Comité contre la Torture, Examen des rapports présents par les États parties en application de l'article 19 de la Convention, Jamahiriya arabe libyenne, U.N. Doc. CAT/C/44/Add.3 (1999).
Troisièmes rapports des États parties attendus en
1998
Additif
JAMAHIRIYA ARABE LIBYENNE
[Original : arabe]
[2 septembre 1998]
/ Le rapport initial du Gouvernement libyen a été reproduit sous les cotes CAT/C/9/Add.7
et Add.12/Rev.1; on trouvera le compte rendu des délibérations du Comité dans
CAT/C/SR/93, 130, 135, 135/Add.2 et dans les Documents officiels de l'Assemblée
générale, quarante-septième et quarante-huitième sessions, Supplément No 44
(A/47/44, par. 148 à 159; A/48/44, par. 181 à 207). Le deuxième rapport périodique
a été reproduit sous la cote CAT/C/25/Add.3; le compte rendu des délibérations
du Comité figure dans CAT/C/SR.201, 202 et 202/Add.2 et dans les Documents officiels
de l'Assemblée générale, cinquantième session, Supplément No 44 (A/50/44, par.
95 à 104).
TABLE DES MATIÈRES
Introduction
1 - 7
I.
GÉNÉRALITÉS 8 - 25
A.
Le cadre institutionnel libyen 8 - 17
B.
Le cadre juridique général pour l'application de la Convention contre la torture
18 - 25
II.
GARANTIES LÉGISLATIVES ET JUDICIAIRES ASSURANT L'APPLICATION DE LA CONVENTION
26 - 32
A.
Mesures législatives donnant effet aux dispositions de la Convention 26
- 30
B.
Garanties judiciaires 31 - 32
III.
ANALYSE DE LA LÉGISLATION LIBYENNE AU REGARD DES DISPOSITIONS DE LA CONVENTION
33 - 95
Article
1er 33
Article
2 34 - 36
Article
3 37 - 38
Article
4 39 - 41
Article
5 42 - 45
Article
6 46 - 47
Article
7 48
Article
8 49 - 52
Article
9 53
Article
10 54 - 64
Article
11 65 - 77
Article
12 78
Article
13 79 - 81
Article
14 82 - 86
Article
15 87 - 89
Article
16 90 - 95
Introduction
1. La Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste attache une importance
particulière aux droits et libertés fondamentaux. Elle a adopté des lois pour
garantir ces droits et libertés et les faire respecter, sans laisser de possibilité
de les éluder ou de les restreindre. Ces garanties de la loi sont encore renforcées
par des garanties judiciaires, une justice indépendante réprimant toute atteinte
aux droits et libertés et tout acte qui vise à dégrader physiquement ou moralement
la personne humaine et à l'atteindre dans sa dignité, et par conséquent consolidant
la liberté, permettant à ceux qui ont subi un préjudice d'obtenir réparation
devant les tribunaux, parant à l'injustice et à l'oppression et renforçant les
fondements de la justice et de la sécurité.
2. Si, malgré les garanties juridiques, judiciaires et administratives assurées
par la législation libyenne, il se produit une violation des droits ou libertés
fondamentaux, ce ne peut être que le fait d'un comportement individuel ou bureaucratique
allant à l'encontre des choix de notre société et des principes qui la guident.
Tout comportement de cette nature entraîne immédiatement des poursuites destinées
à empêcher qu'il ne se reproduise.
3. La principale garantie des droits et libertés fondamentaux a sans doute été
la proclamation, le 2 mars 1977, de l'autorité du peuple, investi de la souveraineté
et du pouvoir militaire et dépositaire de la richesse nationale, et par conséquent
libre de toute contrainte politique ou économique.
4. Le peuple exerce son autorité par la voie des congrès populaires, qui sont
seules habilités à édicter les lois régissant la vie quotidienne et à établir
les orientations de la politique étrangère et intérieure de l'État. Les congrès
populaires élisent aussi le Comité populaire général (les ministres du Gouvernement),
les différents comités populaires (ministères) et les comités populaires de
base qui appliquent les politiques ainsi définies et sont responsables devant
les congrès.
5. Le souci de protéger les droits de l'homme contre toute atteinte s'enracine
dans le fond arabe et islamique de la Jamahiriya. Pour l'islam, l'être humain
est le vicaire de Dieu sur terre. La liberté n'est pas un don qui lui est octroyé,
elle est inhérente à l'existence de tout individu, qui est un libre agent aussi
longtemps qu'il vit. Les principes et préceptes de l'islam glorifient la personne,
exaltent son humanité, l'affermissent dans sa dignité et la protègent dans son
existence comme aucune autre religion ne le fait. L'islam pourvoit au bien-être
de l'individu dans tout ce qui se rapporte à la religion, à l'âme, à l'esprit,
à la procréation et à la propriété, les cinq piliers qui fondent en substance
tous les instruments internationaux conçus pour protéger les droits et libertés
fondamentaux.
6. Les dispositions consacrées par ces instruments internationaux n'ont pas
seulement été intégrées dans la législation libyenne, elles sont aussi l'une
des grandes sources du droit interne, par exemple de la loi No 20/1991 relative
à la promotion de la liberté. La Jamahiriya reconnaît aussi la primauté des
traités et autres instruments internationaux auxquels elle est partie, qui l'emportent
sur sa législation propre.
7. La Jamahiriya a adhéré à 25 instruments internationaux concernant les droits
et libertés de la personne, car elle considère que les droits fondamentaux,
qu'ils soient civils, politiques, économiques, sociaux ou culturels, et y compris
le droit au développement, qui en fait intrinsèquement partie, sont tous interdépendants
et indissociables les uns des autres. Mais elle est extrêmement soucieuse de
parer à toute politisation de ces droits et libertés, qui ne doivent pas non
plus servir de moyen de pression ou de prétexte pour s'ingérer dans les affaires
intérieures des États. Il faut au contraire aborder le sujet par le dialogue,
dans un esprit de coopération entre nations, avec objectivité et sans parti-pris,
en tenant compte des particularismes culturels et religieux des États considérés,
la question des droits de l'être humain devant rester, précisément, dans le
domaine purement humanitaire.
I. GÉNÉRALITÉS
A. Le cadre institutionnel libyen
8. Les institutions politiques libyennes reposent sur le principe de la démocratie
populaire directe, les masses elles-mêmes assurant les fonctions politiques,
économiques et sociales, prenant les décisions et adoptant les lois qui régissent
les divers domaines de la vie publique et privée.
9. Cette démocratie populaire directe s'exerce d'une part par les congrès populaires
et d'autre part par les comités populaires qui en sont les deux piliers. Les
congrès populaires sont investis du pouvoir de décision, lequel est donc exercé
par le peuple, qui manifeste sa souveraineté dans les congrès de base. Ainsi,
par la voie de ces assemblées, l'ensemble des citoyens prend lui-même les décisions
qu'il juge appropriées.
10. L'exécutif est constitué des comités populaires, directement élus par le
peuple. Ces organes comprennent aussi bien les comités populaires de base que
le Comité populaire général (composé des ministres du Gouvernement), lequel
exécute les décisions prises par les citoyens dans les congrès populaires et
est responsable devant ces derniers. Le principe de l'autorité du peuple, qui
fonde les institutions de la Jamahiriya, est que les décisions sont prises par
les congrès populaires et exécutées par les comités populaires. L'autorité qui
s'exerce dans un régime fondé sur l'autorité du peuple est de fait celle des
citoyens, qui se gouvernent eux-mêmes, et cela sans qu'il y ait d'intermédiaire
entre la réalité politique que constitue l'autorité et la réalité sociale qu'incarnent
les masses. C'est le peuple seul qui prend les décisions concernant la politique
étrangère, la planification, l'économie, la justice, la sécurité publique, la
défense, etc., qui édicte les lois et qui élit un comité populaire pour exécuter
les décisions prises dans chacun de ces domaines.
