Comité contre la Torture, Examen des rapports présentés par les États parties en application de l'article 19 de la Convention, Islande, U.N. Doc. CAT/C/37/Add.2 (1998).
Rapports initiaux des États parties devant être soumis
en 1997
Additif
ISLANDE
[10 février 1998]
TABLE DES MATIÈRES
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Introduction
1. La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants du 10 décembre 1994 a été signée par l'Islande le 4 février 1995,
sous réserve de ratification. Le 21 octobre 1996, le Secrétaire général de l'ONU
a reçu les instruments de ratification. La Convention est entrée en vigueur
pour l'Islande le 22 novembre 1996.
2. Le présent rapport a été établi conformément à l'article 19 de la Convention,
aux termes duquel les États parties présentent au Comité des rapports sur les
mesures qu'ils ont prises pour donner effet à leurs engagements en vertu de
la Convention, dans un délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur de la
Convention pour l'État partie intéressé. Sous la direction du Ministère de la
justice, le rapport a été élaboré en novembre et décembre 1997, période pendant
laquelle des informations ont été collectées auprès des nombreuses sources concernées
par les questions auxquelles se rapporte la Convention. Parmi les principales
institutions ayant apporté leur contribution figurent la Direction de l'administration
pénitentiaire et des services de probation, le Procureur général, le Bureau
du Directeur national de la police, le Service de l'immigration, le Bureau de
l'Ombudsman du Parlement, l'École nationale de la police, le Ministère de la
santé et le Bureau du Directeur de la santé publique.
3. Pour la mise en forme et le contenu du rapport, il a été tenu compte du Manuel
de 1991 relatif à l'établissement des rapports sur les droits de l'homme et
aussi des Directives du Comité contre la torture du 18 juin 1991 (CAT/C/4/Rev.2).
4. Le premier rapport de l'Islande sur l'application de la Convention est nécessairement
consacré en grande partie à la description du droit interne et des textes législatifs
spécifiques. Plutôt que de présenter en annexe la traduction de ces textes,
on s'est appliqué à les résumer quant au fond et quant à leur application, dans
le corps du rapport. L'annexe I contient le rapport en date du 2 mars 1994 présenté
au Gouvernement islandais concernant la visite que le Comité européen pour la
prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants
a effectuée en Islande pendant l'été 1993. L'annexe II / Les annexes peuvent
être consultées au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme./
contient la réponse en date du 27 septembre 1994 du Gouvernement islandais au
Comité européen. Ces documents contiennent des informations détaillées sur des
questions telles que l'organisation administrative des prisons islandaises,
les conditions de détention et le traitement des prisonniers et autres personnes
privées de liberté, ainsi que sur d'autres questions relevant de la Convention.
I. OBSERVATIONS GÉNÉRALES
5. On trouvera ci-après un exposé de l'ordre et des pratiques constitutionnels
de l'Islande et des dispositions relatives aux droits de l'homme dans la Constitution
écrite. D'autres instruments relatifs aux droits de l'homme auxquels l'Islande
est partie sont aussi mentionnés, ainsi que leur statut en droit interne. Sont
étudiées, par ailleurs, les dispositions législatives qui interdisent la torture
et en font une infraction pénale et les mesures prises pour l'empêcher. Sont
enfin brièvement décrits les recours dont peut se prévaloir toute personne qui
affirme avoir été victime d'actes de torture. Pour de plus amples informations
sur le pays et ses habitants, on pourra se reporter au document HRI/CORE/1/Add.26
du 24 juin 1993.
6. Dans le présent rapport, la Convention contre la torture et autres peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants sera appelée "la Convention"
ou encore "la Convention contre la torture".
A. Droit et pratique constitutionnels de l'Islande
7. L'Islande est une république parlementaire. Le Président de la République,
les membres de la législature et les membres des autorités locales sont élus
tous les quatre ans, au suffrage universel. L'Islande est devenue pleinement
indépendante lorsque les liens avec le Danemark ont été rompus, en 1944. La
Constitution date de cette même année, mais la plupart de ses dispositions sont
bien plus anciennes et certaines remontent à 1874, année où le pays s'est doté
de sa première Constitution écrite. En 1995, des amendements et ajouts majeurs
ont été apportés au chapitre de la Constitution relatif aux droits de l'homme
qui était resté presque inchangé depuis l'adoption de la première Constitution.
Ces nouvelles dispositions sont décrites ci-après. Le principe de la séparation
des trois grands pouvoirs est consacré par la Constitution.
Le pouvoir législatif
8. Le pouvoir législatif est exercé conjointement par le Parlement et le Président
de la République. Le Parlement compte 63 représentants nationaux, qui sont élus
pour quatre ans au suffrage universel et au scrutin secret, selon le principe
de la proportionnalité, et qui représentent les huit circonscriptions électorales
du pays.
