Comité contre la Torture, Examen des rapports présentés par les États parties en application de l'article 19 de la Convention, Israël, U.N. Doc. CAT/C/33/Add.3 (1998).
Deuxièmes rapports périodiques des Etats parties
prévus en 1996
Additif
ISRAEL
Le rapport initial présenté par le Gouvernement israélien porte la cote CAT/C/16/Add.4;
il est rendu compte de l'examen de ce rapport par le Comité dans les documents
CAT/C/SR.183 et 184, ainsi que dans les Documents officiels de l'Assemblée générale,
quarante-neuvième session, Supplément No 44 (A/49/44, par. 159 à 171). Le rapport
spécial, publié sous la cote CAT/C/33/Add.2/Rev.1, est examiné dans les documents
CAT/C/SR.295, 296 et 297/Add.1, ainsi que dans les Documents officiels de l'Assemblée
générale, cinquante-deuxième session, Supplément No 44 (A/52/44, par. 253 à
260).
[26 février 1998]
TABLE DES MATIERES
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Introduction |
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Introduction
1. Le présent rapport est soumis en application de l'article 19 de la Convention
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,
entrée en vigueur à l'égard d'Israël le 2 novembre 1991.
2. Il complète le rapport initial, présenté par Israël en 1994 (CAT/C/16/Add.4),
et le rapport présenté en 1996 (CAT/C/33/Add.2/Rev.1). Pour pouvoir être analysé
en profondeur, il devra donc être lu conjointement à ces deux documents.
3. Les subdivisions du présent rapport correspondent aux articles de la Convention.
Le champ d'application de l'article 16 de la Convention couvrant également l'interdiction
des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la réflexion sur
chaque article sera interprétée comme visant aussi bien la torture que ces autres
peines ou traitements.
RENSEIGNEMENTS SUR LES NOUVELLES MESURES ET LES FAITS NOUVEAUX
INTERESSANT L'APPLICATION DE LA CONVENTION
Article 2 - Mesures tendant à empêcher la torture
Mesures législatives portant interdiction de la torture et des autres peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
La Loi fondamentale sur la dignité et la liberté humaines
4. La Loi fondamentale sur la dignité et la liberté humaines, adoptée en 1992
par la Knesset israélienne, garantit les droits fondamentaux sur lesquels se
fondent l'interprétation des lois antérieures et la définition des critères
régissant les nouvelles lois. Elle a en outre été à l'origine de nombreuses
initiatives législatives dans des domaines tels que l'arrestation et la détention,
la perquisition et la saisie, la législation d'exception, la vie privée, la
contrainte par corps et les droits des patients, initiatives dont l'objet est
de donner corps, dans toute la mesure possible, aux principes consacrés dans
ce texte de loi.
5. La section 2 de cette loi, qui interdit "toute violation de la vie,
de l'intégrité corporelle ou de la dignité de toute personne en tant que telle"
et la section 4, qui accorde à tous le droit d'être à l'abri de toute violation
de ce type, ont un statut constitutionnel dans le cadre législatif israélien.
La Cour suprême serait habilitée à annuler tout texte de loi qui, promulgué
après l'entrée en vigueur de la Loi fondamentale, contreviendrait aux dispositions
ci-dessus; les lois antérieures ne peuvent être frappées de nullité par la Cour
suprême pour ce motif, mais sont souvent interprétées conformément aux principes,
fondamentaux, du caractère sacré de la vie, du respect de l'intégrité corporelle
et de la primauté de la dignité humaine, dans leur acception la plus large.
On peut donc considérer que ces dispositions de la Loi fondamentale constituent
une interdiction générale des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,
y compris de la torture, et qu'elles revêtent un caractère contraignant à l'égard
aussi bien des organismes publics que des entités privées.
Le projet de loi sur le Service général de sécurité
6. Les fonctions, les pouvoirs et la structure du Service général de sécurité
(SGS) n'ont pas encore été arrêtés par un texte de loi, mais simplement définis
de façon partielle, par décision de l'exécutif. Au fil des ans, on a légiféré
sur les différentes attributions du SGS - par exemple dans la loi sur la surveillance
secrète, 5739-1979, la loi sur le casier judiciaire et la réhabilitation, 5741-1981,
la loi sur la protection de la vie privée, 5741-1981, la loi sur l'égalité des
chances sur le lieu de travail, 5748-1988, et d'autres textes. Cependant, ces
lois concernent toutes des arrangements ponctuels dans des domaines précis.
Les statuts, la structure, les fonctions et les pouvoirs du SGS ainsi que les
modalités de contrôle de ses activités n'ont pas encore été arrêtés globalement
dans la législation.
7. Il ne faudrait cependant pas en déduire que le SGS existe et opère dans l'illégalité.
Il s'agit d'un service du cabinet du Premier Ministre et l'assise juridique
de ses activités, dans les domaines qui n'ont pas été énoncés dans la législation,
se trouve dans les décisions de l'exécutif, en vertu des "pouvoirs généraux"
qui sont accordés au Gouvernement conformément à la section 40 de la Loi fondamentale
sur le Gouvernement, et sous réserve des contraintes juridiques pesant sur l'exercice
de ses pouvoirs (voir l'arrêt 5128/94 de la Haute Cour de justice, affaire Federman
c. Ministre de la police, 48(5), P.D. 647, 651 à 654).
8. Depuis quelques décennies, il se dessine une tendance de plus en plus marquée
au niveau international à légiférer sur les activités des divers services secrets,
et plusieurs pays ont promulgué des lois dans ce domaine. Le projet de loi israélien
vise à combler un vide juridique dans tous les domaines liés à la structure,
à l'objet, aux fonctions et aux attributions du SGS, et de surveiller ses activités.
9. Les activités du SGS étant, par définition, classifiées et protégées, l'efficacité
des mécanismes ordinaires de contrôle, de dissuasion et d'arbitrage - tels qu'une
presse libre, le contrôle parlementaire et juridictionnel et l'opinion publique
- qui existent dans une société démocratique pour prévenir l'arbitraire gouvernemental
et les abus de pouvoir, est très limitée. Il est donc particulièrement important
de mettre en place des institutions et des mécanismes efficaces d'observation,
de contrôle et de surveillance des activités du SGS. Divers mécanismes et dispositions
sont prévus dans le projet de loi à cet effet.
10. Dans le cadre du projet de loi, le SGS sera placé sous l'autorité du Gouvernement,
au même titre que les Forces de défense israéliennes, conformément à la Loi
fondamentale sur l'armée. Son chef sera nommé par le Gouvernement sur proposition
du Premier Ministre. L'objet de ses activités devra être approuvé par le Gouvernement,
lequel énoncera diverses directives concernant son fonctionnement, conformément
aux dispositions du projet de loi, qui prévoit également un contrôle parlementaire,
et sous réserve de ces mêmes dispositions.
11. Le Premier Ministre répond du SGS au nom du Gouvernement. A cet effet, le
projet de loi lui confère divers pouvoirs, dont celui de promulguer des règles
et règlements, avec l'accord de la Commission ministérielle chargée des affaires
du Service et de la Commission de la Knesset chargée des affaires du Service,
pour toutes les questions liées à l'application de la loi. Le Premier Ministre
est également celui qui approuve les directives du SGS définies par le chef
de ce service.
12. Au titre du projet de loi, le Gouvernement nomme une commission ministérielle
spéciale chargée des affaires du Service, coiffée par le Premier Ministre, qui
agira au nom du Gouvernement dans les affaires que ce dernier déterminera. Ce
projet contient également des dispositions concernant la composition de la Commission,
celle-ci devant rester restreinte et rationnelle.
13. La Commission aura diverses fonctions liées, en particulier, à la surveillance
et au contrôle des activités du SGS. Elle est habilitée à approuver les règles
et règlements concernant l'application de la loi. Elle peut aussi recevoir des
rapports périodiques du chef du SGS et peut demander que soient établis des
rapports spéciaux.
14. Aux termes du projet de loi, la Sous-Commission des services secrets de
la Commission de la Knesset chargée de la défense et des affaires étrangères
sera établie en tant que Commission de la Knesset chargée des affaires du Service.
Les règles et règlements d'application de cette loi nécessitent l'accord de
cette commission. Celle-ci est habilitée aussi à recevoir du chef du SGS des
rapports périodiques.
