University of Minnesota


Comité contre la Torture, Examen des rapports présentés par les États parties en application de l'article 19 de la Convention, Israël, U.N. Doc. CAT/C/16/Add.4 (1994).


Rapports initiaux des Etats parties prévus en 1992

Additif


ISRAEL


[25 janvier 1994]
I. INFORMATIONS GENERALES


1. L'Etat d'Israël est une démocratie parlementaire où la Knesset (le Parlement) promulgue des lois dont l'interprétation et l'application relèvent d'un pouvoir judiciaire indépendant et dont le respect est assuré par le pouvoir exécutif. Les actes de torture et autres définis par la Convention sont des crimes au regard de la législation pénale (voir plus loin) et leurs auteurs sont jugés et punis par les tribunaux.


2. En plus du droit pénal, la législation relative aux préjudices civils habilite la victime d'un acte de torture à tenter d'obtenir réparation pour le préjudice causé par des violences ou une incarcération injustifiée. Dans certains cas, cette action civile peut être dirigée contre l'Etat, contre des agents de l'Etat ou contre d'autres membres de la fonction publique.


3. Israël est partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dont les dispositions reçoivent vraisemblablement une application plus large que celles de la Convention contre la torture.


4. La Constitution d'Israël dispose que le droit coutumier international fait partie du système juridique du pays; toutefois, les conventions internationales ne font pas partie de la législation israélienne et ne peuvent être invoquées directement devant les tribunaux. Il faut que leurs dispositions soient expressément incorporées à la législation nationale. Des précisions concernant les textes qui donnent effet aux dispositions de la Convention sont données plus loin.


5. Comme cela a déjà été indiqué, les tribunaux ordinaires ont compétence pour connaître des infractions aux dispositions pénales interdisant la torture et les actes analogues. De plus, ces juridictions peuvent accorder des réparations à la suite d'actions civiles en dommages et intérêts. En outre, les fonctionnaires qui enfreignent la législation pénale ou les directives administratives auxquelles ils sont tenus de se conformer (voir plus loin) peuvent être traduits devant des organes disciplinaires et sanctionnés par eux. Il en est ainsi des membres des Services généraux de sécurité et des Forces israéliennes de défense, qui peuvent passer en cour martiale s'ils violent le code de conduite militaire en commettant des actes de torture ou d'autres actes du même genre.



II. MISE EN OEUVRE DE CERTAINES DISPOSITIONS DE LA CONVENTION



Article premier


6. Si la législation israélienne ne définit pas expressément la torture, la réglementation en vigueur s'étend à l'évidence à tous les actes de torture visés à l'article premier de la Convention. (Voir plus loin les observations relatives à l'article 4.)



Article 2


7. Un certain nombre d'articles de la loi pénale 5737-1977 énoncent les sanctions pénales applicables aux actes de torture (voir plus loin). Il convient également de citer la Loi fondamentale sur la dignité et la liberté humaines, promulguée récemment. De plus, des directives rigoureuses concernant les méthodes d'interrogatoire des personnes suspectées d'atteintes à la sûreté visent également à prévenir la torture (voir plus loin).


8. Une autre disposition pertinente est celle de l'article 12 de l'Ordonnance (révisée) 5731-1971 sur les moyens de preuve, qui rend irrecevables les aveux qui ne seraient pas faits librement et volontairement.


9. En ce qui concerne le paragraphe 3) de l'article 2 de la Convention, l'article 24, paragraphe 1), alinéa a), de la loi pénale 5737-1977 n'autorise à invoquer l'ordre d'un supérieur que si cet ordre est conforme à la loi. Lorsqu'un ordre est manifestement illégal, comme le serait une injonction de torturer, cet ordre ne peut servir d'excuse. Nous évoquerons à ce sujet la décision par laquelle la Cour suprême, siégeant en tant que Haute Cour de justice (27 décembre 1989), a ordonné au Rapporteur principal, au chef d'état-major et à d'autres personnes de traduire en cour martiale un officier de l'armée qui avait torturé des habitants de certains villages arabes de Samarie (territoires administrés) alors qu'il tentait d'enrayer le soulèvement arabe (intifada) naissant, en janvier 1988. D'après les résultats d'une enquête menée à la demande de la Croix-Rouge internationale, les habitants de ce village avaient été ligotés et durement battus sur l'ordre de cet officier. La Cour a estimé que ces actes étaient contraires aux normes d'un comportement civilisé et a rejeté l'argument selon lequel ils auraient été accomplis par suite d'"incertitudes" entourant les ordres de réprimer l'intifada. (Affaire No 425/89 de la Haute Cour, Piskei Din (Arrêts de la Cour suprême), vol. 43, part. IV, p. 718.)



