité indépendant pour enquêter sur les causes de la mutinerie et sur les allégations selon lesquelles le personnel de la prison aurait agressé des détenus et que les détenus eux-mêmes se seraient battus entre eux pendant et après la révolte. Le Comité, connu sous le nom de Comité Paula du nom de son président, a été créé le 9 septembre 1997 et devait présenter ses conclusions au Ministre dans le délai d'un mois. Le texte de ses conclusions est annexé au présent rapport. On notera que les annexes auxquelles se réfère le rapport Paula n'y sont pas incluses.


29. Après avoir achevé son enquête, le Comité a conclu que les principales causes de la mutinerie du mois d'août étaient les suivantes :


a) La modification des heures de visite;


b) La façon dont cette modification a été communiquée aux détenus;


c) Le refus de la direction de discuter de ces changements avec les détenus;


d) Des actes de sabotage auraient été commis par des membres du personnel pénitentiaire;


e) Le niveau anormalement bas des effectifs présents le jour de la révolte.


30. En ce qui concerne les allégations de violences commises par le personnel de la prison, le Comité n'a pu trouver aucune preuve d'un pareil comportement à l'encontre des détenus au cours de ces troubles. Le Comité a toutefois constaté que des incidents avaient eu lieu les 11 et 18 août, nécessitant une enquête de la part du Département national des enquêtes. Il ressortait clairement des déclarations des détenus, confirmées par certains membres du personnel, que des irrégularités avaient effectivement été commises aux dates mentionnées. Le Comité a trouvé la preuve d'actes d'agression contre certains détenus, commis parfois par les gardiens de prison et parfois par les détenus eux-mêmes.


31. Considérant la situation dangereuse et explosive à l'intérieur de la prison, le Comité a soumis une liste de recommandations visant à renforcer la sécurité tant pour les détenus que pour les gardiens. Ces recommandations étaient les suivantes :


a) Reconstruire dès que possible les cellules détruites;


b) Envisager de transférer les criminels les plus dangereux dans des quartiers de haute sécurité aux Pays-Bas;


c) Comme autre solution possible, incarcérer ces détenus dans des quartiers de sûreté;


d) Rétablir la différentiation du régime carcéral;


e) Recruter immédiatement du personnel qualifié pour assister le directeur de la prison;


f) Résoudre le problème du nombre anormalement élevé des congés de maladie;


g) Adopter un nouveau règlement intérieur;


h) Le Ministre devrait demander au Département national des enquêtes d'achever dès que possible l'enquête concernant les irrégularités qui auraient été commises;


i) Améliorer les programmes de réinsertion.


32. Peu après la publication du rapport du Comité Paula, le Ministre de la justice a annoncé ce qui suit :


a) Un directeur de projet néerlandais était arrivé en septembre 1997 pour s'occuper de la réorganisation du système pénitenciaire, qui avait atteint le stade auquel la mise au point des mesures structurelles pouvait commencer, conformément au schéma directeur et au plan d'exécution;


b) Un deuxième directeur de projet avait aussi été nommé pour surveiller les préparatifs se rapportant à l'élément d'infrastructure du processus;


c) Les travaux de réparation des dégâts étaient en cours;


d) Il n'était pas judicieux de transférer les criminels les plus dangereux aux Pays-Bas, qui connaissait déjà un problème de surpopulation carcérale;


e) Des efforts étaient faits actuellement pour résoudre le problème de la surpopulation carcérale, par exemple en envisageant d'autres moyens de punir les délinquants; un groupe de travail a récemment été créé pour étudier cette question;


f) Les Pays-Bas ont alloué des fonds pour la construction d'une nouvelle prison;


g) Une assistance technique serait fournie par les Pays-Bas pour réorganiser le système pénitentiaire.


33. On notera aussi que l'ordonnance sur le système pénitentiaire a été adoptée par le Parlement (PB 1996, 73). Un exemplaire de l'ordonnance est annexé au présent rapport. Cette nouvelle ordonnance améliorera considérablement la situation des détenus en renforçant la protection de leurs droits. On y trouve des dispositions concernant la classification des établissements pénitenciaires, les différents types de régime carcéral, la gestion et la surveillance, l'organisation du travail, le bien-être mental et spirituel des détenus et les voies de recours. L'ordonnance n'a toutefois pas encore pris effet parce que la législation complémentaire requise pour l'appliquer est encore en préparation. Des projets de texte ont déjà été publiés. Le Gouvernement se propose de donner effet à l'ordonnance dès que possible.


34. Les Antilles néerlandaises se sont engagées à observer et à respecter les lois et les règles de la guerre et à sanctionner toute infraction dans ce domaine. Ces engagements ont été pris dans le cadre de différentes Conventions qui s'appliquent aux Antilles néerlandaises. Le texte d'application est l'ordonnance du 16 juin 1954. Les conventions peuvent aussi être appliquées en vertu de l'ordonnance du 2 février 1993 qui donne effet à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide et en vertu du Code pénal (Livre 2, Titres 1 et 11). Le projet de loi régissant l'application de la Convention contre la torture ne prévoit pas expressément que la guerre et l'instabilité politique ne sont pas des circonstances justifiant une dérogation aux dispositions concernant la torture. On peut toutefois parvenir à cette conclusion sur la base du texte de l'article 4, où il est indiqué que l'ordre d'un supérieur ou d'une autorité publique ou une disposition législative (articles 44 et 45 du Code pénal) ne peut être invoqué pour se soustraire à des poursuites dans le cas d'un acte de l'infraction pénale qualifiée de torture. Cet article correspond aussi à l'article 3 de l'ordonnance donnant effet à la Convention sur le génocide. Certes, il est naturellement inconcevable qu'une disposition législative des Antilles néerlandaises puisse être invoquée pour justifier la torture, mais il faut se souvenir qu'étant donné l'étendue considérable de la juridiction extraterritoriale à laquelle cette infraction est soumise, on pourrait aussi invoquer des dispositions de lois étrangères. C'est pourquoi il est essentiel de mentionner à ce propos l'article 44 du Code pénal.

Article 3


Admission et expulsion d'étrangers en situation irrégulière


35. Les étrangers en situation irrégulière qui ont été arrêtés en attendant leur expulsion ne sont plus détenus dans les locaux de la police mais dans un bâtiment spécialement conçu à cet effet. Le complexe peut accueillir une centaine d'étrangers en situation irrégulière. S'agissant d'autres aspects de la question, il convient de se reporter aux rapports précédents.

Article 4


36. Avant même que la torture constitue une infraction distincte, il était possible, comme indiqué ci-dessus, d'engager des poursuites à raison d'actes de torture en invoquant d'autres dispositions réprimant des infractions prévues dans le Code pénal, en les interprétant au sens large. Une telle interprétation ne répondait pas toutefois aux exigences des dispositions de la Convention. C'est notamment pour cette raison qu'il a été décidé de prévoir expressément une infraction qualifiée de torture.


37. Il résulte de l'article premier de la Convention que même en cas de tentative d'actes de torture ou d'actes constitutifs de complicité ou une participation à la torture, la fonction officielle de la personne concernée reste un élément de l'infraction. En pareil cas, il n'est pas nécessaire que l'auteur effectif de l'infraction agisse à titre officiel. La première partie de l'article de l'ordonnance d'application donne effet à l'obligation contenue dans la Convention en prévoyant qu'un agent de la fonction publique qui est complice d'un acte de torture ou qui y participe commet une infraction. La deuxième partie vise la situation d'une personne qui n'est pas elle-même un agent de la fonction publique ou une personne agissant à titre officiel, mais qui est incitée par un tel agent à commettre des actes de torture ou qui les commet avec le consentement exprès ou tacite d'un agent de la fonction publique.


38. Les tentatives de commettre une infraction pénale et les actes qui constituent une complicité ou une participation à des infractions pénales sont réprimées par les articles 47, 49 et 50 du Code pénal. L'article 47 prévoit qu'une tentative de commettre une infraction constitue elle-même une infraction si l'intention de l'auteur de l'acte se traduit par un début d'exécution et si l'acte n'a pu être effectivement commis uniquement en raison de circonstances indépendantes de sa volonté. Ce principe est repris à l'article 5 qui criminalise l'acte de la torture.

Article 5


39. L'ordonnance distincte donnant effet à la Convention contre la torture, qui a été présentée au parlement puis débattue et approuvée, établit une compétence universelle pour l'infraction pénale de la torture. Cette compétence est régie par les dispositions de l'article 6.


40. Il n'y a aucune raison évidente d'imposer une telle obligation de créer cette forme très étendue de compétence extraterritoriale. En elle-même l'infraction de la torture ne revêt aucune caractéristique qui en fasse une infraction transfrontière. Dans la pratique, l'auteur de l'infraction et la victime sont souvent de la même nationalité et l'infraction est généralement commise sur le territoire de l'État dont l'auteur et la victime sont ressortissants. Il faut noter aussi que tant que les auteurs seront soutenus par le milieu social ou politique dans lequel ils agissent, ils n'auront aucune raison de s'enfuir. Le fait que la torture est une infraction très grave suscitant l'indignation et la préoccupation générales ne suffit pas en-lui même à justifier l'application du principe de l'universalité.

Article 6


41. Les dispositions du Code de procédure pénale des Antilles néerlandaises s'appliquent aux infractions relevant de la compétence des tribunaux de ce territoire. Les tribunaux sont habilités à ordonner la mise en détention d'un suspect ou à prendre toute autre mesure pour assurer sa présence, sous réserve que les conditions normales auxquelles ces mesures sont soumises soient remplies. En vertu de la loi sur l'extradition, ces mesures peuvent aussi être prises dans le cas d'une extradition, avant même qu'une demande d'extradition ne soit soumise.


42. En vertu des articles 187 et 221 du Code de procédure pénale révisé, une enquête préliminaire doit être ouverte dès qu'il y a lieu de penser qu'une infraction a été commise.

Articles 7 et 8


43. Il convient de se reporter aux rapports précédents.

Article 9


44. Le Code de procédure pénale comprend désormais une partie nouvelle concernant l'entraide judiciaire internationale, qui indique les motifs permettant de rejeter une demande d'entraide judiciaire, et contient une disposition spéciale régissant les interrogatoires menés par les fonctionnaires de la police de pays étrangers (art. 555 et suiv.).


45. Lorsqu'une telle demande est fondée sur une convention, elle sera acceptée chaque fois que cela est possible. Même si elle n'est pas soumise en vertu d'une convention, elle sera acceptée à condition d'être suffisamment fondée et qu'elle ne soit pas contraire à une disposition réglementaire ou législative ou à une directive du Ministre de la justice. L'article 559 énumère les motifs pour lesquels une demande peut être rejetée. L'article 560 prévoit que les demandes d'entraide en rapport avec des infractions de nature politique ne peuvent être acceptées qu'avec l'autorisation du Ministre de la justice. Cette autorisation ne peut être donnée que pour des demandes fondées sur une convention et après consultation avec le Ministre des affaires générales. Les articles 561 à 565 fixent la procédure à suivre dans ce cas.

Article 10


46. Une des conclusions du précédent rapport était que la formation dispensée aux fonctionnaires de police, au personnel pénitentiaire et aux éducateurs spécialisés dans les prisons était insuffisante. La direction de la maison d'arrêt a institué un nouveau programme de formation en 1992 dans le cadre du processus de réorganisation et améliore constamment les programmes existants.


47. De nouveaux programmes de formation ont aussi été institués à l'intention des fonctionnaires de police dans le cadre du processus de réorganisation. Les nouvelles recrues suivent à l'école de formation de la police un programme d'initiation connu sous le nom de "Police 2000". Le programme est axé sur l'acquisition de qualifications sociales. À cet égard, la direction de la police a mis au point une politique d'interprétation des tâches de la police et de ses agents applicable jusqu'à la fin des années 90. Le programme d'initiation comporte aussi une formation professionnelle et non spécialisée en cours d'emploi, afin de veiller à ce que les agents de police aient les comportements et les compétences nécessaires pour leur permettre de faire face aux changements rapides qui se produisent au sein de la société.

Article 11


48. L'interrogatoire des suspects et les autres questions qui s'y rattachent sont régis par le Code de procédure pénale, qui contient aussi des instructions générales à l'intention de la police sur la façon de mener les interrogatoires. Un juge rejettera toute preuve qui a été obtenue par l'exercice irrégulier des pouvoirs conférés à la police par la loi. Si aucune autre preuve ne peut être produite, il ne sera pas possible de démontrer que l'accusé a commis l'infraction et il devra être acquitté.


49. Si une preuve a été obtenue directement à la suite d'une violation de principes fondamentaux et que celle-ci a gravement porté atteinte à l'argumentation de la défense, elle ne peut être admise par le tribunal. Une violation de ce genre est considérée comme ayant eu lieu lorsqu'il y a violation de la législation ou des règles de droit non écrites.


50. Comme indiqué à l'article 2 du présent rapport, le Département national des enquêtes est un organe indépendant placé sous la surveillance directe du procureur général responsable du déroulement des enquêtes concernant les fonctionnaires, les agents de police ou le personnel pénitentiaire. Depuis 1995, ce département a été chargé de contrôler l'accomplissement de leurs tâches par ces fonctionnaires.


51. Il existe une commission indépendante de visiteurs des prisons et des maisons d'arrêt (créée par le décret national du 14 décembre 1962, voir Journal officiel 1962, No 160). Cette commission joue un rôle de surveillance et assiste dans leurs fonctions les directeurs de ces institutions, ainsi que le Ministre de la justice. Comme les détenus sont dans une position de dépendance, il doit exister un organe entièrement indépendant qui puisse entrer en contact avec eux s'ils le désirent. Les membres de la commission des visiteurs des prisons sont nommés par le Ministre de la justice et doivent lui faire rapport sur leurs activités. Comme il est essentiel que la commission ait des contacts réguliers et systématiques à la fois avec la direction et les détenus, une réunion est tenue tous les mois. Les membres de la commission sont autorisés à entrer dans n'importe quelle partie de la prison et d'y mener une inspection à tout moment. La commission a l'obligation de rechercher et de signaler les abus de pouvoir. Elle a acquis une très grande efficacité dans l'exercice de ses fonctions de surveillance.


52. Les tribunaux peuvent aussi jouer un rôle de surveillance si les détenus s'adressent à eux. Ceux-ci peuvent demander que leur cas soit traité conformément aux dispositions juridiques de la Convention. Les actions devant les tribunaux sont généralement engagées par la voie d'une demande en indication de mesures conservatoires.

