University of Minnesota



Comité contre la Torture, Examen des rapports présentés par les États parties en application de l'article 19 de la Convention, Namibie, U.N. Doc. CAT/C/28/Add.2 (1997).





Rapports initiaux des Etats parties attendus en 1995

Additif

Namibie
[7 août 1996]


TABLE DES MATIERES




    Paragraphes
    Introduction
    1 - 4
    Renseignements concernant chacun des articles de la première partie de la
    Convention
    5 - 20
    Article premier
    5
    Article 2
    6 - 7
    Article 3
    8 - 15
    Article 4
    16
    Article 5
    17
    Article 6
    18
    Article 7
    19 - 20
    Article 8
    21
    Article 9
    22
    Article 10
    23
    Article 11
    24 - 29
    Article 12
    30 - 37
    Article 13
    38 - 39
    Article 14
    40 - 41
    Article 15
    42
    Article 16
    43 - 44
    Conclusion
    45
    Liste des annexes
Introduction

1. Pour les renseignements généraux à fournir en vertu des directives unifiées concernant la première partie des rapports que les Etats parties doivent présenter en application des différents instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, les membres du Comité sont invités à se reporter au document de base de la Namibie.

2. Les Namibiens ont été couramment torturés et brutalisés par les soldats des forces sud-africaines et du Sud-Ouest africain et par les membres de la police du Sud-Ouest africain lorsque la Namibie était illégalement occupée par l'Afrique du Sud. Après l'indépendance et conformément à la politique de réconciliation nationale menée par le gouvernement, de nombreux membres namibiens de ces forces ont continué de travailler dans les forces de défense namibiennes et dans la police namibienne. C'est pour exorciser le mal fait autrefois à l'époque coloniale que les auteurs de la Constitution namibienne, entrée en vigueur le jour de l'indépendance, le 21 mars 1990, ont inséré, au paragraphe 2 de l'article 8 de ce texte, l'alinéa b) qui interdit la torture. L'article 8 est intitulé "Respect de la dignité de la personne humaine". Il dispose à l'alinéa b) de son paragraphe 2 ceci :

3. L'article 8 fait partie de la Déclaration des droits de la Constitution namibienne qui est invocable devant les tribunaux. En vertu du paragraphe 3 de l'article 24, le droit de ne pas être soumis à la torture est un droit de l'homme intangible. Il ne peut donc y avoir ni dérogation ni restriction à ce droit, pas même en cas d'état d'alerte pour la défense nationale ou de proclamation de l'Etat d'exception.

4. La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants n'a certes pas été incorporée dans le droit national mais, étant donné que la Constitution interdit la torture, le droit de ne pas être soumis à la torture est garanti par ce texte qui, en vertu du paragraphe 6 de son article premier est "la Loi fondamentale de la Namibie". Ce droit, comme indiqué plus haut, est à tous égards invocable devant les tribunaux. En outre, la Convention est invocable devant n'importe quelle juridiction tout comme la disposition susmentionnée de la Constitution, car les accords internationaux auxquels est partie la Namibie sont directement applicables en droit interne. En d'autres termes, les tribunaux mettront en oeuvre les dispositions de la Convention puisqu'il n'est pas nécessaire pour cela de modifier le droit namibien. En effet, l'objet de la Convention étant le même que celui des dispositions susmentionnées de la Constitution, ils n'auront aucune peine à mettre en application la Convention. Ils ne sont actuellement saisis d'aucune affaire en relation expressément avec l'applicabilité des traités et autres accords internationaux liant la Namibie car faisant partie du droit namibien, mais il est probable qu'ils considéreraient que les dispositions de ces traités et autres accords internationaux qui sont directement applicables en droit interne de par leur nature, font partie dudit droit. Quoi qu'il en soit, le Ministre de la justice a déjà demandé l'assistance technique du Centre pour les droits de l'homme afin d'aider son ministère à rédiger diverses lois qui incorporeront dans le droit namibien certains instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme.

RENSEIGNEMENTS CONCERNANT CHACUN DES ARTICLES
DE LA PREMIERE PARTIE DE LA CONVENTION


Article premier

5. Comme il a été dit plus haut, la torture est interdite non pas par les textes législatifs mais par la Constitution qui n'en donne toutefois aucune définition. Aussi peut-on affirmer sans risque de se tromper que, dans le cas où il faudrait en donner une définition, celle qui figure à l'article premier de la Convention serait reconnue par les tribunaux qui y auraient recours pour l'interprétation de cette pratique. Afin de renforcer l'abolition de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants infligés par un organe de l'Etat ou sous son autorité, la Cour suprême de la Namibie a, dans l'affaire Ex parte Attorney-General, Namibia: In re corporal punishment by organs of the State laquelle fait jurisprudence, déclaré que les châtiments corporels imposés et infligés par un organe de l'Etat ou sous son autorité étaient illégaux (annexe 1).


Article 2

6. Tout acte de torture est considéré comme ouvrant une action pénale ou civile. Son auteur peut donc être poursuivi au pénal, la victime peut intenter une action civile alors qu'elle ne peut engager une action pénale (annexe 2). En matière de torture, en particulier en ce qui concerne les actes commis sous l'autorité de l'Etat, les organes chargés de faire respecter la loi, par exemple la police, doivent faire l'objet de mesures de contrôle très strictes. La police namibienne a émis des directives de caractère administratif visant à prévenir la pratique de la torture au sein de ses forces. Ces directives servent de matériel didactique pour la formation et figurent dans le manuel à l'usage du personnel de police (voir annexe 3).

