Comité contre la Torture, Examen des rapports présentés par les États parties en application de l'article 19 de la Convention, Pays-Bas (Antilles et Aruba), U.N. Doc. CAT/C/44/Add.4 (1998).
Troisièmes rapports périodiques devant être soumis en 1998
Additif
PAYS-BAS
(ANTILLES ET ARUBA)
/ Le rapport initial présenté par le Gouvernement des Pays-Bas porte la cote CAT/C/9/Add.2 et 3. Il est rendu compte de l'examen de ce rapport par le Comité dans les documents CAT/C/SR.46 et 47 ainsi que dans les Ddocuments officiels de l'Assemblée générale, quarante-cinquième session, Supplément No 44 (A/45/44), par.435 à 470. Le deuxième rapport périodique porte la cote CAT/C/25/Add.1, 2 et 5; il est rendu compte de l'examen de ce rapport par le Comité dans les documents CAT/C/SR.210 et 211/Add.1 ainsi que dans les Documents officiels de l'Assemblée générale, cinquantième session, Supplément No 44 (A/50/44), par. 111 à 131./
[3 septembre 1998]
TABLE DES MATIÈRES
Paragraphe
Première partie - Antilles néerlandaises..... 1 - 62
I. RENSEIGNEMENTS DE CARACTÈRE GÉNÉRAL..... 1 - 12
II. RENSEIGNEMENTS RELATIFS AUX ARTICLES DE LA PREMIÈRE PARTIE DE LA CONVENTION
..........13 - 62
Article 1 ................13 - 17
Article 2 ................18 - 34
Article 3 ...................35
Article 4 ................36 - 38
Article 5 ................39 - 40
Article 6 ................41 - 42
Articles 7 et 8........... 43
Article 9 ................44 - 45
Article 10 ..............46 - 47
Article 11.............. 48 - 52
Articles 12 et 13 ....53 - 56
Article 14 ..............57 - 58
Article 15 ..............59 - 61
Article 16................. 62
Liste des annexes
Deuxième partie - Aruba....... 63 - 198
I. SYSTÈME PÉNAL ET PÉNITENTIAIRE ...63 - 77
A. Généralités .................63
B. Constitution d'Aruba.. 64 - 65
C. Droit pénal................ 66 - 68
D. Procédure pénale...... 69 - 72
E. Détention ..................73 - 77
II. RENSEIGNEMENTS RELATIFS AUX ARTICLES DE LA CONVENTION ....78 - 198
Article 2 ................78 - 87
Article 3 ................88 - 90
Article 4................ 91 - 95
Article 5 ................96 - 97
Article 6 ................98 - 140
Article 7.................141 - 142
Article 8 ................143 - 144
Article 10 ..............145 - 150
Articles 11 et 15... .151 - 158
Article 12 ..............159 - 165
Article 13 ..............166 - 189
Article 14 ..............190 - 198
Annexe : Ordonnance nationale concernant la Convention contre la torture et
autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
PREMIÈRE PARTIE
Antilles Néerlandaises
I. RENSEIGNEMENTS DE CARACTÈRE GÉNÉRAL
Introduction
1. Le présent rapport est soumis en application de l'article 19 de la Convention
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants qui est entrée en vigueur à l'égard du Royaume des Pays-Bas
le 21 janvier 1989. Il suit d'aussi près que possible les directives
générales concernant la forme et le contenu des rapports périodiques
et porte sur la période comprise entre le 1er janvier 1994 et le 1er
janvier 1998.
2. Ce troisième rapport périodique décrit les faits nouveaux survenus au
sujet des questions traitées dans le deuxième rapport (CAT/C/25/Add.2).
Il contient aussi des renseignements concernant l'évolution récente de
la législation et de la politique générale, notamment sur les articles
de la Convention au sujet desquels les membres du Comité contre la torture
ont posé des questions supplémentaires pendant l'examen du rapport précédent.
Cette évolution est ensuite comparée à la situation précédente ou actuelle
ou examinée dans ce contexte. Lorsque les informations contenues dans
le précédent rapport ont été considérées incomplètes ou imprécises, la
manière dont la Convention est actuellement appliquée est décrite plus
en détail. Il convient de se reporter aux rapports précédents dans le
cas des articles pour lesquels il n'a pas été constaté d'évolution significative.
Cadre juridique général
3. Jusqu'en 1995, le Code pénal des Antilles néerlandaises n'interdisait
pas expressément la torture. Il contenait toutefois des dispositions
relatives à différentes formes de violence (art. 300 à 322), qui, si
elles étaient interprétées au sens large, étaient applicables à de nombreux
actes de torture. En 1995, toutefois, le Gouvernement des Antilles néerlandaises
a décidé de réprimer la torture en tant qu'infraction pénale distincte
plutôt que sous la qualification de coups et blessures ou de violences
graves. Les circonstances qui l'ont amené à prendre cette décision sont
exposées dans la section du présent rapport relative à l'article premier
de la Convention contre la torture.
Autorités compétentes et recours
4. Aux Antilles néerlandaises la procédure pénale est régie par ce que
l'on appelle le "principe
de l'opportunité", ce qui signifie que le ministère public peut décider de ne pas déclencher de
poursuites pour des raisons d'intérêt général. Cependant, en vertu du
Code de procédure pénale révisé, toute partie concernée peut former un
recours contre une telle décision devant la Cour de justice des Antilles
néerlandaises. La Cour entend alors cette partie et, s'il y a lieu, la
personne contre laquelle elle demande que des poursuites soient engagées.
Elle peut alors en toute indépendance décider d'inviter le ministère
public à engager des poursuites.
5. Même si aucun recours n'a été déposé, la Cour peut décider de sa propre
initiative des poursuites qu'il y a lieu d'intenter ou de continuer la
procédure engagée (en vertu de l'article 28 du Code de procédure pénale).
En pareil cas, les dispositions des articles 14 à 27 de ce Code sont
applicables par analogie. Il s'ensuit que, avant qu'une telle décision
ne soit prise, il sera demandé au procureur général d'établir un rapport
sur l'affaire.
Problèmes soulevés précédemment
6. Pour comprendre le contexte dans lequel le nouveau Code de procédure
pénale a été établi, il faut remonter loin dans le temps. Le Code de
1914 était essentiellement fondé sur le Code néerlandais de 1838. Des
amendements partiels y ont été apportés par la suite afin de le mettre
à jour, mais ceux-ci tendaient plutôt à rendre le système moins clair.
Étant donné les connaissances spécialisées nécessaires pour rédiger un
Code entièrement nouveau, le Gouvernement alors en place aux Antilles
néerlandaises a décidé que cette action législative importante serait
entreprise par un comité spécial. Comme on estimait que le comité devait
reposer sur une large participation, ses membres ont été choisis parmi
différentes professions. Le Comité pour la révision du Code pénal et
du Code de procédure pénale a été créé par le décret national du 8 juillet
1985. Il avait pour attributions de conseiller le Gouvernement sur la
façon dont les deux Codes devraient être modifiés et mis à jour. Bien
que chargé de la révision des deux
Codes, le comité a commencé par porter essentiellement son attention
sur le Code de procédure pénale.
7. Après un processus long, difficile et complexe, le Code unifié de procédure
pénale des Antilles néerlandaises est entré en vigueur le 1er octobre
1997. Son adoption a considérablement amélioré la situation juridique
des suspects, par exemple pour ce qui est des pouvoirs que la police
peut exercer au cours des enquêtes portant sur des infractions pénales.
Ces pouvoirs comprennent le pouvoir d'arrestation et de détention, de
perquisition dans les domiciles et d'autres locaux, la fouille à corps
et des vêtements et la saisie d'objets. En vertu du nouveau Code, un
ensemble de conditions doivent être satisfaites avant que la police ne
soit autorisée à exercer ces pouvoirs de coercition. On peut citer les
conditions générales suivantes :
- l'exercice d'un tel pouvoir ne doit pas être disproportionné par rapport
aux intérêts en cause;
- ce pouvoir ne peut être exercé dans un but autre que celui pour lequel
il a été conféré;
- ce pouvoir ne peut être exercé que s'il est impossible d'atteindre le
but recherché par d'autres moyens moins radicaux;
- toute atteinte aux droits du suspect résultant de l'exercice de ce pouvoir
doit être proportionné à la gravité de l'infraction présumée.
8. Un suspect a le droit de garder le silence et n'est pas obligé de répondre aux questions de la police. Avant son interrogatoire par des membres de la police ou un magistrat concernant sa participation éventuelle à un acte punissable, la personne soupçonnée doit être prévenue qu'elle a le droit de garder le silence. Les membres de la police ou le magistrat menant l'interrogatoire doivent à tout moment s'abstenir d'actes visant à obtenir d'un suspect des aveux contre son plein gré (art. 50 du Code de procédure pénale).
9. Avant d'être interrogé, le suspect a le droit de demander l'assistance
d'un avocat. Au cours de l'interrogatoire, il peut être décidé de détenir
le suspect dans l'intérêt de l'enquête. Cette détention s'appelle la
garde à vue. Une ordonnance de placement en garde à vue ne peut être
prise que pour une durée de 48 heures au plus. S'il y a lieu, la garde
à vue peut être prolongée de huit jours (art. 83 à 91 du Code de procédure
pénale). En vertu de ce code, tout suspect placé en garde à vue bénéficie
gratuitement du concours d'un avocat pendant la durée de sa détention.
Le Ministère de la justice
10. Il a été mentionné dans le rapport précédent que l'infrastructure gouvernementale
ne faisait pas du Ministère de la justice un département ministériel
distinct. Il avait aussi été relevé que les instances judiciaires ne
fonctionnaient pas comme un ensemble, mais de manière très indépendante.
Il était impossible de ce fait d'apporter des modifications structurelles
au système judiciaire. Ce problème a été abordé en 1993 lors de la création
du Ministère de la justice, dont la plupart des services fonctionnent
actuellement. Une de ses tâches les plus importantes consiste à surveiller
l'application de certains instruments internationaux tels que la Convention
contre la torture et à formuler des politiques durables pour en assurer
le respect.
11. Une des activités du Département des questions de politique générale
est de surveiller et d'appuyer la réorganisation du système pénitentiaire
dans les Antilles néerlandaises. Le Département des affaires juridiques
contribue largement à mettre au point une politique de justice pénale.
Il le fait en donnant des avis spécialisés, en créant le cadre nécessaire
à l'application de la politique générale et en fournissant des conseils
et une assistance. Le Département donne aussi des conseils sur les mesures
propres à atteindre les objectifs de politique générale au moyen d'une
législation nouvelle ou modifiée.
Fonds pour l'organisation des stages
12. La situation financière du pays est encore très critique. Quoi qu'il
en soit, les autorités continuent à faire tout leur possible pour dispenser
une formation aux agents de la force publique. Cette action est parfois
accomplie avec la coopération d'organisations non gouvernementales. Récemment,
par exemple, des stages internes ont été organisés à l'intention du personnel
pénitentiaire axés en particulier sur les différentes matières du droit
pénitentiaire, du droit pénal et de la procédure pénale contenues dans
le Code de procédure pénale révisé.
II. RENSEIGNEMENTS RELATIFS AUX ARTICLES DE LA PREMIÈRE PARTIE DE LA CONVENTION
Article premier
13. En 1995, le Gouvernement des Antilles néerlandaises a décidé de faire
de la torture une infraction distincte et de ne pas attendre pour cela
que la révision du Code pénal, commencé en 1997, soit terminée après
celle du Code de procédure pénale. Comme indiqué précédemment, la révision
du Code de procédure pénale a été un processus long et laborieux. En
raison de retards dans l'examen de la législation par le Parlement, il
n'était plus possible, à bref délai, de faire de la torture une infraction
distincte dans le Code pénal révisé.
14. Il va sans dire que dans le droit pénal des Antilles néerlandaises
les actes visés par la définition de la torture à l'article premier de
la Convention contre la torture étaient déjà qualifiés d'infractions
pénales, en particulier dans le Titre XX du Livre 2 du Code pénal des
Antilles néerlandaises. Toutefois, la Convention impose l'obligation
de prendre un certain nombre de mesures dans les cas spéciaux où une
douleur ou des souffrances physiques ont été infligées à une personne
par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant
à titre officiel, ou à son instigation ou avec son consentement exprès
ou tacite. Ces mesures spéciales comprennent l'établissement d'une compétence
universelle, qui exclut que l'on puisse invoquer comme moyen de défense
le fait que les actes incriminés ont été commis en exécution d'un ordre
émanant d'un supérieur ou d'une autorité publique, et l'assurance que
l'extradition vers d'autres États parties est possible pour cette infraction.
15. Il découle logiquement de la Convention qu'il est préférable de réprimer
la torture en tant qu'infraction distincte que d'engager des poursuites
en vertu de dispositions pénales qui ne s'appliquent pas expressément
à la torture en tant que telle. C'est pour cette raison que le Gouvernement
a décidé d'ériger la torture en infraction distincte. En s'appuyant sur
l'article premier de la Convention, le Gouvernement a choisi une qualification
conforme au système de la législation pénale des Antilles néerlandaises,
mais visant aussi les différents éléments constitutifs de l'infraction.
Le texte de l'ordonnance nationale sur la criminalisation de la torture
(PB 1995, 197) est joint en annexe au présent rapport.
16. Si des poursuites à raison d'actes de torture sont engagées sur la
base des qualifications d'infractions non établies à cette fin, il est
possible que tous les actes justifiant des poursuites ne soient pas visés
par ces qualifications. Par exemple, la qualification de "violences
graves" suppose préalablement des lésions graves, y compris des traumatismes psychiques
mentionnés au paragraphe 2 de l'article 84 du Code de procédure pénale.
Étant donné les dispositions de l'article considéré de la Convention,
un paragraphe séparé a été inclus dans le texte de l'ordonnance pour
indiquer que certaines formes de mauvais traitements qui causent des
souffrances morales plutôt que physiques peuvent aussi être qualifiées
de torture. Toutefois, l'infraction est constituée en cas de forte anxiété
ou d'autres formes graves de souffrance morale causées par de tels actes,
qui doivent aussi avoir été commis intentionnellement.
17. L'ordonnance nationale (Journal officiel de 1995, 197) prévoit des sanctions pour tout acte de torture interdit par la Convention. Elle établit aussi le principe de la compétence universelle, précisant qu'un ordre émanant d'un supérieur ou d'une autorité publique ne peut être invoqué pour justifier la torture. Toute tentative de torture constitue également une infraction.
Article 2
La police
18. Comme indiqué plus haut au chapitre I du rapport (Renseignements de
caractère général, le Ministère de la justice a depuis sa création récente
joué un important rôle de coordination dans l'application de la Convention
et dans la réorganisation des forces de police, qui n'est d'ailleurs
pas encore terminée. Une Section de la police est actuellement en voie
de création au sein du Ministère, pour aider le Ministre de la justice
à remplir ses fonctions de gestion, par exemple dans la mise en valeur
des ressources humaines. Cette Section de la police aidera aussi le Ministre
à faire respecter la Convention. Elle fera de ce fait partie des mécanismes
officiels qui assurent les fonctions de surveillance du Ministre de la
justice.
19. Une commission chargée d'examiner les plaintes concernant les brutalités
policières et les mauvais traitements infligés par la police a été créée
en 1994. Elle comprend un médecin, un professeur de droit de l'Université
des Antilles néerlandaises et un ancien procureur. Elle est autorisée
à mener des enquêtes indépendantes. Toute personne peut déposer une plainte
auprès de la Commission, qui procède à une enquête et soumet ses conclusions
et recommandations au Ministre de la justice. Celui-ci décide des mesures
appropriées à prendre dans chaque cas. Le Parlement est informé des résultats
de l'enquête et de la décision prise par le Ministre.
20. En mai 1994, une loi portant création et réglementation du Département
national des enquêtes a été adoptée. Celui-ci est entré en fonction en
1997 et relève directement du procureur général. Il ne comprend qu'un
effectif de trois personnes et fonctionne comme un organisme d'enquête
indépendant dans les actions pénales mettant en cause des fonctionnaires
et des autorités, entre autres, le personnel de la police et de l'administration
pénitentiaire. Le département mène actuellement plusieurs enquêtes. Il
n'est pas inutile de mentionner que son effectif est très insuffisant
par rapport à son volume de travail. C'est pour cette raison que l'actuel
Bureau des affaires internes des forces de police s'occupe de questions
de nature disciplinaire.
La maison d'arrêt
21. Les Antilles néerlandaises ont des obligations à respecter à la fois
en vertu de la Convention contre la torture et de la Convention européenne
pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements inhumains
ou dégradants. En ce qui concerne cette dernière Convention, et étant
donné les événements récemment survenus à la maison d'arrêt de Willemstad
à Curaçao, il importe que le Comité dispose des informations exposées
ci-après.
22. Le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou
traitements inhumains ou dégradants s'est rendu aux Antilles néerlandaises
en 1994. Dans une partie de son rapport, qui a été publié, il critiquait
sérieusement les conditions de détention dans la prison et la maison
d'arrêt de Koraal Specht. La principale critique portait sur les conditions
matérielles dans lesquelles les détenus étaient incarcérés. Toutefois,
très peu de violences physiques ont été constatées, ce qui a été considéré
comme positif.