1. Les organes législatifs
Rouages d'adoption des lois
11. Quand la Jamahiriya estime nécessaire de légiférer dans un domaine particulier,
les congrès établissent un avant-projet général de loi. Celui-ci est ensuite
transmis à un organe juridique du Secrétariat à la justice spécialisé dans la
légistique, qui le met techniquement en forme, puis le renvoie aux congrès populaires
de base, lesquels l'adoptent, ou le modifient, ou prennent une autre décision.
Le projet de loi est alors soumis au Congrès populaire général, qui, après avoir
étudié toutes les opinions concernant ces dispositions, promulgue la loi, laquelle
entre en vigueur à la date de sa publication au Journal officiel.
12. De leur côté, le Congrès populaire général ou un comité populaire général
peut soumettre aux congrès populaires un projet de loi portant sur un domaine
de sa compétence. Les congrès étudient cette proposition, et, s'ils ne la rejettent
pas, la renvoient éventuellement amendée avec des observations au comité général
dont elle émane afin que celui-ci la soumette de nouveau aux assemblées du peuple.
Si celles-ci adoptent le projet de loi, éventuellement après l'avoir amendé,
elles le transmettent alors au Congrès populaire général, instance regroupant
les congrès, les comités populaires, les syndicats et les associations professionnelles
et qui établit sous leur forme définitive tous les textes adoptés par les congrès,
en tenant compte des observations de ces derniers. La loi ainsi mise au point
est alors promulguée, prenant effet à la date de sa publication au Journal officiel.
Le législateur en Jamahiriya arabe libyenne est donc constitué par les seuls
congrès populaires.
2. Les organes exécutifs
13. L'exécutif est constitué par les comités populaires, élus par les citoyens
pour administrer les affaires du pays - justice, défense, affaires étrangères,
affaires pétrolières, etc. - et qui exécutent les décisions des congrès populaires
se rapportant à leur domaine de compétence et sont directement responsables
devant ces derniers. Il n'y a pas en Jamahiriya d'organe exécutif qui ne soit
soumis à l'autorité du peuple et étroitement contrôlé par celui-ci, conformément
au principe de base selon lequel ce sont les congrès populaires qui prennent
les décisions et les comités populaires qui les exécutent.
3. Les organes judiciaires
Tribunaux, ministère public
14. Il existe en Jamahiriya quatre sortes de juridictions : pénales, civiles,
administratives et les juridictions pour les affaires de statut personnel. Il
y a trois degrés de procédure : première instance, appel, pourvoi en révision
devant la Cour suprême. Celle-ci est la plus haute institution de l'ordre judiciaire
libyen et l'instance de recours contre les jugements en matière pénale, civile,
administrative ou de statut personnel rendus par les instances supérieures compétentes.
Ses jugements et décisions sur les points de principe lient toutes les autres
juridictions et l'administration libyennes.
Le Procureur général
15. Dans le système judiciaire libyen, le Procureur général intente l'action
publique, soit personnellement, soit par l'intermédiaire d'un magistrat du parquet
(art. 2 du Code de procédure pénale). La loi lui donne compétence exclusive
pour cela, à part certains cas où seuls la partie lésée ou le Secrétaire à la
justice (Ministre de la justice) sont habilités à le faire.
Indépendance de l'institution judiciaire
16. Conformément au principe de l'indépendance de la justice, la loi confère
l'immunité absolue aux organes judiciaires. Les juges libyens sont indépendants
et ne sont soumis à aucune autorité autre que la loi (Proclamation constitutionnelle,
loi organique No 55/1976 concernant la justice, loi No 20/1991 relative à la
promotion de la liberté, Grande Charte verte des droits de l'homme).
Sélection des organes judiciaires
17. Les juges sont choisis parmi les candidats titulaires d'un diplôme d'études
supérieures de droit, ou de droit séculier et coranique. Leur nomination est
publiée par le Conseil suprême de la magistrature, composé du Secrétaire à la
justice (Ministre de la justice), du Président de la Cour suprême, du Procureur
général, des présidents des juridictions d'appel, des chefs des organes judiciaires
et autres hauts magistrats. Le Conseil suprême de la magistrature décide seul
de tout ce qui concerne le corps judiciaire, notamment des nominations, de l'avancement,
des affectations, des détachements et des mesures disciplinaires en cas de faute
professionnelle. Ces organes de justice n'ont pas les mêmes grades de nomination
et d'avancement que les fonctionnaires des autres divisions de l'administration
et perçoivent une rémunération beaucoup plus élevée, du fait de leur indépendance
et de la nature de leurs fonctions.
B. Le cadre juridique général pour l'application de la Convention contre la
torture
18. Lorsque la Jamahiriya adhère à un traité international, après qu'il a été
ratifié par les congrès populaires de base, seuls organes de la nation ayant
compétence pour cela - ce fut le cas de la Convention contre la torture, ratifiée
par les congrès populaires et publiée au Journal officiel No 90/20 du 9 octobre
1989 - ce traité acquiert force obligatoire et prime sur le droit interne. En
cas d'incompatibilité avec celui-ci, le traité prévaut. Conformément à ce principe,
la Convention contre la torture, tout comme les autres traités internationaux
auxquels le pays a adhéré, doit impérativement être appliquée par les tribunaux
libyens.
19. Il n'y a pas d'incompatibilité entre les dispositions du droit libyen et
celles de la Convention. Mais même si une incompatibilité apparaissait, les
dispositions de la Convention l'emportent et doivent impérativement être appliquées,
de même qu'en cas de lacune de la législation interne. Parmi les instruments
internes qui contiennent des dispositions allant dans le même sens que la Convention,
et pour n'en mentionner que quelques-uns, on peut citer le Code pénal, le Code
de procédure pénale, la Grande Charte verte des droits de l'homme et la loi
relative à la promotion de la liberté, qui seront analysés en détail dans la
deuxième partie de ce rapport.
20. Toute partie intéressée a le droit d'invoquer la Constitution et de demander
à la justice libyenne de faire respecter les droits qui y sont consacrés. Les
tribunaux sont tenus de donner suite à une telle requête et d'appliquer sans
tarder les dispositions de la Convention. Il n'est donc pas nécessaire en Jamahiriya,
nous le répétons, d'intégrer les dispositions de la Convention dans la législation
interne ou les règlements administratifs pour assurer leur application par les
autorités, puisque les traités internationaux auxquels la nation est partie
sont directement applicables, du fait que leurs dispositions l'emportent sur
celles du droit interne.
Autorités compétentes dans les matières visées par la Convention
21. Les organes judiciaires sont chargés d'appliquer des dispositions de la
Convention et celles de la législation interne de façon à empêcher la torture
ou à offrir un recours juridique si de tels actes se produisent. Une personne
a le droit d'invoquer devant les tribunaux les droits énoncés dans la Convention
et de porter plainte directement si elle est soumise à la torture ou à un traitement
dégradant, ou même simplement menacée de l'être. L'article premier de la loi
No 1988/5 instituant le Tribunal populaire établit que les fins de cette juridiction
sont de promouvoir la liberté, d'assurer réparation en justice aux personnes
qui ont subi un préjudice, d'empêcher la tyrannie et l'oppression et de renforcer
les fondements de la justice et de la sécurité, ce qui correspond à la lettre
et à l'esprit de la Convention.
22. En outre, les magistrats du parquet, les magistrats inspecteurs et les présidents
et vice-présidents des juridictions de première instance et d'appel supervisent
les prisons publiques et veillent à ce que la Convention soit respectée et qu'il
n'y ait aucune infraction à ses dispositions.
23. Parmi les affaires qui ont été portées devant les tribunaux, on peut citer
les suivantes :
i) Affaire No 35 de 1995 (Al-Rajban) : un policier a été jugé pour torture.
