Deuxièmes rapports périodiques des États parties
devant être présentés en 1998
Additif
MAROC
/Pour le rapport initial présenté par le Gouvernement du Maroc, voir le document CAT/C/24/Add.2; pour son examen par le Comité, voir les documents CAT/C/SR.203 et 204/Add.1 et 2 et Documents officiels de l'Assemblée générale, cinquième session, Supplément No 44 (A/50/44, par. 105 à 115).
[2 septembre 1998]
TABLE DES MATIÈRES
Paragraphes
Introduction 1 - 4
I. INFORMATIONS GÉNÉRALES 5 - 25
A. Les dispositions de la Constitution 5 - 10
B. Les conventions internationales 11 - 14
C. Les autorités concernées 15 - 21
D. La sensibilisation et les mesures disciplinaires 22 - 25
II. RENSEIGNEMENTS RELATIFS AUX ARTICLES 2 À 16 DE LA CONVENTION 26 - 123
Article 2 Interdiction des actes de torture 26 - 30
Article 3 Interdiction de l'expulsion, du refoulement ou de l'extradition
d'une personne vers un État où elle risque d'être soumise à la torture
31 - 39
Article 4 Incrimination des actes de torture, de la tentative de les pratiquer,
de la complicité 40 - 50
1. Incrimination de la torture 40 - 45
2. La tentative 46 - 49
3. La complicité 50
Article 5 Élargissement de la compétence des juridictions marocaines 51
- 55
1. Compétence concernant les infractions commises sur le territoire national
51 - 52
2. Compétence concernant les infractions commises à l'étranger 53 - 55
Article 6 Arrestation et détention de toute personne soupçonnée d'avoir
commis un acte de torture 56 - 57
Article 7 Jugement ou extradition de toute personne soupçonnée d'un acte
de torture 58 - 61
Article 8 Incrimination des actes de torture dans les traités d'extradition
62 - 66
1. Le dahir relatif à l'extradition 62 - 63
2. Les conventions d'extradition 64 - 66
Article 9 Entraide judiciaire entre États parties dans toutes les procédures
relatives aux actes de torture 67 - 70
Article 10 Enseignement et information concernant l'interdiction de la
torture 71 - 75
Article 11 Mesures de contrôle des interrogatoires, détention et emprisonnement
tendant à éviter les actes de torture 76 - 106
1. La garde à vue 76 - 83
2. La détention préventive 84 - 90
3. Les personnes emprisonnées 91 - 106
Article 12 Enquête au sujet de la commission d'un acte de torture 107 -
109
Article 13 Droit pour la victime de porter plainte devant les autorités compétentes 110 - 113
Article 14 Droit pour les victimes d'obtenir une indemnisation équitable
114
Article 15 Valeur des déclarations obtenues sous l'effet de la torture
115
Article 16 Interdiction d'autres formes de peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants 116 - 119
Conclusion 120 - 123
INTRODUCTION
1. Ayant ratifié la Convention contre la torture en juin 1993, le Royaume
du Maroc a présenté un rapport initial en 1994. Il présente cette année
son deuxième rapport périodique sur les mesures prises pour donner effet
à ses engagements, conformément aux dispositions de l'article 19 de ladite
Convention.
2. Le Gouvernement du Maroc a pris note des observations et recommandations
faites par le Comité lors de l'examen du rapport initial. Il réaffirme
sa disposition à une coopération fructueuse et un dialogue constructif
pour la mise en oeuvre de la Convention.
3. Durant les quatre dernières années, la détermination du Maroc à promouvoir
les droits de l'homme a été consolidée par une nouvelle révision de la
Constitution (septembre 1996) qui dispose dans son préambule que "Conscient
de la nécessité d'inscrire son action dans le cadre des organismes internationaux
dont il est un membre actif et dynamique, le Royaume du Maroc souscrit
aux principes, droits et obligations découlant des chartes desdits organismes
et réaffirme son attachement aux droits de l'homme tels qu'ils sont universellement
reconnus".
4. En avril 1998, Sa Majesté le Roi a nommé un nouveau gouvernement suite
aux élections communales et législatives qu'a connues le Maroc à la fin
de l'année 1997. Dans sa déclaration d'investiture devant le Parlement,
le Gouvernement a affirmé clairement sa détermination à développer une
politique de promotion et de protection des droits de l'homme dans divers
domaines et à consolider l'État de droit.
I. INFORMATIONS GÉNÉRALES
A. Les dispositions de la Constitution
5. Le Maroc est une monarchie constitutionnelle, démocratique et sociale.
6. Le pouvoir législatif est exercé par le Parlement qui, depuis la révision
constitutionnelle de 1996, est composé de deux chambres, la Chambre des
représentants et la Chambre des conseillers. Les membres de la Chambre
des représentants sont élus au suffrage universel direct. La Chambre
des conseillers est élue par des représentants des collectivités locales,
des chambres professionnelles et des salariés. La réforme constitutionnelle
de 1996 a élargi les pouvoirs du parlement et renforcé son pouvoir de
contrôle sur le Gouvernement. Le contrôle parlementaire a été accru par
la possibilité, depuis 1992, de créer des commissions d'enquête parlementaires
au sein du parlement, pour recueillir des éléments d'information sur
des faits déterminés. Le fonctionnement de ces commissions a été fixé
par une loi organique promulguée le 29 novembre 1995.
7. L'autorité judiciaire est indépendante du pouvoir législatif et du pouvoir
exécutif. Les magistrats sont nommés par dahir sur proposition du Conseil
supérieur de la magistrature. La composition de ce conseil est fixée
par la Constitution. Présidé par le Roi, il comprend neuf magistrats,
le Ministre de la justice en est le vice-président. Les magistrats sont
soumis au statut de la magistrature. Le Conseil supérieur de la magistrature
veille à l'application des garanties accordées aux magistrats quant à
leur avancement et à leur discipline. Les magistrats du siège sont inamovibles.
8. La Constitution de 1992, révisée en 1996, affirme clairement, dès son
préambule, son attachement au respect des droits de l'homme en ces termes
: "Conscient
de la nécessité d'inscrire son action dans le cadre des organismes internationaux
dont il est un membre actif et dynamique, le Royaume du Maroc souscrit
aux principes, droits et obligations découlant des chartes desdits organismes
et réaffirme son attachement aux droits de l'homme tels qu'ils sont universellement
reconnus". Cette affirmation constitutionnelle illustre l'importance que le Maroc accorde
au respect des droits de l'homme qui, inscrits dans la Constitution,
s'imposent avec d'autant plus de force aux différents organes de l'État.
9. Le titre premier de la Constitution (art. 1er à 18) garantit à tous
les citoyens les droits fondamentaux : égalité de tous devant la loi,
droits politiques égaux pour les citoyens des deux sexes, liberté de
circuler et de s'établir dans toutes les parties du Royaume, liberté
d'opinion, d'expression sous toutes ses formes et de réunion, liberté
d'association et d'adhésion à toute organisation syndicale ou politique.
Sont également garantis le droit à l'éducation et au travail, l'accès
dans les mêmes conditions à tous les citoyens aux fonctions et emplois
publics, le droit de grève, le droit de propriété et la liberté d'entreprendre.
10. Le même titre de la Constitution pose sans ambiguïté, dans son article
10, le principe de la légalité des délits et des peines, et affirme l'inviolabilité
du domicile, précisant expressément que "les
perquisitions et vérifications ne peuvent intervenir que dans les conditions
et les formes prévues par la loi". Le principe de légalité est formulé de manière à englober non seulement la
légalité des délits et des peines, mais également la légalité procédurale
: "nul ne peut être arrêté, détenu ou puni que dans les cas et les formes prévus
par la loi".
B. Les conventions internationales
11. Le Royaume du Maroc est partie à la plupart des conventions internationales
relatives aux droits de l'homme. On peut citer de manière non limitative
:
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte
international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ratifiés
en 1979;
La Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination
raciale (1970);
La Convention relative aux droits de l'enfant (1993);
La Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination
à l'égard des femmes (1993).
12. Le Maroc a également ratifié la Convention supplémentaire relative
à l'abolition de l'esclavage, de la traite des esclaves et des institutions
et pratiques analogues à l'esclavage, la Convention pour la répression
de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution
d'autrui, ainsi que les Conventions de l'Organisation internationale
du Travail No 29 concernant le travail forcé ou obligatoire et No 105
concernant
l'abolition du travail forcé.