Le pouvoir administratif
9. Les ministres du Gouvernement, chacun dans son propre domaine, occupent les
plus hauts échelons de l'autorité administrative. Les ministères sont au nombre
de 14, mais les ministres sont moins nombreux, généralement une dizaine, de
sorte que certains sont responsables de plusieurs ministères. La répartition
des fonctions entre les ministres est fixée par la loi.
10. Les "magistrats" représentent le pouvoir administratif au niveau
local. Les "magistrats" et leurs circonscriptions sont au nombre de
27. Ils n'exercent aucun pouvoir judiciaire. Parmi leurs fonctions figurent
les suivantes : direction de la police, enquêtes criminelles, poursuites à la
diligence du Procureur général, direction des douanes, perception des impôts,
célébration des mariages civils et ordonnances de séparation et de divorce,
décisions sur la garde des enfants et le paiement des pensions alimentaires
en vertu de la législation relative à la famille, établissement de la qualité
de majeur, inscription au registre foncier, enregistrement des décès et établissement
des actes relatifs aux successions, exécution des jugements, vente judiciaire,
etc. Les litiges concernant les fonctions exercées par les "magistrats"
peuvent être soumis aux tribunaux dans la plupart des cas, notamment ceux concernant
l'exécution des jugements et la liquidation des successions. Les autres litiges
sont susceptibles d'un recours administratif auprès du Ministère de la justice.
À Reykjavik, la plus grande zone administrative, il existe, outre le "magistrat",
un directeur de la police qui, indépendamment de l'administration de la police,
est chargé des enquêtes criminelles et des poursuites à la diligence du Procureur
général, dans sa circonscription.
11. Le Directeur national de la police remplit ses fonctions sous la tutelle
du Ministère de la justice. Ses fonctions comportent diverses tâches administratives
dans des domaines relevant de l'application de la loi, notamment dispenser des
instructions générales aux directeurs de la police régionaux et formuler des
propositions pour la rationalisation, la coordination, le développement et la
sûreté en ce qui concerne le maintien de l'ordre. Ses services doivent prêter
leur concours aux directeurs régionaux et s'acquitter des tâches policières
qui nécessitent une action centralisée ou coordonnée entre les services concernés.
Enfin, divers services d'investigation relèvent du Bureau du Directeur national
de la police, dont le service chargé d'enquêter sur les délits fiscaux et économiques,
les crimes de trahison et infractions connexes et les plaintes mettant en cause
des policiers pour conduite illicite. Le Directeur national de la police peut
diligenter des poursuites dans les domaines de son ressort, sauf dans les cas
mettant en cause des policiers, qui relèvent alors du Procureur général.
12. Le Procureur général est l'autorité suprême en matière de poursuites. Il
lui appartient de veiller à l'exécution des sanctions pénales prononcées à l'encontre
de contrevenants à la législation pénale et de contrôler l'exercice de leurs
pouvoirs de poursuites par les directeurs de la police. Le Procureur général
poursuit les auteurs des plus graves des infractions au Code pénal, y compris
les infractions commises par des fonctionnaires dans l'exercice de leurs fonctions.
Le pouvoir judiciaire
13. En vertu de la Constitution, les juges exercent le pouvoir judiciaire. Il
existe huit tribunaux de première instance, un par circonscription. Ces tribunaux,
compétents au civil et au pénal, rendent des ordonnances de mise en détention
provisoire et autres décisions nécessaires à l'instruction. Ils connaissent
aussi des affaires de faillite et statuent sur les litiges qui surviennent dans
l'application des jugements rendus par les magistrats. Les juges sont également
compétents pour régler les litiges concernant l'étendue des pouvoirs administratifs.
Ainsi, toute décision des autorités administratives peut être invalidée par
les tribunaux. Le principe général est que les tribunaux sont compétents pour
statuer sur tout litige dont le fond est régi par la loi, sauf en cas de privilège
de juridiction légale, coutumière ou naturelle. Les décisions des tribunaux
de première instance sont susceptibles d'appel devant la Cour suprême, dont
la compétence s'étend à tout le pays. Il peut être fait appel devant elle des
jugements rendus en matière pénale, dans certaines conditions, et des jugements
rendus en matière civile, à la condition que les intérêts en jeu soient suffisants.
L'Ombudsman du Parlement
14. La charge d'Ombudsman a été établie en 1988 par la loi No 82/1988. L'Ombudsman
est élu par le Parlement auquel il présente tous les ans un rapport sur ses
activités, mais il est indépendant dans ses fonctions. Il a pour mandat de surveiller
la manière dont l'État et les municipalités s'acquittent de leurs fonctions
administratives. Il défend les droits des citoyens face aux autorités administratives.
Il enquête sur l'administration, sur plainte ou de sa propre initiative. Toute
personne qui estime avoir été lésée par une autorité administrative peut déposer
plainte auprès de l'Ombudsman, sauf si le litige peut être référé à une instance
administrative supérieure et après décision de l'autorité supérieure en la matière.