Le tribunal l'a condamné à trois ans et demi de prison.
ii) Affaire No 275 de 1996 (Tobrouk) : un policier de grade supérieur et un
policier subalterne ont été jugés pour avoir battu une personne incriminée et
abusé de leur autorité. Ils ont tous les deux été condamnés à un an de réclusion
criminelle.
iii) Affaire No 133 de 1995 (Tobrouk) : un policier de grade supérieur a été
jugé pour avoir prolongé une détention et un policier subalterne pour avoir
torturé une personne incriminée. Le second a été condamné à trois ans de réclusion
criminelle et le premier à six mois de prison et à une amende de 50 dinars.
iv) Affaire No 76 de 1994 (Al-Qoubbah) : un policier subalterne a été jugé pour
avoir usé de la violence contre plusieurs personnes. Il a été condamné à un
mois de prison et à une amende de 100 dinars.
v) Affaire No 990 de 1996 (Darnah) : un agent de la sécurité interne a été inculpé
pour avoir détenu de force une personne et exercé des violences à son encontre.
La procédure est en cours.
vi) Affaire No 258 de 1997 (Al-Bayda) : trois policiers subalternes ont été
jugés pour abus d'autorité. Ils ont été acquittés.
vii) Affaire No 149 de 1997 (Shahhat) : trois policiers subalternes ont été
jugés et acquittés.
24. La législation libyenne donne à quiconque dit avoir subi des tortures ou
une peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant des moyens d'obtenir réparation,
en saisissant directement les tribunaux ordinaires ou le Tribunal populaire,
qui ouvrent immédiatement une enquête sur les faits allégués. L'article 30 de
la loi relative à la promotion de la liberté stipule que toute personne a le
droit d'introduire une requête devant un tribunal, conformément à la loi, et
que le tribunal doit lui assurer toutes les garanties nécessaires. Non seulement
la législation libyenne garantit dans le projet de constitution, la loi relative
à la promotion de la liberté et la Grande Charte verte des droits de l'homme,
le droit à réparation s'exerçant gratuitement, mais aussi, ce qui est encore
plus important, elle pose le principe même de cette gratuité de la procédure,
considérée comme un service social qu'un requérant doit pouvoir obtenir sans
frais en vertu du principe de la gratuité de la justice, principe analogue à
celui de la gratuité de l'enseignement, des soins médicaux ou de la protection
sociale. Mais dans ce cas, le principe a été développé au point que les requérants
sont protégés contre l'abus que représenteraient des honoraires d'avocats et
autres frais de plaidoirie exorbitants. C'est ainsi qu'un corps d'avocats assurant
gratuitement leurs services, qui constitue une structure administrative distincte,
a été créé par la loi No 4/1981. Il s'agit de juristes hautement qualifiés,
dont les compétences, l'expérience et les moyens ne diffèrent en aucune façon
de ce que peuvent offrir les avocats exerçant à titre libéral. Ces avocats du
peuple représentent, défendent et protègent gratuitement les droits des personnes
incriminées, l'État prenant à sa charge leurs honoraires, les frais de justice
et frais connexes. La loi permet à la personne concernée de choisir librement
entre ces avocats exerçant gratuitement et les avocats privés. Ce système constitue
encore un progrès dans la voie du renforcement des droits de l'homme et de la
prévention de la torture et distingue l'ordre juridique libyen de tous les autres
dans le monde.
25. Aucune difficulté ne restreint l'exécution des obligations que la Convention
contre la torture impose à la Jamahiriya arabe libyenne.
II. GARANTIES LÉGISLATIVES ET JUDICIAIRES ASSURANT
L'APPLICATION DE LA CONVENTION
A. Mesures législatives donnant effet aux dispositions de la Convention
26. Outre que, comme on l'a dit plus haut, la Convention est directement applicable,
la législation libyenne comporte des garanties pour protéger les libertés et
droits individuels, empêcher la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants et de façon générale renforcer encore l'effet de cet
instrument. On peut mentionner tout particulièrement les dispositions ci-dessous.
1. Principe de la régularité de la législation (règles de justice
et d'équité)
27. Ce principe donne à tout citoyen qui estime qu'un texte de loi porte atteinte
à ses libertés et droits fondamentaux la possibilité d'en contester la régularité
au regard des principes de justice et d'équité posés par l'article 2 du Code
civil et considérés comme les critères de base à cet égard. La régularité d'une
loi qui n'est pas fondée sur ces principes de justice et d'équité peut donc
être contestée devant les tribunaux, y compris devant la plus haute instance,
la Cour suprême, dont les jugements et les décisions sur les points de principe
lient les tribunaux et l'administration. Cette exigence de régularité renforce
incontestablement les garanties que la Convention contre la torture vise à faire
introduire dans la législation interne des États parties.
2. La Grande Charte verte des droits de l'homme
28. La Grande Charte verte des droits de l'homme énonce un certain nombre de
principes visant à garantir et promouvoir le respect des droits et libertés
fondamentaux et à empêcher les traitements qui sont mentalement ou physiquement
cruels ou dégradants. Toute personne peut contester la régularité d'une loi
incompatible avec les principes consacrés par cette Charte, qui l'emporte sur
les autres lois, comme on le verra ci-dessous.
3. La loi No 20/1991 relative à la promotion de la liberté
29. Cette loi est essentiellement inspirée des instruments et traités internationaux
concernant les droits et libertés individuels, comme l'indique son préambule
: "Ayant pris note des instruments et traités internationaux existants
relatifs aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales [...]". Elle
reprend les principes de base consacrés par ces instruments et traités, y compris
la Convention contre la torture, comme on le verra ci-après dans notre analyse
de la législation libyenne au regard de la Convention.
4. Législation pénale (Code pénal et Code de procédure pénale)
30. Les dispositions de la Convention contre la torture sont pleinement reflétées
dans la législation pénale libyenne, c'est-à-dire le Code pénal et le Code de
procédure pénale. Comme on le verra ci-après, ces deux codes comportent de solides
dispositions dans le sens des mesures de protection contre la torture et autres
peines ou traitements cruels que la Convention impose aux États parties d'introduire
dans leur droit interne.
B. Garanties judiciaires
31. L'institution judiciaire a un rôle extrêmement important à jouer dans la
protection des libertés et droits fondamentaux et la législation libyenne garantit
donc son indépendance. De plus, les citoyens peuvent faire appel àla justice
pour qu'elle préserve et renforce leurs droits et libertés lorsqu'ils ont été
atteints dans ces droits et libertés ou ont subi un préjudice. La Grande Charte
verte des droits de l'homme garantit le droit d'engager des poursuites et l'indépendance
de la justice, établissant en son principe 9 que la société de la Jamahiriya
garantit le droit de saisir les tribunaux, ainsi que l'indépendance de la magistrature,
et que toute personne incriminée a le droit d'être jugée équitablement et impartialement.
La loi relative à la promotion de la liberté met ces principes en relief, l'article
30 spécifiant que quiconque a le droit d'introduire une requête devant un tribunal,
conformément à la loi, et que le tribunal doit lui donner toute les garanties
nécessaires, et notamment mettre à sa disposition un conseil juridique, et l'article
31 établissant que les organes judiciaires sont indépendants et n'obéissent
à aucune autre autorité que la loi. La loi organique concernant la justice pose
les mêmes principes.
32. La Cour suprême est la plus haute instance judiciaire libyenne et les tribunaux
et autorités publiques sont tenus, de par la loi qui l'a instituée, d'en appliquer
les décisions et les préceptes concernant la protection des droits et libertés
de la personne et certaines autres questions. Le Tribunal populaire est l'un
des principaux garants de ces droits et libertés. L'article premier de la loi
No 5/1988 relative à ce tribunal spécifie que les buts de celui-ci sont de promouvoir
la liberté, d'assurer réparation aux personnes qui ont subi un préjudice, d'empêcher
la tyrannie et l'oppression, de renforcer les fondements de la justice et de
la sécurité et de consolider l'autorité du peuple. Le Tribunal a compétence
pour recevoir les recours contre des mesures, procédures ou décisions préjudiciables
aux droits fondamentaux des citoyens et aux libertés individuelles.