15. Ce projet de loi détermine, pour la première fois, les fonctions et les
attributions du SGS. L'objectif de ce service consiste principalement à protéger
la sécurité de l'Etat, de son appareil et de ses institutions, contre la menace
de terrorisme, d'espionnage et d'autres dangers similaires. A cette fin, le
SGS déjoue et prévient les activités illégales visant à compromettre les objectifs
susmentionnés. Il lui est également assigné des tâches dans les domaines de
la protection des personnes, de l'information et des sites, de l'habilitation
et de la classification sécuritaires, de l'organisation des procédures liées
à la sécurité des organes désignés par le Gouvernement, de la collecte et de
la réception de renseignements et des conseils et de l'appréciation des situations
à l'intention du Gouvernement ou des organes qu'il désigne.
16. Pour atteindre ses objectifs et mener à bien ses fonctions, le SGS s'est
vu investir de divers pouvoirs, dont la conduite d'enquêtes, la collecte et
la réception de renseignements, les arrestations et les perquisitions, notamment
aux fins de renseignements.
17. De plus, le Premier Ministre nommera un contrôleur, hors effectifs du SGS,
dont les activités obéiront aux dispositions de la loi sur le contrôle interne,
5752-1992, moyennant quelques légères modifications. Entre autres fonctions,
le Contrôleur aidera le Gouvernement et la Commission ministérielle à accomplir
diverses tâches et peut être chargé, en outre, des enquêtes et des plaintes,
notamment à caractère disciplinaire, dirigées contre le SGS par le public ou
par ses employés eux-mêmes.
18. De surcroît, les activités du SGS continueront d'être suivies par le Contrôleur
de l'Etat, en vertu de la section 9 de la loi [d'ensemble] relative au Contrôleur
de l'Etat, 5718-1958, et par le Service du Ministère de la justice chargé des
enquêtes sur le comportement de la police, en vertu du chapitre 4.2 de l'ordonnance
[révisée], 5731-1971, sur la police; il fera aussi l'objet, bien entendu, d'un
contrôle judiciaire, principalement par la Haute Cour de justice.
19. Ce projet de loi a été adopté par le Gouvernement israélien le 2 février
1998, et la Knesset en a été saisie.
Projet d'amendement à l'ordonnance sur les moyens de preuve
20. Ce projet d'amendement a pour objet, notamment, d'aligner l'ordonnance sur
les moyens de preuve [révisée] sur la Loi fondamentale sur la dignité et la
liberté humaines et sur l'article 15 de la Convention. Il sera donc examiné
au titre de ce dernier article.
Autres mesures intéressant la question de la torture et des autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants
La Commission Kremnitzer
21. Suite à un rapport de 1993 établi par le Contrôleur de la police israélienne,
qui a examiné les réactions systématiques à des actes de violence par les forces
de l'ordre, le Ministre de la police (rebaptisé Ministre de la sécurité intérieure)
a chargé une commission publique, dirigée par l'ancien Doyen de la Faculté de
droit de l'Université hébraïque, M. Mordecai Kremnitzer, de proposer un plan
d'action face à ce problème. La dénommée "Commission Kremnitzer" a
publié en juin 1994 un rapport contenant des recommandations précises visant
à prévenir les actes de violence par les forces de l'ordre et à dissuader ces
dernières d'y recourir. Ces recommandations peuvent se résumer comme suit.
22. Prévention :
a) Améliorer la sélection des candidats au recrutement dans les forces de l'ordre;
b) Faire participer davantage de femmes aux enquêtes et au travail de terrain
afin d'"adoucir" le contact entre la police et les citoyens;
c) Examiner le profil disciplinaire du personnel de police préalablement à toute
promotion;
d) Insister sur la responsabilité qui incombe aux supérieurs hiérarchiques de
transmettre le message éducatif directement à leurs subordonnés, notamment en
ce qui concerne l'égalité de tous et les droits des minorités;
e) Faire des enregistrements vidéo des enquêtes et des opérations sur le terrain.
23. Réaction en cas de violence :
a) Faire la distinction entre les cas de violence grave et le recours à la force
qui ne constitue pas un acte de violence grave; selon une recommandation de
la Commission, les premiers devraient être renvoyés devant un juge de première
instance. Lorsque ces actes sont attribués à un policier et que celui-ci reconnaît
les avoir commis, ou qu'il existe des preuves irréfutables l'accablant, la révocation
de l'intéressé est obligatoire;
b) Tout policier reconnu coupable d'actes de violence grave devrait être révoqué
dans les mêmes conditions;
c) Les cas de recours illicite à la force qui ne constituent pas des actes de
violence grave devraient faire l'objet de mesures disciplinaires de la part
de gradés. La récidive devrait être sanctionnée par la révocation.
24. Suite à la publication du rapport de la Commission Kremnitzer, la police
israélienne a adopté ces recommandations et le Ministre de la police a nommé
une commission de contrôle chargée de suivre leur mise en oeuvre. Cette commission
n'est entrée en fonction, de façon active, que dernièrement, mais la police
israélienne a pris plusieurs mesures devant assurer le suivi des recommandations
de la Commission Kremnitzer, dont une stricte sélection des candidats au recrutement
dans les forces de police, notamment en soumettant ceux-ci à des tests sociométriques
indiquant l'aptitude à la maîtrise de soi et à la relation avec autrui; des
évaluations périodiques du comportement professionnel; des stages de formation
à l'interrogatoire de personnes non soupçonnées de délit ainsi qu'à la prévention
de la violence, au respect des droits de l'homme et au traitement égalitaire
devant la loi (certains de ces stages étaient dirigés par des membres de groupes
indépendants de défense des droits de l'homme); l'octroi d'un prix annuel de
la tolérance à certains commissariats de police; la publication d'un bulletin
d'information sur l'éthique policière; et le lancement d'un projet expérimental
de "police communautaire" dans dix commissariats. En outre, la Section
disciplinaire de la police israélienne a été élargie et constitue désormais
un service à part entière, avec des effectifs renforcés, afin d'améliorer l'efficacité
et la qualité du suivi des plaintes pour motif disciplinaire.
25. La manière dont la police israélienne a donné jusqu'à présent suite aux
recommandations du rapport de la Commission Kremnitzer a été saluée par au moins
un important groupe indépendant de défense des droits civils.
Bureau de la défense du citoyen
26. Un texte de loi portant création d'un bureau national de la défense du citoyen
a été adopté en 1995, essentiellement pour tenter de résoudre les difficultés
qu'éprouvaient les tribunaux à commettre des avocats au pénal expérimentés pour
représenter les indigents soupçonnés d'infractions graves. Il est encore trop
tôt pour apprécier l'efficacité de ce nouveau service financé par l'Etat, mais
on prévoit qu'une protection accrue, par des avocats de la défense hautement
qualifiés, des droits des défendeurs au pénal et des détenus autorisera, entre
autres, une diminution des actes de violence de la part des responsables de
l'application des lois.
Article 4 - Législation pénale
27. En 1994, le Code pénal a été amendé par une révision de sa partie générale,
qui énonce les principes juridiques du droit pénal israélien. A ce titre, on
a révisé les dispositions liées à la tentative, à l'assistance, à l'encouragement
et à l'incitation, questions qui revêtent une importance particulière dans les
cas de violence physique ou psychologique. Les dispositions pertinentes du chapitre
V du Code pénal, intitulé "Infractions connexes", sont reproduites
ci-après. (Version française établie d'après une traduction anglaise non officielle)
"Titre premier : De la tentative
Eléments constitutifs de la tentative
Une personne tente de commettre une infraction si, avec l'intention de commettre
celle-ci, elle accomplit un acte qui ne constitue pas uniquement une préparation,
pour autant que l'infraction n'ait pas été réalisée.
Impossibilité de la commission de l'infraction
Aux fins de la tentative, il est sans conséquence que la commission de l'infraction
ait été impossible en raison de circonstances dont l'auteur de la tentative
n'était pas conscient ou sur lesquelles il s'était mépris.
Sanctions spéciales de la tentative
Si une disposition stipule une sanction obligatoire ou minimale pour une infraction,
celle-ci ne s'applique pas à la tentative de commettre ladite infraction.
