Rapports initiaux des Etats parties devant être soumis en 1994
Additif
MAROC
[29 juillet 1994]
TABLE DES MATIERES
Paragraphes
Introduction....................................................................................................................................
1
-
2
I. INFORMATIONS GENERALES..............................................................................................
3
-
24
A. Les dispositions de la Constitution ..............................................................................................3
-
5
B. Les conventions et traités internationaux........................................................................................
6
C. Les autorités concernées ............................................................................................................7
-
10
D. La sensibilisation et les mesures disciplinaires .............................................................................11
-
24
II. RENSEIGNEMENTS RELATIFS AUX ARTICLES 2 A 16 DE LA CONVENTION ............25
-
79
Article 2 : Interdiction des actes de torture.......................................................................................
25
-
27
Article 3 : Interdiction de l'expulsion, du refoulement ou de l'extradition d'une
personne vers un Etat où elle risque d'être soumise à la torture ..28 - 31
Article 4 : Incrimination des actes de torture, de la tentative de les pratiquer,
de la complicité........... 32 - 39
Article 5 : Elargissement de la compétence des juridictions marocaines ............................................40
-
45
Article 6 : Arrestation et détention de toute personne soupçonnée d'avoir commis
un acte de torture. 46 - 47
Article 7 : Jugement ou extradition de toute personne soupçonnée d'un acte de
torture ......................48 - 51
Article 8 : Incrimination des actes de torture dans les traités d'extradition
..............................................52
Article 9 : Entraide judiciaire entre Etats parties dans toute procédure relative
aux actes de torture........ 53
Article 10 : Enseignement et information concernant l'interdiction de la torture
...................................54 - 55
Article 11 : Mesures de contrôle des interrogatoires, détentions et emprisonnements
tendant à éviter les actes de torture.. 56 - 65
Article 12 : L'enquête au sujet de la commission d'un acte de torture ................................................66
-
70
Article 13 : Droit pour la victime de porter plainte devant les autorités compétentes
..........................71 - 72
Article 14 : Droit pour la victime d'obtenir une indemnisation équitable.................................................
73
Article 15 : Valeur des déclarations obtenues sous l'effet de la torture..............................................
74
-
78
Article 16 : Interdiction d'autres formes de peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants ..........79
Conclusion ..........................................................................................................................................80
Introduction
1. Au cours des trois dernières années, les droits de l'homme ont reçu,
grâce à la détermination de S.M. le Roi, une consolidation institutionnelle
avec la création du Conseil consultatif des droits de l'homme et une
consécration solennelle à l'occasion de la révision de la Constitution
(en 1992) qui dispose, dans son préambule, que le Royaume du Maroc "réaffirme
son attachement aux droits de l'homme tels qu'ils sont universellement
reconnus".
2. Aujourd'hui une nouvelle étape vient d'être franchie avec la création
du Ministère des droits de l'homme qui répond, selon les termes de S.M.
le Roi, à un "besoin
essentiel de notre pays" et qui intègre désormais, de manière institutionnelle, le respect, la défense
et la promotion des droits de l'homme à la politique du gouvernement.
La mission de ce nouveau département, créé au sein du gouvernement, se
définit par référence à cette détermination politique qui engage résolument
le Maroc dans le sens du respect croissant de la personne humaine et
de la consolidation grandissante de l'Etat de droit.
I. INFORMATIONS GENERALES
A. Les dispositions de la Constitution
3. Dès son préambule, la Constitution marocaine de 1992 déclare que le
Royaume du Maroc souscrit aux principes, droits et obligations découlant
des chartes des organismes internationaux dont il est membre et "réaffirme
son attachement aux droits de l'homme tels qu'ils sont universellement
reconnus".
4. Si la Constitution ne contient aucune disposition prohibant explicitement
la torture, cette prohibition résulte cependant directement de l'article
10 qui prévoit : "Nul
ne peut être arrêté, détenu et puni que dans les cas et formes prévues
par la loi". Le principe de légalité des délits et des peines est ainsi clairement affirmé
et la formulation large de l'article 10 englobe le domaine du déroulement
du procès pénal; en conséquence aucune privation de liberté ne peut avoir
lieu que dans les hypothèses et en respectant les formes prévues par
la loi. L'article 10 est ainsi complété : "le domicile est inviolable. Les perquisitions ou vérifications ne peuvent intervenir
que dans les conditions et les formes prévues par la loi".
5. Enfin, l'article 40 de la Constitution autorise, pour la première fois
au Maroc, la création de commissions d'enquêtes au sein de la Chambre
des représentants "formées
pour recueillir des éléments d'information sur des faits déterminés et
soumettre leurs conclusions à la Chambre des représentants". Le mécanisme de la commission d'enquête est, comme on le sait, très utilisé
dans le domaine des droits de l'homme; ces commissions pourront donc
enquêter sur d'éventuelles violations des droits de l'homme.
B. Les Conventions et traités internationaux
6. Le Maroc a ratifié plusieurs Conventions des Nations Unies le 21 juin
1993. Il s'agit de :
- La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants;
- La Convention internationale sur la protection des droits de tous les
travailleurs migrants et des membres de leur famille;
- La Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination
à l'égard des femmes;
- La Convention relative aux droits de l'enfant.
C. Les autorités concernées
7. Les autorités compétentes dans les matières visées par la Convention
sont les autorités judiciaires ainsi que celles chargées d'attribution
de police judiciaire par le Code de procédure pénale : police et gendarmerie.