7. Les policiers chargés d'enquêter sur des actes de violence ou des traitements inhumains dont se seraient rendus coupables des agents (hommes ou femmes) des forces de police ne sont en général pas affectés au commissariat où travaille la personne mise en cause. Chaque circonscription régionale de la police compte un certain nombre d'agents chargés expressément d'enquêter sur des faits de cette nature, sous la direction, à l'échelle nationale, de la Division des plaintes et de la discipline. Faute de personnel, il n'est pas possible de procéder à ces enquêtes dans les délais souhaitables. De l'avis du Centre d'assistance judiciaire (LAC) (voir annexe 4), la procédure actuelle d'examen des plaintes portées contre des membres de la police namibienne et de déclenchement des poursuites laisse à désirer. Il faudra que le gouvernement envisage de créer un organe indépendant chargé d'examiner ces plaintes et doté de suffisamment de moyens et de personnel pour les examiner toutes. Toute allégation d'acte de violence concernant des agents de la police namibienne pourrait en un premier temps donner matière à une action disciplinaire sans attendre l'issue de la procédure pénale. Or le Département de la police estime, pour sa part, que des poursuites pénales étant plus graves qu'une action disciplinaire, cette dernière ne saurait être prise qu'à l'issue de la procédure pénale (dans les cas où celle-ci est engagée) et, plus important encore, l'image du Département se trouverait sensiblement ternie si, sanctionné par ce dernier l'agent mis en cause était ensuite disculpé par la justice des accusations portées contre lui.


Article 3

8. A l'indépendance, la Namibie a hérité d'une loi sud-africaine applicable sur son territoire, la loi No 67 de 1962 sur l'extradition. Cette loi ayant été promulguée à l'époque de l'apartheid en Afrique du Sud, la Namibie a rédigé un nouveau projet de loi sur l'extradition (annexe 5) qui entrera prochainement en vigueur et abrogera entre autres la loi sud-africaine de 1962 sur l'extradition.

9. La Namibie n'a signé aucun accord d'extradition avec aucun pays.

10. Le projet de loi susmentionné confère au Ministre de la justice la responsabilité de décider de l'extradition ou du refoulement d'une personne après examen par un magistrat de la demande d'extradition ou de refoulement. Dans un délai de 14 jours à compter de la date à laquelle la justice a ordonné la mise en détention de la personne réclamée en attendant que le Ministre se prononce sur la demande de l'Etat requérant, l'intéressé ou le gouvernement dudit Etat peuvent contester la décision de la justice devant la Haute Cour.

11. Lors de l'examen en appel, la Haute Cour peut ordonner la remise en liberté de la personne placée en détention dans l'attente de son extradition ou de son refoulement si elle estime, eu égard à toutes les circonstances de l'espèce, qu'il ne serait pas juste de refouler cette personne entre autres parce que celle-ci serait ou pourrait être passible de la peine de mort ou de toute autre peine qui n'est pas appliquée en Namibie, à moins que l'Etat requérant garantisse, à la satisfaction du Gouvernement namibien, que la peine de mort ou toute autre peine analogue ne sera pas prononcée ou, si elle l'est, ne sera pas exécutée. Les autres peines analogues comprennent la torture et toute autre peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant au sens de l'alinéa b) du paragraphe 2 de l'article 8 de la Constitution namibienne.

12. Juridiquement, nul ne peut être expulsé ou refoulé de Namibie tant qu'un tribunal de l'immigration n'a pas statué dans ce sens. Le paragraphe 1 de l'article 43 de la loi No 7 de 1993 sur l'immigration se lit comme suit :

La partie pertinente du paragraphe 4 de l'article 11 dispose que les immigrants en situation irrégulière "ne peuvent être expulsés qu'en vertu d'une décision prise par un tribunal compétent" qui tiendra compte de tous les faits pertinents, y compris du risque encouru par l'intéressé d'être soumis à la torture dans le pays vers lequel il pourrait être expulsé. Si ce risque existe, l'intéressé sera confié à l'organisme responsable des réfugiés en vue de déterminer s'il pourrait bénéficier du statut de réfugié. Cet organisme demande en général l'avis du Ministère des affaires étrangères. La Namibie n'a pas encore promulgué de loi sur les réfugiés, bien qu'elle accorde l'asile à de très nombreuses personnes, en particulier des Angolais. Du fait de cette lacune, les demandeurs d'asile ont de la difficulté à affirmer leurs droits.

13. Selon l'expérience du Centre d'assistance judiciaire (LAC), le tribunal de l'immigration examine 50 à 130 affaires en une session. Les fonctionnaires de l'immigration respectent en général le statut de réfugié, quoique le LAC connaisse le cas d'un réfugié angolais, Peso Salvador Rogerio, qui a été expulsé récemment vers l'Angola. Le LAC estime qu'il est peu probable que le tribunal de l'immigration examine avec sérieux une plainte relative au statut de réfugié. Le fait de ne pas demander très t_t ce statut joue beaucoup contre un demandeur d'asile qui a de grandes chances d'être renvoyé dans son pays d'origine s'il n'est pas assisté d'un avocat. Dans une affaire dont s'est occupé le LAC au début de 1996, le Ministère de l'intérieur, qui avait refusé d'examiner la demande de statut de réfugié d'un ressortissant nigérian, Brian Prince Soetan, prétendument parce que celui-ci était resté illégalement en Namibie à l'expiration de son permis de séjour temporaire. Le Ministère n'avait procédé à cet examen qu'après que la Haute Cour eut été saisie de l'affaire. L'absence de législation interne sur les réfugiés avait compliqué la situation.

14. Le Ministre de l'intérieur peut faire appel de la décision d'un tribunal de l'immigration d'expulser une personne de Namibie. Le tribunal peut, de sa propre initiative, et doit, à la demande du postulant, soumettre à la Haute Cour tout point de droit que soulève une demande dont il est saisi. Si le postulant ou le chef du Service de l'immigration conteste une décision de la Haute Cour, il peut saisir la Cour suprême.

15. Toute personne sur le cas de laquelle statue le tribunal de l'immigration ou dont la Haute Cour examine le pourvoi a droit à être représentée par un avocat. Si elle est indigente, elle peut demander et obtenir l'aide judiciaire et le concours d'un avocat auprès du service de l'aide judiciaire du Ministère de la justice ou auprès du LAC.


