Deuxièmes rapports périodiques des États parties
devant être présentés en 1992
Additif
LUXEMBOURG
/Pour le rapport initial présenté par le Gouvernement du Luxembourg voir le document CAT/C/175/Add.29; pour son examen par le Comité, voir les documents CAT/C/SR.107 et 108 et Documents officiels de l'Assemblée générale, quarante-septième session, Supplément No 44 (A/47/44, par. 285 à 309).
[3 août 1998]
TABLE DES MATIÈRES
Paragraphes
Introduction... 1 - 2
I. RENSEIGNEMENTS RELATIFS AUX NOUVELLES MESURES PORTANT SUR LA MISE EN OEUVRE DE LA CONVENTION ...3 - 32
II. RENSEIGNEMENTS D'ORDRE GÉNÉRAL DEMANDÉS PAR LE COMITÉ ...33 - 69
A. Abolition de la peine de mort... 33 - 34
B. Abolition de la peine des travaux forcés... 35
C. Isolement des détenus/condamnés ...36 - 39
D. Système des peines judiciaires ...40 - 47
E. Statut des juges ...48 - 53
F. Procédure de la garde à vue ...54 - 57
G. Procédure de la détention préventive ...58 - 61
H. Organes chargés de la sécurité de l'État ...62
I. Population des établissements pénitentiaires... 63
J. State Security Court ...64 - 66
K. Habeas corpus... 67
L. État d'exception ...68 - 69
III. RENSEIGNEMENTS SUPPLÉMENTAIRES RELATIFS AUX ARTICLES DE LA CONVENTION
...70 - 123
A. Article 1...70 - 86
B. Article 2 ...87 - 89
C. Article 3... 90 - 103
D. Article 9 ...104 - 107
E. Article 10 ...108 - 110
F. Articles 12 et 13... 111 - 119
G. Article 15 ...120
H. Article 16... 121 - 123
Annexe : Liste de documents auxquels il est fait référence
Introduction
1. Le Grand-Duché de Luxembourg, en vertu du paragraphe 1 de l'article
19 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants, présente au Comité contre la torture
son premier rapport complémentaire. Le rapport porte sur les nouvelles
dispositions introduites dans la législation nationale pour l'amélioration
du système de protection des droits à l'intégrité physique et l'interdiction
de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
2. Depuis l'entrevue avec le Comité du 29 avril 1992, le Gouvernement luxembourgeois
a mis en place une Cour Constitutionnelle, réformé son régime des peines,
adapté l'administration et le régime interne des établissements pénitentiaires,
et il a revu certaines dispositions du Code pénal et du Code d'instruction
criminelle, afin de répondre aux demandes dudit Comité.
I. RENSEIGNEMENTS RELATIFS AUX NOUVELLES MESURES PORTANT
SUR LA MISE EN OEUVRE DE LA CONVENTION
Loi du 13 juin 1994 relative au régime des peines
3. Au lieu de procéder à une révision des différents articles pour les
mettre en conformité avec la nouvelle dénomination des peines privatives
de liberté, une substitution a été effectuée de façon générale.
"
Article VII - Dans toutes les dispositions légales et réglementaires en
vigueur au moment où la présente loi prend effet, le terme "réclusion" est
remplacé par ceux de "réclusion de cinq à dix ans". Dans toutes les dispositions légales et réglementaires les termes "travaux forcés" et "détention" seront remplacés par celui de "réclusion" et la référence aux dispositions de la loi modifiée du 18 juin 1879 par celle
aux articles 130-1 à 132-1 du Code d'instruction criminelle."
Règlement grand-ducal du 18 mars 1995 portant modification du règlement
grand-ducal du 24 mars 1989 concernant l'administration et le régime
interne des établissements pénitentiaires
4. Le texte a été modifié comme suit :
"
a) Article 3, alinéas 4 à 6 nouveaux - Le placement en régime cellulaire
strict ou le renouvellement de cette mesure décidé par le Procureur général
d'État ne peut intervenir à l'encontre d'un détenu réputé dangereux que
s'il a été en mesure de faire valoir son point de vue.
Le détenu faisant l'objet d'une telle mesure doit être informé par écrit
des motifs du placement ou de son renouvellement.
La mesure de placement en régime cellulaire strict doit faire l'objet d'une
révision obligatoire tous les trois mois."
"
b) Article 8 - Les mineurs placés au centre pénitentiaire de Luxembourg
ou au centre pénitentiaire agricole de Givenich, en application des articles
6 et 24 de la loi relative à la protection de la jeunesse, bénéficient
d'un régime approprié.
Les mineurs placés au centre pénitentiaire de Luxembourg, en application
de l'article 26 de la même loi, sont soumis au régime cellulaire défini
à l'article 5 du présent règlement."
"c) Article 29 - Le médecin-chef de service dirige le service sanitaire.
En cas d'absence, d'empêchement ou de besoin spécifique, il peut être
remplacé ou secondé par un médecin agréé par le Procureur général d'État.
En cas d'urgence, il est fait appel au service national de secours."
"
d) Article 52, point 1 - De se livrer sur les détenus à des actes de torture
ou des actes constitutifs de peines ou de traitements cruels, inhumains
ou dégradants;" (les
points 1) à 17) de l'article prennent les numéros 2 à 18).
"
e) Article 63, alinéa 3 - L'établissement de leurs plans de service et
la gestion de leurs congés prévus au chapitre 9 du statut général des fonctionnaires
de l'État de la compétence du directeur de l'établissement."
"
f) Article 197, point 11 - Le placement en régime cellulaire strict pour
une durée maximale de six mois. En cas de récidive endéans les trois ans,
la peine disciplinaire peut être fixée à douze mois;"
"
g) Article 199 - Le placement en cellule de punition entraîne la privation
de travail, de radio, de cantine, des loisirs et des activités en commun.
Le placement en cellule de punition entraîne également la privation de
correspondance avec l'extérieur et la privation de visite sous réserve
des dispositions des articles 215, 226, 235 et 236.
La privation à titre de punition, de la correspondance et de la visite
ne s'applique pas à la communication des prévenus et des condamnés avec
leur conseil et avec les membres du service social.
Les détenus punis sont autorisés à faire une promenade d'une heure au
préau individuel et ont accès aux journaux et livres de la bibliothèque.
Le droit de présenter des réclamations, tel qu'il est réglé aux articles
221 à 216, est garanti à tous les détenus."
"
h) Article 206 - Les punitions prévues à l'article 197 sub 1) à 10) sont
prononcées par le directeur.
Les punitions prononcées contre des prévenus et des mineurs placés au
centre pénitentiaire de Luxembourg en application de l'article 26 de
la loi relative
à la protection de la jeunesse sont immédiatement portées à la connaissance
du magistrat instructeur qui a la faculté de les modifier ou ordonner
qu'il soit sursis à l'exécution.
Les punitions prononcées contre des mineurs placés dans l'un des deux
centres en application de l'article 6 de la loi relative à la protection
de la
jeunesse sont immédiatement portées à la connaissance du juge de la jeunesse
compétent qui a la faculté de les modifier ou ordonner qu'il soit sursis
à l'exécution.
Les punitions prévues à l'article 197 sub 6) à 10) sont immédiatement
portées à la connaissance du Procureur général d'État qui a la faculté
de les modifier
ou ordonner qu'il soit sursis à l'exécution.
Les punitions prévues à l'article 197 sub 11) et 12) sont prononcées par
le Procureur général d'État."
"
i) Article 228 - Les prévenus et les mineurs visés à l'article 8, alinéa
2 peuvent recevoir la visite de toute personne en possession d'un permis
de visite.
Ces permis sont établis au nom du visiteur et délivrés par le magistrat
saisi de l'instruction de l'affaire pénale; lorsque le magistrat est
dessaisi de l'affaire, les permis sont délivrés par le représentant
du ministère
public près la juridiction qui doit connaître de la poursuite.
Si le visiteur ne rentre pas parmi les personnes énumérées à l'article
229, alinéa premier, il doit en outre solliciter une autorisation préalable
du directeur de l'établissement, le cas échéant après avoir entendu le
service de défense sociale en son avis.
En cas de refus du directeur, le prévenu, le mineur ou le visiteur peut
former le recours prévu à l'article 212.
Sauf indication contraire, un permis de visite n'est valable que pour une
visite d'une demi-heure indiquée au permis."
"
j) Article 230 - Les condamnés et les prévenus punis du placement en cellule
de punition ne peuvent recevoir pendant l'exécution de cette sanction disciplinaire
aucune visite à l'exception de celles prévues aux articles 235 et 236."
"
k) Article 245-1 - Les condamnés peuvent recevoir l'autorisation de téléphoner
à l'extérieur selon les modalités à fixer par le directeur de l'établissement."