III. ANALYSE DE LA LÉGISLATION LIBYENNE AU REGARD
DES DISPOSITIONS DE LA CONVENTION
Article premier
Dispositions correspondantes de la législation libyenne
33. L'article premier de la Convention donne une définition de la torture et
du tortionnaire. La législation pénale et les tribunaux libyens ont établi deux
principes fondamentaux à cet égard : a) interdiction de torturer des personnes
incriminées; b) inadmissibilité des aveux ou déclarations obtenus par la contrainte
d'une personne incriminée et invalidité de tous les effets de ces aveux ou déclarations
(Code de procédure pénale, Code pénal, décisions de la Cour suprême). D'autre
part, la Grande Charte verte des droits de l'homme établit en son principe 2
que la société libyenne proscrit les peines qui vont à l'encontre de la dignité
de la personne et nuisent au bien-être de l'individu, par exemple les travaux
forcés et les longues peines d'emprisonnement, et qu'elle interdit d'infliger
des souffrances physiques ou mentales à un prisonnier. L'article 17 de la loi
No 20/1991 relative à la promotion de la liberté reprend comme suit la définition
donnée à l'article premier de la Convention contre la torture : "Il est
interdit de faire subir à une personne incriminée une torture physique ou mentale
ou un traitement physique ou mental cruel, inhumain ou dégradant sous quelque
forme que ce soit". Les instruments et traités internationaux concernant
les droits de l'homme et les libertés fondamentales, notamment la Convention
contre la torture, sont la principale source des dispositions de cette loi,
comme le spécifie le préambule de celle-ci.
Article 2
Dispositions correspondantes de la législation libyenne
34. Outre les dispositions de la Grande Charte verte des droits de l'homme et
de la loi relative à la promotion de la liberté qui interdisent les peines avilissantes,
la torture physique ou mentale et les traitements cruels ou dégradants, l'article
431 du Code pénal spécifie que toute personne occupant une charge publique et
qui, dans l'exercice de ses fonctions, use de violence contre une personne de
façon à déshonorer celle-ci ou à lui causer une souffrance physique est passible
d'une peine d'emprisonnement et d'une amende ne dépassant pas 150 dinars. Cette
disposition est conforme au paragraphe 1 de l'article 2 de la Convention.
35. L'article 435 du Code pénal concorde avec le paragraphe 3 de l'article 2
de la Convention. Il spécifie que toute personne occupant une charge publique
et qui torture personnellement ou ordonne de torturer une personne incriminée
est passible d'une peine de trois à dix années de prison. Ainsi, le législateur
ne distingue pas entre celui qui ordonne de torturer et le tortionnaire de fait.
Il s'ensuit que l'ordre donné par un supérieur ou une autorité publique ne peut
pas être invoqué pour justifier la torture. Telles sont les dispositions établies
dans l'ordre juridique libyen en ce qui concerne les affaires de cette nature,
comme nous l'avons indiqué dans la première partie du rapport.
36. En ce qui concerne les situations évoquées au paragraphe 2 de l'article
2 de la Convention, l'état d'exception n'a jusqu'à présent été proclamé dans
l'État libyen que deux fois depuis l'indépendance, la première en 1956 lorsque
l'Égypte a été la cible de la triple agression d'Israël, du Royaume-Uni et de
la France, la seconde lorsqu'elle a été agressée par Israël le 5 juin 1967.
Dans ces circonstances exceptionnelles, les autorités libyennes ont pris certaines
dispositions, respectant les limites spécifiées par la loi et garantissant la
sûreté et la liberté individuelles. Il n'y a ni acte de torture ni restrictions
de liberté contraires à la Convention. La loi concernant ces situations adoptée
en 1958 précisait déjà les limites du pouvoir d'intervention de l'exécutif,
auquel elle impose de respecter la légalité et de toujours considérer les circonstances
particulières de l'espèce.
Article 3
Dispositions correspondantes de la législation libyenne
37. La législation libyenne repose sur le principe de la non-extradition des
personnes qui sont persécutées ou combattent pour la liberté. La loi relative
à la promotion de la liberté, déclarant que la Jamahiriya est une terre d'asile
pour ces personnes, interdit d'extrader ces demandeurs d'asile au profit de
qui que ce soit (art. 21). Le Code pénal, d'autre part, interdit l'extradition
lorsque la personne est accusée d'une infraction de nature politique ou à mobile
politique, ou d'avoir porté atteinte à un droit politique d'autrui (art. 439,
par. 1). Toutes ces dispositions concordent avec l'article 3 de la Convention,
attestant que la législation libyenne proscrit l'expulsion, l'extradition et
le refoulement dans les cas où il y aurait violations de droits politiques individuels
ou de droits de l'homme.
38. Il convient de noter que la Jamahiriya a signé avec plusieurs États frères
et amis des accords de coopération judiciaire et d'échange d'auteurs d'infractions
conformes à ces dispositions légales.
Article 4
Dispositions correspondantes de la législation libyenne
39. La législation libyenne interdit tout acte de torture aux agents de l'administration
publique et ne distingue pas entre le fait de commettre personnellement un tel
acte et l'ordre de torturer donné à un subordonné. Le Code pénal spécifie (art.
435) que toute personne occupant une charge publique et qui torture personnellement
ou ordonne de torturer une personne incriminée est passible d'une peine de trois
à dix années de prison, et (art. 431) que toute personne occupant une charge
publique et qui, dans l'exercice de ses fonctions, use de violence contre une
autre personne de façon à porter atteinte à la dignité de celle-ci ou à lui
infliger des souffrances physiques est passible d'une peine d'emprisonnement
et d'une amende de 250 dinars.
40. Cette disposition est renforcée par une autre disposition du Code pénal
(art. 428, par. 1 et 2), qui spécifie que quiconque enlève, séquestre ou emprisonne
une autre personne ou la prive de toute autre manière de sa liberté individuelle
en usant de la force, de la menace ou de la tromperie, est passible d'une peine
d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à cinq ans, et même jusqu'à sept ans si
cette atteinte à la liberté individuelle est le fait d'un agent de l'État qui
abuse ainsi de l'autorité que lui confère sa fonction. Il est clair que le but
du législateur, dans cet article, est de protéger la liberté du citoyen ordinaire.
La sanction est d'ailleurs plus rigoureuse, comme le spécifie la deuxième partie
de cette disposition, lorsque l'auteur de l'acte occupe une charge publique,
ce qui est un moyen de dissuader les agents de l'administration d'abuser de
leur autorité pour porter atteinte aux droits et libertés individuels.
41. Ainsi, la législation libyenne répond parfaitement aux exigences de l'article
4 de la Convention.
Article 5
Dispositions correspondantes de la législation libyenne
42. La Jamahiriya arabe libyenne a établi sa compétence pour les infractions
visées à l'article 4 de la Convention et sa législation, conformément à l'article
5 de ce même instrument, est applicable à tout citoyen libyen ou national d'un
État étranger qui commet en territoire libyen une infraction réprimée par cette
même législation. Sont réputés faire partie du territoire national les aéronefs
et les navires libyens, où qu'ils se trouvent, pour autant qu'ils ne relèvent
pas d'une juridiction étrangère au regard du droit international.
43. Le Code pénal libyen spécifie (art. 5) que ses dispositions sont applicables
à quiconque commet hors de la Jamahiriya un acte qui en fait l'auteur ou le
complice d'une infraction perpétrée entièrement ou en partie en territoire libyen.
Le Code pénal est aussi applicable à quiconque porte atteinte à la sûreté de
l'État ou se rend coupable de fraude, fabrique de la fausse monnaie ou pratique
l'esclavage.
