University of Minnesota



Comité contre la Torture, Examen des rapports présentés par les États parties en application de l'article 19 de la Convention, Maroc, U.N. Doc. CAT/C/66/Add.1 et Corr.1 (2003).


Troisièmes rapports périodiques des États parties devant être soumis en 2002

Additif

MAROC*

 

 

[23 mars 2003]

______________________

* Les renseignements présentés par le Maroc conformément aux directives unifiées concernant la première partie des rapports des États parties figurent dans le document de base HRI/CORE/1/Add. 23/Rev.1.

 

Pour le rapport initial du Maroc, voir le document CAT/C/24/Add.2; pour son examen, voir les documents CAT/C/SR.203 et 204 et Documents officiels de l’Assemblée générale, cinquantième session, Supplément no 44 (A/50/44), par. 105 à 115.

 

Pour le deuxième rapport périodique, voir le document CAT/C/43/Add.2; pour son examen, voir les documents CAT/C/SR.380, 383 et 387 et Documents officiels de l’Assemblée générale, cinquante-quatrième session, Supplément no 44 (A/54/44), par. 190 à 196.


 

TABLE DES MATIÈRES

 

 

                                                                            Paragraphes    

 

Introduction.............................................................................................................. 1 – 19             

Article premier......................................................................................................... 20 – 25            

Article 2.................................................................................................................. 26 – 27            

Article 3.................................................................................................................. 28 – 32            

Article 4.................................................................................................................. 33 – 40            

Article 5.................................................................................................................. 41 – 49            

Article 6.................................................................................................................. 50 – 51          

Article 7.................................................................................................................. 52 – 54          

Article 8.................................................................................................................. 55 – 60          

Article 9...................................................................................................................... 61              

Article 10................................................................................................................ 62 – 79          

Article 11............................................................................................................... 80 – 125         

Article 12.............................................................................................................. 126 – 131        

Article 13.............................................................................................................. 132 – 136        

Article 14.............................................................................................................. 137 – 160        

Article 15.............................................................................................................. 161 – 170        

Article 16................................................................................................................... 171             


Introduction

1.             Conformément à l’article 19 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ratifiée par le Maroc le 14 juin 1993, le Royaume du Maroc soumet son troisième rapport périodique au Comité contre la torture, à qui il présente ses vifs remerciements pour le soin qu’il accorde à l’examen de ses rapports.

2.             Le présent troisième rapport a pris en considération les conclusions et recommandations adoptées par le Comité (voir CAT/C/SR.380, 383 et 387, et A/54/44, par. 190 à 196) lors de l’examen du deuxième rapport périodique du Maroc (CAT/C/43/Add.2).

3.             Le Royaume du Maroc saisit cette occasion pour attirer l’attention du Comité sur des omissions dans les quatorzième, quinzième et seizième rapports périodiques sur l’élimination de la discrimination raciale (CERD/C/430/Add.1) et dans le document de base (HRI/CORE/1/Add.23/Rev.1) du 15 avril 2002 concernant les dates de ratification par le Maroc des conventions suivantes:

Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (21 juin 1993);

Convention relative aux droits de l’enfant (21 juin 1993);

Convention contre la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants (21 juin 1993);

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (18 décembre 1970).

4.             Le Royaume du Maroc saisit cette occasion pour porter à la connaissance du Comité les dispositions prises par le Maroc en vue de renforcer la promotion des droits de l’homme et consolider l’édification de l’État de droit. Il s’agit principalement de la nomination et l’installation du Conseil consultatif des droits de l’homme (CCDH) et du Diwan Al Madhalim, le 10 décembre 2002, à l’occasion de la Journée internationale des droits de l’homme.

5.             La composition pluraliste du CCDH, formé essentiellement de représentants de la société civile et politique répondant aux exigences requises et investis d’un pouvoir délibératif, est de nature à garantir son indépendance et lui permettre de contribuer à l’élargissement du champ du dialogue entre les divers partenaires.

6.             Le Conseil a résolument pour mission la consécration définitive des droits de l’homme.

7.             Le Conseil est actuellement composé de personnalités éminentes proposées et choisies sur la base de leur impartialité, leur probité morale, leurs compétences, leur attachement sincère aux droits de l’homme et leur apport manifeste à la consolidation de ces droits.

8.             Les engagements du Maroc en matière de protection des droits de l’homme, confortés au niveau du CCDH par le pluralisme de sa composition, l’élargissement de ses compétences et attributions, le renforcement de son indépendance et de son autonomie administrative et financière, la rationalisation de sa gestion et de son mode de fonctionnement, et la publication de ses actes, ainsi que l’attribution d’un statut de membres consultatifs aux représentants de l’exécutif, sont de nature à octroyer à cette institution le titre de garant de l’inviolabilité des droits humains au Maroc.

9.             Parmi ses nouvelles attributions, le CCDH devra établir un rapport annuel sur l’état des droits de l’homme, dresser annuellement le bilan de son action et donner son avis sur le rapport annuel établi par le Diwan Al Madhalim.

10.         Il est également tenu d’examiner les cas de violation des droits de l’homme qui lui sont soumis, de présenter aux autorités compétentes les propositions et recommandations qui s’imposent, d’étudier et de donner son avis sur les projets de textes législatifs et réglementaires qui lui sont confiés.

11.         Dans le même sens, la création d’un prix annuel des droits de l’homme, qui sera attribué sur proposition du CCDH à la personnalité ou à l’organisation nationale ou étrangère qui mérite d’en être la récipiendaire, illustre la volonté royale d’encourager les initiatives et les actions entreprises dans ce domaine.

12.         À la même occasion, le Roi a nommé un wali à la tête du Diwan Al Madhalim. Il s’agit d’un instrument extrajudiciaire qui s’attachera à la réparation des injustices préjudiciables aux usagers et imputables aux services publics.

13.         Le Diwan Al Madhalim est appelé à examiner en toute équité les doléances et à renforcer la synergie entre les autorités et le citoyen dans le respect total des règles garantissant la primauté de la loi et de l’équité.

A.  Libertés publiques

14.         Le Roi Mohammed VI a fait de l’élargissement de l’espace des libertés un chantier tout aussi prioritaire, comme en témoigne la réforme et l’actualisation du Code des libertés publiques, relatif à la création des associations, aux rassemblements publics et à la presse.

15.         La loi no 76‑00 modifiant et complétant le dahir no 1-58-377 du 3 joumada 1378 (15 novembre 1958) relatif aux rassemblements publics vise particulièrement à renforcer les libertés de rassemblement, de réunion et d’expression, à simplifier les procédures administratives et à supprimer ou réduire les sanctions privatives de liberté à la faveur des amendes. Elle vise également à mettre en place de nouvelles règles précises garantissant la transparence, l’honnêteté et la légalité dans la diversification des ressources financières internes et externes des intervenants associatifs, renforçant ainsi le rôle du pouvoir judiciaire dans le contrôle de la légalité des décisions administratives motivées par la force de la loi.

16.         Tout en préservant la sacralité des constantes nationales et en veillant à la conformité de l’action en matière de libertés publiques avec les traditions religieuses et la civilisation du Royaume, cette réforme vise à les harmoniser avec les dispositions des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme pour bannir le racisme, la haine, la violence, la discrimination religieuse ou ethnique et les atteintes à la liberté d’autrui.

B.  Âge de vote

17.         L’âge de vote a été abaissé à 18 ans par une décision du Roi annoncée le 10 décembre 2002.

C.  Code électoral

18.         Le Conseil de gouvernement a adopté les textes relatifs à la révision des lois électorales. Ces textes introduisent plusieurs nouveautés, à savoir l’utilisation du bulletin unique, l’annulation de la couleur et son remplacement par des symboles.

19.         Une nouvelle charte communale a également été adoptée.

Article premier

Définition de la torture

20.         Malgré l’absence d’une définition précise de la torture, il existe différentes dispositions législatives la réprimant.

21.         Le projet de réforme du Code pénal en cours d’élaboration présenté par le Ministère de la justice est une étape importante dans le processus de développement du système judiciaire et de la réforme de la justice. Il vise à combler des lacunes et accompagner le changement en matière de consécration de l’État de droit et des droits de l’homme et d’harmonisation de la législation nationale avec les chartes et conventions internationales ratifiées par le Maroc. S’agissant de la torture, une définition plus large sera donnée allant dans le sens de l’article premier de la Convention.

22.         À cet égard, à l’occasion de la fête du trône célébrée le 3 mars 2002, le Roi Mohammed VI a prononcé un discours dont voici un extrait:

«... la compétition démocratique est, certes, nécessaire. Elle s’arrête toutefois là où l’exige l’intérêt supérieur de la nation. C’est pourquoi nous avons tenu à ce que notre action en faveur de l’élargissement de l’espace des libertés publiques et des droits de l’homme soit consolidée par la mise en place d’organes chargés d’en assurer la protection, et aussi par la définition des conditions d’exercice de ces droits et libertés, et des moyens et des garanties y afférents. C’est dans ce contexte que nous comptons procéder, dans les semaines à venir, si Dieu le veut, à l’installation du nouveau CCDH et du Diwan Al Madhalim.