Articles 12 et 13


53. Un magistrat du parquet peut ouvrir une enquête pénale et le procureur général a la responsabilité de veiller à ce que l'instruction soit menée dans les formes prescrites par la loi. Il peut aussi donner à un magistrat du parquet des instructions sur la conduite de l'enquête.


54. En vertu de l'article 15 du Code de procédure pénale révisé, le détenu a le droit de déposer une plainte auprès des autorités judiciaires compétentes. Ce droit est calqué sur le droit de déposer une plainte institué aux Pays-Bas en 1984. Ce droit s'applique aussi lorsque la police ou des agents de la justice pénale n'agissent pas avec diligence; après un délai raisonnable, le détenu peut déposer une plainte du fait que des poursuites n'ont pas été engagées. Cette action est possible même si aucune décision n'a été prise de ne pas engager de poursuites.


55. Le Département national des enquêtes relève directement du procureur général et offre de sérieuses garanties qu'une enquête indépendante et objective sera menée lorsque la plainte porte sur des brutalités policières. Cette évolution constitue une amélioration par rapport à la situation précédente, où les plaintes pour mauvais traitements étaient instruites par des collègues des fonctionnaires de police accusés.


56. L'ordonnance sur le système pénitentiaire prévoit la création d'un comité chargé d'examiner les plaintes des détenus dans les maisons d'arrêt et les prisons. Le projet d'ordonnance a été débattu et adopté par le Parlement, mais n'a pas encore été promulgué sous la forme d'une loi pour les raisons mentionnées précédemment.

Article 14


57. La loi des Antilles néerlandaises prévoit plusieurs voies de recours propres à permettre aux victimes d'actes de violence d'être indemnisées. Le Code civil (art. 1382 à 1397 d), pour dommages causés à autrui) et le Code de procédure pénale révisé (art. 206, pour dommages causés par l'auteur de l'infraction) comprennent des dispositions sur les indemnités et dommages-intérêts permettant à la victime d'un acte de torture d'obtenir réparation.


58. La situation de la partie lésée est aussi sensiblement améliorée dans le nouveau Code de procédure pénale. Au cours du procès la victime peut demander une indemnité à concurrence de 10 000 florins des Antilles néerlandaises. Elle peut aussi obtenir une aide au cours de l'enquête. Par exemple, la police peut établir un simple arrangement d'indemnisation avec l'auteur des actes de violence permettant de mettre fin aux poursuites.

Article 15


59. Le Code de procédure pénale des Antilles néerlandaises comprend des règles concernant la recevabilité des preuves (art. 381 à 387). Comme indiqué précédemment, les preuves obtenues de manière illicite ne peuvent être utilisées par le ministère public.


60. Dans le nouveau Code, la situation des témoins a été renforcée par certaines garanties, qui s'appliquent lorsque l'équilibre dans la procédure risque d'être compromis du fait qu'un témoin ne peut plus remplir son obligation légale d'aider à établir la vérité. Si les témoins sont menacés à tel point qu'il ne serait pas raisonnable de s'attendre à ce qu'ils fassent des dépositions en public, la procédure pénale doit leur accorder une protection en leur permettant de déposer à huis clos sans révéler leur identité.


61. Dans le Code de procédure pénale révisé, ces témoins s'appellent des témoins anonymes. Dans de nombreuses affaires pénales, la police a besoin de déclarations de la part de témoins pour obtenir la preuve que le suspect a effectivement commis l'acte criminel dont il est accusé. Il est important pour le suspect, notamment dans le cas d'infractions graves, qu'aucun témoin ne dépose contre lui. En pareils cas, les témoins pourraient être sérieusement menacés. D'après la loi, le juge d'instruction peut désormais décider que dans de tels cas un témoin gardera l'anonymat. Le témoin sera alors interrogé de façon à ce que son identité reste inconnue.

Article 16


62. Voir les précédents rapports et les parties du présent rapport relatifs aux articles 10 à 14.

Liste des annexes

/ Ces annexes peuvent être consultées dans les dossiers du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les droits de l'homme./

1. Rapport de la Commission d'enquête, créée par le décret national No 1 du 4 septembre 1997, sur la mutinerie qui a eu lieu dans la maison d'arrêt et à la prison de Curaçao.


2. Décret national No 4 du 5 janvier 1994 portant création du Comité directeur sur les peines de substitution.


3. Décret national No 18 du 15 septembre 1997 portant modification du décret national du 5 janvier 1994.


4. Décret national No 10 du 6 novembre 1997 portant création du Comité consultatif chargé d'examen des mesures de substitution pour le règlement des affaires pénales.


5. Ordonnance nationale du 13 octobre 1995 donnant effet à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.


6. Ordonnance nationale du 27 juin 1996 portant adoption de principes applicables au système pénitentiaire.


7. Instructions du Ministre de la justice du 1er janvier 1996 sur la prévention de la torture, l'utilisation des cellules et le traitement des personnes arrêtées.

DEUXIÈME PARTIE

Aruba

I. SYSTÈME PÉNAL ET PÉNITENTIAIRE

A. Généralités


63. Si le système constitutionnel d'Aruba, progressiste et moderne, comprend les principales garanties juridiques prescrites par les conventions sur les droits de l'homme, d'autres mesures législatives établissent les fondements du droit pénal, de la procédure pénale et du droit régissant l'exécution des peines privatives de liberté. Le droit pénal et les règlements régissant la détention à Aruba répondent donc aux exigences des conventions sur les droits de l'homme. Toutefois, comme cette législation est assez ancienne à plusieurs égards, elle ne respecte pas toujours les normes énoncées par Aruba elle-même dans sa Constitution. Au cours des dernières années, on s'est donc surtout efforcé de la moderniser rapidement sur les points nécessaires, notamment dans le domaine de la procédure pénale et de la détention. Il en est résulté une législation moderne fondée sur les conventions relatives aux droits de l'homme et des projets de textes législatifs dont la rédaction est pratiquement terminée.

B. Constitution d'Aruba


64. Lorsqu'Aruba a obtenu un statut d'autonomie constitutionnelle en 1986, elle a saisi cette occasion pour adopter sa propre constitution la Constitution d'Aruba, fondée sur la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Charte sociale européenne, la Constitution du Royaume des Pays-Bas et la Constitution des Antilles néerlandaises. La Constitution d'Aruba énonce les droits fondamentaux des personnes relevant de la législation d'Aruba. Le principe de base à cet égard est la notion que les citoyens doivent être à la fois protégés vis-à-vis des autorités et soutenus par elles. Un élément essentiel du point de vue de la Convention est le droit à l'inviolabilité de la personne énoncé à l'article I.3 de la Constitution. Il en résulte que les actes pouvant constituer d'une manière quelconque une atteinte à l'intégrité physique d'une personne sont interdits par la Constitution. Des exceptions à cette règle ne sont permises que si, et dans la mesure où, elles sont prévues par la loi. Ces dispositions sont consacrées, par exemple, dans le nouveau Code de procédure pénale d'Aruba (AB 1996 No 75).


65. La Constitution d'Aruba reprend presque mot à mot un certain nombre de dispositions de la Convention européenne concernant, par exemple, le principe d'égalité, le principe de la légalité, la présomption d'innocence et l'interdiction de la peine de mort. L'article I.5 comprend aussi des dispositions détaillées régissant la légalité des arrestations, de la détention et de l'emprisonnement. Cet article, qui suit de très près l'article 5 de la Convention européenne et la jurisprudence qui s'y rattache, vise tous les cas de privation de liberté (art. I.7). Enfin, la Constitution comprend une disposition sur l'aide judiciaire (art. I.7) et des dispositions garantissant l'application régulière de la loi et l'indépendance du pouvoir judiciaire (chap. VI).

C. Droit pénal


66. Le principe de la légalité s'applique à la fois en droit pénal et dans le droit de la procédure pénale. En vertu du paragraphe 1 de l'article 1er, du Code pénal d'Aruba (AB 1991, No GT 50), aucun acte n'est punissable s'il ne constitue pas une infraction prévue par une disposition du droit pénal au moment où il a été commis (voir aussi l'article I.6 de la Constitution). Aux termes de l'article 9 du nouveau Code de procédure pénale d'Aruba, entré en vigueur le 1er octobre 1997, des poursuites ne sont engagées que dans les cas et selon la procédure prévus par une ordonnance nationale (c'est-à-dire une loi officielle de l'Assemblée législative d'Aruba). Il en résulte que le droit pénal d'Aruba, tant sur les questions de fond que sur les questions de procédure, accorde toujours la primauté au principe de la sécurité juridique. Une personne ne peut être sanctionnée pour des actes qui ne sont pas définis comme constituant une infraction par la loi; une mesure prise par les autorités en vertu de la procédure pénale doit aussi être justifiée vis-à-vis de l'intéressé. Toute forme d'action arbitraire contre cette personne est donc en principe impossible.


67. Le Code pénal d'Aruba n'était pas conforme à deux aspects concernant les droits protégés par la Convention européenne. Comme indiqué dans le rapport précédent, il comprenait tout d'abord plusieurs dispositions dépassées concernant l'exécution des peines privatives de liberté, qui n'étaient plus appliquées dans la pratique. Par exemple, l'article 14 du Code prévoit que les tribunaux peuvent ordonner qu'une personne condamnée à une peine d'emprisonnement de plus de cinq ans soit enchaînée lorsqu'elle travaille. Les règlements archaïques de cette sorte, qui ne correspondent plus aux opinions modernes concernant le traitement des détenus et la nature des peines privatives de liberté, seront abrogés lorsque la nouvelle loi sur la détention prendra effet. Le nouveau projet de loi régissant l'exécution des peines privatives de liberté est actuellement examiné par le Conseil consultatif et sera soumis en temps voulu au Parlement d'Aruba. Si ce projet de loi est adopté, le Code pénal d'Aruba ne comprendra plus de dispositions régissant l'exécution des peines d'emprisonnement. De telles dispositions ne sont plus compatibles avec la notion selon laquelle l'emprisonnement doit viser la réinsertion des détenus (voir aussi section E).


68. Par ailleurs, le Code pénal d'Aruba ne prévoit qu'indirectement que la torture et d'autres formes de traitements inhumains ou dégradants sont des infractions punissables (ce qui a déjà mentionné dans le rapport précédent). Bien qu'il existe des dispositions assez étendues pour sanctionner les violences physiques (art. 313 à 318) et des peines supplémentaires visant les fonctionnaires reconnus coupables d'actes de violence (art. 46), la torture en tant que telle ne constitue pas une infraction pénale prévue par le Code. C'est pour cette raison que la loi d'application mentionnée dans le rapport précédent a été remaniée. En conséquence, un projet de loi donnant effet à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants est actuellement débattu au Parlement d'Aruba. Cette loi comprendra l'infraction qualifiée de "violence commise par une personne dans l'exercice de ses fonctions, au service d'un organe de l'État, contre une autre personne, soit dans le but d'obtenir d'elle des renseignements ou des aveux, de la punir, de l'intimider, elle-même ou une autre personne, ou de l'obliger, elle-même ou une autre personne, à accomplir ou à laisser accomplir un acte quelconque en violation du droit de cette personne à la dignité humaine". Cette infraction est punie d'une peine d'emprisonnement de 15 ans ou de 20 ans au plus, ou de réclusion à perpétuité si l'infraction entraîne le décès de la victime (voir aussi les observations concernant les articles 2 à 4 de la Convention contre la torture). Il est prévu que le projet de loi sera adopté à la date ou à peu près à la date à laquelle le présent rapport sera examiné.

D. Procédure pénale


69. Les contraintes auxquelles peut être soumis un prévenu dans le cadre d'une procédure pénale et les modalités applicables dans ce cas sont régies en détail par le Code de procédure pénale d'Aruba, qui a déjà été mentionné. L'entrée en vigueur de ce nouveau Code marque une étape importante dans l'histoire du système de justice pénale d'Aruba. Les droits des suspects ont été largement renforcés dans le nouveau Code. Un point très important est que la loi prévoit désormais dans de nombreux cas l'assistance d'un avocat. S'il y a lieu, l'assistance d'un avocat est accordée gratuitement en vertu d'une ordonnance d'attribution de l'aide judiciaire. Lorsqu'un suspect est privé de sa liberté, il a droit à l'assistance immédiate d'un avocat. Celui-ci peut même être consulté avant le premier interrogatoire par la police. Il en résulte que dès son premier contact avec des agents de la justice pénale, un suspect peut être assisté d'un avocat, qui veille à la régularité du traitement accordé au suspect dans le cadre de la procédure pénale et adresse une demande au tribunal dans le cas où une irrégularité quelconque serait constatée. Ces dispositions assurent une forte protection contre tout acte arbitraire et illégal commis par les autorités.


70. Le nouveau Code prévoit aussi d'autres garanties fondamentales contre toute irrégularité commise par les autorités. Premièrement, l'application de mesures de contrainte à l'encontre d'un suspect est soumise à des règles précises. Avant toute mesure de contrainte, il faut déterminer clairement dans chaque cas si certaines conditions minimales permettant l'application de la mesure en question sont remplies. Si ces conditions ne sont pas respectées par la police ou le ministère public, ceux-ci seront sanctionnés par les tribunaux pour avoir pris cette mesure. En outre, l'article 71 du Code prévoit que les mesures de contrainte à l'encontre d'un suspect (par exemple les contraintes pendant l'instruction prévues par le droit pénal, notamment les contraintes physiques) ne doivent pas être déraisonnables au regard des différents intérêts en cause dans l'affaire et ne peuvent être appliquées que dans le but auquel elles sont finalement destinées. En outre, il ne doit pas être possible de parvenir d'une autre manière moins radicale au but visé par la mesure. Enfin, il doit y avoir des raisons suffisantes de croire que la gravité de l'atteinte aux droits du suspect résultant de cette contrainte est justifiée par la gravité de l'infraction qui lui est imputée. Ces principes généraux garantissant l'application d'une procédure régulière, qui procèdent du droit non écrit, ont pour objet de contribuer à veiller à ce que l'application d'une mesure privative de liberté ne devienne une sanction distincte.


71. Enfin, les articles 178 à 181 du Code prévoient expressément une procédure permettant aux particuliers de demander une indemnisation pour toute application irrégulière de mesures de contrainte durant l'instruction. Si les contraintes sont jugées disproportionnées par rapport à leur objet légitime, elles sont considérées en droit comme un acte illégal commis par les autorités.