"
l) Article 247-1 - Les condamnés se trouvant au centre pénitentiaire agricole
de Givenich peuvent bénéficier d'une sortie temporaire de l'établissement
au cours des heures réglementaires de visites fixées par le Procureur général
d'État.
Les détenus bénéficiant d'un tel régime sont désignés par le Procureur
général d'État sur proposition du directeur de l'établissement et du
service de défense sociale."
Loi du 18 août 1995 modifiant la loi du 28 mars 1972 concernant :
1. L'entrée et le séjour des étrangers
2. Le contrôle médical des étrangers
3. L'emploi de la main-d'oeuvre étrangère
4. Le texte a été modifié comme suit :
"
Article 14, alinéa 3 - L'étranger ne peut être expulsé, ni éloigné à destination
d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont gravement menacées
ou qu'il est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
du 4 novembre 1950, ou à des traitements au sens des articles premier et
3 de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants."
Révision constitutionnelle du 12 juillet 1996
5. La Cour constitutionnelle a été instituée par l'article 95 ter de la
Constitution, lequel fait partie du chapitre de la Constitution consacré
à la justice. Au sommet de la hiérarchie des tribunaux de l'ordre judiciaire
luxembourgeois se trouve la Cour supérieure de justice. En matière de
contentieux administratif et fiscal, la Cour administrative est, depuis
le 1er janvier 1997, la juridiction suprême du contentieux administratif
selon l'article 95 bis de la Constitution. Selon la Constitution, la
Cour constitutionnelle luxembourgeoise a pour seule mission de contrôler
la constitutionnalité des lois. Les traités, ainsi que les lois qui en
portent approbation, sont expressément exclus.
"
Article 95 ter 1) - La Cour constitutionnelle statue, par voie d'arrêt,
sur la conformité des lois à la Constitution.
2) La Cour constitutionnelle est saisie, à titre préjudiciel, suivant
les modalités à déterminer par la loi, par toute juridiction pour statuer
sur
la conformité des lois, à l'exception des lois portant approbation de
traités, à la Constitution.
3) La Cour constitutionnelle est composée du Président de la Cour supérieure
de justice, du Président de la Cour administrative, de deux conseillers
à la Cour de cassation, et de cinq magistrats nommés par le Grand-Duc,
sur l'avis conjoint de la Cour supérieure de justice et de la Cour administrative.
Les dispositions des articles 91, 92 et 93 leur sont applicables. La
Cour constitutionnelle comprend une chambre siégeant au nombre de cinq
magistrats.
4) L'organisation de la Cour constitutionnelle et la manière d'exercer
ses attributions sont réglées par la loi".
Projet de loi portant modification :
a) De certaines dispositions de la loi modifiée du 19 février 1973 concernant
la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie;
b) De la loi du 17 mars 1992 portant :
1. Approbation de la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite
de stupéfiants et de substances psychotropes, faite à Vienne, le 20 décembre
1988
2. Modifiant et complétant la loi du 19 février 1973 concernant la vente
de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie
3. Modifiant et complétant certaines dispositions du Code d'instruction
criminelle
c) De la loi du 3 mai 1991 sur les opérations d'initiés
d) De la loi du 26 juillet 1986 relative à certains modes d'exécution
des peines privatives de liberté.
6. La prison comprend beaucoup de détenus toxicomanes. Afin d'éviter
des décès dus à une overdose de stupéfiants ou de médicaments, d'enrayer
une
infiltration massive de ces substances en prison et de combattre la
propagation en milieu carcéral de maladies telles que le sida ou les
hépatites, il
importe que le personnel pénitentiaire puisse à tout moment, en cas
d'indices graves, soumettre les détenus à des moyens de contrôle à
des fins de
détection et de dépistage.
7. Le texte proposé complète l'article 4 de la loi sur les stupéfiants
et reprend les dispositions initialement prévues au point 5 de l'article
premier d'un projet de règlement grand-ducal portant modification du
règlement grand-ducal du 24 mars 1989 concernant l'administration et
le régime interne des établissements pénitentiaires.
8. Dans son avis sur le projet de règlement précité, le Conseil d'État
a en effet estimé que les pouvoirs que ce projet de règlement grand-ducal
propose de conférer, entre autres, aux membres du personnel de garde
ne peuvent pas être considérés comme des mesures destinées uniquement
à garantir l'ordre, la discipline ou la sécurité de l'établissement ou
encore la sauvegarde de la santé physique des détenus, mais constituent
aussi des pouvoirs de police judiciaire, dont l'attribution à certains
fonctionnaires et agents d'administrations et de services publics est
réservée à la loi.
9. La loi modifiée du 19 février 1973 sur les stupéfiants est muette quant
aux possibilités d'intervention du personnel pénitentiaire mais son article
8 in fine prévoit cependant une circonstance aggravante quand les infractions
ont été commises dans un établissement pénitentiaire.
10. Les modifications de texte proposées quant au régime cellulaire strict
appliqué à titre disciplinaire tiennent compte d'observations faites
par le Comité européen pour la prévention de la torture, notamment pour
ce qui est de la durée de la mesure et de la possibilité de recours des
détenus. L'examen d'un tel recours est confié à la commission pénitentiaire
prévue par l'article 12, alinéa premier, de la loi du 26 juillet 1986
sur l'exécution des peines. Cette commission étant compétente en matière
de mesures de faveur à accorder à des condamnés à des peines supérieures
à deux ans, ses membres ont une bonne connaissance des dossiers des détenus
et sont parfaitement qualifiés pour trancher les recours introduits en
la matière. D'autre part, hormis un recours hypothétique devant les juridictions
administratives, la réglementation actuelle ne consacre pas de façon
positive et concrète le droit pour un détenu de se retourner contre une
décision de placement en régime cellulaire strict.
11. Le dernier alinéa de l'article 4 de la loi modifiée du 19 février 1973
concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre
la toxicomanie a été modifié comme suit :
"
Ces examens, prises de sang ou prélèvements seront ordonnés, soit par le
juge d'instruction, soit par le Procureur d'État, soit par les agents de
la gendarmerie, de la police ou de l'Administration des douanes, soit par
des agents désignés par le Ministre de la Santé conformément à l'article
2, qui auront constaté le fait, soit, s'il s'agit de détenus, par le délégué
du Procureur général d'État aux établissements pénitentiaires, le directeur
de l'établissement, le chef des services de garde ou le fonctionnaire qui
les remplace. Les modalités de l'examen médical, de la prise de sang et
du prélèvement seront fixées par un règlement d'administration publique,
le Collège médical entendu. Les questionnaires à remplir par le médecin
à l'occasion de ces opérations seront déterminés par règlement ministériel,
le Collège médical entendu."
12. Concernant l'introduction de la semi-détention, il est à noter que
la loi du 26 juillet 1986, relative à certains modes d'exécution des
peines privatives de liberté, prévoit l'exécution fractionnée de peines
privatives
de liberté inférieures ou égales à un an. Il s'agit, notamment, de maintenir
intactes les relations familiales et professionnelles.
13. La loi du 26 juillet 1986 relative à certains modes d'exécution des
peines privatives de liberté est modifiée comme suit :
"
Article 2-1 - Si la situation professionnelle et familiale du condamné
le requiert, et que sa personnalité le permet, l'exécution fractionnée
pourra se faire en semi-détention, astreignant ainsi le condamné à travailler
en milieu pénitentiaire pendant la journée tout en lui permettant de rentrer
à son domicile en dehors du temps de travail. Les modalités pratiques régissant
le régime de la semi-détention seront déterminées par règlement grand-ducal."
14. Les dispositions proposées pour la nouvelle section IV-1 de la loi
du 26 juillet 1986 relative à certains modes d'exécution des peines privatives
de liberté reprennent le texte initialement prévu au point 11) du projet
de règlement grand-ducal portant modification du règlement grand-ducal
du 24 mars 1989 concernant l'administration et le régime interne des
établissements pénitentiaires.
15. Dans son avis, le Conseil d'État a en effet estimé que le projet de
règlement grand-ducal avisé n'est pas l'instrument approprié pour prévoir
une extension des attributions de la commission pénitentiaire; il a estimé
en outre qu'il faudra passer plutôt par une modification de la loi du
26 juillet 1986.
"
Article 11-1 - En cas de déplacement d'un détenu en régime cellulaire strict,
soit à titre disciplinaire, soit parce qu'il est réputé dangereux, le détenu
concerné peut former un recours devant la commission prévue à l'article
12, alinéa premier.
Ne fait pas partie de la commission le Procureur général d'État ou son
délégué qui a pris la décision attaquée.
La commission, si elle l'estime nécessaire, peut faire procéder à toutes
mesures d'investigation utiles.
Nonobstant le recours, la décision prise est immédiatement exécutoire.