Article 4

16. Tout acte de torture ou peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant est qualifié infraction de droit commun, en d'autres termes, n'est régi par aucune loi particulière. Les dispositions législatives régissant la tentative ou la complicité de crime s'appliquent aussi bien aux infractions de droit commun qu'aux autres. La peine - emprisonnement ou amende - qui sera infligée à une personne reconnue coupable d'avoir pratiqué la torture est laissée à l'appréciation des tribunaux. Sa sévérité sera fonction de la gravité ou de la perversité de l'acte commis. Ainsi, dans The State v. Michael Matroos, l'accusé, un fonctionnaire de police, a été reconnu coupable d'avoir infligé à un suspect des tortures ayant entraîné sa mort. La Cour a estimé devoir prononcer une peine de prison "afin de souligner sa forte désapprobation" (annexe 6).


Article 5

17. Aucun texte de loi particulier n'impose à la Namibie d'établir sa compétence aux fins de connaître des actes ou des tentatives d'actes de torture commis à bord d'aéronefs ou de navires immatriculés en Namibie. En fait, la justice namibienne n'a pas eu à se prononcer là-dessus. Mais, comme il est dit plus haut au paragraphe 6, tout acte de torture est considéré comme étant de nature criminelle et relève donc, s'il est commis sur le territoire sous la juridiction de la Namibie, des tribunaux namibiens au même titre que n'importe quelle autre infraction. Si un acte de torture considéré en application du projet de loi à l'étude sur l'extradition, comme donnant lieu à extradition, est commis sur le territoire d'un autre pays par un ressortissant namibien trouvé en Namibie, son auteur pourra être jugé en Namibie en application de l'article 6 du projet de loi. L'article 3 du projet de loi sur l'extradition se lit comme suit :

Lorsqu'il s'agit de déterminer si un fait constitue une infraction donnant lieu à extradition, il est tenu compte de toutes les circonstances qui s'y rattachent, peu importe

a) que le terme qui désigne l'infraction ne soit pas le même que celui qui désigne une infraction similaire commise en Namibie, ou que le fait constitutif de l'infraction ne soit pas rangé dans la même catégorie qu'une infraction similaire commise en Namibie ou que les éléments constitutifs de l'infraction ne soient pas les mêmes que pour une infraction similaire commise en Namibie; ou

b) que l'extradition soit demandée pour une infraction à une loi relative aux taxes et impôts, aux droits de douane, au contrôle des changes ou à d'autres aspects de la fiscalité qui n'existent pas en Namibie.

L'article 6 se lit comme suit :


Article 6

18. Si des poursuites doivent être engagées contre un tortionnaire présumé, les dispositions pertinentes de la loi sur l'extradition seront invoquées. Les articles 7 à 17 du projet en la matière définissent la procédure d'acheminement des demandes d'extradition, désignent l'autorité compétente pour décerner les mandats d'arrêt et fixent les modalités de l'examen du cas par un magistrat, de l'instruction du dossier, de l'agrément par le Ministre de la justice des demandes d'extradition et de pourvois contre la décision d'un juge de placer en détention la personne réclamée en attendant que le Ministre statue sur la demande d'extradition. Il n'y a eu aucun cas de personne soupçonnée d'avoir pratiqué la torture.


Article 7

19. Si une personne soupçonnée d'avoir commis une infraction visée à l'article 4 de la Convention est découverte en Namibie et est réclamée par un autre pays, son cas sera traité conformément à la loi namibienne sur l'extradition. S'il s'agit d'un ressortissant namibien et que l'infraction présumée a été commise sur le territoire de l'Etat requérant, la personne sera jugée selon le droit pénal namibien, comme il a déjà été dit.

20. Comme pour n'importe quelle personne qui est traduite en justice en Namibie, le droit de la personne susvisée à un procès équitable sera protégé en application de l'article 12 de la Constitution namibienne qui se lit comme suit :

2) Nul ne peut être jugé, condamné ni puni en raison d'une infraction pénale pour laquelle il a déjà été régulièrement condamné ou acquitté; les dispositions du présent paragraphe ne peuvent être interprétées comme portant atteinte au principe de la chose jugée.

3) Nul ne peut être poursuivi ni condamné pour un acte ou une omission qui ne constituait pas une infraction pénale au moment des faits; de même, la peine qui sanctionne une infraction ne peut être plus lourde que celle que prévoyait la loi au moment des faits."


Article 8

21. Comme indiqué au paragraphe 16 plus haut, la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants seront considérés comme donnant lieu à extradition si les faits incriminés satisfont aux conditions prévues à l'article 3 du projet de loi sur l'extradition. Ce dernier range les Etats requérants en trois catégories : ceux qui sont liés par un traité d'extradition avec la Namibie; ceux qui, membres du Commonwealth, ont désigné, aux termes du Commonwealth Scheme for the Rendition of Fugitive Offenders, la Namibie Etat au bénéfice de la réciprocité; ceux dont la demande d'extradition est laissée à l'appréciation du Président car la Namibie n'est pas liée avec eux par un accord d'extradition et qu'ils ne sont pas un pays susvisé du Commonwealth.


Article 9

22. Aucune disposition ne régit l'entraide judiciaire et aucun traité de cette nature n'a été conclu par la Namibie sur la base de la réciprocité avec aucun autre pays en ce qui concerne les infractions visées par la Convention.


Article 10

23. Le matériel didactique utilisé dans les cours destinés aux personnels des organismes chargés de faire appliquer la loi vise à appeler leur attention sur l'interdiction de la torture (voir annexe 3). En outre, les dispositions pertinentes de la Constitution namibienne qui proscrivent la torture leur sont expliquées.


Article 11

24. Il existe un système de dépôt et d'examen des plaintes émanant des personnes incarcérées ou placées en garde à vue.

25. Une personne incarcérée ou placée en garde à vue peut présenter une plainte au médecin chargé de la surveillance des établissements pénitentiaires et des locaux affectés à la garde à vue pour tout acte de torture ou tout traitement inhumain infligé par le personnel pénitentiaire. L'article 6 de la loi No 8 de 1959 sur les prisons (Prisons Act) telle qu'elle a été modifiée par l'article 7 de la loi No 13 de 1981 portant modification de la première (Prisons Amendment Act) dispose ceci :

2) L'administrateur général (à présent le Président) peut, sous réserve des lois régissant le service de l'Etat (à présent le service public), affecter à un établissement pénitentiaire ou à un groupe d'établissements pénitentiaires, un médecin résident qui consacrera tout son temps à l'exercice des fonctions afférentes à la charge à laquelle il est nommé.