Les procédures judiciaires et les décisions et autres actions des autorités
administratives qui, en vertu des dispositions spécifiques doivent être référées
aux tribunaux, ne relèvent pas de la compétence de l'Ombudsman.
15. L'Ombudsman peut demander aux autorités administratives tous les renseignements
dont il peut avoir besoin et, notamment, exiger la remise de rapports et de
documents, d'écritures et tous autres éléments de preuves concernant une affaire.
Il peut inspecter les locaux de toute autorité administrative, dont le personnel
doit lui prêter tout le concours nécessaire. Dans ses conclusions sur les affaires
qu'il traite, l'Ombudsman donne son avis sur la question de savoir si une mesure
prise par une autorité administrative est en conflit avec la loi ou à la bonne
pratique administrative. Il peut donner son avis et recommander de meilleures
pratiques aux autorités administratives. Ses avis ne sont pas contraignants
pour les autorités administratives, comme le serait par exemple une décision
de justice, et il n'a pas qualité pour annuler officiellement une mesure administrative,
mais ses avis sont pris très au sérieux et il est généralement donné suite à
ses recommandations et ses conseils.
16. L'Ombudsman s'assure que les lois ne sont pas en conflit avec la Constitution,
ou ne présentent pas d'autres insuffisances, et notamment qu'elles sont en conformité
avec les instruments internationaux auxquels l'Islande est partie.
B. Dispositions constitutionnelles relatives aux droits de l'homme
17. La Loi constitutionnelle No 97/1995 a introduit de nombreux amendements
et ajouts aux dispositions de la Constitution relatives aux droits de l'homme.
Ces remaniements ont été jugés hautement nécessaires, les dispositions en vigueur
étant à bien des égards périmées parce que restées pratiquement inchangées depuis
1874. Ces dispositions avaient du reste été critiquées, tant sur le plan intérieur
que sur la scène internationale, principalement du fait que la Constitution
ne traitait pas explicitement de certains droits fondamentaux. En dépit du fait
qu'il était généralement admis que les Islandais jouissaient, dans les faits,
des droits considérés parce qu'ils étaient garantis par la législation ordinaire
ou les principes constitutionnels non écrits, cet état de choses était désormais
considéré inadéquat. Les amendements apportés à la Constitution visaient à remédier
à cette situation. Ils traitent de nouveaux droits en sus de ceux déjà définis
et précisent certaines des dispositions existantes.
18. Les droits ainsi ajoutés au chapitre relatif aux droits de l'homme dans
la Constitution sont les suivants (la référence renvoie aux articles de la Constitution)
:
- Le principe général de l'égalité de tous devant la loi et du droit de chacun
de jouir des droits de l'homme (art. 65, par. 1);
- L'égalité de droits entre l'homme et la femme (art. 65, par. 2);
- L'interdiction de la privation de la nationalité islandaise et les droits
des citoyens islandais (art. 66, par. 1 et 2);
- Le droit de circuler librement et de choisir son lieu de résidence (art. 66,
par. 3 et 4);
- L'interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants
(art. 68, par. 1);
- L'interdiction du travail forcé (art. 68, par. 2);
- La non-rétroactivité de la législation pénale (art. 69, par. 1);
- L'interdiction de légaliser la peine de mort (art. 69, par. 2);
- Les conditions minimales d'une procédure judiciaire équitable, en matière
civile et pénale (art. 70);
- L'obligation faite à l'État d'assurer à l'enfant une protection juridique
spéciale (art. 76, par. 3);
- L'interdiction de conférer un caractère rétroactif à la législation fiscale
(art. 77).
19. Outre l'introduction dans la Constitution des droits énumérés ci-dessus,
les dispositions relatives à d'autres droits ont été libellées de manière beaucoup
plus claire et en termes plus modernes compte tenu, notamment, des instruments
internationaux en vigueur dans ces domaines, entre autres la Convention européenne
des droits de l'homme et le Pacte international relatif aux droits civils et
politiques. La protection de la liberté individuelle (art. 67), le droit de
ne pas faire l'objet d'immixtion dans sa vie privée, sa famille ou son domicile
(art. 71) et la liberté d'opinion et d'expression (art. 73) sont des exemples
de dispositions qui ont introduit d'importantes modifications quant au fond.
20. Entre autres droits protégés par la Constitution figurent la liberté de
religion (art. 63 et 64), le droit à la propriété privée (art. 72), la liberté
d'association et de réunion (art. 74), la liberté professionnelle et le droit
de négocier les conditions d'emploi et autres droits liés au travail (art. 75),
le droit d'assistance en cas de maladie, d'invalidité, etc. (art. 76, par. 1),
le droit à l'éducation (art. 76, par. 2) et les droits des enfants (art. 76,
par. 3).