Exonération de la responsabilité en cas de contrition
L'auteur d'une tentative d'infraction n'en est pas tenu pour pénalement responsable
s'il prouve que, de son plein gré et par contrition, il en a arrêté la commission
ou a contribué, dans une large mesure, à prévenir les résultats dont dépend
la réalisation de l'infraction; cependant, l'intéressé reste pénalement responsable
de toute autre infraction connexe qui aurait été réalisée.
Titre deuxième : Des Parties à une infraction
L'auteur
a) L'auteur d'une infraction s'entend de la personne qui a commis l'infraction
en association avec une autre personne ou par l'intermédiaire d'une autre personne.
b) Sont coauteurs les participants à la commission d'une infraction qui accomplissent
des actes à cet effet, et il est sans conséquence que ces actes aient été commis
en association avec d'autres ou qu'ils n'aient pas tous été commis par la même
personne.
c) L'auteur d'une infraction par l'intermédiaire d'une autre personne est celui
qui a contribué à la commission de l'acte par d'autres personnes qui ont agi
en tant qu'auxiliaires de l'intéressé, ces autres personnes se trouvant dans
l'une des situations ci-après, au sens du présent Code :
1) Minorité d'âge ou incapacité mentale;
2) Manque de maîtrise;
3) Absence d'intention délictuelle;
4) Méprise sur les circonstances;
5) Coercition ou justification.
d) Aux fins de l'alinéa c), si la commission de l'infraction dépend d'un auteur
en particulier, la personne en question est réputée avoir commis cette infraction
même si cette condition n'est remplie que par l'autre personne.
Incitation
Quiconque entraîne autrui à commettre une infraction par voie de persuasion,
d'encouragement, de demande expresse ou de séduction ou par tout autre moyen
de pression est coupable d'incitation à commettre cette infraction.
Complice
Est complice quiconque, avant l'infraction ou durant son accomplissement, commet
un acte de nature à en rendre l'accomplissement possible, à le favoriser, à
y contribuer ou à le protéger, à prévenir l'arrestation de l'auteur ou à empêcher
que l'infraction ou ses traces ne soient découvertes ou contribue, de toute
autre manière, à créer des conditions propices à l'accomplissement de ladite
infraction.
Peines encourues par le complice
La peine encourue par le complice de l'auteur d'une infraction est égale à la
moitié de la peine prévue par la loi pour sanctionner la commission de l'infraction;
toutefois, si la peine prévue est :
1) la peine capitale ou la prison à vie obligatoire, la peine encourue est alors
de 20 ans de prison;
2) la prison à vie, la peine encourue est alors de dix ans de prison;
3) la peine minimum, la peine encourue est alors d'au moins la moitié de celle-ci;
4) toute peine obligatoire, la peine encourue est alors la peine maximum et
la moitié de celle-ci est la peine minimum.
Tentative d'incitation
La peine encourue par l'auteur de la tentative d'incitation à commettre une
infraction est égale à la moitié de la peine sanctionnant l'infraction elle-même;
toutefois, si la peine prévue est :
1) la peine capitale ou la prison à vie obligatoire, la peine encourue est alors
de 20 ans de prison;
2) la prison à vie, la peine encourue est alors de dix ans de prison;
3) la peine minimum, la peine encourue est alors d'au moins la moitié de celle-ci;
4) toute peine obligatoire, la peine encourue est alors la peine maximum et
la moitié de celle-ci est la peine minimum.
Exonération de la responsabilité en cas de contrition
a) Le complice d'une infraction ou l'auteur d'une incitation à commettre une
infraction est exonéré de la responsabilité pénale pour complicité ou incitation
s'il a empêché la commission de l'infraction ou sa réalisation, s'il en a informé
les autorités à temps afin d'empêcher la commission ou la réalisation de l'infraction
ou s'il a agi à cette fin au mieux de ses capacités de toute autre manière;
cependant, l'intéressé reste pénalement responsable de toute autre infraction
connexe qui aurait été réalisée.
b) Aux fins de la présente section, le terme "autorités" s'entend
de la police israélienne ou de tout autre organe légalement habilité à prévenir
la commission ou la réalisation d'une infraction.
Autre infraction ou infraction supplémentaire
a) Si, lors de la commission d'une infraction, l'auteur a commis une autre infraction
ou une infraction supplémentaire et si, dans ces circonstances, une personne
ordinaire aurait pu être consciente de la possibilité de cet acte :
1) Les coauteurs sont eux aussi tenus responsables de cet acte; cependant, si
l'autre infraction ou l'infraction supplémentaire ont été commises intentionnellement,
les coauteurs ne sont tenus responsables que du délit d'indifférence;
2) Une personne qui a incité à l'accomplissement d'une infraction ou qui en
a été complice en est elle aussi tenue responsable, en tant qu'auteur d'une
infraction par négligence, si une telle infraction existe sur la base des mêmes
faits.
b) Si une instance judiciaire reconnaît un accusé coupable, au titre de l'alinéa
a) 1) ci-dessus, d'une infraction passible d'une peine obligatoire, il lui est
loisible de lui imposer une peine plus légère."
Article 10 - Enseignement et information
La police israélienne
28. La police israélienne et le Service des prisons organisent à l'intention
de leur personnel, à tous les niveaux de la hiérarchie, des programmes de formation
approfondis dans le cadre desquels ces responsables sont sensibilisés à leurs
obligations en matière de respect et d'observation des droits de l'homme, notamment
des droits civils. Cette formation est dispensée à trois grands niveaux : des
cours obligatoires à l'intention de toutes les nouvelles recrues, puis de l'ensemble
du personnel en tant que condition préalable à tout avancement; des séminaires
de formation continue facultatifs sur des questions précises, qui durent généralement
entre plusieurs jours et une semaine; et des stages de recyclage périodiques.
29. Les cours obligatoires à l'intention du personnel des forces de police israéliennes
sont dispensés dans l'Académie nationale de police à Shfar'am ou à l'Académie
des officiers de police, près de Netanya. Les policiers sont tous tenus de suivre
un stage de formation élémentaire de deux mois, d'une durée totale de 47 heures,
dans les domaines suivants : déontologie, prestation de service au citoyen,
pouvoirs de la police, recours à la force, abus de pouvoir et violations disciplinaires.
30. Les sergents, capitaines et officiers de police consacrent eux aussi 42
à 80 heures aux questions ci-dessus, ainsi que dans les domaines suivants :
relations humaines, solution des conflits, enquêtes sur le comportement des
policiers, médias et démocratie, plaintes des citoyens, violence familiale,
traitement des jeunes délinquants, droits juridiques et pratiques découlant
du droit à la dignité humaine et sensibilisation aux droits de l'homme. En outre,
la formation continue sur des questions précises telles que les méthodes d'enquête,
les arrestations et perquisitions, etc., comportent un volet concret sur le
respect des droits de l'homme.
Le Service général de sécurité
31. Le SGS organise, à tous les niveaux de commandement et de service, des stages
et des séminaires destinés à instiller, chez les employés, les principes et
les normes de la dignité humaine et des droits fondamentaux, au niveau élémentaire
et tout au long de la carrière. La formation des personnes chargées des interrogatoires
et de leurs supérieurs bénéficie d'une attention particulière, et on insiste
sur la nécessité de respecter la loi et de faire en sorte que le SGS préserve
l'équilibre des intérêts qu'exigent la loi et la jurisprudence.
Article 11 - Surveillance des pratiques d'interrogatoire et
du traitement des personnes détenues ou emprisonnées
Surveillance des pratiques d'interrogatoire
32. Comme on l'a expliqué au titre de l'article 2, le Gouvernement israélien
reconnaît qu'il importe de mettre en place des systèmes de surveillance des
pratiques d'interrogatoire afin de veiller à ce que les enquêteurs du SGS ne
violent pas les directives en la matière.
Le Bureau du Contrôleur de l'Etat
33. En 1995, le Bureau du Contrôleur de l'Etat a achevé l'examen des activités
du Groupe d'enquête du SGS durant les années 1990-1992. Dans ses conclusions,
qui ont été présentées à une sous-commission spéciale de la Commission de la
Knesset chargée des affaires du Contrôleur de l'Etat, le Contrôleur a relevé
plusieurs cas de déviation par rapport aux directives de la Commission Landau
et recommandé des mesures de conformité. Ses constatations elles-mêmes n'ont
pas encore été rendues publiques.