La commission doit statuer dans un délai de quinze jours, à compter du
jour où le recours a été formé par lettre simple.
La décision de rejet du recours doit être motivée."
Projet de loi portant :
1. Adaptation du droit interne aux dispositions de la Convention des Nations
Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants, approuvée par la loi du 31 juillet 1987
2. Transposition de certaines recommandations formulées par le Comité européen
pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains
ou dégradants (CPT)
3. Modification de certaines dispositions du Code pénal et du Code d'instruction
criminelle
4. Modification de la loi modifiée du 13 mars 1870 sur l'extradition des
malfaiteurs étrangers
16. L'article proposé reprend la définition des actes de torture telle
que prévue par l'article premier de la Convention des Nations Unies.
Il échoit en effet de punir ces faits plus sévèrement étant donné qu'il
s'agit de comportements particulièrement odieux. Même si à l'heure actuelle
de tels comportements ne sont heureusement pas connus au Luxembourg,
il y a lieu de les incriminer afin de combler une lacune dans notre arsenal
juridique, les peines prévues par les articles du Code pénal pour les
coups et blessures n'étant pas vraiment adaptées à ce genre de comportement.
Il faut relever que sont visées non seulement les tortures physiques
traditionnelles, mais aussi les tortures psychiques, plus subtiles et
qui semblent plutôt correspondre aux temps modernes.
17. La torture est une infraction qui ne peut être accomplie qu'intentionnellement,
étant donné qu'elle a pour objectif soit d'obtenir un certain résultat,
soit d'avoir un effet punitif envers la personne qui en est la victime.
"
Article 260-1 - Toute personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée
d'une mission de service public ou toute personne agissant à l'instigation
ou avec le consentement exprès ou tacite de l'une de ces personnes, qui
aura intentionnellement infligé des actes de torture à une personne, en
lui causant une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales,
aux fins notamment d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne des renseignements
ou des aveux, de la punir d'un acte qu'elle ou une tierce personne a commis
ou est soupçonnée d'avoir commis, de l'intimider ou de faire pression sur
elle ou d'intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour
tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu'elle soit,
est punie de la peine de réclusion de cinq à dix ans."
" Article 260-2 - Si les actes de torture ont causé
une maladie ou une incapacité de travail personnel, la peine est celle
de la réclusion de dix à quinze
ans."
" Article 260-3 - Si les actes de torture ont causé
une maladie paraissant incurable ou une incapacité permanente de travail
personnel ou la perte
de l'usage absolu d'un organe ou une mutilation grave, la peine est celle
de la réclusion de quinze à vingt ans."
" Article 260-4 - Si les actes de torture ont, sans l'intention de la donner, causé la mort, la peine est celle de la réclusion à vie."
18. Les articles suivants du Code d'instruction criminelle créent, conformément
à l'article 5.1 c) de la Convention des Nations Unies, et en l'absence
de dispositions législatives luxembourgeoises en la matière, une compétence
spéciale pour les juridictions de notre pays permettant de couvrir
l'hypothèse dans laquelle la victime est un Luxembourgeois ou un résident
du Grand-Duché.
Le Gouvernement espère assurer de la manière la plus large possible
la répression de la torture au cas où, par exemple, l'État où l'infraction
a été commise, n'incrimine pas ce genre d'infractions.
19. Comme il s'agit d'une compétence exorbitante, il n'a pas semblé utile
de l'étendre à d'autres infractions et d'en faire un principe général,
d'autant plus qu'il est toujours difficile d'obtenir les moyens de preuve
adéquats d'une infraction commise à l'étranger.
"
Article 7-3 - Toute personne qui, hors du territoire du Grand-Duché s'est
rendue coupable d'une des infractions prévues par les articles 260-1 à
260-4 du Code pénal envers un Luxembourgeois ou un résident du Grand-Duché,
peut être poursuivie et jugée dans le Grand-Duché.
Toutefois, aucune poursuite n'aura lieu lorsque l'inculpé, jugé en pays
étranger du chef de la même infraction, aura été acquitté.
Il en sera de même lorsque, après avoir été condamné, il aura subi ou prescrit
sa peine ou qu'il aura été gracié.
Toute détention subie à l'étranger par suite de l'infraction qui donne
lieu à la condamnation dans le Grand-Duché, sera imputée sur la durée des
peines emportant privation de la liberté."
20. Conformément aux articles 3.1 et 5.2 de la Convention des Nations
Unies, il a fallu instaurer une compétence universelle active afin
d'éviter qu'un
malfaiteur ne puisse, du fait de la non-extradition, rester impuni. Cette
compétence universelle est limitée à ces cas d'espèce, sans qu'il puisse
en résulter aucun principe général.
"
Article 7-4 - Toute personne qui s'est rendue coupable à l'étranger d'une
des infractions prévues par les articles 260-1 à 260-4 du Code pénal, pourra
être poursuivie et jugée au Grand-Duché lorsqu'une demande d'extradition
est introduite et que l'intéressé n'est pas extradé."
21. Les modifications proposées aux articles 39 et 45 du Code d'instruction
criminelle visent à donner suite à certaines recommandations formulées
par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines
ou traitements inhumains ou dégradants (CPT).
22. La personne retenue est informée par les forces de l'ordre de son droit
de pouvoir avertir une personne de son choix.
23. Afin que la personne puisse prévenir un membre de sa famille ou toute
autre personne de son choix, un téléphone est mis à sa disposition. Pour
éviter tout abus, la personne peut faire une seule communication effective.
24. Le texte actuel de l'article 39 du Code d'instruction criminelle attribue
au Procureur d'État compétence pour ordonner l'intervention d'un médecin.
25. Les forces de l'ordre font également appel à un médecin lorsqu'elles
l'estiment nécessaire dans le cas d'une personne mise en cellule d'arrêt.
26. La modification proposée confère un droit autonome à la personne retenue
par la police ou la gendarmerie, afin qu'elle puisse, en toute hypothèse,
prétendre à l'examen par un médecin.
27. Pour éviter que la personne retenue ne comprenne pas la langue dans
laquelle elle est informée par les forces de l'ordre, une note d'information,
prééditée et rédigée dans une langue compréhensible par la personne et
énumérant tous ses droits lui est distribuée dès sa rétention. La personne
retenue signe et indique le jour et l'heure de sa signature sur ladite
note.
28. Afin que les droits ainsi conférés ne restent pas lettre morte, le
texte proposé prévoit l'obligation pour les officiers de police judiciaire
d'informer la personne retenue de ses droits dans une langue qu'elle
comprend et d'ajouter à la liste des indications devant figurer obligatoirement
aux procès-verbaux d'audition (déclaration dûment signée), la déclaration
de la personne retenue qu'elle a été informée des droits qui lui sont
conférés par l'article 39, ainsi que l'indication des nécessités de l'enquête
qui ont pu motiver un refus ou un retard dans l'application du droit
conféré au paragraphe 3) de cet article.
"
Article 39 1) - Si les nécessités de l'enquête l'exigent, l'officier de
police judiciaire peut, avec l'autorisation du Procureur d'État, retenir
pendant un délai qui ne peut excéder vingt-quatre heures, les personnes
contre lesquelles il existe des indices graves et concordants de nature
à motiver leur inculpation.
2) Le délai de vingt-quatre heures court à partir du moment où la personne
est retenue en fait par la force publique.
3) À moins que les nécessités de l'enquête ne s'y opposent, la personne
retenue est, dès sa rétention, informée par écrit et contre récépissé,
dans une langue qu'elle comprend, de son droit de prévenir une personne
de son choix. Un téléphone est mis à sa disposition à cet effet.
4) Le Procureur d'État peut ordonner les opérations nécessaires d'identification
et notamment de prise d'empreintes digitales et de photographie de
la personne retenue.
5) Si la personne retenue est suspectée de dissimuler des objets
utiles à la manifestation de la vérité ou des objets dangereux
pour elle-même
ou pour autrui, il peut être procédé à sa fouille corporelle par
une personne du même sexe.
6) Dès sa rétention, la personne retenue est informée par écrit
et contre récépissé, dans une langue qu'elle comprend, de son
droit de se faire
examiner sans délai par un médecin. Par ailleurs, le Procureur
d'État
peut, à tout
moment, d'office ou à la requête d'un membre de la famille de
la personne retenue, désigner un médecin pour l'examiner.
7) Avant de procéder à l'interrogatoire, les officiers de police judiciaire
et les agents de police judiciaire désignés à l'article 13 donnent avis
à la personne interrogée, dans une langue qu'elle comprend, de son droit
de se faire assister par un conseil parmi les avocats inscrits aux listes
I et II du tableau des avocats.