21. La Constitution est la source fondamentale de la législation islandaise.
Les tribunaux se sont réservé le droit de déterminer si les lois sont en conflit
avec la Constitution, bien que cette autorité de révision ne soit pas explicitement
stipulée. Si les tribunaux estiment qu'une disposition de la loi n'est pas conforme
aux dispositions constitutionnelles relatives aux droits de l'homme, ils ne
l'appliquent pas dans leurs décisions. La pratique judiciaire en Islande fournit
certains exemples en la matière. Toutefois, les tribunaux n'ont pas formellement
compétence pour invalider une disposition de la loi, même s'ils considèrent
qu'elle est en conflit avec la Constitution.
C. Les instruments internationaux auxquels l'Islande est partie
et leur statut en droit interne
22. L'Islande est partie à de nombreux instruments relatifs aux droits de l'homme
de l'ONU et du Conseil de l'Europe. Les plus importants, mis à part la Convention
contre la torture, sont énumérés ci-après. L'année de l'entrée en vigueur de
ces instruments pour l'Islande est indiquée entre parenthèses.
Instruments de l'ONU :
- Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination
raciale, 1965 (1967). L'Islande a fait la déclaration prévue à l'article 14
concernant les communications émanant de personnes qui se plaignent d'être victimes
d'une violation des dispositions de la Convention, soumises au Comité constitué
dans le cadre de la Convention;
- Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 1966 (1979).
L'Islande a ratifié le Protocole facultatif se rapportant au Pacte concernant
les communications émanant de particuliers qui prétendent être victimes d'une
violation d'un des droits énoncés dans le Pacte, soumises au Comité constitué
dans le cadre de ses dispositions, ainsi que le deuxième Protocole facultatif
visant à abolir la peine de mort;
- Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels,
1966 (1979);
- Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard
des femmes, 1979 (1985);
- Convention relative aux droits de l'enfant, 1989 (1992);
Instruments européens :
- Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales, 1950 (1953), et Protocoles Nos 1, 4, 6 et 7 qui ajoutent des
droits importants;
- Charte sociale européenne, 1961 (1976);
- Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements
inhumains ou dégradants, 1987 (1990).
23. L'Islande fait partie des pays qui adhèrent à la doctrine de la dualité
du droit international et du droit national, d'où il découle que les instruments
internationaux relatifs aux droits de l'homme n'ont pas l'autorité du droit
interne tant que des mesures n'ont pas été prises pour les incorporer à la législation
nationale.
24. Les autorités islandaises ont toujours considéré que le droit interne était
conforme aux dispositions des instruments relatifs aux droits de l'homme auxquels
l'Islande est partie. L'adaptation du droit national aux dispositions de ces
instruments est la méthode généralement suivie pour en assurer l'application.
Les tribunaux islandais ont aussi interprété le droit interne en conformité
avec le droit international et il ne fait aucun doute à cet égard que les dispositions
des instruments relatifs aux droits de l'homme figurent parmi les sources de
droit à prendre en compte lors de l'interprétation du droit interne, mais, en
cas de conflit direct, le droit interne l'emporte. Au cours des dernières décennies,
il est arrivé que les tribunaux aient eu à donner la primauté à des dispositions
de droit interne qui n'étaient pas conformes aux dispositions de la Convention
européenne des droits de l'homme. Pour éviter de telles contradictions entre
le droit interne et les dispositions de la Convention, cette dernière a été
dans son intégralité incorporée au droit islandais, en vertu de la loi No 62/1994.
C'est le premier et le seul exemple d'incorporation d'un instrument relatif
aux droits de l'homme au droit interne.
25. L'influence des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme
sur les procédures juridiques islandaises et l'application des dispositions
constitutionnelles relatives aux droits de l'homme s'est sensiblement développée
depuis que l'Islande est devenue partie à ces instruments, surtout pendant la
dernière décennie, et en particulier en ce qui concerne l'interprétation du
droit interne. Les amendements apportés à la Constitution en vertu de la loi
No 97/1995 sont, dans une certaine mesure, dus à cette influence. Pour parer
à tout risque de conflit entre la Convention européenne des droits de l'homme
et le droit interne, il est apparu nécessaire de l'incorporer au droit interne.
L'opinion publique s'intéresse de plus en plus à la question de savoir si l'Islande
a rempli ses obligations en vertu d'autres instruments internationaux. Dans
l'immédiat, il n'est pas prévu d'incorporer d'autres instruments relatifs aux
droits de l'homme au droit interne. À noter que les plus importants instruments
relatifs aux droits de l'homme mentionnés ci-dessus sont officiellement publiés
dans un recueil de textes de lois que fait régulièrement paraître le Ministère
de la justice, dans lequel ne figurent généralement que les lois promulguées.
26. Comme on l'a déjà indiqué ci-dessus, les nouvelles dispositions de la Constitution
ont été formulées compte tenu des dispositions des instruments internationaux
relatifs aux droits de l'homme. La Constitution ayant pour objectif d'énoncer
des principes généraux, ses dispositions sont toutefois moins détaillées que
celles des instruments internationaux. Il ne faut pas perdre de vue qu'il s'agit
de grands principes généraux énoncés dans les dispositions détaillées des instruments
relatifs aux droits de l'homme auxquels l'Islande est devenue partie. Désormais,
la Constitution énumère tous les droits fondamentaux les plus importants que
ces instruments visent à garantir. Les instruments internationaux ont de plus
en plus de poids dans l'interprétation de ce que ces droits impliquent.