Les activités de ces autorités sont soumises à un cadre légal qui en
fixe l'étendue et les limites : Code pénal de 1962 et Code de procédure
pénale de 1959. Il convient de souligner que le Code de procédure pénale
a connu récemment des réformes renforçant les garanties des personnes
soupçonnées et qui vont dans le sens du respect de la Convention, en
particulier raccourcissement des délais de garde à vue et instauration
d'un contrôle médical à l'expiration de ce délai.
8. Les personnels de la police et de la gendarmerie, dans le cadre de leur
activité de police judiciaire, doivent observer les règles posées pour
le déroulement de l'enquête par le Code de procédure pénale. Ils sont
soumis, dans ce cadre, au contrôle des autorités judiciaires. Ils sont
en outre tenus, de manière générale, au respect des règles spécifiques
à leur corps d'origine.
9. Ainsi, le dahir du 14 janvier 1958 sur le Service de la gendarmerie
marocaine dispose dans son article 55 que "tout
acte de la gendarmerie qui trouble les citoyens dans l'exercice de leur
liberté individuelle est un abus de pouvoir". Le même article ajoute que "les officiers commandants de brigade et gendarmes qui, dans l'exercice de leurs
fonctions se rendent coupables d'un abus d'autorité ou portent atteinte
à l'exercice des libertés reconnues par la loi, sont passibles de peines
disciplinaires, indépendamment des poursuites judiciaires qui peuvent
être exercées contre eux". L'article 58 du même dahir prévoit que "tout officier, commandant de brigade ou gendarme qui, en contravention à cette
disposition, donne, signe, exécute ou fait exécuter l'ordre d'arrêter
un individu ou l'arrête effectivement, est puni comme coupable de détention
arbitraire".
10. Le souci d'éviter les exactions et les abus de pouvoir se traduit par
la formation des agents et leur sensibilisation à la question des droits
de l'homme.
D. La sensibilisation et les mesures disciplinaires
1. Le personnel de la Gendarmerie royale
11. Pour permettre aux officiers et agents de police judiciaire d'approfondir
leurs connaissances dans le domaine du respect des droits de l'homme,
de l'application des lois et des conditions dans lesquelles doivent être
exécutées les décisions judiciaires, des conférences et des stages de
perfectionnement sont organisés à plusieurs niveaux. Ainsi, les commandants
de compagnies de brigade assistent à des conférences périodiques données
par des responsables relevant notamment du Ministère de la justice et
de la Croix-Rouge internationale.
12. Le personnel de la Gendarmerie royale est doté d'une documentation
lui permettant d'être imprégné de la philosophie des droits de l'homme,
d'être informé des modifications apportées aux textes de base, en particulier
dans le domaine de la procédure pénale, et de connaître parfaitement
les limites de son action en tant que défenseur des droits du citoyen
et agent de la force publique chargé de veiller à la sécurité. En plus
de cette formation, le commandant de la Gendarmerie royale rappelle à
ses agents leurs droits et leurs devoirs, expose dans un but éducatif
et dissuasif des cas d'espèce survenus dans ses diverses unités pour
éviter à la commission d'autres erreurs, et informe ses agents des sanctions
qu'ils encourent dans l'exercice de leurs fonctions dans les cas de sévices,
arrestations arbitraires, abus de pouvoir, traitements inhumains et attentatoires
à la dignité des personnes gardées à vue, etc.
13. Parallèlement à cette action préventive et aux programmes de formation
et de sensibilisation du personnel, la Gendarmerie royale a chargé son
bureau des inspections et contrôle de prendre des sanctions sévères à
l'encontre de tout gendarme qui dépasse les limites de ses attributions
ou commet une faute incompatible avec sa fonction d'agent de la force
publique. Par ailleurs, ce bureau reçoit les plaintes formulées par des
citoyens contre les gendarmes et ouvre systématiquement des enquêtes.
14. En ce qui concerne les sanctions du personnel, la Gendarmerie royale
a procédé, depuis 1974, à la révocation de 1456 gendarmes dont 775 ont
été présentés à la justice pour fautes professionnelles et 681 rayés
des cadres de l'arme par la commission de discipline (non admis à rengager,
mis à la retraite d'office, résiliation de contrat). Ces gendarmes ont
commis des fautes incompatibles avec leur fonction (mauvais comportement,
accumulation de punitions et d'avertissements, etc. ...).
15. Parmi les gendarmes présentés à la justice, 319 ont commis des fautes
touchant à la dignité du citoyen ou à ses biens, à savoir :
- Abus de pouvoir 10
- Séquestration 2
- Sévices 6
- Violation de domicile 11
- Corruption 92
- Homicide volontaire 4
- Escroquerie 11
- Faux et usage de faux 11
- Vol 42
- Coups et blessures volontaires 12
- Menace à mains armées 2
- Ivresse et scandale 64
- Affaires de moeurs (acte contre nature avec violences, attentat à la pudeur, incitation de mineurs à la débauche, enlèvement de femme mariée, adultère 38
- Dénonciation calomnieuse 1
- Outrage à supérieur 3
- Insubordination 10
Ces agents ont été condamnés à des peines allant de deux mois à 20 ans
de prison.
16. Durant la même période, 19 autres agents, dont 2 officiers, ont été
arrêtés pour trafic de stupéfiants, traduits en justice et condamnés
à des peines allant de six mois à huit ans de prison ferme.