Contrôle ministériel
34. Conformément aux recommandations de la Commission Landau, une Commission
ministérielle spéciale coiffée par le Premier Ministre a été créée en 1988 pour
examiner périodiquement les directives du SGS relatives aux interrogatoires.
35. En avril 1993, la Commission ministérielle a déterminé qu'il fallait apporter
plusieurs modifications à ces directives. Selon les recommandations de la Commission,
il a été publié, à l'intention des enquêteurs du SGS, de nouvelles directives
qui énoncent clairement la nécessité de préciser dans chaque cas, selon les
circonstances, l'utilité et le bien-fondé du recours à des pressions limitées
par les enquêteurs. On y souligne que l'application de méthodes exceptionnelles
ne convient qu'aux situations dans lesquelles des renseignements vitaux sont
dissimulés, et non pas pour humilier ou maltraiter les personnes interrogées.
L'enquêteur y est tenu d'examiner si les moyens de pression dont l'utilisation
est envisagée sont proportionnels au degré de danger prévisible de l'activité
faisant l'objet de l'enquête. Des membres du personnel du SGS de rang élevé
doivent approuver par écrit le recours à des mesures censées constituer des
pressions physiques modérées, là encore au cas par cas, compte tenu des critères
ci-dessus. En tout état de cause, il est expressément interdit de blesser ou
de torturer des suspects, de refuser de les nourrir ou de leur donner à boire,
de ne pas les autoriser à aller aux toilettes ou de les soumettre à des températures
extrêmes pendant des périodes prolongées.
36. Depuis cette date, ces directives ont été réexaminées de temps à autre par
la Commission ministérielle compte tenu des conclusions tirées de l'expérience.
La Commission ministérielle suit également, en temps réel, le cas particulier
des personnes interrogées qui sont connues comme étant des membres actifs de
branches militaires de groupes terroristes et dont il existe des motifs de croire
qu'elles ont connaissance de futures attaques terroristes au stade de la préparation
ou de l'exécution.
Contrôle judiciaire
37. Toutes les plaintes pour mauvais traitements durant des interrogatoires
peuvent être portées directement devant la Cour suprême siégeant en Haute Cour
de justice. Toute partie - non seulement les détenus eux-mêmes ou leur famille
mais aussi, en vertu des règles de procédure extrêmement souples qu'énonce la
loi israélienne, pratiquement toute personne ou groupe qui revendique un intérêt
dans les questions légales ou humanitaires en cause - qui estime avoir été lésée
peut présenter une requête à la Haute Cour de justice, laquelle l'examine dans
les 48 heures. Ces dernières années, la Cour a été saisie de plusieurs requêtes
sollicitant une injonction d'interdire au SGS de recourir à la force, quel qu'en
soit le moyen, ou à des méthodes particulières de pression durant l'interrogatoire.
La Cour examine dans quelle mesure chacun de ces cas est conforme aux directives
détaillées et souvent, avec l'accord du requérant ou de ses avocats, entend
des dépositions sensibles in camera afin de déterminer si l'importance du danger
prévisible ou imminent et les raisons de croire que le suspect détient réellement
des renseignements vitaux, essentiels à la prévention de ce danger, sont suffisamment
établies pour justifier le recours aux méthodes particulières d'interrogatoire
dénoncées. On résumera brièvement ci-après deux cas récents de ce type d'affaire.
38. Raaji Mahmad Saba (HCJ 5304/97) a été arrêté par les services de sécurité
le 27 août 1997 au motif qu'il était membre de la branche armée du Hamas, l'organisation
terroriste islamique qui a été responsable de plusieurs attaques terroristes,
dont des attentats-suicides à la bombe contre des civils israéliens ces dernières
années.
39. Le 14 septembre, M. Saba a saisi, par l'intermédiaire de son propre avocat,
la Cour suprême d'une requête par laquelle il prétendait avoir été soumis à
la torture durant son interrogatoire. Le même jour, la Cour suprême, étant donné
la gravité de cette accusation, a pris une ordonnance interlocutoire enjoignant
au Procureur général de réagir immédiatement à ces allégations. Le 15 septembre,
lors d'une audience de nuit, le conseil du Procureur général a répondu qu'aucune
méthode d'interrogatoire physique ne devait être employée contre le requérant
à ce stade. De ce fait, la Cour suprême a rejeté la requête, mais a ordonné
au Procureur général de surveiller personnellement l'interrogatoire afin de
veiller à ce qu'aucun moyen illégal ne soit appliqué.
40. De plus, M. Saba a saisi à deux reprises la Cour suprême d'une requête dénonçant
la décision lui interdisant de rencontrer son avocat. Après avoir entendu l'avocat
du SGS et reçu des renseignements qui lui avaient été présentés avec l'assentiment
du requérant, la Cour suprême a décidé que la mesure se justifiait pour des
raisons de sécurité et dans l'intérêt de l'enquête. L'interdiction de rencontrer
son avocat a été ultérieurement levée. Trois semaines plus tard, la Cour suprême
était saisie d'une nouvelle requête de M. Saba (par l'intermédiaire de son conseil),
qui se plaignait de se voir refuser une fois de plus le droit de rencontrer
son avocat. Le même jour, la Cour recevait aussi une note de l'avocat représentant
le SGS affirmant que l'interdiction serait levée la nuit même. Compte tenu de
cette note, le conseil de M. Saba a retiré la requête. L'interdiction a été
de fait levée dans la nuit. Le 18 octobre, l'interrogatoire de M. Saba a cessé
et, depuis, l'intéressé se trouve en détention administrative. Il doit être
libéré en avril 1998.
41. Un certain nombre de points de l'affaire de M. Saba méritent d'être soulignés.
Premièrement, M. Saba n'a à aucun moment démenti les accusations portées contre
lui, à savoir qu'il était membre de la branche militaire du Hamas, et qu'il
avait été lui-même impliqué dans l'organisation d'attentats terroristes. En
outre, alors que le SGS a reconnu que l'interrogatoire de l'intéressé était
nécessaire - celui-ci étant en possession de renseignements essentiels à l'enquête
- pour empêcher des attentats terroristes imminents, les moyens utilisés étaient
destinés à éviter de lui faire du tort, aux plans tant physique que mental,
fait qui a été vérifié à l'occasion de plusieurs examens médicaux pratiqués
sur M. Saba. Enfin, on notera que M. Saba a pu saisir l'autorité judiciaire
la plus élevée du pays laquelle, en raison de la gravité de ses allégations,
a examiné sans tarder chacune de ses requêtes.
42. Il convient de souligner que la Cour suprême s'est réunie, à ce jour, à
trois reprises, pour entendre ses requêtes et qu'elle a même enjoint au Procureur
général (pour veiller à ce que le respect des droits fondamentaux de M. Saba
ne fasse aucun doute) de surveiller personnellement le déroulement de l'interrogatoire
de M. Saba.
43. La deuxième affaire qui mérite d'être citée est celle de Abd al-Rahman Ismail
Ghanimat. M. Ghanimat est accusé d'être à la tête de la cellule terroriste de
Surif, responsable de la tuerie de dizaines de civils et soldats israéliens.
Il a reconnu lors de l'enquête être membre de cette cellule et avoir participé
aux opérations terroristes qui lui sont attribuées. Ces actions consistaient
notamment à tirer sur des véhicules conduits par des Israéliens entre novembre
1995 et juillet 1996. On citera à cet égard l'attaque du 9 décembre 1995, dans
laquelle Jonathan Moschitz (44 ans) et sa fille de 10 ans Lior ont été blessés;
celle du 16 janvier 1996, au cours de laquelle Oz Tivon, médecin de 28 ans,
et Yaniv Shimel, son passager âgé de 21 ans, ont trouvé la mort; celle du 9
juin 1996, au cours de laquelle les époux Yaron (26 ans) et Efrat Unger (26
ans) ont été tués; et celle du 26 juillet 1996, au cours de laquelle Uri Monk
(53 ans) a trouvé la mort avec son fils de 30 ans, Ze'ev et sa fille de 25 ans,
Rachel. M. Ghanimat était personnellement impliqué dans chacun de ces incidents.