23. Face à cette situation, le Gouvernement des Antilles néerlandaises
a examiné les mesures qui avaient été prises à court terme en réponse
aux observations et recommandations du Comité européen pour la prévention
de la torture. Il faut souligner que le Gouvernement étudie de très près
les conditions à Koraal Specht, notamment la surpopulation carcérale
et ses conséquences. Une très grande priorité est donc accordée à une
vaste réforme du système pénitentiaire. Différentes mesures ont déjà
été prises pour remédier à cette situation regrettable et d'autres sont
à l'étude.
24. Les activités de réorganisation sont fondées sur plusieurs rapports
établis à la demande du Gouvernement (par exemple Di Korekshon pa Korekshon
- Problèmes du système pénitentiaire aux Antilles néerlandaises) et sur
le rapport du Comité européen pour la prévention de la torture après
sa visite d'inspection en 1994, dans lequel il a recommandé plusieurs
améliorations.
25. En novembre 1996 un nouveau directeur de l'administration pénitentiaire
a été nommé. Un schéma directeur dans ce domaine a été soumis au Conseil
des Ministres, qui l'a examiné et approuvé. Il a aussi permis la conclusion
d'un accord de coopération entre les Antilles néerlandaises et les Pays-Bas.
Ceux-ci contribueront au processus de réorganisation, qui sera long,
difficile et coûteux. Un groupe de travail mixte a été chargé de surveiller
et d'accélérer la mise en oeuvre de ce processus. Il devrait aussi formuler
des propositions concernant le recrutement et la sélection du personnel
pénitentiaire et l'agrandissement de la prison.
26. Dans l'intervalle, quelques modifications transitoires ont été adoptées,
entre autres :
- agrandissement du centre de rétention des étrangers en situation irrégulière;
- rénovation des cellules qui ne pouvaient plus être utilisées parce qu'elles
n'étaient pas conformes aux normes de base, notamment en matière d'éclairage
et de ventilation;
- accroissement de l'effectif pénitentiaire;
-construction et utilisation de salles de cours;
-entretien des bâtiments en 1995 et 1996;
-application des consignes de sécurité en 1997;
- création de nouveaux postes, tels que celui du responsable des relations
publiques, et du bureau des affaires internes, nomination d'une équipe
de gestion et extension du département des affaires concernant le personnel;
- stages pour cadres moyens;
- application de normes de sélection nouvelles ou améliorées pour attirer
du personnel mieux formé;
- stages de perfectionnement pour le personnel;
- mise en oeuvre de nouveaux programmes d'accueil et de mise au courant
des nouveaux agents;
- reconstitution de l'équipe d'assistance interne;
- mise en service du régime pénitentiaire semi-ouvert.
27. Il est regrettable qu'une mutinerie n'ait pas pu être évitée à l'intérieur
de la prison malgré les efforts déployés pour améliorer les conditions
de vie carcérale. La mutinerie, qui a duré trois jours (du 7 au 10 août
1997), a été provoquée par l'annonce faite par le directeur d'une modification
des heures de visite. Les détenus ont profité du niveau anormalement
bas des effectifs de la prison. Des portes de cellules ont été sorties
de leurs gonds et les détenus se sont livrés à des actes de vandalisme
qui ont sérieusement endommagé les locaux. Après avoir consulté le Ministre
de la justice et la police, le Directeur de la prison a décidé de ne
pas recourir à la force pour mettre fin à la révolte car il tenait à
éviter qu'il y ait des victimes.
28. Le Parlement des Antilles néerlandaises s'est montré très préoccupé
par ces événements et a demandé au Ministre de la justice de mener une
enquête sur cette affaire. Celui-ci a créé un comité indépendant pour
enquêter sur les causes de la mutinerie et sur les allégations selon
lesquelles le personnel de la prison aurait agressé des détenus et que
les détenus eux-mêmes se seraient battus entre eux pendant et après la
révolte. Le Comité, connu sous le nom de Comité Paula du nom de son président,
a été créé le 9 septembre 1997 et devait présenter ses conclusions au
Ministre dans le délai d'un mois. Le texte de ses conclusions est annexé
au présent rapport. On notera que les annexes auxquelles se réfère le
rapport Paula n'y sont pas incluses.
29. Après avoir achevé son enquête, le Comité a conclu que les principales
causes de la mutinerie du mois d'août étaient les suivantes :
a) La modification des heures de visite;
b) La façon dont cette modification a été communiquée aux détenus;
c) Le refus de la direction de discuter de ces changements avec les détenus;
d) Des actes de sabotage auraient été commis par des membres du personnel
pénitentiaire;
e) Le niveau anormalement bas des effectifs présents le jour de la révolte.
30. En ce qui concerne les allégations de violences commises par le personnel
de la prison, le Comité n'a pu trouver aucune preuve d'un pareil comportement
à l'encontre des détenus au cours de ces troubles. Le Comité a toutefois
constaté que des incidents avaient eu lieu les 11 et 18 août, nécessitant
une enquête de la part du Département national des enquêtes. Il ressortait
clairement des déclarations des détenus, confirmées par certains membres
du personnel, que des irrégularités avaient effectivement été commises
aux dates mentionnées. Le Comité a trouvé la preuve d'actes d'agression
contre certains détenus, commis parfois par les gardiens de prison et
parfois par les détenus eux-mêmes.
31. Considérant la situation dangereuse et explosive à l'intérieur de la
prison, le Comité a soumis une liste de recommandations visant à renforcer
la sécurité tant pour les détenus que pour les gardiens. Ces recommandations
étaient les suivantes :
a) Reconstruire dès que possible les cellules détruites;
b) Envisager de transférer les criminels les plus dangereux dans des quartiers
de haute sécurité aux Pays-Bas;
c) Comme autre solution possible, incarcérer ces détenus dans des quartiers
de sûreté;
d) Rétablir la différentiation du régime carcéral;
e) Recruter immédiatement du personnel qualifié pour assister le directeur
de la prison;
f) Résoudre le problème du nombre anormalement élevé des congés de maladie;
g) Adopter un nouveau règlement intérieur;
h) Le Ministre devrait demander au Département national des enquêtes d'achever
dès que possible l'enquête concernant les irrégularités qui auraient
été commises;
i) Améliorer les programmes de réinsertion.
32. Peu après la publication du rapport du Comité Paula, le Ministre de
la justice a annoncé ce qui suit :
a) Un directeur de projet néerlandais était arrivé en septembre 1997 pour
s'occuper de la réorganisation du système pénitenciaire, qui avait atteint
le stade auquel la mise au point des mesures structurelles pouvait commencer,
conformément au schéma directeur et au plan d'exécution;
b) Un deuxième directeur de projet avait aussi été nommé pour surveiller
les préparatifs se rapportant à l'élément d'infrastructure du processus;
c) Les travaux de réparation des dégâts étaient en cours;
d) Il n'était pas judicieux de transférer les criminels les plus dangereux
aux Pays-Bas, qui connaissait déjà un problème de surpopulation carcérale;
e) Des efforts étaient faits actuellement pour résoudre le problème de
la surpopulation carcérale, par exemple en envisageant d'autres moyens
de punir les délinquants; un groupe de travail a récemment été créé pour
étudier cette question;
f) Les Pays-Bas ont alloué des fonds pour la construction d'une nouvelle
prison;
g) Une assistance technique serait fournie par les Pays-Bas pour réorganiser
le système pénitentiaire.
33. On notera aussi que l'ordonnance sur le système pénitentiaire a été
adoptée par le Parlement (PB 1996, 73). Un exemplaire de l'ordonnance
est annexé au présent rapport. Cette nouvelle ordonnance améliorera considérablement
la situation des détenus en renforçant la protection de leurs droits.
On y trouve des dispositions concernant la classification des établissements
pénitenciaires, les différents types de régime carcéral, la gestion et
la surveillance, l'organisation du travail, le bien-être mental et spirituel
des détenus et les voies de recours. L'ordonnance n'a toutefois pas encore
pris effet parce que la législation complémentaire requise pour l'appliquer
est encore en préparation. Des projets de texte ont déjà été publiés.
Le Gouvernement se propose de donner effet à l'ordonnance dès que possible.
34. Les Antilles néerlandaises se sont engagées à observer et à respecter
les lois et les règles de la guerre et à sanctionner toute infraction
dans ce domaine. Ces engagements ont été pris dans le cadre de différentes
Conventions qui s'appliquent aux Antilles néerlandaises. Le texte d'application
est l'ordonnance du 16 juin 1954. Les conventions peuvent aussi être
appliquées en vertu de l'ordonnance du 2 février 1993 qui donne effet
à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
et en vertu du Code pénal (Livre 2, Titres 1 et 11). Le projet de loi
régissant l'application de la Convention contre la torture ne prévoit
pas expressément que la guerre et l'instabilité politique ne sont pas
des circonstances justifiant une dérogation aux dispositions concernant
la torture. On peut toutefois parvenir à cette conclusion sur la base
du texte de l'article 4, où il est indiqué que l'ordre d'un supérieur
ou d'une autorité publique ou une disposition législative (articles 44
et 45 du Code pénal) ne
peut être invoqué pour se soustraire à des poursuites dans le cas d'un
acte de l'infraction pénale qualifiée de torture. Cet article correspond
aussi à l'article 3 de l'ordonnance donnant effet à la Convention sur
le génocide. Certes, il est naturellement inconcevable qu'une disposition
législative des Antilles néerlandaises puisse être invoquée pour justifier
la torture, mais il faut se souvenir qu'étant donné l'étendue considérable
de la juridiction extraterritoriale à laquelle cette infraction est soumise,
on pourrait aussi invoquer des dispositions de lois étrangères. C'est
pourquoi il est essentiel de mentionner à ce propos l'article 44 du Code
pénal.
Article 3
Admission et expulsion d'étrangers en situation irrégulière
35. Les étrangers en situation irrégulière qui ont été arrêtés en attendant
leur expulsion ne sont plus détenus dans les locaux de la police mais
dans un bâtiment spécialement conçu à cet effet. Le complexe peut accueillir
une centaine d'étrangers en situation irrégulière. S'agissant d'autres
aspects de la question, il convient de se reporter aux rapports précédents.
Article 4
36. Avant même que la torture constitue une infraction distincte, il était
possible, comme indiqué ci-dessus, d'engager des poursuites à raison
d'actes de torture en invoquant d'autres dispositions réprimant des infractions
prévues dans le Code pénal, en les interprétant au sens large. Une telle
interprétation ne répondait pas toutefois aux exigences des dispositions
de la Convention. C'est notamment pour cette raison qu'il a été décidé
de prévoir expressément une infraction qualifiée de torture.
37. Il résulte de l'article premier de la Convention que même en cas de
tentative d'actes de torture ou d'actes constitutifs de complicité ou
une participation à la torture, la fonction officielle de la personne
concernée reste un élément de l'infraction. En pareil cas, il n'est pas
nécessaire que l'auteur effectif de l'infraction agisse à titre officiel.
La première partie de l'article de l'ordonnance d'application donne effet
à l'obligation contenue dans la Convention en prévoyant qu'un agent de
la fonction publique qui est complice d'un acte de torture ou qui y participe
commet une infraction. La deuxième partie vise la situation d'une personne
qui n'est pas elle-même un agent de la fonction publique ou une personne
agissant à titre officiel, mais qui est incitée par un tel agent à commettre
des actes de torture ou qui les commet avec le consentement exprès ou
tacite d'un agent de la fonction publique.
38. Les tentatives de commettre une infraction pénale et les actes qui
constituent une complicité ou une participation à des infractions pénales
sont réprimées par les articles 47, 49 et 50 du Code pénal. L'article
47 prévoit qu'une tentative de commettre une infraction constitue elle-même
une infraction si l'intention de l'auteur de l'acte se traduit par un
début d'exécution et si l'acte n'a pu être effectivement commis uniquement
en raison de circonstances indépendantes de sa volonté. Ce principe est
repris à l'article 5 qui criminalise l'acte de la torture.
Article 5
39. L'ordonnance distincte donnant effet à la Convention contre la torture,
qui a été présentée au parlement puis débattue et approuvée, établit
une compétence universelle pour l'infraction pénale de la torture. Cette
compétence est régie par les dispositions de l'article 6.
40. Il n'y a aucune raison évidente d'imposer une telle obligation de créer
cette forme très étendue de compétence extraterritoriale. En elle-même
l'infraction de la torture ne revêt aucune caractéristique qui en fasse
une infraction transfrontière. Dans la pratique, l'auteur de l'infraction
et la victime sont souvent de la même nationalité et l'infraction est
généralement commise sur le territoire de l'État dont l'auteur et la
victime sont ressortissants. Il faut noter aussi que tant que les auteurs
seront soutenus par le milieu social ou politique dans lequel ils agissent,
ils n'auront aucune raison de s'enfuir. Le fait que la torture est une
infraction très grave suscitant l'indignation et la préoccupation générales
ne suffit pas en-lui même à justifier l'application du principe de l'universalité.
Article 6
41. Les dispositions du Code de procédure pénale des Antilles néerlandaises
s'appliquent aux infractions relevant de la compétence des tribunaux
de ce territoire. Les tribunaux sont habilités à ordonner la mise en
détention d'un suspect ou à prendre toute autre mesure pour assurer sa
présence, sous réserve que les conditions normales auxquelles ces mesures
sont soumises soient remplies. En vertu de la loi sur l'extradition,
ces mesures peuvent aussi être prises dans le cas d'une extradition,
avant même qu'une demande d'extradition ne soit soumise.
42. En vertu des articles 187 et 221 du Code de procédure pénale révisé,
une enquête préliminaire doit être ouverte dès qu'il y a lieu de penser
qu'une infraction a été commise.
Articles 7 et 8
43. Il convient de se reporter aux rapports précédents.
Article 9
44. Le Code de procédure pénale comprend désormais une partie nouvelle
concernant l'entraide judiciaire internationale, qui indique les motifs
permettant de rejeter une demande d'entraide judiciaire, et contient
une disposition spéciale régissant les interrogatoires menés par les
fonctionnaires de la police de pays étrangers (art. 555 et suiv.).
45. Lorsqu'une telle demande est fondée sur une convention, elle sera acceptée
chaque fois que cela est possible. Même si elle n'est pas soumise en
vertu d'une convention, elle sera acceptée à condition d'être suffisamment
fondée et qu'elle ne soit pas contraire à une disposition réglementaire
ou législative ou à une directive du Ministre de la justice. L'article
559 énumère les motifs pour lesquels une demande peut être rejetée. L'article
560 prévoit que les demandes d'entraide en rapport avec des infractions
de nature politique ne peuvent être acceptées qu'avec l'autorisation
du Ministre de la justice. Cette autorisation ne peut être donnée que
pour des demandes fondées sur une convention et après consultation avec
le Ministre des affaires générales. Les articles 561 à 565 fixent la
procédure à suivre dans ce cas.
Article 10
46. Une des conclusions du précédent rapport était que la formation dispensée
aux fonctionnaires de police, au personnel pénitentiaire et aux éducateurs
spécialisés dans les prisons était insuffisante. La direction de la maison
d'arrêt a institué un nouveau programme de formation en 1992 dans le
cadre du processus de réorganisation et améliore constamment les programmes
existants.
47. De nouveaux programmes de formation ont aussi été institués à l'intention
des fonctionnaires de police dans le cadre du processus de réorganisation.
Les nouvelles recrues suivent à l'école de formation de la police un
programme d'initiation connu sous le nom de "Police
2000". Le programme est axé sur l'acquisition de qualifications sociales. À cet égard,
la direction de la police a mis au point une politique d'interprétation
des tâches de la police et de ses agents applicable jusqu'à la fin des
années 90. Le programme d'initiation comporte aussi une formation professionnelle
et non spécialisée en cours d'emploi, afin de veiller à ce que les agents
de police aient les comportements et les compétences nécessaires pour
leur permettre de faire face aux changements rapides qui se produisent
au sein de la société.
Article 11
48. L'interrogatoire des suspects et les autres questions qui s'y rattachent
sont régis par le Code de procédure pénale, qui contient aussi des instructions
générales à l'intention de la police sur la façon de mener les interrogatoires.
Un juge rejettera toute preuve qui a été obtenue par l'exercice irrégulier
des pouvoirs conférés à la police par la loi. Si aucune autre preuve
ne peut être produite, il ne sera pas possible de démontrer que l'accusé
a commis l'infraction et il devra être acquitté.
49. Si une preuve a été obtenue directement à la suite d'une violation
de principes fondamentaux et que celle-ci a gravement porté atteinte
à l'argumentation de la défense, elle ne peut être admise par le tribunal.
Une violation de ce genre est considérée comme ayant eu lieu lorsqu'il
y a violation de la législation ou des règles de droit non écrites.
50. Comme indiqué à l'article 2 du présent rapport, le Département national
des enquêtes est un organe indépendant placé sous la surveillance directe
du procureur général responsable du déroulement des enquêtes concernant
les fonctionnaires, les agents de police ou le personnel pénitentiaire.
Depuis 1995, ce département a été chargé de contrôler l'accomplissement
de leurs tâches par ces fonctionnaires.
51. Il existe une commission indépendante de visiteurs des prisons et des
maisons d'arrêt (créée par le décret national du 14 décembre 1962, voir
Journal officiel 1962, No 160). Cette commission joue un rôle de surveillance
et assiste dans leurs fonctions les directeurs de ces institutions, ainsi
que le Ministre de la justice. Comme les détenus sont dans une position
de dépendance, il doit exister un organe entièrement indépendant qui
puisse entrer en contact avec eux s'ils le désirent. Les membres de la
commission des visiteurs des prisons sont nommés par le Ministre de la
justice et doivent lui faire rapport sur leurs activités. Comme il est
essentiel que la commission ait des contacts réguliers et systématiques
à la fois avec la direction et les détenus, une réunion est tenue tous
les mois. Les membres de la commission sont autorisés à entrer dans n'importe
quelle partie de la prison et d'y mener une inspection à tout moment.