17. Depuis 1974, 30 cas de suicides de personnes gardées à vue ont été
constatés dans les locaux de la Gendarmerie royale. Ils ont fait l'objet
d'enquêtes judiciaires approfondies qui ont abouti à des sanctions sévères
à l'encontre du personnel défaillant lorsque la défaillance a été établie.
2. Les fonctionnaires de la police de la Sûreté nationale
18. Dès leur recrutement, les fonctionnaires de police de tous grades sont
admis dans des écoles spécialisées où des enseignements importants leur
sont dispensés, notamment les libertés publiques et les droits de l'homme.
19. La Direction générale accorde un intérêt particulier à cet enseignement,
car elle estime qu'un fonctionnaire de police imprégné des principes
fondamentaux des libertés publiques et des droits de l'homme est une
garantie contre toute action arbitraire. Quel que soit son grade ou sa
fonction, le policier dès son entrée à l'école de police est initié à
la fonction grâce à une matière dite "Initiation
à la vie morale et professionnelle".
20. En ce qui concerne plus particulièrement les libertés publiques et
les droits de l'homme, le programme de formation est axé sur "libertés
publiques et droit d'arrestation". Ce programme comporte, entre autres, les matières suivantes : théorie générale
des libertés, droits de l'homme, protection constitutionnelle des droits
de l'homme, protection légale, code des libertés publiques, droits collectifs,
droit d'arrestation, droit des personnes détenues ... En plus des matières
précitées, les écoles de police ont adopté de longue date le principe
de l'enseignement intégré basé sur le savoir-faire et le savoir-être,
principe qui intéresse l'ensemble des matières de police administrative
ou judiciaire.
21. En effet, le policier au cours de sa formation acquiert non seulement
les connaissances juridiques et techniques mais également le savoir-être
lié à ces connaissances, c'est-à-dire des notions de comportement à l'égard
du public faisant appel aux principes des sciences humaines, en ayant
constamment présent à l'esprit ceux relatifs aux libertés publiques et
droits de l'homme, afin d'éviter toute atteinte aux droits de l'individu
et tout abus d'autorité.
22. Cette formation, acquise dans les écoles de police, vise à astreindre
les policiers à opérer toujours dans le respect de la légalité avec un
sens aigu de la responsabilité. Les policiers sont soumis :
a) A l'échelon régional : au contrôle direct du chef de la Sûreté, à celui
du gouverneur de la province et des autorités judiciaires (ministère
public);
b) A l'échelon national : au contrôle du Directeur général de la Sûreté
nationale par l'intermédiaire de l'Inspection générale.
C'est ainsi que le policier au cours de sa carrière peut, en cas de faute
personnelle ou de service, s'exposer soit à des sanctions administratives
(conseil de discipline) soit à des sanctions judiciaires (tribunaux).
23. La Direction générale de la Sûreté nationale, comme tout département
administratif, dispose d'une Inspection générale qui, en plus de sa mission
fondamentale d'inspection générale des services de police, quant à leur
fonctionnement, s'attache à diligenter des enquêtes sur le comportement
des fonctionnaires de police à l'égard du public et notamment sur le
bien-fondé des requêtes des citoyens relatives à d'éventuels agissements
illégaux ou abus d'autorité. L'Inspection générale propose, le cas échéant,
des sanctions disciplinaires, voire, si les faits reprochés constituent
une infraction pénale, la comparution des fonctionnaires incriminés devant
la juridiction compétente.
24. A ce sujet, ci-après les statistiques des sanctions disciplinaires
infligées aux fonctionnaires de police indépendamment des condamnations
pénales (année 1993) :
a) Révocation - 30
- Violences illégitimes et abus d'autorité 3
- Violences, abus d'autorité et état d'ivresse 5
- Attentat à la pudeur et tentative d'homicide 3
- Trafic d'influence et violation de domicile 5
- Usage abusif et inconsidéré des attributs de fonction, menaces avec arme à feu et arrestation arbitraire 3
- Atteinte à la liberté de circuler, abus d'autorité et arrestation arbitraire 3
- Coups et blessures et dégâts à la propriété d'autrui, ivresse 5
- Enlèvement d'une mineure, séquestration suivie de meurtre avec préméditation 3
b) Mises à la retraite d'office - 4
- Escroquerie, abus d'autorité et arrestation arbitraire 1
- Trafic d'influence et incitation de femme mariée à la débauche 1
- Complicité d'escroquerie, violation de domicile habité, arrestation arbitraire et violences 1
- Atteinte à la liberté individuelle de circuler, abus d'autorité et usage de procédés d'intimidation suivi d'extorsion de fonds 1
II. RENSEIGNEMENTS RELATIFS AUX ARTICLES 2 A 16 DE LA CONVENTION
Article 2 : Interdiction des actes de torture
25. Le cadre constitutionnel de cette interdiction découle de l'article
10 de la Constitution. En effet, cet article, en prévoyant que "nul
ne peut être arrêté, détenu ou puni que dans les cas et les formes prévues
par la loi", pose par là-même le principe d'interdiction de la torture puisqu'il soumet
les arrestations, détentions et sanctions au Code pénal et au Code de
procédure pénale.
26. Le Code pénal sanctionne, par diverses incriminations, les atteintes
à l'intégrité physique de la personne et prévoit des sanctions aggravées
lorsque les violences sont le fait d'agents ou préposés de l'autorité
(voir sous article 4).