D. Législation islandaise sur l'interdiction de la torture
27. Au cours de la dernière décennie, la législation sur les procédures juridiques
et l'application des lois a été profondément remaniée. Les nouveaux textes promulgués
prennent davantage en compte les obligations internationales dans le domaine
des droits de l'homme, y compris l'obligation de protection contre la torture
et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
28. En la matière, la législation islandaise se situe à trois niveaux. Premièrement,
la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants sont
interdits au paragraphe 1 de l'article 68 de la Constitution. Deuxièmement,
une interdiction comparable figure à l'article 3 de la Convention européenne
des droits de l'homme, qui a force de loi depuis son incorporation au droit
interne en vertu de la loi No 62/1994. Le libellé de ces deux dispositions est
identique, mais elles ont une portée plus large que l'article premier de la
Convention contre la torture, car elles ne sont pas limitées aux cas de torture
infligée par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant
à titre officiel. Elles sont d'application générale.
29. Troisièmement, selon certaines dispositions du Code pénal général No 19/1940,
la torture est un délit. Si un fonctionnaire commet des actes de torture physique,
il agit en violation des dispositions relatives à l'atteinte à l'intégrité physique
figurant aux articles 217 ou 218 du Code pénal général, selon la gravité de
l'acte. Le chapitre XIV du Code pénal général contient des dispositions spéciales
qui criminalisent les actes commis dans l'exercice d'une fonction officielle,
notamment les articles 131, 132, 134 et 135 dont relèvent au premier chef les
comportements visés à l'article premier de la Convention. En cas de torture
physique, les dispositions de ces articles seraient, en général, appliquées
conjointement avec celles ayant trait aux préjudices corporels. En cas de torture
autre que physique, ces dispositions, en soi, rendent des sanctions pénales
possibles lorsque l'acte incriminé est commis par une personne agissant à titre
officiel. Il ne fait aucun doute que ces dispositions pénales s'appliquent aux
actes énoncés à l'article premier de la Convention contre la torture, même si
le terme "torture" n'y figure pas. De plus, les dispositions mentionnées
ont, à certains égards, une portée plus large que l'article premier de la Convention
car elles rendent punissable tout abus de pouvoir quel qu'il soit par un représentant
de l'autorité publique, et non pas seulement ceux visés à l'article premier.
À noter que l'intention n'est pas toujours une condition d'application de ces
dispositions pénales. Des sanctions peuvent aussi intervenir en cas de faute
grave. Le contenu des dispositions mentionnées ci-dessus sera décrit plus en
détail dans la partie consacrée aux articles 2 et 4 de la Convention contre
la torture.
30. Indépendamment de ces dispositions relatives aux infractions commises par
des agents de l'État, la torture physique est naturellement punissable au titre
d'un grand nombre de dispositions pénales, même si le terme "torture"
n'est pas expressément employé. De manière générale, toutes les dispositions
du Code pénal général rendant passible de sanction tout acte intentionnel portant
atteinte à la vie et à l'intégrité physique rendent aussi la torture physique
punissable. Outre les dispositions des articles 217 et 218 déjà mentionnées,
on peut citer l'article 225 relatif à la contrainte illicite, l'article 226
sur la privation de liberté et diverses dispositions du chapitre XXII relatif
aux délits sexuels.
31. Divers textes de lois, notamment le Code de procédure pénale, No 10/1991,
protègent les droits des personnes arrêtées ou détenues dans le cadre d'enquêtes
judiciaires. Ils ont spécifiquement pour objectif de prévenir la torture, toutes
pratiques abusives aux fins d'obtenir des aveux de personnes privées de leur
liberté et toute forme de contrainte exercée à des fins d'enquête par des représentants
de l'autorité publique. La durée maximale des séances d'interrogatoire d'un
suspect est spécifiée au paragraphe 2 de l'article 69 du Code de procédure pénale
et dans le Règlement No 395/1997 relatif au statut juridique des personnes arrêtées
et aux interrogatoires de police, selon lequel une personne ne peut être interrogée
plus de six heures consécutives et doit avoir pu dormir et se reposer suffisamment
auparavant. En vertu du paragraphe 2 de l'article 42 du Code de procédure pénale,
un avocat doit toujours assister à l'interrogatoire d'un suspect. Le Règlement
No 179/1992 relatif à la détention provisoire traitent plus en détail de l'interrogatoire
et du traitement des personnes en détention provisoire. Des détails seront fournis
à ce sujet au titre de l'article 11 de la Convention.