Article 3


10. En vertu de la loi 5714-1954 relative à l'extradition, il ne peut y avoir d'extradition en l'absence d'une convention d'extradition entre Israël et l'Etat où il est envisagé d'extrader le contrevenant.


11. Lorsqu'un Etat étranger présente une demande d'extradition, le Ministre de la justice peut ordonner que l'intéressé soit traduit devant un tribunal de district afin de déterminer s'il peut être extradé; le Procureur général ou son représentant présente alors une requête demandant au tribunal de déclarer l'intéressé extradable. Si les conditions réglementaires sont remplies, le tribunal fait une déclaration dans ce sens, et l'auteur de l'infraction est ensuite extradé. La personne déclarée extradable a le droit d'interjeter appel devant la Cour suprême siégeant en tant que Cour d'appel pénale dans les 30 jours qui suivent la décision du tribunal de district. Néanmoins, la décision ultime en la matière relève, en vertu de la loi 5714-1954, du pouvoir discrétionnaire du Ministre de la justice.



Article 4


12. Les dispositions de la loi pénale 5737-1977 qui sanctionnent les actes de torture sont les suivantes :



"CHAPITRE NEUF : INFRACTIONS AFFERENTES A L'AUTORITE PUBLIQUE ET A L'ADMINISTRATION DE LA JUSTICE



Section quatre : Infractions commises dans le cadre du service public ou dirigées contre lui


277. Acte d'oppression commis par un agent de la fonction publique. Est passible d'une peine d'emprisonnement de trois ans l'agent de la fonction publique qui :
1) use ou ordonne d'user de la force ou de la violence à l'égard d'une personne pour extorquer à cette personne, ou à quelqu'un à qui elle est liée, l'aveu d'une infraction ou des renseignements relatifs à une infraction;
2) menace ou ordonne de menacer une personne de porter atteinte à son intégrité physique ou à ses biens, ou à l'intégrité physique ou aux biens de quelqu'un à qui elle est liée, pour lui extorquer l'aveu d'une infraction ou des renseignements relatifs à une infraction."

"CHAPITRE ONZE : ATTEINTES AUX BIENS



Section six : Manoeuvres dolosives, chantage et extorsions


427. Chantage avec usage de la force. a) Quiconque use illégalement de la force pour conduire une personne à faire un acte ou à omettre de faire un acte qu'elle est habilitée à faire est passible d'une peine d'emprisonnement de sept ans, ou de neuf ans, si l'usage de la force aboutit à la réalisation de l'acte ou à l'omission;
b) aux fins de l'application du présent article, l'administration de drogues ou de boissons alcoolisées est assimilée à l'usage de la force."

 


13. En ce qui concerne la complicité d'actes de torture, les dispositions générales ci-après de la loi pénale 5737-1977 s'appliquent :



"CHAPITRE QUATRE : PARTIES A UNE INFRACTION


25. Aux fins du présent chapitre, le terme d''infraction' ne s'étend pas aux contraventions.
26. En cas d'infraction, est présumé y avoir participé et porter une part de responsabilité :

1) quiconque fait un des actes ou l'une des omissions constituant l'infraction;


2) quiconque, présent ou non au moment de l'infraction, fait ou omet de faire un acte afin de permettre ou de faciliter l'accomplissement de l'infraction par autrui;


3) quiconque, présent ou non au moment de l'infraction, incite ou conduit autrui à commettre l'infraction;


4) quiconque aide autrui à commettre une infraction en étant présent sur les lieux afin de vaincre toute opposition ou de renforcer la détermination de l'auteur ou de veiller à l'accomplissement de l'infraction.