La commission a l'obligation de rechercher et de signaler les abus de
pouvoir. Elle
a acquis une très grande efficacité dans l'exercice de ses fonctions
de surveillance.
52. Les tribunaux peuvent aussi jouer un rôle de surveillance si les détenus
s'adressent à eux. Ceux-ci peuvent demander que leur cas soit traité
conformément aux dispositions juridiques de la Convention. Les actions
devant les tribunaux sont généralement engagées par la voie d'une demande
en indication de mesures conservatoires.
Articles 12 et 13
53. Un magistrat du parquet peut ouvrir une enquête pénale et le procureur
général a la responsabilité de veiller à ce que l'instruction soit menée
dans les formes prescrites par la loi. Il peut aussi donner à un magistrat
du parquet des instructions sur la conduite de l'enquête.
54. En vertu de l'article 15 du Code de procédure pénale révisé, le détenu
a le droit de déposer une plainte auprès des autorités judiciaires compétentes.
Ce droit est calqué sur le droit de déposer une plainte institué aux
Pays-Bas en 1984. Ce droit s'applique aussi lorsque la police ou des
agents de la justice pénale n'agissent pas avec diligence; après un délai
raisonnable, le détenu peut déposer une plainte du fait que des poursuites
n'ont pas été engagées. Cette action est possible même si aucune décision
n'a été prise de ne pas engager de poursuites.
55. Le Département national des enquêtes relève directement du procureur
général et offre de sérieuses garanties qu'une enquête indépendante et
objective sera menée lorsque la plainte porte sur des brutalités policières.
Cette évolution constitue une amélioration par rapport à la situation
précédente, où les plaintes pour mauvais traitements étaient instruites
par des collègues des fonctionnaires de police accusés.
56. L'ordonnance sur le système pénitentiaire prévoit la création d'un
comité chargé d'examiner les plaintes des détenus dans les maisons d'arrêt
et les prisons. Le projet d'ordonnance a été débattu et adopté par le
Parlement, mais n'a pas encore été promulgué sous la forme d'une loi
pour les raisons mentionnées précédemment.
Article 14
57. La loi des Antilles néerlandaises prévoit plusieurs voies de recours
propres à permettre aux victimes d'actes de violence d'être indemnisées.
Le Code civil (art. 1382 à 1397 d), pour dommages causés à autrui) et
le Code de procédure pénale révisé (art. 206, pour dommages causés par
l'auteur de l'infraction) comprennent des dispositions sur les indemnités
et dommages-intérêts permettant à la victime d'un acte de torture d'obtenir
réparation.
58. La situation de la partie lésée est aussi sensiblement améliorée dans
le nouveau Code de procédure pénale. Au cours du procès la victime peut
demander une indemnité à concurrence de 10 000 florins des Antilles néerlandaises.
Elle peut aussi obtenir une aide au cours de l'enquête. Par exemple,
la police peut établir un simple arrangement d'indemnisation avec l'auteur
des actes de violence permettant de mettre fin aux poursuites.
Article 15
59. Le Code de procédure pénale des Antilles néerlandaises comprend des
règles concernant la recevabilité des preuves (art. 381 à 387). Comme
indiqué précédemment, les preuves obtenues de manière illicite ne peuvent
être utilisées par le ministère public.
60. Dans le nouveau Code, la situation des témoins a été renforcée par
certaines garanties, qui s'appliquent lorsque l'équilibre dans la procédure
risque d'être compromis du fait qu'un témoin ne peut plus remplir son
obligation légale d'aider à établir la vérité. Si les témoins sont menacés
à tel point qu'il ne serait pas raisonnable de s'attendre à ce qu'ils
fassent des dépositions en public, la procédure pénale doit leur accorder
une protection en leur permettant de déposer à huis clos sans révéler
leur identité.
61. Dans le Code de procédure pénale révisé, ces témoins s'appellent des
témoins anonymes. Dans de nombreuses affaires pénales, la police a besoin
de déclarations de la part de témoins pour obtenir la preuve que le suspect
a effectivement commis l'acte criminel dont il est accusé. Il est important
pour le suspect, notamment dans le cas d'infractions graves, qu'aucun
témoin ne dépose contre lui. En pareils cas, les témoins pourraient être
sérieusement menacés. D'après la loi, le juge d'instruction peut désormais
décider que dans de tels cas un témoin gardera l'anonymat. Le témoin
sera alors interrogé de façon à ce que son identité reste inconnue.
Article 16
62. Voir les précédents rapports et les parties du présent rapport relatifs
aux articles 10 à 14.
Liste des annexes
/ Ces annexes peuvent être consultées dans les dossiers du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les droits de l'homme./
1. Rapport de la Commission d'enquête, créée par le décret national No 1 du 4 septembre 1997, sur la mutinerie qui a eu lieu dans la maison d'arrêt et à la prison de Curaçao.
2. Décret national No 4 du 5 janvier 1994 portant création du Comité directeur
sur les peines de substitution.
3. Décret national No 18 du 15 septembre 1997 portant modification du décret
national du 5 janvier 1994.
4. Décret national No 10 du 6 novembre 1997 portant création du Comité
consultatif chargé d'examen des mesures de substitution pour le règlement
des affaires pénales.
5. Ordonnance nationale du 13 octobre 1995 donnant effet à la Convention
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants.
6. Ordonnance nationale du 27 juin 1996 portant adoption de principes applicables
au système pénitentiaire.
7. Instructions du Ministre de la justice du 1er janvier 1996 sur la prévention
de la torture, l'utilisation des cellules et le traitement des personnes
arrêtées.
DEUXIÈME PARTIE
Aruba
I. SYSTÈME PÉNAL ET PÉNITENTIAIRE
A. Généralités
63. Si le système constitutionnel d'Aruba, progressiste et moderne, comprend
les principales garanties juridiques prescrites par les conventions sur
les droits de l'homme, d'autres mesures législatives établissent les
fondements du droit pénal, de la procédure pénale et du droit régissant
l'exécution des peines privatives de liberté. Le droit pénal et les règlements
régissant la détention à Aruba répondent donc aux exigences des conventions
sur les droits de l'homme. Toutefois, comme cette législation est assez
ancienne à plusieurs égards, elle ne respecte pas toujours les normes
énoncées par Aruba elle-même dans sa Constitution. Au cours des dernières
années, on s'est donc surtout efforcé de la moderniser rapidement sur
les points nécessaires, notamment dans le domaine de la procédure pénale
et de la détention. Il en est résulté une législation moderne fondée
sur les conventions relatives aux droits de l'homme et des projets de
textes législatifs dont la rédaction est pratiquement terminée.
B. Constitution d'Aruba
64. Lorsqu'Aruba a obtenu un statut d'autonomie constitutionnelle en 1986,
elle a saisi cette occasion pour adopter sa propre constitution la Constitution
d'Aruba, fondée sur la Convention européenne de sauvegarde des droits
de l'homme et des libertés fondamentales, le Pacte international relatif
aux droits civils et politiques, la Charte sociale européenne, la Constitution
du Royaume des Pays-Bas et la Constitution des Antilles néerlandaises.
La Constitution d'Aruba énonce les droits fondamentaux des personnes
relevant de la législation d'Aruba. Le principe de base à cet égard est
la notion que les citoyens doivent être à la fois protégés vis-à-vis
des autorités et soutenus par elles. Un élément essentiel du point de
vue de la Convention est le droit à l'inviolabilité de la personne énoncé
à l'article I.3 de la Constitution. Il en résulte que les actes pouvant
constituer d'une manière quelconque une atteinte à l'intégrité physique
d'une personne sont interdits par la Constitution. Des exceptions à cette
règle
ne sont permises que si, et dans la mesure où, elles sont prévues par
la loi. Ces dispositions sont consacrées, par exemple, dans le nouveau
Code de procédure pénale d'Aruba (AB 1996 No 75).
65. La Constitution d'Aruba reprend presque mot à mot un certain nombre
de dispositions de la Convention européenne concernant, par exemple,
le principe d'égalité, le principe de la légalité, la présomption d'innocence
et l'interdiction de la peine de mort. L'article I.5 comprend aussi des
dispositions détaillées régissant la légalité des arrestations, de la
détention et de l'emprisonnement. Cet article, qui suit de très près
l'article 5 de la Convention européenne et la jurisprudence qui s'y rattache,
vise tous les cas de privation de liberté (art. I.7). Enfin, la Constitution
comprend une disposition sur l'aide judiciaire (art. I.7) et des dispositions
garantissant l'application régulière de la loi et l'indépendance du pouvoir
judiciaire (chap. VI).
C. Droit pénal
66. Le principe de la légalité s'applique à la fois en droit pénal et dans
le droit de la procédure pénale. En vertu du paragraphe 1 de l'article
1er, du Code pénal d'Aruba (AB 1991, No GT 50), aucun acte n'est punissable
s'il ne constitue pas une infraction prévue par une disposition du droit
pénal au moment où il a été commis (voir aussi l'article I.6 de la Constitution).
Aux termes de l'article 9 du nouveau Code de procédure pénale d'Aruba,
entré en vigueur le 1er octobre 1997, des poursuites ne sont engagées
que dans les cas et selon la procédure prévus par une ordonnance nationale
(c'est-à-dire une loi officielle de l'Assemblée législative d'Aruba).
Il en résulte que le droit pénal d'Aruba, tant sur les questions de fond
que sur les questions de procédure, accorde toujours la primauté au principe
de la sécurité juridique. Une personne ne peut être sanctionnée pour
des actes qui ne sont pas définis comme constituant une infraction par
la loi; une mesure prise par les autorités en vertu de la procédure pénale
doit aussi être justifiée vis-à-vis de l'intéressé. Toute forme d'action
arbitraire contre cette personne est donc en principe impossible.
67. Le Code pénal d'Aruba n'était pas conforme à deux aspects concernant
les droits protégés par la Convention européenne. Comme indiqué dans
le rapport précédent, il comprenait tout d'abord plusieurs dispositions
dépassées concernant l'exécution des peines privatives de liberté, qui
n'étaient plus appliquées dans la pratique. Par exemple, l'article 14
du Code prévoit que les tribunaux peuvent ordonner qu'une personne condamnée
à une peine d'emprisonnement de plus de cinq ans soit enchaînée lorsqu'elle
travaille. Les règlements archaïques de cette sorte, qui ne correspondent
plus aux opinions modernes concernant le traitement des détenus et la
nature des peines privatives de liberté, seront abrogés lorsque la nouvelle
loi sur la détention prendra effet. Le nouveau projet de loi régissant
l'exécution des peines privatives de liberté est actuellement examiné
par le Conseil consultatif et sera soumis en temps voulu au Parlement
d'Aruba. Si ce projet de loi est adopté, le Code pénal d'Aruba ne comprendra
plus de dispositions
régissant l'exécution des peines d'emprisonnement. De telles dispositions
ne sont plus compatibles avec la notion selon laquelle l'emprisonnement
doit viser la réinsertion des détenus (voir aussi section E).
68. Par ailleurs, le Code pénal d'Aruba ne prévoit qu'indirectement que
la torture et d'autres formes de traitements inhumains ou dégradants
sont des infractions punissables (ce qui a déjà mentionné dans le rapport
précédent). Bien qu'il existe des dispositions assez étendues pour sanctionner
les violences physiques (art. 313 à 318) et des peines supplémentaires
visant les fonctionnaires reconnus coupables d'actes de violence (art.
46), la torture en tant que telle ne constitue pas une infraction pénale
prévue par le Code. C'est pour cette raison que la loi d'application
mentionnée dans le rapport précédent a été remaniée. En conséquence,
un projet de loi donnant effet à la Convention contre la torture et autres
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants est actuellement
débattu au Parlement d'Aruba. Cette loi comprendra l'infraction qualifiée
de "violence
commise par une personne dans l'exercice de ses fonctions, au service
d'un organe de l'État, contre une autre personne, soit dans le but d'obtenir
d'elle des renseignements ou des aveux, de la punir, de l'intimider,
elle-même ou une autre personne, ou de l'obliger, elle-même ou une autre
personne, à accomplir ou à laisser accomplir un acte quelconque en violation
du droit de cette personne à la dignité humaine". Cette infraction est punie d'une peine d'emprisonnement de 15 ans ou de 20
ans au plus, ou de réclusion à perpétuité si l'infraction entraîne le
décès de la victime (voir aussi les observations concernant les articles
2 à 4 de la Convention contre la torture). Il est prévu que le projet
de loi sera adopté à la date ou à peu près à la date à laquelle le présent
rapport sera examiné.
D. Procédure pénale
69. Les contraintes auxquelles peut être soumis un prévenu dans le cadre
d'une procédure pénale et les modalités applicables dans ce cas sont
régies en détail par le Code de procédure pénale d'Aruba, qui a déjà
été mentionné. L'entrée en vigueur de ce nouveau Code marque une étape
importante dans l'histoire du système de justice pénale d'Aruba. Les
droits des suspects ont été largement renforcés dans le nouveau Code.
Un point très important est que la loi prévoit désormais dans de nombreux
cas l'assistance d'un avocat. S'il y a lieu, l'assistance d'un avocat
est accordée gratuitement en vertu d'une ordonnance d'attribution de
l'aide judiciaire. Lorsqu'un suspect est privé de sa liberté, il a droit
à l'assistance immédiate d'un avocat. Celui-ci peut même être consulté
avant le premier interrogatoire par la police. Il en résulte que dès
son premier contact avec des agents de la justice pénale, un suspect
peut être assisté d'un avocat, qui veille à la régularité du traitement
accordé au suspect dans le cadre de la
procédure pénale et adresse une demande au tribunal dans le cas où une
irrégularité quelconque serait constatée. Ces dispositions assurent une
forte protection contre tout acte arbitraire et illégal commis par les
autorités.
70. Le nouveau Code prévoit aussi d'autres garanties fondamentales contre
toute irrégularité commise par les autorités. Premièrement, l'application
de mesures de contrainte à l'encontre d'un suspect est soumise à des
règles précises. Avant toute mesure de contrainte, il faut déterminer
clairement dans chaque cas si certaines conditions minimales permettant
l'application de la mesure en question sont remplies. Si ces conditions
ne sont pas respectées par la police ou le ministère public, ceux-ci
seront sanctionnés par les tribunaux pour avoir pris cette mesure. En
outre, l'article 71 du Code prévoit que les mesures de contrainte à l'encontre
d'un suspect (par exemple les contraintes pendant l'instruction prévues
par le droit pénal, notamment les contraintes physiques) ne doivent pas
être déraisonnables au regard des différents intérêts en cause dans l'affaire
et ne peuvent être appliquées que dans le but auquel elles sont finalement
destinées. En outre, il ne doit pas être possible de parvenir d'une autre
manière
moins radicale au but visé par la mesure. Enfin, il doit y avoir des
raisons suffisantes de croire que la gravité de l'atteinte aux droits
du suspect résultant de cette contrainte est justifiée par la gravité
de l'infraction qui lui est imputée. Ces principes généraux garantissant
l'application d'une procédure régulière, qui procèdent du droit non écrit,
ont pour objet de contribuer à veiller à ce que l'application d'une mesure
privative de liberté ne devienne une sanction distincte.
71. Enfin, les articles 178 à 181 du Code prévoient expressément une procédure
permettant aux particuliers de demander une indemnisation pour toute
application irrégulière de mesures de contrainte durant l'instruction.
Si les contraintes sont jugées disproportionnées par rapport à leur objet
légitime, elles sont considérées en droit comme un acte illégal commis
par les autorités.
72. En bref, le système de procédure pénale d'Aruba est fondé sur le principe
selon lequel la légitimité de tout acte de l'État doit être démontrée
à la personne concernée. En cas de recours à des mesures de contrainte,
leur application doit être conforme à un certain nombre de règles susceptibles
de limiter le plus possible les abus de pouvoir.
E. Détention
73. La détention à Aruba n'est possible que dans les circonstances prévues
par la loi. Elle constitue une dérogation aux droits fondamentaux que
sont la liberté et la sûreté de la personne garanties par la Constitution,
ainsi qu'au droit de se déplacer librement dans Aruba, d'y demeurer et
d'y choisir un lieu de résidence. Il découle aussi de la Constitution
que, lorsqu'une personne est privée de sa liberté, il convient de respecter
les règles de procédure qui ont été imposées ou autorisées par le Parlement.
Les pouvoirs permettant de priver une personne de sa liberté doivent
donc être énoncés dans la loi. En outre, nul ne peut être privé de sa
liberté si ce n'est dans les cas énumérés exhaustivement à l'article
I.5 de la Constitution, à savoir :
- Détention légale après une condamnation par un tribunal compétent;
- Arrestation ou détention légales pour non-exécution d'une décision légale
prise par un tribunal ou pour assurer le respect d'une obligation prescrite
par la loi;
- Arrestation ou détention légales d'une personne afin de la traduire devant
l'autorité légale compétente lorsqu'il y a des motifs raisonnables de
la soupçonner d'une infraction ou d'estimer nécessaire de l'empêcher
de commettre une infraction, de s'enfuir après avoir commis une infraction
ou de compromettre une enquête pénale;
- Détention légale d'un mineur dans le but d'intervenir dans son éducation
ou de le traduire devant l'autorité compétente;
- Internement de personnes pour empêcher une épidémie, ou de personnes
atteintes de troubles mentaux, d'alcooliques ou de toxicomanes;
- Internement de personnes pour les empêcher d'entrer sans autorisation
dans le pays, ou de personnes contre lesquelles des procédures d'expulsion
ou d'extradition sont en cours.