72. En bref, le système de procédure pénale d'Aruba est fondé sur le principe selon lequel la légitimité de tout acte de l'État doit être démontrée à la personne concernée. En cas de recours à des mesures de contrainte, leur application doit être conforme à un certain nombre de règles susceptibles de limiter le plus possible les abus de pouvoir.

E. Détention


73. La détention à Aruba n'est possible que dans les circonstances prévues par la loi. Elle constitue une dérogation aux droits fondamentaux que sont la liberté et la sûreté de la personne garanties par la Constitution, ainsi qu'au droit de se déplacer librement dans Aruba, d'y demeurer et d'y choisir un lieu de résidence. Il découle aussi de la Constitution que, lorsqu'une personne est privée de sa liberté, il convient de respecter les règles de procédure qui ont été imposées ou autorisées par le Parlement. Les pouvoirs permettant de priver une personne de sa liberté doivent donc être énoncés dans la loi. En outre, nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas énumérés exhaustivement à l'article I.5 de la Constitution, à savoir :


- Détention légale après une condamnation par un tribunal compétent;


- Arrestation ou détention légales pour non-exécution d'une décision légale prise par un tribunal ou pour assurer le respect d'une obligation prescrite par la loi;


- Arrestation ou détention légales d'une personne afin de la traduire devant l'autorité légale compétente lorsqu'il y a des motifs raisonnables de la soupçonner d'une infraction ou d'estimer nécessaire de l'empêcher de commettre une infraction, de s'enfuir après avoir commis une infraction ou de compromettre une enquête pénale;


- Détention légale d'un mineur dans le but d'intervenir dans son éducation ou de le traduire devant l'autorité compétente;


- Internement de personnes pour empêcher une épidémie, ou de personnes atteintes de troubles mentaux, d'alcooliques ou de toxicomanes;


- Internement de personnes pour les empêcher d'entrer sans autorisation dans le pays, ou de personnes contre lesquelles des procédures d'expulsion ou d'extradition sont en cours.


74. Dès qu'une personne est incarcérée, sa détention doit être accomplie conformément aux principes de l'État de droit. Les règlements actuels ne fournissent pas à cet effet un cadre satisfaisant car ils remontent à une époque où la nécessité de rééduquer les auteurs d'infraction et d'accorder aux détenus des droits opposables aux autorités n'était pas encore reconnue. À l'heure actuelle, les textes applicables sont la loi sur les prisons (PB 1930, No 73) (fondée sur l'article 26 du Code pénal d'Aruba), l'ordonnance sur les prisons (PB 1958, No 18) et les instructions pour le personnel pénitentiaire (PB 1958 No 19). Avec les Titres II et III du Livre 1 du Code pénal d'Aruba, ces règlements constituent le droit applicable à la mise en détention provisoire, aux peines d'emprisonnement et à d'autres formes de détention. Comme le Code pénal d'Aruba, l'ordonnance sur les prisons et les instructions pour le personnel pénitentiaire n'interdisent pas expressément la torture mais comprennent simplement l'instruction "de traiter les détenus avec considération, sans fraterniser avec eux" (art. 13 des instructions pour le personnel pénitentiaire).


75. Dans le souci de moderniser la législation sur la détention dans son ensemble et d'améliorer la situation des détenus, un projet de loi réglementant l'exécution des peines privatives de liberté a été élaboré. La rédaction de ce projet de loi a été annoncée au cours de la quatorzième session du Comité contre la torture en 1995. Toutefois, le projet initial a été profondément remanié sur la recommandation du Conseil consultatif d'Aruba, ce qui a entraîné certains retards. Le texte est actuellement au stade où il peut être présenté d'ici peu au Parlement d'Aruba. Il ne comprend pas une interdiction explicite de la torture. Une telle interdiction ne serait d'ailleurs pas logique puisque l'objet fondamental de la loi du point de vue de la primauté du droit est de mettre l'accent sur les droits des détenus et d'empêcher expressément tout acte qui les limiterait ou y porterait atteinte (y compris les droits fondamentaux). En raison de cette reconnaissance expresse des détenus en tant que personnes indépendantes ayant des droits et des obligations en vertu de la loi, il n'est pas nécessaire de formuler une interdiction de la torture applicable au système pénitentiaire. Là encore, toutefois, la torture est une infraction pénale relevant des dispositions générales sur la torture contenues dans le projet de loi donnant effet à la Convention contre la torture.


76. Toutes les atteintes autorisées aux droits fondamentaux des détenus ont été expressément définies et les conditions auxquelles elles sont possibles sont énoncées de manière exhaustive. S'il est porté illégalement atteinte à ces droits, par exemple en raison des conditions de détention, les détenus sont juridiquement fondés à déposer une plainte à ce sujet auprès d'une commission indépendante de visiteurs qui est chargée de veiller à ce que les peines d'emprisonnement soient exécutées dans les formes prescrites par la loi. Pour déposer une plainte, un détenu peut être assisté d'un avocat. Les décisions de la commission des visiteurs concernant une plainte déposée par un détenu s'imposent aux autorités chargées de la détention.


77. Le projet de loi définit avec précision les formes et les conditions dans lesquelles il peut être porté atteinte à l'intégrité physique d'un détenu. Toute fouille destinée à constater si des détenus sont en possession d'objets interdits ne peut aller au-delà d'une fouille externe du corps et des vêtements. Les détenus ne peuvent être contraints de suivre un traitement médical que s'ils ont - ou si l'on pense qu'ils ont - une maladie faisant peser une grave menace sur leur santé ou celle des autres détenus. Enfin, les mesures de contrainte physique - y compris le recours à la force - ne sont autorisées que si, et dans la mesure où, elles sont absolument nécessaires pour maintenir l'ordre ou la sécurité à l'intérieur de la prison, mettre à exécution les décisions des autorités concernant les peines ou empêcher un détenu de s'évader. Il est expressément prévu à cet égard que les mesures de contrainte physique ne peuvent jamais être appliquées dans le cas où leurs conséquences (pour le détenu) seraient disproportionnées par rapport au but recherché. Il est aussi précisé que si ces mesures sont nécessaires, les autorités doivent y recourir sous la forme qui produira l'effet désiré avec un minimum de dommages. En outre, dans tous les cas, un médecin doit être appelé à examiner un détenu dans les 24 heures qui suivent le recours à une mesure de contrainte. Les détenus peuvent déposer une plainte concernant l'usage de la force auprès de la commission des visiteurs mentionnée précédemment.

II. RENSEIGNEMENTS RELATIFS AUX ARTICLES DE LA CONVENTION

Article 2


Paragraphe 1


78. Les mesures visant à prévenir la torture à Aruba sont de deux sortes. Premièrement, la loi exclut le recours à la torture à Aruba. Le droit de tout individu à l'inviolabilité de la personne est énoncé à l'article I.3 de la Constitution d'Aruba (AB 1987, No GT 1). Aux termes de cet article, le droit fondamental à l'inviolabilité de la personne ne peut être limité que par voie d'ordonnances ou en application d'ordonnances, en d'autres termes par la législation d'Aruba. Cette disposition a donc été incluse dans différents textes législatifs. Les plus importants sont le Code pénal d'Aruba (AB 1991, No GT 50) et le projet de loi donnant effet à la Convention contre la torture, qui devrait être adopté par le Parlement d'Aruba et entrer prochainement en vigueur. En application de ce projet, la torture sera qualifiée d'infraction non pas en vertu du Code pénal mais en vertu d'une ordonnance spéciale. La définition de la torture en tant qu'infraction a été étroitement calquée sur le paragraphe 1 de l'article premier de la Convention; cette infraction est sanctionnée par de très lourdes peines privatives de liberté (de 15 ans d'emprisonnement à la réclusion à perpétuité). On trouvera un exposé détaillé des dispositions du Code et du projet de loi dans les observations relatives à l'article 4 ci-dessous de la Convention.


79. Deuxièmement, la possibilité de recours à la torture est évitée par un régime de surveillance préventive et des contrôles réguliers du traitement des détenus. Ces mesures de surveillance et de contrôle sont actuellement organisées de trois façons. Premièrement, l'administration pénitentiaire d'Aruba est dotée d'une commission de visiteurs créée en vertu de l'ordonnance sur la commission des visiteurs (prisons et maisons d'arrêt) (AB 1995, No GT 25); la commission est essentiellement chargée de contrôler les conditions dans lesquelles les peines d'emprisonnement et les sanctions pénales sont exécutées. Aux termes de l'article 4 (première phrase de l'article et alinéa a)) de l'ordonnance précitée, elle a en particulier pour fonction "de suivre de près toutes les questions relatives à l'institution, notamment le traitement des prisonniers et le respect des règlements". À cet effet, les membres de la commission sont autorisés à accéder à tout moment à toutes les parties d'un établissement et à tous les locaux occupés par des détenus (art. 5 1)). Aux termes de l'article 6 de l'ordonnance, la commission est autorisée à prendre connaissance des souhaits et des opinions des détenus en s'entretenant personnellement avec eux et les détenus peuvent communiquer avec la commission sans être soumis à une forme quelconque de censure. De cette façon, toute irrégularité dans le traitement des détenus peut être rendue publique. La commission est tenue avant le 1er mars de chaque année de rendre compte au ministre responsable de l'administration pénitentiaire du travail qu'elle a accompli au cours de l'année écoulée.


80. La commission des visiteurs exercera aussi une fonction judiciaire lorsque le projet de loi régissant l'exécution des peines privatives de liberté entrera en vigueur. Ce projet définit de manière très précise les droits et obligations des détenus. Ceux-ci seront autorisés à déposer une plainte auprès de la commission des visiteurs concernant toute limitation ou violation de leurs droits. La commission agit à cet égard en tant que tribunal de recours indépendant des autorités chargées de la justice pénale et rend des jugements qui s'imposent à l'administration pénitentiaire. Le président de la commission des visiteurs appartient à la magistrature d'Aruba.


81. La deuxième garantie visant à veiller à ce que les mesures de surveillance et de contrôle assurent un traitement correct des détenus est prévue par le nouveau Code de procédure pénale d'Aruba. Celui-ci donne d'abord effet à l'article I.5, paragraphe 3 a), de la Constitution, aux termes duquel un détenu peut s'adresser à un tribunal pour qu'il se prononce rapidement sur la légalité ou non de sa détention. En vertu du Code, un suspect a le droit d'être traduit devant un juge dans les trois jours qui suivent son arrestation (art. 89, par. 1). Ce droit est aussi applicable pendant la garde à vue du suspect. Même par la suite, la légalité de la détention est contrôlée à intervalles réguliers (pendant toute la durée de la détention provisoire). Bien que l'action des tribunaux ait essentiellement pour but de veiller à ce que les conditions justifiant la détention soient remplies, le Code n'empêche pas que soit soulevée lors du procès la question du recours à des pratiques contraires à la Convention. Les organes judiciaires exercent donc un contrôle sur la détention, à la fois dans les locaux de la police et dans les maisons d'arrêt.


82. Une disposition d'importance exceptionnelle en ce qui concerne le traitement des détenus, notamment pendant leur garde à vue, figure à l'article 90 du Code de procédure pénale d'Aruba. Cet article définit les mesures, y compris les mesures de contrainte, qui peuvent être prises à l'encontre d'un détenu pendant la période de garde à vue et de détention provisoire. Les contraintes pouvant être appliquées à l'encontre d'un détenu en vertu de cet article et portant atteinte au droit fondamental à l'inviolabilité de la personne ne peuvent être ordonnées que par le ministère public, après autorisation du juge d'instruction (un membre de la magistrature). Une forme spéciale de réparation pour une telle atteinte est prévue au paragraphe 7 de l'article 90 susmentionné, qui permet l'introduction d'une instance devant la Cour de justice commune des Antilles néerlandaises et d'Aruba.


83. Enfin, le Code de procédure pénale confère aux détenus le droit d'être assistés par un avocat, qui peut intervenir dès le début de la procédure, avant même le début des premiers interrogatoires par la police. L'assistance de l'avocat est toujours gratuite pendant la période de garde à vue. Il en résulte que la façon dont un détenu est traité est toujours suivie directement par un avocat représentant celui-ci, qui peut immédiatement intervenir si son client est traité d'une manière contraire à la Convention.


84. Le système juridique prévoit aussi plusieurs recours permettant aux détenus, le cas échéant, d'obtenir réparation auprès des tribunaux en cas de traitement illégal ou de demander à un tribunal d'interdire à l'avenir tout acte constituant un traitement illégal. Ces recours peuvent être fondés sur le Code de procédure pénale d'Aruba ou formés dans le cadre d'une instance purement civile. En outre, en cas de violation grave des droits fondamentaux d'une personne au cours de la garde à vue ou de la détention provisoire, la jurisprudence montre que les tribunaux peuvent dans la pratique juger que la réquisition du ministre public de l'application d'une peine privative de liberté ou d'une mesure de contrainte n'est pas recevable et ordonner la remise en liberté immédiate du détenu.


Paragraphe 2


85. Le système juridique d'Aruba comprend plusieurs dispositions législatives particulières visant les circonstances exceptionnelles telles que celles mentionnées au paragraphe 2 de l'article 2 de la Convention. Toutefois, l'obligation fondamentale selon laquelle toute action des autorités doit être licite et conforme aux principes de l'État de droit continue d'être pleinement respectée dans le cadre de la législation.


Paragraphe 3


86. Le paragraphe 3 de l'article 2 de la Convention dispose qu'un ordre émanant d'un supérieur ou d'une autorité publique ne peut être invoqué pour justifier la torture. Les articles 44 et 45 du Code de procédure pénale d'Aruba comprennent des dispositions concernant expressément le respect des textes de loi ou les ordres donnés par un supérieur. En vertu de ces articles, une personne qui commet une infraction pénale en appliquant un texte de loi ou en obéissant à des ordres donnés par une autorité compétente ne peut être poursuivie. Toutefois, un fonctionnaire invoquant cet argument comme moyen de défense doit prouver que l'ordre en question a été donné par l'autorité compétente et qu'il a obéi à cet ordre en estimant de bonne foi qu'il avait été donné par l'autorité en question.