27. Quiconque conduit autrui à faire un acte ou à omettre de faire un acte dont l'accomplissement ou l'omission auraient constitué une infraction s'il avait été lui-même l'auteur de l'acte ou de l'omission est coupable de ladite infraction.
28. Lorsque deux personnes ou davantage s'associent à des fins illicites et qu'à cette occasion est commise une infraction qui, eu égard à sa nature, est probablement la conséquence de cette association, chacune des personnes présentes lors de l'accomplissement de l'infraction est réputée l'avoir commise.
29. Lorsqu'une personne incite une autre personne à commettre une infraction et qu'une infraction est commise ensuite par cette seconde personne, la première personne est réputée avoir incité à l'infraction effectivement commise, même si celle-ci n'a pas été commise de la manière préconisée ou n'est pas l'infraction préconisée, dès lors que les faits constitutifs de l'infraction effectivement commise sont une conséquence probable de l'incitation.
30. Lorsqu'une personne conduit ou incite une autre personne à commettre une infraction et qu'elle donne un contre-avis avant l'accomplissement de cette infraction, elle n'est pas réputée avoir commis l'infraction si cette dernière est commise par la suite."


14. Les tentatives de commettre des actes de torture sont visées par les dispositions générales ci-après de la loi pénale 5727-1977 :



"CHAPITRE CINQ : TENTATIVE ET INCITATION


31. Aux fins du présent chapitre, le terme d''infraction' ne s'étend pas aux contraventions.
32. Si aucune autre sanction n'est prévue, quiconque tente de commettre une infraction est passible :
1) de vingt années de prison si l'infraction est punie par la peine capitale;
2) de quatorze années de prison s'il s'agit d'un homicide;
3) de dix années de prison s'il s'agit de quelque autre infraction punie par la prison à vie;
4) dans tous les autres cas, à une sanction égale à la moitié de celle qu'entraîne l'infraction.
33. a) Une personne est réputée avoir tenté de commettre une infraction lorsqu'elle commence à donner effet à son intention de la commettre par un acte concret et par des moyens adaptés au but visé, mais qu'elle ne réalise pas son intention au point de commettre l'infraction.
b) Il est sans conséquence, sauf en ce qui concerne la sanction, que l'auteur ait fait tout ce qui était en son pouvoir pour commettre l'infraction ou qu'il ait été empêché de la commettre par des circonstances indépendantes de sa volonté ou qu'il ait renoncé de son propre chef à la poursuite de son projet.
c) Il est sans conséquence qu'à la suite de circonstances inconnues de l'auteur, il lui ait été impossible en fait de commettre l'infraction.
34. Quiconque tente de conduire ou d'inciter autrui à faire ou à omettre de faire, en Israël ou ailleurs, un acte dont l'accomplissement ou l'omission constituerait une infraction en vertu de la loi israélienne ou de la législation de l'endroit où l'acte ou l'omission doit avoir lieu sera passible de la même peine que s'il avait lui-même tenté de faire ou d'omettre de faire cet acte en Israël, étant entendu que, si l'acte ou l'omission devaient avoir lieu hors d'Israël :
1) La sanction n'excédera pas celle que l'auteur aurait encourue en vertu de la législation de l'endroit s'il avait lui-même tenté de faire ou d'omettre de faire l'acte considéré;
2) L'auteur ne sera poursuivi que si l'Etat sous la juridiction duquel se trouve l'endroit considéré en fait la demande."


15. Il convient aussi de citer ici l'Ordonnance [révisée] 5731-1971 sur la police; l'article 50 a) de ce texte, modifié en 1988, définit le manquement à la discipline comme "une infraction qui porte atteinte à l'ordre et à la discipline, au sens de l'annexe". Aux termes du paragraphe 19 de l'annexe à l'Ordonnance, "faire à l'égard de quiconque, dans l'exercice des fonctions, un usage de la force contraire aux ordres permanents de la police israélienne ou de quelque autre ordre légalement donné" est un manquement à la discipline.


16. Les ordres permanents de la police interdisent d'user de la force sauf dans quelques cas très clairement définis - lorsqu'une personne que l'on appréhende oppose de la résistance, lorsqu'une personne légalement détenue tente de fuir, en cas de rassemblement violent, en cas de légitime défense ou afin d'empêcher un délit accompagné de violence. Dans aucune de ces circonstances, cependant, le recours à la torture n'est justifié. Une mise en accusation en vertu de ces dispositions ne peut découler que d'une décision du Procureur général ou d'une personne autorisée par lui.