3) Si aucun médecin n'a été affecté à un établissement pénitentiaire, comme il est prévu à l'alinéa 1), ou si le poste de médecin a été supprimé ou est devenu vacant, les fonctions qui étaient assignées, en application de la présente loi, au médecin de cet établissement seront remplies par le médecin de district de la circonscription pénitentiaire ou par tout autre praticien agréé à cet effet par le Secrétaire à la santé et à la protection sociale de la nation (à présent Secrétaire permanent aux services sociaux et aux services de santé)."

26. Tout agent du Service pénitentiaire autre que de rang supérieur qui est coupable d'avoir exercé des brutalités sur la personne d'un détenu peut, en plus de toute autre sanction, être révoqué. S'il est reconnu coupable, condamné à une peine d'emprisonnement et révoqué, il ne peut plus être réintégré. Une peine d'amende peut également lui être infligée en pareil cas.

27. Tous les matins, au moment de "l'ouverture", un membre de la direction, autant que faire se peut le directeur de l'établissement, accompagne le groupe chargé de cette tâche, reçoit les plaintes et requêtes et inspecte l'établissement. Il s'assure qu'aucun membre subalterne du personnel ne maltraite les détenus. En l'absence du directeur de l'établissement, un collaborateur compétent assume cette responsabilité. C'est l'occasion pour les détenus de porter plainte auprès des autorités pénitentiaires, y compris pour voies de fait, le cas échéant. Les plaintes des détenus sont également transmises par les travailleurs sociaux au directeur de l'établissement qui les communique au Commissaire aux prisons. Une enquête interne a lieu mais si les faits sont avérés, les procédures en la matière sont confiées à la police. De plus, il est convenu qu'un magistrat est habilité à visiter les établissements pénitentiaires régulièrement d'une fois par semaine à une fois toutes les quatre semaines selon l'endroit où ils sont implantés, à inspecter les lieux ainsi que les locaux affectés à la garde à vue et à écouter les plaintes des détenus, en particulier de ceux qui font état d'actes de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants infligés par des membres du personnel pénitentiaire ou de la police. Dans ce cas, il peut ordonner l'ouverture d'une enquête et engager une action contre le tortionnaire présumé.

28. En ce qui concerne la police, le LAC est d'avis que les procédures relatives à la garde à vue sont à la fois inadaptées et imparfaitement appliquées. Alors que les règles de la police namibienne définissent un certain nombre des garanties susmentionnées - telles qu'une visite des cellules toutes les heures ou le relevé des plaintes -, la seule prescription qui soit respectée la plupart du temps semble être celle qui impose à la personne de service de mentionner dans la main courante que ces inspections ont eu lieu. Le LAC a donc suggéré d'adopter en la matière le système anglais selon lequel les agents préposés à la garde à vue seraient directement responsables du bien-être des personnes sous leur garde. Cela permettrait une bonne surveillance des conditions dans lesquelles la personne gardée à vue est emmenée pour interrogatoire puis dûment examinée, à son retour, par un agent de rang plus élevé. Il conviendrait également d'instituer un système d'inspection des cellules affectées à la garde à vue auquel procéderaient régulièrement des personnes indépendantes telles que juges, magistrats, avocats ou des non-professionnels.

29. En ce qui concerne les établissements pénitentiaires, le LAC a relevé que la loi No 8 de 1959 sur les prisons prévoit une procédure inadaptée en matière de plaintes. Ainsi, conformément aux règlements d'application de ladite loi, un détenu peut être sanctionné pour avoir présenté une plainte abusive, injustifiée ou mal intentionnée. Le LAC a également relevé que les magistrats ne visitent pas régulièrement les cellules des établissements pénitentiaires et que la loi dispose seulement que toutes les prisons seront inspectées par des fonctionnaires mandatés à cet effet "lorsque le commissaire leur en donnera l'ordre". Il n'est donc prévu aucune inspection indépendante.


Article 12

30. Comme il est dit en plusieurs endroits du présent rapport, il n'y a pas de législation particulière sur la torture. Les actes de torture commis par un organisme public, par exemple la police, sont assimilés à une violation des règles dudit organisme et à une infraction au regard du droit pénal. Si les allégations de torture visent un membre de la police, le Département ouvre une enquête interne et, si les faits sont démontrés, les mesures qui s'imposent sont prises contre leur auteur.

31. S'il s'agit d'un acte appelant l'ouverture d'une information, le service des investigations pénales de la police ouvre une enquête. Un dossier est constitué et tous les faits matériels sont déférés au Procureur général auquel incombe, en vertu de l'article 88 de la Constitution namibienne, la responsabilité finale d'engager des poursuites au nom et pour le compte de la République de Namibie. Il lui appartient donc de déterminer s'il existe des motifs suffisants pour poursuivre le tortionnaire présumé. Si le Procureur décide d'agir, l'auteur présumé des faits est inculpé et comparaît devant une juridiction répressive. Selon la gravité des faits reprochés, l'affaire sera jugée par un tribunal de première instance (magistrate's court) ou par la Haute Cour (voir par exemple l'affaire The State c. Michael Matroos évoquée au paragraphe 16).

32. De même, si une plainte pour torture vise un membre du Service pénitentiaire ou des forces de défense, une enquête interne sera ouverte et les mesures qui s'imposent seront prises contre l'intéressé. Mais si, en raison de leur gravité, les faits incriminés admettent une qualification pénale, la procédure brièvement exposée au paragraphe 26 plus haut est alors engagée.

33. L'article 14 de la loi No 8 de 1959 sur les prisons telle qu'elle a été modifiée par l'article 10 du Prisons Amendment Act (loi No 13 de 1981) dispose ceci :

Les brutalités sont qualifiées infraction en application de l'article 4 de la Convention. Une autre procédure est suivie lorsqu'il s'agit d'un agent de rang supérieur. En vertu de la loi de 1959 sur les prisons telle qu'elle a été modifiée, constitue une conduite fautive toute infraction qualifiée à son tour comme telle au sens de l'article 4 de la Convention.