87. Afin d'exclure toute possibilité que l'ordre d'un supérieur soit invoqué comme moyen de défense contre une accusation de torture, le projet de loi donnant effet à la Convention contre la torture dispose expressément qu'un tel argument n'est pas recevable (art. 3 du projet de loi). Cela permet d'éviter toute contestation concernant la question de savoir si un fonctionnaire peut éviter une condamnation pour torture en invoquant pour sa défense un ordre donné par son supérieur. L'article 3 du projet de loi exclut aussi expressément la possibilité qu'un fonctionnaire puisse invoquer pour justifier son acte qu'il agissait en application d'un texte de loi.


Article 3


88. La politique d'immigration d'Aruba applique restrictivement l'ordonnance sur l'admission et l'expulsion des étrangers (AB 1993 No GT 33). Un facteur important dans ce cas est l'exiguïté du territoire qui fait qu'il n'est pas possible de permettre à des personnes d'entrer à Aruba en nombre illimité pour s'y établir et y travailler. Il en résulterait des contraintes excessives sur l'infrastructure et des situations regrettables. Étant donné cette capacité limitée d'accueillir des étrangers, ceux-ci ne peuvent être admis que dans l'intérêt réel d'Aruba ou si des raisons impérieuses de nature humanitaire l'exigent.


89. Afin de séjourner à Aruba, un étranger doit détenir un permis de séjour valable. Toute personne résidant à Aruba sans permis valable peut être expulsée par le Ministre de la justice en vertu de l'article 19 de l'ordonnance sur l'admission et l'expulsion des étrangers ou par le procureur général en vertu de l'article 15. L'intéressé peut faire appel de la décision du Ministre de la justice conformément à l'ordonnance sur les recours contre les décisions administratives (AB 1993 No 45).


90. Conformément à l'article 2 de la Charte du Royaume des Pays-Bas et à l'ordonnance sur l'admission et l'expulsion des étrangers, les demandes d'asile à Aruba présentées sur ce territoire sont examinées par les autorités d'Aruba. Les demandes d'asile aux Pays-Bas présentées à Aruba sont examinées par la mission néerlandaise. Le Protocole de 1967 relatif au statut des réfugiés est entré en vigueur à Aruba le 1er janvier 1986. Le terme "réfugié" vise uniquement, à la fois dans la Convention de Genève de 1951 et dans le Protocole, les personnes qui craignent avec raison d'être persécutées. Les États conservent le droit de décider qui répond à cette définition. Si une personne est considérée comme réfugié, les parties au Protocole ne peuvent ni l'expulser ni la refouler. Comme Aruba n'a pas de procédure légale pour examiner les demandes d'asile, chaque demande doit être examinée individuellement. Cela s'explique par le fait qu'il n'y a eu jusqu'à présent pratiquement aucune demande d'asile politique. Malgré l'absence de procédure légale dans ce domaine, les autorités concernées collaborent aussi étroitement que possible pour déterminer s'il y a une crainte fondée de persécution (confirmée par des faits) et, dans l'affirmative, pour fournir à la personne concernée une protection suffisante. Des consultations ont également lieu avec le Ministère des affaires étrangères à La Haye, les missions diplomatiques du Royaume à l'étranger et les organisations internationales concernées. La décision définitive concernant une demande d'asile est prise par le Ministre de la justice.

Article 4


91. La responsabilité pénale à raison d'actes de torture est régie par le projet de loi donnant effet à la Convention contre la torture. D'autres formes de violence physique sont qualifiées d'infractions dans le Code pénal d'Aruba.


92. L'auteur de tels actes doit en principe être un fonctionnaire ou une autre personne agissant à titre officiel. Les actes en question peuvent viser des violences physiques, des tentatives de commettre de tels actes ou le fait de les ordonner, de les permettre ou de les tolérer. Comme les différentes formes de violence assimilées à la torture constituent des formes de violence grave, toute tentative est également une infraction.


93. Les articles 313 à 318 du Code pénal d'Aruba prévoient que l'infraction qualifiée de violence et les formes de violence grave sont passibles de sanctions pénales. Les peines applicables dans ce cas sont les suivantes : de deux ans d'emprisonnement au plus pour des coups et blessures (art. 313 par. 1) à 15 ans d'emprisonnement pour des violences graves commises avec préméditation (art. 316, par. 2). Les peines peuvent être augmentées d'un tiers pour les fonctionnaires qui commettent l'infraction dans l'exercice de leurs fonctions (art. 46), lorsque ces fonctionnaires agissent en violation d'une obligation spéciale prévue par la loi ou abusent, en commettant l'infraction, de pouvoirs, de possibilités ou de moyens découlant de leur charge. La peine maximale pour violences graves commises par un agent de l'État dans l'exercice de ses fonctions est de 16 ans (art. 316, par. 1, conjointement avec l'article 46), mais de 20 ans en cas de décès de la victime (art. 316, par. 2, conjointement avec l'article 46). Ces peines sont très similaires à celles prévues dans le projet de loi donnant effet à la Convention contre la torture.

94. À propos de la différence entre l'infraction qualifiée de torture et l'infraction qualifiée de violence, on notera par souci de clarté que dans la terminologie du droit pénal d'Aruba seules les formes de violences très graves sont assimilables à la torture. En qualifiant la torture de violence grave au sens précis des articles 315 et 316 du Code pénal, on ne rend pas tout à fait justice à la finalité des dispositions de la Convention. Un acte de violence grave suppose une lésion grave, y compris le préjudice moral mentionné au paragraphe 2, de l'article 84 du Code. La torture peut toutefois entraîner des douleurs ou des souffrances très fortes sans laisser pour autant de traces physiques ou mentales. C'est pour cette raison qu'il ne suffit pas d'employer le terme "violence grave" dans l'ordonnance donnant effet à la Convention. Bien qu'il soit fait référence à la violence plutôt qu'à la violence grave dans la définition de la torture, il ne faut pas en conclure que la définition ne s'étend pas aux formes de violence qui sont moins graves, du point de vue des douleurs et des souffrances infligées, qu'un acte de violence grave provoquant des lésions physiques.


95. La peine d'emprisonnement maximale qui peut être imposée à Aruba est la réclusion à vie (art. 11, par. 1). L'article 14 de la Constitution dispose que la peine capitale ne peut être prononcée. Cette peine ne figure donc plus dans le Code pénal. On notera aussi que les peines maximales peuvent être infligées non seulement à l'auteur des violences mais aussi à toute personne qui les ordonne, qui en est complice ou qui les facilite délibérément (art. 49).

Article 5


96. Les articles 2 à 8 du Code pénal d'Aruba réglementent la question de la compétence. Les articles 2, 3 et 8 sont importants au regard de la Convention. Ils disposent que le droit pénal d'Aruba s'applique à toute personne reconnue coupable d'un acte de torture à Aruba ou à bord d'un navire ou d'un aéronef d'Aruba, sauf disposition contraire du droit international. La législation d'Aruba est donc conforme à la prescription énoncée à l'article 5, paragraphe 1 a), de la Convention.


97. Afin de respecter entièrement les obligations formulées au paragraphe 1 b) et c) et au paragraphe 2 de l'article 5 de la Convention, l'article 5 du projet de loi donnant effet à la Convention contre la torture comprend une clause de compétence universelle. Selon cette clause, toute personne qui commet un acte de torture en dehors du territoire d'Aruba commet une infraction au sens des articles 1er et 2 du projet de loi. Le paragraphe 2 de l'article 5 du Code pénal d'Aruba prévoit déjà en partie qu'Aruba est compétente dans les affaires visées au paragraphe 1 b) de l'article 5 de la Convention, mais il n'a pas été possible d'engager des poursuites dans tous les cas.

Article 6


Fonctionnaires chargés des enquêtes


98. Aux termes du Code de procédure pénale (art. 184) les personnes chargées d'enquêter sur les infractions sont des fonctionnaires de la police ou des officiers de police spécialisés, si ceux-ci ont été nommés par le Ministre de la justice ou en son nom. Les autres personnes chargées des enquêtes sur les infractions sont celles qui ont été désignées dans des règlements spéciaux pour veiller à l'application des dispositions réglementaires, d'en assurer le respect ou d'enquêter sur les infractions définies dans ces textes (art. 185). Les personnes qui sont compétentes pour effectuer les enquêtes sont les procureurs généraux, les magistrats du parquet et les chefs de la police locale. S'ils exercent ce pouvoir, ils sont désignés comme fonctionnaires chargés des enquêtes aux fins de l'application du Code de procédure pénale (art. 1). Ce changement d'attributions, où le procureur n'est plus chargé des enquêtes mais est simplement compétent pour enquêter, traduit le fait que les enquêtes relèvent de la responsabilité du département des enquêtes pénales de la police.


99. Le procureur ou le chef du parquet suit le déroulement de l'enquête et peut donner des ordres aux personnes qui en sont chargées ou qui ont compétence pour enquêter (art. 183, par. 1). En ce qui concerne le contrôle général de l'enquête, toutefois, le chef du parquet est tenu de suivre les instructions du procureur général (art. 4, par. 2, ordonnance sur l'organisation judiciaire; voir aussi art. 14, Code de procédure pénale). En d'autres termes, le procureur général, en tant que chef du parquet général, peut émettre des directives concernant les enquêtes et les réquisitions. Ce n'est que s'il est saisi par voie d'appel que le procureur général ordonne directement un supplément d'enquête (art. 183, par. 3). Le procureur est responsable de toute l'instruction préparatoire, sous réserve des dispositions du nouveau Code de procédure pénale relatives à l'intervention du juge d'instruction (art. 183, par. 2).


Conséquences d'une violation des normes


100. L'application des dispositions des conventions sur les droits de l'homme et des principes garantissant une procédure régulière a permis aux tribunaux d'acquérir progressivement une plus grande liberté d'appréciation de tous les intérêts en cause dans une affaire. Ce pouvoir d'appréciation des différents intérêts en cause est venu s'ajouter à leur pouvoir d'appliquer la loi. Inspirés par les conventions sur les droits de l'homme, les tribunaux ont créé depuis quelques dizaines d'années leur propre système de sanctions "extralégislatif". Si le parquet général porte atteinte aux principes de la procédure pénale, les tribunaux peuvent décider que l'affaire est irrecevable ou, lorsque cette atteinte est moins grave, que les preuves produites ne sont pas recevables. Le motif invoqué dans chaque cas est que la norme qui a été enfreinte visait à protéger le suspect et qu'il a été effectivement porté atteinte à ses intérêts du fait de cette violation.


101. Le suspect ou son avocat peut également soumettre aux tribunaux la question d'une violation de normes. En fonction du stade de la procédure, le juge compétent en la matière peut être un juge du fond, la chambre d'accusation ou le juge d'instruction. On notera à ce propos que les tribunaux eux-mêmes peuvent décider de leur propre initiative d'examiner une violation de normes (art. 413, par. 1). La principale règle suivie alors est que le juge cherche à déterminer si la norme qui a été enfreinte peut être rectifiée d'une façon qui soit conforme à sa teneur et à son champ d'application. Il peut émettre les instructions nécessaires à cet effet (art. 413, par. 1). Selon le paragraphe 2 de l'article 413, il n'y aura pas rectification :


a) Si celle -ci n'est plus possible en pratique;


b) Si le Code contient une disposition différente applicable en l'espèce;


c) Si la rectification porterait par trop atteinte aux intérêts de la défense ou de l'accusation.


102. Des dispositions distinctes sont applicables dans les cas où la durée de la privation de liberté autorisée a été dépassée. Selon le paragraphe 3 de l'article 413, cette durée peut être prolongée dans des circonstances exceptionnelles. Une telle mesure ne peut toutefois être prise que si la libération du suspect risque de compromettre la crédibilité du système juridique à un point tel qu'il est indubitablement dans l'intérêt général que la personne concernée reste en détention. Lorsque c'est le cas, le juge peut, à la demande du procureur, fixer une nouvelle période de détention dans un délai maximal de 24 heures avant l'expiration de la première période. Il faut en outre, que le Code prévoit une nouvelle période de détention et que les conditions légales à ce sujet soient respectées.


103. Lorsque la rectification au sens des paragraphes 1, 2 et 3 de l'article 413 n'est pas possible, la violation d'une norme n'entraîne généralement aucune conséquence (art. 413, par. 4). Selon le paragraphe 5 du même article cette règle est soumise à deux exceptions :


a) Lorsqu'une disposition légale particulière prévoit déjà les conséquences de la violation d'une norme (en d'autres termes, lorsque l'acte est nul du point de vue procédural);


b) Lorsque, en cas de violation de normes essentielles à la procédure, le juge décide dans son jugement définitif d'imposer une sanction procédurale, soit de sa propre initiative, soit à la demande du parquet ou du prévenu (ou de son avocat).


104. Dans le deuxième cas (atteinte à une norme essentielle à la procédure) la loi prévoit les sanctions suivantes :


a) Réduction de la peine (art. 413, par. 5 a));


b) Exclusion d'éléments de preuve (art. 413, par. 5 b));


c) Nullité de l'instance transmise par le parquet (art. 413, par. 5 c));


d) Indemnisation en plus ou à la place des sanctions susmentionnées (art. 413, par. 6).


105. Si la peine doit être réduite, il doit exister des raisons suffisantes de penser que le préjudice causé par la violation de la norme peut être réparé. Les preuves ne peuvent être écartées que si les résultats de l'enquête ont été obtenus directement grâce à l'irrégularité commise et s'il y a des raisons suffisantes de supposer que la défense a été sérieusement entravée par l'utilisation de ces résultats de l'enquête. L'instance soumise par le parquet ne sera déclarée nulle que si la façon dont l'affaire a été instruite a empêché le prévenu d'être équitablement jugé.


106. Le septième et dernier paragraphe de l'article 413 se réfère à tous les paragraphes précédents : en examinant la violation d'une norme et ses conséquences possibles, et en appréciant les différents intérêts en cause, le juge doit prendre d'abord en considération la nature, l'importance et le champ d'application de la norme qui a été violée, puis la gravité de la violation et, enfin, le degré de culpabilité de la personne responsable de cette violation.


Mesures de contrainte avant la clôture de l'instruction : généralités


107. Le Livre 3 du Code commence par une disposition générale qui codifie certains principes généraux garantissant la régularité de la procédure (art. 71). L'autorisation d'un juge est nécessaire pour pouvoir appliquer des mesures de contrainte rigoureuses avant la clôture de l'instruction. Les trois mesures nouvelles avant la clôture de l'instruction sont la fouille au corps (art. 78, par. 3), les tests d'ADN (art. 79) et les écoutes téléphoniques (art. 167 à 174).