13. La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants, ratifiée le 21 juin 1993, a été publiée au Bulletin
officiel (No 4440 du 19 décembre 1996).
14. La publication d'une convention internationale contribue à la diffusion
de sa connaissance. Mais elle a également des conséquences juridiques
puisqu'une jurisprudence ferme de la Cour suprême affirme qu'en cas de
contradiction entre la norme interne et la norme internationale cette
dernière l'emporte, à condition d'avoir été publiée au Bulletin officiel
(par exemple, arrêts No 49 du 1er octobre 1976, No 5 du 3 novembre 1972,
No 162 du 3 août 1979).
C. Les autorités concernées
15. Les autorités concernées sont tout d'abord celles ayant une mission
en matière de promotion et de protection des droits de l'homme. Il s'agit
du ministère chargé des droits de l'homme et du Conseil consultatif des
droits de l'homme.
16. Depuis 1993, il existe au Maroc un Ministère chargé des droits de l'homme.
Ce Ministère est chargé, entre autres attributions :
D'examiner l'ensemble des textes législatifs et réglementaires en vue d'en
apprécier la conformité aux principes des droits de l'homme et de proposer
les correctifs nécessaires;
D'identifier les éventuelles causes d'inobservation ou d'inapplication
des principes et des règles relatives aux droits de l'homme et d'oeuvrer
en vue de leur assurer un respect plus rigoureux;
De proposer des mesures tendant à la création et au développement d'institutions
susceptibles de renforcer le respect et la promotion des droits de l'homme;
De mettre en oeuvre tous les moyens éducatifs, pédagogiques et autres
pour diffuser, promouvoir et consolider la culture des droits de l'homme;
De renforcer le dialogue et la concertation avec les associations directement
ou indirectement concernées par les droits de l'homme.
17. Le Conseil consultatif des droits de l'homme a été créé par dahir en
1990. Selon l'exposé des motifs de ce texte, le Conseil consultatif des
droits de l'homme a pour objectif d'assurer au plus haut degré le respect
des droits de l'homme. Son rôle est d'assister le souverain pour toutes
les questions concernant les droits de l'homme. Le Conseil est présidé
par le premier président de la Cour suprême; il est composé, d'une part,
de cinq Ministres (justice, affaires étrangères, intérieur, habous, droits
de l'homme), d'autre part, de représentants de diverses organisations de
la société civile (partis politiques, centrales syndicales, associations
de droits de l'homme, amicale des magistrats du Maroc, association des
barreaux du Maroc, corps professoral universitaire, ordre national des
médecins); le Conseil peut, en outre, comprendre des personnalités choisies
en raison de leur compétence en matière de droits de l'homme. Le Conseil
est saisi par son président des questions sur lesquelles le souverain désire le
consulter; il peut également se saisir, de sa propre initiative, à la majorité
des deux tiers de ses membres, des questions sur lesquelles il estime utile
d'informer le souverain.
18. Les autorités concernées par le respect des dispositions de la Convention
contre la torture sont plus particulièrement les autorités chargées d'attributions
de police judiciaire par le Code de procédure pénale, les autorités judiciaires
et les fonctionnaires de l'administration pénitentiaire.
19. Les personnes ayant qualité d'officier de police judiciaire sont énumérées
par l'article 20 du Code de procédure pénale. Ils appartiennent à la
gendarmerie et à la police nationale. Ils sont chargés de constater les
infractions, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs,
sous la direction du Procureur du Roi, la surveillance du chef du Parquet
général et sous le contrôle de la Chambre correctionnelle de la Cour
d'appel (art. 16 et suiv. du Code de procédure pénale).
20. Les autorités judiciaires assurent le déroulement du procès pénal.
Elles sont chargées, conformément aux dispositions du Code de procédure
pénale, du contrôle de la police judiciaire. Elles sont également saisies
de tous actes attentatoires aux libertés et à l'intégrité physique des
personnes poursuivies, conformément aux dispositions du Code pénal et
du Code de procédure pénale.
21. La Direction de l'administration pénitentiaire et de la rééducation
au Ministère de la justice est chargée de l'exécution des décisions judiciaires
prononçant une peine ou une mesure privative de liberté.
D. La sensibilisation et les mesures disciplinaires
22. Les droits de l'homme sont enseignés dans les écoles de formation de
policiers et gendarmes, ainsi que dans les académies militaires (voir
art. 10). L'Institut national d'études judiciaires, chargé de la formation
des magistrats, assure également un enseignement dans le domaine des
droits de l'homme, complété par un cours d'éthique professionnelle.
23. Les policiers, gendarmes, et de manière générale tous fonctionnaires
commettant des dépassements dans l'exercice de leurs fonctions peuvent
être poursuivis et sanctionnés sur le plan disciplinaire par leur autorité
hiérarchique et sur le plan pénal, dès lors que ce dépassement est constitutif
d'infraction.
24. Au Ministère de l'intérieur, du 1er janvier 1997 au 20 avril 1998,
35 fonctionnaires de police, tous grades confondus (de gardien de la
paix à commissaire), ont été traduits en justice pour divers délits et
dépassements. Pendant le même temps, 266 autres fonctionnaires, allant
du grade de gardien de la paix à celui de commissaire, ont fait l'objet
de sanctions administratives pour comportement indigne ou mauvaise manière
de servir.
25. Selon des statistiques établies et communiquées par le Ministère de
la justice, du 1er janvier 1994 à fin février 1998, 31 poursuites ont
été engagées contre des officiers de police judiciaire et des fonctionnaires
de l'État pour violences et abus dans l'exercice de leurs fonctions.
Ces poursuites ont concerné :
20 policiers, dont 1 commissaire divisionnaire et 2 inspecteurs;
8 caïds;
3 khalifas;
3 chefs de gendarmerie;
1 assistant de moqadem;
1 gardien pénitentiaire;
1 agent de sécurité.
Les motifs de ces poursuites sont :
Coups, blessures, usage de violence : 15;
Détention arbitraire : 12;
Perquisition illégale : 3.
On relève également :
1 viol;
1 effraction de domicile;
Plusieurs abus de pouvoirs.
Les suites données sont :
3 de ces affaires ont donné lieu à une condamnation pénale, dont l'une
a fait l'objet d'un pourvoi en Cour suprême;
1 a fait l'objet d'un non-lieu;
1 a fait l'objet d'un acquittement;
Les autres procédures sont toujours en cours.
II. RENSEIGNEMENTS RELATIFS AUX ARTICLES 2 À 16 DE LA CONVENTION
Article 2. Interdiction des actes de torture
26. L'interdiction des actes de torture est, en premier lieu, posée par
la Constitution, qui proclame dans son article 10 que nul ne peut être
arrêté, détenu ou puni que dans les cas et les formes prévus par la loi.
En mentionnant les "formes
prévues par la loi", la Constitution impose, pour la poursuite et le jugement des infractions, le
respect des règles prévues par le Code de procédure pénale, notamment
pour les interrogatoires et les privations de liberté. Cela constitue
par là même une interdiction de la torture.
27. La réglementation posée par le Code de procédure pénale (dahir du 10
février 1959) est tout à fait respectueuse des droits et de la dignité
de la personne poursuivie. Le texte de présentation du Code, publié en
même temps que ce dernier, est tout à fait clair à cet égard, affirmant
que "seule
une procédure pénale qui assure la liberté de la défense, qui, en un
mot, protège les citoyens contre les erreurs et les abus commis au nom
de la société, est digne d'un pays libre".
28. Si la présomption d'innocence n'est expressément proclamée par aucun
article du Code de procédure pénale, il n'est pas excessif d'affirmer
qu'il en inspire la plupart des dispositions. C'est également ce que
souligne le texte de présentation : "La
présomption d'innocence s'applique à tous, aussi bien à l'inculpé primaire
qu'au récidiviste, dont les antécédents ne peuvent en aucun cas être
invoqués comme une preuve de culpabilité".
29. Un avant-projet de code de procédure pénale, préparé par le Ministère
de la justice, a été étudié par le Conseil consultatif des droits de
l'homme, qui a veillé à ce que ce texte soit conforme aux principes contenus
dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme; il
devrait être soumis prochainement au Parlement. Ce projet prévoit expressément,
dès son article premier, que toute personne est présumée innocente, jusqu'à
ce que sa culpabilité soit légalement établie au cours d'un procès public
où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées.