27. Le Code de procédure pénale prévoit les formes dans lesquelles se déroule
le procès depuis l'enquête de police jusqu'au jugement définitif. Il
organise la protection de la personne poursuivie tant sur le plan du
respect de ses droits que de son intégrité physique (voir sous article
11).
Article 3 : Interdiction de l'expulsion, du refoulement ou de l'extradition d'une personne vers un Etat où elle risque d'être soumise à la torture
28. En vertu du principe de territorialité de la loi pénale (voir sous
article 5), les étrangers et apatrides qui se trouvent sur le territoire
du Royaume sont soumis, au même titre que les nationaux, à la loi pénale
marocaine. De ce fait, tout délinquant, quelle que soit sa nationalité,
qui commet une infraction sur le territoire marocain est jugé au Maroc
conformément à la loi nationale et y purge sa peine.
Refoulement, expulsion
29. L'accès, l'établissement et le séjour des étrangers au Maroc sont soumis
à autorisation délivrée par la Direction générale de la Sûreté nationale
conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur.
Si l'intéressé ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions de séjour
il peut faire l'objet :
a) D'un refus ou d'un retrait de séjour par décision du Directeur général
de la Sûreté nationale;
b) D'un refoulement par arrêté du gouverneur;
c) D'une expulsion par arrêté qui peut émaner du Directeur général de la
Sûreté nationale ou du Ministre de l'intérieur.
30. Quelle que soit la mesure, elle est prise par décision administrative
et peut donc faire l'objet de la part de l'étranger concerné d'un recours
gracieux auprès de l'autorité qui a pris la mesure, d'un recours hiérarchique
auprès du Ministre de l'intérieur et enfin d'un recours en annulation
devant le tribunal administratif compétent.
Extradition
31. L'extradition est prévue par le dahir du 8 novembre 1958 relatif à
l'extradition des étrangers. Selon l'article 5 de ce dahir, l'extradition
n'est pas accordée "lorsque
le crime ou le délit pour lequel elle est demandée a un caractère politique
ou lorsqu'il résulte des circonstances que l'extradition est demandée
dans un but politique". Le même article 5 précise que "en ce qui concerne les actes commis au cours d'une insurrection ou d'une guerre
civile par l'une ou l'autre des parties engagées dans la lutte et dans
l'intérêt de sa cause, ils ne pourront donner lieu à extradition que
s'ils constituent des actes de barbarie odieuse et de vandalisme défendus
suivant les lois de la guerre et seulement lorsque la guerre civile aura
pris fin".
Article 4 : Incrimination des actes de torture, de la tentative de les pratiquer, de la complicité
32. Le Code pénal mentionne expressément la torture dans deux articles
:
a) A propos des enlèvements, détentions, séquestrations de personnes commis
par des particuliers : lorsque la personne enlevée, arrêtée, détenue
ou séquestrée est soumise à des tortures corporelles, la sanction est
aggravée et la peine encourue est la mort (article 438 du Code pénal);
b) La peine de mort est également encourue par quiconque emploie des actes
de torture ou de barbarie pour l'exécution d'un fait qualifié crime (article
399 du Code pénal).
33. En dehors de ces hypothèses, la répression des actes de torture est
assurée par l'incrimination des blessures, coups, violences ou voies
de fait prévue par les articles 401 et 403. Ces articles punissent les
coups, blessures, violences ou voies de fait en proportion du dommage
qui en est résulté pour la victime.
a) Sanctions délictuelles - articles 400 et 401 :
i) S'il en est résulté une incapacité de travail inférieure à 20 jours,
la sanction est de un mois à un an d'emprisonnement et une amende; s'il
y a eu préméditation, guet-apens ou emploi d'une arme, l'emprisonnement
est de six mois à deux ans et l'amende est augmentée;
ii) Si l'incapacité de travail est supérieure à 20 jours, l'emprisonnement
est de un à trois ans et une amende; avec préméditation, guet-apens ou
emploi d'une arme, l'emprisonnement est de deux à cinq ans;
b) Sanctions criminelles - articles 402 et 403 :
i) Lorsqu'il est résulté des blessures, coups ou autres violences, mutilation,
amputation ou privation de l'usage d'un membre, cécité, perte d'un oeil
ou toutes autres infirmités permanentes, la peine est la réclusion de
cinq à 10 ans; avec préméditation, guet-apens ou emploi d'une arme, la
réclusion est de 10 à 20 ans;
ii) Lorsque les blessures, coups ou autres violences, portés volontairement
mais sans intention de donner la mort, l'ont pourtant occasionnée, la
peine est la réclusion de 10 à 20 ans; avec préméditation, guet-apens
ou emploi d'une arme, la réclusion devient perpétuelle.
34. On peut constater que la préméditation, le guet-apens et l'emploi d'une
arme sont toujours des circonstances aggravantes et que le Code pénal
donne une définition très large de l'arme : "toutes
armes à feu, tous explosifs, tous engins, instruments ou objets perçants,
contondants ou tranchants" (article 303 du Code pénal).
35. Lorsque les violences émanent d'un magistrat, d'un fonctionnaire public,
d'un agent ou préposé de la force publique, les sanctions sont augmentées.