108. L'article 71 énonce les conditions générales qui s'appliquent à toute forme de mesure de contrainte avant la clôture de l'instruction. Il ne modifie pas les obligations légales particulières régissant l'application de ces mesures. Les conditions générales énoncées à l'article 71 sont une codification des principes non écrits les plus courants garantissant une procédure régulière. Ces principes servent de directives générales pour déterminer la marge d'appréciation laissée par les critères d'application (par exemple suspicion, graves présomptions et intérêts en cause dans l'enquête).


109. L'application d'une forme quelconque de contrainte avant la clôture de l'instruction est subordonnée aux conditions générales suivantes :


a) Le recours à une mesure de contrainte ne doit pas être excessif par rapport aux différents intérêts en cause (l'application d'une mesure de contrainte ne doit pas être arbitraire);


b) Le pouvoir d'appliquer une mesure de contrainte ne peut être exercé à des fins autres que celles pour lequel il a été conféré (l'application de la mesure ne doit pas constituer un abus de pouvoir);


c) Le but de la contrainte ne doit pas pouvoir être atteint d'une manière différente, plus efficace et moins radicale (principe de subsidiarité);


d) La gravité de l'atteinte aux droits du suspect causée par la mesure de contrainte doit être justifiée par la gravité de l'acte qu'il est accusé d'avoir commis (principe de proportionnalité).


110. La codification de ces principes ne signifie pas que l'on ne puisse en invoquer d'autres (non écrits). Cela ressort d'une manière évidente du seul fait que l'article 413 porte sur les conséquences des violations de "normes", qui sont définies au paragraphe 1 comme constituant à la fois des textes de loi et des règles juridiques non écrites.


Mesures de contrainte comportant une privation de liberté : interrogatoire, garde à vue et détention provisoire


Interrogatoire


111. Il découle de l'article 73 qu'un suspect qui a été arrêté doit être conduit dans un lieu d'interrogatoire. Avant que l'interrogatoire ne commence le suspect est informé de ses droits (art. 82). En outre, l'article 48 prévoit qu'un suspect doit avoir la possibilité d'exercer son droit à l'assistance d'un avocat. Par la suite quatre possibilités peuvent se présenter :


a) L'interrogatoire commence immédiatement;


b) Le suspect est immédiatement placé en garde à vue;


c) Le suspect est traduit devant un magistrat instructeur qui peut décider de le placer en détention provisoire;


d) Le procureur ou le chef du parquet remet le suspect en liberté.


112. Il s'ensuit qu'un fonctionnaire chargé de l'enquête n'est pas obligé d'utiliser la totalité ou une partie du délai de six heures durant lequel il doit mener l'interrogatoire prévu à l'article 80. L'utilisation de ce délai dépend entièrement des circonstances. La période de six heures est censée ne pas être dépassée; si l'interrogatoire peut se dérouler plus rapidement, le suspect n'est pas contraint de "subir" l'interrogatoire pendant six heures. Selon le paragraphe 2 de l'article 80, cette période commence au moment où le suspect arrive sur les lieux de l'interrogatoire. Si, toutefois, le suspect n'est pas dans un état permettant de l'interroger, la période commence au moment où il peut l'être.


113. En principe, la période comprise entre 22 heures et 8 heures est exclue du délai prévu pour l'interrogatoire. Toutefois, le chef du parquet peut ordonner qu'un interrogatoire qui a commencé avant 22 heures se poursuive si cette décision est dans l'intérêt de l'enquête. La période de l'interrogatoire après 22 heures est déduite de la période de six heures (art. 80, par. 1).


Garde à vue


114. Le procureur ou le chef du parquet devant lequel est traduit le suspect ou qui l'a lui-même fait arrêter peut ordonner, après l'interrogatoire, que le suspect soit placé en garde à vue dans l'intérêt de l'enquête (art. 83, par. 1). Avant que cette ordonnance ne soit prise, le suspect est interrogé par le procureur ou le chef du parquet. Il est aussi avisé qu'il bénéficiera gratuitement de l'assistance d'un avocat commis d'office pendant la durée de la garde à vue (art. 83, par. 2).


115. Selon l'article 86 la garde à vue n'est possible que dans le cas d'une infraction pour laquelle la détention provisoire est autorisée. Si le procès a commencé, cette ordonnance ne peut plus être prise pour la même infraction.


116. L'article 87 fixe la durée de la garde à vue. L'ordonnance de placement en garde à vue est applicable pour une durée maximale de deux jours. Seul le procureur est autorisé à prolonger cette période et il ne peut le faire qu'une fois pour une durée maximale de huit jours dans l'intérêt de l'enquête. Une prolongation n'est possible qu'en cas de nécessité urgente. Conformément à l'arrêt Brogan de la Cour européenne des droits de l'homme, le nouveau Code prévoit qu'un suspect doit être traduit devant le magistrat instructeur dès que possible, mais au plus tard 24 heures après que le procureur a ordonné une prolongation de la garde à vue. La durée maximale pouvant s'écouler entre l'arrestation du suspect et sa comparution devant le magistrat instructeur est de trois jours et 16 heures.


Détention provisoire


117. Le Titre VIII du Livre 3 porte sur la détention provisoire (placement en détention provisoire sur ordonnance du magistrat instructeur, prolongation de la détention provisoire sur ordonnance du tribunal de première instance et placement en détention provisoire sur ordonnance de ce tribunal). L'article 100 énumère les cas où la détention provisoire peut être ordonnée :


" 1. Une ordonnance de mise en détention provisoire peut être prise à l'encontre d'une personne si elle est soupçonnée :


a) d'avoir commis une infraction pénale grave qui est punie par la loi d'une peine d'emprisonnement de quatre ans ou plus,


b) d'avoir commis une des infractions pénales graves visées à l'article 204, paragraphes 1 et 2, aux articles 236, 245, paragraphes 3, 259, 266 et 298, paragraphe 1, aux articles 321 a), 334, 339, 339 a) et 336, paragraphe 1 et aux articles 368, 404, 405, 410 et 431 du Code pénal.


2. L'ordonnance peut aussi être prise si le suspect n'a pas d'adresse ou de lieu de résidence fixe à Aruba et qu'il est soupçonné d'avoir commis une infraction pénale grave passible d'une peine d'emprisonnement."


118. L'ordonnance mentionnée à l'article 100 ne peut être prise en vertu de l'article 101 que s'il y a des "charges sérieuses" à l'encontre du suspect. En outre, il doit exister un risque véritable que celui-ci prenne la fuite si les autorités ont la conviction qu'il constitue une menace réelle pour la société (art. 101, par. 1). Le paragraphe 2 de l'article 101 donne une liste exhaustive des raisons de croire qu'un suspect constitue une menace réelle pour la société. En bref, il doit y avoir eu une atteinte sérieuse à l'ordre public, un danger de récidive ou une entrave à l'action de la justice.


119. Une ordonnance de mise en détention provisoire est valable huit jours au plus et peut être prolongée une fois pour une nouvelle période de huit jours au plus. Les ordonnances sont toujours prises par le magistrat instructeur à la demande du procureur (art. 92 et 93). Le magistrat instructeur entend le suspect soit avant de prendre la première ordonnance, soit dès que possible par la suite (art. 92, par. 3). En cas de demande de maintien du suspect en détention provisoire, le magistrat instructeur doit l'inviter à dire s'il pense qu'il y a des motifs valables de le faire (art. 93, par. 3).


120. Avant l'ouverture du procès, une ordonnance de maintien en détention provisoire (art. 95) ou un mandat d'arrêt ou une ordonnance de mise en détention provisoire (art. 96) est prise par le magistrat instructeur à la demande du procureur. Selon le paragraphe 1 de l'article 98, une ordonnance de maintien en détention provisoire, un mandat d'arrêt ou une ordonnance de mise en détention provisoire par le magistrat instructeur reste valable pendant une période qu'il aura lui-même fixée, mais qui ne doit pas dépasser 60 jours (art. 98, par. 3). En principe, le procès doit donc s'ouvrir dans les 90 jours suivant la date à laquelle l'ordonnance de mise en détention provisoire prend effet. Dans des cas particuliers, toutefois, la détention provisoire peut être prorogée une seule fois pour une durée maximale de 30 jours (art. 98, par. 4).


121. Si l'ordonnance de maintien en détention provisoire, le mandat d'arrêt ou l'ordonnance de mise en détention provisoire a été délivré à l'audience, elle reste valable pour une période indéterminée tant qu'elle n'a pas été annulée. Le même principe s'applique si l'ouverture du procès a eu lieu pendant la période de 60 jours mentionnée au paragraphe 1 de l'article 98, (art. 98, par. 2).


122. Une ordonnance de mise en détention provisoire peut être annulée à tout moment, soit par le magistrat instructeur, soit par le tribunal, selon le stade de l'enquête (art. 103, par. 1). Un suspect qui demande pour la première fois l'annulation de l'ordonnance de mise en détention provisoire a la possibilité d'être entendu concernant sa requête. Par la suite, le juge n'est plus obligé de l'entendre à ce sujet. De même, il ne peut être fait appel qu'une seule fois d'une ordonnance de mise en détention provisoire. À titre de compensation, le paragraphe 5 de l'article 98 prévoit que le suspect a la possibilité d'être entendu lors de chaque demande relevant de cet article.


123. Le Code prévoit aussi la possibilité de suspendre et d'ajourner la mise en détention provisoire (art. 111 à 118). Selon le stade de la procédure, le juge qui a ordonné la mise en détention provisoire ou le tribunal qui juge (ou qui a jugé pour la dernière fois) l'affaire, est compétent pour se prononcer sur une telle demande (art. 114).


124. La Partie 7, Titre VIII, du Livre 3 du Code porte sur la détention provisoire dans le cas de jugements définitifs. Les paragraphes 1 et 2 de l'article 105 ont généralement pour objet de prévenir une situation où la durée de la détention provisoire dépasserait la durée de toute peine d'emprisonnement ferme qui a été prononcée. Il s'ensuit que dans le cas d'une mesure de contrainte qui comprend - ou pourrait comprendre - une privation de liberté, la détention provisoire est maintenue. Si le mandat de comparution et l'acte d'accusation sont annulés (art. 105, par. 5), ou s'il est fait appel d'une décision d'acquittement sur un point de fait ou de droit (art. 105, par. 6), le procès (en première instance ou en appel) doit commencer dans les trois semaines qui suivent le jugement définitif.


125. Si un appel est interjeté après le jugement définitif en première instance, les ordonnances mentionnées aux articles 96 à 103 sont émises par la Cour de justice commune (art. 108, par. 1). Une ordonnance de maintien en détention provisoire, un mandat d'arrêt ou une ordonnance de mise en détention provisoire est valable pendant une période maximale de cinq mois et peut être prorogé une seule fois par ladite Cour pour une période maximale de 30 jours s'il y a des raisons valables de le faire. Toutefois, la Cour devra dans les 30 jours qui suivent l'introduction de l'appel, déterminer si les arguments et les motifs mentionnés aux articles 100 et 101 sont encore valables (art. 108, par. 3).


126. Le paragraphe 4 de l'article 108, prévoit qu'une ordonnance de maintien en détention provisoire, un mandat d'arrêt ou une ordonnance de mise en détention provisoire est valable pendant une période indéterminée (jusqu'à ce qu'aucun appel ne soit possible) s'il a été émis pendant ou après le procès et si le procès a commencé dans les délais spécifiés au paragraphe 3 de l'article 108. Il en est de même si un pourvoir en cassation a été formé contre le jugement définitif ou si la Cour suprême a renvoyé l'affaire devant la Cour de justice commune conformément à l'article 14 du Règlement en matière de cassation des Antilles néerlandaises et d'Aruba.


Instruction


Mécanismes de l'instruction


127. Le Code a pour objet de réduire le rôle joué par le magistrat instructeur en tant que continuateur de l'action des autorités responsables de l'enquête. En fait, ce magistrat a un rôle passif, qui consiste à suivre et à contrôler le déroulement de la procédure. C'est le procureur qui est entièrement chargé de l'instruction en tant que dominus litis de plein droit. À certains moments décisifs, ses actes sont contrôlés ou entérinés par le magistrat instructeur. Ce principe ressort du paragraphe 2 de l'article 155; le procureur contrôle toute la phase de l'instruction, sans préjudice des dispositions concernant l'intervention du magistrat instructeur.


128. La nature passive du rôle du magistrat instructeur est évidente dans le cas, entre autres, de mesures de contrainte appliquées avant la clôture de l'instruction. En principe, le magistrat instructeur ne peut décider d'appliquer une mesure de contrainte de sa propre initiative, ni au cours de l'instruction, ni dans d'autres circonstances; en règle générale, il n'agit qu'à la demande du procureur. On peut citer toutefois les exceptions suivantes à ce principe :


a) La saisie de tout objet pouvant faire l'objet d'une saisie (art. 130);


b) L'ordre de remettre ou de transférer tout objet pouvant être saisi (art. 131);


c) L'ordre de remettre différents courriers dans la mesure où ils sont manifestement destinés au suspect ou envoyés par lui (art. 140, conjointement avec les articles 127 à 129).


129. À l'issue de l'instruction, le magistrat instructeur peut de sa propre initiative exercer ses pouvoirs (y compris le pouvoir d'imposer des mesures de contrainte) pendant tout supplément d'enquête ordonné par le juge du fond ou par la chambre d'accusation. En pareilles circonstances, rien ne peut s'y opposer puisque le magistrat instructeur agit comme si les instructions émanaient d'un tribunal indépendant. Le Code précise quatre cas dans lesquels un supplément d'enquête peut être nécessaire :


a) Supplément d'enquête après la clôture de l'instruction mais avant l'ouverture du procès (art. 274);


b) Supplément d'enquête pour déterminer si un mandat de comparution et un acte d'accusation sont fondés (art. 359);


c) Renvoi de l'affaire au magistrat instructeur au cours du procès (art. 359);


d) Renvoi de l'affaire au magistrat instructeur après la reprise du procès dans le cas où l'enquête s'est révélée incomplète après délibération (art. 390 à 391, conjointement avec l'article 359).