74. Dès qu'une personne est incarcérée, sa détention doit être accomplie
conformément aux principes de l'État de droit. Les règlements actuels
ne fournissent pas à cet effet un cadre satisfaisant car ils remontent
à une époque où la nécessité de rééduquer les auteurs d'infraction et
d'accorder aux détenus des droits opposables aux autorités n'était pas
encore reconnue. À l'heure actuelle, les textes applicables sont la loi
sur les prisons (PB 1930, No 73) (fondée sur l'article 26 du Code pénal
d'Aruba), l'ordonnance sur les prisons (PB 1958, No 18) et les instructions
pour le personnel pénitentiaire (PB 1958 No 19). Avec les Titres II et
III du Livre 1 du Code pénal d'Aruba, ces règlements constituent le droit
applicable à la mise en détention provisoire, aux peines d'emprisonnement
et à d'autres formes de détention. Comme le Code pénal d'Aruba, l'ordonnance
sur les prisons et les instructions pour le personnel pénitentiaire n'interdisent
pas expressément la torture mais comprennent simplement l'instruction "de
traiter les détenus avec considération, sans fraterniser avec eux" (art. 13 des instructions pour le personnel pénitentiaire).
75. Dans le souci de moderniser la législation sur la détention dans son
ensemble et d'améliorer la situation des détenus, un projet de loi réglementant
l'exécution des peines privatives de liberté a été élaboré. La rédaction
de ce projet de loi a été annoncée au cours de la quatorzième session
du Comité contre la torture en 1995. Toutefois, le projet initial a été
profondément remanié sur la recommandation du Conseil consultatif d'Aruba,
ce qui a entraîné certains retards. Le texte est actuellement au stade
où il peut être présenté d'ici peu au Parlement d'Aruba. Il ne comprend
pas une interdiction explicite de la torture. Une telle interdiction
ne serait d'ailleurs pas logique puisque l'objet fondamental de la loi
du point de vue de la primauté du droit est de mettre l'accent sur les
droits des détenus et d'empêcher expressément tout acte qui les limiterait
ou y porterait atteinte (y compris les droits fondamentaux). En raison
de cette reconnaissance expresse des détenus en tant que personnes indépendantes ayant
des droits et des obligations en vertu de la loi, il n'est pas nécessaire
de formuler une interdiction de la torture applicable au système pénitentiaire.
Là encore, toutefois, la torture est une infraction pénale relevant des
dispositions générales sur la torture contenues dans le projet de loi
donnant effet à la Convention contre la torture.
76. Toutes les atteintes autorisées aux droits fondamentaux des détenus
ont été expressément définies et les conditions auxquelles elles sont
possibles sont énoncées de manière exhaustive. S'il est porté illégalement
atteinte à ces droits, par exemple en raison des conditions de détention,
les détenus sont juridiquement fondés à déposer une plainte à ce sujet
auprès d'une commission indépendante de visiteurs qui est chargée de
veiller à ce que les peines d'emprisonnement soient exécutées dans les
formes prescrites par la loi. Pour déposer une plainte, un détenu peut
être assisté d'un avocat. Les décisions de la commission des visiteurs
concernant une plainte déposée par un détenu s'imposent aux autorités
chargées de la détention.
77. Le projet de loi définit avec précision les formes et les conditions
dans lesquelles il peut être porté atteinte à l'intégrité physique d'un
détenu. Toute fouille destinée à constater si des détenus sont en possession
d'objets interdits ne peut aller au-delà d'une fouille externe du corps
et des vêtements. Les détenus ne peuvent être contraints de suivre un
traitement médical que s'ils ont - ou si l'on pense qu'ils ont - une
maladie faisant peser une grave menace sur leur santé ou celle des autres
détenus. Enfin, les mesures de contrainte physique - y compris le recours
à la force - ne sont autorisées que si, et dans la mesure où, elles sont
absolument nécessaires pour maintenir l'ordre ou la sécurité à l'intérieur
de la prison, mettre à exécution les décisions des autorités concernant
les peines ou empêcher un détenu de s'évader. Il est expressément prévu
à cet égard que les mesures de contrainte physique ne peuvent jamais
être appliquées dans le cas où leurs conséquences (pour le détenu) seraient
disproportionnées
par rapport au but recherché. Il est aussi précisé que si ces mesures
sont nécessaires, les autorités doivent y recourir sous la forme qui
produira l'effet désiré avec un minimum de dommages. En outre, dans tous
les cas, un médecin doit être appelé à examiner un détenu dans les 24
heures qui suivent le recours à une mesure de contrainte. Les détenus
peuvent déposer une plainte concernant l'usage de la force auprès de
la commission des visiteurs mentionnée précédemment.
II. RENSEIGNEMENTS RELATIFS AUX ARTICLES DE LA CONVENTION
Article 2
Paragraphe 1
78. Les mesures visant à prévenir la torture à Aruba sont de deux sortes.
Premièrement, la loi exclut le recours à la torture à Aruba. Le droit
de tout individu à l'inviolabilité de la personne est énoncé à l'article
I.3 de la Constitution d'Aruba (AB 1987, No GT 1). Aux termes de cet
article, le droit fondamental à l'inviolabilité de la personne ne peut
être limité que par voie d'ordonnances ou en application d'ordonnances,
en d'autres termes par la législation d'Aruba. Cette disposition a donc
été incluse dans différents textes législatifs. Les plus importants sont
le Code pénal d'Aruba (AB 1991, No GT 50) et le projet de loi donnant
effet à la Convention contre la torture, qui devrait être adopté par
le Parlement d'Aruba et entrer prochainement en vigueur. En application
de ce projet, la torture sera qualifiée d'infraction non pas en vertu
du Code pénal mais en vertu d'une ordonnance spéciale. La définition
de la torture en tant qu'infraction a été étroitement calquée sur le
paragraphe 1 de l'article premier
de la Convention; cette infraction est sanctionnée par de très lourdes
peines privatives de liberté (de 15 ans d'emprisonnement à la réclusion
à perpétuité). On trouvera un exposé détaillé des dispositions du Code
et du projet de loi dans les observations relatives à l'article 4 ci-dessous
de la Convention.
79. Deuxièmement, la possibilité de recours à la torture est évitée par
un régime de surveillance préventive et des contrôles réguliers du traitement
des détenus. Ces mesures de surveillance et de contrôle sont actuellement
organisées de trois façons. Premièrement, l'administration pénitentiaire
d'Aruba est dotée d'une commission de visiteurs créée en vertu de l'ordonnance
sur la commission des visiteurs (prisons et maisons d'arrêt) (AB 1995,
No GT 25); la commission est essentiellement chargée de contrôler les
conditions dans lesquelles les peines d'emprisonnement et les sanctions
pénales sont exécutées. Aux termes de l'article 4 (première phrase de
l'article et alinéa a)) de l'ordonnance précitée, elle a en particulier
pour fonction "de
suivre de près toutes les questions relatives à l'institution, notamment
le traitement des prisonniers et le respect des règlements". À cet effet, les membres de la commission sont autorisés à accéder à tout moment
à toutes les parties d'un établissement et à tous les locaux occupés
par des détenus (art. 5 1)). Aux termes de l'article 6 de l'ordonnance,
la commission est autorisée à prendre connaissance des souhaits et des
opinions des détenus en s'entretenant personnellement avec eux et les
détenus peuvent communiquer avec la commission sans être soumis à une
forme quelconque de censure. De cette façon, toute irrégularité dans
le traitement des détenus peut être rendue publique. La commission est
tenue avant le 1er mars de chaque année de rendre compte au ministre
responsable de l'administration pénitentiaire du travail qu'elle a accompli
au cours de l'année écoulée.
80. La commission des visiteurs exercera aussi une fonction judiciaire
lorsque le projet de loi régissant l'exécution des peines privatives
de liberté entrera en vigueur. Ce projet définit de manière très précise
les droits et obligations des détenus. Ceux-ci seront autorisés à déposer
une plainte auprès de la commission des visiteurs concernant toute limitation
ou violation de leurs droits. La commission agit à cet égard en tant
que tribunal de recours indépendant des autorités chargées de la justice
pénale et rend des jugements qui s'imposent à l'administration pénitentiaire.
Le président de la commission des visiteurs appartient à la magistrature
d'Aruba.
81. La deuxième garantie visant à veiller à ce que les mesures de surveillance
et de contrôle assurent un traitement correct des détenus est prévue
par le nouveau Code de procédure pénale d'Aruba. Celui-ci donne d'abord
effet à l'article I.5, paragraphe 3 a), de la Constitution, aux termes
duquel un détenu peut s'adresser à un tribunal pour qu'il se prononce
rapidement sur la légalité ou non de sa détention. En vertu du Code,
un suspect a le droit d'être traduit devant un juge dans les trois jours
qui suivent son arrestation (art. 89, par. 1). Ce droit est aussi applicable
pendant la garde à vue du suspect. Même par la suite, la légalité de
la détention est contrôlée à intervalles réguliers (pendant toute la
durée de la détention provisoire). Bien que l'action des tribunaux ait
essentiellement pour but de veiller à ce que les conditions justifiant
la détention soient remplies, le Code n'empêche pas que soit soulevée
lors du procès la question du recours à des pratiques contraires à la
Convention. Les organes judiciaires
exercent donc un contrôle sur la détention, à la fois dans les locaux
de la police et dans les maisons d'arrêt.
82. Une disposition d'importance exceptionnelle en ce qui concerne le traitement
des détenus, notamment pendant leur garde à vue, figure à l'article 90
du Code de procédure pénale d'Aruba. Cet article définit les mesures,
y compris les mesures de contrainte, qui peuvent être prises à l'encontre
d'un détenu pendant la période de garde à vue et de détention provisoire.
Les contraintes pouvant être appliquées à l'encontre d'un détenu en vertu
de cet article et portant atteinte au droit fondamental à l'inviolabilité
de la personne ne peuvent être ordonnées que par le ministère public,
après autorisation du juge d'instruction (un membre de la magistrature).
Une forme spéciale de réparation pour une telle atteinte est prévue au
paragraphe 7 de l'article 90 susmentionné, qui permet l'introduction
d'une instance devant la Cour de justice commune des Antilles néerlandaises
et d'Aruba.
83. Enfin, le Code de procédure pénale confère aux détenus le droit d'être
assistés par un avocat, qui peut intervenir dès le début de la procédure,
avant même le début des premiers interrogatoires par la police. L'assistance
de l'avocat est toujours gratuite pendant la période de garde à vue.
Il en résulte que la façon dont un détenu est traité est toujours suivie
directement par un avocat représentant celui-ci, qui peut immédiatement
intervenir si son client est traité d'une manière contraire à la Convention.
84. Le système juridique prévoit aussi plusieurs recours permettant aux
détenus, le cas échéant, d'obtenir réparation auprès des tribunaux en
cas de traitement illégal ou de demander à un tribunal d'interdire à
l'avenir tout acte constituant un traitement illégal. Ces recours peuvent
être fondés sur le Code de procédure pénale d'Aruba ou formés dans le
cadre d'une instance purement civile. En outre, en cas de violation grave
des droits fondamentaux d'une personne au cours de la garde à vue ou
de la détention provisoire, la jurisprudence montre que les tribunaux
peuvent dans la pratique juger que la réquisition du ministre public
de l'application d'une peine privative de liberté ou d'une mesure de
contrainte n'est pas recevable et ordonner la remise en liberté immédiate
du détenu.
Paragraphe 2
85. Le système juridique d'Aruba comprend plusieurs dispositions législatives
particulières visant les circonstances exceptionnelles telles que celles
mentionnées au paragraphe 2 de l'article 2 de la Convention. Toutefois,
l'obligation fondamentale selon laquelle toute action des autorités doit
être licite et conforme aux principes de l'État de droit continue d'être
pleinement respectée dans le cadre de la législation.
Paragraphe 3
86. Le paragraphe 3 de l'article 2 de la Convention dispose qu'un ordre
émanant d'un supérieur ou d'une autorité publique ne peut être invoqué
pour justifier la torture. Les articles 44 et 45 du Code de procédure
pénale d'Aruba comprennent des dispositions concernant expressément le
respect des textes de loi ou les ordres donnés par un supérieur. En vertu
de ces articles, une personne qui commet une infraction pénale en appliquant
un texte de loi ou en obéissant à des ordres donnés par une autorité
compétente ne peut être poursuivie. Toutefois, un fonctionnaire invoquant
cet argument comme moyen de défense doit prouver que l'ordre en question
a été donné par l'autorité compétente et qu'il a obéi à cet ordre en
estimant de bonne foi qu'il avait été donné par l'autorité en question.
87. Afin d'exclure toute possibilité que l'ordre d'un supérieur soit invoqué
comme moyen de défense contre une accusation de torture, le projet de
loi donnant effet à la Convention contre la torture dispose expressément
qu'un tel argument n'est pas recevable (art. 3 du projet de loi). Cela
permet d'éviter toute contestation concernant la question de savoir si
un fonctionnaire peut éviter une condamnation pour torture en invoquant
pour sa défense un ordre donné par son supérieur. L'article 3 du projet
de loi exclut aussi expressément la possibilité qu'un fonctionnaire puisse
invoquer pour justifier son acte qu'il agissait en application d'un texte
de loi.
Article 3
88. La politique d'immigration d'Aruba applique restrictivement l'ordonnance
sur l'admission et l'expulsion des étrangers (AB 1993 No GT 33). Un facteur
important dans ce cas est l'exiguïté du territoire qui fait qu'il n'est
pas possible de permettre à des personnes d'entrer à Aruba en nombre
illimité pour s'y établir et y travailler. Il en résulterait des contraintes
excessives sur l'infrastructure et des situations regrettables. Étant
donné cette capacité limitée d'accueillir des étrangers, ceux-ci ne peuvent
être admis que dans l'intérêt réel d'Aruba ou si des raisons impérieuses
de nature humanitaire l'exigent.
89. Afin de séjourner à Aruba, un étranger doit détenir un permis de séjour
valable. Toute personne résidant à Aruba sans permis valable peut être
expulsée par le Ministre de la justice en vertu de l'article 19 de l'ordonnance
sur l'admission et l'expulsion des étrangers ou par le procureur général
en vertu de l'article 15. L'intéressé peut faire appel de la décision
du Ministre de la justice conformément à l'ordonnance sur les recours
contre les décisions administratives (AB 1993 No 45).
90. Conformément à l'article 2 de la Charte du Royaume des Pays-Bas et
à l'ordonnance sur l'admission et l'expulsion des étrangers, les demandes
d'asile à Aruba présentées sur ce territoire sont examinées par les autorités
d'Aruba. Les demandes d'asile aux Pays-Bas présentées à Aruba sont examinées
par la mission néerlandaise. Le Protocole de 1967 relatif au statut des
réfugiés est entré en vigueur à Aruba le 1er janvier 1986. Le terme "réfugié" vise
uniquement, à la fois dans la Convention de Genève de 1951 et dans le
Protocole, les personnes qui craignent avec raison d'être persécutées.
Les États conservent le droit de décider qui répond à cette définition.
Si une personne est considérée comme réfugié, les parties au Protocole
ne peuvent ni l'expulser ni la refouler. Comme Aruba n'a pas de procédure
légale pour examiner les demandes d'asile, chaque demande doit être examinée
individuellement. Cela s'explique par le fait qu'il n'y a eu jusqu'à
présent pratiquement aucune demande d'asile politique. Malgré l'absence
de procédure légale dans ce domaine, les autorités concernées collaborent
aussi étroitement que possible pour déterminer s'il y a une crainte fondée
de persécution (confirmée par des faits) et, dans l'affirmative, pour
fournir à la personne concernée une protection suffisante. Des consultations
ont également lieu avec le Ministère des affaires étrangères à La Haye,
les missions diplomatiques du Royaume à l'étranger et les organisations
internationales concernées. La décision définitive concernant une demande d'asile
est prise par le Ministre de la justice.
Article 4
91. La responsabilité pénale à raison d'actes de torture est régie par
le projet de loi donnant effet à la Convention contre la torture. D'autres
formes de violence physique sont qualifiées d'infractions dans le Code
pénal d'Aruba.
92. L'auteur de tels actes doit en principe être un fonctionnaire ou une
autre personne agissant à titre officiel. Les actes en question peuvent
viser des violences physiques, des tentatives de commettre de tels actes
ou le fait de les ordonner, de les permettre ou de les tolérer. Comme
les différentes formes de violence assimilées à la torture constituent
des formes de violence grave, toute tentative est également une infraction.
93. Les articles 313 à 318 du Code pénal d'Aruba prévoient que l'infraction
qualifiée de violence et les formes de violence grave sont passibles
de sanctions pénales. Les peines applicables dans ce cas sont les suivantes
: de deux ans d'emprisonnement au plus pour des coups et blessures (art.