8) Les procès-verbaux d'audition de la personne retenue indiquent le jour
et l'heure auxquels la personne retenue a été informée des droits qui
lui sont conférés par les paragraphes 3), 6) et 7) du présent article,
ainsi que, le cas échéant, les raisons qui ont motivé un refus ou un
retard dans l'application du droit conféré au paragraphe 3), la durée
des interrogatoires auxquels elle a été soumise et des repos qui ont
séparé ces interrogatoires, le jour et l'heure à partir desquels elle
a été retenue, ainsi que le jour et l'heure à partir desquels elle a
été soit libérée, soit amenée devant le juge d'instruction."
29. Une autre modification proposée vise à aligner l'article 45 4) à l'article
39 3) du Code d'instruction criminelle relatif au droit d'informer une
personne de son choix.
"
Article 45 4) - Dès sa rétention, l'intéressé est informé par écrit et
contre récépissé, dans une langue qu'il comprend, de son droit de prévenir
une personne de son choix. Un téléphone est mis à sa disposition à cet
effet."
30. Un autre amendement a pour objectif de compléter la liste des infractions
contenues dans la loi du 13 mars 1870 au sujet desquelles le juge peut
ordonner l'extradition d'un malfaiteur étranger situé au Grand-Duché
en faveur des autorités étrangères requérantes.
31. Il n'est pas nécessaire de modifier sur ce point les traités d'extradition
conclus par le Luxembourg puisque la Convention des Nations Unies porte
modification implicite au moins des traités conclus entre les signataires
à ladite convention.
32. La loi modifiée du 13 mars 1870 sur l'extradition des malfaiteurs étrangers
est complétée par les ajouts suivants :
a) "Article 1-31° - pour les infractions visées aux
articles 260-1 à 260-4 du Code pénal."
b) "Article 8-1 - L'extradition ne peut avoir lieu
s'il y a des motifs sérieux de croire que la personne à extrader risque
d'être soumise à des actes de torture au sens des articles 1 et 3 de la
Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants et de l'article 3 de la Convention de sauvegarde
des droits de l'homme et des libertés fondamentales."
II. RENSEIGNEMENTS D'ORDRE GÉNÉRAL DEMANDÉS
PAR LE COMITÉ
A. Abolition de la peine de mort
33. En réponse aux vues exprimées lors de la présentation du rapport initial
par quelques membres du Comité quant à l'opportunité d'éliminer dans
le dispositif législatif toute référence à la peine de mort, il faut
souligner que la loi du 20 juin 1979 "abolit
la peine de mort en toute matière et la remplace par la peine immédiatement
inférieure". Étant la seule garantie d'éviter un oubli dans la modification des textes,
cette approche doit être interprétée comme approche de prudence. Par
ailleurs, le lecteur du Code pénal est averti de l'existence et du contenu
de cette loi par une note informative précédant ledit Code.
34. Au niveau international, le Gouvernement luxembourgeois a approuvé
par la loi du 21 novembre 1984 le Protocole No 6 à la Convention de sauvegarde
des droits de l'homme et des libertés fondamentales concernant l'abolition
de la peine de mort, signé le 28 avril 1983.
B. Abolition de la peine des travaux forcés
35. Afin d'éviter tout malentendu sur la véritable nature de la peine des
travaux forcés prévue à l'ancien article 7 du Code pénal, la loi du 13
juin 1994 relative au régime des peines dispose que "dans
toutes les dispositions légales ou réglementaires, les termes 'travaux
forcés' et 'détention' sont remplacés par celui de 'réclusion'".
C. Isolement des détenus/condamnés
36. L'isolement des détenus, respectivement des condamnés, est réglementé
par le règlement grand-ducal du 24 mars 1989 modifié par celui du 18
mars 1995.
37. Sanctions disciplinaires. Des infractions aux lois, règlements et instructions,
ainsi que des actes de désobéissance, d'indiscipline ou d'insubordination,
sont punis suivant les circonstances et la gravité. Après examen du cas
par le directeur de l'établissement, ou de l'agent désigné par lui, ce
dernier peut prononcer une punition parmi un éventail strictement réglementé,
notamment : a) le placement en cellule de punition pendant trente jours
au maximum; b) le placement en régime cellulaire strict pour une durée
maximale de six mois, respectivement de douze mois en cas de récidive.
Ce placement consiste dans le maintien du détenu, de jour et de nuit,
dans une cellule qu'il doit occuper seul. Ladite sanction ne peut être
infligée qu'après examen du médecin, certifiant par écrit que le détenu
est en état de supporter cette sanction. Ce placement entraîne la privation
de radio, de cantine, des loisirs, des activités en commun, ainsi que
la privation de correspondance avec l'extérieur, la privation de visite (sous
réserve de ses droits de faire une requête ou une plainte), de la correspondance
avec son conseil, respectivement des agents diplomatiques de son ambassade
si le détenu est de nationalité étrangère.
38. Régime cellulaire strict. Peuvent être soumis à ce régime cellulaire
strict sur décision du Procureur général d'État : a) les détenus réputés
dangereux, après avoir été entendus; b) les détenus faisant l'objet d'une
mesure disciplinaire, après qu'ils ont été avertis par écrit des motifs
dudit placement ou renouvellement. Avant l'exécution de cette mesure,
et au moins deux fois par semaine durant l'exécution, la personne doit
être obligatoirement examinée par le médecin. Les modalités de ce régime
sont fixées par instruction du Procureur général d'État. En application
de ce régime, les détenus sont séparés les uns des autres, le jour et
la nuit, et n'ont de relations qu'avec le personnel de l'établissement
et des visiteurs dûment autorisés. Le nouveau règlement grand-ducal de
1995 prévoit que le détenu placé en régime cellulaire strict, soit à
titre disciplinaire, soit en tant que détenu réputé dangereux, puisse
former un recours devant la commission pénitentiaire. La commission,
dont fait partie le délégué
du Procureur général d'État ayant pris la décision attaquée, peut faire
procéder à toutes mesures d'investigations utiles et doit statuer dans
un délai de 15 jours à compter du jour où le recours a été formé. La
décision de rejet doit être motivée.
39. Punitions prononcées à l'encontre du mineur. En application de l'article 38 de la loi sur la protection de la jeunesse du 10 août 1992, la punition prononcée à l'encontre du mineur placé soit au centre pénitentiaire de Luxembourg soit dans un des centres d'éducation, doit être immédiatement portée à la connaissance du magistrat instructeur, respectivement du juge de la jeunesse disposant de la faculté de les modifier ou d'ordonner que le mineur bénéficie d'un sursis d'exécution. Dans un souci de protection optimale du mineur, seul le Procureur général d'État peut prononcer des punitions à l'encontre du mineur placé au centre pénitentiaire de Luxembourg.
D. Système des peines judiciaires
40. Le régime des peines a été considérablement remanié par la loi du 13
juin 1994, faisant partie intégrante du Code pénal. La division tripartite
en crime, délit et contravention, reste définie par le taux de la peine
prévue.
41. Les peines criminelles sont :
a) Réclusion à vie ou à temps prononcée pour un terme de 5 - 10 ans,
de 10 - 15 ans,
de 15 - 20 ans,
de 20 - 30 ans;
b) L'amende étant d'au moins 10 001 FLux;
c) La confiscation spéciale (obligatoire en cas de condamnation à la réclusion);
d) La destitution des titres, grades, fonctions, emplois et offices publics
(obligatoire en cas de condamnation à la réclusion);
e) L'interdiction de certains droits civils et politiques;
f) La fermeture d'entreprises et d'établissements;
g) La publication ou l'affichage, aux frais du condamné, de la décision
ou d'un extrait de la décision de condamnation;
h) L'interdiction d'exercer certaines activités professionnelles.
42. Les peines correctionnelles, sans préjudice d'autres peines prévues
par les lois spéciales, sont :
a) L'emprisonnement (8 jours - 5 ans), sauf au cas où la loi détermine
d'autres limites;
b) L'amende s'élevant à 10 001 FLux au moins;
c) La confiscation spéciale;
d) L'interdiction de certains droits civils et politiques;
e) La fermeture d'entreprises et d'établissements;
f) La publication ou l'affichage, aux frais du condamné, de la décision
ou d'un extrait de la décision de condamnation;
g) L'interdiction d'exercer certaines activités professionnelles;
h) L'interdiction de conduire certains véhicules;
i) Les peines de substitution prévues aux articles 21 et 22.
43. Les peines de police sont :
a) L'amende (1 000 FLux - 10 000 FLux), sauf les cas où la loi en dispose
autrement;
b) La confiscation spéciale;
c) L'interdiction de conduire certains véhicules.
44. En matière de contravention, l'emprisonnement a été abrogé par la loi
précitée.
45. Pour chaque délit est prévu une peine principale. Le juge ne peut se
dispenser de prononcer une peine principale, à savoir une peine privative
de liberté ou une amende.