130. Le rôle passif du magistrat instructeur ressort également du régime d'application des mesures de contrainte. Une ordonnance de placement en garde à vue est prise par le procureur ou le chef du parquet. Toute prolongation de la garde à vue doit être ordonnée par ces derniers. La prolongation est examinée par le magistrat instructeur dans les 24 heures (art. 89, par. 1). Les ordonnances de mise en détention provisoire émanent toujours du magistrat instructeur sur les réquisitions du procureur, mais revêtent toujours la forme d'une autorisation. Le procureur n'est pas tenu de recourir à cette procédure.


131. Une autre preuve du fait que le procureur est chargé de l'instruction dans sa totalité est que le recours à une mesure de contrainte spéciale (voir Livre 3) n'exige jamais comme condition préalable que l'instruction a été ou sera ouverte. Naturellement, l'autorisation du magistrat instructeur est toujours requise pour l'application de mesures fortement contraignantes.


132. Le magistrat instructeur joue encore un rôle déterminant dans l'interrogatoire des suspects, des témoins et des experts. Ce n'est que dans le cadre de l'instruction qu'un suspect qui est en liberté et tout témoin ou expert peut être cités à comparaître devant le magistrat instructeur. Bien que le procureur puisse nommer des experts en vertu de l'article 190, seul le magistrat instructeur peut leur faire prêter serment (art. 263), les obliger à comparaître (art. 262, conjointement avec l'article 247, par. 2) et leur imposer le secret (art. 271).


133. Le rôle moins important du magistrat instructeur au cours de l'instruction a pour conséquence qu'il peut agir en tant qu'organe d'appel dans les affaires où le suspect souhaite contester les décisions du procureur.


Déroulement de l'instruction : demande et clôture


134. Si le procureur considère qu'une instruction préalable est nécessaire pour une infraction relevant des dispositions de l'article 187, il demande au magistrat instructeur l'ouverture immédiate d'une enquête (art. 221). Le suspect peut lui aussi tenter de faire ouvrir une enquête s'il est en détention provisoire et n'a pas encore été traduit devant le tribunal (art. 224, par. 2).


135. La clôture de l'instruction est irrévocable (art. 272). Un supplément d'enquête ne peut être ordonné par le magistrat instructeur que s'il est autorisé à le faire par la chambre d'accusation ou par le juge du fond.


136. La clôture de l'instruction (parallèlement à la décision de continuer ou non les poursuites) se déroule de la manière suivante. Le magistrat instructeur met fin à l'instruction dans deux cas (art. 272). Premièrement, il le fait s'il estime que l'enquête est terminée et qu'il n'y pas de raisons de la poursuivre. En pareil cas, le procureur, dans le mois qui suit la décision, prend les dispositions nécessaires pour clore l'instruction afin que le suspect soit renvoyé devant le tribunal (art. 275, conjointement avec l'article 279, par. 1) ou qu'une décision de non-lieu lui soit signifiée (art. 279, par. 1). Dans le dernier cas, il est mis fin aux poursuites. À moins que de nouveaux éléments de preuve soient découverts, le suspect ne peut plus être poursuivi en droit pour l'infraction en question (art. 179, par. 1, conjointement avec l'article 282). En outre, toute ordonnance de mise en détention provisoire est annulée dès que la décision de non-lieu est notifiée au suspect (art. 283).


137. Deuxièmement, le magistrat instructeur met fin à l'instruction si le procureur l'informe par écrit que les poursuites sont abandonnées. En pareil cas l'article 276 prévoit que le procureur doit immédiatement informer le suspect qu'il ne sera plus poursuivi pour l'infraction visée par l'enquête (par. 1). En outre, toute ordonnance de mise en détention provisoire est annulée dès que la décision d'abandon des poursuites est prise (par. 2).


138. Aux termes de l'article 274, un supplément d'enquête peut être ordonné par le magistrat instructeur après la clôture de l'instruction et avant l'ouverture du procès.


Le procès


Introduction de l'instance


139. En règle générale, l'instance est introduite par la notification au suspect d'un mandat de comparution et d'un acte d'accusation délivrés par le procureur. L'instance commence dès le moment de cette notification (art. 284). L'article 285 énumère les conditions que celle-ci doit satisfaire. La condition générale est que le suspect doit avoir été, dans une mesure raisonnable, jugé capable de comprendre l'accusation dont il est l'objet. L'article 290 précise que la notification doit être adressée au suspect au moins sept jours avant le procès dans les cas normaux. Jusqu'au début du procès, le procureur peut annuler la notification (art. 291). Les articles 299 à 301, qui figurent dans une partie séparée, portent sur l'introduction de la procédure d'appel.


Mesures judiciaires en cas d'urgence


140. L'élément revêtant ici une signification particulière est que le procureur a le pouvoir, dans le cadre d'une affaire pénale, de demander au tribunal, sur la base de considérations relatives à la procédure pénale, de prendre des mesures qui ne sont pas fixées par la loi. Il peut ainsi avant le procès réagir de manière appropriée à une rupture du rapport juridique entre les parties concernées qui aurait pour origine l'infraction commise. Par exemple, dans certaines circonstances, il n'est pas possible de mettre fin immédiatement à la situation constitutive de l'infraction ou exclure le risque de récidive (au moyen de la détention provisoire ou en subordonnant la remise en liberté à certaines conditions). Le procureur est aussi à même de réagir plus efficacement vis-à-vis d'actes commis par le suspect qui perturberaient indûment le système procédural des mécanismes régulateurs (par exemple en influençant illégalement les parties à la procédure). On peut citer comme exemples de mesures pouvant être demandées par le procureur, et énoncées dans l'exposé des motifs du projet de loi, la mise en garde contre la commission de toute nouvelle infraction et, dans les cas particuliers, l'assignation à domicile.

Article 7


141. Aux termes des articles 2 à 8 du Code pénal d'Aruba et de l'article 5 du projet de loi portant application de la Convention contre la torture, Aruba est compétente en matière de crimes de torture quel que soit l'endroit où ils ont été commis et quel qu'en soit l'auteur. Cela signifie que les autorités pénales peuvent poursuivre l'auteur d'une telle infraction même si celle-ci a été commise ailleurs, à condition que le suspect se trouve sur le territoire d'Aruba. L'obligation d'engager des poursuites en pareil cas - obligation qui découle directement de l'article 7 de la Convention - peut donc être satisfaite.


142. En pareil cas, les règles ordinaires de la procédure pénale prévues par le Code de procédure pénale d'Aruba sont applicables. On notera qu'en ce qui concerne le paragraphe 3 de l'article 7 de la Convention les règles de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont directement applicables, du moins dans la mesure où elles sont pertinentes en l'espèce.

Article 8


143. Aux termes du paragraphe 1 h) de l'article 3 de la Charte du Royaume des Pays-Bas, l'extradition est une question qui relève du Royaume. Cela signifie qu'Aruba et les Antilles néerlandaises ne peuvent réglementer séparément le domaine de l'extradition. La législation concernant l'extradition comprend l'ordonnance des Antilles néerlandaises sur l'extradition (publiée au Journal officiel des Antilles néerlandaises, volume 1983, No 84), qui est un décret-loi du Royaume. Le transfert extraditionnel des criminels de guerre est une autre question réglementée dans le cas d'Aruba et des Antilles néerlandaises par un décret-loi du Gouvernement du Royaume, à savoir l'ordonnance sur l'extradition des criminels de guerre (Antilles néerlandaises et Aruba) (publié au Journal officiel des Antilles néerlandaises, volume 1954, No 115). Il serait bon d'ajouter la Convention contre la torture à la liste des conventions citées à l'article premier de l'ordonnance comme pouvant motiver une extradition.


144. L'ordonnance des Antilles néerlandaises sur l'extradition est aussi destinée à être révisée et des entretiens à ce sujet sont en cours entre les parties concernées. Cette ordonnance ne prévoit pas expressément que l'extradition ne peut avoir lieu qu'en vertu d'une convention, mais cette condition découle en fait du paragraphe 3 de l'article 2 de la Constitution du Royaume des Pays-Bas. Comme la condition n'est pas énoncée dans l'ordonnance des Antilles néerlandaises sur l'extradition, celle-ci, à la différence de la loi néerlandaise sur l'extradition, ne comprend pas la liste des conventions pouvant justifier l'extradition.

Article 10


145. Depuis qu'elle a obtenu un statut constitutionnel séparé en 1986, Aruba a réglementé elle-même toutes les questions relatives à la police et au système pénitentiaire. Un des résultats en a été la plus grande importance accordée au traitement correct des détenus et personnes arrêtées, conformément aux dispositions de la Constitution d'Aruba protégeant les droits de l'homme.


Les forces de police d'Aruba


146. La formation de la police, depuis la base jusqu'aux échelons supérieurs, comprend l'étude de la question des droits universels de la personne humaine, y compris les droits des suspects et personnes en état d'arrestation. Le stage permettant d'obtenir le certificat de police du niveau I comprend des exposés sur le thème des droits de l'homme et de l'éthique policière. Cette matière est aussi obligatoire aux niveaux II, III et IV.


147. En ce qui concerne la formation de la police en cours d'emploi, la question des droits de l'homme sera aussi traitée dans le stage de formation élémentaire qui doit commencer sous peu. Celui-ci prendra la forme d'ateliers sur le traitement des personnes en état d'arrestation, qui seront organisés sur place par différents organes, y compris la section d'Aruba d'Amnesty international. Selon les forces de police, il importe que le stage soit adapté dans toute la mesure possible aux exigences pratiques du métier. Le stage élémentaire est destiné à dispenser une formation à la police dans les domaines qui ne sont pas normalement traités dans la formation policière.


148. Les directives concernant le traitement par la police des personnes en état d'arrestation sont énoncées dans le Code de procédure pénale et, de manière plus précise, dans les règlements de police. Elles fixent de manière assez détaillée les procédures régissant l'arrestation, la garde à vue, les interrogatoires et le traitement des détenus.


Prison centrale d'Aruba (KIA)


149. Au cours de sa formation, le personnel de la prison centrale d'Aruba (KIA) étudie les droits des détenus et les droits de l'homme en général. Parmi les thèmes traités figurent le droit pénal, la procédure pénale, une introduction au droit, le droit pénitentiaire, les premiers soins, la résolution des conflits, l'utilisation des armes à feu, les règlements intérieurs des prisons, les compétences sociales, les droits de l'homme et l'éthique, le sport et les techniques d'autodéfense. Dans l'avenir il est prévu de modifier le décret sur la formation dans cet établissement pour que le personnel puisse bénéficier d'un recyclage et d'une formation permanente. La prison emploie actuellement deux travailleurs sociaux pour aider et conseiller les détenus ainsi que pour former le personnel.


150. Il est prévu dans un proche avenir de modifier la formation de manière à assurer des stages séparés pour deux fonctions distinctes, à savoir un stage pour le personnel des prisons chargé de garder les détenus et de leur dispenser des soins et des conseils, et un autre pour les gardiens de prison qui seront directement responsables de la sécurité des bâtiments ou du personnel et du transport des détenus. En préparation d'un amendement au décret sur la formation, 23 personnes suivent actuellement un stage destiné au personnel des prisons.

Articles 11 et 15


151. La règle de conduite générale est que les détenus doivent être traités le plus correctement possible. Un fonctionnaire de police est obligé d'informer un suspect de ses droits à la fois au moment de son arrestation pour une infraction pénale et au début de l'interrogatoire. La hiérarchie interne de la police et la répartition des responsabilités et des pouvoirs servent en général à garantir que les suspects et les détenus seront traités correctement. En outre, tout dysfonctionnement dans le comportement de fonctionnaires de police est régulièrement abordé au cours des entretiens tenus avec chaque agent sur le rapport d'évaluation le concernant.

Règles applicables aux interrogatoires


152. Le Code de procédure pénale contient des dispositions se rapportant expressément à la procédure des interrogatoires (voir par. 111 à 113 ci-dessus).


153. Le paragraphe 1 de l'article 81 du Code de procédure pénale prévoit aussi que les personnes détenues dans les locaux de la police ne doivent être soumises qu'aux restrictions qui sont absolument nécessaires à leur détention. L'agent qui procède à l'interrogatoire est aussi tenu d'informer préalablement le suspect qu'il n'est pas obligé de répondre aux questions posées (art. 82, par. 1 b), Code de procédure pénale).


154. L'agent qui procède à l'interrogatoire doit s'abstenir de toute action qui aurait pour but d'obtenir du suspect une déclaration qu'il ne ferait pas de son plein gré. Il s'ensuit que sont interdites toute forme de violence, les contraintes mentales ou physiques, les promesses, etc. En cas de violation de cette règle, l'interrogatoire est nul et le juge ayant à connaître de l'affaire peut refuser comme preuve de l'infraction le rapport officiel qui en indique les conclusions. Les résultats ainsi obtenus peuvent être considérés par le juge comme des preuves obtenues de manière illégale. À moins qu'il n'y ait d'autres preuves suffisantes obtenues en application d'une procédure légale, l'accusé sera acquitté.


155. La première protection dont bénéficie un suspect est qu'il doit être informé de ses droits au moment de son arrestation (art. 1.5, par. 3 b) de la Constitution d'Aruba). Un suspect jouit en outre des garanties suivantes prévues dans le nouveau Code de procédure pénale. Le paragraphe 1 de l'article 50 prévoit que le suspect a le droit de refuser de répondre aux questions. Le principe qui sous-tend cette règle est que nul ne peut être obligé de témoigner contre lui-même. C'est un des principes fondamentaux de la procédure pénale. Le suspect est normalement informé de ses droits au moment où il est emmené jusqu'au lieu de l'interrogatoire et, dans tous les cas, avant le début de celui-ci (art. 82, par. 1).


156. En plus de la notification verbale mentionnée au paragraphe 1 de l'article 82, un document qui lui indique ses droits dans une langue qu'il comprend est remis au suspect (art. 82, par. 2). Le document, dont le format est adopté par ordonnance, doit toujours être disponible dans une au moins des langues suivantes : néerlandais, papiamento, anglais et espagnol. S'il y a de sérieux doutes quant au fait que le suspect a compris la notification, l'interrogatoire ne peut débuter avant que l'intéressé soit assisté d'un interprète (art. 82, par. 4).


157. D'autres garanties sont prévues au paragraphe 3 de l'article 48, du Code de procédure pénale. Cet article accorde au suspect le droit à l'assistance d'un avocat. L'intention du législateur est qu'un suspect doit être informé de ses droits avant le début du premier interrogatoire (interrogatoire par la police). Si le suspect déclare vouloir exercer ce droit et que cette décision découle d'un choix libre et rationnel, l'interrogatoire doit être reporté jusqu'à ce que le suspect ait pu s'entretenir avec son avocat. Une exception à cette règle n'est possible que si l'enquête ne peut absolument pas être retardée ou s'il ne serait pas raisonnable d'attendre l'arrivée de l'avocat.