313 par. 1) à 15 ans d'emprisonnement pour des violences graves commises
avec préméditation (art. 316, par. 2). Les peines peuvent être augmentées
d'un tiers pour les fonctionnaires qui commettent l'infraction dans l'exercice
de leurs fonctions (art. 46), lorsque ces fonctionnaires agissent en
violation d'une obligation spéciale prévue par la loi ou abusent, en
commettant l'infraction, de pouvoirs, de possibilités ou de moyens découlant
de leur charge. La peine maximale pour violences graves commises par
un agent de l'État dans l'exercice de ses fonctions est de 16 ans (art.
316, par. 1, conjointement avec l'article 46), mais de 20 ans en cas
de décès de la victime (art. 316, par. 2, conjointement avec l'article
46). Ces peines
sont très similaires à celles prévues dans le projet de loi donnant effet
à la Convention contre la torture.
94. À propos de la différence entre l'infraction qualifiée de torture et l'infraction qualifiée de violence, on notera par souci de clarté que dans la terminologie du droit pénal d'Aruba seules les formes de violences très graves sont assimilables à la torture. En qualifiant la torture de violence grave au sens précis des articles 315 et 316 du Code pénal, on ne rend pas tout à fait justice à la finalité des dispositions de la Convention. Un acte de violence grave suppose une lésion grave, y compris le préjudice moral mentionné au paragraphe 2, de l'article 84 du Code. La torture peut toutefois entraîner des douleurs ou des souffrances très fortes sans laisser pour autant de traces physiques ou mentales. C'est pour cette raison qu'il ne suffit pas d'employer le terme "violence grave" dans l'ordonnance donnant effet à la Convention. Bien qu'il soit fait référence à la violence plutôt qu'à la violence grave dans la définition de la torture, il ne faut pas en conclure que la définition ne s'étend pas aux formes de violence qui sont moins graves, du point de vue des douleurs et des souffrances infligées, qu'un acte de violence grave provoquant des lésions physiques.
95. La peine d'emprisonnement maximale qui peut être imposée à Aruba est
la réclusion à vie (art. 11, par. 1). L'article 14 de la Constitution
dispose que la peine capitale ne peut être prononcée. Cette peine ne
figure donc plus dans le Code pénal. On notera aussi que les peines maximales
peuvent être infligées non seulement à l'auteur des violences mais aussi
à toute personne qui les ordonne, qui en est complice ou qui les facilite
délibérément (art. 49).
Article 5
96. Les articles 2 à 8 du Code pénal d'Aruba réglementent la question de
la compétence. Les articles 2, 3 et 8 sont importants au regard de la
Convention. Ils disposent que le droit pénal d'Aruba s'applique à toute
personne reconnue coupable d'un acte de torture à Aruba ou à bord d'un
navire ou d'un aéronef d'Aruba, sauf disposition contraire du droit international.
La législation d'Aruba est donc conforme à la prescription énoncée à
l'article 5, paragraphe 1 a), de la Convention.
97. Afin de respecter entièrement les obligations formulées au paragraphe
1 b) et c) et au paragraphe 2 de l'article 5 de la Convention, l'article
5 du projet de loi donnant effet à la Convention contre la torture comprend
une clause de compétence universelle. Selon cette clause, toute personne
qui commet un acte de torture en dehors du territoire d'Aruba commet
une infraction au sens des articles 1er et 2 du projet de loi. Le paragraphe
2 de l'article 5 du Code pénal d'Aruba prévoit déjà en partie qu'Aruba
est compétente dans les affaires visées au paragraphe 1 b) de l'article
5 de la Convention, mais il n'a pas été possible d'engager des poursuites
dans tous les cas.
Article 6
Fonctionnaires chargés des enquêtes
98. Aux termes du Code de procédure pénale (art. 184) les personnes chargées
d'enquêter sur les infractions sont des fonctionnaires de la police ou
des officiers de police spécialisés, si ceux-ci ont été nommés par le
Ministre de la justice ou en son nom. Les autres personnes chargées des
enquêtes sur les infractions sont celles qui ont été désignées dans des
règlements spéciaux pour veiller à l'application des dispositions réglementaires,
d'en assurer le respect ou d'enquêter sur les infractions définies dans
ces textes (art. 185). Les personnes qui sont compétentes pour effectuer
les enquêtes sont les procureurs généraux, les magistrats du parquet
et les chefs de la police locale. S'ils exercent ce pouvoir, ils sont
désignés comme fonctionnaires chargés des enquêtes aux fins de l'application
du Code de procédure pénale (art. 1). Ce changement d'attributions, où
le procureur n'est plus chargé des enquêtes mais est simplement compétent
pour enquêter, traduit le fait que les enquêtes relèvent de la responsabilité
du département des enquêtes pénales de la police.
99. Le procureur ou le chef du parquet suit le déroulement de l'enquête
et peut donner des ordres aux personnes qui en sont chargées ou qui ont
compétence pour enquêter (art. 183, par. 1). En ce qui concerne le contrôle
général de l'enquête, toutefois, le chef du parquet est tenu de suivre
les instructions du procureur général (art. 4, par. 2, ordonnance sur
l'organisation judiciaire; voir aussi art. 14, Code de procédure pénale).
En d'autres termes, le procureur général, en tant que chef du parquet
général, peut émettre des directives concernant les enquêtes et les réquisitions.
Ce n'est que s'il est saisi par voie d'appel que le procureur général
ordonne directement un supplément d'enquête (art. 183, par. 3). Le procureur
est responsable de toute l'instruction préparatoire, sous réserve des
dispositions du nouveau Code de procédure pénale relatives à l'intervention
du juge d'instruction (art. 183, par. 2).
Conséquences d'une violation des normes
100. L'application des dispositions des conventions sur les droits de l'homme
et des principes garantissant une procédure régulière a permis aux tribunaux
d'acquérir progressivement une plus grande liberté d'appréciation de
tous les intérêts en cause dans une affaire. Ce pouvoir d'appréciation
des différents intérêts en cause est venu s'ajouter à leur pouvoir d'appliquer
la loi. Inspirés par les conventions sur les droits de l'homme, les tribunaux
ont créé depuis quelques dizaines d'années leur propre système de sanctions "extralégislatif".
Si le parquet général porte atteinte aux principes de la procédure pénale,
les tribunaux peuvent décider que l'affaire est irrecevable ou, lorsque
cette atteinte est moins grave, que les preuves produites ne sont pas
recevables. Le motif invoqué dans chaque cas est que la norme qui a été
enfreinte visait à protéger le suspect et qu'il a été effectivement porté
atteinte à ses intérêts du fait de cette violation.
101. Le suspect ou son avocat peut également soumettre aux tribunaux la
question d'une violation de normes. En fonction du stade de la procédure,
le juge compétent en la matière peut être un juge du fond, la chambre
d'accusation ou le juge d'instruction. On notera à ce propos que les
tribunaux eux-mêmes peuvent décider de leur propre initiative d'examiner
une violation de normes (art. 413, par. 1). La principale règle suivie
alors est que le juge cherche à déterminer si la norme qui a été enfreinte
peut être rectifiée d'une façon qui soit conforme à sa teneur et à son
champ d'application. Il peut émettre les instructions nécessaires à cet
effet (art. 413, par. 1). Selon le paragraphe 2 de l'article 413, il
n'y aura pas rectification :
a) Si celle -ci n'est plus possible en pratique;
b) Si le Code contient une disposition différente applicable en l'espèce;
c) Si la rectification porterait par trop atteinte aux intérêts de la défense
ou de l'accusation.
102. Des dispositions distinctes sont applicables dans les cas où la durée
de la privation de liberté autorisée a été dépassée. Selon le paragraphe
3 de l'article 413, cette durée peut être prolongée dans des circonstances
exceptionnelles. Une telle mesure ne peut toutefois être prise que si
la libération du suspect risque de compromettre la crédibilité du système
juridique à un point tel qu'il est indubitablement dans l'intérêt général
que la personne concernée reste en détention. Lorsque c'est le cas, le
juge peut, à la demande du procureur, fixer une nouvelle période de détention
dans un délai maximal de 24 heures avant l'expiration de la première
période. Il faut en outre, que le Code prévoit une nouvelle période de
détention et que les conditions légales à ce sujet soient respectées.
103. Lorsque la rectification au sens des paragraphes 1, 2 et 3 de l'article
413 n'est pas possible, la violation d'une norme n'entraîne généralement
aucune conséquence (art. 413, par. 4). Selon le paragraphe 5 du même
article cette règle est soumise à deux exceptions :
a) Lorsqu'une disposition légale particulière prévoit déjà les conséquences
de la violation d'une norme (en d'autres termes, lorsque l'acte est nul
du point de vue procédural);
b) Lorsque, en cas de violation de normes essentielles à la procédure,
le juge décide dans son jugement définitif d'imposer une sanction procédurale,
soit de sa propre initiative, soit à la demande du parquet ou du prévenu
(ou de son avocat).
104. Dans le deuxième cas (atteinte à une norme essentielle à la procédure)
la loi prévoit les sanctions suivantes :
a) Réduction de la peine (art. 413, par. 5 a));
b) Exclusion d'éléments de preuve (art. 413, par. 5 b));
c) Nullité de l'instance transmise par le parquet (art. 413, par. 5 c));
d) Indemnisation en plus ou à la place des sanctions susmentionnées (art.
413, par. 6).
105. Si la peine doit être réduite, il doit exister des raisons suffisantes
de penser que le préjudice causé par la violation de la norme peut être
réparé. Les preuves ne peuvent être écartées que si les résultats de
l'enquête ont été obtenus directement grâce à l'irrégularité commise
et s'il y a des raisons suffisantes de supposer que la défense a été
sérieusement entravée par l'utilisation de ces résultats de l'enquête.
L'instance soumise par le parquet ne sera déclarée nulle que si la façon
dont l'affaire a été instruite a empêché le prévenu d'être équitablement
jugé.
106. Le septième et dernier paragraphe de l'article 413 se réfère à tous
les paragraphes précédents : en examinant la violation d'une norme et
ses conséquences possibles, et en appréciant les différents intérêts
en cause, le juge doit prendre d'abord en considération la nature, l'importance
et le champ d'application de la norme qui a été violée, puis la gravité
de la violation et, enfin, le degré de culpabilité de la personne responsable
de cette violation.
Mesures de contrainte avant la clôture de l'instruction : généralités
107. Le Livre 3 du Code commence par une disposition générale qui codifie
certains principes généraux garantissant la régularité de la procédure
(art. 71). L'autorisation d'un juge est nécessaire pour pouvoir appliquer
des mesures de contrainte rigoureuses avant la clôture de l'instruction.
Les trois mesures nouvelles avant la clôture de l'instruction sont la
fouille au corps (art. 78, par. 3), les tests d'ADN (art. 79) et les
écoutes téléphoniques (art. 167 à 174).
108. L'article 71 énonce les conditions générales qui s'appliquent à toute
forme de mesure de contrainte avant la clôture de l'instruction. Il ne
modifie pas les obligations légales particulières régissant l'application
de ces mesures. Les conditions générales énoncées à l'article 71 sont
une codification des principes non écrits les plus courants garantissant
une procédure régulière. Ces principes servent de directives générales
pour déterminer la marge d'appréciation laissée par les critères d'application
(par exemple suspicion, graves présomptions et intérêts en cause dans
l'enquête).
109. L'application d'une forme quelconque de contrainte avant la clôture
de l'instruction est subordonnée aux conditions générales suivantes :
a) Le recours à une mesure de contrainte ne doit pas être excessif par
rapport aux différents intérêts en cause (l'application d'une mesure
de contrainte ne doit pas être arbitraire);
b) Le pouvoir d'appliquer une mesure de contrainte ne peut être exercé
à des fins autres que celles pour lequel il a été conféré (l'application
de la mesure ne doit pas constituer un abus de pouvoir);
c) Le but de la contrainte ne doit pas pouvoir être atteint d'une manière
différente, plus efficace et moins radicale (principe de subsidiarité);
d) La gravité de l'atteinte aux droits du suspect causée par la mesure
de contrainte doit être justifiée par la gravité de l'acte qu'il est
accusé d'avoir commis (principe de proportionnalité).
110. La codification de ces principes ne signifie pas que l'on ne puisse
en invoquer d'autres (non écrits). Cela ressort d'une manière évidente
du seul fait que l'article 413 porte sur les conséquences des violations
de "normes",
qui sont définies au paragraphe 1 comme constituant à la fois des textes
de loi et des règles juridiques non écrites.
Mesures de contrainte comportant une privation de liberté : interrogatoire,
garde à vue et détention provisoire
Interrogatoire
111. Il découle de l'article 73 qu'un suspect qui a été arrêté doit être
conduit dans un lieu d'interrogatoire. Avant que l'interrogatoire ne
commence le suspect est informé de ses droits (art. 82). En outre, l'article
48 prévoit qu'un suspect doit avoir la possibilité d'exercer son droit
à l'assistance d'un avocat. Par la suite quatre possibilités peuvent
se présenter :
a) L'interrogatoire commence immédiatement;
b) Le suspect est immédiatement placé en garde à vue;
c) Le suspect est traduit devant un magistrat instructeur qui peut décider
de le placer en détention provisoire;
d) Le procureur ou le chef du parquet remet le suspect en liberté.
112. Il s'ensuit qu'un fonctionnaire chargé de l'enquête n'est pas obligé
d'utiliser la totalité ou une partie du délai de six heures durant lequel
il doit mener l'interrogatoire prévu à l'article 80. L'utilisation de
ce délai dépend entièrement des circonstances. La période de six heures
est censée ne pas être dépassée; si l'interrogatoire peut se dérouler
plus rapidement, le suspect n'est pas contraint de "subir" l'interrogatoire
pendant six heures. Selon le paragraphe 2 de l'article 80, cette période
commence au moment où le suspect arrive sur les lieux de l'interrogatoire.
Si, toutefois, le suspect n'est pas dans un état permettant de l'interroger,
la période commence au moment où il peut l'être.
113. En principe, la période comprise entre 22 heures et 8 heures est exclue
du délai prévu pour l'interrogatoire. Toutefois, le chef du parquet peut
ordonner qu'un interrogatoire qui a commencé avant 22 heures se poursuive
si cette décision est dans l'intérêt de l'enquête. La période de l'interrogatoire
après 22 heures est déduite de la période de six heures (art. 80, par.
1).
Garde à vue
114. Le procureur ou le chef du parquet devant lequel est traduit le suspect
ou qui l'a lui-même fait arrêter peut ordonner, après l'interrogatoire,
que le suspect soit placé en garde à vue dans l'intérêt de l'enquête
(art. 83, par. 1). Avant que cette ordonnance ne soit prise, le suspect
est interrogé par le procureur ou le chef du parquet. Il est aussi avisé
qu'il bénéficiera gratuitement de l'assistance d'un avocat commis d'office
pendant la durée de la garde à vue (art. 83, par. 2).
115. Selon l'article 86 la garde à vue n'est possible que dans le cas d'une
infraction pour laquelle la détention provisoire est autorisée. Si le
procès a commencé, cette ordonnance ne peut plus être prise pour la même
infraction.
116. L'article 87 fixe la durée de la garde à vue. L'ordonnance de placement
en garde à vue est applicable pour une durée maximale de deux jours.
Seul le procureur est autorisé à prolonger cette période et il ne peut
le faire qu'une fois pour une durée maximale de huit jours dans l'intérêt
de l'enquête. Une prolongation n'est possible qu'en cas de nécessité
urgente. Conformément à l'arrêt Brogan de la Cour européenne des droits
de l'homme, le nouveau Code prévoit qu'un suspect doit être traduit devant
le magistrat instructeur dès que possible, mais au plus tard 24 heures
après que le procureur a ordonné une prolongation de la garde à vue.
La durée maximale pouvant s'écouler entre l'arrestation du suspect et
sa comparution devant le magistrat instructeur est de trois jours et
16 heures.
Détention provisoire
117. Le Titre VIII du Livre 3 porte sur la détention provisoire (placement
en détention provisoire sur ordonnance du magistrat instructeur, prolongation
de la détention provisoire sur ordonnance du tribunal de première instance
et placement en détention provisoire sur ordonnance de ce tribunal).
L'article 100 énumère les cas où la détention provisoire peut être ordonnée
:
"
1. Une ordonnance de mise en détention provisoire peut être prise à l'encontre
d'une personne si elle est soupçonnée :
a) d'avoir commis une infraction pénale grave qui est punie par la loi
d'une peine d'emprisonnement de quatre ans ou plus,
b) d'avoir commis une des infractions pénales graves visées à l'article
204, paragraphes 1 et 2, aux articles 236, 245, paragraphes 3, 259, 266
et 298, paragraphe 1, aux articles 321 a), 334, 339, 339 a) et 336, paragraphe
1 et aux articles 368, 404, 405, 410 et 431 du Code pénal.
2. L'ordonnance peut aussi être prise si le suspect n'a pas d'adresse ou
de lieu de résidence fixe à Aruba et qu'il est soupçonné d'avoir commis
une infraction pénale grave passible d'une peine d'emprisonnement."
118. L'ordonnance mentionnée à l'article 100 ne peut être prise en vertu
de l'article 101 que s'il y a des "charges
sérieuses" à l'encontre du suspect. En outre, il doit exister un risque véritable que celui-ci
prenne la fuite si les autorités ont la conviction qu'il constitue une
menace réelle pour la société (art. 101, par. 1). Le paragraphe 2 de l'article
101 donne une liste exhaustive des raisons de croire qu'un suspect constitue
une menace réelle pour la société. En bref, il doit y avoir eu une atteinte
sérieuse à l'ordre public, un danger de récidive ou une entrave à l'action
de la justice.