44. Après les tueries de juillet, la cellule, ayant changé sa façon de procéder,
a décidé d'enlever et d'assassiner des soldats. Le 9 septembre 1996, des membres
de la cellule ont enlevé un soldat de 20 ans, Sharon Edri, pour l'assassiner
quelques minutes plus tard. La cellule a tenté de nouveaux enlèvements, mais
sans succès.
45. Le 21 mars 1997, des membres de la cellule ont attaqué à la bombe le café
Apropos, à Tel Aviv, tuant trois femmes, Anat Winter-Rosen (31 ans), Yael Gil'ad
(32 ans) et Michal Midan Avrahami (31 ans), et blessant 30 civils.
46. Il convient de noter que le fait d'avoir démasqué la cellule terroriste
de Surif à la suite de l'attaque à la bombe du quartier d'Apropos, et l'interrogatoire
de divers membres de ce groupe, ont permis de découvrir, dans le village de
Surif, un important engin explosif identique à celui qui avait explosé dans
le café et qui, selon l'enquête menée auprès des membres de la cellule, était
destiné à un autre attentat du même type. De plus, le corps de Sharon Edri,
porté disparu depuis son enlèvement, six mois auparavant, a pu être localisé
à la suite de l'interrogatoire des membres de cette cellule.
47. Suite à l'arrestation de M. Ghanimat et aux aveux qu'il a faits par la suite,
les enquêteurs étaient raisonnablement fondés à le soupçonner de détenir les
renseignements supplémentaires qui auraient aidé à empêcher des attentats terroristes
imminents. Il est donc clair que les méthodes d'interrogatoire utilisées à son
encontre étaient nécessaires pour obtenir aussi rapidement que possible des
renseignements essentiels à la découverte d'actions terroristes qui se seraient
soldées par de nouvelles pertes de civils.
48. En ce qui concerne l'allégation de M. Ghanimat selon laquelle il n'a pas
été autorisé à dormir et a été forcé de se tenir assis des heures durant, la
tête couverte d'une cagoule épaisse, l'avocat de l'Etat a répliqué qu'en raison
de l'urgence de l'enquête et du fait que, de l'avis du SGS, M. Ghanimat était
en possession de renseignements vitaux pour la prévention de nouvelles attaques
terroristes, l'interrogatoire devait être intensif et M. Ghanimat n'avait en
fait pas été autorisé à dormir chaque fois qu'il le souhaitait. Néanmoins, il
pouvait le faire chaque fois que les impératifs de l'enquête le permettaient.
Par ailleurs, la tête de M. Ghanimat n'était recouverte d'une cagoule que lorsqu'il
était en présence d'autres suspects, et ce à seule fin de les empêcher de communiquer
entre eux.
49. Compte tenu de ce qui précède, il ne devrait faire aucun doute que des dispositions
devaient être prises d'urgence pour empêcher de nouveaux attentats terroristes.
En tout état de cause, les mesures prises pourraient difficilement être considérées,
en toute objectivité, comme des formes de torture.
50. A la fin du mois de janvier, au terme de l'enquête, il a été dressé à l'encontre
de M. Ghanimat un acte d'accusation sur plusieurs chefs, dont tous les incidents
énumérés plus haut. Une demande de mise en liberté a été entendue le 8 février
et la prochaine audition est prévue à la mi-mars, M. Ghanimat étant représenté
par un avocat de son choix.
51. Dans plusieurs autres affaires, la Cour a pris des ordonnances interlocutoires
interdisant au SGS de recourir, lors des interrogatoires, à des moyens de pression
physique, dispositions qui sont restées en vigueur tout au long de l'enquête
(voir, par exemple, HCJ 2210/96, Algazal c. Service général de sécurité, non
encore publié). La Cour n'a pas fait droit à une autre requête contestant la
légalité des directives d'interrogatoire du SGS alors en vigueur et demandant
que la partie confidentielle du rapport de la Commission Landau soit publiée
au motif, notamment, de l'absence de lien entre celle-ci et l'application de
ces directives en l'espèce (HCJ 2581/91, Salkhat et al. c. Etat d'Israël et
al., 47(4)P.D. 837).
Traitement des personnes détenues ou emprisonnées
52. Le droit fondamental des détenus et des prisonniers à des conditions de
vie propres à leur garantir un minimum de dignité humaine a été reconnu et son
respect imposé dans une longue série d'arrêts de la Cour suprême d'Israël. Dans
l'affaire Yusef c. Directeur de la prison centrale, par exemple, la Cour a estimé
que "de par sa nature même, la vie en prison exige un empiétement sur les
libertés dont jouissent les personnes libres, mais ces empiétements doivent
découler de la nature et des nécessités de l'emprisonnement et ne pas les excéder
... Les objectifs de la peine pénale ne doivent pas passer par la violation
de la dignité ou de l'humanité du prisonnier ... Toute personne condamnée en
Israël à une peine de prison (ou détenue légalement) est en droit d'être incarcérée
dans des conditions qui autorisent une vie civilisée ... Seules les 'raisons
les plus graves', telles que des mesures de sécurité spéciales indispensables,
peuvent justifier une quelconque déviation par rapport à ce principe fondamental"
(HCJ 540-546/84, 40(1)P.D. 567, 573, voir aussi HCJ 114/86, Weill c. Etat d'Israël
et al., 41(3)P.D. 477 (les dispositions civilisées minimales englobent le droit
aux visites conjugales)).
53. La plupart des conditions élémentaires qui sont accordées de plein droit
aux prisonniers et aux détenus ainsi que les limites imposées aux mesures qui
peuvent porter atteinte à leur liberté ou à leur dignité et les procédures visant
à statuer sur les plaintes des prisonniers, sont prévues dans la législation,
principalement dans l'Ordonnance sur les prisons [révisée], 5732-1971, ainsi
que dans les règlements d'application. Il a été accordé à d'autres privilèges
ou services - tels que la présence, dans l'établissement pénitentiaire, d'un
travailleur social chargé d'examiner les problèmes de certains prisonniers (Yusef
c. Directeur de la prison centrale, supra) -le statut de droit légal en vertu
d'arrêts de la Cour suprême. D'autres privilèges encore, tels que l'utilisation
de la télévision ou du téléphone, les visites au-delà du minimum prévu par la
loi, l'achat d'articles dans la cantine de la prison ou la réception de journaux
et de livres, sont laissés à la discrétion du directeur de la prison; dans la
pratique, ces derniers privilèges sont régulièrement accordés.
Isolement et emprisonnement cellulaire
54. En vertu de l'alinéa a) de la section 21 du Règlement pénitentiaire 5738-1978,
un haut responsable de prison peut ordonner qu'un prisonnier soit enfermé à
l'écart du reste de la population carcérale s'il est convaincu de la nécessité
d'une telle mesure pour des raisons liées à la sécurité de l'Etat, au maintien
de la sécurité, de l'ordre et de la discipline dans la prison ou à la protection
de la sécurité ou de la santé de l'intéressé ou des autres prisonniers, ou à
la demande expresse de l'intéressé. Ce type de réclusion séparée constitue une
mesure préventive et non punitive et doit être distingué de l'emprisonnement
cellulaire, qui est examiné plus loin.
55. Les prisonniers isolés jouissent de tous les droits et privilèges des prisonniers
ordinaires, si ce n'est qu'ils vivent dans des conditions qui découlent de l'isolement
lui-même. Ils sont cantonnés dans leur cellule pendant la journée sauf pour
la promenade quotidienne, les visites familiales, les soins médicaux ou les
visites du conseil légal, du responsable des libérations conditionnelles, du
travailleur social, etc. Hors de leur cellule, ils sont toujours accompagnés
par un gardien. Les prisonniers condamnés pour délit qui vivent en régime d'isolement
depuis plus de trois mois peuvent se voir accorder des privilèges supplémentaires
et la possibilité de disposer de plus d'effets personnels (consignes du commissaire
des prisons, quatorzième partie). La durée de l'isolement est de 48 heures lorsque
celui-ci est ordonné par un haut responsable pénitentiaire, mais elle peut être
prolongée par tranches successives jusqu'à atteindre au total 14 jours, avec
l'accord du directeur de la prison. Par la suite, cette mesure ne peut être
prorogée que par ordre du directeur de la prison, avec l'accord du commissaire
des prisons, pour autant que les motifs justifiant l'isolement soient réexaminés
périodiquement (entre 48 heures et deux mois selon l'affaire en question), ou
à des intervalles plus rapprochés si le prisonnier demande son isolement. Tout
prisonnier placé en régime d'isolement pendant une période supérieure à huit
mois peut former un recours auprès du commissaire des prisons, qui décide si
l'isolement doit se poursuivre ou cesser. Certaines catégories de prisonniers
ou de détenus tels que les toxicomanes notoires, les personnes placées en détention
administrative ou celles qui sont soupçonnées ou reconnues coupables d'infractions
liées à la sécurité, sont isolées, en application de la loi ou par principe,
du reste de la population carcérale.