Nous sommes également déterminés à conforter la quiétude et la sérénité du citoyen, en renforçant l’autorité des institutions étatiques autour des valeurs immuables de la nation et dans le cadre d’un État fort, veillant au respect scrupuleux de la loi, à sa primauté et à l’égalité de tous devant elle.

La réforme de la justice, qui constitue à cet égard un pilier fondamental, crée en outre un climat de confiance qui est le meilleur facteur d’incitation à l’investissement.

En effet, pour que le processus des réformes judiciaires puisse atteindre sa vitesse de pointe, il faudrait renforcer les ressources financières et humaines allouées au département de la justice. Ainsi pourront se poursuivre la réhabilitation, la modernisation et la mise à niveau de la justice de sorte qu’elle puisse s’acquitter au mieux des missions nobles, considérables et de plus en plus nombreuses qui lui sont assignées.»

23.         Le 25 juin 2002, la chambre des représentants a adopté à l’unanimité le projet de loi portant nouveau Code de procédure pénale.

24.         Cette révision constitue la pierre angulaire de la réforme de la justice pénale, dans la mesure où elle contribue à relever le défi qui consiste à assurer l’équilibre entre, d’une part, les droits collectifs, en l’occurrence la protection de la société à travers, notamment, la dynamisation de la justice pénale, la simplification des procédures, l’attribution de nouvelles compétences au ministère public, et, d’autre part, les droits individuels en mettant clairement l’accent sur la présomption d’innocence, le droit à un jugement équitable, l’élargissement du domaine de l’instruction, la mise sous contrôle judiciaire, le droit de recours en appel et la réorganisation de la justice des mineurs par la création de différentes institutions.

25.         Les apports positifs de cette réforme sont, entre autres, la consécration de la présomption d’innocence, la relation étroite entre la condamnation et le jugement équitable et la mise en place de mécanismes de contrôle de la garde à vue ainsi que la création de l’institution du juge d’application des peines et une nouvelle organisation de la justice des mineurs.

Article 2

Interdiction des actes de torture

26.         «Nul ne peut être arrêté, détenu ou puni que dans les cas et les formes prévues par la loi»; c’est en ces termes que la Constitution interdit les actes de torture (art. 10) et pose le principe de l’interdiction de la torture en soumettant les arrestations, détentions et sanctions au Code pénal et au Code de procédure pénale.

27.         Par ailleurs, le Code pénal sanctionne par diverses incriminations les atteintes à l’intégrité physique de la personne et prévoit des sanctions aggravées lorsque les violences sont le fait d’agents ou de préposés de l’autorité, et cela, entre autres, pour:

Des crimes et délits portant atteinte aux libertés et aux droits garantis aux citoyens;

Des abus d’autorité commis par des fonctionnaires contre des particuliers;

Des crimes et délits contre les personnes;

Des atteintes portées à l’honneur et à la considération des personnes et de la violation des secrets.

Article 3

Interdiction de l’expulsion, du refoulement ou de l’extradition d’une personne
vers un État ou elle risque d’être soumise à la torture

28.         L’extradition et le refoulement sont régis par les dispositions du Code de procédure pénale. Les conditions de fond et de forme de l’extradition sont régies par le dahir no1-58-057 du 25 rebia II 1378 (8 novembre 1958) relatif à l’extradition des étrangers.

29.         Si la soumission à la torture n’y est pas explicitement mentionnée, la pratique marocaine en la matière la prend en considération.

30.         En effet, les infractions politiques échappent à l’extradition sauf lorsqu’elles sont accompagnées d’actes de barbarie odieuse ou d’une guerre civile.

31.         Le délinquant dont l’extradition est demandée ne peut en aucun cas être de nationalité marocaine. Lorsqu’il s’agit d’un étranger par rapport à l’État requérant et lorsque le délinquant a commis son infraction dans un État tiers, le Maroc n’accorde l’extradition que si l’infraction porte atteinte à la sûreté de l’État requérant ou à sa législation monétaire.

32.         Si l’extradition est requise par plusieurs États, le Maroc l’accorde soit à celui qui applique la procédure la plus correcte, soit à celui qui paraît le plus victime.

Article 4

Incrimination des actes de torture, de la tentative
de les pratiquer et de la complicité

a)       Incrimination de la torture

33.         Le Code pénal marocain condamne tout acte de violence, coups et blessures exercés à l’encontre d’une personne, notamment en son article 399, où la torture est expressément mentionnée. Est puni de la peine de mort quiconque, pour l’exécution d’un fait qualifié de crime, emploie des tortures ou des actes de barbarie.

34.         Les articles 392 à 424 du Code pénal traitent de mort intentionnellement donnée, de violences et coups et blessures.

35.         Les articles 225 à 232 traitent des abus d’autorité commis par un magistrat ou un fonctionnaire public qui ordonne ou fait quelque acte arbitraire, attentatoire soit à la liberté individuelle, soit aux droits civiques d’un ou plusieurs citoyens. Les auteurs sont punis de la dégradation civique. Les articles 264 à 268 du projet du Code de procédure pénale s’y réfèrent également.

b)      La tentative

36.         Pour tomber sous le coup de la répression, la tentative doit réunir trois conditions: avoir lieu en matière de crime ou de délit où elle est expressément prévue par la loi, se manifester par un commencement d’exécution et un désistement involontaire et s’appuyer sur une intention coupable. En effet, l’article 116 du Code pénal précise que la tentative n’est jamais punissable dans les contraventions. La répression de la tentative d’actes de torture découle des sanctions prévues par le Code pénal pour les diverses formes de violence. La tentative de coups et blessures peut toujours être sanctionnée comme violence et voie de fait n’ayant pas causé d’incapacité (art. 400 du Code pénal). En effet, les violences et voies de fait sanctionnent non seulement les brutalités directement exercées sur le corps de la victime sans entraîner d’incapacité, mais également les actes qui, sans aucun contact matériel, sont de nature à porter des atteintes à l’intégrité physique de la victime, en raison de l’émotion vive ou du choc psychologique ressenti.

c)       La complicité

37.         Dans le droit pénal marocain, la complicité est toujours punissable pour les délits comme pour les crimes et, partant, englobe aussi bien la complicité de coups et blessures que les violences et voies de fait.

38.         La répression de la complicité est consacrée par les articles 128 à 131 du Code pénal, qui stipule que le complice d’un crime ou d’un délit est punissable de la peine réprimant ce crime ou ce délit (art. 131).

39.         Le Code pénal précise que sont considérés comme coauteurs tous ceux qui personnellement ont pris part à l’infraction et sont considérés comme complices tous ceux qui, sans participation directe à l’infraction, ont provoqué ou fourni des moyens ou une assistance pour la commission de l’infraction, et ce, en connaissance de cause.

40.         De ce qui précède, il est clairement établi que le droit marocain incrimine aussi bien les actes de torture que la tentative de les pratiquer et la complicité.

Article 5

Élargissement de la compétence des juridictions marocaines

41.         Contrairement aux règles de compétence personnelle, les règles de compétence territoriale s’expliquent directement par la nécessité d’une bonne administration de la justice. Trois critères de compétence territoriale sont établis par le Code de procédure pénale de 1959, à savoir les lieux de commission de l’infraction, de résidence du délinquant et de son arrestation.

42.         L’infraction doit correspondre à un crime ou un délit de la législation marocaine. La personne en question ne doit se trouver ni dans la situation de celui qui a déjà été condamné et sanctionné par la juridiction du pays de l’infraction ni de celui qui bénéficie d’une excuse ou d’une amnistie ou d’une grâce ou d’une prescription.

43.         Les mêmes dispositions régissent les étrangers auteurs ou complices d’une infraction commise au Maroc et se trouvant condamnés et sanctionnés effectivement à l’étranger ou dont la condamnation s’efface en raison d’une excuse, d’une grâce ou d’une prescription.

44.         Est également soumis à la même réglementation l’étranger qui commet une infraction contre la sûreté intérieure ou extérieure de l’État marocain, ou une infraction contre la monnaie marocaine, même si le fait a lieu dans un pays étranger. La répression s’applique dès la rentrée du délinquant ou sa réception par voie d’extradition.

45.         Selon le dahir de 1958 et sauf conventions internationales contraires, l’infraction doit avoir une nature de droit commun prévue et sanctionnée comme crime ou délit par la législation du pays requérant et celle du Maroc.