119. Une ordonnance de mise en détention provisoire est valable huit jours
au plus et peut être prolongée une fois pour une nouvelle période de
huit jours au plus. Les ordonnances sont toujours prises par le magistrat
instructeur à la demande du procureur (art. 92 et 93). Le magistrat instructeur
entend le suspect soit avant de prendre la première ordonnance, soit
dès que possible par la suite (art. 92, par. 3). En cas de demande de
maintien du suspect en détention provisoire, le magistrat instructeur
doit l'inviter à dire s'il pense qu'il y a des motifs valables de le
faire (art. 93, par. 3).
120. Avant l'ouverture du procès, une ordonnance de maintien en détention
provisoire (art. 95) ou un mandat d'arrêt ou une ordonnance de mise en
détention provisoire (art. 96) est prise par le magistrat instructeur
à la demande du procureur. Selon le paragraphe 1 de l'article 98, une
ordonnance de maintien en détention provisoire, un mandat d'arrêt ou
une ordonnance de mise en détention provisoire par le magistrat instructeur
reste valable pendant une période qu'il aura lui-même fixée, mais qui
ne doit pas dépasser 60 jours (art. 98, par. 3). En principe, le procès
doit donc s'ouvrir dans les 90 jours suivant la date à laquelle l'ordonnance
de mise en détention provisoire prend effet. Dans des cas particuliers,
toutefois, la détention provisoire peut être prorogée une seule fois
pour une durée maximale de 30 jours (art. 98, par. 4).
121. Si l'ordonnance de maintien en détention provisoire, le mandat d'arrêt
ou l'ordonnance de mise en détention provisoire a été délivré à l'audience,
elle reste valable pour une période indéterminée tant qu'elle n'a pas
été annulée. Le même principe s'applique si l'ouverture du procès a eu
lieu pendant la période de 60 jours mentionnée au paragraphe 1 de l'article
98, (art. 98, par. 2).
122. Une ordonnance de mise en détention provisoire peut être annulée à
tout moment, soit par le magistrat instructeur, soit par le tribunal,
selon le stade de l'enquête (art. 103, par. 1). Un suspect qui demande
pour la première fois l'annulation de l'ordonnance de mise en détention
provisoire a la possibilité d'être entendu concernant sa requête. Par
la suite, le juge n'est plus obligé de l'entendre à ce sujet. De même,
il ne peut être fait appel qu'une seule fois d'une ordonnance de mise
en détention provisoire. À titre de compensation, le paragraphe 5 de
l'article 98 prévoit que le suspect a la possibilité d'être entendu lors
de chaque demande relevant de cet article.
123. Le Code prévoit aussi la possibilité de suspendre et d'ajourner la
mise en détention provisoire (art. 111 à 118). Selon le stade de la procédure,
le juge qui a ordonné la mise en détention provisoire ou le tribunal
qui juge (ou qui a jugé pour la dernière fois) l'affaire, est compétent
pour se prononcer sur une telle demande (art. 114).
124. La Partie 7, Titre VIII, du Livre 3 du Code porte sur la détention
provisoire dans le cas de jugements définitifs. Les paragraphes 1 et
2 de l'article 105 ont généralement pour objet de prévenir une situation
où la durée de la détention provisoire dépasserait la durée de toute
peine d'emprisonnement ferme qui a été prononcée. Il s'ensuit que dans
le cas d'une mesure de contrainte qui comprend - ou pourrait comprendre
- une privation de liberté, la détention provisoire est maintenue. Si
le mandat de comparution et l'acte d'accusation sont annulés (art. 105,
par. 5), ou s'il est fait appel d'une décision d'acquittement sur un
point de fait ou de droit (art. 105, par. 6), le procès (en première
instance ou en appel) doit commencer dans les trois semaines qui suivent
le jugement définitif.
125. Si un appel est interjeté après le jugement définitif en première
instance, les ordonnances mentionnées aux articles 96 à 103 sont émises
par la Cour de justice commune (art. 108, par. 1). Une ordonnance de
maintien en détention provisoire, un mandat d'arrêt ou une ordonnance
de mise en détention provisoire est valable pendant une période maximale
de cinq mois et peut être prorogé une seule fois par ladite Cour pour
une période maximale de 30 jours s'il y a des raisons valables de le
faire. Toutefois, la Cour devra dans les 30 jours qui suivent l'introduction
de l'appel, déterminer si les arguments et les motifs mentionnés aux
articles 100 et 101 sont encore valables (art. 108, par. 3).
126. Le paragraphe 4 de l'article 108, prévoit qu'une ordonnance de maintien
en détention provisoire, un mandat d'arrêt ou une ordonnance de mise
en détention provisoire est valable pendant une période indéterminée
(jusqu'à ce qu'aucun appel ne soit possible) s'il a été émis pendant
ou après le procès et si le procès a commencé dans les délais spécifiés
au paragraphe 3 de l'article 108. Il en est de même si un pourvoir en
cassation a été formé contre le jugement définitif ou si la Cour suprême
a renvoyé l'affaire devant la Cour de justice commune conformément à
l'article 14 du Règlement en matière de cassation des Antilles néerlandaises
et d'Aruba.
Instruction
Mécanismes de l'instruction
127. Le Code a pour objet de réduire le rôle joué par le magistrat instructeur
en tant que continuateur de l'action des autorités responsables de l'enquête.
En fait, ce magistrat a un rôle passif, qui consiste à suivre et à contrôler
le déroulement de la procédure. C'est le procureur qui est entièrement
chargé de l'instruction en tant que dominus litis de plein droit. À certains
moments décisifs, ses actes sont contrôlés ou entérinés par le magistrat
instructeur. Ce principe ressort du paragraphe 2 de l'article 155; le
procureur contrôle toute la phase de l'instruction, sans préjudice des
dispositions concernant l'intervention du magistrat instructeur.
128. La nature passive du rôle du magistrat instructeur est évidente dans
le cas, entre autres, de mesures de contrainte appliquées avant la clôture
de l'instruction. En principe, le magistrat instructeur ne peut décider
d'appliquer une mesure de contrainte de sa propre initiative, ni au cours
de l'instruction, ni dans d'autres circonstances; en règle générale,
il n'agit qu'à la demande du procureur. On peut citer toutefois les exceptions
suivantes à ce principe :
a) La saisie de tout objet pouvant faire l'objet d'une saisie (art. 130);
b) L'ordre de remettre ou de transférer tout objet pouvant être saisi (art.
131);
c) L'ordre de remettre différents courriers dans la mesure où ils sont
manifestement destinés au suspect ou envoyés par lui (art. 140, conjointement
avec les articles 127 à 129).
129. À l'issue de l'instruction, le magistrat instructeur peut de sa propre
initiative exercer ses pouvoirs (y compris le pouvoir d'imposer des mesures
de contrainte) pendant tout supplément d'enquête ordonné par le juge
du fond ou par la chambre d'accusation. En pareilles circonstances, rien
ne peut s'y opposer puisque le magistrat instructeur agit comme si les
instructions émanaient d'un tribunal indépendant. Le Code précise quatre
cas dans lesquels un supplément d'enquête peut être nécessaire :
a) Supplément d'enquête après la clôture de l'instruction mais avant l'ouverture
du procès (art. 274);
b) Supplément d'enquête pour déterminer si un mandat de comparution et
un acte d'accusation sont fondés (art. 359);
c) Renvoi de l'affaire au magistrat instructeur au cours du procès (art.
359);
d) Renvoi de l'affaire au magistrat instructeur après la reprise du procès
dans le cas où l'enquête s'est révélée incomplète après délibération
(art. 390 à 391, conjointement avec l'article 359).
130. Le rôle passif du magistrat instructeur ressort également du régime
d'application des mesures de contrainte. Une ordonnance de placement
en garde à vue est prise par le procureur ou le chef du parquet. Toute
prolongation de la garde à vue doit être ordonnée par ces derniers. La
prolongation est examinée par le magistrat instructeur dans les 24 heures
(art. 89, par. 1). Les ordonnances de mise en détention provisoire émanent
toujours du magistrat instructeur sur les réquisitions du procureur,
mais revêtent toujours la forme d'une autorisation. Le procureur n'est
pas tenu de recourir à cette procédure.
131. Une autre preuve du fait que le procureur est chargé de l'instruction
dans sa totalité est que le recours à une mesure de contrainte spéciale
(voir Livre 3) n'exige jamais comme condition préalable que l'instruction
a été ou sera ouverte. Naturellement, l'autorisation du magistrat instructeur
est toujours requise pour l'application de mesures fortement contraignantes.
132. Le magistrat instructeur joue encore un rôle déterminant dans l'interrogatoire
des suspects, des témoins et des experts. Ce n'est que dans le cadre
de l'instruction qu'un suspect qui est en liberté et tout témoin ou expert
peut être cités à comparaître devant le magistrat instructeur. Bien que
le procureur puisse nommer des experts en vertu de l'article 190, seul
le magistrat instructeur peut leur faire prêter serment (art. 263), les
obliger à comparaître (art. 262, conjointement avec l'article 247, par.
2) et leur imposer le secret (art. 271).
133. Le rôle moins important du magistrat instructeur au cours de l'instruction
a pour conséquence qu'il peut agir en tant qu'organe d'appel dans les
affaires où le suspect souhaite contester les décisions du procureur.
Déroulement de l'instruction : demande et clôture
134. Si le procureur considère qu'une instruction préalable est nécessaire
pour une infraction relevant des dispositions de l'article 187, il demande
au magistrat instructeur l'ouverture immédiate d'une enquête (art. 221).
Le suspect peut lui aussi tenter de faire ouvrir une enquête s'il est
en détention provisoire et n'a pas encore été traduit devant le tribunal
(art. 224, par. 2).
135. La clôture de l'instruction est irrévocable (art. 272). Un supplément
d'enquête ne peut être ordonné par le magistrat instructeur que s'il
est autorisé à le faire par la chambre d'accusation ou par le juge du
fond.
136. La clôture de l'instruction (parallèlement à la décision de continuer
ou non les poursuites) se déroule de la manière suivante. Le magistrat
instructeur met fin à l'instruction dans deux cas (art. 272). Premièrement,
il le fait s'il estime que l'enquête est terminée et qu'il n'y pas de
raisons de la poursuivre. En pareil cas, le procureur, dans le mois qui
suit la décision, prend les dispositions nécessaires pour clore l'instruction
afin que le suspect soit renvoyé devant le tribunal (art. 275, conjointement
avec l'article 279, par. 1) ou qu'une décision de non-lieu lui soit signifiée
(art. 279, par. 1). Dans le dernier cas, il est mis fin aux poursuites.
À moins que de nouveaux éléments de preuve soient découverts, le suspect
ne peut plus être poursuivi en droit pour l'infraction en question (art.
179, par. 1, conjointement avec l'article 282). En outre, toute ordonnance
de mise en détention provisoire est annulée dès que la décision de non-lieu
est notifiée au suspect (art. 283).
137. Deuxièmement, le magistrat instructeur met fin à l'instruction si
le procureur l'informe par écrit que les poursuites sont abandonnées.
En pareil cas l'article 276 prévoit que le procureur doit immédiatement
informer le suspect qu'il ne sera plus poursuivi pour l'infraction visée
par l'enquête (par. 1). En outre, toute ordonnance de mise en détention
provisoire est annulée dès que la décision d'abandon des poursuites est
prise (par. 2).
138. Aux termes de l'article 274, un supplément d'enquête peut être ordonné
par le magistrat instructeur après la clôture de l'instruction et avant
l'ouverture du procès.
Le procès
Introduction de l'instance
139. En règle générale, l'instance est introduite par la notification au
suspect d'un mandat de comparution et d'un acte d'accusation délivrés
par le procureur. L'instance commence dès le moment de cette notification
(art. 284). L'article 285 énumère les conditions que celle-ci doit satisfaire.
La condition générale est que le suspect doit avoir été, dans une mesure
raisonnable, jugé capable de comprendre l'accusation dont il est l'objet.
L'article 290 précise que la notification doit être adressée au suspect
au moins sept jours avant le procès dans les cas normaux. Jusqu'au début
du procès, le procureur peut annuler la notification (art. 291). Les
articles 299 à 301, qui figurent dans une partie séparée, portent sur
l'introduction de la procédure d'appel.
Mesures judiciaires en cas d'urgence
140. L'élément revêtant ici une signification particulière est que le procureur
a le pouvoir, dans le cadre d'une affaire pénale, de demander au tribunal,
sur la base de considérations relatives à la procédure pénale, de prendre
des mesures qui ne sont pas fixées par la loi. Il peut ainsi avant le
procès réagir de manière appropriée à une rupture du rapport juridique
entre les parties concernées qui aurait pour origine l'infraction commise.
Par exemple, dans certaines circonstances, il n'est pas possible de mettre
fin immédiatement à la situation constitutive de l'infraction ou exclure
le risque de récidive (au moyen de la détention provisoire ou en subordonnant
la remise en liberté à certaines conditions). Le procureur est aussi
à même de réagir plus efficacement vis-à-vis d'actes commis par le suspect
qui perturberaient indûment le système procédural des mécanismes régulateurs
(par exemple en influençant illégalement les parties à la procédure).
On peut citer comme exemples de mesures pouvant être demandées par
le procureur, et énoncées dans l'exposé des motifs du projet de loi,
la mise en garde contre la commission de toute nouvelle infraction et,
dans les cas particuliers, l'assignation à domicile.
Article 7
141. Aux termes des articles 2 à 8 du Code pénal d'Aruba et de l'article
5 du projet de loi portant application de la Convention contre la torture,
Aruba est compétente en matière de crimes de torture quel que soit l'endroit
où ils ont été commis et quel qu'en soit l'auteur. Cela signifie que
les autorités pénales peuvent poursuivre l'auteur d'une telle infraction
même si celle-ci a été commise ailleurs, à condition que le suspect se
trouve sur le territoire d'Aruba. L'obligation d'engager des poursuites
en pareil cas - obligation qui découle directement de l'article 7 de
la Convention - peut donc être satisfaite.
142. En pareil cas, les règles ordinaires de la procédure pénale prévues
par le Code de procédure pénale d'Aruba sont applicables. On notera qu'en
ce qui concerne le paragraphe 3 de l'article 7 de la Convention les règles
de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales sont directement applicables, du moins dans la
mesure où elles sont pertinentes en l'espèce.
Article 8
143. Aux termes du paragraphe 1 h) de l'article 3 de la Charte du Royaume
des Pays-Bas, l'extradition est une question qui relève du Royaume. Cela
signifie qu'Aruba et les Antilles néerlandaises ne peuvent réglementer
séparément le domaine de l'extradition. La législation concernant l'extradition
comprend l'ordonnance des Antilles néerlandaises sur l'extradition (publiée
au Journal officiel des Antilles néerlandaises, volume 1983, No 84),
qui est un décret-loi du Royaume. Le transfert extraditionnel des criminels
de guerre est une autre question réglementée dans le cas d'Aruba et des
Antilles néerlandaises par un décret-loi du Gouvernement du Royaume,
à savoir l'ordonnance sur l'extradition des criminels de guerre (Antilles
néerlandaises et Aruba) (publié au Journal officiel des Antilles néerlandaises,
volume 1954, No 115). Il serait bon d'ajouter la Convention contre la
torture à la liste des conventions citées à l'article premier de l'ordonnance
comme pouvant motiver une extradition.
144. L'ordonnance des Antilles néerlandaises sur l'extradition est aussi
destinée à être révisée et des entretiens à ce sujet sont en cours entre
les parties concernées. Cette ordonnance ne prévoit pas expressément
que l'extradition ne peut avoir lieu qu'en vertu d'une convention, mais
cette condition découle en fait du paragraphe 3 de l'article 2 de la
Constitution du Royaume des Pays-Bas. Comme la condition n'est pas énoncée
dans l'ordonnance des Antilles néerlandaises sur l'extradition, celle-ci,
à la différence de la loi néerlandaise sur l'extradition, ne comprend
pas la liste des conventions pouvant justifier l'extradition.
Article 10
145. Depuis qu'elle a obtenu un statut constitutionnel séparé en 1986,
Aruba a réglementé elle-même toutes les questions relatives à la police
et au système pénitentiaire. Un des résultats en a été la plus grande
importance accordée au traitement correct des détenus et personnes arrêtées,
conformément aux dispositions de la Constitution d'Aruba protégeant les
droits de l'homme.
Les forces de police d'Aruba
146. La formation de la police, depuis la base jusqu'aux échelons supérieurs,
comprend l'étude de la question des droits universels de la personne
humaine, y compris les droits des suspects et personnes en état d'arrestation.
Le stage permettant d'obtenir le certificat de police du niveau I comprend
des exposés sur le thème des droits de l'homme et de l'éthique policière.
Cette matière est aussi obligatoire aux niveaux II, III et IV.
147. En ce qui concerne la formation de la police en cours d'emploi, la
question des droits de l'homme sera aussi traitée dans le stage de formation
élémentaire qui doit commencer sous peu. Celui-ci prendra la forme d'ateliers
sur le traitement des personnes en état d'arrestation, qui seront organisés
sur place par différents organes, y compris la section d'Aruba d'Amnesty
international. Selon les forces de police, il importe que le stage soit
adapté dans toute la mesure possible aux exigences pratiques du métier.