158. L'article 49 du Code de procédure pénale accorde au suspect le droit à l'assistance d'un avocat au cours de l'interrogatoire. Il a droit à une telle assistance dans tous les cas où il est interrogé conformément aux dispositions du Code, son avocat ayant la possibilité de faire des observations pendant l'interrogatoire. Une exception à cette règle est prévue au paragraphe 4 de l'article 48 : l'avocat ne peut être présent aux interrogatoires menés par les responsables de l'enquête, c'est-à-dire les interrogatoires de la police.

Article 12


159. Le parquet enquête sur tout acte présumé de torture. Le chef du parquet - le procureur général - est autorisé à donner des instructions aux agents exerçant des fonctions de police pour empêcher, découvrir ou soumettre à une enquête toute infraction grave ou mineure, s'il considère cette procédure comme nécessaire dans l'intérêt de la justice.


160. La Division nationale des enquêtes criminelles peut être chargée d'enquêter sur des actes criminels commis par des agents de la force publique ou des fonctionnaires spéciaux dotés de pouvoirs de police. Elle a été créée par le décret ministériel du 23 février 1993. Si le Ministère public l'estime nécessaire, il peut demander au procureur général d'ordonner qu'une enquête soit menée par cette Division.


161. La règle générale appliquée est que la Division nationale des enquêtes criminelles intervient dans les cas où il ne doit y avoir aucun doute quant à l'objectivité de l'enquête. On peut supposer que l'enquête est alors objective puisque la Division est relativement éloignée des fonctionnaires de police et des agents exerçant des pouvoirs de police. La Division intervient dans les cas de recours à la force qui sont signalés au Bureau du procureur général en application du décret national sur l'emploi de la force par la police et les perquisitions de police. Il en va toujours ainsi lorsque le recours à la force entraîne un décès ou des lésions corporelles graves.


162. Un policier est habilité à user de la force contre des personnes ou des biens dans l'exercice légal de ses fonctions, encore que ses interventions soient soumises à des conditions strictes. Par exemple, le recours à la force doit se justifier par son objet, compte tenu des dangers qu'il présente, et n'avoir lieu que s'il est impossible de parvenir au même but par d'autres moyens (art. 3 de l'ordonnance nationale sur la police, AB 1998, No 18). En outre, le recours à la force doit être précédé, lorsque cela est possible, d'un avertissement (art. 2). Il est réglementé de manière plus détaillée dans un décret national distinct (le décret national sur l'emploi de la force par la police et les perquisitions de police, AB 1998, No 60).


163. Aux termes de l'article 11 du décret national sur l'emploi de la force par la police et les perquisitions de police, tout fonctionnaire de police employant la force contre une personne dans l'exercice de ses fonctions doit immédiatement le signaler - en indiquant les raisons pour lesquelles il l'a fait et les conséquences de son acte - à son supérieur ou à son chef d'unité, lequel doit à son tour en informer sur le champ le chef des forces de police. Si l'usage de la force par le fonctionnaire de police a entraîné des lésions physiques plus que mineures, et dans tous les cas où une arme à feu a été utilisée, le procureur doit être avisé par le chef des forces de police ou en son nom, d'abord de manière verbale et immédiate, puis au moyen d'un rapport écrit dans les 48 heures (art. 11, par. 6, du décret national sur l'emploi de la force par la police et les perquisitions de police). La gravité de l'infraction détermine si c'est la force de police elle-même ou la Division nationale des enquêtes criminelles qui est chargée de l'enquête.


164. Les enquêtes concernant les infractions commises par le personnel de la prison centrale d'Aruba (KIA) sont soumises aux mêmes règles que les enquêtes concernant les fonctionnaires de police et les fonctionnaires exerçant des pouvoirs spéciaux de police. Les cas comportant le recours à la force doivent aussi être examinés de la même manière, bien que, si l'intervention n'a pas entraîné de décès ou de lésion physique grave et qu'aucune lésion n'a été causée par l'utilisation d'une arme à feu, l'enquête sera en principe menée par les forces de police d'Aruba. Si une personne arrêtée ou un détenu décède pendant une période de détention à la prison centrale d'Aruba, l'enquête est menée par la Division nationale des enquêtes criminelles.


165. Le commission des visiteurs est chargée de veiller à ce que les règlements soient correctement appliqués au sein de la prison centrale d'Aruba; elle peut avoir accès à tout moment aux locaux de la prison. Une fois par mois un représentant de la Commission est présent dans la prison pour entendre les plaintes des détenus. Les plaintes concernant les gardiens de prison sont alors examinées avec le directeur de la prison. S'il y a lieu, la commission soumet l'affaire au Ministre de la justice. Ni le directeur de la prison, ni la commission n'a le pouvoir d'imposer des sanctions. Des mesures disciplinaires sont prises par le Conseil des ministres, puis approuvées par le directeur de la prison.

Article 13


Le suspect et son avocat


166. L'article 47 du Code de procédure pénale contient les dispositions suivantes :


" 1. Un suspect est une personne qui est raisonnablement soupçonnée, sur la base de faits et de circonstances, d'avoir commis une infraction pénale.


2. Au cours d'une action pénale, un suspect est une personne contre laquelle des poursuites ont été engagées."


Les faits et circonstances mentionnés au paragraphe 1 doivent préciser les raisons d'une présomption raisonnable de culpabilité : le point de vue du fonctionnaire menant l'enquête n'est donc pas nécessairement décisif. En outre, la présomption de culpabilité ne doit viser autant que possible qu'une ou plusieurs personnes données : une référence abstraite à un groupe de personnes trop largement défini ne peut en principe être admise en droit comme élément justifiant la présomption qu'une infraction pénale a été commise.


167. Le code prévoit un système d'intervention rapide : chaque suspect placé en garde à vue bénéficie de l'assistance d'un avocat dès qu'un mandat d'arrêt à son encontre est délivré (art. 62, par. 1). Selon les ressources financières du suspect, l'assistance d'un avocat est soit à la charge du suspect, soit gratuite (ou partiellement gratuite) (art. 61). En l'absence d'une ordonnance de placement en garde à vue, une personne soupçonnée d'avoir commis une infraction grave, et dont les ressources financières sont insuffisantes, bénéficie de l'assistance d'un avocat à sa demande dès l'engagement des poursuites (art. 63).


168. Un suspect a le droit de consulter son dossier. Dès la clôture de l'instruction, ou, s'il n'y a pas eu d'enquête préliminaire, dès que le suspect a été déféré devant un tribunal, le droit de consulter le dossier ne peut plus être soumis à des restrictions (art. 53). En principe, la même règle s'applique si une enquête n'a pas abouti ou n'aboutira pas à des poursuites (art. 51, par. 3). Au cours de l'instruction, le procureur peut refuser de communiquer au suspect certaines pièces du dossier si cette décision est manifestement nécessaire au bon déroulement de l'enquête (art. 51, par. 1). Les documents mentionnés à l'article 52 doivent pouvoir être consultés à tout moment par le suspect.


169. Enfin, le Code énumère un certain nombre de droits qui s'inspirent de la Convention européenne des droits de l'homme. Par exemple, les articles 55 et 56 du Code énoncent le droit d'être entendu dans un délai raisonnable, qui est garanti au paragraphe 1 de l'article 6 de la Convention européenne, tandis que le paragraphe 3 de l'article 318, du Code accorde le droit de citer et d'interroger des témoins à décharge dans les mêmes conditions que pour les témoins à charge. Les règles concernant la comparution du suspect devant le magistrat instructeur ont aussi été harmonisées avec le paragraphe 3 de l'article 5, de la Convention européenne, ainsi qu'avec la façon dont la Cour européenne des droits de l'homme a interprété les termes "déférée sans délai" dans l'arrêt Brogan.


Mesures judiciaires et nécessité urgente


170. Les personnes dont les intérêts sont directement en cause dans une affaire pénale peuvent demander à un tribunal pénal de rendre une "ordonnance de référé". Le Code vise tout particulièrement à assurer que des intérêts lésés à la suite d'une infraction bénéficient d'un traitement équilibré. Naturellement, le législateur n'a pas pu établir de dispositions s'appliquant à tous les cas qui se présentent dans la pratique. La procédure de l'ordonnance de référé dans les affaires pénales peut donc constituer une voie de recours. Si une des parties en cause tient à ce qu'une mesure plus précise qui n'est pas prévue par la loi soit prise, elle peut intenter elle-même une action en justice. Par exemple, la victime peut demander qu'une ordonnance imposant certaines restrictions soit prise dans le cas où le suspect n'est pas ou ne peut être placé en détention provisoire (par exemple, il lui sera interdit de pénétrer dans certaines rues ou certains quartiers). En outre, un tiers ayant un intérêt dans l'affaire peut demander à consulter le dossier dans le cas où il souhaiterait introduire une action en justice.

Impartialité judiciaire


171. L'article 304 du Code a été rédigé de façon à tenir compte des affaires de Cubber et Hauschildt qui ont été examinées par la Cour européenne des droits de l'homme et concernaient un juge du fond ayant précédemment participé à l'instruction. L'article 304 prévoit que :


" Un juge qui a mené une enquête en tant que magistrat instructeur ou pris une décision quelconque concernant l'affaire ne peut, à peine de nullité, prendre part à un procès."


172. Dans les cas où un magistrat instructeur a pris une décision quelconque au cours de l'instruction, la Cour suprême a conclu que la simple participation d'un juge aux décisions concernant la mise en détention provisoire ne mettait pas en cause son impartialité. La situation est toutefois différente lorsqu'une décision prise au cours de l'instruction porte sur la question de la culpabilité à un point tel que le suspect a objectivement des raisons de penser que le juge n'a pas été impartial. C'était le cas dans l'affaire Hauschildt : selon la Cour européenne des droits de l'homme il y a trop peu de différence entre la question de l'existence "d'indices largement concordants" à l'encontre d'une personne soupçonnée d'avoir commis une infraction (qui, au Danemark, est une condition de la mise en détention provisoire) et la question de la culpabilité. Comme le Code n'admet pas aussi comme juge du fond toute personne qui a pris une décision pendant l'instruction, il n'y a pas en tout état de cause lieu de débattre de la question de savoir si l'existence des "graves présomptions" comme condition de la mise en détention provisoire ne préjuge pas dans certains cas aussi largement la question de la culpabilité.


Anonymat des témoins


173. Bien que le législateur reconnaisse que l'acceptation de déclarations faites par des témoins anonymes risque de compromettre l'objectivité d'un procès, le Code prévoit que les témoins qui ont été menacés peuvent garder l'anonymat. Le législateur justifie la restriction imposée au droit du suspect d'interroger les témoins au motif que dans un État de droit l'on ne saurait admettre que les preuves - et la décision du tribunal sur lesquelles elle repose - soient altérées par une menace de violence. La Convention européenne des droits de l'homme (en particulier le début de l'article 6, par. 3, et l'alinéa d) n'exclut pas les preuves obtenues grâce à la déclaration d'un témoin anonyme faite au cours de l'instruction. Dans chacun des cas, la Cour européenne des droits de l'homme a déclaré d'emblée que l'existence de règles concernant la recevabilité des preuves est d'abord une question de droit national et que l'examen des preuves est généralement une question qui relève des tribunaux nationaux. Quoi qu'il en soit, on peut déduire des arrêts de la Cour un certain nombre de conditions minimales à remplir, notamment dans les affaires Kostovski et Doorson. Ces conditions sont les suivantes :


a) Les intérêts de la défense doivent, le cas échéant, être appréciés par rapport à ceux des témoins et des victimes devant déposer devant le tribunal; il peut alors en résulter qu'un témoin soit entendu de manière anonyme; le suspect doit toujours, cependant, avoir eu suffisamment la possibilité d'interroger un témoin anonyme et de contester sa déposition;


b) Le juge doit s'assurer lui-même de l'identité des témoins et se faire une opinion quant à leur fiabilité;


c) Une condamnation ne peut être fondée uniquement ou dans une large mesure sur la déposition de témoins anonymes.


174. Compte tenu de ce qui précède, le Code de procédure pénale comporte une règle stricte concernant les conditions dans lesquelles une personne peut être entendue anonymement. Ces conditions peuvent être résumées comme suit : premièrement, le témoin doit avoir fait l'objet de menaces sérieuses quant à la déclaration qu'il a l'intention de faire (art. 261, par. 1). Cette condition est énoncée plus en détail au paragraphe 2 de l'article 261 :


" Une menace sérieuse au sens du paragraphe 1 est présumée si :


a) Le témoin considère qu'il existe, en ce qui concerne la déclaration qu'il a l'intention de faire, une menace telle que l'on peut raisonnablement craindre pour sa vie, sa santé ou sa situation sociale ou celles d'une autre personne;


b) le témoin a fait savoir qu'en raison de cette menace il ne fera pas de déclaration;
c) il y a de bonnes raisons de supposer que le témoin ne sera pas en mesure de comparaître pour ce motif."


175. Deuxièmement, les objections d'un témoin qui désire garder l'anonymat sont examinées par le magistrat instructeur. Dans un rapport officiel celui-ci doit énumérer ces objections et faire savoir s'il les considère comme fondées (art. 261, par. 4).


176. Troisièmement, le critère de la proportionnalité est applicable : un témoin ne peut être interrogé anonymement si l'infraction poursuivie ne fait pas partie de celles qui autorisent une mise en détention provisoire (art. 261, par. 3).


177. Quatrièmement, l'audition d'un témoin anonyme est faite par le magistrat instructeur, qui fournit ainsi une garantie juridique concernant la recherche de preuves au cours de l'instruction. Dans les cas urgents, toutefois, le témoin peut aussi être interrogé par le fonctionnaire responsable de l'enquête s'il n'est pas possible d'attendre son audition par le magistrat instructeur (art. 261, par. 8). On pourrait citer à titre d'exemple le cas très particulier où il est impératif d'agir vite, car le témoin doit alors être entendu immédiatement (notamment lorsqu'il a l'intention de se rendre à l'étranger). Les garanties applicables à l'audition par le magistrat instructeur doivent être alors respectées autant que possible.