46.         En effet, lorsqu’il s’agit de juger certains fonctionnaires des pouvoirs exécutif et judiciaire, la chambre criminelle de la Cour suprême ordonne sur réquisitoire de son procureur général, le cas échéant, que l’instruction soit effectuée par un ou plusieurs juges de ladite Cour. Ensuite, toutes les chambres réunies de la Cour prononcent le jugement après la fin de l’instruction. Les articles consacrés à la compétence des juridictions marocaines figurent dans les paragraphes ci‑après.

47.         Pour la compétence concernant les infractions commises sur le territoire national, en ses articles 10, 11 et 12, le Code pénal précise que sont soumis à la loi pénale marocaine tous ceux qui, nationaux, étrangers ou apatrides, se trouvent sur le territoire du Royaume, sauf les exceptions établies par le droit public interne ou le droit international. Ainsi sont considérés comme faisant partie du territoire les navires ou les aéronefs marocains quel que soit l’endroit où il se trouvent, sauf s’ils sont soumis, en vertu du droit international, à une loi étrangère.

48.         Par ailleurs, les articles 749 et 750 du Code de procédure pénale stipulent que les juridictions du Royaume sont également compétentes pour connaître des crimes ou délits commis en haute mer sur des navires battant pavillon marocain, quelle que soit la nationalité de leurs auteurs. Il en est de même pour les crimes ou délits commis dans un port marocain, à bord d’un navire marchand étranger. Sauf dérogation résultant de conventions internationales, les juridictions du Royaume sont compétentes pour connaître des crimes ou délits commis à bord des aéronefs marocains, quelle que soit la nationalité de l’auteur de l’infraction. Elles le sont également pour connaître des crimes ou délits commis à bord des aéronefs étrangers si l’auteur ou la victime est de nationalité marocaine ou si l’appareil atterrit au Maroc après le crime ou le délit. Les tribunaux compétents sont ceux du lieu de l’atterrissage en cas d’arrestation au moment de cet atterrissage, et ceux du lieu de l’arrestation au cas où l’auteur de l’infraction est ultérieurement arrêté au Maroc.

49.         Pour la compétence concernant les infractions commises à l’étranger, les articles 751 et suivants du Code de procédure pénale stipulent que tout fait qualifié de crime par la loi marocaine et commis hors du Royaume par un Marocain peut être poursuivi et jugé au Maroc. Toutefois, la poursuite ou le jugement ne peut avoir lieu que lorsque le criminel est revenu au Maroc et ne justifie pas avoir été irrévocablement jugé à l’étranger et, en cas de condamnation, avoir subi ou prescrit sa peine ou obtenu sa grâce.

Article 6

Arrestation et détention de toute personne soupçonnée
d’avoir commis un acte de torture

50.         Conformément aux dispositions de la législation marocaine, tout acte de torture perpétré sur le territoire marocain ou à l’étranger par un Marocain, à condition qu’il n’ait pas fait l’objet d’un jugement définitif, pourra faire l’objet de poursuites (art. 10 du Code pénal et 751 et suiv. du Code de procédure pénale). Dans les deux cas, la personne soupçonnée bénéficie de toutes les garanties prévues par la loi.

51.         Si l’acte de torture est commis à l’étranger par un étranger et d’après le dahir du 5 novembre 1958 relatif à l’extradition, dès que la demande a été transmise aux autorités marocaines, l’étranger est arrêté et transféré dans les plus bref délais et écroué à la prison de Rabat pendant la durée de la procédure d’extradition. Entre temps, la personne poursuivie peut demander sa mise en liberté provisoire et bénéficie des garanties prévues par le dahir relatif à l’extradition.

Article 7

Jugement ou extradition de toute personne soupçonnée d’un acte de torture

52.         L’article 748 du Code de procédure pénale stipule que les juridictions du Royaume sont compétentes pour connaître toute infraction commise sur le territoire marocain quelle que soit la nationalité de son auteur. De même, les dispositions du Code de procédure pénale sont respectées et la personne poursuivie jouit de toutes les garanties prévues par la loi marocaine tant au niveau de l’enquête de police qu’à celui de l’instruction et du jugement.

53.         L’instruction judiciaire est obligatoire pour les infractions les plus graves dont les peines encourues sont très lourdes, consistant en la peine de mort ou la réclusion perpétuelle. Elle est facultative si la peine encourue est moins grave.

54.         Le Code de procédure pénale prévoit que les modes de preuve sont identiques quelle que soit l’infraction à juger. L’article 288 confirme le principe de la liberté en disposant que le juge tranche en fonction de son intime conviction. L’article 289 du Code de procédure pénale ne tient compte que des moyens de preuve utilisés et discutés contradictoirement devant le juge. Lorsque ce dernier estime que la preuve n’est pas faite, il refuse l’inculpation et décide la libération. L’innocence est présumée jusqu’à la preuve de la culpabilité.

Article 8

Incrimination des actes de torture dans les traités d’extradition

55.         Le dahir no 1-58-057 du 25 rebia II 1378 (8 novembre 1958) relatif à l’extradition des étrangers stipule que le Gouvernement du Maroc peut livrer sur demande de gouvernements étrangers tout individu non marocain ayant fait l’objet d’une poursuite au nom de l’État requérant et se trouvant sur le territoire marocain. Cependant, l’extradition ne peut être accordée que si l’infraction a été commise:

Sur le territoire de l’État requérant par un sujet de cet État ou par un étranger;

En dehors de son territoire par un sujet de cet État;

En dehors de son territoire par un individu étranger à cet État quand l’infraction est au nombre de celles dont les lois marocaines autorisent la poursuite au Maroc, alors même qu’elles ont été commises par un étranger à l’étranger.

56.         Cependant, l’extradition ne peut être accordée lorsque:

L’individu objet de la demande est marocain;

Le crime ou délit a un caractère politique;

Le crime ou délit a été commis sur le territoire marocain;

Les crimes ou délits ont été définitivement jugés.

57.         En ce qui concerne la procédure d’extradition, il est à signaler que toute demande est adressée au Maroc par la voie diplomatique et accompagnée d’un jugement ou d’un arrêt de condamnation. Dans les 24 heures suivant l’arrestation, l’étranger est soumis à un interrogatoire d’identité et mis au courant des raisons pour lesquelles son extradition est demandée et sur quelles preuves s’appuie cette demande avant d’être transféré à la prison de Rabat en vue d’extradition.

58.         Les autorités marocaines peuvent procéder au relâchement d’un ressortissant étranger lorsque les motifs de sa détention ont cessé d’exister, ou si la demande d’extradition n’a pas été déposée dans le délai prescrit. De même, si dans un délai d’un mois à compter de la notification faite à l’agent diplomatique du pays requérant l’extradé n’a pas été reçu par les agents de ce pays, il est mis en liberté et ne peut être poursuivi pour les même motifs. Ce délai d’un mois est porté à 90 jours, si le territoire du pays requérant n’est pas limitrophe.

59.         Lorsque la personne accusée est en détention, le principe fondamental est de ne pas porter atteinte à la personnalité et à la dignité de la personne détenue et que seules les restrictions nécessaires pour prévenir une évasion ou un acte susceptible de nuire au bon déroulement de la procédure s’appliquent.

60.         Les accords d’extradition bilatéraux ci-après sont en vigueur au Maroc et conclus avec:

a)       La Belgique: Convention d’extradition et d’entraide judiciaire en matière pénale, du 27 février 1979;

b)      L’Égypte: Convention de coopération judiciaire en matière pénale et d’extradition, du 22 mars 1989;

c)       Les Émirats arabes unis: Convention relative aux notifications, aux commissions rogatoires, à l’exécution des jugements et à l’extradition, du 18 janvier 1978;

d)      L’Espagne: Convention sur l’extradition, du 30 mai 1997;

e)       La France: Convention d’aide mutuelle judiciaire, d’exequatur des jugements et d’extradition, du 5 octobre 1957;

f)       Le Gabon: Convention d’entraide judiciaire, d’échange d’informations judiciaires, d’entraide des jugements et d’extradition, du 27 février 1989;

g)       L’Italie: Convention d’aide mutuelle judiciaire, d’exequatur des jugements et d’extradition, du 12 février 1971;

h)       La Jamahirya arabe libyenne: Convention relative aux notifications, aux commissions rogatoires, à l’exécution des jugements et l’extradition, du 27 décembre 1962;

i)        La Mauritanie: Convention sur la coopération judiciaire et l’extradition, du 20 septembre 1972;

j)       Le Sénégal: Convention de coopération judiciaire d’exécution des jugements et d’extradition, du 3 juillet 1967;

k)      La Tunisie: Convention de coopération judiciaire d’exécution des jugements et d’extradition, du 9 décembre 1964;

l)        La Turquie: Convention relative à l’entraide judiciaire en matière pénale et à l’extradition, du 15 mai 1989.