46. La peine accessoire est un supplément, soit obligatoire, soit facultatif,
pour le juge. Constituent une peine accessoire en vertu du Code pénal
: la destitution de titres, l'interdiction de certains droits politiques
ou civils, la confiscation spéciale, ainsi que celles prévues par des
lois spéciales, à savoir : fermeture d'établissements, interdiction de
piloter, de chasser, de pêcher, destruction de constructions, interdiction
de séjour.
47. La loi du 13 juin 1994 introduit une troisième catégorie, à savoir
la peine de substitution. Si, de l'appréciation du tribunal, le délit
ne comporte pas une peine privative de liberté supérieure à six mois,
il peut prescrire, à titre de peine principale, que le condamné accomplira
un travail d'intérêt général non rémunéré.
E. Statut des juges
48. Le statut personnel des juges est déterminé par les règles constitutionnelles
concernant leur nomination, leur inamovibilité, la fixation de leurs
traitements et les incompatibilités relatives à leurs fonctions (art.
91, 92 et 93 de la Constitution).
49. Quel que soit le degré occupé par le juge dans la hiérarchie judiciaire,
tous les juges sont nommés par le Grand-Duc. Les juges de paix et les
juges des tribunaux sont directement nommés par le Grand-Duc, alors que
les conseillers de la Cour, les présidents et vice-présidents des tribunaux
d'arrondissement sont nommés sur avis de la Cour supérieure de justice.
50. Les juges sont inamovibles, c'est-à-dire, ils ne peuvent être suspendus
ou révoqués que par un jugement. Le déplacement d'un juge ne peut avoir
lieu que par une nomination nouvelle avec son consentement. En prévoyant
l'inamovibilité des juges de paix, la loi de révision constitutionnelle
du 20 avril 1989 comble une dernière lacune. En cas d'inconduite, sur
réquisition du Procureur général d'État, la suspension ou la révocation
du juge peut être décidée par la Cour supérieure de justice, en Chambre
du Conseil. Cette décision de la Cour aura force d'arrêt.
51. Le Procureur général d'État est nommé par le Grand-Duc sur proposition
du Ministre de la justice.
52. Les officiers du ministère public étant des agents du pouvoir exécutif
auprès des cours et tribunaux, les dispositions constitutionnelles destinées
à renforcer l'indépendance des juges ne leur sont pas applicables. En
tant qu'organe du Gouvernement, ils sont, en vertu du principe de la
séparation des pouvoirs, entièrement indépendants des juridictions auprès
desquelles ils exercent leur mission.
53. Afin d'assurer que la Cour constitutionnelle puisse prononcer ses arrêts
en toute indépendance, le constituant de 1996 a retenu que la Cour doit
se composer exclusivement de magistrats professionnels, indépendants
et inamovibles.
F. Procédure de la garde à vue (art. 39 du Code
d'instruction criminelle)
54. En cas de crime ou délit flagrant pour lequel la loi prévoit une peine
d'emprisonnement, l'officier de police judiciaire peut, s'il existe des
indices graves et concordants de nature à motiver une inculpation et
avec l'autorisation du Procureur d'État, retenir la personne pendant
un délai n'excédant pas 24 heures. Ce délai court à partir du moment
où la personne est retenue en fait par la force publique. Par le projet
de loi en la matière, le Gouvernement propose de renforcer largement
les droits de la personne retenue, afin d'éviter par ce biais tout abus
d'autorité.
55. Par ailleurs, en vertu de la loi du 18 décembre 1855 modifiée par la
loi du 26 juillet 1986, tout étranger non domicilié au Grand-Duché prévenu
d'y avoir commis un délit ou une contravention passible d'amende, peut
être provisoirement arrêté et détenu. La détention a lieu dans la maison
d'arrêt, en vertu d'un mandat de dépôt décerné par le juge d'instruction.
S'il y a contravention de simple police, elle peut avoir lieu dans la
maison de passage établie au chef-lieu du canton, et en vertu d'une ordonnance
du juge de paix.
56. L'arrestation ou la détention provisoire n'a pas lieu :
a) Si l'étranger justifie qu'il possède sur le territoire grand-ducal un
établissement de commerce ou des immeubles d'une valeur suffisante;
b) S'il consigne une somme à arbitrer par les agents verbalisants ou, si
le contrevenant le demande, soit par le bourgmestre, soit par le juge
de paix ou par le juge d'instruction, pour couvrir le montant des amendes,
confiscations et frais;
c) S'il fournit pour caution une personne domiciliée dans le Grand-Duché
et reconnue solvable.
57. Elle cesse :
a) En cas de délit : si aucune citation devant le tribunal afin d'être
jugé n'a eu lieu dans les dix jours, sauf maintien et confirmation du
mandat par la Chambre du Conseil sur le rapport du juge d'instruction;
b) En cas de contravention de simple police : si la citation n'est pas
donnée dans les trois jours et le jugement rendu dans la huitaine. Le
juge d'instruction, respectivement le juge de paix, lève le mandat ou
l'ordonnance dans le cours de l'instruction.
G. Procédure de la détention préventive (art. 94 du Code
d'instruction criminelle)
58. Aux termes dudit code, la procédure est différente selon que l'inculpé
réside ou non au Grand-Duché.
59. Après l'interrogatoire de l'inculpé résidant au Luxembourg, le juge
d'instruction pourra décerner un mandat de dépôt :
a) S'il y a des indices graves de culpabilité;
b) Si le fait emporte une peine criminelle ou une peine correctionnelle
dont le maximum est égal ou supérieur à deux ans d'emprisonnement et
c) S'il y a danger de fuite de l'inculpé, (qui est légalement présumé lorsque
le fait est puni d'une peine criminelle), ou s'il y a danger d'obscurcissement
des preuves, ou s'il y a lieu de craindre que l'inculpé n'abuse de sa
liberté pour commettre de nouvelles infractions.
60. Après l'interrogatoire de l'inculpé ne résidant pas au Luxembourg,
le mandat de dépôt peut être décerné s'il existe des indices graves de
culpabilité et si le fait emporte une peine criminelle ou une peine d'emprisonnement
correctionnelle.
61. Les mandats doivent être spécialement motivés d'après les éléments
de l'espèce.
H. Organes chargés de la sécurité de l'État
62. En sa qualité d'organe du pouvoir exécutif, le Grand-Duc veille sur
le maintien de l'ordre et à la sauvegarde de la sécurité intérieure et
extérieure du pays. En vue de l'exécution matérielle de ce droit, l'article
37 de la Constitution lui confère le commandement suprême de la force
publique. La force publique luxembourgeoise comprend l'armée proprement
dite, la gendarmerie et la police. Il reste à indiquer qu'il existe un
projet de loi portant fusion des deux derniers corps, qui est actuellement
soumis à l'examen du Parlement.
I. Population des établissements pénitentiaires
63. Pour que les membres puissent se faire une idée concrète de la population
des établissements pénitentiaires, et de son évolution, sont jointes
en annexe les statistiques établies les dernières années en la matière.
J. State Security Court
64. Le Grand-Duché dispose de trois juridictions militaires, à savoir,
le Conseil de guerre, la Cour d'appel militaire, et la Haute Cour militaire.
65. Alors que les conseils de guerre connaissent des infractions au Code
pénal militaire et la Cour d'appel militaire des appels des jugements
des conseils de guerre, la Haute Cour militaire est seule compétente
pour connaître des crimes et délits contre la sûreté extérieure de l'État
(art. 113 à 123 du Code pénal), des infractions aux Conventions de Genève
du 12 août 1949 pour la protection des victimes de guerre, approuvées
par la loi du 23 mai 1953, des infractions de trahison et de sabotage
prévues au Code pénal militaire, et en temps de guerre, des crimes et
délits contre la sûreté de l'État prévus au Code pénal; et ce quelle
que soit la qualité des auteurs, coauteurs ou complices.
66. Contre les décisions contradictoires de la Haute Cour militaire, aucun
appel ne peut être interjeté. Toutefois ces décisions sont susceptibles
de recours en cassation. Le pourvoi sera porté devant une chambre des
requêtes instituée à cet effet et composée de trois conseillers qui statuera
sur la recevabilité et l'admissibilité du pourvoi sur le vu des mémoires
des parties. L'arrêt sera rendu en audience publique. En cas de rejet,
aucun moyen de recours n'est plus ouvert au demandeur. En cas d'admission
du recours par la chambre des requêtes, l'affaire sera portée devant
la Cour de cassation pour y être statuée.
K. Habeas corpus
67. Le Luxembourg ne connaît pas d'équivalent au habeas corpus. Toutes
les arrestations et détentions se font conformément au Code d'instruction
criminelle.