17. Les peines qu'un tribunal disciplinaire de la police peut prononcer pour manquement à la discipline sont les suivantes : remontrance, blâme, amende pouvant aller jusqu'à deux mois de traitement, consigne dans les quartiers pour un délai pouvant aller jusqu'à 45 jours, détention pour une durée pouvant aller jusqu'à 45 jours, et dégradation. Des poursuites disciplinaires peuvent être engagées pour une infraction faisant l'objet d'une action pénale.


18. Des dispositions analogues s'appliquent au personnel de l'administration pénitentiaire en vertu de l'article 101 de l'Ordonnance [révisée] 5731-1971 relative aux prisons et du paragraphe 19 de l'annexe à cette Ordonnance.


19. L'article 65 de la loi 5715-1955 relative à la justice militaire se lit ainsi : "Le soldat qui frappe ou qui maltraite une personne confiée à sa garde ou un soldat d'un rang inférieur au sien est passible d'une peine de trois ans de prison". Le soldat qui commettrait pareil délit serait traduit en cour martiale.



Article 5


20. En droit pénal israélien, la compétence est de nature territoriale et s'étend à tous les actes commis sur le territoire sous la juridiction d'Israël. Les dispositions fondamentales à cet égard sont celles de l'article 3 de la loi pénale 5737-1977 :



"CHAPITRE DEUX : APPLICATION TERRITORIALE


3. Compétence. La juridiction des tribunaux israéliens en matière d'infractions pénales s'étend au territoire national et aux eaux territoriales, et au-delà de cette zone dans les cas prévus par la présente loi. Lorsqu'une infraction est commise en partie dans la zone sous la juridiction des tribunaux israéliens, son auteur peut être jugé et puni comme s'il l'avait commise en totalité à l'intérieur de cette zone."


21. De plus, les tribunaux israéliens, en vertu de l'article 6 de ladite loi, ont compétence pour juger tout national, résident ou agent de la fonction publique d'Israël qui aurait commis un certain nombre de délits parmi lesquels figurent l'oppression par un agent de la fonction publique (art. 277), l'abus de pouvoir (art. 280), et le chantage avec usage de la force (art. 427), toutes infractions dont il a été question plus haut (voir observations relatives à l'article 4).


L'article 6 se lit ainsi :


"Infractions commises par des agents de la fonction publique et atteintes aux biens publics
6. a) Les tribunaux israéliens sont compétents pour juger tout national, résident ou agent de la fonction publique d'Israël qui a commis à l'étranger :
1) une infraction visée à l'un des articles des sections quatre et cinq du chapitre neuf de la présente loi;
2) une infraction visée à l'un des articles du chapitre onze, hormis les articles 401 et 429, et du chapitre douze, ou aux articles 381 2) ou 489, qui porte atteinte à un bien ou à un droit de l'Etat ou de l'un des organismes ou de l'une des associations indiqués dans l'annexe;

b) Le Ministre de la justice peut, avec l'accord de la Commission de la Constitution, des lois et du droit de la Knesset, modifier l'annexe en ajoutant ou en supprimant les noms d'organismes ou d'associations."


22. L'article 7 donne aux juridictions pénales d'Israël compétence pour connaître des dommages infligés à l'étranger à des nationaux ou à des résidents d'Israël :


"Dommages à des nationaux ou à des résidents d'Israël.
7. a) Les tribunaux israéliens ont compétence pour juger conformément au droit israélien quiconque a commis à l'étranger un acte qui aurait constitué une infraction s'il avait été commis en Israël et qui a porté atteinte ou était destiné à porter atteinte à la vie, à la personne, à la santé, à la liberté ou aux biens d'un national ou d'un résident israélien.
b) Si l'infraction a été commise en un lieu placé sous la juridiction d'un autre Etat, aucune instruction ne sera ouverte en vertu du présent article si l'acte considéré ne constitue pas également une infraction en vertu de la loi applicable en ce lieu."