Article 9

Entraide judiciaire entre États parties dans toutes les procédures
relatives aux actes de torture

61.         En matière d’entraide judiciaire, on peut citer les traités, conventions et accords bilatéraux suivants, conclus par le Maroc avec:

a)       L’Algérie: Convention relative à l’entraide judiciaire, du 15 mars 1963;

b)      La République fédérale d’Allemagne: Convention relative à l’entraide judiciaire et à l’échange des informations en matière civile et commerciale, du 29 octobre 1985;

c)       Bahreïn: Convention d’entraide judiciaire et juridique en matière civile et commerciale et de statut personnel, du 29 novembre 1997;

d)      La Belgique:

Convention relative à l’entraide judiciaire, à la reconnaissance et à l’exécution des décisions judiciaires en matière de garde et de droit de visite, du 15 juillet 1991;

Convention relative à l’entraide judiciaire en matière civile, commerciale et administrative et dans le domaine de l’information, du 30 avril 1981.

e)       L’Égypte: Protocole d’entraide judiciaire dans le domaine de la formation des magistrats, du 14 mai 1997;

f)       Les Émirats arabes unis: Accord de coopération judiciaire, du 18 septembre 1978;

g)       L’Espagne:

Accord modifiant les dispositions de la Convention judiciaire, du 6 octobre 1965;

Convention sur l’entraide judiciaire en matière pénale, du 30 mai 1997;

Convention relative à l’entraide judiciaire, à la reconnaissance et à l’exécution des décisions judiciaires en matière de droit de garde, de droit de visite et au retour des enfants, du 30 mai 1997;

Convention sur l’assistance aux personnes détenues et sur le transfert des personnes condamnées, du 30 mai 1997;

h)       Les États-Unis d’Amérique: Convention d’entraide judiciaire en matière pénale, du 17 octobre 1983;

i)        La France: Convention relative au statut des personnes et de la famille et de la coopération judiciaire, du 10 août 1981;

j)       Le Koweït: Convention d’entraide juridique et judiciaire en matière civile, commerciale et de statut personnel, du 10 décembre 1996;

k)      La Pologne: Convention relative à l’entraide judiciaire en matière pénale, du 21 mai 1979;

l)        La Roumanie: Convention relative à l’entraide judiciaire en matière civile et pénale, du 30 août 1972.

m)      La Turquie: Convention sur le transfert des personnes condamnées, du 15 mai 1989;

Article 10

Enseignement et information concernant l’interdiction de la torture

62.         Au Maroc, la diffusion de la culture des droits de l’homme connaît une dynamique au niveau national qui dépasse les différentes manifestations nationales, régionales ou internationales et œuvre dans la perspective de la hisser au rang d’une pratique quotidienne ancrée dans le vécu de chaque citoyen.

63.         Les efforts déployés par le Maroc dans ce domaine connaissent une grande participation de la société civile active dans le domaine des droits de l’homme. Par ailleurs, il faut souligner que l’intérêt porté à l’éducation aux droits de l’homme et à la diffusion de cette culture est fortement relayé par un large tissu associatif dense.

64.         Les principales réalisations en matière d’éducation et de promotion des droits de l’homme, qui constituent le meilleur rempart contre la torture et autres violations des droits de l’homme, consistent en la création du Centre de documentation, d’information et de formation en droits de l’homme et que l’introduction des droits de l’homme dans le cursus scolaire, par le biais du Programme national d’éducation aux droits de l’homme.

a)         Centre de documentation, d’information et de formation en droits de l’homme

65.         Dans le cadre de la promotion des droits de l’homme et la consolidation de l’État de droit, le Ministère des droits de l’homme, en collaboration avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), a créé le Centre de documentation, d’information et de formation en droits de l’homme, inauguré le 15 avril 2000.

66.         Le Centre a pour principale mission d’accompagner les réformes en cours dans divers secteurs de la société marocaine en matière de droits de l’homme. Il veille également à l’établissement de relations d’échange et de coopération avec les organismes et institutions œuvrant pour la promotion des droits de l’homme tant au niveau national qu’international.

67.         À ce titre, le Centre a organisé plusieurs sessions de formation et séminaires qui ont bénéficié à un large public, fonctionnaires d’État, personnel de l’administration pénitentiaire, juristes, société civile, etc. On peut citer à titre d’exemples l’organisation des sessions suivantes:

Session de formation, en collaboration avec l’administration pénitentiaire, sur «La nouvelle législation pénitentiaire marocaine et les normes internationales de traitement des détenus», destinée aux cadres et responsables des prisons (Rabat, 22‑24 janvier 2001);

Session de formation sur «Les mécanismes internationaux de protection des droits de l’homme» (Casablanca, 1-3 novembre 2001);

Session de formation intitulée «Média audiovisuel et droits de l’homme», en collaboration avec le Centre culturel britannique (Marrakech, 2-4 avril 2001);

Séminaire intitulé «Conventions internationales et droit interne: lectures dans la jurisprudence marocaine», en collaboration avec le Ministère de la justice (Rabat, 19‑21 octobre 2001);

Session de formation sur «L’information et les droits de l’homme», en collaboration avec l’Institut arabe des droits de l’homme (Casablanca, 8‑14 novembre 2001);

Session de formation sur «Les techniques de médiation et de résolution des conflits dans le domaine social», en collaboration avec l’Organisation internationale Search for Common Ground (Rabat, 8‑20 janvier 2002);

Session de formation sur «La documentation et information dans le domaine des droits de l’homme», en collaboration avec l’Institut arabe des droits de l’homme (Rabat, 11‑13 février 2002);

Séminaire sur «La médecine carcérale et droits de l’homme», en collaboration avec Amnesty International (Rabat, 6 avril 2002);

Session de formation sur «Les pays arabes face aux mécanismes internationaux de protection des droits de l’homme», en collaboration avec l’Institut arabe des droits de l’homme (juin 2002);

Séminaire sur «Le rôle du Parlement dans la protection des droits de l’homme» (juillet 2002);

Session de formation sur «La médecine légale et les droits de l’homme » (octobre 2002);

Séminaire sur «Magistrature et médias» (décembre 2002).

68.         Le Centre de documentation, d’information et de formation en droits de l’homme a été d’un grand apport en matière de publications. On peut citer à cet égard:

Les normes internationales pour le traitement des détenus (décembre 2000);

Le Maroc et les instruments internationaux des droits de l’homme (décembre 2000)

La publication et la diffusion de plusieurs conventions des Nations Unies ratifiées par le Maroc, dont la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et la Convention contre la torture.

b)      L’éducation aux droits de l’homme

69.         Le Royaume du Maroc a intensifié ses efforts pour promouvoir la culture des droits de l’homme. C’est ainsi qu’a été élaboré le Programme national d’éducation aux droits de l’homme en vue d’introduire les droits de l’homme dans le cursus scolaire. Ce choix s’expliquait par la conviction que l’éducation constitue le moyen privilégié pour parvenir à une meilleure diffusion de la culture des droits de l’homme. Pour ce faire, le Ministère des droits de l’homme, en collaboration avec le Ministère de l’éducation nationale, a veillé à concrétiser le Programme, qui a été mis en œuvre en plusieurs étapes.

70.         Au préalable, une opération de dépouillement des manuels scolaires des idées, stéréotypes et clichés contraires aux droits de l’homme et d’introduction de notions propres à renforcer la culture des droits de l’homme a concerné plus de 120 manuels scolaires.

71.         La formation a constitué un volet important du Programme. C’est ainsi qu’entre 1999 et 2002 la commission mixte composée de membres du Ministère des droits de l’homme et du Ministère de l’éducation nationale a organisé plus de 100 sessions de formation, avec la contribution du Centre des Nations Unies pour les droits de l’homme.

72.         Ces sessions de formation ont concerné dans un premier temps quatre académies, pour s’étendre progressivement à l’ensemble des 16 académies du Royaume.

73.         Pendant l’année scolaire 2000/01, le Programme national a été expérimenté par un échantillon représentatif d’établissements scolaires à travers le pays. La généralisation progressive du Programme a débuté à la rentrée scolaire 2002/03, suite à la signature d’une convention s’y rapportant entre le Ministère des droits de l’homme et le Ministère de l’éducation nationale, le 10 décembre 2001, à l’occasion de la Journée internationale des droits de l’homme.

74.         Des fiches pédagogiques ont été réalisées dans les cinq principales matières concernées par ce programme, à savoir: les langues arabe et française, l’histoire et la géographie, l’éducation civique et la pensée musulmane.

75.         Il convient également de signaler que le Ministère des droits de l’homme a créé, en coopération avec le Ministère de l’enseignement supérieur et l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), une chaire UNESCO pour l’enseignement des droits de l’homme à l’Université Mohamed V à Rabat ainsi qu’une chaire pour l’éducation à la paix à l’Université Mohammed Ier à Oujda. En outre, une convention de partenariat a été signée entre le Ministère des droits de l’homme et la chaire UNESCO pour «La femme et ses droits», codirigé par la faculté des sciences juridiques, économiques et sociales Souissi à Rabat et la faculté des lettres et sciences humaines Ibn-Tofail à Kénitra.