44. Le Code pénal spécifie aussi (art. 6) que tout national libyen qui, alors
qu'il se trouve hors du pays, commet un acte qui constitue un crime ou un délit
au regard du Code, est passible à son retour en Libye des poursuites prévues
par le Code si l'acte qu'il a commis est réprimé par la législation du pays
où il a eu lieu.
45. Il est donc clair que les infractions visées à l'article 4 de la Convention
tombent sous le coup de la législation pénale libyenne et qu'elles sont du ressort
des tribunaux nationaux, qu'elles aient été commises en terre libyenne même
ou sur des navires ou aéronefs libyens.
Article 6
Dispositions correspondantes de la législation libyenne
46. Les dispositions régissant l'arrestation, la détention et l'interrogatoire
des personnes relevant de la juridiction des tribunaux libyens, qu'il s'agisse
de citoyens libyens ou de nationaux d'un État étranger, sont énoncées dans le
Code de procédure pénale. Celui-ci établit que nul ne peut être arrêté ou emprisonné
s'il n'y a pas pour cela un ordre de l'autorité judiciaire compétente. Il précise
aussi la durée maximale pendant laquelle une personne soupçonnée de l'une des
infractions visées à l'article 4 de la Convention peut être détenue. Le suspect
doit obligatoirement être entendu par la police judiciaire; s'il ne peut pas
se justifier, il doit alors être déféré dans les 48 heures au parquet, où il
doit être interrogé dans les 24 heures, puis soit placé sous mandat de dépôt
et formellement inculpé, soit relaxé.
47. Conformément à l'article 4 du Code pénal, les dispositions de la législation
libyenne régissant l'arrestation, la détention et l'enquête judiciaire s'appliquent
à toute personne soupçonnée d'avoir commis une infraction, qu'elle soit citoyen
libyen ou national d'un État étranger, en vertu du droit qu'a l'État libyen
d'exercer sa juridiction. Mais comme on l'a déjà indiqué, en cas de silence
de la loi nationale sur un point, un juge libyen peut toujours appliquer directement
la disposition correspondante de la Convention, puisque les traités internationaux
auxquels la Jamahiriya est partie l'emportent sur le droit interne. La Convention
contre la torture ayant été formellement acceptée, par adhésion, par la Jamahiriya,
ayant été ratifiée par les congrès populaires et ayant été publiée au journal
officiel de l'État, elle est entrée en vigueur dès la date de sa publication
et lie depuis lors les tribunaux libyens.
Article 7
Dispositions correspondantes de la législation libyenne
48. Le parquet prend immédiatement les dispositions prévues par la loi pour
interroger la personne qui est accusée d'avoir commis une infraction visée à
l'article 4 de la Convention et pour la déférer au tribunal, soit en se fondant
sur la plainte déposée par la partie ayant subi le préjudice ou toute autre
partie intéressée, soit dans l'accomplissement de sa fonction de contrôle des
actes de la police judiciaire et des conditions carcérales. Toutes ces mesures
sont prises conformément aux dispositions du Code de procédure pénale et de
façon à garantir à tous les stades de l'instruction un traitement équitable
à la personne incriminée. Cette personne et la partie ayant subi le préjudice
bénéficient de toutes les garanties nécessaires, notamment de l'assistance d'un
avocat commis d'office si elles n'ont pas les moyens de payer les honoraires
normalement requis (art. 30 de la loi relative à la promotion de la liberté).
Article 8
Dispositions correspondantes de la législation libyenne
49. La législation libyenne a établi les règles à observer en ce qui concerne
l'extradition des personnes présumées être auteurs d'actes délictueux. Ainsi,
le Code de procédure pénale précise en son article 493 les conditions d'extradition
:
a) L'acte motivant la demande d'extradition doit constituer une infraction en
droit libyen et au regard de la législation de l'État requérant;
b) Ni l'infraction ni la peine qu'il emporte ne doivent être légalement prescrites
dans l'État libyen ou l'État étranger;
c) Les poursuites pénales doivent être autorisées par la législation des deux
États;
d) La demande d'extradition ne doit pas concerner un citoyen libyen;
e) L'infraction ne doit pas avoir de caractère ou de mobile politique.
50. Le Code de procédure pénale spécifie (art. 494) que l'extradition ne peut
avoir lieu ou être autorisée que si la personne visée n'était pas poursuivie
devant les tribunaux libyens pour une autre infraction avant que la demande
d'extradition n'ait été présentée, ou ne purgeait pas une peine en exécution
d'un jugement autre que celui auquel se rapporte la demande d'extradition ou
d'autorisation d'extradition.
51. Le Code de procédure pénale spécifie en outre (art. 495) qu'une personne
inculpée ou condamnée dans un pays étranger ne peut être extradée que si la
juridiction pénale dont relève son lieu de résidence a rendu une décision à
cet effet.
52. Le Code pénal vise lui aussi la question de l'extradition (art. 8 et 9),
faisant prévaloir les conventions et la pratique internationales. La législation
libyenne n'est donc pas incompatible avec la Convention contre la torture, qui
peut constituer la base juridique de l'extradition dans le cas mentionné au
paragraphe 2 de son article 8.
Article 9
Dispositions correspondantes de la législation libyenne
53. La Jamahiriya prend les mesures prescrites par cet article dans les cas
autres que ceux où sa législation interdit l'extradition, c'est-à-dire ceux
qui sont visés par l'article 9 du Code pénal et l'article 20 de la loi relative
à la promotion de la liberté, lesquels interdisent l'extradition dans les cas
spécifiés à l'article 3 de la Convention contre la torture. Comme on l'a déjà
indiqué, elle a signé avec des États frères et amis plusieurs accords d'entraide
judiciaire, qui la lient.
Article 10
54. La Jamahiriya a fait un effort considérable pour intégrer la question des
droits fondamentaux dans les programmes scolaires et dans l'information diffusée
par les médias, en mettant notamment l'accent sur l'interdiction de la torture,
afin que les agents de l'administration publique qui interviennent dans la garde,
l'interrogatoire et d'autres aspects du traitement des personnes détenues sachent
tous bien comment ils doivent se comporter dans l'exercice de leurs fonctions
à l'égard de ces personnes. De même, la Jamahiriya s'emploie à sensibiliser
les esprits et à instaurer un climat général où la torture soit stigmatisée
et le droit de la personne à la liberté et à la dignité exalté, comme le montrent
les mesures exposées ci-dessous.
a) Enseignement
55. Les jeunes libyens abordent la question des droits fondamentaux pendant
leurs études secondaires et dans les collèges intermédiaires, où la Grande Charte
verte des droits de l'homme et toutes les questions concernant les droits et
libertés individuels sont inscrites aux programmes.
56. La question des droits fondamentaux occupe une place primordiale dans les
programmes des huit facultés de droit libyennes, qui lui réservent un cours
spécial traitant les sujets suivants :
a) Origines historiques des droits de l'homme :
Les droits de l'homme dans les sociétés primitives;
Les droits de l'homme dans les civilisations anciennes.
b) Les droits de l'homme au Moyen Âge :
Les droits de l'homme dans l'Empire romain et dans l'Empire perse;
Les droits de l'homme et les libertés fondamentales dans la charia islamique.
c) Les droits de l'homme à l'époque moderne :
Les déclarations et instruments généraux et régionaux concernant les droits
de l'homme :
La Déclaration universelle des droits de l'homme;
Les autres instruments généraux et régionaux relatifs aux droits de l'homme
(y compris la Convention contre la torture);
La Grande Charte verte des droits de l'homme à l'ère des masses
d) Les garanties nationales et internationales du respect des droits de l'homme
:
Garanties nationales;
Garanties internationales.
57. Les facultés de droit organisent avec le concours d'institutions publiques
locales et internationales des conférences et des séminaires destinés à familiariser
l'opinion avec les notions qui fondent les droits de la personne et à créer
un climat général de respect de ces droits. Il n'est pas besoin de rappeler
que ce sont ces établissements qui forment tous les citoyens appelés à exercer
par la suite les diverses fonctions - juge, assesseur, procureur, avocat, etc.