34. S'agissant d'un agent de rang supérieur, s'il est prouvé, à l'issue d'une procédure devant une commission d'enquête, qu'il y a conduite fautive, le Ministre de l'administration pénitentiaire peut, après examen du rapport et des recommandations de la Commission ainsi que de celles du Commissaire aux prisons, révoquer, mettre à la retraite ou rétrograder l'intéressé.

35. Les actes dont il est ici question peuvent ne pas être qualifiés torture stricto sensu mais constituer des formes de traitement cruel au sens de l'article premier de la Convention. Les cas suivants ont été signalés par l'Administration pénitentiaire :

i) Windhoek, mai 1991

Un agent a été suspendu et finalement révoqué après avoir brutalisé deux détenus. Il n'a par la suite pas été reconnu coupable par la juridiction de première instance (magistrate's court).

ii) Windhoek, avril 1995

Un détenu a prétendu avoir été brutalisé et jeté à terre par un agent. Il a porté plainte auprès du Bureau du Médiateur. D'après des témoins, il aurait insulté l'agent et se serait précipité sur lui le poing fermé prêt à frapper. L'agent avait agi en légitime défense, s'emparant de lui et le poussant au sol.

iii) Windhoek, 1995

Des détenus en attente de jugement s'étaient plaints d'être contraints tous les matins de se dévêtir entièrement et d'exécuter une danse. L'enquête a établi le caractère mensonger de ces allégations. Des détenus ont écrit à la presse pour donner une image négative de la fouille au corps. Celle-ci s'effectue conformément aux consignes de façon à ne porter nullement atteinte à la dignité du détenu. Elle a lieu dans une pièce, sur le détenu nu, seulement avec l'agent qui l'effectue. Dans le cas d'une détenue, c'est une femme qui en est chargée.

iv) Walvis Bay, 1995

Lors d'un autre incident, un détenu a déclaré au Bureau du Médiateur avoir été victime de brutalités exercées par un agent. L'enquête a établi que le plaignant refusait d'obéir aux ordres à savoir a) quitter sa cellule et b) rejoindre d'autres détenus. Il a proféré de graves menaces à l'encontre des agents qui n'ont eu d'autre choix que de le contraindre à l'obéissance en utilisant le minimum de force nécessaire. Il a par la suite été isolé des autres prisonniers car il s'est avéré être dangereux pour eux.

v) Omaruru, octobre 1994

Un détenu a écrit au Bureau du Médiateur se plaignant d'avoir été brutalisé par des agents du service pénitentiaire. L'enquête interne a établi que ces allégations étaient toutes dénuées de fondement. Les conclusions du Médiateur confirment les résultats de l'enquête.

vi) Hardap, novembre 1992

Un détenu qui refusait d'obéir à un gardien a prétendu que celui-ci l'avait brutalisé lorsqu'il l'avait contraint à retourner dans son secteur. L'enquête a démontré que le détenu refusait d'exécuter des ordres licites et qu'il n'y avait d'autre choix que d'utiliser le minimum de force nécessaire. Le détenu a porté plainte auprès du Médiateur.

36. Les cas suivants sont également attestés par le LAC (pour faciliter la compréhension de ces cas, il y a lieu de préciser qu'un dollar des Etats-Unis vaut environ 4,40 dollars namibiens).

i) Elifas et Immanuel Hameva

Deux frères, Elifas et Immanuel Hameva, ont été arrêtés à Omafo, Uukwanyama (nord de la Namibie), le 16 mai 1991. Ils étaient soupçonnés d'être impliqués dans l'assassinat d'un policier, Frédéric Frey, survenu à Okahandja.

Les deux frères ont été conduits au commissariat d'Ondangwa. Le 17 mai 1991 au matin, Elifas Hameva a été sorti de sa cellule pour être interrogé par deux policiers en civil. Il a été menotté les mains derrière le dos puis saisi à la gorge par l'un d'eux et projeté à terre. Sa tête a heurté le sol une vingtaine de fois jusqu'à ce que du sang s'écoule de sa bouche. Le policier le maintenait à terre, les genoux enfoncés dans sa poitrine. Cela a duré trois quarts d'heure environ. M. Hameva a reçu des soins, le 22 mai 1991, à l'hôpital d'Oshakati.

Les frères Hameva ont été remis en liberté le 18 mai 1991, après que le véritable coupable a été arrêté.

Le LAC a, au nom des deux frères, engagé une action en dommages-intérêts contre la police namibienne. Peu avant le procès, prévu le 19 octobre 1994, un règlement à l'amiable est intervenu : versement d'une somme de 5 000 dollars namibiens à Elifas Hameva et de 2 500 à Immanuel Hameva, dans son cas pour son arrestation et sa détention illégales. Aucune accusation n'a été portée contre les auteurs des coups, car Elifas Hameva pensait que des policiers n'enquêteraient pas sur des faits mettant en cause d'autres policiers. On ignore si une action disciplinaire a été intentée contre les responsables.

ii) Andrew Nghikembwa

Le LAC a représenté M. Andrew Nghikembwa dans une action engagée contre la police namibienne pour les brutalités exercées par l'inspecteur Haimbili, le 2 avril 1992, au commissariat d'Oshakati.

Une plainte a été déposée contre l'inspecteur Haimbili. Le Procureur général a décidé que l'inspecteur pourrait reconnaître les faits et faire amende honorable en versant 50 dollars namibiens. Cette somme est dérisoire. On ignore si une action disciplinaire a été engagée contre l'inspecteur Haimbili.

iii) Daniel Vries, Lazarus Rooi et Gabriel Manyanga

Daniel Vries, Lazarus Rooi et Gabriel Manyanga ont été arrêtés lors d'une opération contre le vol de bétail menée conjointement par la police namibienne (NAMPOL) et par le propriétaire de l'exploitation agricole d'Hoffnung dans le district de Windhoek. T_t le matin du 11 janvier 1993, des ouvriers agricoles employés dans cette exploitation ont été arrêtés.