Le stage élémentaire est destiné à dispenser une formation à la police
dans les domaines qui ne sont pas normalement traités dans la formation
policière.
148. Les directives concernant le traitement par la police des personnes
en état d'arrestation sont énoncées dans le Code de procédure pénale
et, de manière plus précise, dans les règlements de police. Elles fixent
de manière assez détaillée les procédures régissant l'arrestation, la
garde à vue, les interrogatoires et le traitement des détenus.
Prison centrale d'Aruba (KIA)
149. Au cours de sa formation, le personnel de la prison centrale d'Aruba
(KIA) étudie les droits des détenus et les droits de l'homme en général.
Parmi les thèmes traités figurent le droit pénal, la procédure pénale,
une introduction au droit, le droit pénitentiaire, les premiers soins,
la résolution des conflits, l'utilisation des armes à feu, les règlements
intérieurs des prisons, les compétences sociales, les droits de l'homme
et l'éthique, le sport et les techniques d'autodéfense. Dans l'avenir
il est prévu de modifier le décret sur la formation dans cet établissement
pour que le personnel puisse bénéficier d'un recyclage et d'une formation
permanente. La prison emploie actuellement deux travailleurs sociaux
pour aider et conseiller les détenus ainsi que pour former le personnel.
150. Il est prévu dans un proche avenir de modifier la formation de manière
à assurer des stages séparés pour deux fonctions distinctes, à savoir
un stage pour le personnel des prisons chargé de garder les détenus et
de leur dispenser des soins et des conseils, et un autre pour les gardiens
de prison qui seront directement responsables de la sécurité des bâtiments
ou du personnel et du transport des détenus. En préparation d'un amendement
au décret sur la formation, 23 personnes suivent actuellement un stage
destiné au personnel des prisons.
Articles 11 et 15
151. La règle de conduite générale est que les détenus doivent être traités
le plus correctement possible. Un fonctionnaire de police est obligé
d'informer un suspect de ses droits à la fois au moment de son arrestation
pour une infraction pénale et au début de l'interrogatoire. La hiérarchie
interne de la police et la répartition des responsabilités et des pouvoirs
servent en général à garantir que les suspects et les détenus seront
traités correctement. En outre, tout dysfonctionnement dans le comportement
de fonctionnaires de police est régulièrement abordé au cours des entretiens
tenus avec chaque agent sur le rapport d'évaluation le concernant.
Règles applicables aux interrogatoires
152. Le Code de procédure pénale contient des dispositions se rapportant
expressément à la procédure des interrogatoires (voir par. 111 à 113
ci-dessus).
153. Le paragraphe 1 de l'article 81 du Code de procédure pénale prévoit
aussi que les personnes détenues dans les locaux de la police ne doivent
être soumises qu'aux restrictions qui sont absolument nécessaires à leur
détention. L'agent qui procède à l'interrogatoire est aussi tenu d'informer
préalablement le suspect qu'il n'est pas obligé de répondre aux questions
posées (art. 82, par. 1 b), Code de procédure pénale).
154. L'agent qui procède à l'interrogatoire doit s'abstenir de toute action
qui aurait pour but d'obtenir du suspect une déclaration qu'il ne ferait
pas de son plein gré. Il s'ensuit que sont interdites toute forme de
violence, les contraintes mentales ou physiques, les promesses, etc.
En cas de violation de cette règle, l'interrogatoire est nul et le juge
ayant à connaître de l'affaire peut refuser comme preuve de l'infraction
le rapport officiel qui en indique les conclusions. Les résultats ainsi
obtenus peuvent être considérés par le juge comme des preuves obtenues
de manière illégale. À moins qu'il n'y ait d'autres preuves suffisantes
obtenues en application d'une procédure légale, l'accusé sera acquitté.
155. La première protection dont bénéficie un suspect est qu'il doit être
informé de ses droits au moment de son arrestation (art. 1.5, par. 3
b) de la Constitution d'Aruba). Un suspect jouit en outre des garanties
suivantes prévues dans le nouveau Code de procédure pénale. Le paragraphe
1 de l'article 50 prévoit que le suspect a le droit de refuser de répondre
aux questions. Le principe qui sous-tend cette règle est que nul ne peut
être obligé de témoigner contre lui-même. C'est un des principes fondamentaux
de la procédure pénale. Le suspect est normalement informé de ses droits
au moment où il est emmené jusqu'au lieu de l'interrogatoire et, dans
tous les cas, avant le début de celui-ci (art. 82, par. 1).
156. En plus de la notification verbale mentionnée au paragraphe 1 de l'article
82, un document qui lui indique ses droits dans une langue qu'il comprend
est remis au suspect (art. 82, par. 2). Le document, dont le format est
adopté par ordonnance, doit toujours être disponible dans une au moins
des langues suivantes : néerlandais, papiamento, anglais et espagnol.
S'il y a de sérieux doutes quant au fait que le suspect a compris la
notification, l'interrogatoire ne peut débuter avant que l'intéressé
soit assisté d'un interprète (art. 82, par. 4).
157. D'autres garanties sont prévues au paragraphe 3 de l'article 48, du
Code de procédure pénale. Cet article accorde au suspect le droit à l'assistance
d'un avocat. L'intention du législateur est qu'un suspect doit être informé
de ses droits avant le début du premier interrogatoire (interrogatoire
par la police). Si le suspect déclare vouloir exercer ce droit et que
cette décision découle d'un choix libre et rationnel, l'interrogatoire
doit être reporté jusqu'à ce que le suspect ait pu s'entretenir avec
son avocat. Une exception à cette règle n'est possible que si l'enquête
ne peut absolument pas être retardée ou s'il ne serait pas raisonnable
d'attendre l'arrivée de l'avocat.
158. L'article 49 du Code de procédure pénale accorde au suspect le droit à l'assistance d'un avocat au cours de l'interrogatoire. Il a droit à une telle assistance dans tous les cas où il est interrogé conformément aux dispositions du Code, son avocat ayant la possibilité de faire des observations pendant l'interrogatoire. Une exception à cette règle est prévue au paragraphe 4 de l'article 48 : l'avocat ne peut être présent aux interrogatoires menés par les responsables de l'enquête, c'est-à-dire les interrogatoires de la police.
Article 12
159. Le parquet enquête sur tout acte présumé de torture. Le chef du parquet
- le procureur général - est autorisé à donner des instructions aux agents
exerçant des fonctions de police pour empêcher, découvrir ou soumettre
à une enquête toute infraction grave ou mineure, s'il considère cette
procédure comme nécessaire dans l'intérêt de la justice.
160. La Division nationale des enquêtes criminelles peut être chargée d'enquêter
sur des actes criminels commis par des agents de la force publique ou
des fonctionnaires spéciaux dotés de pouvoirs de police. Elle a été créée
par le décret ministériel du 23 février 1993. Si le Ministère public
l'estime nécessaire, il peut demander au procureur général d'ordonner
qu'une enquête soit menée par cette Division.
161. La règle générale appliquée est que la Division nationale des enquêtes
criminelles intervient dans les cas où il ne doit y avoir aucun doute
quant à l'objectivité de l'enquête. On peut supposer que l'enquête est
alors objective puisque la Division est relativement éloignée des fonctionnaires
de police et des agents exerçant des pouvoirs de police. La Division
intervient dans les cas de recours à la force qui sont signalés au Bureau
du procureur général en application du décret national sur l'emploi de
la force par la police et les perquisitions de police. Il en va toujours
ainsi lorsque le recours à la force entraîne un décès ou des lésions
corporelles graves.
162. Un policier est habilité à user de la force contre des personnes ou
des biens dans l'exercice légal de ses fonctions, encore que ses interventions
soient soumises à des conditions strictes. Par exemple, le recours à
la force doit se justifier par son objet, compte tenu des dangers qu'il
présente, et n'avoir lieu que s'il est impossible de parvenir au même
but par d'autres moyens (art. 3 de l'ordonnance nationale sur la police,
AB 1998, No 18). En outre, le recours à la force doit être précédé, lorsque
cela est possible, d'un avertissement (art. 2). Il est réglementé de
manière plus détaillée dans un décret national distinct (le décret national
sur l'emploi de la force par la police et les perquisitions de police,
AB 1998, No 60).
163. Aux termes de l'article 11 du décret national sur l'emploi de la force
par la police et les perquisitions de police, tout fonctionnaire de police
employant la force contre une personne dans l'exercice de ses fonctions
doit immédiatement le signaler - en indiquant les raisons pour lesquelles
il l'a fait et les conséquences de son acte - à son supérieur ou à son
chef d'unité, lequel doit à son tour en informer sur le champ le chef
des forces de police. Si l'usage de la force par le fonctionnaire de
police a entraîné des lésions physiques plus que mineures, et dans tous
les cas où une arme à feu a été utilisée, le procureur doit être avisé
par le chef des forces de police ou en son nom, d'abord de manière verbale
et immédiate, puis au moyen d'un rapport écrit dans les 48 heures (art.
11, par. 6, du décret national sur l'emploi de la force par la police
et les perquisitions de police). La gravité de l'infraction détermine
si c'est la force de police elle-même ou la Division nationale des enquêtes
criminelles qui
est chargée de l'enquête.
164. Les enquêtes concernant les infractions commises par le personnel
de la prison centrale d'Aruba (KIA) sont soumises aux mêmes règles que
les enquêtes concernant les fonctionnaires de police et les fonctionnaires
exerçant des pouvoirs spéciaux de police. Les cas comportant le recours
à la force doivent aussi être examinés de la même manière, bien que,
si l'intervention n'a pas entraîné de décès ou de lésion physique grave
et qu'aucune lésion n'a été causée par l'utilisation d'une arme à feu,
l'enquête sera en principe menée par les forces de police d'Aruba. Si
une personne arrêtée ou un détenu décède pendant une période de détention
à la prison centrale d'Aruba, l'enquête est menée par la Division nationale
des enquêtes criminelles.
165. Le commission des visiteurs est chargée de veiller à ce que les règlements
soient correctement appliqués au sein de la prison centrale d'Aruba;
elle peut avoir accès à tout moment aux locaux de la prison. Une fois
par mois un représentant de la Commission est présent dans la prison
pour entendre les plaintes des détenus. Les plaintes concernant les gardiens
de prison sont alors examinées avec le directeur de la prison. S'il y
a lieu, la commission soumet l'affaire au Ministre de la justice. Ni
le directeur de la prison, ni la commission n'a le pouvoir d'imposer
des sanctions. Des mesures disciplinaires sont prises par le Conseil
des ministres, puis approuvées par le directeur de la prison.
Article 13
Le suspect et son avocat
166. L'article 47 du Code de procédure pénale contient les dispositions
suivantes :
" 1. Un suspect est une personne qui est raisonnablement
soupçonnée, sur la base de faits et de circonstances, d'avoir commis une
infraction pénale.
2. Au cours d'une action pénale, un suspect est une personne contre laquelle
des poursuites ont été engagées."
Les faits et circonstances mentionnés au paragraphe 1 doivent préciser
les raisons d'une présomption raisonnable de culpabilité : le point de
vue du fonctionnaire menant l'enquête n'est donc pas nécessairement décisif.
En outre, la présomption de culpabilité ne doit viser autant que possible
qu'une ou plusieurs personnes données : une référence abstraite à un
groupe de personnes trop largement défini ne peut en principe être admise
en droit comme élément justifiant la présomption qu'une infraction pénale
a été commise.
167. Le code prévoit un système d'intervention rapide : chaque suspect
placé en garde à vue bénéficie de l'assistance d'un avocat dès qu'un
mandat d'arrêt à son encontre est délivré (art. 62, par. 1). Selon les
ressources financières du suspect, l'assistance d'un avocat est soit
à la charge du suspect, soit gratuite (ou partiellement gratuite) (art.
61). En l'absence d'une ordonnance de placement en garde à vue, une personne
soupçonnée d'avoir commis une infraction grave, et dont les ressources
financières sont insuffisantes, bénéficie de l'assistance d'un avocat
à sa demande dès l'engagement des poursuites (art. 63).
168. Un suspect a le droit de consulter son dossier. Dès la clôture de
l'instruction, ou, s'il n'y a pas eu d'enquête préliminaire, dès que
le suspect a été déféré devant un tribunal, le droit de consulter le
dossier ne peut plus être soumis à des restrictions (art. 53). En principe,
la même règle s'applique si une enquête n'a pas abouti ou n'aboutira
pas à des poursuites (art. 51, par. 3). Au cours de l'instruction, le
procureur peut refuser de communiquer au suspect certaines pièces du
dossier si cette décision est manifestement nécessaire au bon déroulement
de l'enquête (art. 51, par. 1). Les documents mentionnés à l'article
52 doivent pouvoir être consultés à tout moment par le suspect.
169. Enfin, le Code énumère un certain nombre de droits qui s'inspirent
de la Convention européenne des droits de l'homme. Par exemple, les articles
55 et 56 du Code énoncent le droit d'être entendu dans un délai raisonnable,
qui est garanti au paragraphe 1 de l'article 6 de la Convention européenne,
tandis que le paragraphe 3 de l'article 318, du Code accorde le droit
de citer et d'interroger des témoins à décharge dans les mêmes conditions
que pour les témoins à charge. Les règles concernant la comparution du
suspect devant le magistrat instructeur ont aussi été harmonisées avec
le paragraphe 3 de l'article 5, de la Convention européenne, ainsi qu'avec
la façon dont la Cour européenne des droits de l'homme a interprété les
termes "déférée
sans délai" dans l'arrêt Brogan.
Mesures judiciaires et nécessité urgente
170. Les personnes dont les intérêts sont directement en cause dans une
affaire pénale peuvent demander à un tribunal pénal de rendre une "ordonnance
de référé". Le Code vise tout particulièrement à assurer que des intérêts lésés à la suite
d'une infraction bénéficient d'un traitement équilibré. Naturellement,
le législateur n'a pas pu établir de dispositions s'appliquant à tous
les cas qui se présentent dans la pratique. La procédure de l'ordonnance
de référé dans les affaires pénales peut donc constituer une voie de
recours. Si une des parties en cause tient à ce qu'une mesure plus précise
qui n'est pas prévue par la loi soit prise, elle peut intenter elle-même
une action en justice. Par exemple, la victime peut demander qu'une ordonnance
imposant certaines restrictions soit prise dans le cas où le suspect
n'est pas ou ne peut être placé en détention provisoire (par exemple,
il lui sera interdit de pénétrer dans certaines rues ou certains quartiers).
En outre, un tiers ayant un intérêt dans l'affaire peut demander à consulter
le dossier dans le cas où il souhaiterait introduire une action en justice.
Impartialité judiciaire
171. L'article 304 du Code a été rédigé de façon à tenir compte des affaires
de Cubber et Hauschildt qui ont été examinées par la Cour européenne
des droits de l'homme et concernaient un juge du fond ayant précédemment
participé à l'instruction. L'article 304 prévoit que :
" Un juge qui a mené une enquête en tant que
magistrat instructeur ou pris une décision quelconque concernant l'affaire
ne peut, à peine de nullité,
prendre part à un procès."
172. Dans les cas où un magistrat instructeur a pris une décision quelconque
au cours de l'instruction, la Cour suprême a conclu que la simple participation
d'un juge aux décisions concernant la mise en détention provisoire ne mettait
pas en cause son impartialité. La situation est toutefois différente lorsqu'une
décision prise au cours de l'instruction porte sur la question de la culpabilité
à un point tel que le suspect a objectivement des raisons de penser que
le juge n'a pas été impartial. C'était le cas dans l'affaire Hauschildt
: selon la Cour européenne des droits de l'homme il y a trop peu de différence
entre la question de l'existence "d'indices
largement concordants" à l'encontre d'une personne soupçonnée d'avoir commis une infraction (qui, au
Danemark, est une condition de la mise en détention provisoire) et la question
de la culpabilité. Comme le Code n'admet pas aussi comme juge du fond toute
personne qui a pris une décision pendant l'instruction, il n'y a pas en
tout état de cause lieu de débattre de la question de savoir si l'existence
des "graves présomptions" comme condition de la mise en détention provisoire ne préjuge pas dans certains
cas aussi largement la question de la culpabilité.
Anonymat des témoins
173. Bien que le législateur reconnaisse que l'acceptation de déclarations
faites par des témoins anonymes risque de compromettre l'objectivité
d'un procès, le Code prévoit que les témoins qui ont été menacés peuvent
garder l'anonymat. Le législateur justifie la restriction imposée au
droit du suspect d'interroger les témoins au motif que dans un État de
droit l'on ne saurait admettre que les preuves - et la décision du tribunal
sur lesquelles elle repose - soient altérées par une menace de violence.
La Convention européenne des droits de l'homme (en particulier le début
de l'article 6, par. 3, et l'alinéa d) n'exclut pas les preuves obtenues
grâce à la déclaration d'un témoin anonyme faite au cours de l'instruction.
Dans chacun des cas, la Cour européenne des droits de l'homme a déclaré
d'emblée que l'existence de règles concernant la recevabilité des preuves
est d'abord une question de droit national et que l'examen des preuves
est généralement une question qui relève des tribunaux nationaux. Quoi
qu'il en soit,
on peut déduire des arrêts de la Cour un certain nombre de conditions
minimales à remplir, notamment dans les affaires Kostovski et Doorson.