- ayant un rapport direct avec l'application des dispositions de la Convention
ou le contrôle de cette application.
58. Le Secrétaire du Comité populaire général de la sécurité publique, agissant
comme le veut l'article 10 de la Convention, a entrepris de bien faire ressortir
les dispositions de cet instrument et celles de la législation libyenne qui
proscrivent la torture sous toutes ses formes, de même que les droits et libertés
individuels consacrés par les instruments internationaux et par la Grande Charte
verte des droits de l'homme et la loi relative à la promotion de la liberté,
a décidé en 1997 que l'enseignement des droits de l'homme serait une matière
de base dans les programmes des écoles de police, des collèges et des instituts
de la Jamahiriya. Tous les actes - déclarations, instruments généraux et régionaux
- qui concernent ces droits sont abordés dans cet enseignement, y compris la
Convention contre la torture. Ainsi, tous les agents des corps de police et
de sécurité sauront parfaitement comment ils doivent se comporter dans l'exercice
de leurs fonctions afin que les personnes qui sont sous la garde de la loi ne
subissent pas alors de mauvais traitements physiques ou psychologiques qui portent
atteinte à leurs droits et libertés et à leur sûreté.
59. Les droits de l'homme sont aussi une matière fondamentale de l'enseignement
médical, qui consacre une série de cours à l'historique du sujet et à l'analyse
des déclarations et instruments généraux et régionaux internationaux pertinents
et de la Grande Charte verte des droits de l'homme.
b) Les médias
60. Les médias libyens relatent en permanence tout ce qui se rapporte à la promotion
des droits fondamentaux, qu'il s'agisse des efforts faits par la nation pour
établir un climat général propice à l'exercice de ces droits ou des autres faits
pertinents à noter dans le pays ou ailleurs dans le monde.
61. De plus, la Commission arabe libyenne des droits de l'homme (organisation
non gouvernementale créée en 1988) oeuvre résolument pour la cause dont elle
a fait sa vocation, diffusant largement les notions et principes qui fondent
les droits et libertés de la personne, s'employant à affermir l'adhésion à ceux-ci
et la volonté de les respecter et usant de tous les moyens juridiques disponibles
pour les protéger et les faire prévaloir. C'est ainsi qu'elle a organisé en
juin 1998, pour le dixième anniversaire de la proclamation de la Grande Charte
verte, un séminaire international sur la protection des droits de l'homme et
la prévention de la torture, qui réunissait des personnes venues de différents
continents et s'occupant de questions se rapportant à ce sujet ou militant pour
les droits fondamentaux, qui ont présenté des communications et des analyses.
Les médias libyens se sont fait l'écho de cette manifestation, la presse audiovisuelle
retransmettant notamment les débats en direct et la presse écrite en rendant
compte au jour le jour. Par ailleurs, la Commission organise régulièrement,
avec le concours d'associations d'avocats et de médecins et d'autres organismes,
des séminaires et conférences pour faire largement connaître les principes qui
fondent les droits de la personne et affermir l'adhésion à ces valeurs.
62. La Jamahiriya a organisé au printemps 1998 un festival mondial des droits
de l'homme auquel ont assisté des députés et autres personnalités politiques
de pays arabes et d'autres pays du monde. Les documents établis pour cet événement
portaient, entre autres sujets, sur les droits fondamentaux et la prévention
de la torture et de la discrimination raciale sous toutes ses formes. Les divers
médias ont rendu compte des manifestations qui ont ponctué ce festival, se faisant
l'écho des débats et des décisions prises.
63. Le Comité populaire général de la justice organise régulièrement, avec le
concours du Comité populaire général de la sécurité publique, des conférences
à l'intention du personnel pénitentiaire, de la police, des spécialistes des
sciences sociales, du corps médical, y compris les médecins légistes, et des
diverses autres personnes amenées à intervenir dans la garde, l'interrogatoire
ou le traitement des personnes arrêtées, détenues ou emprisonnées de quelque
façon que ce soit. Ces conférences sont faites par des juristes ou des spécialistes
des questions de droits de l'homme.
64. Il est donc clair que l'article 10 de la Convention est intégralement appliqué
en Jamahiriya arabe libyenne.
Article 11
Dispositions correspondantes de la législation libyenne
65. Le Code de procédure pénale énonce les règles à respecter lors des auditions
et interrogatoires. Ainsi, le suspect doit être interrogé par un magistrat du
parquet dans les 24 heures après avoir été déféré devant le procureur par la
police judiciaire. Pendant cet intervalle, il doit soit être placé sous mandat
de dépôt aux fins de l'instruction, soit remis en liberté, selon l'appréciation
faite des charges pesant sur lui (art. 26 du Code de procédure pénale). La loi
impose aussi au juge d'instruction d'interroger immédiatement une personne qui
a été arrêtée sous l'inculpation d'infraction, ou, si cela n'est pas possible,
d'ordonner la garde à vue, celle-ci ne devant pas dépasser 24 heures; si ce
délai est dépassé, l'autorité responsable de la maison d'arrêt doit déférer
l'inculpé au parquet, lequel doit demander au juge d'instruction de procéder
immédiatement à l'interrogatoire, et si celui-ci ne peut avoir lieu, relaxer
cette personne.
66. Au sujet des dispositions concernant la garde et le traitement des personnes
arrêtées, détenues ou emprisonnées de quelque façon que ce soit, la loi relative
à la promotion de la liberté pare à toute éventualité de torture en interdisant
(art. 17) de soumettre une personne incriminée à une torture physique ou mentale
ou à un traitement cruel, inhumain ou dégradant sous quelque forme que ce soit.
Le Code pénal précise (art. 435) que toute personne occupant une charge publique
et qui torture personnellement ou ordonne de torturer une personne incriminée
est passible d'une peine de 3 à 10 ans de prison. Il découle de ces deux dispositions
que les personnes privées de liberté ne doivent pas être soumises pendant la
garde à vue, la détention provisoire, après leur condamnation et pendant qu'elles
purgent leur peine, à un traitement qui est corporellement ou psychologiquement
cruel ou dégradant.
67. Le Code de procédure pénale précise (art. 31) que les personnes incriminées
ou condamnées ne doivent être détenues que dans des endroits expressément destinés
à cet usage, l'idée étant que tout local carcéral doit être un endroit expressément
et notoirement réservé à cette fin, supervisé et inspecté afin que l'on puisse
déterminer si les conditions de détention sont conformes à la loi et si les
prisonniers ont des doléances à présenter au sujet de la manière dont ils sont
traités.
68. Les magistrats du parquet, les magistrats-inspecteurs et les présidents
et vice-présidents des tribunaux de première instance et des cours d'appel sont
chargés d'exercer un contrôle sur les établissements pénitentiaires, qu'ils
inspectent et supervisent. L'article 32 du Code de procédure pénale les habilite
à se rendre dans les prisons de l'État relevant de leur compétence pour s'assurer
qu'aucun prisonnier n'est illégalement incarcéré, examiner les registres d'écrou,
les mandats d'arrêt et les mandats de dépôt et en prendre copie, et se mettre
en relation avec tout prisonnier qui le souhaite et entendre les plaintes que
celui-ci pourrait formuler.
69. Le Code de procédure pénale spécifie (art. 33) que tout prisonnier a le
droit de présenter à tout moment, par écrit ou verbalement, une plainte au directeur
de la prison et de demander à celui-ci de la transmettre au procureur ou au
magistrat compétent. Elle oblige le directeur de la prison à recevoir cette
plainte et à la transmettre sans délai, après l'avoir consignée dans un registre
que la prison doit tenir à cet effet. Quiconque apprend qu'une personne est
détenue illégalement, ou détenue dans un lieu autre qu'une prison ainsi désignée
par la loi, doit en informer un membre du ministère public ou le magistrat compétent,
lequel doit alors se rendre immédiatement au lieu de détention pour y faire
une enquête, libérer la personne illégalement détenue et dresser procès-verbal.