L. État d'exception
68. En sa qualité d'organe du pouvoir exécutif, le Grand-Duc veille sur
le maintien et la sauvegarde de la sécurité intérieure et extérieure
du pays. Pour assurer ce devoir, l'article 37 de la Constitution lui
confère le commandement de la force publique. Par conséquent, soutenue
dans certains cas par la gendarmerie, l'armée est responsable de la sécurité
extérieure du pays en temps de guerre, et de la sécurité intérieure en
temps d'émeutes, d'attroupements hostiles, d'atteintes ou de menaces
graves à l'ordre public.
69. Les militaires sont justiciables devant les juridictions militaires
des infractions commises à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions.
III. RENSEIGNEMENTS SUPPLÉMENTAIRES RELATIFS AUX ARTICLES
DE LA CONVENTION
A. Article 1
Définition des actes de torture
70. Seuls étaient punis au Luxembourg les actes de torture commis par des
particuliers à l'encontre de personnes détenues (art. 438 du Code pénal).
Cette disposition ne permettait toutefois pas de punir avec suffisamment
de sévérité les détenteurs d'une autorité publique ayant commis intentionnellement
dans l'exercice de leurs fonctions des actes de torture.
71. Même si à l'heure actuelle de tels comportements ne sont heureusement
pas connus au Luxembourg, cette lacune est dorénavant comblée dans notre
arsenal juridique. Il faut relever que sont visées non seulement les
tortures physiques traditionnelles, mais aussi les tortures psychiques,
plus subtiles et qui semblent plutôt correspondre aux temps modernes.
72. Le Comité est renvoyé à ce sujet aux articles 260-1 à 260-4 nouveaux
du Code pénal.
Conclusion de traités internationaux
73. Par l'intermédiaire de ses agents diplomatiques ou des représentants
spécialement mandatés, le Grand-Duc fait négocier et signer les traités.
Le Parlement, appelé la Chambre des députés, n'intervenant pas, la signature
des traités n'engage pas juridiquement l'État.
74. L'approbation de la Chambre des députés résulte d'un vote à la majorité
simple. La ratification du Grand-Duc se concrétise dans une formule d'approbation
apposée sur un exemplaire du traité qui sert d'instrument diplomatique.
Suit l'échange des instruments de ratification, consistant dans la remise
à chaque État signataire d'un instrument dûment revêtu de la ratification
des autres États signataires et le dépôt des instruments auprès de l'État
désigné.
75. Bien qu'engagé juridiquement au point de vue international, il faut
que le traité soit promulgué et publié pour être obligatoire au point
de vue interne. La promulgation et la publication se font sous la forme
d'une loi portant approbation du traité.
76. L'exécution interne des traités étant assimilée à l'exécution des lois
en vertu de l'article 34 de la Constitution, le traité et les dispositions
modificatives du droit interne doivent être publiés au Journal officiel
de l'État, appelé Mémorial.
Primauté des traités internationaux
77. La prééminence des traités internationaux est garantie par deux moyens
:
a) La règle d'interprétation : il faut toujours présumer que le législateur
a entendu respecter les engagements internationaux existants. Par conséquent
le droit national est toujours interprété de manière à le mettre en harmonie
avec les obligations contractuelles.
b) La règle de la hiérarchie : le traité prévaut sur la loi nationale, même postérieure, parce que le traité a une origine plus élevée que la volonté d'un organe interne.
Contradictions entre dispositions nationales et une convention internationale
78. La solution à un tel conflit n'est pas la même si la disposition nationale
est un acte administratif ou une loi. En vertu de l'article 95 de la
Constitution, un acte réglementaire contraire à un traité ne peut être
appliqué par les tribunaux. Si la disposition nationale est une loi,
il est important de savoir si la loi est antérieure ou postérieure au
traité. Chaque traité postérieur déroge à la loi antérieure. Quand la
loi postérieure au traité est incompatible avec le traité, le traité
international prévaut sur la loi nationale même postérieure. S'agissant
de deux lois à valeur inégale, en tant que loi d'essence supérieure,
le traité prime la volonté d'un organe interne.
79. En ce qui concerne le droit communautaire, le Conseil d'État a repris
le principe de prééminence du traité et rajouté celui de la nature propre
du droit communautaire.
Contrôle de la constitutionnalité des lois
80. Par une révision constitutionnelle du 12 juillet 1996 (art. 95 ter
de la Constitution) a été instituée une Cour constitutionnelle chargée
de contrôler la constitutionnalité des lois votées par le Parlement.
La Cour constitutionnelle fait partie du pouvoir judiciaire, tout comme
les tribunaux de l'ordre judiciaire et les nouvelles juridictions
administratives.
81. Conformément à la Constitution et dans la mesure où la Cour constitutionnelle
est une juridiction indépendante se situant au sommet de la hiérarchie
des juridictions, le Grand-Duc, en sa qualité de chef de l'État, doit
nommer les membres de la Cour.
82. Selon la Constitution, la Cour constitutionnelle luxembourgeoise a
pour seule mission de contrôler la constitutionnalité des lois. Les traités,
ainsi que les lois qui en portent approbation, sont expressément exclus.
83. Le Conseil d'État en avisant tous les projets de loi exerce un contrôle
a priori de nature politique sur la constitutionnalité des lois.
84. Lorsqu'une partie soulève une question relative à la conformité d'une
loi à la Constitution devant une juridiction, celle-ci est tenue de saisir
la Cour constitutionnelle. Il est prévu que les juridictions sont dispensées
de saisir la Cour constitutionnelle dans trois hypothèses, à savoir quand
une décision sur la question de constitutionnalité n'est pas nécessaire
à la juridiction pour rendre son jugement, quand la question de constitutionnalité
est dénuée de tout fondement et, enfin, quand la Cour a déjà statué sur
une question ayant le même objet.
85. Si la Cour constitutionnelle décide que la disposition à elle renvoyée
est conforme à la Constitution, aucun problème ne se pose ni pour le
juge de renvoi, ni pour le législateur. Par contre, si la Cour constitutionnelle
juge que la loi est contraire à la Constitution, il appartiendra au pouvoir
législatif d'analyser l'arrêt de la Cour en vue de la modification de
la loi pour la rendre conforme à la Constitution, ou de la modification
de la Constitution si les conditions requises à cet effet se trouvent
réunies.
86. Afin d'assurer que la Cour Constitutionnelle puisse prononcer ses arrêts
en toute indépendance, le Constituant de 1996 a retenu que la Cour doit
se composer exclusivement de magistrats professionnels, indépendants
et inamovibles.
B. Article 2
87. En l'absence de dispositions législatives luxembourgeoises en la matière,
cette compétence spéciale pour les juridictions de notre pays permettant
de couvrir l'hypothèse dans laquelle la victime est un Luxembourgeois
ou un résident du Grand-Duché a été créée, afin d'assurer de la manière
la plus large possible la répression de la torture au cas où, par exemple,
l'État où l'infraction a été commise, n'incrimine pas ce genre d'infractions.
88. Comme il s'agit d'une compétence exorbitante, il n'a pas semblé utile
de l'étendre à d'autres infractions et d'en faire un principe général,
d'autant plus qu'il est toujours difficile d'obtenir les moyens de preuve
adéquats d'une infraction commise à l'étranger.
89. Par ailleurs il a fallu instaurer une compétence universelle active
afin d'éviter qu'un malfaiteur ne puisse, du fait de la non-extradition,
rester impuni.
C. Article 3
Procédure d'extradition
90. En matière d'extradition, il faut nuancer entre deux cas de figure,
à savoir l'extradition entre États liés par une convention bilatérale
ou multilatérale et l'extradition entre États non liés par une convention.
Dans cette dernière hypothèse, la loi modifiée du 13 mars 1870 relative
à l'extradition des malfaiteurs étrangers permet au Gouvernement de livrer
aux Gouvernements des pays étrangers, à charge de réciprocité, tout étranger
mis en prévention ou en accusation, ou condamné par les tribunaux desdits
pays pour l'un des faits énumérés par la loi.
91. Suite aux craintes exprimées par les membres du Comité, la liste des
infractions contenue dans la loi du 13 mars 1870 au sujet desquelles
le juge peut ordonner l'extradition d'un malfaiteur étranger situé au
Grand-Duché en faveur des autorités étrangères requérantes est complétée
dans le projet de loi précité.
92. L'extradition n'est accordée que sur production, soit du jugement ou
de l'arrêt de condamnation, soit de l'ordonnance de la Chambre du Conseil,
de l'arrêt de la Chambre du Conseil de la Cour d'appel ou de l'acte de
procédure criminelle émanant du juge compétent et après avoir pris l'avis
de la Chambre du Conseil de la Cour supérieure de justice. Le ministère
public et l'étranger, pouvant se faire assister d'un conseil, sont entendus
à l'audience publique.
93. Dans la quinzaine à dater de la réception des pièces, elles sont renvoyées avec l'avis motivé au Ministre de la justice qui statue sur la demande d'extradition conformément à une décision prise par le Gouvernement en conseil.