76.         Les efforts déployés par le Maroc pour consolider l’État de droit trouvent un écho favorable et positif auprès de nombreux cercles internationaux. La décision d’Amnesty International de tenir son congrès international au Maroc et l’organisation de la Conférence régionale sur l’éducation aux droits de l’homme dans les pays arabes, en collaboration avec l’UNESCO et le PNUD, sont des signaux très forts à cet égard.

77.         Cette intense activité en matière d’éducation aux droits de l’homme a été renforcée par la signature de conventions de partenariat avec des organisations non gouvernementales (ONG) et des centres étrangers œuvrant dans le domaine des droits de l’homme, par exemple entre le Ministère des droits de l’homme et l’Association démocratique des femmes du Maroc et avec Amnesty International.

78.         Les réalisations susmentionnées renforcent les efforts entrepris par le Maroc en matière de diffusion des droits de l’homme depuis le début des années 1990. On rappelle à ce titre l’enseignement des droits de l’homme dans les instituts de formation des cadres chargés d’appliquer la loi, tels l’Institut national d’études judiciaires, l’École de perfectionnement du Ministère de l’intérieur, l’École de perfectionnement de la gendarmerie royale, l’Académie royale militaire et l’Institut royal de police.

79.         Le 26 juin constitue également une occasion d’organiser des rencontres scientifiques et d’information sur l’impératif de la lutte contre la torture, en tant qu’atteinte aux droits de l’homme. La célébration de la Journée internationale des Nations Unies de soutien aux victimes de la torture, le 26 juin 2002 a vu la participation d’une délégation de l’International Rehabilitation Council for Torture Victims (IRCT) dirigée par son secrétaire général, le docteur Inge Genefke, qui a eu par la même occasion des entretiens avec le Gouvernement ainsi qu’avec des représentants de la société civile.

Article 11

Mesures de contrôle des interrogatoires, détentions et emprisonnements
tendant à éviter les actes de torture

80.         Pour prévenir les actes de torture, le Gouvernement marocain a adopté une série de mesures importantes se rapportant aussi bien aux interrogatoires qu’aux lieux de détention.

a)       Renforcement des mesures de contrôle

81.         Pour renforcer le contrôle des locaux de la police, de la gendarmerie et des établissements pénitentiaires sur l’ensemble du territoire national, plusieurs circulaires ont été adressées aux ministères publics, les incitant notamment à veiller à l’observation des dispositions législatives relatives au respect des délais et des conditions de la garde à vue.

82.         En cas de décès d’un détenu, sa famille en est informée et un représentant du parquet se rend immédiatement sur les lieux pour accomplir les opérations d’enquête, relever les indices nécessaires à l’établissement de la vérité et dresser un procès-verbal qui doit décrire objectivement les faits observés, les opérations effectuées et/ou les déclarations reçues.

83.         Le ministère public donne également des instructions à la police judiciaire pour l’ouverture d’enquêtes et l’accomplissement des investigations nécessaires à la détermination des causes et circonstances du décès.

84.         Par ailleurs, une autopsie établie par un médecin légiste ou une commission médicale détermine en général les causes de la mort.

85.         Si aucune trace de violence ou de torture n’est constatée de façon apparente sur le cadavre, des analyses sont faites en laboratoire à partir de prélèvements effectués sur des organes du cadavre.

86.         À la lumière des résultats obtenus, le ministère public procède à l’ouverture d’une enquête, notamment si des présomptions laissent penser que la mort n’est pas naturelle.

b)      Amélioration des conditions de détention

87.         Cette amélioration a touché les domaines normatif, institutionnel et structurel.

Adoption d’une nouvelle législation pénitentiaire1

88.         Parmi les nouvelles mesures prises par le Maroc pour la mise en œuvre de la Convention, on peut citer l’adoption récente d’une loi sur les prisons.

89.         Ayant pour but de rationaliser l’organisation de l’espace carcéral, changer la conception traditionnelle de la prison et sauvegarder la sécurité des établissements pénitentiaires tout en préservant les droits et la dignité des détenus, la nouvelle législation relative à l’organisation et au fonctionnement des établissements pénitentiaires est une refonte en profondeur du cadre législatif réglementant ces institutions.

90.         Cette mesure s’est concrétisée par la mise en place d’infrastructures, la garantie de soins médicaux et d’une alimentation équilibrée, la multiplication de programmes d’enseignement et l’adoption d’initiatives ayant une portée sociale et pédagogique visant à la fois une meilleure réinsertion des détenus après leur libération et une ouverture sur toutes les composantes de la société civile intéressée par la question carcérale.

91.         Pour atteindre ses objectifs, cette nouvelle législation s’est appuyée sur un cadre référentiel très riche dont les composantes majeures sont:

La religion musulmane, dont les enseignements s’articulent autour de la sauvegarde de la dignité humaine;

Les hautes directives contenues dans le discours royal de 1990 prononcé à l’occasion de la création du Conseil consultatif des droits de l’homme;

L’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus et celles contenues dans les conventions et traités internationaux ratifiés par le Maroc;

Le droit comparé et les expériences étrangères.

92.         Enrichie par les propositions des acteurs de la société civile, du CCDH et adoptée à l’unanimité par les deux chambres du Parlement, cette nouvelle loi se propose d’établir l’équilibre entre l’impératif de sécurité dicté par les nécessités de l’application des peines et l’impératif du respect des droits et de la dignité des détenus en tant que personnes humaines. Cette réforme ajoute à la dimension répressive, inhérente à toute peine privative de liberté, une dimension éducationnelle, humaine et civilisationnelle.

93.     Il convient enfin de signaler que le détenu jouit, grâce aux nouvelles dispositions, d’un contact quasi permanent avec le monde extérieur puisqu’il est autorisé à recevoir des journaux, à disposer de moyens audiovisuels et à utiliser des appareils de téléphone mobile. Les visites familiales des détenus sont facilitées et humanisées par l’institution d’un système de visite directe, ainsi que l’instauration de l’autorisation de sorties exceptionnelles de 1 à 10 jours, à l’occasion des fêtes religieuses et nationales, pour tout détenu ayant purgé la moitié de sa peine et justifiant d’un comportement exemplaire (art. 46 de la loi sur les prisons de décembre 2000). Ainsi, environ 76 autorisations exceptionnelles ont été accordées à l’occasion des fêtes religieuses et nationales et 97 pour des raisons familiales (mariage, décès, naissance, etc.).

94.         En outre, les centres pénitentiaires offrent la possibilité aux détenus de s’isoler avec leurs épouses pour bénéficier d’une certaine intimité dans des locaux aménagés et sur présentation d’un acte de mariage. En 2001, 190 demandes sur 200 ont été satisfaites. En mars 2002, un détenu a bénéficié d’une libération conditionnelle.

95.         Par ailleurs, les punitions appliquées ont connu un net changement en ce sens qu’il n’y a de place pour aucune peine jugée cruelle, inhumaine ou dégradante.

96.         Les seules sanctions admises se limitent aux mesures suivantes:

Privation de visite familiale directe;

Avertissement écrit mentionné dans le dossier personnel du détenu;

Interdiction de faire certains achats internes pour une période ne dépassant pas 45 jours;

Privation de télévision et de radio;

Obligation d’exécuter des travaux de nettoyage pour une période ne dépassant pas 5 jours;

Obligation de réparer les dégâts occasionnés;

Isolement correctionnel, sous surveillance médicale, pour une durée ne dépassant pas 45 jours.

97.         Il est à signaler que ces sanctions ne peuvent avoir lieu sans le consentement du conseil disciplinaire.

98.         Les médias et les ONG sont autorisés à visiter les établissements pénitentiaires pour s’enquérir de la situation des détenus. Certaines ONG nationales et internationales ont l’autorisation d’organiser des activités telles que théâtre, musique, dessin, poterie et tournois de football (minifoot). Certaines associations de défense des droits de l’homme, de bienfaisance, éducatives, culturelles et féministes visitent les prisons, y organisent de multiples manifestations et les dotent, le cas échéant, des équipements nécessaires. Par ailleurs, un Observatoire marocain pour les prisons assure le suivi de la situation de toutes les prisons. Les rapports que cette ONG établit sont pris en compte dans les études tendant à l’amélioration des établissements pénitentiaires.