23. Il convient aussi de signaler à cet égard les dispositions additionnelles suivantes de la loi pénale :


"9. Tentative, incitation et conspiration. Les tribunaux israéliens ont compétence pour juger, outre les parties à une infraction visée au chapitre quatre, quiconque a commis, relativement à une infraction qu'un tribunal a compétence pour juger en vertu du présent chapitre, l'un quelconque des actes visés aux chapitres cinq et quatorze ou aux articles 260 à 262 de la présente loi.
10. Restrictions. a) Aucune instruction ne sera ouverte à la suite d'une infraction visée aux articles 4 à 9 si ce n'est par le Procureur général ou avec le consentement écrit de ce dernier.
b) Aucune instruction ne sera ouverte à la suite d'une infraction visée à l'article 7 si cette infraction n'est pas sanctionnée en droit israélien par une peine d'emprisonnement d'un an ou davantage.
c) Nul ne sera traduit en justice en vertu des articles 6 ou 8 pour un acte ou une omission pour lesquels il a été jugé et condamné ou acquitté à l'étranger.
d) Quiconque a commis une infraction visée aux articles 4, 5 ou 7 peut être traduit en justice même s'il a déjà été jugé à l'étranger pour l'acte ou l'omission dont il s'agit; néanmoins, si une personne est reconnue coupable en Israël de pareille infraction après avoir été condamnée pour la même infraction à l'étranger, la juridiction israélienne tiendra compte, dans la détermination de la peine, de la sanction qu'elle aura subie à l'étranger.
11. Clause de sauvegarde. Rien dans les dispositions du présent chapitre ne peut être interprété comme limitant le pouvoir conféré par une autre loi de juger les infractions commises à l'étranger."

Article 6


24. En vertu des règles générales de procédure pénale, une personne qui se trouverait sur le territoire sous juridiction d'Israël et qui serait soupçonnée d'avoir commis un acte de torture ou une infraction assimilable serait appréhendée et mise en détention; le cas échéant, elle pourrait être libérée moyennant une caution appropriée. Une enquête de police concernant l'infraction présumée serait ouverte sans délai.


25. Les détenus ayant une nationalité étrangère sont autorisés à communiquer avec les représentants diplomatiques ou consulaires de l'Etat dont ils ont la nationalité.



Article 7


26. Les personnes soupçonnées d'avoir commis des actes de torture, si elles ne sont pas extradées, font l'objet de poursuites. Dans les affaires de ce genre, les cours ou les tribunaux prennent leur décision dans les mêmes conditions que pour toute infraction de caractère grave. Les règles quant aux preuves requises dans les cas de torture sont uniformes, quel que soit le fondement de la juridiction du tribunal.



Article 8


27. En ce qui concerne les dispositions applicables en Israël en matière d'extradition, voir plus haut les observations relatives à l'article 3. Le droit israélien subordonne l'extradition à l'existence d'un traité d'extradition avec l'Etat qui demande l'extradition. Cette condition est remplie dès lors qu'Israël et l'Etat considéré sont parties à un traité multilatéral prévoyant l'extradition et répondant aux exigences du droit israélien.



Article 9


28. Le texte régissant l'entraide judiciaire, civile et pénale est la loi [d'ensemble] 5737-1977 relative à l'aide judiciaire aux Etats étrangers. Ce texte prévoit la fourniture de services de documentation, l'enregistrement de dépositions, la production de documents, la saisie de documents ou d'autres objets, la conduite de fouilles et l'accomplissement d'autres actes juridiques pour le compte de tribunaux étrangers. De plus, il permet de transférer à l'étranger les prisonniers et détenus appelés à déposer dans des affaires judiciaires. Il dispose que l'aide judiciaire peut être refusée lorsqu'elle semble devoir porter atteinte à la souveraineté ou à la sûreté d'Israël ou à quelque autre aspect de la vie publique du pays, ou lorsqu'il n'y a pas de réciprocité entre Israël et l'Etat qui demande l'aide.


29. Une réglementation particulière régit l'aide judiciaire en matière pénale aux Etats parties à la Convention de Strasbourg (Conseil de l'Europe) du 20 avril 1959 à laquelle Israël a adhéré.



Articles 11, 12 et 13


30. L'Etat d'Israël estime que les droits de l'homme fondamentaux d'une personne placée sous sa juridiction ne doivent jamais être violés, quoique l'on puisse avoir à reprocher à cette personne. Pour prévenir efficacement le terrorisme tout en assurant la protection des droits de l'homme fondamentaux des criminels les plus dangereux eux-mêmes, les autorités israéliennes ont adopté des règles rigoureuses en matière de conduite des interrogatoires. Ces règles sont destinées à permettre aux enquêteurs d'obtenir des renseignements essentiels sur des organisations ou des activités terroristes auprès de suspects qui, pour des raisons évidentes, ne sont pas disposés à donner des informations spontanément, tout en évitant à ces suspects d'être maltraités.