94. L'extradition par voie de transit au Grand-Duché peut être accordée
sans avoir pris l'avis de la Chambre du Conseil de la Cour d'appel, lorsqu'elle
aura été requise par un État étranger au profit d'un État étranger, tous
liés au Luxembourg par un traité comprenant l'infraction qui donne lieu
à la demande d'extradition. L'extradition ne peut avoir lieu si, depuis
le fait imputé, les poursuites ou la condamnation, la prescription de
l'action ou la peine est acquise d'après les lois luxembourgeoises. Par
la modification législative précitée, l'extradition ne peut avoir lieu
s'il y a des motifs sérieux de croire que la personne à extrader risque
d'être soumise à des actes de torture et d'autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants.
Expulsion
95. Conformément à la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l'entrée
et le séjour des étrangers, 2) le contrôle médical des étrangers, 3)
l'emploi de la main-d'oeuvre étrangère et à son article 12, peuvent être
éloignés du territoire par la force publique, sans autre forme de procédure
que la simple constatation du fait par un procès-verbal adressé au Ministère
de la justice, les étrangers non autorisés à résidence :
a) Qui se sont trouvés en état de vagabondage ou de mendicité ou en contravention
à la loi sur le colportage;
b) Qui ne disposent pas des moyens personnels suffisants pour supporter
les frais de voyage et de séjour;
c) Auxquels l'entrée dans le pays a été refusée en conformité de l'article
2 de la présente loi;
d) Qui ne sont pas en possession des papiers de légitimation prescrits
et de visa si tel est requis;
e) Qui, dans les hypothèses prévues à l'article 2, paragraphe 2 de la Convention
d'application de l'Accord de Schengen, sont trouvés en contravention
à la loi modifiée du 15 mars 1983 sur les armes et munitions ou sont
susceptibles de compromettre la sécurité, la tranquillité ou l'ordre
publics.
96. Peuvent être expulsés du Grand-Duché tant que leur extradition n'est
pas demandée : a) les étrangers auxquels a été refusée ou retirée la
carte d'identité étrangère, b) ceux qui continuent à séjourner dans le
pays après qu'ils auront été dûment avertis que l'entrée et le séjour
ou l'établissement dans le Grand-Duché leur ont été refusés ou après
qu'une décision de refus de renouvellement ou de retrait de la carte
d'identité leur a été notifiée, c) ceux qui après avoir été renvoyés
ou reconduits à la frontière, soit en vertu de l'article 12 de la loi,
soit en vertu de l'article 346 ou de l'article 563, 6° du Code pénal,
réapparaissent dans le pays endéans de deux années. Les décisions d'expulsion
sont prises par le Ministre de la justice et notifiées par voie administrative.
97. Lorsque l'exécution d'une mesure d'expulsion ou de refoulement est
impossible en raison de circonstances de fait, l'étranger peut, sur décision
du Ministre de la justice, être placé dans un établissement approprié
à cet effet, pour une durée d'un mois renouvelable à deux reprises. Lorsque
le Ministre de la justice ne peut être utilement saisi, l'étranger peut
être retenu avec l'autorisation du Procureur d'État pour un délai n'excédant
pas 48 heures et qui court à partir du moment de la prédite autorisation.
Cette rétention, faisant l'objet d'un procès-verbal dressé par l'officier
de police judiciaire, doit préciser les circonstances, le jour et l'heure
de l'autorisation du Procureur d'État, la déclaration de la personne
retenue qu'elle a été informée de ses droits, ainsi que le jour et l'heure
à partir desquels elle a été libérée ou auxquels elle a reçu notification
de la décision de placement du Ministre de la justice. Le procès-verbal
est transmis au Procureur d'État, avec copie au Ministre de la justice
et à l'étranger retenu. Pour la défense de ses intérêts, l'étranger retenu
a le droit de se faire assister à titre gratuit d'un interprète.
98. L'étranger est immédiatement informé de son droit de prévenir sa famille
ou toute personne de son choix. Un téléphone est mis à sa disposition
à cet effet.
99. L'étranger est immédiatement informé de son droit de se faire examiner
par un médecin et de choisir un avocat ou de se faire désigner un avocat
par le bâtonnier de l'ordre des avocats de Luxembourg.
100. Une prise d'empreintes digitales ou de photographies ne peut être
effectuée que si elle est impérativement nécessaire à l'établissement
de l'identité de l'étranger retenu.
101. La notification des décisions de placement fait l'objet d'un procès-verbal
dressé par l'officier de police judiciaire qui y a procédé. Ce procès-verbal
mentionne notamment : - la date de la notification de la décision; -
la déclaration de la personne concernée qu'elle a été informée de ses
droits ainsi que toutes autres déclarations qu'elle désire faire acte;
- la langue dans laquelle l'étranger retenu fait ses déclarations. Le procès-verbal est présenté à la signature de l'intéressé. S'il refuse de le signer, mention est faite du refus et des motifs de celui-ci.
102. Contre les décisions de placement, un recours est ouvert devant le
Tribunal administratif.
103. L'étranger ne peut être expulsé, ni éloigné à destination d'un pays
s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont gravement menacées ou qu'il
y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
ou à des traitements au sens des articles premier et 3 de la Convention
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants.
D. Article 9
Entraide judiciaire (absence de convention internationale)
104. Dans les relations avec les pays non signataires d'une convention
internationale, les commissions rogatoires internationales sont régies
par l'article 59 de la loi modifiée du 7 mars 1980 sur l'organisation
judiciaire :
"
Sauf les dispositions résultant des traités internationaux, les juges ne
peuvent obtempérer aux commissions rogatoires émanant des juges étrangers
qu'autant qu'ils y sont autorisés par le Ministre de la justice et, dans
ce cas, ils sont tenus d'y donner suite."
105. Le projet de loi sur l'entraide judiciaire déposé au Parlement vise
principalement à mettre en place un système de contrôle et de recours propre
à l'exécution des demandes d'entraide judiciaire en matière pénale, s'inspirant
pour partie des recours applicables à l'instruction préparatoire interne.
Les dispositions relatives aux recours visent à simplifier et à accélérer
les procédures, tout en écartant les abus et manoeuvres dilatoires.
Commission rogatoire
106. Le système luxembourgeois actuellement applicable à l'exécution des
commissions rogatoires internationales ainsi qu'aux recours judiciaires
applicables dans la matière peut être décrit comme suit. Si l'État requérant
est lié au Grand-Duché de Luxembourg par un accord international, les
textes de base qui sont applicables à l'exécution proprement dite des
commissions rogatoires envoyées au Grand-Duché de Luxembourg sont les
articles 3.1 de la Convention européenne d'entraide, respectivement 44
du Traité Benelux :
a) Conformément à l'article 3.1 de la Convention européenne d'entraide, "la
partie requise fera exécuter, dans les formes prévues par sa législation,
les commissions rogatoires relatives à une affaire pénale qui lui seront
adressées par les autorités judiciaires de la partie requérante et qui
ont pour objet d'accomplir des actes d'instruction ou de communiquer des
pièces à conviction, des dossiers ou des documents";
b) L'article 44 du Traité Benelux disposant que "sauf
disposition contraire du présent Traité, la loi de la partie requise est
seule applicable ... à l'exécution des demandes d'entraide judiciaire".
Une jurisprudence constante admet, en se basant sur les textes susmentionnés,
que, sauf disposition conventionnelle contraire, les règles légales luxembourgeoises
s'appliquent en principe à l'exécution des demandes d'entraide, ainsi
qu'aux recours susceptibles d'être interjetés contre les actes d'exécution
desdites demandes d'entraide. Il s'ensuit que les commissions rogatoires
internationales sont exécutées par les autorités judiciaires luxembourgeoises,
à savoir notamment le juge d'instruction, en conformité avec les dispositions
procédurales applicables en droit luxembourgeois, principalement contenues
dans le Code d'instruction criminelle. Il en est de même des voies de
recours admissibles dans la matière qui, en l'absence d'un texte spécifique
les réglementant, sont empruntées aux articles 126 (nullité) et 68 (restitution)
du Code d'instruction criminelle.
107. Si l'État requérant n'est pas lié au Grand-Duché de Luxembourg par
un accord international, les voies de recours applicables aux commissions
rogatoires émanant d'un État non lié au Grand-Duché de Luxembourg par
un accord international sont les suivantes :
a) Recours en nullité, basé sur l'article 126 du Code d'instruction criminelle;
b) Demande en restitution d'objets saisis, basée sur l'article 68 du Code
d'instruction criminelle.
Une jurisprudence constante soumet le recours en nullité et la demande
en restitution aux mêmes conditions restrictives que celles développées
ci-dessus, dans le cas où la demande émane d'un État lié au Grand-Duché
de Luxembourg par un accord international.