56. En revanche, l'emprisonnement cellulaire est l'une des nombreuses mesures
punitives qui peuvent être imposées à un prisonnier pour violation du Code de
conduite en milieu carcéral (sect. 56 de l'ordonnance sur les prisons). L'emprisonnement
cellulaire ne peut être imposé que par le directeur de la prison ou son adjoint.
Comme toutes les mesures punitives, la décision de placer un prisonnier en régime
d'emprisonnement cellulaire ne peut être prise qu'à la suite d'une enquête et
d'une audition au cours de laquelle le prisonnier entend les chefs d'inculpation
pesant sur lui, prend connaissance des preuves retenues contre lui et peut se
défendre convenablement (sect. 60 de l'ordonnance sur les prisons). La durée
maximale de l'emprisonnement cellulaire est de 14 jours, mais le prisonnier
ne peut y être astreint pendant plus de 7 jours consécutifs, au terme desquels
il lui est accordé une interruption d'au moins 7 jours.
57. Il peut être fait appel directement de toutes les décisions concernant l'isolement
ou l'emprisonnement cellulaire devant le tribunal de district approprié et la
décision de ce dernier peut être contestée devant la Cour suprême.
Contacts avec le monde extérieur
58. Dès l'arrestation de tout individu, notification doit être faite à un parent
ou à un autre proche du détenu du fait et du lieu de la détention.
59. Les personnes incarcérées ont, en matière de contact avec le monde extérieur,
d'autres droits qui varient selon le type de détention. Ceux-ci sont examinés
ci-après.
Droits de visite
60. Les prisonniers qui ont été reconnus coupables et condamnés pour un délit
ont le droit de recevoir des visiteurs, en sus du conseil légal, au moins une
fois tous les deux mois, à partir du quatrième mois de détention; ces droits
peuvent être accrus pour bonne conduite (sect. 47 b) de l'ordonnance sur les
prisons). Les personnes qui ont été formellement inculpées d'un délit ont le
droit de recevoir des visiteurs au moins une fois par mois (art. 27A b) du Règlement
pénitentiaire) et doivent bénéficier de "toute possibilité raisonnable"
d'entretenir des contacts avec leurs amis et avec leur conseil légal (sect.
45 de l'ordonnance sur les prisons). Les personnes placées en détention provisoire
ne sont pas autorisées à recevoir de visiteurs, si ce n'est sur autorisation
du policier chargé de l'enquête.
61. Les personnes placées en détention administrative ont le droit de recevoir
des visites de leurs proches toutes les deux semaines. Les visites plus fréquentes,
ainsi que les visites par des personnes autres que les proches ou le conseil
légal, sont laissées à l'appréciation du directeur de la prison. Trois visiteurs
au maximum sont autorisés à la fois, en plus du conjoint et des enfants du détenu,
sauf autorisation contraire du directeur. Les droits de visite des personnes
placées en détention administrative ne peuvent être restreints que pour des
motifs liés à la sécurité de l'Etat. S'ils sont suspendus pendant plus de deux
mois, le détenu est habilité à former un recours devant le Ministre de la défense.
Toutes les restrictions frappant les droits de visite de ces détenus doivent
être réexaminées au moins une fois tous les deux mois, ou plus souvent si le
détenu le demande (art. 11 du Règlement sur les pouvoirs exceptionnels (Détention)
(Conditions de l'internement en détention administrative), 5741-1981). Comme
pour toutes les décisions touchant le détenu ou la personne emprisonnée, les
restrictions aux droits de visite peuvent être contestées devant le tribunal
de district puis, si nécessaire, devant la Cour suprême.
Correspondance
62. Les prisonniers qui ont été reconnus coupables et condamnés peuvent envoyer
une première lettre à leur entrée en prison puis écrire et recevoir librement
du courrier après une période de trois mois. Les détenus qui n'ont pas été officiellement
inculpés ont le droit d'entretenir une correspondance sur autorisation du responsable
de l'enquête pénale ou par décision judiciaire. Du papier est fourni à tous
les détenus et prisonniers qui ont le droit d'entretenir une correspondance,
et leur courrier peut être exempté de timbrage si le directeur de la prison
estime que la situation financière de l'intéressé le justifie (art. 32 du Règlement
pénitentiaire).
63. Les personnes placées en détention administrative ont le droit de recevoir
du courrier et peuvent normalement envoyer quatre lettres et quatre cartes postales
par mois, sans compter la correspondance avec le conseil légal ou les autorités
officielles (art. 14 du Règlement sur les pouvoirs exceptionnels (Détention)
(Conditions de l'internement en détention administrative), 5741-1981), ou plus
si le directeur de la prison l'autorise. Le droit de ces détenus de recevoir
et d'envoyer du courrier peut être limité par le directeur si celui-ci est convaincu
qu'une telle mesure est nécessaire pour des raisons liées à la sécurité de l'Etat;
en pareille circonstance, le directeur n'a pas à aviser le détenu du non-acheminement
d'une lettre dont il est le destinataire ou l'expéditeur, sauf dans le cas des
lettres à destination ou en provenance de membres de sa famille (id.)
Téléphone
64. Jusqu'à une date récente, la loi n'accordait pas aux prisonniers et détenus
le droit de téléphoner, mais dans la pratique, cette faculté leur était normalement
acquise. La loi relative à la procédure pénale (Pouvoirs d'exécution - Arrestation
et Détention), 5756-1996, qui a été promulguée récemment, reconnaît expressément
aux détenus le droit de téléphoner. En vertu tant de la loi en vigueur que du
régime antérieur, les détenus qui n'ont pas été formellement inculpés ont accès
au téléphone si le responsable de l'enquête pénale estime que cette faculté
n'entravera pas l'enquête en cours.
Permissions de sortie
65. Il n'est pas accordé de permission de sortie aux détenus qui n'ont pas encore
été inculpés et condamnés, si ce n'est par décision judiciaire ou sur autorisation
spéciale accordée en cas de circonstances atténuantes. Si ce droit ne leur est
pas reconnu dans la législation votée au Parlement, il leur est accordé en application
des dispositions de l'instruction 12.05.01 de la Commission des prisons en date
du 1er décembre 1992, qui a force de loi (sect. 80C a) de l'ordonnance sur les
prisons). A cet effet, dans les 30 jours de leur incarcération, ces prisonniers
sont classés en trois catégories : ceux qui ne peuvent bénéficier de permission
que sur autorisation du Ministre de la sécurité intérieure, soit parce que,
hors de prison, ils risquent de présenter un danger pour la sécurité et l'ordre
publics, soit parce qu'ils font l'objet d'un mandat d'arrêt en suspens, et ceux
qui sont détenus en vertu d'un arrêté d'extradition ou de déportation; ceux
à qui il peut être accordé des permissions aux conditions fixées par la police
israélienne; et ceux qui peuvent bénéficier de permissions sans condition. En
règle générale, les prisonniers ont droit à permission après avoir purgé un
quart de leur peine, ou après trois ans de prison, selon l'échéance la plus
rapprochée. Les prisonniers condamnés à la prison à perpétuité ne peuvent se
voir accorder de permission qu'une fois que la durée de leur peine a été commuée
en une période déterminée par le Président de l'Etat.
66. Les permissions durent entre 36 et 96 heures et leur fréquence varie entre
une fois tous les trois mois et une fois par semaine (du vendredi après-midi
au dimanche matin), selon le type d'infraction que le prisonnier a commise,
son comportement en prison, le programme de réinsertion auquel il participe
et d'autres considérations. Les permissions peuvent être rapprochées pour permettre
aux prisonniers de célébrer les fêtes religieuses hors de prison, ou encore
pour des raisons familiales ou médicales.