C'est ce que prévoit l'article 231 du Code pénal en ces termes : "Tout
magistrat, tout fonctionnaire public, tout agent ou préposé de l'autorité
ou de la force publique qui, sans motif légitime, use ou fait user de
violences envers les personnes dans l'exercice ou à l'occasion de ses
fonctions, est puni pour ces violences et selon leur gravité, suivant
les dispositions des articles 401 et 403; mais la peine applicable est
aggravée comme suit :
a) S'il s'agit d'un délit de police ou de délit correctionnel, la peine
est portée au double de celle prévue pour l'infraction;
b) S'il s'agit d'un crime puni de la réclusion à temps, la peine applicable
est la réclusion perpétuelle.
Il convient de souligner que le texte sanctionne aussi bien celui qui a
usé des violences que celui qui en a donné l'ordre.
Tentative
36. La tentative est ainsi définie par le Code pénal : un commencement
d'exécution ou des actes non équivoques tendant directement à commettre
l'infraction qui n'ont été suspendus ou qui n'ont manqué leur effet que
par des circonstances indépendantes de la volonté de leur auteur (article
114 et suivants du Code pénal).
37. La tentative est punissable comme l'infraction consommée. Elle l'est
toujours en matière de crime; pour les délits elle l'est en vertu d'une
disposition spéciale de la loi.
38. La tentative de coups et blessures est techniquement difficile, sinon
impossible à imaginer dans le contexte actuel du code. En effet, les
coups, blessures ou autre violences sont sanctionnés en fonction du dommage
qui en est résulté pour la victime. Si l'on en est resté au stade de
la tentative, il n'y a pas eu de dommage et il est donc impossible de
déterminer la peine qui aurait été appliquée à l'infraction consommée
et par voie de conséquence celle applicable à la tentative.
Complicité
39. La répression de la complicité ne pose, par contre, aucun problème
puisque l'article 130 du Code pénal prévoit que "le
complice d'un crime ou d'un délit est punissable de la peine réprimant
ce crime ou ce délit".
Article 5 : Elargissement de la compétence des juridictions marocaines
Infractions commises au Maroc
40. Le principe de territorialité de la loi pénale est posé par l'article
10 du Code pénal : "Sont
soumis à la loi pénale marocaine, tous ceux qui, nationaux, étrangers
ou apatrides se trouvent sur le territoire du Royaume, sauf les exceptions
établies par le droit public interne ou le droit international" et l'article 748 du Code de procédure pénale : "Les juridictions du Royaume sont compétentes pour connaître de toute infraction
commise sur le territoire marocain quelle que soit la nationalité de
son auteur".
41. L'accomplissement de l'acte principal au Maroc attribue compétence
aux juridictions marocaines, même si certains des éléments constitutifs
ont été réalisés à l'étranger et quelle que soit la nationalité des coauteurs.
La compétence pour juger le fait principal s'étend à tous les faits de
complicité et de recel, même perpétrés hors du Royaume et par des étrangers.
42. Le Code pénal précise dans son article 11 que sont considérés comme
faisant partie du territoire marocain, les navires ou les aéronefs marocains,
où qu'ils se trouvent, sauf dérogation découlant du droit international.
L'article 749 du Code de procédure pénale étend la compétence des juridictions
marocaines aux crimes et délits commis dans un port de mer marocain à
bord d'un navire marchand étranger.
Infractions commises à l'étranger
43. Le Code de procédure pénale prévoit dans ses articles 751 et suivants
que tout fait qualifié crime par la loi marocaine ou qualifié délit par
la loi marocaine et par la loi étrangère et commis à l'étranger par un
marocain, peut être poursuivi et jugé au Maroc. Toutefois, la poursuite
ou le jugement ne peut avoir lieu que lorsque le délinquant est revenu
au Maroc et qu'il ne justifie pas avoir été irrévocablement jugé à l'étranger
et, en cas de condamnation, avoir subi ou prescrit sa peine ou obtenu
sa grâce.
44. En outre, en cas de délit commis contre un particulier, la poursuite
ne peut avoir lieu qu'à la requête du ministère public saisi d'une plainte
de la personne lésée ou d'une dénonciation des autorités du pays où le
délit a été commis.
45. Les infractions commises par un étranger hors du Maroc ne relèvent
des juridictions et de la loi marocaine que dans deux hypothèses (article
755 du Code de procédure pénale) : lorsqu'il s'agit d'un crime contre
la sûreté de l'Etat marocain et lorsqu'il s'agit d'un crime de contrefaçon
de monnaie ou de billets ayant cours légal au Maroc. Hormis ces ceux
hypothèses, et en l'état actuel du Code de procédure pénale, un étranger
ayant commis une infraction à l'étranger ne peut être jugé par les juridictions
marocaines.
Article 6 : Arrestation et détention de toute personne soupçonnée d'avoir commis un acte de torture
46. Si l'acte de torture dont une personne est soupçonnée s'est déroulé
sur le territoire marocain, la compétence allant aux juridictions et
à la loi marocaines, les règles du Code de procédure pénale seront applicables
(garde à vue, détention préventive) et la personne soupçonnée bénéficiera
des garanties prévues par ce code. Il en ira de même si l'infraction
est commise à l'étranger par un marocain, si cette infraction est qualifiée
crime par la loi marocaine ou délit tant par la loi marocaine que par
celle du pays où elle a été commise. Mais si l'acte de torture a été
commis à l'étranger par un étranger, la personne soupçonnée ne pourra
être arrêtée et détenue que dans la mesure où une demande d'extradition
a été introduite par le gouvernement de l'Etat où elle a été commise.