32. La loi No 48/1988 relative aux prisons et aux conditions d'emprisonnement
contient des dispositions générales sur le traitement des détenus condamnés,
entre autres sur les droits qu'ils ont en prison et sur la mesure dans laquelle
il doit être tenu compte de leurs besoins particuliers, en cas d'affection physique
ou de troubles mentaux. La loi contient aussi des dispositions précises sur
les mesures disciplinaires et les conditions dans lesquelles un prisonnier peut
être soumis au régime cellulaire. Les droits des détenus condamnés seront décrits
plus en détail au titre de l'article 11 de la Convention.
33. Un texte législatif spécifique, la loi No 15/1990, a été promulgué à la
suite de la ratification par l'Islande de la Convention européenne pour la prévention
de la torture, en 1990. Elle précise de quelle manière les autorités islandaises
doivent prêter leur concours au Comité pour la prévention de la torture lorsque
ce dernier examine les conditions dans lesquelles les personnes privées de liberté
sont traitées en Islande. Des membres du Comité en mission dans le pays dans
le courant de l'été 1993 ont inspecté les conditions de détention dans quelques
prisons et postes de police et enquêté sur l'éventualité d'actes de torture
ou de traitements inhumains ou dégradants. Le Comité a indiqué dans ses conclusions
qu'il n'avait rien constaté à cet égard. En revanche, il a formulé des observations
sur la vétusté de certains des lieux de détention visités par ses membres. Des
améliorations ont depuis lors été apportées. C'est ainsi qu'une nouvelle prison
a été mise en service et qu'une maison d'arrêt, considérée inacceptable par
les membres du Comité, a été fermée. Le Comité prévoit une nouvelle visite en
Islande dans le courant du premier semestre de 1998.
34. La peine de mort est depuis longtemps abolie en Islande, de même que les
châtiments corporels. Le paragraphe 2 de l'article 69 de la Constitution interdit
la légalisation de la peine de mort. Les seules sanctions prévues par la législation
irlandaise sont des peines d'amende et de privation de liberté. Ces dernières
sont de deux ordres : emprisonnement et détention provisoire. Dans la pratique,
aucune différence n'existe entre ces deux régimes de privation de liberté, mais
dans le second cas, la privation de liberté est en général de plus courte durée.
La législation islandaise ne contient aucune disposition qui puisse justifier
le recours à la torture ou à d'autres peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants à l'encontre des personnes privées de liberté.
35. La législation islandaise ne protège pas seulement les personnes privées
de liberté pour les besoins d'une instruction pénale ou à la suite d'une condamnation
contre la torture ou autres traitements inhumains. En effet, le risque de subir
un tel traitement n'existe pas uniquement pour les détenus mais aussi pour les
personnes internées d'office pour cause de maladie mentale ou pour les mineurs
irresponsables au regard de la loi pénale, qui sont placés contre leur gré dans
des institutions. Ce risque existe aussi pour les personnes placées sous tutelle
ou totalement dépendantes d'une autre personne, en raison d'une certaine vulnérabilité.
Entre autres situations à examiner dans ce contexte figure le traitement des
enfants dans des institutions ou à l'école et des patients dans les hôpitaux.
La loi remédie au problème, dans une certaine mesure, par des dispositions de
protection réglementant ces situations pour empêcher les traitements cruels,
inhumains ou dégradants. L'article 63 de la loi No 58/1992 relative à la protection
des enfants et des adolescents, rend passible de sanctions quiconque maltraite
un enfant ou un adolescent dont il a la garde, porte atteinte à son intégrité
mentale ou physique ou met en danger sa vie ou sa santé par négligence. En vertu
de l'article 64 de cette même loi, est passible de sanctions pénales quiconque
punit, menace ou intimide un enfant de manière à porter atteinte à son bien-être
psychique ou physique. Le paragraphe 2 de l'article 52 de cette loi, qui porte
sur la surveillance des foyers et institutions pour enfants et adolescents,
interdit les châtiments corporels ou psychiques. Les malades aussi sont spécifiquement
protégés contre tout traitement cruel, inhumain ou dégradant, notamment en vertu
de la loi No 74/1997 sur les droits des malades, qui prévoit, entre autres,
que les malades ont le droit de refuser un traitement médical (art. 7), et qui
exige le consentement écrit d'un malade à sa participation à toute expérience
scientifique, par exemple l'essai de nouveaux médicaments (art. 10).
E. Autorités compétentes dans les matières visées par la Convention
36. Si quelqu'un se plaint d'avoir été torturé par un agent de la fonction publique
agissant à titre officiel, selon la définition de l'article premier de la Convention,
la législation islandaise prévoit l'ouverture d'une enquête et d'une action
pénale contre la personne mise en cause. Les voies de recours et les juridictions
compétentes sont décrites ci-après en termes généraux, mais un compte rendu
plus détaillé et des informations statistiques sur les cas qui se sont produits
seront fournis dans la partie consacrée aux articles 12 et 13 de la Convention.