70. Par ailleurs, afin d'assurer le traitement approprié aux personnes emprisonnées,
la loi No 47/1975 relative aux établissements pénitentiaires distingue entre
les prisonniers selon leur âge, la peine à laquelle ils sont condamnés et la
nature de l'infraction commise. Ainsi, certaines catégories de personnes sont
détenues en milieu ouvert ou semi-ouvert :
a) Les personnes en détention provisoire;
b) Les personnes condamnées pour contravention aux règles de la circulation
ou autres délits mineurs;
c) Les condamnés de plus de 60 ans;
d) Les personnes faisant l'objet d'une contrainte par corps en vertu d'un jugement
en matière financière.
71. En ce qui concerne le traitement et les conditions carcérales en général,
dans toutes les maisons centrales et prisons locales les détenus sont divisés
en deux catégories, physiquement séparées l'une de l'autre. La loi relative
aux établissements pénitentiaires interdit (art. 19) de placer les jeunes de
plus de 18 ans et de moins de 21 ans dans les maisons centrales avec les condamnés
de longue durée.
72. Cette même loi relative aux établissements pénitentiaires établit (art.
20) des règles spéciales pour les personnes en détention provisoire, qui doivent
être séparées des autres détenus et reçoivent un traitement différent. De même,
les mineurs ne sont pas placés, pendant l'instruction et en attendant d'être
jugés, dans des maisons d'arrêt mais dans des centres sociaux. Le Code de procédure
pénale prévoit l'établissement d'un tribunal pour enfants, dont les jugements
emportent des mesures préventives selon lesquelles le mineur est placé dans
une institution sociale ou confié à la garde d'une personne de confiance pendant
l'instruction et en attendant d'être jugé (art. 316 et 318 du Code). Avant d'être
exécutées, les sentences doivent être soumises au magistrat-inspecteur.
73. Le Code pénal spécifie (art. 81) que le mineur condamné purge sa peine dans
un établissement réservé aux mineurs assumant la responsabilité pénale de leurs
actes, où lui sont appliquées des méthodes spéciales de rééducation et de redressement
destinées à le dissuader de retomber dans la délinquance et à le préparer à
devenir un membre honorable de la société.
74. Le législateur libyen, désireux d'assurer le traitement approprié et la
réadaptation des délinquants et de faire des établissements carcéraux des centres
de réforme et de redressement et non pas des lieux de torture et de cruauté,
a spécifié à l'article 18 de la loi relative à la promotion de la liberté que
"le but de la sanction est de réformer, corriger, réadapter, éduquer, discipliner
et réprimander". Selon le principe 2 de la Grande Charte verte des droits
de l'homme, la sanction vise "la réforme sur le plan social et la protection
des valeurs humaines et des intérêts de la société. La société jamahiriyenne
interdit les sanctions qui vont à l'encontre de la dignité de la personne et
nuisent au bien-être de l'individu, par exemple les travaux forcés ou les peines
de longue durée. Elle interdit également de faire subir des souffrances physiques
ou mentales à un prisonnier et condamne les pratiques consistant à faire de
personnes privées de liberté une monnaie d'échange ou des objets d'expérimentation".
75. L'article 41 du Code pénal définit les principes qui doivent régir l'exécution
des peines. La sanction doit être exécutée de façon à réaliser effectivement
ses objectifs moraux et sociaux, réformant et rééduquant le délinquant. Quand
elle consiste en une privation de liberté, il faut que les principes humanitaires
et les principes du travail et du redressement soient dûment respectés.
76. La loi relative aux établissements pénitentiaires pose (art. 1er) que ceux-ci
sont des lieux de réforme et de rééducation visant à corriger le comportement
des personnes que la justice pénale a condamnées à une peine privative de liberté
et à assurer leur réadaptation afin qu'elles deviennent des membres honorables
de la société.
77. Toutes ces dispositions de loi répondent aux exigences de l'article 11 de
la Convention en ce qui concerne la garde et le traitement des personnes arrêtées,
détenues ou emprisonnées de quelque façon que ce soit.
Article 12
78. Étant partie à la Convention contre la torture, la Jamahiriya veille à ce
que ses autorités compétentes procèdent immédiatement à une enquête impartiale
chaque fois qu'il y a des motifs de croire qu'un acte de torture a été commis
dans sa sphère de juridiction, se basant pour cela sur les dispositions de loi
précitées et l'article 12 de la Convention contre la torture.
Article 13
Dispositions correspondantes de la législation libyenne
79. La législation libyenne donne à quiconque a subi de mauvais traitements,
quels qu'ils soient, le droit de porter plainte devant les autorités judiciaires,
toutes les mesures étant alors prises pour protéger le plaignant contre les
mauvais traitements ou les menées d'intimidation auxquels il pourrait être exposé
en représailles. Le principe 9 de la Grande Charte verte des droits de l'homme
spécifie que la société jamahiriyenne garantit le droit d'ouvrir une instance
en justice, ainsi que l'indépendance de la magistrature, et que toute personne
incriminée a le droit d'être jugée équitablement et avec impartialité, et le
principe 26 établit que toute personne a le droit de s'adresser aux tribunaux
pour demander réparation de toute atteinte aux droits et libertés que lui garantit
la Charte - laquelle reprend à cet égard la plupart des principes fondamentaux
consacrés par les traités et instruments internationaux, y compris la Convention
contre la torture. De plus, la Grande Charte verte a la primauté absolue sur
toutes les autres lois nationales, le principe étant que toute disposition incompatible
avec les principes qu'elle consacre doit être annulée ou modifiée.
80. L'article 30 de la loi relative à la promotion de la liberté donne à toute
personne le droit d'introduire conformément à la loi une requête devant un tribunal,
qui lui donne toutes les garanties nécessaires, et notamment met à sa disposition
un avocat, le requérant pouvant aussi faire appel à un avocat de son choix.
Cet article porte sur deux points : le droit de porter plainte reconnu à toute
personne ayant subi un préjudice, et les garanties protégeant le plaignant contre
les mauvais traitements ou la menée d'intimidation que pourrait lui attirer
sa plainte. Outre ces garanties, la loi oblige le tribunal à mettre un avocat
à la disposition du requérant. Elle interdit par ailleurs (art. 32) à toute
autorité publique d'outrepasser ses attributions en s'ingérant dans des affaires
qui ne sont pas de son ressort, ou de s'immiscer dans les enquêtes judiciaires
si elle n'y a pas été légalement habilitée. Cette disposition pare ainsi aux
abus d'autorité de l'administration et au risque d'intervention dans les cas
où des circonstances exceptionnelles peuvent être invoquées pour justifier des
atteintes aux droits fondamentaux.
81. Un plaignant peut aussi saisir le Tribunal populaire, qui est compétent,
conformément à la loi qui l'a constitué, pour recevoir les appels contre les
actions en justice, mesures ou décisions portant préjudice aux libertés individuelles
ou aux autres droits fondamentaux de la personne. Les garanties que l'article
13 de la Convention impose d'établir pour protéger les plaignants sont renforcées
par l'article 30 du Code de procédure pénale, qui dispose que nul ne peut être
arrêté ou emprisonné s'il n'y a pas pour cela un ordre de l'autorité judiciaire
compétente.
Article 14
Dispositions correspondantes de la législation libyenne
82. L'article 166 du Code civil établit que quiconque commet une faute, quelle
qu'elle soit, causant un préjudice à autrui est tenu de verser une réparation,
et l'article 167 que quiconque est capable de distinguer entre le bien et le
mal est tenu pour responsable des infractions qu'il commet. Ces deux dispositions
s'appliquent, conformément aux règles générales régissant la responsabilité
et dont les fondements juridiques sont largement reconnus, à l'auteur d'un dommage
ou d'un acte délictueux, et cela universellement, sans distinction entre organe
public ou organe privé, personne ordinaire ou titulaire d'une charge publique.