Les personnes arrêtées ont été brutalisées par les agents de la NAMPOL, par le propriétaire de l'exploitation agricole et par le contremaître. Vries a été roué de coups. Il a dû être hospitalisé, souffrant de graves blessures à l'aine. Les deux autres n'ont pas été hospitalisés mais ont, eux aussi, été roués de coups.

Les trois personnes dont les noms sont mentionnés plus haut ont été inculpées de vol de bétail et acquittées le 28 avril 1993. Elles ont intenté un procès contre les deux civils et contre les agents de la NAMPOL pour coups et blessures infligés dans l'intention de provoquer des lésions corporelles graves. Les deux civils ont reconnu les faits, ont été déclarés coupables et ont été condamnés à une amende respectivement de 500 et de 400 dollars namibiens. Les policiers ayant plaidé non coupables, les instances ont été disjointes et, au moment où le présent rapport a été établi, le procès des policiers n'avaient pas encore commencé. On ne sait pas s'ils ont fait l'objet d'une action disciplinaire.

Le LAC a engagé une action en dommages-intérêts contre les deux civils et contre le Ministre de l'intérieur. La veille du procès, un règlement à l'amiable est intervenu avec le versement de 5 500 dollars namibiens à Daniel Vries et de 4 000 dollars namibiens à Rooi et Manyanga. Il est intéressant de noter que les causes des deux civils n'ont été jointes qu'après que la question du procès contre le Ministre de l'intérieur a été réglée. Leur défenseur a fait une offre de règlement peu après la requête de jonction des instances, alors que l'action en réparation engagée contre le Ministre de l'intérieur n'a trouvé de solution qu'après que les civils ont fait leur offre de règlement.

iv) Lesley Mutkavikua

M. Mutkavikua a été arrêté à Windhoek, le 7 février 1993, prétendument pour ivresse dans un lieu public. Les charges pesant sur lui et sur une autre personne ont été retirées sans qu'il comparaisse devant un tribunal. Il a été conduit au commissariat de Katutura, à Windhoek. Il a protesté contre son arrestation et sa détention, car il n'avait pas été informé du motif de celle-ci. Il avait ensuite été brutalisé par l'agent Daused qui l'avait giflé et l'avait précipité du haut d'un escalier, le blessant grièvement au genou gauche.

Une plainte avait été déposée contre l'agent Daused mais le Procureur général avait décidé de ne pas le poursuivre. On ignore s'il y a eu une action disciplinaire.

Une action civile a été engagée contre la police namibienne. Toutefois, en avril 1996, peu avant la date prévue pour l'audition par la Haute Cour, un règlement est intervenu aux termes duquel M. Mutkavikua devait recevoir 44 969,93 dollars namibiens comme indemnisation et au titre des frais médicaux passés et futurs.

v) Erastus Kambindu

Erastus Kambindu a été arrêté à Windhoek le 21 septembre 1993, par un certain Mike Kawazunda, pour le vol d'une arme à feu. Il a ensuite été placé en garde à vue au commissariat de Katutura, à Windhoek.

Une action civile a été engagée contre la police namibienne. L'affaire a été réglée à l'amiable, par le versement de 6 000 dollars namibiens à M. Kambindu.

Une plainte a été déposée contre M. Kawazunda. Les enquêteurs qui se sont succédé ont porté peu d'intérêt à l'affaire. M. Kawazunda a finalement été traduit en justice en 1995. Il a été reconnu coupable de brutalités et condamné, le 13 décembre 1995, à une amende de 150 dollars namibiens ou à une peine d'emprisonnement de 30 jours. Le LAC juge cette peine extrêmement légère pour sanctionner un abus d'autorité dont s'est rendu coupable un agent de police ayant exercé des brutalités sur la personne d'un prisonnier placé sous sa garde.

Le LAC ignore si une action disciplinaire a été engagée contre M. Kawazunda qui, lui semble-t-il, a été révoqué depuis lors de la police namibienne pour des raisons totalement étrangères à ces faits.

vi) Johannes Amesho

Il s'agit dans ce cas encore de brutalités policières. Le procès a été fixé aux 17, 18 et 19 septembre. Arrêté, M. Amesho a été roué de coups, par trois policiers, dans le Bureau de dépôt des plaintes et dans les cellules du commissariat de Katutura. Les faits remontent au 18 novembre 1993. Il en est résulté, pour la victime, une pancréatite hémorragique qui a nécessité plusieurs semaines d'hospitalisation. M. Amesho devra en outre prendre des médicaments toute sa vie. Le LAC a demandé 69 116 dollars namibiens d'indemnisation pour son client, qui a porté plainte contre les trois policiers pour coups et blessures (CR.821/1/94). L'enquête cependant n'est toujours pas terminée. Aucun des policiers n'a encore été traduit en justice.

vii) Maliu Ndjunga Kasinga

Maliu Ndjunga Kasinga a été arrêté, le 3 janvier 1994, à Rundu (Namibie du Nord) pour vol avec effraction. Le jour même, au commissariat de Rundu, il a été victime de brutalités policières. Il a ensuite été conduit chez lui à Vungu-Vungu, près de Rundu; son domicile a été perquisitionné et il a été de nouveau brutalisé par quatre policiers. Plus tard dans l'après-midi, il a été conduit au bord d'une rivière, l'Okavango, près de Rundu où sa tête a été immergée dans l'eau pendant de longs moments. Il a reçu des coups de pied à l'abdomen. Des soins lui ont été dispensés ce soir-là mais il en a été perdu trace.

Quatre policiers ont été inculpés de coups et blessures infligés dans l'intention de provoquer des lésions corporelles graves. Deux d'entre eux ont été reconnus coupables. Kalistus Sidimba Mudumbi a été condamné à une peine d'amende de 1 000 dollars namibiens ou 12 mois d'emprisonnement ainsi qu'à une peine de 6 mois de prison avec sursis pendant quatre ans. Sandos Tomas Tyameya a été condamné à une peine d'amende de 300 dollars namibiens ou à trois mois d'emprisonnement.