Plainte mettant en cause des membres de la police et procédures pénales devant
les tribunaux
37. La loi No 90/1996 relative à la police établit les procédures à suivre lorsqu'une
plainte est déposée contre un membre de la police accusé d'une infraction pénale
dans l'exercice de ses fonctions. Avant l'entrée en vigueur de cette loi, le
1er juillet 1997, la procédure à suivre n'était pas spécifiée par la loi, aussi
a-t-on voulu instituer des règles en la matière pour garantir la bonne conduite
et l'impartialité de la procédure dès le début. L'article 35 de cette loi précise
que si une plainte est déposée contre un policier accusé d'une infraction pénale
dans l'exercice de ses fonctions, ou si des soupçons pèsent sur un policier,
le Directeur de la police doit immédiatement en informer le Procureur général.
Le Bureau du Directeur national de la police comprend une section spéciale d'enquête
ayant entre autres pour fonctions d'enquêter sur toutes ces plaintes, mais c'est
le Procureur général qui est responsable de cette enquête, et non pas le Directeur
national de la police qui est chargé de toutes les autres enquêtes qui sont
du ressort de son bureau. Si après enquête il s'avère que les agissements d'un
policier le rendent passible de sanctions, le Procureur général intentera des
poursuites pénales. Pendant la durée de l'enquête, le policier mis en cause
est provisoirement suspendu de ses fonctions. Selon les résultats de l'enquête,
le policier pourra être traduit en justice, faire l'objet d'un blâme par son
supérieur hiérarchique, c'est-à-dire le Directeur régional de la police concerné
ou être licencié.
38. Si un détenu affirme qu'un gardien de prison lui a fait subir des tortures,
il peut se plaindre au Directeur de la prison ou à la Direction de l'administration
pénitentiaire et des services de probation, qui supervise toutes les prisons
islandaises, ou encore adresser directement une plainte au directeur de la police
dont relève la prison. Lorsque le Directeur de l'administration pénitentiaire
et des services de probation est informé qu'un gardien de prison est accusé
d'actes de torture ou autres mauvais traitements, il peut adresser au directeur
de la police concerné une plainte pour infraction pénale présumée de la part
d'un gardien de prison. S'il ne s'agit pas d'allégations de torture mais d'agissements
abusifs contraires à l'éthique de la profession, le directeur de la prison peut
lui infliger un blâme avant, éventuellement, de le renvoyer. Tout gardien de
prison mis en cause pour actes passibles d'une sanction pénale à l'encontre
d'un détenu sera temporairement suspendu pendant l'enquête.
L'Ombudsman
39. L'Ombudsman du Parlement peut être saisi de plaintes pour torture et autres
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants contre une personne agissant
à titre officiel.
La Commission européenne des droits de l'homme et la Cour européenne des droits
de l'homme
40. L'Islande a reconnu la compétence de la Commission européenne des droits
de l'homme pour être saisie conformément à l'article 25 de la Convention européenne
des droits de l'homme d'une requête par toute personne physique qui se prétend
victime d'une violation des droits reconnus dans la Convention. L'Islande a
aussi reconnu la compétence de la Cour européenne des droits de l'homme. Les
autorités islandaises n'ont pas eu connaissance de plaintes qui auraient été
déposées auprès de la Commission alléguant de violations de l'article 3 de la
Convention européenne des droits de l'homme.
Le Comité des droits de l'homme institué en vertu du Pacte international relatif
aux droits civils et politiques
41. L'Islande a ratifié le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques concernant la compétence du Comité agissant
conformément aux dispositions du Protocole pour recevoir des communications
émanant de particuliers qui prétendent être victimes de violations par un État
de l'une quelconque des dispositions du Pacte. Le Gouvernement islandais n'a
pas eu connaissance de communications alléguant de violations de l'article 7
du Pacte qui auraient été adressées au Comité.
F. Autres informations sur les prisons et les
conditions de détention en Islande
42. A la fin du présent chapitre, il convient de passer en revue les textes
de loi se rapportant à la privation de liberté des personnes soupçonnées d'actes
délictueux et aux conditions de détention en Islande compte tenu du fait que
c'est dans ces domaines que des mesures spécifiquement destinées à empêcher
la torture seront les plus nécessaires.
43. En vertu du paragraphe 2 de l'article 67 de la Constitution, tout individu
arrêté pour suspicion d'acte délictueux doit être dans le plus court délai traduit
devant un juge. S'il n'est pas immédiatement relâché, le juge devra dans les
24 heures rendre une décision motivée indiquant s'il y a lieu de le placer en
détention. Désormais, la règle est que toute personne arrêtée, doit, sans exception,
comparaître devant un juge dans les délais prescrits, et en attendant, doit
être placée en garde à vue dans les locaux du commissariat de la juridiction
compétente. En général, lorsqu'une personne arrêtée est présentée à un juge,
ce dernier rend sur le champ une décision motivée indiquant si elle doit être
relâchée ou mise en détention, mais si tel n'est pas le cas, il doit statuer
dans un délai de 24 heures. Une personne ne peut être maintenue en détention
provisoire que si elle est soupçonnée d'un délit passible d'une peine d'emprisonnement.