E. Article 10
Formation au sein de l'administration publique
108. Depuis sa création en 1984, l'Institut de formation administrative
organise tant au niveau de la carrière supérieure qu'au niveau de la
carrière moyenne des cours intitulés "Protection
du citoyen" présentant, entre autres, la Convention européenne de sauvegarde des droits
de l'homme et des libertés fondamentales et la Convention contre la torture
et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Formation au sein de l'administration pénitentiaire
109. Dans le cadre de la formation continue, sont organisés pour les gardiens
des établissements pénitentiaires des cours couvrant aussi la matière
de la torture.
Formation au sein de la force publique
110. Avant leur entrée en service (le cours "Droits
de l'homme") et pendant leur formation continue (cours spécifique à la torture), les agents
de la force publique reçoivent une formation assurant des connaissances
de base en la matière.
F. Articles 12 et 13
Discipline dans les établissements pénitentiaires
111. La sécurité intérieure des maisons de détention incombe au personnel
de garde de l'établissement. Toutefois, lorsque la gravité ou l'ampleur
d'un incident survenu ou redouté à l'intérieur d'un établissement ne
permet pas d'assurer le rétablissement ou d'envisager le maintien de
l'ordre et de la sécurité par les seuls moyens du personnel de garde,
le directeur ou son remplaçant doit faire appel au chef de la brigade
de gendarmerie et rendre compte sur-le-champ de cette demande d'intervention
au Procureur général d'État. Les mêmes dispositions doivent être prises
dans le cas d'une attaque ou d'une menace provenant de l'extérieur.
112. L'administration pénitentiaire pourvoit l'armement du personnel de
garde dans les conditions et suivant les modalités qu'elle estime appropriées.
À l'intérieur des bâtiments le personnel de garde n'est porteur d'aucune
arme, à moins d'y être autorisé par le directeur dans des circonstances
justifiant cette mesure et pour une mission strictement définie. Le personnel
de garde assurant la surveillance à l'extérieur des bâtiments peut être
armé dans les conditions fixées par instruction de service. En toute
hypothèse, il ne peut être fait usage des armes à feu que dans les cas
de légitime défense.
113. En vertu du règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 concernant
l'administration et le régime interne des établissements pénitentiaires,
le directeur assure, sous l'autorité du Procureur général d'État, la
direction et l'administration de l'établissement à la tête duquel il
est placé. Il doit veiller à une stricte application des instructions
relatives au maintien de l'ordre et de la sécurité dans l'établissement
qu'il dirige.
114. Les infractions aux lois, règlements et instructions, ainsi que les
actes de désobéissance, les actes d'indiscipline et d'insubordination
sont punis suivant les circonstances et la gravité du cas. Aucun détenu
ne peut être puni sans être informé de l'infraction ou de la faute qu'on
lui reproche et sans qu'il ait eu l'occasion de présenter sa défense.
Le directeur, ou l'agent désigné par lui, doit procéder à un examen complet
du cas.
Discipline dans la force publique
115. En vertu de la loi du 16 avril 1979 relative à la discipline dans
la force publique, tout supérieur militaire est tenu de donner l'exemple
par la façon de se comporter et d'accomplir ses devoirs. Il est responsable
de la surveillance du service et de la discipline de ses subordonnés.
116. La subordination consiste dans la dépendance du subordonné à l'égard
du supérieur, auquel il doit respect et obéissance. Exceptionnellement,
à défaut de supérieur responsable, un militaire peut s'approprier le
droit de donner un ordre à des militaires s'ils ne lui sont pas supérieurs
en grade, notamment pour maintenir la discipline ou la sécurité.
117. Le pouvoir disciplinaire est lié à la fonction et ne peut être délégué
qu'avec celle-ci.
118. L'instruction disciplinaire appartient au chef hiérarchique compétent
du militaire et au conseil de discipline. Le conseil peut, soit d'office,
soit à la demande de l'inculpé, ordonner toutes mesures d'instruction
complémentaires susceptibles d'éclairer les faits. Les audiences du conseil
ne sont pas publiques.
119. Les peines militaires sont prononcées par les juridictions militaires
dans une décision motivée, après que le militaire inculpé a été entendu.
Ces décisions sont susceptibles d'appel.
G. Article 15
120. La vérité, objectif du procès pénal, ne peut être recherchée par n'importe
quel moyen. Il est de principe que les juges ne peuvent retenir des éléments
de preuve obtenus par des moyens délictueux ou déloyaux. (Cour, 26 juin
1972, Pasicrisie, 22, 216)
H. Article 16
Établissements pénitentiaires
121. L'organisation des établissements pénitentiaires est régie par la
loi du 27 juillet 1997.
122. Deux établissements sont destinés à l'exécution des peines privatives
de liberté prononcées par les juridictions répressives et à l'exécution
des mesures de détention ordonnées ou opérées en vertu de la loi. Dans
le centre pénitentiaire de Luxembourg :
a) Entre les personnes de la section "hommes" et
de la section "femmes" existent uniquement des rapports de service rigoureusement nécessaires;
b) En application de la loi du 10 août 1992 relative à la protection de
la jeunesse, les mineurs placés dans le centre pénitentiaire sont soumis
au régime cellulaire;
c) Les mineurs sont physiquement séparés des majeurs et suivent une formation
scolaire à l'intérieur du centre. Le centre pénitentiaire de Luxembourg
est la seule enceinte fermée disponible pour accueillir des mineurs délinquants;
d) Il est envisagé de construire un nouveau centre fermé, réservé aux seuls
mineurs, à l'extérieur du centre pénitentiaire, c'est-à-dire à Dreiborn.
Le centre pénitentiaire de Givenich est un centre ouvert qui offre un régime
de semi-liberté aux détenus.
Traitement des détenus
123. Le traitement des détenus est fixé par le règlement grand-ducal du
24 mars 1989 tel que modifié. Sont réglementés l'entrée et la sortie
des détenus, les transfèrements, l'extraction, la discipline interne,
les punitions et récompenses, ainsi que les demandes et recours des détenus,
les contacts avec l'extérieur (correspondance et visites), l'entretien
(nourriture, traitement médical), le travail et le pécule, ainsi que
la possibilité de recevoir une formation générale ou professionnelle.
Annexes / Les annexes pourront être consultées dans les archives du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme quand elles seront reçues du Gouvernement luxembourgeois. /
LISTE DE DOCUMENTS AUXQUELS IL EST FAIT RÉFÉRENCE
1. Constitution du 17 octobre 1868 telle que révisée
2. Extraits du Code pénal
3. Extraits du Code d'instruction criminelle
4. Loi du 13 mars 1870 sur l'extradition des malfaiteurs étrangers, telle
que modifiée
5. Extraits de la loi du 28 mars 1972 concernant :
1) l'entrée et le séjour des étrangers,
2) le contrôle médical des étrangers,
3) l'emploi de la main-d'oeuvre étrangère.
6. Loi du 16 avril 1979 ayant pour objet la discipline dans la force publique
7. Loi du 31 décembre 1982 concernant la refonte du Code de procédure militaire
8. Loi du 26 juillet 1986 relative à certains modes d'exécution des peines
privatives de liberté
9. Règlements grand-ducaux du 24 mars 1989 et du 18 mars 1995 concernant
l'administration et le régime interne des établissements pénitentiaires
10. Loi du 10 août 1992 relative à la protection de la jeunesse
11. Loi du 13 juin 1994 relative au régime des peines
12. Loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre
administratif
13. Loi du 27 juillet 1997 portant réorganisation de l'administration pénitentiaire
14. Loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle
15. Projet de loi sur l'entraide judiciaire internationale en matière pénale
16. Projet de loi portant modification :
a) De certaines dispositions de la loi modifiée du 19 février 1973
concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte
contre la toxicomanie;
b) De la loi du 17 mars 1992 portant :
1. Approbation de la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite
de stupéfiants et de substances psychotropes, faite à Vienne, le 20 décembre
1988;
2. Modifiant et complétant la loi du 19 février 1973 concernant la vente
de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie;
3. Modifiant et complétant certaines dispositions du Code d'instruction
criminelle;
c) De la loi du 3 mai 1991 sur les opérations d'initiés;
d) De la loi du 26 juillet 1986 relative à certains modes d'exécution des
peines privatives de liberté.
17. Projet de loi portant :
1. Adaptation du droit interne aux dispositions de la Convention des Nations
Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants, approuvée par la loi du 31 juillet 1987;
2. Transposition de certaines recommandations formulées par le Comité européen
pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains
ou dégradants (CPT), portant modification de certaines dispositions du
Code pénal et du Code d'instruction criminelle;
3. Modification de la loi modifiée du 13 mars 1870 sur l'extradition des
malfaiteurs étrangers.