178. Cinquièmement, le paragraphe 4 de l'article 161 contient un certain nombre de dispositions régissant le déroulement de l'audition. Le magistrat instructeur s'assure que le témoin ne puisse être reconnu. En principe, le suspect et son avocat peuvent être présents à l'audition. Dans des cas exceptionnels, ils ne peuvent y assister (et par conséquent il en est de même pour le procureur) et ne peuvent soumettre que des questions écrites.

179. Enfin, le témoin anonyme doit prêter serment devant le magistrat instructeur (art. 261, par. 6). Cette règle est importante dans le cadre de l'application de l'article 335, selon lequel une déclaration faite sous serment devant le magistrat instructeur par un témoin qui est dans l'impossibilité de comparaître pendant le procès peut être considérée comme ayant été faite au moment du procès à condition qu'il en soit donné lecture à l'audience.


180. Pour veiller à ce que l'identité d'un témoin anonyme ne soit pas révélée, le paragraphe 2 de l'article 252 prévoit un droit de refuser de faire une déposition. Le paragraphe 1 de l'article 251 (sur le droit de refuser de témoigner ès qualités) s'applique par analogie aux juges, aux membres du parquet et à d'autres personnes connaissant l'identité d'un témoin qui a été entendu en vertu des dispositions de l'article 261.


181. Un suspect peut s'opposer à la comparution d'un témoin anonyme lors du procès. Le principe de base appliqué ici est que c'est au juge du fond de décider en dernier ressort d'autoriser ou non la déposition d'un témoin anonyme (exposé des motifs, p. 114). Pour permettre au juge de prendre une décision en connaissance de cause sur cette question, il a le pouvoir, en vertu du paragraphe 1 de l'article 338, de s'entretenir avec le témoin. Ce pouvoir lui permet de se faire lui-même une opinion sans avoir à examiner la question de savoir si les critères de procédure et de fond de l'article 261 (concernant la recevabilité et la fiabilité) ont été ou non respectés.


182. Si le juge du fond est du même avis que le suspect et considère qu'il n'y a aucune raison que le témoin garde l'anonymat, deux démarches sont possibles en vertu du paragraphe 2 de l'article 338. Premièrement, il peut ordonner que le témoin soit entendu à nouveau par le magistrat instructeur mais, cette fois, sans conserver l'anonymat. Le procureur peut toutefois s'opposer à cette audition en refusant de donner son autorisation à cet effet. S'il est manifeste que le procureur ne donnera pas son assentiment à cette audition ou si le témoin est si peu digne de foi que même une audition publique ne permettra pas d'obtenir des preuves utiles, la deuxième démarche peut alors être suivie. Dans ce cas, le tribunal peut décider que la déclaration du témoin ne sera pas considérée comme une preuve.


183. Si le juge du fond estime que les conditions de l'article 261 sont remplies, il peut se prononcer en faveur du maintien de l'anonymat du témoin. Le rapport officiel continue alors à faire partie du dossier. Il peut encore décider que le témoin doit être entendu à nouveau par le magistrat instructeur qui lui posera les questions auxquelles lui-même (le juge du fond) désire avoir une réponse (art. 338, par. 3). Le magistrat instructeur peut également ordonner un supplément d'information pour remédier à des vices de procédure (art. 338, par. 4).


184. Une disposition séparée a été adoptée, conformément au paragraphe 7 de l'article 261, pour les témoins anonymes qui ont été entendus non par le magistrat instructeur mais par d'autres fonctionnaires (par exemple la police). Une enquête peut être ouverte à la demande du procureur pour déterminer si les objections à la divulgation de l'identité du témoin sont fondées. Le juge peut entendre le témoin à cette fin conformément au paragraphe 1 de l'article 338. Avant d'entendre le témoin, il donne au suspect ou à son avocat la possibilité de faire des observations (art. 339, par. 1). À la suite de l'audition, le juge décide si le témoin a le droit de garder l'anonymat. Si sa décision est négative, le paragraphe 2 de l'article 339 est applicable : le témoin n'est pas entendu anonymement, sous réserve de l'accord du procureur. Si le juge estime que le droit à l'anonymat est justifié, il peut décider que le témoin sera interrogé par le magistrat instructeur en tant que témoin anonyme et soumettre une liste de questions auxquelles il souhaiterait une réponse (art. 339, par. 3). Le paragraphe 5 de l'article 364 a pour objet d'assurer que lorsqu'un procès reprend après une suspension, un témoin menacé continue à jouir de la protection qui lui a été précédemment garantie.


185. Le Livre 5, titre IV, quatrième partie (Preuves) contient les dispositions finales concernant l'anonymat des témoins. Selon le paragraphe 2 de l'article 385, la déclaration d'un témoin anonyme ne peut être invoquée comme moyen de preuve à moins que celui-ci n'ait été interrogé conformément aux dispositions du paragraphe 4 de l'article 261. En outre, les déclarations de témoins anonymes ne peuvent servir de preuves que si elles ont été largement confirmées par d'autres moyens.


Partie civile


186. Une personne peut se constituer partie civile dans le cadre d'une procédure pénale de première instance pour demander des indemnités ne dépassant pas 50 000 florins. Il faut aussi que la demande n'ait pas été soumise à des tribunaux civils et qu'elle soit de nature à pouvoir être tranchée dans le cadre d'une procédure pénale (art. 374, par. 1). Un aspect particulier de cette disposition est qu'en vertu du paragraphe 2 de l'article 374, la partie lésée peut aussi intervenir volontairement dans une instance pénale suivant la procédure ad informandum. Cette intervention volontaire a lieu au cours du procès (voir art. 374, par. 2) et ne peut se produire pour la première fois en appel (art. 374, par. 4).


187. Une victime peut se constituer partie civile dès le stade de l'instruction (art. 206, par. 1). En conséquence, une partie lésée qui a besoin d'assistance et d'appui en raison de l'infraction commise a droit au concours d'un avocat (art. 206, par. 4). En outre, elle peut, en vertu du paragraphe 3 de l'article 206 demander à être informée par le procureur de sa décision sur la question de savoir s'il va ou non engager des poursuites. Si des poursuites sont engagées, le procureur tient la partie civile informée de tout fait important survenu au cours de la suite de la procédure. Dans le cas contraire, il l'informe qu'elle a le droit d'introduire un recours du fait que des poursuites n'ont pas été engagées (art. 209).


188. Même avant le procès, c'est-à-dire dès l'ouverture de la procédure, la partie civile et son avocat peuvent prendre connaissance du dossier au greffe du tribunal à condition que cela n'entrave pas le bon déroulement de l'instance (art. 376, par. 1). En vertu du paragraphe 4 de l'article 376, les dispositions concernant la consultation du dossier (art. 51 à 54) s'appliquent par analogie.


189. Pour étayer sa requête, la partie civile ou son avocat peut soumettre des documents (art. 377, par. 1), demander au président du tribunal l'autorisation de citer des témoins et des experts (art. 377, par. 2) et de leur faire poser des questions, à condition que ces questions se rapportent au préjudice subi ou au montant des dommages (art. 378, par. 1). Enfin, la partie civile peut expliquer (ou faire expliquer) les raisons de sa demande d'indemnisation après que le procureur a présenté ses réquisitions. Cela est aussi possible, en vertu de l'article 379, après une deuxième intervention du procureur faite conformément au paragraphe 3 de l'article 353. Le juge se prononce sur les demandes de la partie civile au moment de rendre son jugement sur l'instance pénale (art. 380, par. 1). La demande ne sera recevable que si l'affaire se termine par une condamnation (art. 380, par. 2).

Article 14


190. L'aide apportée aux victimes par le parquet et la police doit répondre aux critères suivants :


a) La victime doit être traitée correctement et, s'il y a lieu, en tenant compte de sa personnalité;


b) La victime doit recevoir des informations aussi rapidement que possible; celles-ci doivent être claires et pertinentes;


c) La victime doit être assistée de façon à pouvoir exercer au maximum son droit de demander une indemnisation dans le cadre d'une procédure pénale; il peut s'agir d'une indemnisation pour préjudice pécuniaire ou moral.


191. Le Code précise le rôle judiciaire et donc impartial que doivent jouer les fonctionnaires chargés d'administrer la justice au cours des différentes étapes d'une procédure pénale.


Décision d'engager ou non des poursuites


192. Si le procureur estime, sur la base de l'enquête de la police, que le suspect doit faire l'objet de poursuites, il prend sans délai les dispositions nécessaires à cette fin (art. 207, par. 1). Le Code définit à ce propos le principe de l'opportunité : le procureur peut décider de ne pas engager de poursuites pour des raisons d'intérêt général. Il peut alors assortir cette décision de conditions et doit prendre tout particulièrement en compte les intérêts de la partie lésée (voir art. 207, par. 2). Par exemple, une des conditions peut être l'obligation de verser une indemnité ou de réparer tout dommage.


193. S'il est estimé qu'il y a des raisons d'engager des poursuites, le procureur décide si l'affaire se prête à un règlement extrajudiciaire (art. 208, par. 1). L'article fournit au procureur la base juridique qui lui permet de conclure un accord avec le suspect (de son plein gré) pour que celui-ci accomplisse des travaux d'intérêt général. En échange, le procureur consent à ne pas retenir de charges contre le suspect. En fait, cet article n'exclut pas qu'une autre condition particulière soit appliquée au suspect en plus de l'obligation d'accomplir des travaux d'intérêt général, par exemple l'obligation d'indemniser la victime.

Mesures judiciaires en cas d'urgence


194. Lorsqu'un tribunal pénal condamne un suspect, il peut lui imposer le versement d'une indemnité pécuniaire comme garantie supplémentaire de l'exécution de la peine. Si cette indemnité n'est pas versée par cette personne, le tribunal peut, à la demande du parquet, ordonner qu'elle soit détenue pendant une période fixée par le parquet lui-même (art. 43, par. 7).


Indemnisation pour contraintes imposées pendant l'instruction


195. Le système d'indemnisation s'applique à toute forme de contrainte exercée pendant l'instruction. Le paragraphe 1 de l'article 178 vise les dommages subis à la suite de l'application d'une mesure de contrainte. Les indemnités peuvent viser tout préjudice autre que pécuniaire (art. 178, par. 3).


196. Étant donné que le paragraphe 1 de l'article 178 mentionne sans autre précision l'indemnisation d'une personne qui a subi un préjudice, celle-ci n'est pas nécessairement le suspect (ou un ancien suspect) mais peut aussi être un tiers. Dans l'esprit du législateur il peut s'agir, par exemple, d'un tiers dont le domicile a fait l'objet d'une perquisition, d'un témoin qui a été détenu à tort pour avoir refusé de répondre à des questions, d'une victime considérée à l'origine comme un suspect ou d'une personne qui a subi une atteinte à sa vie privée lorsque le suspect a été placé sur écoutes téléphoniques. Ces dispositions sont censées être exclusives et empêchent donc tout recours devant les tribunaux civils (art. 182).


197. Les dispositions prévues établissent une distinction entre les dommages subis en raison de l'application illégale d'une mesure de contrainte au cours de l'instruction et le préjudice subi à la suite de son application légitime. Dans le premier cas le suspect a droit à une indemnité alors que dans le second une indemnisation n'est accordée que si elle est considérée raisonnable et juste. L'appréciation de la nature légitime ou illégitime de la contrainte appliquée se fait par rapport au moment où celle-ci a été imposée (art. 187, par. 2).


198. En vertu du paragraphe 1 de l'article 178, le droit à une indemnité existe lorsque la contrainte a été appliquée illégalement (par exemple, parce que les modalités d'application étaient disproportionnées par rapport à l'infraction).

Annexe

ORDONNANCE NATIONALE

concernant la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

(Ordonnance nationale portant application de la Convention contre la torture)

PROJET DE LOI

AU NOM DE LA REINE !

LE GOUVERNEUR D'ARUBA


Considérant la nécessité de prendre dans le cadre du droit pénal certaines dispositions concernant la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée à New York le 10 décembre 1984 (Recueil des traités 1985, 69);


Et après avoir entendu le Conseil consultatif et consulté le Parlement, rend l'Ordonnance nationale suivante :

Article premier


1. Lorsqu'un fonctionnaire ou une autre personne au service des autorités, agissant dans l'exercice de ses fonctions, exerce des violences à l'encontre d'une personne privée de sa liberté soit dans le but d'en obtenir des renseignements ou des aveux, de la punir, de susciter en elle des craintes ou de l'obliger à commettre ou à laisser commettre un acte donné, soit parce qu'il agit au mépris de son droit à la dignité humaine, de tels actes, s'ils sont de nature à permettre la réalisation de leur but, sont considérés comme des actes de torture passibles d'une peine d'emprisonnement de 15 ans au plus.


2. Le fait de causer délibérément un état de crainte considérable ou d'autres formes d'anxiété mentale sérieuse est assimilé à un acte de violence.


3. Si l'infraction entraîne un décès, l'auteur est condamné à la réclusion à perpétuité ou à une peine de durée déterminée de 20 ans au plus.

Article 2


Les personnes suivantes sont passibles des mêmes peines que celles prévues pour les infractions mentionnées à l'article précédent :


a) Un fonctionnaire qui, par un des moyens visés à l'article 49, paragraphe 1 b), du Code pénal d'Aruba (AB 1991, No GT 50), incite à commettre un des actes de violence visés à l'article premier ou permet délibérément à une autre personne de le commettre;


b) Une personne qui commet la forme de violence visée à l'article premier, si un fonctionnaire, par un des moyens visés à l'article 49, paragraphe 1 b), du Code pénal d'Aruba, a encouragé dans l'exercice de ses fonctions la commission de l'infraction ou l'a délibérément permise.

Article 3


Les articles 44 et 45 du Code pénal d'Aruba ne s'appliquent pas aux infractions visées aux articles 1er et 2.

Article 4


Les infractions visées aux articles 1er et 2 sont des infractions graves.

Article 5


Le droit pénal d'Aruba est applicable à toute personne qui commet en dehors d'Aruba une des infractions graves visées aux articles 1er et 2 de la présente Ordonnance nationale.

Article 6


1. La présente Ordonnance nationale entrera en vigueur le jour suivant la publication de l'avis s'y rapportant au Journal officiel d'Aruba.


2. La présente Ordonnance nationale peut être citée sous le titre d'Ordonnance nationale portant application de la Convention contre la torture.

Fait à Oranjestad

Le Ministre de la justice



Page Principale || Traités || Recherche || Liens