On ignore si une action disciplinaire a été engagée contre eux.

Le LAC a, au nom de M. Kasinga, engagé une action civile contre la police namibienne. L'affaire n'est pas encore réglée.

viii) L. Musati et J. Kazekondjo

Tous deux ont été arrêtés par la police devant le club Thriller de Katutura, à Windhoek. Ils ont été victimes de brutalités. D'après Musati, l'un des policiers, Naftali Natangwe, lui en voulait personnellement. Tous deux ont ensuite été placés en garde à vue au commissariat de Katutura : Musati, du 1er au 9 septembre 1994, et Kazekondjo du 1er au 6 septembre 1994. Musati a été roué de coups par la police au commissariat de Katutura, ce qui a entraîné les lésions suivantes : oedème oculaire, hémorragie sous la conjonctive et fracture d'un maxillaire nécessitant la pose de fils métalliques durant six semaines.

Natangwe n'a accusé Musati de lui avoir infligé des coups et blessures qu'après que celui-ci eut formulé les mêmes accusations. Musati a été inculpé de coups et blessures et d'entrave à la justice. Il a été acquitté de ces deux chefs d'inculpation. On ignore ce qu'il est advenu des accusations portées par Musati contre Natangwe. Aucune accusation n'a été formulée contre Kazekondjo.

Le LAC demande à titre de réparation 75 000 dollars namibiens pour Musati et 35 000 pour Kazekondjo. Le procès doit s'ouvrir le 28 août 1996.

ix) Gertzen Kooper

M. Kooper a été arrêté le 10 décembre 1994 à Katutura (Windhoek) pour recel de marchandises qui auraient été volées. Placé en garde à vue au commissariat de Katutura, il a été brutalisé dans la soirée par plusieurs autres personnes elles aussi arrêtées. Il a été frappé à l'aide d'une chaussette contenant des morceaux de savon. Ces personnes l'ont frappé à l'abdomen et l'ont roué de coups. Il a vainement appelé à l'aide. Il a alors donné de grands coups sur la lourde porte en acier de la cellule.

M. Kooper a demandé à plusieurs reprises aux policiers venus à son secours à recevoir des soins. Un inspecteur a pris note, le jour même, de ses déclarations, mais n'a pas donné suite à sa demande de soins.

M. Kooper n'a pas non plus reçu de soins le lendemain. Le 12 décembre 1994, il a été conduit au tribunal mais, trop malade, il n'a pu comparaître devant le juge. Il a été renvoyé au commissariat de Katutura pour être conduit à l'hôpital. Il n'a été soigné qu'après 13 heures, le 12 décembre 1994, soit près de 48 heures après avoir reçu les coups.

Une action civile a été engagée contre la police namibienne. M. Kooper a demandé des dommages-intérêts, d'une part parce que les policiers qui étaient de service ce jour-là ne l'ont pas fait soigner et, d'autre part, parce que son arrestation et sa détention étaient illégales.

Aucune poursuite n'a été engagée contre la police namibienne. On ignore si une action disciplinaire a été intentée contre les agents qui n'ont pas donné suite à la demande de soins formulée par M. Kooper.

x) Wilhelmina Amesho, Karolina Ashipala et Johannes Angula

Mme Wilhelmina Amesho a été arrêtée le 30 août 1995. Le jour même, elle a été victime de brutalités infligées par des agents de la police namibienne à Okatana (Nord de la Namibie) et au commissariat d'Oshakati. Elle a reçu plusieurs coups de pied dans la région postérieure du bassin, a été de manière générale maltraitée et frappée à coups de canne par des agents de la police namibienne.

Mme Karolina Ashipala a été arrêtée le 30 août 1995. Elle a été victime de brutalités à Okatana et au commissariat d'Oshakati le même jour. Elle a été giflée, de manière générale maltraitée et frappée de plusieurs coups de canne par des agents de la police namibienne.

Johannes Angula a été arrêté le 30 août 1995. Près d'Okatana, il a été brutalisé par la police namibienne le même jour. Plus tard, toujours le même jour, il a encore été maltraité au commissariat d'Oshakati. Il a reçu plusieurs coups de pied à l'abdomen, à la poitrine et sur la partie postérieure de son corps et a été frappé de plusieurs coups de canne.

Ces trois personnes ont toutes été arrêtées prétendument pour coups à agent.

Un élément préoccupant dans cette affaire est le suivant : lorsque l'auxiliaire juridique du Centre, M. Napoleon Uutoni, a accompagné les trois personnes susmentionnées au commissariat d'Oshakati, le 12 septembre 1995, afin de porter plainte contre le policier responsable des coups, les agents du Bureau de dépôt des plaintes ont refusé devant le commissaire de prendre leur déposition. Un fax a été adressé personnellement à l'Inspecteur général, chef de la police namibienne, le 25 septembre 1995. Aucune réponse n'a à ce jour été reçue.

Une action civile a été engagée contre la police namibienne.

Le LAC ignore si une action disciplinaire a été intentée contre les agents mis en cause.

Sakaria Frans

Sakaria Frans a été arrêté au commissariat de Wanaheda, à Windhoek, le 12 novembre 1995, pour résistance à un agent de la police namibienne ou entrave délibérée à l'exercice de ses pouvoirs ou à l'accomplissement de ses fonctions (art. 35 2) a) de la loi No 19 de 1990 sur la police). Les charges pesant sur M. Frans ont été retirées lors de sa première comparution devant la justice, le 15 novembre 1995.

M. Frans a été conduit dans une cellule par l'agent Shipululu qui aurait dit aux autres occupants de la cellule, une trentaine ou une quarantaine de personnes, de frapper M. Frans car il créait des difficultés. Une fois la porte de la cellule verrouillée, plusieurs de ses occupants avaient agressé M. Frans. Celui-ci avait sorti un révolver qu'il portait encore sur lui car il n'avait pas été fouillé avant d'être placé en garde à vue. Ses agresseurs avaient fait marche arrière et avaient appelé les policiers à leur secours. Deux agents, qui avaient été rejoints par plusieurs autres avaient alors fait sortir M. Franz de la cellule. Celui-ci avait été frappé à deux reprises à la tête avec la crosse de son révolver et de manière générale brutalisé par plusieurs agents.