La Commission Landau


31. Les principes directeurs fondamentaux applicables aux interrogatoires, ont été énoncés par la Commission d'enquête Landau. Cette commission, dirigée par le juge Moshe Landau, ancien président de la Cour suprême, a été constituée à la suite de la décision prise par le Gouvernement israélien en 1987 d'examiner les méthodes d'interrogatoire des personnes suspectées de terrorisme par le Service général de la sûreté (SGS). Pour formuler ses recommandations, la Commission Landau a étudié les normes internationales en matière de droits de l'homme, la législation israélienne interdisant la torture et les mauvais traitements, et les principes adoptés par d'autres démocraties en butte au terrorisme.


32. La Commission Landau a considéré que sa tâche consistait à définir "aussi précisément que possible les limites de ce qu'il est permis à l'enquêteur de faire et essentiellement ce qui lui est prohibé". La Commission a constaté que, lorsque l'on a affaire à de dangereux terroristes qui constituent une grave menace pour l'Etat d'Israël et ses nationaux, il est inévitable dans certaines circonstances d'exercer une pression, y compris physique, raisonnable en vue d'obtenir des renseignements décisifs. Il en est ainsi, en particulier, lorsque les renseignements susceptibles d'être obtenus du suspect peuvent empêcher un meurtre imminent ou lorsque le suspect possède, au sujet d'une organisation terroriste, des informations cruciales (dépôts d'armes, caches d'explosifs ou actes de terrorisme prévus, par exemple) que l'on ne peut se procurer d'aucune autre manière.


33. La Commission Landau, consciente des dangers que courraient les valeurs démocratiques de l'Etat d'Israël si ses agents devaient abuser de leurs pouvoirs en exerçant des formes de pression inutiles ou excessives, a recommandé que l'on ait recours principalement à des pressions psychologiques et que dans les cas, peu nombreux, où le danger anticipé est considérable, l'on tolère uniquement une "pression physique raisonnable" (notion qui n'est pas étrangère à d'autres pays démocratiques).


34. Il convient de noter que le recours à une pression raisonnable est conforme au droit international. Ainsi, la Cour européenne des droits de l'homme, invitée à examiner certaines méthodes d'interrogatoire utilisées par la police d'Irlande du Nord contre les terroristes de l'IRA, a estimé que "les mauvais traitements doivent atteindre un certain niveau de gravité pour relever de l'interdiction [de la torture et des peines cruelles, inhumaines ou dégradantes] énoncée à l'article 3 [de la Convention européenne relative aux droits de l'homme]". Dans sa décision, la Cour a admis la possibilité de recourir à certaines formes de pression durant les interrogatoires et notamment d'encapuchonner le suspect (sauf au moment précis où on le questionne), de le priver de sommeil et de réduire ses rations de nourriture et de boisson.


35. La Commission Landau était consciente que la question de la pression raisonnable susceptible d'être exercée durant l'interrogatoire est un sujet à la fois grave et sensible. Les principes directeurs permettent des formes limitées de pression dans des circonstances extrêmement précises, à déterminer au cas par cas. Ils n'autorisent en aucune manière à faire usage de la force sans discernement. Bien au contraire, ces circonstances particulières ont été déterminées et les pratiques ont été définies avec rigueur de sorte que, de l'avis de la Commission Landau, "si l'on respecte strictement ces limites, dans la lettre et dans l'esprit, l'efficacité de l'interrogatoire sera assurée et, dans le même temps, celui-ci sera loin de faire intervenir des tortures physiques ou mentales, des mauvais traitements ou des atteintes à la dignité de la personne interrogée".