47. D'après le dahir du 5 novembre 1958 relatif à l'extradition des étrangers,
dès que la demande a été transmise et jugée régulière par le Ministère
de la justice, l'étranger est arrêté, interrogé sur son identité, informé
du titre en vertu duquel son arrestation a eu lieu et transféré dans
le plus bref délai à la prison de Rabat où il est écroué pendant que
la procédure d'extradition suit son cours.
Article 7 : Jugement ou extradition de toute personne soupçonnée d'un acte de torture
48. Lorsqu'une personne relève d'une juridiction marocaine (voir sous article
5), la poursuite et le jugement se font selon les règles éditées par
le Code pénal et le Code de procédure pénale. La législation n'introduit
aucune discrimination quelle que soit la nature ou la nationalité de
son auteur.
49. Dans tous les cas les règles du Code de procédure pénale sont donc
appliquées et la personne poursuivie bénéficie de toutes les garanties
prévues tant au stade de l'enquête de police qu'à celui de l'instruction
et du jugement : présomption d'innocence, droit d'être assisté d'un avocat,
avis donné à la famille dès la garde à vue, etc...
50. L'instruction est obligatoire pour les infractions les plus graves
(crimes punissables de la peine de mort ou de la réclusion perpétuelle).
Les preuves sont appréciées de la même façon quelle que soit l'infraction.
51. Si l'infraction a été commise à l'étranger par un étranger, l'extradition
pourra être accordée sur demande du gouvernement de l'Etat où l'infraction
a été commise dans les conditions prévues par le dahir du 8 novembre
1958 relatif à l'extradition des étrangers.
Article 8 : Incrimination des actes de torture dans les traités d'extradition
52. Le dahir du 8 novembre 1958 ne vise pas expressément les actes de torture
mais il donne des faits qui peuvent donner lieu à extradition une définition
suffisamment large pour que puisse y être compris tous les actes de torture
(article 4) :
a) Tous les faits punis de peines criminelles par la loi de l'Etat requérant;
b) Les faits punis de peines correctionnelles par la loi de l'Etat requérant;
quand le maximum de la peine encourue, aux termes de cette loi, est de
deux ans ou au-dessus, ou, s'il s'agit d'un condamné, quand la peine
prononcée par la juridiction de l'Etat requérant est égale ou supérieure
à deux mois d'emprisonnement.
Le même article exige que le fait soit criminel ou correctionnel au regard
de la loi marocaine; il permet l'extradition pour les faits de tentative
ou de complicité à condition qu'ils soient punissables tant par la loi
de l'Etat requérant que par celle de l'Etat requis.
Article 9 : Entraide judiciaire entre Etats parties dans toute procédure relative aux actes de torture
53. Le Maroc a conclu plusieurs conventions bilatérales relatives à l'entraide
judiciaire et à l'extradition. On peut citer à cet égard :
a) La Convention franco-marocaine d'aide mutuelle judiciaire, d'exequatur
et d'extradition du 5 octobre 1957, publiée au Bulletin officiel du 10
janvier 1958;
b) La Convention d'extradition et d'entraide judiciaire en matière pénale
conclue entre le Royaume du Maroc et le Royaume de Belgique le 27 février
1959 (ratifiée le 19 mai 1960);
c) La Convention de coopération judiciaire, d'exécution des jugements et
d'extradition entre le Royaume du Maroc et la République du Sénégal du
19 mai 1968.
Article 10 : Enseignement et information concernant l'interdiction de la torture
54. Dans l'esprit d'une plus grande sensibilisation en faveur du respect
des droits de l'homme, le Maroc a entrepris une politique d'intégration
des droits de l'homme dans l'enseignement et la formation de certains
cadres relevant du pouvoir exécutif ou du pouvoir judiciaire.
55. Ainsi les différents instruments juridiques internationaux relatifs
aux droits de l'homme auxquels le Maroc est partie (y compris la Convention
contre la torture) sont actuellement enseignés au sein des instituts
et établissements suivants : l'Institut national d'études judiciaires,
l'Ecole de perfectionnement des cadres (pour formation des agents d'autorités
du Ministère de l'intérieur), l'Institut royal de police, le Commandement
des écoles de la Gendarmerie royale et l'Ecole supérieure d'application
relevant de la Gendarmerie royale.
Article 11 : Mesures de contrôle des interrogatoires, détentions et emprisonnements tendant à éviter les actes de torture
Contrôle de la durée et du déroulement de la garde à vue
56. Le Code de procédure pénale prévoit que la garde à vue ne peut durer
plus de 48 heures; en cas d'indices graves et concordants contre la personne,
ce délai peut être prolongé de 24 heures sur autorisation écrite du procureur
(article 68). Ces délais peuvent être doublés en matière d'infractions
contre la sûreté de l'Etat.
57. Le Code prévoit la mention obligatoire du jour et de l'heure du début
et de la fin de la garde à vue, avec signature de la personne gardée
à vue ou mention de son refus de signer (article 69).
58. L'officier de police judiciaire est tenu d'aviser la famille de la
personne gardée à vue. Il doit adresser quotidiennement au procureur
du Roi et au procureur général du Roi la liste des personnes gardées
à vue au cours des 24 heures écoulées (article 69).
59. Si la garde à vue se termine par la remise aux autorités judiciaires,
le procureur du Roi ou le juge d'instruction (selon la gravité de l'infraction)
doit soumettre la personne inculpée à un examen médical lorsque la demande
lui en est faite ou de sa propre initiative lorsqu'il a constaté des
indices qui justifient cet examen (articles 76 et 127).