67. En outre, des permissions peuvent être accordées même si le prisonnier n'a
pas purgé le minimum de sa peine, comme indiqué plus haut, ou si l'intervalle
prévu entre les permissions ne s'est pas écoulé, et ce dans des circonstances
spéciales telles que naissance, mariage ou décès dans la famille, services religieux
du souvenir, examen d'orientation professionnelle, préparation à un programme
de réinsertion ou raisons médicales.
68. Les personnes emprisonnées en vertu d'une procédure civile peuvent bénéficier
d'une permission de 48 heures au terme du quart de la durée de leur peine ou
après en avoir purgé trois mois, selon l'échéance la plus rapprochée, puis d'une
permission de 48 heures tous les trois mois. Si la peine est de quatre mois
ou moins, la permission peut être accordée après deux mois d'emprisonnement.
Visites conjugales
69. Au terme des consignes en vigueur, les visites conjugales ne sont autorisées
que pour les prisonniers condamnés au pénal qui purgent une peine de longue
durée et sont exclus du bénéfice des permissions de sortie. Le Service des prisons
et le Ministère de la sécurité intérieure étudient actuellement la possibilité
d'étendre ce privilège à toutes les personnes incarcérées pour délit qui n'ont
pas droit aux permissions de sortie.
Articles 12 et 13 - Procédures de plainte et procédures
disciplinaires et pénales
70. Les actes des responsables de l'application des lois sont contrôlés et sanctionnés
par plusieurs institutions légales dont les activités se recoupent. En général,
chaque branche de la force publique est justiciable de procédures disciplinaires
qui peuvent être engagées par la personne qui prétend avoir été victime de violations,
par d'autres entités ou par les autorités de la force publique elles-mêmes;
tous les agents de la fonction publique répondent de leurs actes au regard du
droit pénal et les détenus et prisonniers peuvent saisir directement les tribunaux
pour obtenir réparation de l'action ou de la décision en question.
La police israélienne
71. La procédure disciplinaire est engagée par le dépôt d'une plainte auprès
du département disciplinaire de la Division du personnel, au siège central,
ou dans l'un de ses nombreux bureaux régionaux. La police peut engager une procédure
disciplinaire lorsqu'elle a connaissance de violations par d'autres sources
(par exemple des dépositions de témoins lors d'interrogatoires ou des renseignements
communiqués par des policiers). En outre, le Département des enquêtes sur le
personnel de police (DIPP) du Ministère de la justice, qui est chargé de la
plupart des enquêtes pénales mettant en cause des policiers, communique les
dossiers au Département disciplinaire de la police lorsque les mesures faisant
l'objet de la plainte ne constituent pas un délit à proprement parler mais donnent
lieu à de sérieuses présomptions de violation, et aussi lorsqu'une procédure
pénale est engagée à l'encontre d'un policier dont les interventions risquent
de lui valoir, parallèlement, des sanctions disciplinaires.
72. Si, lors de l'enquête, le Département disciplinaire constate des preuves
suffisantes d'une infraction, l'affaire est renvoyée devant un tribunal disciplinaire
composé d'un ou trois juges, selon la gravité de la violation (voir le Statut
de la police (Procédure disciplinaire), 5749-1989; le Statut de la police (Définition
des fautes disciplinaires), 5715-1955; et l'ordonnance sur la police (révisée),
5731-1971, chap. 5).
73. En sus des sanctions disciplinaires qui peuvent être imposées par un tribunal
ou un simple juge, la police est tenue d'envisager des sanctions administratives
à l'encontre du policier qui viole la loi ou contrevient aux consignes internes.
Les sanctions administratives - révocation, mise à pied, mutation à un autre
poste ou département, rétrogradation, promotion différée ou mise à l'essai -
peuvent intervenir à tout moment durant la procédure disciplinaire ou pénale
ou après celle-ci.
74. Le Département des enquêtes sur le personnel de police (DIPP), section spéciale
du Ministère de la justice créée en 1992, est chargé d'enquêter sur les allégations
de comportement délictueux de la part des policiers de façon générale. Des enquêtes
judiciaires sur le comportement des policiers peuvent être ouvertes à la suite
d'une plainte déposée auprès du DIPP par la victime ou son représentant, par
le DIPP lui-même suite à des renseignements communiqués par des groupes indépendants
de défense des droits de l'homme ou par des entités relevant de la police israélienne.
Le conseiller juridique du DIPP procède à un examen préliminaire au terme duquel
il décide soit d'ouvrir une enquête, soit de classer l'affaire si les actes
incriminés ne constituent pas un délit (dans ce dernier cas, l'affaire peut
être renvoyée à la police pour qu'elle prenne les mesures disciplinaires qui
s'imposent). Au cours de l'enquête, le DIPP entend le plaignant, le suspect
et les autres témoins et recueille tout autre élément de preuve intéressant
l'affaire. Si l'enquête révèle l'existence de preuves suffisantes d'un délit,
l'affaire est renvoyée devant le Procureur de district de la région où le délit
a été commis ou, dans le cas d'un recours illicite à la force, au Procureur
d'Etat, la décision finale quant à l'incrimination du policier étant prise à
ce stade. Les directives actuelles veulent que toutes les poursuites pénales
engagées contre des policiers soient menées par le Procureur de district. Il
est également loisible au DIPP de décider de soumettre le policier à une procédure
disciplinaire pour recours illicite à la force, plutôt qu'à des poursuites pénales.
75. On trouvera aux tableaux ci-après des statistiques de la police israélienne
et du DIPP concernant le traitement des plaintes disciplinaires et pénales,
respectivement.
Recours illicite à la force par des policiers
Nombre de plaintes et résultats de l'enquête
|
1993 |
1994 |
1995 |
1996 a / |
|
119 |
95 |
97 |
70 |
|
524 |
611 |
554 |
384 |
|
25 |
35 |
187 |
100 |
|
17 |
37 |
59 |
64 |
|
103 |
99 |
109 |
81 |
|
110 |
122 |
233 |
106 |
|
44 |
34 |
26 |
35 |
|
1 |
1 |
4 |
2 |
|
101 |
120 |
161 |
113 |
|
93 |
71 |
43 |
28 |
|
103 |
40 |
47 |
54 |
|
283 |
286 |
334 |
70 |
|
2 |
6 |
4 |
2 |
|
1 |
1 |
1 |
1 |
|
4 |
5 |
4 |
13 |
|
18 |
31 |
16 |
21 |
|
1 |
7 |
32 |
3 |
|
1 |
1 |
12 |
|
|
|
|
1 |
32 |
|
1 960 |
1 861 |
2 155 |
1 301 |
|
280 |
208 |
184 |
104 |
|
52 |
40 |
53 |
20 |
|
1 979 |
1 876 |
2 001 |
1 428 |
|
1994 |
1995 |
|
252 |
251 |
|
217 |
49 |
|
||
|
301 |
215 |
|
217 |
51 |
|
||
|
41
(64) |
50
(92) |
|
168
(246) |
127
(180) |
|
79
(93) |
47
(55) |
|
307
(388) |
366
(459) |
76. Entre 1992 et juillet 1996, le DIPP a enquêté sur 211 cas d'utilisation
d'armes à feu et 25 cas de recours à la force ou à la menace pour extorquer
des aveux. En 1993, sur les 15 policiers qui ont été jugés au pénal pour participation
à des infractions équivalant à des voies de fait, 12 ont été reconnus coupables
et 3 ont été acquittés. En 1994, 10 policiers ont été reconnus coupables de
telles infractions lors d'une action au pénal. Dans un cas qui mérite d'être
signalé, cinq enquêteurs de police de la Division des minorités de la région
de Jérusalem ont été condamnés en juillet 1995 pour recours illicite à la force
lors de l'interrogatoire de suspects (Cr.F. 576/91, Tribunal de district de
Jérusalem). En septembre 1995, les intéressés ont été condamnés à diverses peines
de prison. L'affaire est actuellement en appel devant la Cour suprême.
77. En 1994, 22 policiers ont été révoqués, deux d'entre eux pour participation
à des brutalités (contre 18 révocations pour le même motif en 1993); 13 autres
ont été révoqués pour "inaptitude", dont ceux qui étaient impliqués
dans des incidents répétés de recours illicite à la force (en 1993, la police
ayant pris des mesures particulières pour éliminer les employés les plus problématiques,
30 policiers ont été révoqués pour inaptitude). En 1995, 29 policiers ont été
ainsi révoqués, et aucun n'a fait l'objet d'une telle mesure pour brutalités
en 1995.