36. Pour éviter l'exercice de pressions disproportionnées, la Commission Landau a défini plusieurs mesures qui ont été adoptées et qui sont maintenant en vigueur; elles peuvent s'énoncer ainsi :


1. L'exercice de pressions disproportionnées ne peut être toléré; les pressions ne doivent jamais atteindre le niveau de la torture physique ou des mauvais traitements, ni d'atteintes graves à l'honneur du suspect qui le privent de sa dignité de personne humaine;

2. Le recours à des mesures moins sévères doit être mis en regard de l'importance de danger escompté en vertu des renseignements à la disposition de l'enquêteur;


3. Les moyens de pression physique et psychologique auxquels l'enquêteur est autorisé à recourir doivent être définis et circonscrits à l'avance, par la diffusion de directives ayant force obligatoire;


4. La mise en application des directives données aux enquêteurs du SGS doit être rigoureusement surveillée;


5. Les responsables de cette surveillance doivent réagir fermement et sans hésitation à tout écart, en imposant des sanctions disciplinaires et, dans les cas graves, en faisant le nécessaire pour que des poursuites pénales soient engagées contre l'enquêteur qui aurait enfreint les directives.

37. Après avoir énoncé ces mesures, la Commission Landau, dans une deuxième partie de son rapport, s'est attachée à préciser dans le détail les formes exactes de pression que les enquêteurs du SGS pourraient légitimement exercer. Cette partie du texte a été tenue confidentielle de peur que les interrogatoires soient moins efficaces si les suspects connaissent les contraintes étroites imposées aux enquêteurs. Les organisations terroristes palestiniennes enseignent à leurs membres les techniques à employer pour résister aux interrogatoires du SGS sans révéler de renseignements; elles ont même imprimé un manuel à ce sujet. Il va de soi que la divulgation des directives du SGS leur permettrait de mieux préparer leurs membres et rassurerait en outre les suspects quant à leur capacité de subir les interrogatoires sans livrer de renseignements cruciaux, privant ainsi le SGS de cette arme psychologique qu'est l'incertitude.


Garanties


38. Les directives relatives à l'interrogatoire des suspects étant confidentielles, le Gouvernement israélien a jugé important d'établir des garanties ainsi qu'un système d'examen des pratiques afin de s'assurer que les enquêteurs du SGS ne violent pas ces directives. C'est ainsi que le Contrôleur du SGS a été chargé de vérifier toute allégation de torture ou de mauvais traitement au cours d'un interrogatoire. Depuis 1987, le Contrôleur s'acquitte de cette tâche, engageant une action disciplinaire ou judiciaire contre les enquêteurs qui ne se sont pas conformés aux directives.


39. La Commission Landau a recommandé qu'une surveillance externe des activités du SGS vienne s'ajouter à celle qu'exerce le Contrôleur du Service. Depuis que la Commission a formulé ses recommandations, le Bureau du Contrôleur d'Etat a entrepris un examen de l'unité d'enquête du SGS. A l'issue de cette investigation, les résultats de l'étude seront soumis à une sous-commission spéciale de la Commission du Contrôleur d'Etat de la Knesset (Parlement israélien). Conformément aussi à une recommandation de la Commission Landau, il existe une procédure supplémentaire d'examen en vertu de laquelle les conclusions de la Commission ministérielle spéciale dont il est question plus loin ainsi que les rapports annuels de l'unité d'enquête sont portés à l'attention de la Sous-Commission des services de la Commission des affaires étrangères et de la défense de la Knesset.


40. Il existe en outre un accord entre l'Etat d'Israël et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) concernant le contrôle des conditions de détention. Les délégués du CICR sont autorisés à s'entretenir en privé avec les détenus dans les 14 jours qui suivent leur arrestation. Les médecins du CICR peuvent examiner les détenus qui se plaignent de ne pas être convenablement traités. Toutes les plaintes formulées par le CICR concernant le traitement des prisonniers font l'objet d'enquêtes approfondies des autorités israéliennes compétentes, dont les résultats sont portés à la connaissance du CICR.


41. En mai 1991, une Commission spéciale formée de membres du SGS et du Ministère de la justice a été constituée pour étudier des plaintes relatives à la conduite d'enquêteurs du SGS durant les interrogatoires. La Commission a relevé un certain nombre de cas où des enquêteurs ne s'étaient pas conformés aux directives relatives au traitement des détenus. A la suite des conclusions de la Commission, des mesures ont été prises contre les enquêteurs du SGS concernés.


42. Pour accroître l'efficacité de la procédure de contrôle, il a été décidé récemment de confier l'examen des allégations de mauvais traitements non plus au Contrôleur du SGS mais à un organisme indépendant. C'est ainsi qu'a été créée au Ministère de la justice, sous l'autorité générale du Procureur de la République, une unité qui enquêtera à l'avenir sur toutes les plaintes relatives à des mauvais traitements.