60. Dès que la personne est remise aux autorités de justice, elle est assistée
d'un avocat.
Contrôle de l'activité des officiers de police judiciaire
61. La police judiciaire est soumise à un double contrôle :
a) Contrôle du Parquet : La police judiciaire est exercée sous la direction
du procureur du Roi par les magistrats, officiers, fonctionnaires et
agents désignés par le Code de procédure pénale (article 16). Elle est
placée dans chaque ressort des cours d'appel sous la surveillance du
chef du Parquet général (article 17). De ce fait, les autorités de police
doivent informer le procureur de toute infraction dont elles ont connaissance
(articles 59 et 79), elles doivent effectuer les actes que le ministère
public exige d'elles (articles 73, 80), elles doivent enfin obtenir l'accord
du ministère public pour certains actes, par exemple la prolongation
de la garde à vue;
b) Contrôle par la chambre correctionnelle de la cour d'appel (articles
17, 244 et suivants) : La chambre correctionnelle de la cour d'appel
exerce un contrôle sur les officiers de police judiciaire pris en cette
qualité. Lorsqu'elle relève un manquement commis par un officier de police
judiciaire dans l'exercice de ses fonctions, elle peut, sans préjudice
des poursuites disciplinaires qui pourraient lui être infligées par ses
supérieurs hiérarchiques, lui adresser des observations, le suspendre
ou le déchoir définitivement de ses fonctions. Si elle estime que l'officier
de police judiciaire a commis une infraction à la loi pénale, elle transmet
le dossier au Parquet aux fins de poursuites (article 248).
Contrôle des instructions
62. Le président de la chambre correctionnelle dispose d'un pouvoir de
contrôle et de surveillance sur les informations ouvertes dans le ressort
de la cour d'appel. Il contrôle notamment la régularité des détentions
préventives et peut à cet effet se rendre dans les établissements pénitentiaires
de son ressort pour les inspecter et pour vérifier la situation d'un
inculpé détenu. Si la détention lui apparaît injustifiée, il adresse
au juge d'instruction les recommandations nécessaires (articles 241 à
243, Code de procédure pénale).
63. "Les détenus sont inspectés au moins une fois
par trimestre par le procureur du Roi et par le juge d'instruction. Ces
magistrats s'assurent notamment de la régularité des détentions et de la
bonne tenue des registres" (article 660, Code de procédure pénale).
Contrôle de la situation des condamnés purgeant leur peine
64. Dans chaque province ou préfecture une commission présidée par le gouverneur
ou son délégué et composée de juges, de procureurs du Roi, d'un médecin
et de membres désignés par le Ministre de la justice est chargée notamment
de veiller à la sécurité et aux conditions de vie des détenus. A cet
effet, elle est habilitée à visiter les établissements pénitentiaires
et à signaler les abus à faire cesser, abus dont elle informe le Ministre
de la justice (articles 661 et 662, Code de procédure pénale).
65. Il faut également mentionner que des inspections d'établissements pénitentiaires
sont effectuées à l'improviste par le Ministre de la justice et le Ministre
chargé des droits de l'homme.
Article 12 : L'enquête au sujet de la commission d'un acte de torture
66. Le procureur du Roi est tenu, lorsque la demande lui en est faite,
ou lorsqu'il constate des indices qui le justifient, de soumettre l'inculpé
à un examen médical qui sera confié à un médecin expert (article 76,
Code de procédure pénale); la même obligation est prescrite dans les
mêmes conditions au juge d'instruction (article 127, Code de procédure
pénale).
67. En outre, la chambre correctionnelle "est
saisie soit par le chef du Parquet général, soit par son président, des
manquements relevés à la charge des officiers de police judiciaire dans
l'exercice de leurs fonctions. Elle peut se saisir d'office à l'occasion
de l'examen de la procédure qui lui est soumise" (article 245, Code de procédure pénale).
68. "Une fois saisie, elle fait procéder à une enquête" (article
246, Code de procédure pénale). Après réquisition du chef du Parquet général,
elle entend l'officier de police judiciaire mis en cause. Celui-ci est
invité à prendre connaissance de son dossier, il peut se faire assister
d'un avocat. Lorsque les faits sont établis, l'officier de police judiciaire
peut faire l'objet de poursuites disciplinaires, de suspension ou de déchéance
de sa qualité d'officier de police judiciaire et de poursuites pénales
(voir sous article 11, par. 61).
69. Par ailleurs, les articles 266 à 270 du Code de procédure pénale édictent
des solutions dérogatoires aux règles normales de compétence pour l'instruction
et le jugement des infractions imputées à des fonctionnaires du pouvoir
exécutif et du pouvoir judiciaire, et ce dans le but d'éviter des instructions
ou des jugements complaisants ou indulgents.
70. Quand le prévenu ou l'accusé est un juge du tribunal de première instance
ou du tribunal communal ou d'arrondissement ou un pacha ou super-caïd
ou quand il s'agit d'un caïd ou d'un officier de police judiciaire agissant
dans l'exercice de leur fonction, le premier président de la cour d'appel,
saisi par le Ministère public ou par la partie civile, ordonne, s'il
y a lieu, que l'affaire soit instruite par un juge d'instruction choisi
hors de la circonscription où l'inculpé exerce ses fonctions (articles
269 et 270, alinéa 1).