Le même article précise que le doute est interprété en faveur de l'accusé.
30. Le Code pénal, quant à lui, permet de sanctionner les atteintes à l'intégrité
qui pourraient être infligées à la personne poursuivie pendant le déroulement
du procès pénal ou au condamné pendant qu'il purge sa peine.
Article 3. Interdiction de l'expulsion, du refoulement ou de l'extradition d'une personne vers un État où elle risque d'être soumise à la torture
31. L'accès, l'établissement et le séjour des étrangers au Maroc sont régis
par les dahirs et/ou des conventions bilatérales. Les principaux textes
en ce domaine sont les dahirs du 15 novembre 1934 et du 21 février 1951
relatifs à l'exercice par les étrangers d'une activité professionnelle
au Maroc et le dahir du 16 mai 1941 régissant les autorisations de séjour.
32. L'expulsion d'un étranger du territoire national peut intervenir soit
en raison de la non-conformité de l'intéressé aux conditions d'accès,
d'établissement et de séjour prévues par les dispositions légales, soit
en raison d'une atteinte grave à l'ordre public commise par cet étranger.
L'étranger peut alors faire l'objet soit d'un refus ou d'un retrait de
séjour par décision du Directeur général de la Sûreté nationale, soit
d'un refoulement par arrêté du gouverneur, soit d'une expulsion par un
arrêté pouvant émaner du Directeur général de la Sûreté nationale ou
du Ministre de l'intérieur. La mesure, prise par une décision administrative,
peut toujours faire l'objet d'un recours en annulation devant le tribunal
administratif compétent.
33. Le Maroc a adhéré à la Convention relative au statut des réfugiés du
28 juillet 1951, le 7 novembre 1956, ainsi qu'au Protocole relatif au
statut des réfugiés du 18 novembre 1966, le 20 avril 1971.
34. En application de ces conventions, toute personne qui demande asile
parce qu'elle est persécutée dans son pays, doit se présenter au siège
du Haut-Commissariat aux réfugiés, à Casablanca. Elle peut alors déposer
au Ministère des affaires étrangères une demande en vue d'obtenir le
statut de réfugié. Après instruction du dossier et vérification des affirmations
de la personne, si les critères posés par la Convention relative aux
réfugiés sont remplis, celle-ci se voit reconnaître la qualité de réfugié
et un titre de séjour lui est délivré par la Direction générale de la
Sûreté nationale précisant cette qualité. Dans cette hypothèse, l'autorisation
de séjour n'est pas subordonnée à la production de justificatifs de revenus,
comme c'est le cas normalement pour les étrangers désireux de se fixer
au Maroc.
35. Le dahir du 8 novembre 1958 relatif à l'extradition des étrangers dispose
expressément (art. 5, 2)) que l'extradition n'est pas accordée lorsque
le crime ou le délit qui la motive à un caractère politique ou lorsqu'il
résulte des circonstances que l'extradition est demandée dans un but
politique. En ce qui concerne les actes commis au cours d'une insurrection
ou d'une guerre civile par l'une ou l'autre des parties engagées dans
la lutte et dans l'intérêt de sa cause, ils ne pourront donner lieu à
extradition que s'ils constituent des actes de barbarie odieuse et de
vandalisme défendus par le droit de la guerre et seulement lorsque la
guerre civile aura pris fin.
36. L'article 7 du même dahir précise en outre que l'extradition n'est
accordée qu'à condition que l'individu extradé ne sera ni poursuivi ni
puni pour une infraction autre que celle ayant motivé l'extradition.
37. Le refus d'extradition pour les infractions politiques est repris dans
les conventions d'extradition que le Maroc a passé avec différents États.
38. Les dernières conventions d'extradition passées par le Maroc (Convention
d'extradition entre l'Espagne et le Maroc paraphée le 30 mai 1997, Convention
d'extradition entre le Portugal et le Maroc en cours de négociation)
prévoient, en outre, que l'extradition est refusée :
S'il y a des raisons de croire que la personne réclamée sera soumise à
une procédure n'offrant pas les garanties considérées internationalement
comme indispensables au respect des droits de l'homme, ou qu'elle purgera
sa peine dans des conditions inhumaines;
S'il y a des raisons sérieuses de croire que la demande d'extradition
a été formulée pour l'exécution d'une peine ou l'engagement d'une poursuite
basés sur des considérations de race, de religion, de nationalité ou
d'opinions
politiques ou de penser que la situation de la personne risque d'être
aggravée pour l'une ou l'autre de ces considérations.
39. En ce qui concerne les nationaux, l'extradition n'est pas applicable
et ils ne peuvent en aucun cas faire l'objet d'un exil ou d'un bannissement
hors du territoire du Maroc. L'exil ne figure pas dans la liste des peines
et mesures de sûreté prévues par le Code pénal; par conséquent, en vertu
du principe constitutionnel de la légalité des délits et des peines,
nul ne peut être exilé. Il existe certes, dans le Code pénal, des peines
ou
mesures de sûreté restrictives de liberté (par exemple, obligation de
résider dans un lieu déterminé, interdiction de séjour) mais elles
ne peuvent absolument
pas être assimilées à l'exil.
Article 4. Incrimination des actes de torture, de la tentative
de les pratiquer, de la complicité
1. Incrimination de la torture
40. Le Code pénal date de 1962 et n'a pas connu de modifications depuis
que le Maroc a adhéré à la Convention contre la torture et autres peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Bien que ce Code ne prévoit
pas d'incrimination de la torture au sens défini par l'article premier
de la Convention, plusieurs de ses dispositions permettent la répression
des actes de torture (art. 225 à 232, 259 et 436 à 440).
Les coups et blessures intentionnels
41. Les articles 400 à 404 du Code pénal sanctionnent "quiconque,
volontairement, fait des blessures ou porte des coups à autrui ou commet
toutes autres violences ou voies de fait". Les coups et blessures, violences et voies de fait sont réprimés proportionnellement
au résultat produit. On peut résumer cette répression dans le tableau suivant
:
Blessures ayant occasionné | Nature de l'infraction | Sanction | Avec préméditation, guet-apens ou emploi d'une arme |
Pas d'incapacité ou incapacité de travail n'excédant pas 20 jours (art. 400) | Délit de police | Un mois à un an d'emprisonnement et/ou une amende | Six mois à deux ans d'emprisonnement et une amende |
Incapacité de travail supérieure à 20 jours (art. 401) | Délit correctionnel | Un à trois ans d'emprisonnement et une amende | Deux à cinq ans d'emprisonnement et une amende |
Mutilation ou toute infirmité permanente (art. 402) | Crime | Cinq à dix ans de réclusion | Dix à vingt ans de réclusion |
Mort (sans intention de la provoquer) (art. 403) | Crime | Dix à vingt ans de réclusion | Réclusion perpétuelle |
Les violences commises par un fonctionnaire
42. L'article 231 du Code pénal sanctionne tout magistrat, tout fonctionnaire
public, tout agent ou préposé de la force publique qui, sans motif légitime,
use ou fait user de violences envers les personnes dans l'exercice ou
à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, est puni pour ces violences
et selon leur gravité, suivant les dispositions des articles 401 à 403.
Mais la peine applicable est aggravée de la manière suivante :
Blessures ayant occasionné | Nature de l'infraction | Sanction | Avec préméditation, guet-apens ou emploi d'une arme |
Incapacité de travail supérieur à 20 jours (art. 401) | Délit correctionnel | Deux à six ans d'emprisonnement et une amende | Quatre à dix ans d'emprisonnement et une amende |
Mutilation ou toute infirmité permanente (art. 402) | Crime | Réclusion perpétuelle | Réclusion perpétuelle |
Mort (sans intention de la provoquer) (art. 403) | Crime | Réclusion perpétuelle | Réclusion perpétuelle |
43. L'article 400 du Code pénal dispose que :
"
Quiconque, volontairement, fait des blessures ou porte des coups à autrui
ou commet toutes autres violences ou voies de fait, soit qu'ils n'ont causé
ni maladie, ni incapacité, soit qu'ils ont entraîné une maladie ou une
incapacité de travail personnel n'excédant pas vingt jours, est puni d'un
emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de 120 à 500 dirhams ou
de l'une de ces deux peines seulement."