78. Un policier a été mis à pied en 1994 (sur un total de 20 mises à pied la
même année) et huit en 1995 pour participation à des brutalités; en 1993, aucune
mise à pied n'a été prononcée pour ce motif.
79. Outre les procédures pénales et disciplinaires ordinaires décrites plus
haut, les personnes détenues dans les cellules de garde à vue ont le droit d'introduire
une action en habeas corpus contre tout traitement illicite, y compris la torture
et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, de la part
de policiers.
Le Service des prisons
80. Les procédures actuelles d'enquête disciplinaire ou pénale concernant le
personnel du Service des prisons sont différentes de celles qui sont suivies
à l'égard des policiers. Tout prisonnier ou détenu placé sous la responsabilité
du Service des prisons peut adresser au directeur de la prison une plainte pour
mauvais traitements ou mauvaises conditions de détention. En cas de recours
à la force, une commission spéciale du Service des prisons enquête sur la plainte
et transmet le dossier au Procureur général, qui décide s'il y a lieu d'engager
une procédure disciplinaire ou pénale. Les cas disciplinaires sont jugés par
un tribunal du Service des prisons, dont la structure et les procédures sont
analogues à celles de la police israélienne (voir l'ordonnance sur les prisons,
sect. 101 et suiv., et la deuxième annexe définissant les infractions disciplinaires;
et le Statut des prisons (Procédures disciplinaires), 5749-1989), tandis que
les dossiers des affaires pénales sont transmis tout d'abord à la police israélienne,
qui mène l'enquête à bonne fin, puis au Procureur de district compétent, qui
dresse l'acte d'accusation.
Le Service de sécurité générale
81. Les plaintes des personnes détenues par le Service de sécurité générale
concernant leur traitement lors des interrogatoires peuvent être déposées par
le détenu lui-même, par son représentant ou par des organisations locales ou
internationales des droits de l'homme (des plaintes ont été déposées par la
Commission publique contre la torture en Israël, l'Association des médecins
pour les droits de l'homme, Amnesty International et le CICR, entre autres).
Tous ces cas sont étudiés par l'unité du SGS chargée d'examiner les plaintes,
qui relève du Procureur de l'Etat. Les plaintes présentées à d'autres services
gouvernementaux sont transmises à cette unité, qui est seule habilitée à ouvrir
l'enquête initiale. Les plaintes qui donnent lieu à un soupçon de commission
de délit sont transmises au DIPP, au Ministère de la justice.
82. En 1995, il a été reçu 81 plaintes pour mauvais traitements de détenus par
le SGS durant les interrogatoires. Trente-quatre d'entre elles étaient présentées
par le détenu, 23 par le conseil légal, neuf par des organisations locales et
15 par des organisations internationales. Il est arrivé que plusieurs entités
présentent des plaintes concernant un cas particulier. La même année, l'unité
chargée d'examiner les plaintes a relevé, dans quatre cas, des écarts par rapport
aux pouvoirs conférés par la loi. Ces affaires ont fait l'objet d'une procédure
administrative au sein du SGS, qui a pris des sanctions à l'encontre des intéressés.
Dans un cas, celui de Samed abd al Harizat, un enquêteur du SGS a fait l'objet
d'une procédure disciplinaire devant une juridiction spéciale.
83. Les personnes gardées à vue par le SGS ont également le droit de présenter
directement à la Haute Cour de justice une requête en habeas corpus.
Le Contrôleur du Service de sécurité générale
84. A l'origine, le contrôleur du SGS était chargé d'examiner toutes les allégations
de torture ou de mauvais traitements lors des interrogatoires. A ce titre, de
1987 à 1994, le Contrôleur a engagé une action disciplinaire ou pénale à l'encontre
des enquêteurs lorsqu'il s'était avéré qu'ils avaient enfreint les directives
légales.
Le Département des enquêtes sur le personnel de police (DIPP)
85. En 1994, conformément aux recommandations de la Commission Landau selon
lesquelles les activités du Service de sécurité générale devraient faire l'objet
d'un contrôle externe, l'examen des plaintes pour mauvais traitements de la
part des enquêteurs du SGS a été lui aussi confié au DIPP (voir description
plus haut), sous la responsabilité directe du Procureur de l'Etat. L'activité
du DIPP semble avoir eu un important effet dissuasif sur l'incidence des sévices
infligés intentionnellement aux citoyens, et en particulier aux détenus, par
les forces de l'ordre, y compris les enquêteurs du SGS. Des renseignements statistiques
concernant les résultats obtenus par le DIPP sont donnés plus haut.
Les Forces de défense israéliennes
86. Les Forces de défense israéliennes (FDI) enquêtent systématiquement sur
toute allégation de mauvais traitements de détenus de la part de leurs enquêteurs.
Les soldats dont il a été établi qu'ils se sont écartés des consignes des FDI
interdisant la violence ou la menace lors des interrogatoires sont soit traduits
en cour martiale, soit l'objet d'une procédure disciplinaire, selon la gravité
de l'accusation portée contre eux. En 1991, les FDI ont en outre chargé une
commission, dirigée par le Général de division (de réserve) Raphael Vardi, de
contrôler leurs méthodes d'interrogatoire. Les travaux de cette commission se
sont soldés par la sanction de plusieurs enquêteurs. En outre, la Commission
Vardi a présenté une liste de recommandations - qui a été adoptée - tendant
à réduire le risque de mauvais traitements de la part des enquêteurs des FDI.
Article 14 - Indemnisation des victimes
87. Les personnes qui ont été soumises à la torture ou à tout autre sévice illicite
peuvent introduire, outre des procédures pénales, disciplinaires ou en habeas
corpus, une action en réparation contre les auteurs ou l'Etat. En cas de coups
et blessures, l'Etat, comme tout employeur privé, est exonéré de toute responsabilité
à moins qu'il ne soit établi qu'il ait approuvé les sévices illicites ou qu'il
y ait souscrit rétroactivement.
88. Les victimes peuvent recevoir aussi une certaine indemnisation dans le cadre
de la procédure pénale, au titre de la section 77 du Code pénal, 5737-1977,
qui habilite l'instance à ordonner le versement de dommages-intérêts à la victime
d'un délit. Cette indemnisation est perçue de la même manière qu'une amende.
A l'heure actuelle, le montant maximum qui peut être versé à une victime est
fixé à 60 000 NIS (17 000 dollars E.-U. environ).
Article 15 - Règles de la preuve
La Commission Goldberg
89. En 1993, le Ministre de la justice et le Ministre de la police ont chargé
une commission publique, dirigée par le Président de la Cour suprême Eliezer
Goldberg, d'examiner le bien-fondé de convictions reposant uniquement, ou quasi
uniquement, sur les aveux du défendeur, d'étudier les possibilités de révision
des procès et de se pencher sur d'autres questions liées aux droits des personnes
interrogées par la police. Le rapport de cette commission, publié en 1994, contenait
des recommandations tendant à ce qu'aucun faux aveu ne puisse être extorqué
par des moyens illicites. La Commission a recommandé, entre autres, l'emploi
de techniques et de méthodes d'enquête qui ont été mises au point ailleurs et
qui ont fait la preuve de leur efficacité au regard des objectifs de l'enquête
pénale sans recours à la violence; un contrôle accru des interrogatoires par
des responsables de grade élevé; l'enregistrement vidéo de tous les interrogatoires
auxquels n'assiste pas l'avocat de la personne interrogée; et l'octroi aux juges
qui président les audiences relatives à la détention d'un rôle plus actif dans
l'examen des conditions de détention et d'interrogatoire.
90. Pour donner suite aux recommandations de la Commission Goldberg, le Ministère
de la justice s'emploie actuellement à modifier l'ordonnance [révisée] sur les
moyens de preuve de 1971.
91. D'après le projet de texte, la déclaration faite par un défendeur hors du
tribunal n'est pas recevable comme élément de preuve si elle est la conséquence
de traitements inhumains, de violences réelles, de tortures physiques ou mentales,
d'humiliations sévères ou de menaces de l'un quelconque de ces sévices. Toutefois,
une preuve de culpabilité indépendante découverte lors d'un aveu irrecevable
reste recevable.