M. Frans a porté plainte contre les policiers le 14 novembre 1995. On ignore où en est l'examen de la plainte qui a été déposée au Bureau du Commissaire de district. On ignore également si une procédure disciplinaire a été engagée contre les agents.

Une action civile a été intentée contre la police namibienne pour coups et blessures injustifiés et non autorisés par la loi.

37. Il résulte indiscutablement des cas décrits aux paragraphes 35 et 36 plus haut que les actes présumés de torture ou de traitement inhumain infligés par des agents de l'Etat ne sont pas couverts. La plupart donnent lieu à des poursuites engagées devant la justice namibienne qui jouit d'une totale indépendance et est impartiale.


Article 13

38. Toute personne qui prétend avoir été soumise à la torture peut porter plainte devant le Département de la police qui, comme il a été dit plus t_t dans le présent rapport, s'occupe des investigations criminelles. Le Service des investigations criminelles enquête sur les actes de torture avec la même impartialité que sur n'importe quel autre acte qui lui est signalé.

39. Le Procureur général, qui jouit d'une grande indépendance et impartialité, peut donner des instructions à un enquêteur s'il s'avère probable que l'enquête est superficielle et entachée de parti-pris. Si un plaignant ou un témoin prétend que ses droits ont été violés au cours de l'enquête, il peut porter plainte auprès du Procureur général qui pourra prendre les mesures qui s'imposent. Il peut aussi obtenir réparation en déposant une plainte auprès du Médiateur ou saisir la justice s'il désire intenter un procès. Malheureusement, le Bureau du Médiateur n'a pas répondu aux attentes dans ce domaine car il manque de ressources et de personnel. On ne trouve trace d'aucun cas dans lequel il a aidé une personne à engager une action civile contre la police Namibienne, bien que les dispositions de l'article 91 de la Constitution lui en confèrent le pouvoir.


Article 14

40. Il a déjà été indiqué ailleurs dans le présent rapport que la torture est qualifiée sévice grave passible d'une sanction pénale si les faits sont démontrés. Mais c'est aussi un délit civil pour lequel la victime peut intenter une action civile et demander réparation du dommage civil causé. Même devant la juridiction répressive, la partie lésée peut exercer l'action civile et obtenir réparation si les faits incriminés ont causé un dommage matériel, y compris pécuniaire. L'article 300 de la loi No 51 de 1977 sur la procédure pénale (Criminal Procedure Act) dispose en son paragraphe 1 ceci :

Ces dispositions sont certes insuffisantes car elles ne prennent pas en compte les situations où la torture cause au plaignant un préjudice corporel ou psychique. De fait, selon l'expérience du LAC, elles sont rarement appliquées. En pareil cas, le plaignant dispose d'un droit d'option lui permettant de demander réparation devant un tribunal civil. S'il ne peut s'offrir les services d'un défenseur privé, il peut demander au Département de l'aide judiciaire du Ministère de la justice à bénéficier d'une aide judiciaire. En outre, le LAC a fourni une aide judiciaire à de nombreuses personnes victimes de violations des droits de l'homme ou simplement de délits.

41. Il n'existe pas de mécanisme officiel traitant expressément de l'indemnisation des victimes de la torture. Il n'existe pas non plus de mécanisme officiel permettant aux victimes de la torture d'obtenir réparation. La loi No 51 de 1977 sur la procédure pénale à laquelle il est fait référence au paragraphe 40, est ce qui s'en approche le plus.


Article 15

42. Conformément à la common law appliquée en Namibie, toute déclaration faite par une personne contre son gré ne peut être invoquée comme un élément de preuve si ce n'est contre la personne accusée d'avoir arraché cette déclaration sous la contrainte, par quelque moyen que ce soit, y compris la torture. En d'autres termes, une preuve obtenue illégalement, et la torture est illégale, n'est pas recevable. Cette règle de common law est reprise par une disposition de la Constitution, l'article 12, qui dispose à l'alinéa f) de son paragraphe 1 ceci :

Une autre disposition de la Constitution namibienne citée au paragraphe 2 du présent rapport se lit comme suit :


Article 16

43. Les règles de common law concernant les infractions pénales et l'article de la Constitution qui interdit la torture permettent le plus souvent l'incrimination, la poursuite et la sanction d'actes, de traitements ou de châtiments cruels, inhumains ou dégradants qui ne sont pas qualifiés tortures au sens de l'article premier de la Convention. Le matériel didactique et les manuels à l'usage des forces de défense, de la police et du personnel pénitentiaire peuvent beaucoup aider ces personnes à prendre conscience du caractère illicite de la torture.

44. Le LAC a fait l'observation suivante :

Ces incidents ont fait l'objet des paragraphes 35 et 36 plus haut.


Conclusion

45. Le présent rapport a été établi par le Ministère de la justice avec le concours des membres du Comité interministériel sur les droits de l'homme choisis parmi les personnels des ministères, de divers autres organismes ainsi que de l'Université de Namibie. Le LAC a également relu le projet de rapport et fait des observations très utiles dont il a été tenu compte lors de l'établissement du texte définitif.


Liste des annexes Le texte de ces annexes peut être consulté aux archives du Centre pour les droits de l'homme.

1. "Corporal punishment by organs of State of Namibia". Point de droit constitutionnel soulevé par l'Attorney-General devant la Cour suprême de Namibie.

2. Extrait de l'affaire M. A. Nghikembwa v. The Minister of Home Affairs jugée par la Haute Cour de Namibie (1995).

3. Basic training of police recruits in Namibia.

4. The structure and functions of the Legal Assistance Centre of Namibia (LAC), organisme créé en 1988.

5. Extradition Bill of Namibia (projet de loi de la Namibie sur l'extradition).

6. Extrait de l'affaire M. Matroos jugée par la Haute Cour de Namibie (1992).



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