Le motif légitime ne peut être constitué que par la légitime défense
ou par l'application de mesures autorisées par la loi soit pour s'assurer
de la personne d'un prévenu ou d'un condamné, soit pour le maintenir
à
la disposition des autorités.
44. Les fonctionnaires sont définis de manière très large par le Code pénal
(art. 224) comme "toutes
personnes qui sous une dénomination et dans une mesure quelconques, sont
investies d'une fonction ou d'un mandat même temporaires, rémunérés ou
gratuits et concourent à ce titre au service de l'État, des administrations
publiques, des municipalités, des établissements publics ou à un service
d'intérêt public".
45. Le commandement de l'autorité légitime, qui est considéré comme un
fait justificatif supprimant l'infraction par l'article 124-1 du Code
pénal, ne justifiera pas les violences dans cette hypothèse, puisque
le texte précise très clairement qu'est punissable celui qui "use
ou fait user de violences". Le donneur d'ordre ou l'exécutant encourt donc tous deux la sanction.
2. La tentative
46. D'après le Code pénal (art. 114 et suivants), la tentative consiste
en un commencement d'exécution ou en des actes non équivoques tendant
directement à commettre l'infraction, qui ont été suspendus ou ont manqué
leur effet par des circonstances indépendantes de la volonté de leur
auteur. Toujours punissable en matière criminelle, elle ne l'est pour
les délits qu'en vertu d'une disposition spéciale de la loi. La tentative
est assimilée à l'infraction consommée et réprimée comme telle.
47. En ce qui concerne les coups et blessures intentionnels, l'infraction
seulement tentée n'ayant, par définition, pas produit de résultat, il
est impossible de savoir la nature de l'incapacité qui en aurait résulté
et par voie de conséquence si elle aurait été un crime ou un délit. La
loi étant muette quant à la tentative de coups et blessures intentionnels,
celle-ci n'est donc pas punissable.
48. Cependant la tentative de coups et blessures peut toujours être sanctionnée
comme violences et voies de fait n'ayant pas causé d'incapacité (art.
400). En effet, les violences et voies de fait sanctionnent non seulement
les brutalités directement exercées sur le corps de la victime sans entraîner
d'incapacité, mais également les actes qui, sans aucun contact matériel,
sont de nature à porter des atteintes à l'intégrité physique de la victime,
en raison de l'émotion vive ou du choc psychologique ressenti. (Peuvent,
par exemple, être considérés comme violences et voies de fait, le fait
de menacer quelqu'un avec un revolver, ou encore un comportement menaçant
au point que la victime a essayé de s'enfuir en sautant par une fenêtre.)
49. Ainsi, la jurisprudence considère que "les
violences ou voies de fait n'impliquent pas obligatoirement un contact
direct et brutal avec la personne de la victime et se trouvent caractérisées
par un geste ou une attitude propre à susciter chez elle une vive frayeur
ou une intense émotion". Certes, la sanction n'est que délictuelle (un mois à un an d'emprisonnement
et/ou une amende), mais elle est tout à fait possible.
3. La complicité
50. D'après le Code pénal (art. 128 à 131), sont considérés comme coauteurs,
tous ceux qui personnellement ont pris part à l'infraction. Sont considérés
comme complices tous ceux qui, sans participation directe à l'infraction,
ont provoqué ou fourni des moyens ou une assistance pour la commission
de l'infraction, en connaissance de cause. La complicité est toujours
punissable pour les délits comme pour les crimes. La complicité de coups
et blessures, violences et voies de fait est toujours punissable.
Article 5. Élargissement de la compétence des juridictions marocaines
1. Compétence concernant les infractions commises
sur le territoire national
51. La loi pénale marocaine est d'application territoriale, ainsi que le
prévoit l'article 10 du Code pénal : "Sont
soumis à la loi marocaine, tous ceux qui, nationaux, étrangers ou apatrides
se trouvent sur le territoire du Royaume, sauf les exceptions établies
par le droit public interne ou le droit international". Ce principe de territorialité est également posé par le Code de procédure pénale,
qui prévoit dans son article 748 que les juridictions du Royaume sont
compétentes pour juger toutes les infractions commises sur le territoire
quelle que soit la nationalité de leur auteur. L'accomplissement sur
le territoire du fait principal est attributif de compétence aux juridictions
du Royaume, même si certains des éléments constitutifs ont été réalisés
en pays étranger et quelle que soit la nationalité des coauteurs.
52. Le territoire comprend les navires et aéronefs marocains, quel que
soit l'endroit où ils se trouvent, sauf s'ils sont soumis, en vertu du
droit international, à une loi étrangère (art. 11 du Code pénal, 749
et 750 du Code de procédure pénale).
2. Compétence concernant les infractions commises à l'étranger
53. Le livre VII du Code de procédure pénale, intitulé "De
la compétence à l'égard de certaines infractions commises hors du Royaume
et des rapports avec les autorités judiciaires étrangères", consacre un chapitre à la compétence à l'égard des infractions commises hors
du Royaume (art. 751 à 756); il convient de distinguer entre Marocains
et étrangers.
54. Pour les Marocains, les actes de torture commis à l'étranger pourront
être jugés par les tribunaux du Maroc. En effet, tous faits qualifiés
crimes ou délits par la loi marocaine et commis hors du Royaume peuvent
être poursuivis et jugés au Maroc, sous réserve que la poursuite et le
jugement ne peuvent avoir lieu que lorsque le délinquant est revenu au
Maroc, s'il ne justifie pas avoir été irrévocablement jugé à l'étranger
et en cas de condamnation y avoir subi ou prescrit sa peine ou obtenu
sa grâce. S'il s'agit d'un délit contre les particuliers, la poursuite
ne peut avoir lieu qu'à la requête du ministère public saisi d'une plainte
de la personne lésée.
55. Pour les étrangers, les tribunaux marocains ne seront pas compétents.
Cela découle de l'article 755 du Code de procédure pénale qui ne reconnaît
la compétence des juridictions du Royaume pour les infractions commises
par les étrangers hors du territoire que s'il s'agit d'un crime contre
la sûreté de l'État marocain ou d'une contrefaçon de monnaie ou billets
de banque ayant cours légal au Maroc. L'article 701 du projet de code
de procédure pénale prévoit la compétence des juridictions marocaines
pour les crimes commis par un étranger hors du territoire, lorsque la
victime du crime est de nationalité marocaine.
Article 6. Arrestation et détention de toute personne soupçonnée d'avoir commis un acte de torture
56. Étant donné les règles de compétence exposées sous l'article précédent,
une personne soupçonnée d'un acte de torture pourra être poursuivie,
conformément aux règles du Code de procédure pénale, dans les hypothèses
suivantes :
Si l'acte de torture a été commis sur le territoire du Royaume;
Si l'acte a été commis à l'étranger par un Marocain, à condition qu'il
n'ait pas fait l'objet d'un jugement définitif et exécuté.
Dans ces deux cas la personne poursuivie bénéficie de toutes les garanties
accordées par le Code de procédure pénale, à tous les stades de la procédure
(enquête, arrestation, privation de liberté, modes de preuves, jugement,
voies de recours).
57. Dans les autres hypothèses (actes de torture commis à l'étranger par
un étranger), la personne pourra être placée en détention :
Si elle fait l'objet d'une demande d'extradition remplissant les conditions
prévues par le dahir du 8 novembre 1958 relatif à l'extradition des étrangers
ou, en cas d'existence d'une convention d'extradition entre le Maroc
et l'État requérant, par les termes de cette convention. Dans cette hypothèse,
la personne bénéficie des garanties prévues par le dahir sur l'extradition,
notamment la possibilité de demander sa mise en liberté provisoire (art.
14);
S'il existe une convention d'entraide judiciaire liant le Maroc et l'État
sollicitant l'arrestation.
Article 7. Jugement ou extradition de toute personne soupçonnée d'un acte de torture
58. Dès lors que les tribunaux marocains sont compétents pour connaître
de l'acte de torture, les règles prévues par le Code de procédure pénale
pour la poursuite et le jugement sont applicables, quelles que soient
la nature de l'infraction et la nationalité de la personne poursuivie.
59. Si l'infraction est qualifiée crime, l'instruction est obligatoire
si la peine encourue est la mort ou la réclusion perpétuelle, facultative
si la peine encourue est moins grave. Les crimes sont jugés par la chambre
criminelle de la Cour d'appel, juridiction collégiale composée d'un président
et de quatre assesseurs.