99.         Afin de faciliter la réinsertion des prisonniers dans la société, un enseignement et une formation professionnelle sont dispensés au sein des prisons:

Formation professionnelle et études au sein des prisons


Année

Alphabétisation

Primaire

Secondaire

Privé

Études universitaires

Formation professionnelle

 

Inscriptions

Réussite

Inscriptions

Réussite

Inscriptions

Réussite

Inscriptions

Réussite

Inscriptions

Réussite

Inscriptions

Réussite

1998-1999

2 606

1 707

1 027

738

225

100

228

94

155

73

339

237

1999-2000

2 144

1 530

978

266

166

77

272

93

140

74

275

191

2000-2001

2 660

1 957

971

747

167

59

278

109

136

79

209

169

Total

7 410

5 194

2 976

1 751

558

236

778

296

431

226

823

597

100.     Parmi les branches dispensées aux détenus durant leurs études supérieures, on peut citer les sciences juridiques et économiques, les sciences, les langues, la théologie.

101.     La formation professionnelle assurée à la population carcérale s’articule autour des spécialités suivantes: couture moderne, électricité du bâtiment, menuiserie, plomberie sanitaire, cordonnerie, industrie du cuir.

102.     Soucieux d’améliorer les conditions de détention des prisonniers, le Maroc a mis en place un centre de formation des fonctionnaires des établissements pénitentiaires à Ifrane. Le programme de formation englobe les disciplines suivantes: le statut de la fonction publique; les règles minima pour le traitement des détenus; la nouvelle législation des prisons; le règlement interne des prisons; un entraînement paramilitaire (entretien et utilisation d’armes); les droits des détenus; l’exécution des peines.

Création d’une nouvelle institution

103.     Portant un grand intérêt à la réinsertion sociale de la population carcérale, le Roi Mohammed VI a donné ses hautes instructions pour la création d’une institution spécifique chargée d’assurer cet objectif. Il s’agit de la Fondation Mohammed VI pour la réinsertion des détenus.

104.     Cette institution, qui a tenu son assemblée constitutive à la mi-janvier 2002 sous la présidence effective du Roi, a été reconnue d’utilité publique le 12 mars 2002.

105.     Présidée par le Roi et administrée par l’un de ses 12 membres, la Fondation se propose de réaliser les objectifs suivants:

Promouvoir et mettre en œuvre des programmes de formation et d’insertion des détenus en milieu carcéral ou en dehors des centres de détention, afin de préparer leur retour à la vie familiale et professionnelle;
Mettre en œuvre des programmes d’assistance aux familles pour faciliter l’insertion des détenus ainsi qu’aux associations et institutions poursuivant les mêmes buts;
Contribuer à toute action menée par les pouvoirs publics ou la société civile tendant aux mêmes buts.

106.     L’assistance de la Fondation, qui revêt un caractère humanitaire et social, s’étend aux Marocains détenus dans des prisons étrangères et aux pensionnaires des Centres de sauvegarde de l’enfance, en l’occurrence les mineurs ayant commis un délit mais qui n’ont pas atteint la majorité pénale pour être passibles de peines d’emprisonnement.

107.     Afin de réaliser ses missions, la Fondation conclut des conventions de partenariat avec les administrations concernées, les associations nationales et étrangères poursuivant les mêmes objectifs, crée ou participe à la création, gère ou participe à la gestion des centres de réinsertion ou de formation devant accueillir des détenus et des pensionnaires des centres de sauvegarde de l’enfance.

Actions de la Fondation au profit des centres de sauvegarde de l’enfance

108.     La population cible est constituée de pensionnaires des 16 centres de sauvegarde de l’enfance relevant du Ministère de la jeunesse et des sports et dont l’âge varie entre 7 et 18 ans. Les objectifs sont le réaménagement des locaux, la promotion, la rééducation, la formation et le suivi pour une réinsertion effective. Les tableaux ci‑après illustrent les actions de la Fondation dans trois centres:

Centre de sauvegarde de l’enfance de Temara

Capacité d’accueil

Nombre de pensionnaires

Filières de formation

Actions de la Fondation

 

 

 

Dons

Réaménagement (en dirhams)

Équipement

120

80 garçons

     Électricité
     Ferronnerie
     Menuiserie

60 480

269 850

420 584

Centre de sauvegarde de l’enfance de Benslimane

Capacité d’accueil

Nombre de pensionnaires

Filières de formation

Actions de la Fondation

 

 

 

Réaménagement (en dirhams)

Équipement

120

96 garçons

     Scolarisation

1 500 000

425 000

Centre de sauvegarde de l’enfance Abdesslam Bennani de Casablanca

Capacité d’accueil

Nombre de pensionnaires

Filières de formation

Actions de la Fondation

 

 

 

Réaménagement

Équipement
(en dirhams)

140

205 filles

     Coiffure
     Arts ménagers
     Broderie
     Informatique

968 200

Actions de la Fondation au profit des détenus victimes de l’incendie de la prison civile de Souk Larbaâ

109.     À la suite de l’incendie qui s’est déclenché le 16 août 2002 dans une cellule de la prison civile pour mineurs de Souk Larbaâ (province de Kenitra), et qui a causé la mort de cinq détenus, le Roi, qui s’est rendu à l’hôpital Mohammed V de Casablanca pour s’enquérir de l’état de santé des victimes, a donné des instructions à la Fondation en vue d’assister les victimes, leur fournir les médicaments nécessaires et venir en aide aux ayants droit des décédés.

110.     Des membres de la Fondation ont effectué une visite à la prison et à l’hôpital susmentionnés et ont mis à la disposition de l’équipe soignante un premier lot de médicaments (antibiotiques, antalgiques, antiulcéreux) et des produits de soins locaux d’une valeur de 300 000 dirhams.

111.     Par ailleurs, le Ministre de la justice, qui a supervisé l’opération d’évacuation des blessés et qui s’est également rendu au chevet des victimes, a ordonné l’ouverture d’une enquête pour déterminer les causes du sinistre et poursuivre les responsables éventuels.

c)       Le renforcement de l’infrastructure carcérale

Services de santé et d’hygiène

112.     Malgré l’augmentation constante de la population carcérale, qui est passée de 46 853 en 1996 à 57 308 en 2001, les autorités marocaines s’emploient activement à l’amélioration des conditions de détention et spécialement des services de santé et d’hygiène des détenus.

113.     Cela s’est notamment traduit d’abord par l’augmentation du budget réservé aux soins de santé puisqu’il est passé de 2,7 millions de dirhams en 1992 à 12,3 millions en 2000.

114.     Le nombre de médecins a atteint 127 dont 15 chirurgiens dentistes et 70 contractuels, alors que celui des infirmiers a atteint 244, soit en moyenne un médecin pour 450 détenus alors que la moyenne nationale est de un médecin pour 4 968 citoyens.

115.     Selon les statistiques fournies par la Direction des établissements pénitentiaires, les établissements pénitentiaires disposent au 31 décembre 2001 du personnel médical suivant:

 

Médecins

 

Permanents

Contractuels

Maladies pulmonaires

10

Maladies psychiques

1

7

Maladies cardiovasculaires

4

Ophtalmologie

2

Dermatologie

3

Gastro-entérologie

1

2

Médecine sportive

1

Médecine du travail

1

1

Chirurgie générale

1

Médecine générale

40

Dentiste

13

116.     En 2000, les détenus ont bénéficié de 227 231 consultations, et de 223 310 en 2001. En 2001, on a dénombré 1 522 détenus hospitalisés dans les hôpitaux publics, tandis que les 28 cliniques des établissements pénitentiaires ont accueilli 1 391 patients.

117.     Par ailleurs, 21 269 détenus ont été vaccinés contre la méningite, 916 détenus (dont 832 femmes et 84 hommes) ont été vaccinés contre le tétanos.

118.     Outre les 4 568 radiographies établies pour les détenus, 11 224 analyses de laboratoire leur ont été faites dans le cadre du programme national de lutte contre la tuberculose. Cette opération a permis de détecter 745 cas de tuberculose en 2001 et de mobiliser à temps les moyens de lutte adéquats.

119.     Il convient de noter que le personnel sanitaire de l’administration pénitentiaire bénéficie de programmes de formation continue tendant à l’amélioration de la qualité des services rendus aux détenus.

120.     Des visites d’inspection sont organisées par les autorités sanitaires régionales pour vérifier les conditions d’hygiène à l’intérieur des établissements pénitentiaires.

121.     Les missions de l’équipe médicale affectée aux établissements pénitentiaires consistent à:

Donner des consultations et pratiquer des soins de santé aux détenus;

Lutter contre les épidémies et les maladies contagieuses;

Hospitaliser les malades;

Pratiquer des analyses de laboratoire dans le cadre du Programme national de lutte contre la tuberculose;

Assurer la permanence médicale pendant les jours fériés et en dehors des horaires de travail;

Contrôler l’hygiène au sein des établissements pénitentiaires;

Contrôler l’alimentation servie aux détenus;

Sensibiliser aux règles élémentaires de prévention sanitaire.