Article 13 : Droit pour la victime de porter plainte devant les autorités compétentes
Victime remise en liberté
71. La victime dispose selon les cas de deux moyens pour provoquer la poursuite
de l'auteur de l'infraction :
a) La citation directe, procédé qui consiste à convoquer l'inculpé pour
qu'il comparaisse directement devant la juridiction de jugement sans
passer par le stade de l'instruction. Le Code de procédure pénale fixe
le domaine et la réglementation de la citation directe (articles 366
à 370, 393, 394 et 419);
b) La plainte accompagnée de constitution de partie civile, modalité par
laquelle la victime saisit le juge d'instruction, lui expose les faits
préjudiciables et réclame la réparation du dommage subi, déclenchant
par là-même l'action publique. A cet égard la procédure à suivre est
déterminée par des dispositions du Code de procédure pénale. A noter
aussi que la personne qui se prétend lésée par une infraction peut se
constituer partie civile devant la juridiction de jugement lorsque l'action
publique a été déjà mise en oeuvre par le ministère public, et ce dans
les conditions des articles 333 à 337 du Code de procédure pénale.
Victime maintenue en détention
72. Si la victime est maintenue en détention après les actes de torture,
elle peut demander l'examen médical prévu par les articles 76 et 127
du Code de procédure pénale (voir sous article 11, par. 59). Si les mauvais
traitements sont établis, le Parquet devra saisir la chambre correctionnelle
de la cour d'appel (voir sous article 12).
Article 14 : Droit pour la victime d'obtenir une indemnisation équitable
73. Lorsque les mauvais traitements sont établis, la victime d'un acte
de torture a droit à une réparation à la mesure du préjudice subi, dans
les conditions de la responsabilité civile. Il en est de même de ses
ayant-droits en cas de décès de la victime (article 77 et suivants du
dahir formant code des obligations et des contrats; la jurisprudence
marocaine est également bien établie en ce sens).
Article 15 : Valeur des déclarations obtenues sous l'effet de la torture
74. Selon le Code de procédure pénale, les infractions peuvent être établies
par tout mode de preuve et le juge décide d'après son intime conviction
(article 288).
75. L'article 289 précise que le juge ne peut fonder sa décision que sur
des preuves versées au débat et discutées oralement devant lui.
76. Le juge n'est donc pas lié par une déclaration (aveu ou témoignage),
même si cette déclaration est faite pendant les débats, dès lors qu'il
estime que d'autres éléments en rendent la vraisemblance douteuse.
77. A fortiori, le juge n'est pas lié par un aveu fait en dehors des débats,
par exemple un aveu relaté par un procès-verbal. Certes, les procès-verbaux
peuvent avoir une force probante variable : en matière de crimes, ils
ont valeur de simples renseignements (article 293), en matière de délits
et de contravention ils font foi jusqu'à preuve contraire (article 291).
78. Mais la Cour suprême a posé très clairement le principe que les procès-verbaux "font
foi de la réalité des déclarations mais non de leur exactitude", ce qui permet au juge d'écarter un aveu ou une déclaration relatés dans un
procès-verbal quelle que soit la force probante de celui-ci.
Article 16 : Interdiction d'autres formes de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
79. Dans ce cadre, on peut notamment mentionner :
a) L'article 225 du Code pénal : "Tout
magistrat, tout fonctionnaire public, tout agent ou préposé de l'autorité
ou de la force publique qui ordonne ou fait quelque acte arbitraire, attentatoire
soit à la liberté individuelle, soit aux droits civiques d'un ou plusieurs
citoyens est puni de la dégradation civique ...";
b) L'article 436 punit de peines qui peuvent aller, selon les cas, jusqu'à
30 ans de réclusion "ceux
qui sans ordre des autorités constituées et hors le cas où la loi le
permet ou ordonne de saisir des individus enlèvent, arrêtent, détiennent
ou séquestrent une personne quelconque". Les coupables sont punis de mort "si la personne enlevée, détenue ou séquestrée a été soumise à des tortures corporelles" (article 438);
c) Les atteintes portées à l'honneur et à la considération des personnes
sont punies en vertu des articles 442 à 448 du Code pénal;
d) Par ailleurs, il est à noter que le Maroc a ratifié, entre autres, la
Convention supplémentaire, relative à l'abolition de l'esclavage, de
la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l'esclavage
(Convention du 7 septembre 1956), la Convention pour la répression de
la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui
de 1950 (dahir No 1.74,12 du 2 août 1974), la Convention de l'Organisation
internationale du Travail No 29 concernant le travail forcé ou obligatoire
(dahir No 1.57,294 du 16 décembre 1957) et la Convention No 105 concernant
l'abolition du travail forcé (décret royal 097-66 du 22 octobre 1966).
Conclusion
80. Ce bref exposé des dispositions constitutionnelles, législatives et
réglementaires pour la mise en oeuvre de la Convention contre la torture
et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants permet
de tirer les conclusions suivantes :
a) Le Royaume du Maroc est très sensible à tout ce qui touche le respect
des droits de l'homme et s'emploie activement à assurer l'application
des conventions de sauvegarde de ces droits;
b) Le Royaume du Maroc, tout comme nombre de pays en développement, doit
faire face à des obstacles considérables dans la mise en oeuvre d'une
politique visant à permettre à tous les citoyens, sans discrimination,
de jouir pleinement de leurs droits;
c) Le Royaume du Maroc, sous la sage direction de S.M. le Roi, ne ménage
aucun effort pour assumer ses obligations dont l'une d'elles est de promouvoir
le progrès et le bien-être de tous les Marocains.