60. S'il s'agit d'un délit, il relève du tribunal de première instance
composé d'un président et de deux assesseurs.
61. Les modes de preuve sont identiques, quelle que soit l'infraction à
juger. C'est ce que prévoit le Code de procédure pénale en affirmant
(art. 288) que les infractions peuvent être établies par tout mode de
preuve et que le juge décide d'après son intime conviction. S'il estime
que la preuve n'est pas rapportée, le juge constate la non-culpabilité
du prévenu et prononce son acquittement.
Article 8. Incrimination des actes de torture dans les traités d'extradition
1. Le dahir relatif à l'extradition
62. En l'absence de traités bilatéraux, c'est le dahir relatif à l'extradition
du 8 novembre 1958 qui prévoit les conditions, la procédure et les effets
de l'extradition. Ce texte ne mentionne pas expressément les actes de
torture. Cependant, il donne des faits susceptibles d'entraîner l'extradition
une définition tout à fait susceptible d'englober les actes de torture,
en effet, selon l'article 4 de ce texte, peuvent donner lieu à extradition,
qu'il s'agisse de la demander ou de l'accorder :
i) Tous les faits punis de peines criminelles par la loi de l'État requérant;
ii) Les faits punis de peines correctionnelles par la loi de l'État requérant
quand le maximum de la peine encourue, aux termes de cette loi, est de
deux ans ou au-dessus, ou, s'il s'agit d'un condamné, quand la peine
prononcée par la juridiction de l'État requérant est égale ou supérieure
à deux mois
d'emprisonnement.
63. L'extradition n'est accordée que si le fait est puni au Maroc d'une
peine criminelle ou correctionnelle. Les faits constitutifs de tentative
ou de complicité sont soumis aux mêmes règles, à condition qu'ils soient
punis par la loi de l'État requérant et celle de l'État requis.
2. Les conventions d'extradition
64. Les dispositions du dahir de 1958 ne s'appliquent, comme l'indique
clairement son article premier, que "sauf
dispositions contraires résultant des traités".
65. Les conventions d'extradition passées par le Maroc depuis la ratification
de la Convention contre la torture visent expressément les actes de torture.
Elles prévoient, ce qui est une règle en matière d'extradition, que les
infractions politiques ne peuvent donner lieu à extradition et précisent
que ne peuvent être considérées comme infractions politiques :
Le génocide, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et les
infractions graves d'après les Conventions de Genève de 1949;
Les infractions prévues à l'article 1 de la Convention européenne pour
la répression du terrorisme, ouverte à la signature le 27 janvier 1977;
Les actes prévus par la Convention contre la torture et autres peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée par l'Assemblée
des
Nations Unies le 17 décembre 1984.
66. Ces conventions prévoient en outre que l'extradition peut être refusée "s'il
y a des raisons de croire que la personne réclamée sera soumise à une procédure
n'offrant pas les garanties considérées internationalement comme indispensables
au respect des droits de l'homme ou qu'elle purgera sa peine dans des conditions
inhumaines". L'extradition pourra également être refusée "s'il y a des raisons sérieuses de croire que la demande d'extradition a été formulée
pour l'exécution d'une peine ou l'engagement d'une poursuite basés sur
des considérations de race, de religion, de nationalité ou d'opinions politiques
ou de penser que la situation de la personne risque d'être aggravée pour
l'une ou l'autre de ces considérations".
Article 9. Entraide judiciaire entre États parties dans toutes les procédures
relatives aux actes de torture
67. Le Maroc a conclu un certain nombre de conventions d'entraide judiciaire
avec différents États.
68. Depuis la ratification de la Convention contre la torture, les conventions
d'entraide judiciaire, dans les mêmes termes que les conventions sur
l'extradition, citent expressément les actes de torture. L'entraide judiciaire
pouvant être refusée pour infraction politique, elles précisent que ne
sont pas considérés comme des infractions politiques "les
actes prévus par la Convention contre la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée par l'Assemblée
des Nations Unies le 17 décembre 1984".
69. Ces conventions prévoient également que l'entraide peut être refusée "s'il
y a des raisons sérieuses de croire que la demande d'extradition a été
formulée pour l'exécution d'une peine ou l'engagement d'une poursuite basés
sur des considérations de race, de religion, de nationalité ou d'opinions
politiques ou de penser que la situation de la personne risque d'être aggravée
pour l'une ou l'autre de ces considérations" et "si l'exécution de la demande risque de porter atteinte aux droits et libertés
fondamentales de la personne".
70. C'est ce que prévoient les conventions d'entraide judiciaire paraphées
avec l'Espagne le 25 février 1997 et en cours de négociation avec le
Portugal.
Article 10. Enseignement et information concernant
l'interdiction de la torture
71. Un souci d'intégrer l'enseignement des droits de l'homme dans les programmes
universitaires s'est fait jour ces dernières années et une réflexion
a été entamée sur ce point. Le problème a fait l'objet d'une rencontre
organisée par la Faculté de droit de Casablanca, en collaboration avec
la Fondation Konrad Adenauer, les 25 et 26 avril 1997, sur le thème "L'enseignement
et la recherche en droits humains". Sur le plan pédagogique, il s'agissait d'initier une réflexion d'ensemble sur
le contenu et les méthodes de l'enseignement des droits de l'homme; sur
le plan scientifique, l'objectif était de procéder à un examen critique
et prospectif de l'état de l'enseignement et de la recherche en matière
de droits de l'homme et de réfléchir aux approches méthodologiques adaptées
dans ce domaine.
72. À l'université, l'enseignement des droits de l'homme se fait encore
essentiellement en travaillant l'éclairage "droits
de l'homme" dans les disciplines qui s'y prêtent naturellement; aucune discipline spécifique
n'a été pour l'instant introduite dans les programmes. Par contre, certains
instituts ont déjà effectué cette démarche.
73. L'institut national d'études judiciaires, établissement de formation
et de perfectionnement des magistrats, placé sous la tutelle du Ministère
de la justice, a intégré dans ses programmes depuis trois ans une discipline
autonome intitulée "droits
de l'homme". La nouvelle discipline introduite se propose de traiter des différentes conventions
internationales qui existent dans le domaine des droits de l'homme, leur
contenu et leurs mécanismes d'application. La Convention contre la torture
fait donc partie de cet enseignement. L'école de perfectionnement du
Ministère de l'intérieur qui forme des agents d'autorité a également
introduit dans son cursus une unité d'enseignement "droits de l'homme". L'école de perfectionnement de la gendarmerie royale et l'école de recyclage
de la gendarmerie royale ont introduit dans leur formation des conférences
sur des thèmes relatifs aux droits de l'homme. L'Académie royale militaire
dispense un cours de protection internationale des droits humains (Droits
de l'homme et droit international humanitaire) aux élèves officiers.
La matière "droits de l'homme" est également enseignée à l'Institut royal de police à toute nouvelle recrue
ainsi qu'aux agents et gradés lors des stages de recyclage.
74. En vue de garantir une large diffusion des principes des instruments
internationaux en matière de droits de l'homme, le Ministère chargé des
droits de l'homme prépare, avec le soutien de l'Union européenne, un
recueil de l'ensemble des conventions internationales ratifiées par le
Maroc, dont la Convention contre la torture. Ce recueil sera adressé
à l'ensemble des parties concernées par les droits de l'homme, notamment
les pouvoirs publics, les ONG des droits humains, les instituts et écoles
de formation, etc. Le texte de la convention a été largement diffusé
par la presse, les ONG et les publications spécialisées, parmi lesquelles
la Revue de la Sûreté Nationale qui s'adresse à l'ensemble des agents
de la police. Aussi, et pour une meilleure formation des magistrats,
ceux-ci participent aux rencontres et séminaires internationaux se rapportant
aux droits de l'homme, organisés aussi bien au Maroc qu'à l'étranger.
On peut citer à titre d'exemple :
- Le Séminaire sur "l'application
des normes internationales des droits de l'homme dans la législation nationale", organisé par la Commission internationale des juristes et l'Organisation marocaine
des droits de l'homme (OMDH), à Rabat du 1er au 4 octobre 1997;
- Le Séminaire sur "le rôle de la
justice dans la protection des droits de l'homme", organisé par la Fédération internationale des droits de l'homme, l'OMDH, l'Association
marocaine des droits de l'homme et plusieurs autres ONG de la région méditerranéenne,
à Casablanca en février 1998.