122.     Les causes de décès enregistrés dans les établissements pénitentiaires sont les suivantes:

Cause du décès

1998

1999

2000

2001

Pathologie pulmonaire

41

32

21

38

Pathologie cardiaque

20

27

28

29

Mort naturelle

14

18

17

Cancer

7

16

13

16

Suicide

2

7

6

7

Infection hépatique

3

1

4

6

Péritonite

3

2

5

HIV

3

1

2

4

Asthme

2

7

3

4

Méningite

3

1

2

3

Pathologie rénale

2

7

5

2

Détail. mutiviscérale

2

Vasculaire cérébral

8

2

1

Septicémie

2

1

1

1

Électrocution

1

Traumatisme crânien

1

1

1

Cause indéterminée

19

8

Accident de voie publique

2

Agression

2

1

Pathologie digestive

5

10

8

1

Diabète

2

4

6

Déshydratation

2

Crise d’épilepsie

2

1

Intoxication alimentaire

2

Typhoïde

2

Syphilis

1

Hémorragie cérébrale

1

Total

121

151

125

138

123.     Par ailleurs, on signale les poursuites lancées à l’encontre de certains fonctionnaires pour cause de décès dans les prisons:

Prison de Meknès: poursuite de deux fonctionnaires dans l’affaire de la mort d’un prisonnier en 1998;

Prison d’Errachidia: poursuite de trois fonctionnaires dans l’affaire de la mort d’un prisonnier en 2001.

124.     Pour aider le personnel des établissements pénitentiaires dans l’accomplissement de leurs tâches, un conseil de gouvernement a décidé en janvier 2002 d’augmenter les indemnités qui lui sont allouées.

Lieu de décès entre 1998 à 2001

 

1998

1999

2000

2001

Total

Hôpital

84

99

92

88

363

Centre pénitentiaire de la prison

17

31

14

14

76

Cellule de détention

23

20

24

35

102

Accident de circulation vers l’hôpital ou le tribunal

2

1

3

1

7

Total

126

151

133

138

548

Capacités d’accueil

125.     Actuellement, il existe au Maroc 45 établissements pénitentiaires et 3 maisons de correction, à Aîn Sebaà, Ali Moumen et Salé. Afin de remédier au problème de surpeuplement des prisons, il a été prévu, dans le cadre du plan quinquennal 2000-2004, la création de 26 nouveaux établissements pénitentiaires.

Répartition des prisonniers au Maroc selon l’âge et le sexe

Détenus

Hommes

Femmes

Total/Âge

Jusqu’à 19 ans

2 846

73

2 919

De 20 à 24 ans

7 179

158

7 337

De 25 à 34 ans

10 968

270

11 238

De 35 à 39 ans

4 786

158

4 944

De 40 à 49 ans

3 378

152

3 530

De 50 ans et plus

1 394

94

1 488

Article 12

Enquête au sujet de la commission d’un acte de torture

126.     Conformément à l’article 76 du Code de procédure pénale, le procureur du Roi doit soumettre la personne inculpée à un examen médical qui sera effectué par un médecin expert lorsque la demande lui en est faite ou de sa propre initiative lorsqu’il a constaté des indices qui justifient cet examen.

127.     De même, les dispositions de l’article 127 du Code de procédure pénale (modifié en 1991) stipulent que, lors de la première comparution, le juge d’instruction relève l’identité de l’inculpé et prescrit, s’il y a lieu, toutes investigations propres à vérifier cette identité en soumettant notamment l’inculpé à l’examen du service anthropométrique ou à un examen médical.

128.     L’article 10 du dahir relatif à l’organisation judiciaire du 28 septembre 1974 dispose qu’il est créé, au siège des cours d’appel, une chambre correctionnelle composée d’un président et de deux conseillers assesseurs. Cette chambre connaît des appels formés contre les jugements rendus par les tribunaux de première instance en matière de délits et de contraventions. Elle connaît également des appels contre les décisions des juges d’instruction.

129.     Au cas où l’examen médical confirme la théorie de la violence, la chambre correctionnelle est saisie afin d’entamer les poursuites à l’encontre de l’officier de police judiciaire mis en cause.

130.     Une fois saisie, la chambre d’accusation fait procéder à une enquête et peut, sans préjudice des sanctions disciplinaires qui pourraient être infligées à l’officier de police judiciaire par ses supérieurs hiérarchiques, lui adresser des observations ou décider soit qu’il ne pourra temporairement exercer ses fonctions d’officier de police judiciaire, soit qu’il en sera définitivement déchu.

131.     Par ailleurs, et afin d’éviter des instructions ou des jugements complaisants ou indulgents, les articles 266 à 270 du Code de procédure pénale définissent des critères de compétence aussi bien pour l’instruction que pour le jugement des violations imputées à certains magistrats ou fonctionnaires.

Article 13

Droit pour la victime de porter plainte devant les autorités compétentes

132.     Excepté le cas de flagrance concrète, il est rare que les autorités judiciaires et leurs auxiliaires constatent directement la commission d’une infraction.

133.     En pratique elles sont informées soit par une plainte soit par une dénonciation.

134.     Dans le présent cas, l’intérêt portera sur la plainte, à savoir quelles sont les garanties offertes par le Code de procédure pénale pour une personne victime de torture.

135.     Deux cas se présentent:

Une victime remise en liberté: Elle bénéficie de deux moyens pour provoquer la poursuite de l’auteur de l’infraction, qui sont soit la citation directe (art. 366 à 370, 393, 394 et 419), soit la plainte accompagnée de constitution de partie civile (art. 333 à 337).

Une victime maintenue en détention: La personne victime peut demander l’examen médical prévu par les articles 76 et 127 du Code de procédure pénale.

136.     Par ailleurs, le Ministère des droits de l’homme et le CCDH continuent à recevoir les plaintes de victimes de la torture et essaient de les rétablir dans leurs droits.

Article 14

Droit pour la victime d’obtenir une indemnisation équitable

137.     Deux mécanismes d’une importance capitale ont enrichi le cadre institutionnel des droits de l’homme au Maroc, permettant une mise en œuvre concrète des dispositions de la Convention. Le premier a pour objectif l’indemnisation des victimes de violations des droits de l’homme alors que le second s’efforce de les réhabiliter.

a)       Création d’un mécanisme d’indemnisation

138.     Conformément aux hautes directives royales contenues dans le discours prononcé par feu le Roi Hassan II devant le Parlement à l’occasion de l’ouverture de la première session de la deuxième année législative, visant à clore les dossiers en suspens en matière des droits de l’homme, une commission d’arbitrage indépendante pour l’indemnisation des préjudices matériel et moral subis par les victimes de la disparition et de la détention arbitraire et leurs ayants droit a été instituée auprès du CCDH.

139.     Composée de trois magistrats de la Cour suprême, dont le président, de quatre membres du CCDH (trois anciens bâtonniers et un avocat), d’un représentant du Ministère de l’intérieur (professeur universitaire et gouverneur) et d’un représentant du Ministère de la justice (président de chambre à la Cour suprême), cette instance a pour mission de fixer des indemnités consécutives aux préjudices matériel et moral subis par les victimes de la disparition forcée ou de la détention arbitraire et leurs ayants droit.

140.     Pour ce faire, l’instance a eu recours à la chambre administrative de la Cour suprême pour établir les formes, les modalités et les fondements juridiques de l’indemnisation.

141.     Après avoir établi l’inventaire de tous les cas à partir de diverses sources gouvernementales et non gouvernementales (ONG nationales et internationales), une commission spécialisée a été chargée de vérifier et d’approfondir les différents cas, de veiller à ce que des certificats de décès et autres documents administratifs soient remis aux familles et que ces dernières soient informées des résultats des investigations effectuées.

142.     Pour définir les règles devant encadrer son travail, la Commission d’arbitrage a adopté un règlement intérieur dont les fondements sont les principes de justice et d’équité et le respect des droits de la défense.

143.     Jusqu’au 31 janvier 1999 (date limite du dépôt des demandes), 5 127 requêtes ont été soumises à la Commission d’arbitrage. Celle‑ci a rendu 1 458 sentences arbitrales, dont 424 décisions définitives d’indemnisation ayant bénéficié à 1 034 personnes (victimes et ayants droit).

144.     Pour faire face aux besoins de réparation les plus urgents arrêtés par la Commission d’arbitrage, le Gouvernement a débloqué une enveloppe budgétaire de 590 millions de dirhams (59 millions de dollars des États-Unis). La somme effectivement versée aux intéressés jusqu’au 18 octobre 2001 a atteint près de 465 millions de dirhams.

145.     Il convient de noter que plus de 4 000 dossiers ont été examinés pendant une centaine d’audiences durant lesquelles plus de 3 560 personnes ont été auditionnées.

146.     Des indemnités provisoires ont été également allouées aux requérants en attendant le règlement définitif de leurs dossiers.

147.     Cette opération d’indemnisation nécessite, outre le travail minutieux d’audition et d’investigation, des expertises médicales et comptables pour évaluer les préjudices subis non seulement par l’intéressé, victime directe, mais aussi par ses parents, ses enfants et son conjoint.