Ces conditions sont les suivantes :
a) Les intérêts de la défense doivent, le cas échéant, être appréciés par
rapport à ceux des témoins et des victimes devant déposer devant le tribunal;
il peut alors en résulter qu'un témoin soit entendu de manière anonyme;
le suspect doit toujours, cependant, avoir eu suffisamment la possibilité
d'interroger un témoin anonyme et de contester sa déposition;
b) Le juge doit s'assurer lui-même de l'identité des témoins et se faire
une opinion quant à leur fiabilité;
c) Une condamnation ne peut être fondée uniquement ou dans une large mesure
sur la déposition de témoins anonymes.
174. Compte tenu de ce qui précède, le Code de procédure pénale comporte
une règle stricte concernant les conditions dans lesquelles une personne
peut être entendue anonymement. Ces conditions peuvent être résumées
comme suit : premièrement, le témoin doit avoir fait l'objet de menaces
sérieuses quant à la déclaration qu'il a l'intention de faire (art. 261,
par. 1). Cette condition est énoncée plus en détail au paragraphe 2 de
l'article 261 :
"
Une menace sérieuse au sens du paragraphe 1 est présumée si :
a) Le témoin considère qu'il existe, en ce qui concerne la déclaration
qu'il a l'intention de faire, une menace telle que l'on peut raisonnablement
craindre pour sa vie, sa santé ou sa situation sociale ou celles d'une
autre personne;
b) le témoin a fait savoir qu'en raison de cette menace il ne fera pas
de déclaration;
c) il y a de bonnes raisons de supposer que le témoin ne sera pas en mesure
de comparaître pour ce motif."
175. Deuxièmement, les objections d'un témoin qui désire garder l'anonymat
sont examinées par le magistrat instructeur. Dans un rapport officiel
celui-ci doit énumérer ces objections et faire savoir s'il les considère
comme fondées (art. 261, par. 4).
176. Troisièmement, le critère de la proportionnalité est applicable :
un témoin ne peut être interrogé anonymement si l'infraction poursuivie
ne fait pas partie de celles qui autorisent une mise en détention provisoire
(art. 261, par. 3).
177. Quatrièmement, l'audition d'un témoin anonyme est faite par le magistrat
instructeur, qui fournit ainsi une garantie juridique concernant la recherche
de preuves au cours de l'instruction. Dans les cas urgents, toutefois,
le témoin peut aussi être interrogé par le fonctionnaire responsable
de l'enquête s'il n'est pas possible d'attendre son audition par le magistrat
instructeur (art. 261, par. 8). On pourrait citer à titre d'exemple le
cas très particulier où il est impératif d'agir vite, car le témoin doit
alors être entendu immédiatement (notamment lorsqu'il a l'intention de
se rendre à l'étranger). Les garanties applicables à l'audition par le
magistrat instructeur doivent être alors respectées autant que possible.
178. Cinquièmement, le paragraphe 4 de l'article 161 contient un certain
nombre de dispositions régissant le déroulement de l'audition. Le magistrat
instructeur s'assure que le témoin ne puisse être reconnu. En principe,
le suspect et son avocat peuvent être présents à l'audition. Dans des
cas exceptionnels, ils ne peuvent y assister (et par conséquent il en
est de même pour le procureur) et ne peuvent soumettre que des questions
écrites.
179. Enfin, le témoin anonyme doit prêter serment devant le magistrat instructeur (art. 261, par. 6). Cette règle est importante dans le cadre de l'application de l'article 335, selon lequel une déclaration faite sous serment devant le magistrat instructeur par un témoin qui est dans l'impossibilité de comparaître pendant le procès peut être considérée comme ayant été faite au moment du procès à condition qu'il en soit donné lecture à l'audience.
180. Pour veiller à ce que l'identité d'un témoin anonyme ne soit pas révélée,
le paragraphe 2 de l'article 252 prévoit un droit de refuser de faire
une déposition. Le paragraphe 1 de l'article 251 (sur le droit de refuser
de témoigner ès qualités) s'applique par analogie aux juges, aux membres
du parquet et à d'autres personnes connaissant l'identité d'un témoin
qui a été entendu en vertu des dispositions de l'article 261.
181. Un suspect peut s'opposer à la comparution d'un témoin anonyme lors
du procès. Le principe de base appliqué ici est que c'est au juge du
fond de décider en dernier ressort d'autoriser ou non la déposition d'un
témoin anonyme (exposé des motifs, p. 114). Pour permettre au juge de
prendre une décision en connaissance de cause sur cette question, il
a le pouvoir, en vertu du paragraphe 1 de l'article 338, de s'entretenir
avec le témoin. Ce pouvoir lui permet de se faire lui-même une opinion
sans avoir à examiner la question de savoir si les critères de procédure
et de fond de l'article 261 (concernant la recevabilité et la fiabilité)
ont été ou non respectés.
182. Si le juge du fond est du même avis que le suspect et considère qu'il
n'y a aucune raison que le témoin garde l'anonymat, deux démarches sont
possibles en vertu du paragraphe 2 de l'article 338. Premièrement, il
peut ordonner que le témoin soit entendu à nouveau par le magistrat instructeur
mais, cette fois, sans conserver l'anonymat. Le procureur peut toutefois
s'opposer à cette audition en refusant de donner son autorisation à cet
effet. S'il est manifeste que le procureur ne donnera pas son assentiment
à cette audition ou si le témoin est si peu digne de foi que même une
audition publique ne permettra pas d'obtenir des preuves utiles, la deuxième
démarche peut alors être suivie. Dans ce cas, le tribunal peut décider
que la déclaration du témoin ne sera pas considérée comme une preuve.
183. Si le juge du fond estime que les conditions de l'article 261 sont
remplies, il peut se prononcer en faveur du maintien de l'anonymat du
témoin. Le rapport officiel continue alors à faire partie du dossier.
Il peut encore décider que le témoin doit être entendu à nouveau par
le magistrat instructeur qui lui posera les questions auxquelles lui-même
(le juge du fond) désire avoir une réponse (art. 338, par. 3). Le magistrat
instructeur peut également ordonner un supplément d'information pour
remédier à des vices de procédure (art. 338, par. 4).
184. Une disposition séparée a été adoptée, conformément au paragraphe
7 de l'article 261, pour les témoins anonymes qui ont été entendus non
par le magistrat instructeur mais par d'autres fonctionnaires (par exemple
la police). Une enquête peut être ouverte à la demande du procureur pour
déterminer si les objections à la divulgation de l'identité du témoin
sont fondées. Le juge peut entendre le témoin à cette fin conformément
au paragraphe 1 de l'article 338. Avant d'entendre le témoin, il donne
au suspect ou à son avocat la possibilité de faire des observations (art.
339, par. 1). À la suite de l'audition, le juge décide si le témoin a
le droit de garder l'anonymat. Si sa décision est négative, le paragraphe
2 de l'article 339 est applicable : le témoin n'est pas entendu anonymement,
sous réserve de l'accord du procureur. Si le juge estime que le droit
à l'anonymat est justifié, il peut décider que le témoin sera interrogé
par le magistrat instructeur en tant que témoin anonyme et soumettre
une liste de questions
auxquelles il souhaiterait une réponse (art. 339, par. 3). Le paragraphe
5 de l'article 364 a pour objet d'assurer que lorsqu'un procès reprend
après une suspension, un témoin menacé continue à jouir de la protection
qui lui a été précédemment garantie.
185. Le Livre 5, titre IV, quatrième partie (Preuves) contient les dispositions
finales concernant l'anonymat des témoins. Selon le paragraphe 2 de l'article
385, la déclaration d'un témoin anonyme ne peut être invoquée comme moyen
de preuve à moins que celui-ci n'ait été interrogé conformément aux dispositions
du paragraphe 4 de l'article 261. En outre, les déclarations de témoins
anonymes ne peuvent servir de preuves que si elles ont été largement
confirmées par d'autres moyens.
Partie civile
186. Une personne peut se constituer partie civile dans le cadre d'une
procédure pénale de première instance pour demander des indemnités ne
dépassant pas 50 000 florins. Il faut aussi que la demande n'ait pas
été soumise à des tribunaux civils et qu'elle soit de nature à pouvoir
être tranchée dans le cadre d'une procédure pénale (art. 374, par. 1).
Un aspect particulier de cette disposition est qu'en vertu du paragraphe
2 de l'article 374, la partie lésée peut aussi intervenir volontairement
dans une instance pénale suivant la procédure ad informandum. Cette intervention
volontaire a lieu au cours du procès (voir art. 374, par. 2) et ne peut
se produire pour la première fois en appel (art. 374, par. 4).
187. Une victime peut se constituer partie civile dès le stade de l'instruction
(art. 206, par. 1). En conséquence, une partie lésée qui a besoin d'assistance
et d'appui en raison de l'infraction commise a droit au concours d'un
avocat (art. 206, par. 4). En outre, elle peut, en vertu du paragraphe
3 de l'article 206 demander à être informée par le procureur de sa décision
sur la question de savoir s'il va ou non engager des poursuites. Si des
poursuites sont engagées, le procureur tient la partie civile informée
de tout fait important survenu au cours de la suite de la procédure.
Dans le cas contraire, il l'informe qu'elle a le droit d'introduire un
recours du fait que des poursuites n'ont pas été engagées (art. 209).
188. Même avant le procès, c'est-à-dire dès l'ouverture de la procédure,
la partie civile et son avocat peuvent prendre connaissance du dossier
au greffe du tribunal à condition que cela n'entrave pas le bon déroulement
de l'instance (art. 376, par. 1). En vertu du paragraphe 4 de l'article
376, les dispositions concernant la consultation du dossier (art. 51
à 54) s'appliquent par analogie.
189. Pour étayer sa requête, la partie civile ou son avocat peut soumettre
des documents (art. 377, par. 1), demander au président du tribunal l'autorisation
de citer des témoins et des experts (art. 377, par. 2) et de leur faire
poser des questions, à condition que ces questions se rapportent au préjudice
subi ou au montant des dommages (art. 378, par. 1). Enfin, la partie
civile peut expliquer (ou faire expliquer) les raisons de sa demande
d'indemnisation après que le procureur a présenté ses réquisitions. Cela
est aussi possible, en vertu de l'article 379, après une deuxième intervention
du procureur faite conformément au paragraphe 3 de l'article 353. Le
juge se prononce sur les demandes de la partie civile au moment de rendre
son jugement sur l'instance pénale (art. 380, par. 1). La demande ne
sera recevable que si l'affaire se termine par une condamnation (art.
380, par. 2).
Article 14
190. L'aide apportée aux victimes par le parquet et la police doit répondre
aux critères suivants :
a) La victime doit être traitée correctement et, s'il y a lieu, en tenant
compte de sa personnalité;
b) La victime doit recevoir des informations aussi rapidement que possible;
celles-ci doivent être claires et pertinentes;
c) La victime doit être assistée de façon à pouvoir exercer au maximum
son droit de demander une indemnisation dans le cadre d'une procédure
pénale; il peut s'agir d'une indemnisation pour préjudice pécuniaire
ou moral.
191. Le Code précise le rôle judiciaire et donc impartial que doivent jouer
les fonctionnaires chargés d'administrer la justice au cours des différentes
étapes d'une procédure pénale.
Décision d'engager ou non des poursuites
192. Si le procureur estime, sur la base de l'enquête de la police, que
le suspect doit faire l'objet de poursuites, il prend sans délai les
dispositions nécessaires à cette fin (art. 207, par. 1). Le Code définit
à ce propos le principe de l'opportunité : le procureur peut décider
de ne pas engager de poursuites pour des raisons d'intérêt général. Il
peut alors assortir cette décision de conditions et doit prendre tout
particulièrement en compte les intérêts de la partie lésée (voir art.
207, par. 2). Par exemple, une des conditions peut être l'obligation
de verser une indemnité ou de réparer tout dommage.
193. S'il est estimé qu'il y a des raisons d'engager des poursuites, le
procureur décide si l'affaire se prête à un règlement extrajudiciaire
(art. 208, par. 1). L'article fournit au procureur la base juridique
qui lui permet de conclure un accord avec le suspect (de son plein gré)
pour que celui-ci accomplisse des travaux d'intérêt général. En échange,
le procureur consent à ne pas retenir de charges contre le suspect. En
fait, cet article n'exclut pas qu'une autre condition particulière soit
appliquée au suspect en plus de l'obligation d'accomplir des travaux
d'intérêt général, par exemple l'obligation d'indemniser la victime.
Mesures judiciaires en cas d'urgence
194. Lorsqu'un tribunal pénal condamne un suspect, il peut lui imposer
le versement d'une indemnité pécuniaire comme garantie supplémentaire
de l'exécution de la peine. Si cette indemnité n'est pas versée par cette
personne, le tribunal peut, à la demande du parquet, ordonner qu'elle
soit détenue pendant une période fixée par le parquet lui-même (art.
43, par. 7).
Indemnisation pour contraintes imposées pendant l'instruction
195. Le système d'indemnisation s'applique à toute forme de contrainte
exercée pendant l'instruction. Le paragraphe 1 de l'article 178 vise
les dommages subis à la suite de l'application d'une mesure de contrainte.
Les indemnités peuvent viser tout préjudice autre que pécuniaire (art.
178, par. 3).
196. Étant donné que le paragraphe 1 de l'article 178 mentionne sans autre
précision l'indemnisation d'une personne qui a subi un préjudice, celle-ci
n'est pas nécessairement le suspect (ou un ancien suspect) mais peut
aussi être un tiers. Dans l'esprit du législateur il peut s'agir, par
exemple, d'un tiers dont le domicile a fait l'objet d'une perquisition,
d'un témoin qui a été détenu à tort pour avoir refusé de répondre à des
questions, d'une victime considérée à l'origine comme un suspect ou d'une
personne qui a subi une atteinte à sa vie privée lorsque le suspect a
été placé sur écoutes téléphoniques. Ces dispositions sont censées être
exclusives et empêchent donc tout recours devant les tribunaux civils
(art. 182).
197. Les dispositions prévues établissent une distinction entre les dommages
subis en raison de l'application illégale d'une mesure de contrainte
au cours de l'instruction et le préjudice subi à la suite de son application
légitime. Dans le premier cas le suspect a droit à une indemnité alors
que dans le second une indemnisation n'est accordée que si elle est considérée
raisonnable et juste. L'appréciation de la nature légitime ou illégitime
de la contrainte appliquée se fait par rapport au moment où celle-ci
a été imposée (art. 187, par. 2).
198. En vertu du paragraphe 1 de l'article 178, le droit à une indemnité
existe lorsque la contrainte a été appliquée illégalement (par exemple,
parce que les modalités d'application étaient disproportionnées par rapport
à l'infraction).
Annexe
ORDONNANCE NATIONALE
concernant la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
(Ordonnance nationale portant application de la Convention contre la torture)
PROJET DE LOI
AU NOM DE LA REINE !
LE GOUVERNEUR D'ARUBA
Considérant la nécessité de prendre dans le cadre du droit pénal certaines
dispositions concernant la Convention contre la torture et autres peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée à New York le
10 décembre 1984 (Recueil des traités 1985, 69);
Et après avoir entendu le Conseil consultatif et consulté le Parlement,
rend l'Ordonnance nationale suivante :
Article premier
1. Lorsqu'un fonctionnaire ou une autre personne au service des autorités,
agissant dans l'exercice de ses fonctions, exerce des violences à l'encontre
d'une personne privée de sa liberté soit dans le but d'en obtenir des
renseignements ou des aveux, de la punir, de susciter en elle des craintes
ou de l'obliger à commettre ou à laisser commettre un acte donné, soit
parce qu'il agit au mépris de son droit à la dignité humaine, de tels
actes, s'ils sont de nature à permettre la réalisation de leur but, sont
considérés comme des actes de torture passibles d'une peine d'emprisonnement
de 15 ans au plus.
2. Le fait de causer délibérément un état de crainte considérable ou d'autres
formes d'anxiété mentale sérieuse est assimilé à un acte de violence.
3. Si l'infraction entraîne un décès, l'auteur est condamné à la réclusion
à perpétuité ou à une peine de durée déterminée de 20 ans au plus.
Article 2
Les personnes suivantes sont passibles des mêmes peines que celles prévues
pour les infractions mentionnées à l'article précédent :
a) Un fonctionnaire qui, par un des moyens visés à l'article 49, paragraphe
1 b), du Code pénal d'Aruba (AB 1991, No GT 50), incite à commettre un
des actes de violence visés à l'article premier ou permet délibérément
à une autre personne de le commettre;
b) Une personne qui commet la forme de violence visée à l'article premier,
si un fonctionnaire, par un des moyens visés à l'article 49, paragraphe
1 b), du Code pénal d'Aruba, a encouragé dans l'exercice de ses fonctions
la commission de l'infraction ou l'a délibérément permise.
Article 3
Les articles 44 et 45 du Code pénal d'Aruba ne s'appliquent pas aux infractions
visées aux articles 1er et 2.
Article 4
Les infractions visées aux articles 1er et 2 sont des infractions graves.
Article 5
Le droit pénal d'Aruba est applicable à toute personne qui commet en dehors
d'Aruba une des infractions graves visées aux articles 1er et 2 de la
présente Ordonnance nationale.
Article 6
1. La présente Ordonnance nationale entrera en vigueur le jour suivant
la publication de l'avis s'y rapportant au Journal officiel d'Aruba.
2. La présente Ordonnance nationale peut être citée sous le titre d'Ordonnance
nationale portant application de la Convention contre la torture.
Fait à Oranjestad
Le Ministre de la justice