75. Il convient de rappeler enfin que le Ministère chargé des droits de
l'homme et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme
ont signé, en avril 1998, un mémorandum d'intention pour la création
au Maroc d'un centre de formation et de documentation en matière des
droits de l'homme.
Article 11. Mesures de contrôle des interrogatoires, détentions
et
emprisonnement tendant à éviter les actes de torture
1. La garde à vue
76. La garde à vue est la rétention d'une personne par la police judiciaire
pour les nécessités de l'enquête. Les règles prévues par le Code de procédure
pénale (art. 68 à 70 et 82) visent principalement à fixer des délais
et éviter leur dépassement, à placer les mises en garde à vue sous le
contrôle de la justice, ceci afin de préserver la liberté et l'intégrité
de la personne soupçonnée.
77. La garde à vue est limitée à 48 heures; le délai peut être prolongé
de 24 heures sur autorisation écrite du procureur du Roi. Les délais
sont de 96 heures renouvelables une seule fois, en matière d'atteinte
à la sûreté de l'État. À l'expiration de ces délais, la personne doit
obligatoirement être remise en liberté ou conduite devant le procureur.
Dans le cadre des commissions rogatoires (art. 169), la garde à vue est
de 24 heures, renouvelable pour 48 sur autorisation écrite du juge d'instruction,
devant qui la personne doit être présentée pour ce renouvellement.
78. Pour assurer le respect de ces délais, le Code astreint tout officier
de police judiciaire à mentionner sur le procès-verbal d'audition de
la personne gardée à vue, le jour et l'heure précise du début et de la
fin de cette garde à vue. L'officier de police judiciaire est également
tenu d'aviser la famille, dès qu'il décide de garder une personne à vue.
Il doit adresser quotidiennement au procureur et au procureur général
du Roi la liste des personnes gardées à vue au cours des 24 heures écoulées
(art. 69, tel qu'il a été complété par la loi No 67-90 promulguée le
30 décembre 1991).
79. À l'expiration de la garde à vue, la personne soupçonnée est remise
aux autorités judiciaires (procureur du Roi ou juge d'instruction). Afin
de prévenir et éventuellement de sanctionner les violences qui pourraient
être exercées sur la personne gardée à vue, ces autorités doivent la
soumettre à un examen médical lorsque la demande leur en est faite, ou
de leur propre initiative lorsqu'elles ont constaté des indices justifiant
cet examen (art. 76 et 127 du Code de procédure pénale).
80. La police judiciaire est exercée sous la direction du procureur du
Roi, sous la surveillance du chef du parquet général et sous le contrôle
de la Chambre correctionnelle de la cour d'appel. Ce contrôle est prévu
par les articles 244 à 250 du Code de procédure pénale. En application
de ces articles, tout officier de police judiciaire qui ne respecte pas
les prescriptions de la loi peut être suspendu ou déchu de sa qualité
d'officier de police judiciaire, et encourir des sanctions disciplinaires
ou même pénales si son comportement est constitutif d'infraction à la
loi pénale (par exemple violences ou séquestration arbitraire).
81. Le Code pénal sanctionne de la dégradation civique (peine criminelle)
les magistrats, fonctionnaires publics, agents ou préposés de l'autorité
ou de la force publique qui ordonnent ou font quelque acte arbitraire,
attentatoire soit à la liberté individuelle, soit aux droits civiques
d'un ou plusieurs citoyens (art. 225 du Code pénal). En outre, il prévoit
la même peine pour les fonctionnaires publics, les agents de la force
publique, les préposés de l'autorité publique, chargés de la police administrative
ou judiciaire, qui ont refusé ou négligé de déférer à une réclamation
tendant à constater une détention illégale et arbitraire, soit dans les
établissements ou locaux affectés à la garde des détenus, soit partout
ailleurs, et qui n'en ont pas rendu compte à l'autorité supérieure (art.
227).
82. Une circulaire No 526 du 3 décembre 1996 rappelle le rôle des parquets
dans le contrôle de la garde à vue et les incite à visiter les lieux
de détention et à veiller au respect des règles de droit.
83. Une autre circulaire, No 896/3 du 27 août 1997, invite les procureurs
à prendre des mesures immédiates en cas de décès dans les locaux de la
police. Elle recommande, notamment, le recours à l'autopsie par un médecin
légiste ou une commission médicale, l'ouverture d'enquête et la poursuite
de tout agent soupçonné coupable de violence et de torture.
2. La détention préventive
84. La détention préventive est la privation de liberté pendant l'instruction,
lorsque les circonstances la rendent nécessaire (risques de fuite de
l'inculpé, d'intimidation des témoins). Elle est, selon les termes mêmes
du Code de procédure pénale (art. 152 et suivants), "une
mesure exceptionnelle". Sa réglementation a pour objectif de la limiter dans le temps, afin d'éviter
à une personne présumée innocente une trop longue privation de liberté,
avec tous les inconvénients que cela peut entraîner.
85. La détention préventive n'est possible que si l'infraction est un crime
ou un délit punissable d'une peine privative de liberté. Elle doit résulter
d'un mandat de justice et être obligatoirement précédée d'un interrogatoire
sur l'identité, de la communication à la personne des charges qui pèsent
sur elle et de son droit de se faire assister d'un avocat. L'avocat de
la personne a le droit d'assister à cet interrogatoire.
86. La détention préventive ne peut excéder deux mois. À l'expiration de
ce délai, si le maintien en détention apparaît nécessaire, le juge d'instruction
peut le prolonger par ordonnance spécialement motivée sur les réquisitions
également motivées du procureur général du Roi. Les prolongations ne
peuvent être faites que dans la limite de cinq fois et pour la même période.
Si le juge d'instruction ne prend pas la décision de déférer l'inculpé
devant la juridiction, il est mis de plein droit en liberté et l'instruction
se poursuit.
87. En cas de flagrant délit, si la personne est placée sous mandat de
dépôt, elle doit obligatoirement être présentée devant le tribunal dans
les trois jours (art. 395 du Code de procédure pénale). En cas de crime
flagrant, si l'instruction n'est pas obligatoire, et que l'affaire paraît
en état d'être jugée, la personne est placée sous mandat de dépôt et
doit être déférée devant la juridiction de jugement dans les 15 jours
au plus tard. Si l'affaire n'est pas en état d'être jugée, une information
est ouverte (art. 2 du dahir du 28 septembre 1974).
88. Pendant l'instruction, si la personne arrêtée en vertu d'un mandat
d'amener, est détenue plus de 24 heures en maison d'arrêt, elle est considérée
comme arbitrairement détenue. Tout magistrat ou fonctionnaire ayant ordonné
ou sciemment toléré cette détention est passible des peines prévues pour
la détention arbitraire (art. 141 du Code de procédure pénale). La règle
est identique pour les mandats d'arrêt, le délai étant alors de 48 heures
(art. 149). Le mandat de dépôt qui place l'inculpé en détention préventive
ne peut être décerné qu'après interrogatoire par le magistrat.
89. Le Président de la Chambre correctionnelle de la cour d'appel surveille
et contrôle le cours des informations suivies dans tous les cabinets
d'instruction du ressort de le cour d'appel. Il s'emploie à ce que les
procédures ne subissent aucun retard. À cette fin, dans les 10 premiers
jours de chaque trimestre, tout juge d'instruction adresse au chef du
parquet général un relevé de toutes les affaires en cours, portant mention,
pour chacune, de la date du dernier acte d'information exécuté. En matière
de détention préventive, il peut se rendre dans tout établissement pénitentiaire
du ressort de la cour d'appel pour y vérifier la situation d'un inculpé
détenu. Si la détention lui paraît injustifiée, il adresse au juge d'instruction
les recommandations nécessaires (art. 240 à 243 du Code de procédure
pénale).
90. Plusieurs circulaires du Ministre de la justice adressées aux premiers
présidents de cours d'appel, aux présidents des tribunaux de première
instance et aux parquets insistent sur la nécessité de contrôler les
mises en détention préventive, d'utiliser plus largement la liberté provisoire
et d'accélérer le cours des procédures pour diminuer le nombre de détenus
préventifs (on peut notamment citer une circulaire No 337 bis, du 18
mars 1991; une autre, No 10, du 6 janvier 1993).