148.     La Commission d’arbitrage tient une audience chaque semaine pour statuer sur les demandes des intéressés conformément aux règles de justice et d’équité.

149.     Parallèlement à ce travail d’indemnisation stricto sensu, des efforts sont constamment faits, aussi bien par le Ministère des droits de l’homme que par le CCDH, pour trouver des solutions aux problèmes rencontrés par d’anciens disparus ou détenus, concernant des questions de santé et de réinsertion sociale.

b)      Émergence d’un mécanisme de réhabilitation

150.     Initiée dès 1994 par le Ministère des droits de l’homme, l’idée d’une action de réhabilitation des victimes de la torture a reçu un encouragement plus soutenu de la part du Gouvernement.

151.     Elle s’est concrétisée finalement depuis le début de janvier 2001 par la création à Casablanca d’un Centre d’accueil et d’orientation des victimes de la torture (CAOVT).

152.     Cette ONG, qui fonctionne de façon autonome, a pour objet la réhabilitation et l’assistance médicale des victimes de la torture. Il a vu le jour dans un contexte politique favorable, grâce au partenariat de l’IRCT et au dévouement de médecins bénévoles voués à la défense des droits de l’homme.

153.     Cette nouvelle institution se propose d’offrir aux victimes des prestations d’écoute, de conseil, de consultation, d’orientation et d’assistance médicale.

154.     L’action du Centre d’accueil s’appuie sur la commission médicale du Forum vérité et justice[2] qui regroupe deux généralistes, un dentiste, un psychiatre, un pédiatre, un gastro‑entérologue, un urologue et un pneumologue.

155.     Cette commission jouit d’une autonomie complète aussi bien morale que financière. Elle travaille dans le respect de la déontologie médicale et de la confidentialité.

156.     Durant la période allant de janvier à juin 2001, elle a recensé 360 victimes de la torture qu’elle a inscrites sur des dossiers médicaux avec toutes les données de base les concernant.

157.     Toutes les victimes sont systématiquement présentées aux médecins généralistes, qui les examinent et dressent un bilan clinique détaillé.

158.     Des séances d’écoute psychologique et des consultations dans d’autres spécialités disponibles au Centre d’accueil sont régulièrement organisées. Pour les autres spécialités non disponibles au Centre, les victimes sont adressées aux hôpitaux publics ou recommandées auprès d’autres médecins spécialistes bénévoles.

159.     Le Centre d’accueil organise également des visites dans d’autres villes marocaines où il essaye de créer des commissions médicales locales pour le suivi des victimes de torture.

160.     Il mène aussi des campagnes de sensibilisation et d’information.

Article 15

Valeur des déclarations obtenues sous l’effet de la torture

161.     Aux termes de l’article 23 du Code de procédure pénale, «les officiers de police judiciaire sont tenus de dresser un procès verbal de leurs opérations et d’informer sans délai le procureur du Roi des crimes et délits dont ils ont connaissance. Dès la clôture de leurs opérations, ils doivent lui faire parvenir directement l’original, avec une copie certifiée conforme, des procès‑verbaux qu’ils ont dressés et tous actes et documents y relatifs; les objets saisis sont mis à sa disposition».

162.     Le procès-verbal apparaît donc comme l’instrument dans lequel l’officier de police judiciaire est tenu de matérialiser les déclarations et toutes les opérations en relation avec la construction de la procédure.

163.     Or, si le législateur fait du procès-verbal dressé par les officiers de police judiciaire pour constater les délits et les contraventions un véritable acte authentique qui fait foi jusqu’à preuve contraire, il n’en a pas moins soumis la reconnaissance de sa valeur juridique à l’observation stricte des conditions de forme établies par la loi.

164.     Les articles 288 à 297 du Code de procédure pénale qui réglementent les modes de preuve décident en effet de la valeur juridique et de la force probante des procès-verbaux.

165.   C’est ainsi qu’aux termes de l’article 292 «le procès-verbal n’a de force probante qu’autant qu’il est régulier en la forme et que son auteur, agissant dans l’exercice de ses fonctions, rapporte sur une matière de sa compétence, ce qu’il a vu ou entendu personnellement».

166.   En matière de crime, ces procès-verbaux n’ont, au regard de la loi pénale, que la valeur de simples renseignements. Ces procès-verbaux ne jouent donc qu’à titre d’information et il revient au juge de s’en inspirer ou de les écarter suivant sa propre conviction.

167.   Dans tous les cas, qu’il s’agisse de procès-verbaux ayant une force probante ou constituant de simples renseignements, les décisions judiciaires sont rendues par le juge qui statue selon son intime conviction. Par conséquent, ce dernier n’hésitera pas à écarter les procès verbaux dans lesquels les formalités légales ne sont pas observées ou qui contiendraient des informations obtenues par tout moyen illégal. Le procès-verbal mis en cause est non seulement privé de sa force probante mais son auteur peut s’exposer aux sanctions pénales s’il se rend coupable d’abus.

168.   La jurisprudence marocaine est riche d’enseignements à ce sujet. Il en est ainsi, par exemple, de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Rabat le 15 janvier 1992[3], qui a considéré que l’inobservation des formalités légales dans les procès-verbaux en matière de crime leur fait perdre même leur valeur d’acte de renseignements.

169.   De même, la décision rendue par la cour spéciale de justice le 22 mars 1980[4] considère que l’inobservation dans les procès-verbaux des délais de détention en réduit la validité à néant.

170.   Il ressort de ce qui précède que la justice marocaine est extrêmement vigilante vis-à-vis du fond et de la forme des procès-verbaux établis par les officiers de police judiciaire. S’il s’avère que ces derniers renferment des aveux obtenus sous la contrainte, ils sont purement et simplement rejetés et leurs auteurs poursuivis en justice.

Article 16

Interdiction d’autres formes de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

171.   Le Code pénal marocain consacre plusieurs chapitres pour incriminer toute personne qui se rend coupable de traitements cruels, inhumains ou dégradants ou tout acte visant l’atteinte aux libertés et aux droits garantis aux citoyens. Cela concerne:

Les abus d’autorité commis par des fonctionnaires contre des particuliers (art. 224 à 232). Ainsi, «Tout magistrat, tout fonctionnaire public, tout agent ou préposé de l’autorité ou de la force publique qui ordonne ou fait quelque acte arbitraire, attentatoire soit à la liberté individuelle, soit au droits civiques d’un ou plusieurs citoyens, est puni de la dégradation civique.»

Les atteintes portées à l’honneur, à la considération des personnes et la violation des secrets, punies en vertu des articles 442 à 448.

Les menaces d’atteintes contre les personnes, régies par l’article 429, selon lequel «Toutes menaces d’atteinte contre les personne ou les biens autres que celles visées aux articles 425 à 427, par l’un des moyens prévus audits articles et avec ordre ou sous condition, sont punies de l’emprisonnement d’un à trois mois et d’une amende de 120 à 250 dirhams ou de l’une de ces deux peines seulement.»

Les atteintes portées par des particuliers à la liberté individuelle, la prise d’otages et l’inviolabilité du domicile, punies par les articles 436 à 441 du Code pénal.

-----

 



1 Dahir no 1-99-200 du 13 joumada I 1420 (25 août 1999) portant loi no 23-98 relative à l’organisation et au fonctionnement des établissements pénitentiaires (Bulletin officiel no 4726 du 5 joumada II [16 septembre 1999]).

[2] Association des victimes de disparitions forcées, de détentions arbitraires et de tortures, constituée à Casablanca en novembre 1999.

[3] Décision publiée dans la revue Icha’â, no 7, p. 125 à 130 (affaire no 89/542/551).

[4] Décision publiée dans la revue Rissalat Al Mohamat, no 3.

 

 

Troisième rapports périodiques des Etats parties devant être soumis en 2002

Additif

MAROC

Corrigendum


Page 3, paragraphe 1 :
1. Conformément à l’article 19 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ratifiée par le Maroc le14 juin 1993, le Royaume du Maroc soumet son troisième rapport périodique au Comité contre la torture, à qui il présente ses vifs remerciements pour le soin qu’il accorde à l’examen de ses rapports.

Lire comme suit :
1. Conformément à l’article 19 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ratifiée par le Maroc le 21 juin 1993, le Royaume du Maroc soumet son troisième rapport périodique au Comité contre la torture, à qui il présente ses vifs remerciements pour le soin qu’il accorde à l’examen de ses rapports.

Page 5, paragraphe 22 :
22. À cet égard, à l’occasion de la fête du trône célébrée le 3 mars 2002, le Roi Mohammed VI a prononcé un discours dont voici un extrait.

Lire comme suit :
22. À cet égard, à l’occasion de la fête du trône célébrée le 30 juillet 2002, le Roi Mohammed VI a prononcé un discours dont voici un extrait.

 



Page Principale || Traités || Recherche || Liens