Examen des directives


43. Conformément à une recommandation de la Commission Landau, une Commission ministérielle spéciale placée sous la présidence du Premier Ministre a été créée en 1988 par le précédent gouvernement pour procéder à un examen périodique des directives elles-mêmes. Cette Commission s'est réunie à plusieurs reprises, mais les élections nationales qui ont eu lieu en juin 1992 ont interrompu ses travaux. A la suite de l'entrée en fonctions du nouveau gouvernement en juillet 1992, une nouvelle sous-commission ministérielle composée des ministres de la justice et de la police a été constituée. Elle examine actuellement les directives relatives aux méthodes d'interrogatoire et présentera sous peu ses conclusions et recommandations au gouvernement.


44. En 1991, un détenu nommé Murad Adnan Salkhat et un groupe privé dénommé Comité public d'Israël contre la torture ont introduit devant la Cour suprême d'Israël, siégeant en tant que Haute Cour de justice, une requête contestant la légalité des directives et demandant qu'elles soient rendues publiques. Cette affaire, qui est actuellement en instance, montre bien que la magistrature indépendante d'Israël n'hésite pas à se saisir de questions hautement sensibles ou relatives aux droits de l'homme et à la sûreté.


Enquêteurs des Forces israéliennes de défense


45. Comme le SGS, les Forces israéliennes de défense (FID) ont pour principe rigoureux d'enquêter sur toute allégation de mauvais traitements de détenus par leurs enquêteurs. Les soldats qui n'ont pas respecté les instructions très strictes d'éviter la violence et les menaces de violence au cours des interrogatoires sont traduits en cour martiale ou font l'objet de mesures disciplinaires, selon la gravité des faits qui leur sont reprochés. Les FID ont également constitué une commission chargée d'examiner les principes et les pratiques en matière d'interrogatoire. Le 10 mai 1991, le général de division (de réserve) Raphael Vardi a été chargé de mener une enquête au sujet de brutalités dont auraient été victimes des détenus de centres d'investigation militaire des territoires administrés. A la suite de son étude, un certain nombre d'enquêteurs qui avaient enfreint les règles ont été punis. De plus, le général de division Vardi a présenté au chef d'état-major des FID des recommandations visant à limiter les possibilités d'excès de la part des enquêteurs des FID. Ces recommandations ont été adoptées.



Article 14


46. Qui a subi un acte de torture peut engager une action en dommages et intérêts et a, de surcroît, droit à réparation en vertu des dispositions générales relatives à l'indemnisation des victimes de délits. L'article 77 de la loi pénale 5737-1977 habilite le tribunal qui a condamné une personne à exiger d'elle qu'elle verse à la victime de son infraction, à titre de réparation du dommage ou de la douleur qu'elle lui a causés, le plus élevé de deux montants calculés, l'un en fonction du moment de la perpétration de l'infraction, et l'autre d'après le moment de la décision. L'indemnité est recouvrée de la même manière qu'une amende. Le montant maximum susceptible d'être versé à une personne est actuellement fixé à 37 500 nouveaux shekels.



Article 15


47. L'article 12 de l'Ordonnance (révisée) 5731-1971 sur les moyens de preuve, intitulé "Aveux", se lit ainsi :


"12. L'aveu d'une infraction par le prévenu n'est recevable que lorsque le ministère public fournit des éléments concernant les circonstances dans lesquelles ces aveux ont été faits et que le tribunal a acquis la certitude qu'ils l'ont été librement et volontairement."

Article 16


48. Le texte qui a trait à cet article est la Loi fondamentale relative à la dignité et à la liberté humaines, promulguée récemment, et tout particulièrement son article 2, intitulé "Préservation de la vie, de l'intégrité corporelle et de la dignité" et libellé ainsi : "Il ne doit être commis aucun acte qui porte atteinte à la vie, à l'intégrité corporelle ou à la dignité d'une personne en tant qu'être humain". L'article 4, intitulé "Protection de la vie, de l'intégrité corporelle et de la dignité", dispose que : "Chacun a droit à la protection de sa vie, de son intégrité corporelle et de sa dignité." L'article 11 est conçu ainsi : "Application. 11. Tous les services administratifs sont tenus de respecter les droits visés par la présente Loi fondamentale".



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