3. Les personnes emprisonnées
91. Les règles posées par le Code de procédure pénale ont pour but d'assurer
la protection de la personne détenue dans un établissement pénitentiaire.
L'article 660 du Code de procédure pénale prévoit que les détenus sont
inspectés au moins une fois par trimestre par le procureur du Roi et
le juge d'instruction.
92. Selon l'article 661, dans chaque province ou préfecture, une commission
de surveillance est chargée essentiellement de veiller à la salubrité,
la sécurité, l'hygiène, le régime alimentaire et aux conditions matérielles
de vie des détenus. Cette commission est présidée par le gouverneur ou
son délégué assisté du président du tribunal de première instance, des
procureurs près ces tribunaux et du médecin régional chef de la santé
publique ou de son représentant. Cette commission ou les membres qu'elle
délègue sont habilités à visiter les établissements pénitentiaires du
territoire de la préfecture. Elle transmet au Ministre de la justice
les observations ou critiques qu'elle croit devoir formuler et signale
les abus à faire cesser, ainsi que les améliorations à réaliser.
93. Un guide, réalisé par le Ministère de la justice à l'intention des
détenus, sur la base de l'ensemble de règles minima pour le traitement
des détenus adoptées par les Nations Unies, précise notamment :
- le droit du détenu à des examens médicaux et à des soins de santé;
- le droit pour le détenu mis en cellule de punition d'être visité régulièrement
par le médecin de l'établissement; la mise en cellule de punition ne
peut dépasser 15 jours, la prorogation au-delà de ce délai relevant d'une
décision de l'administration centrale;
- le droit de ne pas être mis dans une cellule obscure, de ne pas être
dépouillé de ses vêtements et couvertures, de ne pas être privé de nourriture;
- le droit à ne pas avoir les mains entravées par des menottes, sauf en
cas d'agitation dangereuse ou de transport hors de la prison;
- le droit à exprimer ses doléances et à être entendu à cet effet par le
directeur de l'établissement, à présenter ses requêtes à la commission
d'inspection ou aux autorités judiciaires si une mesure lui semble de
nature à porter atteinte à ses intérêts;
- le droit d'adresser des lettres closes au directeur de l'administration
pénitentiaire;
- le droit, si le détenu estime avoir été maltraité ou malmené, de porter
plainte au directeur de l'établissement ou à l'administration centrale.
En outre, le texte des règles minima pour le traitement des détenus est
affiché dans les prisons, dans un lieu où il peut être librement consulté
par les prisonniers.
94. On soulignera qu'en 1997, un rapport sur l'état des prisons a été présenté
par le Conseil consultatif des droits de l'homme, aboutissement d'un
travail de plus de cinq ans pendant lesquels les prisons du Royaume ont
été visitées, pour aboutir à un état détaillé des lieux et à des recommandations
d'ordre législatif, mais aussi relatives au fonctionnement des établissements,
à la formation du personel, à l'amélioration des conditions de vie des
détenus.
95. Une circulaire du Ministre de la justice du 12 septembre 1997, adressée
aux présidents de cours d'appel et de tribunaux de première instance
et aux parquets, incite ces magistrats à accorder une attention particulière
à la situation des prisonniers dans les prisons, à mieux respecter les
règles concernant les visites et les inspections des prisons et à en
informer le ministère.
96. Une loi relative aux établissements pénitentiaires sera prochainement
présentée au Parlement. Elle a été étudiée par le Conseil consultatif
des droits de l'homme, qui a veillé à sa conformité aux conventions internationales
en matière de droits de l'homme et aux règles minima pour le traitement
des détenus.
a) Données globales sur les établissements pénitentiaires
97. Les établissements pénitentiaires au Maroc sont au nombre de 42, répartis
sur l'ensemble du territoire du Royaume comme suit :
2 complexes pénitentiaires;
1 prison centrale;
4 prisons agricoles;
35 prisons civiles.
98. Cependant, et malgré les efforts consentis par le Gouvernement marocain
en matière de construction de nouvelles prisons et la restauration de
celles qui existent déjà, l'administration pénitentiaire reste confrontée
au problème du sureffectif des prisonniers, dont le nombre est passé
de 17 419 en 1976 à 46 853 en 1996, soit une augmentation de 186,98 %.
99. L'administration pénitentiaire se compose de :
4 475 fonctionnaires (dont 368 dans l'administration et 4 089 dans les
prisons);
113 médecins;
230 infirmiers.
b) Refonte de la politique carcérale
100. Le Ministère de la justice mène une politique visant à humaniser le
milieu carcéral, afin de le rendre plus conforme aux conventions internationales
relatives aux droits de l'homme et aux règles minima pour le traitement
des détenus.
i) Au niveau de l'infrastructure
101. L'élargissement de la capacité d'accueil des établissements pénitentiaires
a pour objectif, d'une part, la garantie de la dignité humaine et la
consolidation des droits des détenus et, d'autre part, le rapprochement
des détenus de leur environnement familial, surtout dans les régions
rurales afin qu'ils puissent poursuivre une formation professionnelle
agricole.
ii) Au niveau de la formation et de l'éducation
102. La nouvelle politique pénale vise à protéger la société par une rééducation
et qualification professionnelle des détenus afin de leur permettre de
s'intégrer, sans difficultés, dans la société après leur libération.
103. Le Ministère de la justice a conclu plusieurs conventions de partenariat
avec le Ministère de la formation professionnelle, le Ministère de l'éducation
et le Ministère de la jeunesse et des sports, afin de permettre aux détenus
de bénéficier des programmes nationaux de ces départements. À titre d'exemple,
à la fin de l'année scolaire 1997-1998, le nombre des certificats délivrés
aux détenus dans l'enseignement fondamental et universitaire a atteint
1 978.
iii) Au niveau des ressources humaines
104. Le rôle du personnel de l'administration pénitentiaire est décisif
dans le succès de toute politique de réforme. Pour cette raison, le Ministère
de la justice a mis l'accent sur le recrutement de cadres de haut niveau
et l'élaboration de programmes de formation et de perfectionnement pour
inciter davantage au respect des conventions internationales et des règles
minima pour le traitement des détenus.
105. Pour sensibiliser le personnel au respect des droits des détenus,
l'administration pénitentiaire ne cesse de rappeler à ses fonctionnaires
les obligations qui découlent des engagements du Maroc et des divers
lois et règlements en vigueur. Des sanctions sont prises chaque fois
qu'un abus est constaté à l'encontre d'un fonctionnaire de l'administration
pénitentiaire dans l'exercice de ses fonctions; à titre d'exemple, un
fonctionnaire de cette administration a été condamné à 10 ans de prison
ferme pour coups et blessures ayant entraîné la mort d'un prisonnier
sans l'intention de la donner.
iv) Au niveau législatif
106. Afin d'humaniser les conditions de détention et d'adapter la législation
interne aux dispositions des instruments internationaux des droits de
l'homme, le Ministère de la justice a entrepris les actions suivantes
:
La préparation d'un projet de code pénal contenant des dispositions visant
à humaniser les sanctions privatives de liberté. On peut citer à cet
égard les peines alternatives;
Le Ministère de la justice travaille en étroite collaboration avec le
Secrétariat général du Gouvernement pour l'élaboration de la loi et
le décret réglementant
les prisons.
Le Ministère veille à ce que cette loi soit conforme aux instruments
internationaux des droits de l'homme.
Article 12. Enquête au sujet de la commission d'un acte de torture
107. Le Procureur du Roi et le juge d'instruction sont tenus, lorsqu'une
personne leur est présentée à l'issue de la garde à vue, de la soumettre
à un examen médical, lorsque celle-ci leur en fait la demande, ou de
leur propre chef, s'ils constatent des indices faisant soupçonner des
violences (art. 76 et 127 du Code de procédure pénale, tels que modifiés
en 1991).
108. Si les soupçons de violence sont confirmés par l'examen médical, il
appartient au parquet d'entamer les poursuites à l'encontre de l'officier
de police judiciaire soupçonné de violences. Les articles 244 à 250 du
Code de procédure pénale prévoient la procédure qui doit être suivie.
La chambre correctionnelle de la cour d'appel est saisie par le chef
du parquet général ou par son président des manquements relevés à la
charge des officiers de police judiciaire dans l'exercice de leurs fonctions.