83. La victime de tortures peut, conformément à la Convention, demander réparation,
soit en intentant une action civile indépendante, soit en s'adressant à la justice
pénale. Le principe d'un droit exécutoire à réparation est ainsi garanti, conformément
à l'article 14 de la Convention.
84. L'article 7 du Code de procédure pénale, qui garantit le droit à réparation
à toute personne victime de tortures, spécifie que quiconque estime avoir subi
un préjudice causé par une infraction peut faire valoir ses droits auprès d'un
officier de police judiciaire ou du ministère public, et le procureur doit alors
transmettre la plainte au juge d'instruction. L'article 60 du Code de procédure
pénale dispose que quiconque a subi un préjudice peut se constituer partie civile
pendant l'instruction de son affaire, le juge d'instruction décidant s'il a
qualité pour cela au cours de l'instruction. Ces dispositions sont renforcées
par les articles 173 et 193 du Code de procédure pénale, et l'article 224 établit
en outre que toute personne qui a subi un préjudice peut se prévaloir de ce
même droit devant la juridiction qui examine son affaire
85. Une personne qui a subi des tortures peut aussi invoquer directement l'article
14 de la Convention devant les tribunaux afin d'obtenir une réparation juste
et appropriée, conformément aux dispositions indiquées ci-dessus. Si la personne
torturée est décédée, ses héritiers peuvent se prévaloir de ce même droit.
86. La législation libyenne garantit à tout citoyen l'accès, totalement gratuit,
aux moyens de réadaptation qui peuvent être nécessaires, y compris à une psychothérapie
et à des soins physiques, que son état soit la conséquence d'un acte délictueux,
dû à des causes naturelles ou même le résultat de son propre comportement, par
exemple de la toxicomanie. Cette disposition procède du principe de la gratuité
des soins de santé, que la société garantit à tous ses membres également, y
compris aux victimes de tortures ou autres traitements cruels ou dégradants.
Article 15
87. Conformément aux dispositions de la loi qui proscrivent la torture et les
peines ou traitements cruels ou dégradants, le ministère public ouvre une enquête
lorsqu'une personne incriminée dit avoir subi pendant l'interrogatoire préliminaire
des actes de force exercés par la police judiciaire pour lui arracher des aveux
ou des déclarations. Le parquet est alors tenu de faire examiner cette personne
par un médecin légiste, qui vérifie s'il y a effectivement eu coercition physique
et lui présente ses conclusions dans un rapport.
88. Les juridictions pénales libyennes ont pour pratique de déclarer irrecevables
les aveux ou déclarations faits sous la contrainte ou la torture. Le juge doit
rejeter, quelle que soit leur valeur probante, tous les aveux, éléments de preuve
et déclarations versés au dossier s'il apprend que ceux-ci ont été obtenus en
exerçant une quelconque forme de coercition.
89. La Cour suprême a réaffirmé ce principe dans plusieurs jugements, conformément
à l'article 15 de la Convention, dont les tribunaux libyens ont été tenus de
respecter les dispositions dès qu'elle a été ratifiée. En voici quelques exemples
:
a) "Tout aveu obtenu par la contrainte est irrecevable, quelle que soit
sa valeur probante" (arrêt concernant le recours pénal No 26/534);
b) "Toute reconnaissance de culpabilité ou aveu obtenu par la contrainte
est irrecevable" (arrêt concernant le recours pénal No 24/89);
c) "Le juge du fond doit examiner les arguments invoqués par la défense,
s'assurer de leur véracité et y répondre d'une manière conforme aux exigences
de la raison et de la logique. S'il ne parvient pas à les réfuter, ou si la
procédure est entachée d'irrégularité et si des déclarations obtenues par la
contrainte ont été acceptées comme preuve de culpabilité, le jugement est insuffisamment
motivé et doit être cassé" (arrêt concernant le recours pénal No 33/165);
d) "Le juge du fond est tenu d'examiner et de vérifier les éléments présentés
par la personne incriminée à l'appui de ses allégations selon lesquelles les
aveux qui lui sont attribués lui ont été arrachés par la contrainte" (arrêt
concernant le recours pénal No 24/89).
Article 16
90. Les précisions que nous avons données ci-dessus au sujet de la législation
libyenne, notamment en ce qui concerne l'application des articles 11, 12 et
13 de la Convention, suffisent sans doute pour rendre compte de l'application
de l'article 16. On peut néanmoins, pour montrer comme la Jamahiriya se conforme
aux exigences de cet article, rappeler aussi les dispositions suivantes.
91. La loi relative à la promotion de la liberté spécifie que tout individu
a droit à la sûreté de sa personne et elle interdit de faire des expériences
scientifiques sur le corps d'une personne vivante sans le consentement de celle-ci
(art. 6). Cette loi comporte également une disposition générale, l'article 17
déjà mentionné, contre toutes les formes de cruauté ou de torture. Les traitements
dégradants mais qui ne constituent pas à proprement parler des actes de torture
sont également réprimés par la législation libyenne. Ainsi, le Code pénal considère
que l'esclavage et la servitude sont des atteintes à la liberté de la personne,
et l'exploitation des prostituées, la traite internationale des femmes et la
complicité dans des trafics de cette nature des atteintes à la liberté, à l'honneur
et à la morale. Tous ces comportements sont dégradants et visent la personne
dans sa dignité.
92. S'il apparaissait que la législation libyenne ne répond pas à un impératif
de l'article 16, il suffirait pour remédier à cette faille d'appliquer directement
cet article, puisque les dispositions de la Convention lient les tribunaux internes.
93. Nous espérons avoir ainsi donné au Comité contre la torture un aperçu clair
des mesures prises par la Jamahiriya pour remplir les obligations que lui imposent
la Convention et les autres instruments internationaux relatifs aux droits et
libertés fondamentaux.
94. Il convient de faire observer à ce sujet qu'alors que la Libye ne restreint
en aucune façon l'exercice des droits et libertés individuels et a établi toutes
les garanties nécessaires pour protéger ceux-ci, ses citoyens subissent collectivement
depuis 1992 les sanctions impitoyablement appliquées à son encontre par un certain
nombre de pays développés obéissant au blocus décidé par le Conseil de sécurité.
Ces sanctions, mesures de coercition économique et politique, appliquées par
ces pays, sans aucune justification logique ou juridique, à l'ensemble de la
population libyenne, privent celle-ci d'une grande partie de ses moyens de subsistance
et des moyens de progrès, des services de santé et des traitements médicaux
qui sont pourtant un droit pour elle. Les Libyens ne peuvent pas non plus voyager,
ni même pratiquer les cérémonies de leur culte et des milliers d'innocents sont
en danger de mort, notamment les éléments les plus vulnérables de la société
comme les femmes, les enfants et les personnes âgées ou handicapées. Les sanctions
constituent une grave violation de la Déclaration universelle des droits de
l'homme, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels
et des autres instruments internationaux protégeant ces mêmes droits et libertés
que la communauté internationale s'emploie à promouvoir et à faire reconnaître
à tous les êtres humains sans exception.
95. Réaffirmant qu'elle est résolue à promouvoir, respecter et faire respecter
dans leur totalité les droits de la personne et les libertés fondamentales,
la Jamahiriya arabe libyenne espère que l'esprit de dialogue et le droit qu'ont
les peuples de décider eux-mêmes de leurs orientations politiques, économiques,
culturelles et sociales prévaudront et que l'on s'abstiendra de recourir à la
menace, à la force et à la coercition sous quelque forme que ce soit et que
l'on ne prétextera pas la défense des droits de l'homme pour s'ingérer dans
les affaires intérieures des nations.