Elle peut également se saisir d'office à l'occasion de l'examen de la
procédure qui lui est soumis. Une fois saisie, elle fait procéder à une
enquête après réquisition du parquet général et entend l'officier mis
en cause, qui a le droit de prendre connaissance de son dossier et de
se faire assister d'un avocat.
109. La chambre correctionnelle peut, sans préjudice des sanctions disciplinaires
qui pourraient être infligées à l'officier de police judiciaire par ses
supérieurs hiérarchiques, lui adresser des observations, ou le suspendre
ou le déchoir de sa qualité d'officier de police judiciaire. Si elle
estime qu'il a commis une infraction à la loi pénale, elle ordonne la
transmission du dossier au parquet général à toutes fins qu'il appartiendra.
Article 13. Droit pour la victime de porter plainte devant
les autorités compétentes
110. La victime peut déclencher des poursuites pénales, soit en citant
directement l'auteur des violences devant le tribunal, soit, pour les
violences criminelles, en se constituant partie civile devant le juge
d'instruction. La procédure suivie dans ces hypothèses est déterminée
par les dispositions du Code de procédure pénale.
111. Mais il existe aussi des voies non judiciaires qui permettront de
rétablir la victime dans ses droits et de sanctionner les coupables.
Le Ministère chargé des droits de l'homme et le Conseil consultatif des
droits de l'homme reçoivent les plaintes de toute personne qui estime
que ses droits n'ont pas été respectés. Ce recours extrajudiciaire présente,
pour les plaignants, l'avantage de la simplicité et de la souplesse.
Toutefois, ce procédé n'exclut en aucune manière, pour ceux qui l'utilisent,
le recours ultérieur aux tribunaux.
112. Au Ministère des droits de l'homme, au sein de la Direction de la
concertation et de la défense des droits de l'homme, le Service de l'accueil
et de l'instruction a pour mission de recevoir les plaintes et de les
instruire. Si la plainte est mal fondée, le plaignant en est informé,
ainsi que des raisons expliquant le rejet. Si la plainte paraît fondée,
mais ne concerne pas réellement une violation de droit entrant dans la
compétence du Ministère (par exemple s'il s'agit d'un litige entre particuliers),
les conseils nécessaires sont donnés au plaignant pour qu'il parvienne
à résoudre son problème par les moyens appropriés. Enfin si une plainte,
de la compétence du Ministère, semble fondée, le dossier est instruit
plus complètement. S'il se révèle lors de cette instruction du dossier
que des actes de torture ont été commis à l'encontre d'une personne,
le Ministère en informe les autorités concernées et le Ministère de la
justice pour que les suites qui s'imposent soient données.
113. Le Conseil consultatif des droits de l'homme reçoit également des
plaintes en cas de violation des droits des personnes. Il demande alors
aux organismes concernés par ces plaintes de procéder à des enquêtes,
afin, lorsque la véracité des allégations du plaignant est établie, de
rétablir celui-ci dans ses droits et éventuellement de faire engager
des poursuites s'il y a eu infraction pénale.
Article 14. Droit pour les victimes d'obtenir une indemnisation équitable
114. La loi ne prévoit pas un mécanisme spécifique d'indemnisation des
actes de torture. Si ces actes sont établis, la victime pourra obtenir
une réparation du dommage matériel et moral subi en faisant jouer les
règles de la responsabilité civile. Le Code des obligations et contrats
prévoit que "tout
fait quelconque de l'homme qui, sans l'autorité de la loi, cause sciemment
et volontairement un dommage matériel ou moral à autrui oblige son auteur
à réparer ledit dommage" (art. 77 du dahir formant Code des obligations et contrats).
Article 15. Valeur des déclarations obtenues sous l'effet de la torture
115. Le Code de procédure pénale ne prévoit pas la nullité des aveux passés
sous la torture. Cela ne signifie pas pour autant que ces aveux auront
la moindre valeur probante. En effet le Code de procédure pénale prévoit,
dans son article 288, que les infractions peuvent être établies par tout
mode de preuve et que le juge décide en son intime conviction. S'il estime
que la preuve n'est point rapportée, il constate la non-culpabilité du
prévenu et prononce son acquittement. Le Code ajoute (art. 289) que le
juge ne peut fonder sa décision que sur les preuves versées aux débats
et discutées oralement devant lui. La personne victime d'actes de torture
peut donc, lors de l'audience, présenter ses réclamations, qui seront
discutées contradictoirement dans le prétoire. Le juge peut, s'il en
est besoin, demander un complément d'information. Le juge peut alors
écarter l'aveu de culpabilité dès lors que des éléments le font douter
de sa véracité et acquitter s'il a l'intime conviction de l'innocence
du prévenu ou s'il considère
qu'il subsiste un doute, puisqu'une des règles fondamentales concernant
la preuve en matière pénale est que le doute profite à l'accusé.
Article 16. Interdiction d'autres formes de peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants
116. Un chapitre du Code pénal est consacré aux crimes et délits portant
atteinte aux libertés et aux droits garantis aux citoyens. Dans ce chapitre
une section traite "des
abus d'autorité commis par les fonctionnaires contre les particuliers" (art. 224 à 232) et sanctionne :
Les magistrats, fonctionnaires, agents ou préposés de la force ou de l'autorité
publique qui ordonnent ou font quelque acte arbitraire attentatoire à
la liberté individuelle ou aux droits civiques d'un ou plusieurs citoyens;
Les fonctionnaires publics, les agents de la force publique, les préposés
de l'autorité publique, chargés de la police administrative ou judiciaire
qui ont refusé ou négligé de déférer à une réclamation tendant à constater
une détention illégale ou arbitraire;
Les surveillants ou gardiens d'un établissement pénitentiaire ou d'un
local affecté à la garde des détenus qui reçoivent un prisonnier sans
un titre
régulier de détention;
Les magistrats, fonctionnaires, agents ou préposés de la force ou de
l'autorité publique qui, agissant comme tels, s'introduisent dans le
domicile d'un
particulier contre le gré de celui-ci.
117. Le Code prévoit les atteintes portées à l'honneur et à la considération
des personnes (art. 443 et suivants). Sous ce titre, il incrimine :
L'injure, qui est définie par l'article 443 comme "toute
expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation
d'aucun fait"; elle est sanctionnée par le Code de la presse (dahir du 15 novembre 1958) d'un
emprisonnement pouvant aller jusqu'à trois mois et/ou d'une amende lorsqu'elle
est publique, d'une simple peine d'amende lorsqu'elle ne l'est pas (art.
48);
La diffamation définie par l'article 442 du Code pénal comme "toute
allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à
la considération des personnes ou du corps auquel le fait est imputé", est sanctionnée par le Code de la presse (art. 45 à 51).
118. Le Code pénal punit également les menaces. L'article 429 sanctionne
toutes menaces d'atteinte contre les personnes. La menace n'est punissable
que si elle est faite avec ordre ou sous condition.
119. Sont également punissables les atteintes portées par des particuliers
à la liberté individuelle et à l'inviolabilité du domicile (art. 436
à 441). Les séquestrations, enlèvements, prises d'otages sont punis de
mort si la personne enlevée, arrêtée, détenue ou séquestrée a été soumise
à des tortures corporelles.
Conclusion
120. Le Gouvernement marocain réaffirme sa volonté d'oeuvrer pour le renforcement
des mécanismes de protection des droits de l'homme. Il est conscient
que c'est un travail de longue haleine qui nécessite une politique à
moyen et long terme visant la poursuite de l'harmonisation des lois internes
avec les normes internationales, la formation et la sensibilisation au
respect des droits de l'homme, notamment des fonctionnaires chargés de
l'application de la loi.
121. Cette volonté a été clairement exprimée dans la Déclaration d'investiture
du nouveau Gouvernement en avril 1998. Des projets d'harmonisation des
lois seront soumis incessamment au Parlement; il s'agit, entre autres,
d'un projet de réforme du Code pénal et d'un autre sur les lois régissant
les prisons.
122. Enfin un comité interministériel a été institué pour superviser l'harmonisation
de la législation nationale avec les conventions internationales ratifiées
par le Maroc. Un autre comité ministériel a été chargé d'étudier et de
résoudre les cas en suspens soulevés par les ONG nationales et internationales
oeuvrant dans la domaine des droits de l'homme.
123. En outre, plusieurs mesures ont été prises afin d'impliquer davantage
la société civile dans les démarches visant le renforcement de l'État
de droit.