Le Code de procédure pénale expose en détail les conditions de détention provisoire
à d'autres égards et selon le paragraphe 2 de l'article 105, la détention provisoire
doit toujours être de courte durée, pour une période déterminée. En vertu du
paragraphe 3 de l'article 108, tout prévenu peut toujours exposer au juge ses
griefs sur le déroulement de la procédure de mise en détention provisoire. Le
Règlement No 179/1992 sur la détention provisoire, fournit de plus amples détails
sur le traitement des prévenus.
44. Conformément à la loi No 48/1988 sur les prisons et les conditions de détention
il y a deux catégories de prisons en Islande, les établissements pénitentiaires
et les maisons d'arrêt. Dans ces dernières sont détenues les personnes placées
en détention provisoire conformément aux dispositions du Code de procédure pénale
pour les besoins de l'instruction. La capacité totale des prisons islandaises
est de 138 détenus. Le nombre de détenus au cours des quatre dernières années
(moyenne par jour) est indiqué dans le tableau ci-après. Les chiffres entre
parenthèses se réfèrent au nombre de détenus purgeant leur peine à l'extérieur
des prisons, par exemple dans des hôpitaux ou des établissements de soins et
de désintoxication pour alcooliques ou toxicomanes :
Condamnés |
Prévenus |
|
---|---|---|
1994 |
102 (2) | 4 |
1995 |
107 (6) | 4 |
1996 |
118 (14) | 6 |
1997 (au 1 er décembre |
101 (12) | 12 |
Diverses améliorations ont été apportées aux établissements pénitentiaires au
cours des cinq dernières années. Les documents annexés fournissent des informations
détaillées sur l'organisation des prisons en Islande, sur le traitement des
détenus et les voies de recours qui leur sont ouvertes s'ils estiment avoir
été victimes de torture ou de mauvais traitements de la part de policiers ou
de gardiens de prison.
.
II. INFORMATIONS CONCERNANT CHACUNE DES DISPOSITIONS
DE LA PREMIÈRE PARTIE DE LA CONVENTION
Article 2
45. Comme indiqué ci-dessus, en vertu du paragraphe 2 de l'article 68 de la
Constitution, nul ne peut être soumis à la torture ou autres peines ou traitements
inhumains ou dégradants. Cette interdiction n'admet ni réserve, ni condition,
ni exception. Cette disposition est comparable à celle de l'article 3 de la
Convention européenne des droits de l'homme qui a force de loi en Islande, en
vertu de la loi No 62/1994.
46. Le terme "torture" n'est pas défini dans la législation islandaise.
Compte tenu du sens donné à ce terme à l'article 3 de la Convention européenne
des droits de l'homme, la définition détaillée figurant à l'article premier
de la Convention contre la torture est celle qui sera retenue dans le présent
document.
47. La Constitution ne contient aucune disposition rendant possible une quelconque
dérogation à ses dispositions relatives aux droits de l'homme, dans quelque
circonstance exceptionnelle que ce soit, qu'il s'agisse de l'état de guerre
ou de menace de guerre, d'instabilité politique intérieure ou de tout autre
état d'exception. L'éventualité d'une dérogation aux dispositions de la Constitution
relatives aux droits de l'homme pour raison d'état d'urgence, en temps de guerre
ou de paix, ne s'est jamais présentée. À l'évidence, même si une des situations
énumérées au paragraphe 2 de l'article 2 de la Convention contre la torture
se produisait, le paragraphe 2 de l'article 15 de la Convention européenne des
droits de l'homme garantit la non-dérogation au principe de l'interdiction de
la torture. À noter aussi que l'Islande est liée par un principe comparable
en vertu du paragraphe 2 de l'article 4 du Pacte international relatif aux droits
civils et politiques selon lequel aucune dérogation n'est autorisée à l'article
7 du Pacte.
48. Diverses mesures de caractère législatif, administratif et judiciaire ont
été prises pour empêcher la torture. Elles sont de nature différente et seront
décrites plus en détail dans les paragraphes consacrés à chaque article de la
Convention contre la torture. Néanmoins, il convient de mentionner, premièrement,
la législation interdisant la torture sous toutes ses formes et d'autres peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En droit islandais, la torture
constitue une infraction pénale et des dispositions spécifiques s'appliquent
aux responsables de l'application des lois agissant à titre officiel. Ces dispositions
sont décrites en détail au titre de l'article 4 de la Convention.
49. Deuxièmement, le Code pénal général rend passible de poursuites quiconque
commet l'une des infractions décrites à l'article premier de la Convention contre
la torture. En vertu de la législation désormais en vigueur, toute personne
qui s'est rendue coupable d'une telle infraction peut être poursuivie devant
les tribunaux islandais, quel que soit le lieu où l'infraction a été commise
ou quelle que soit la nationalité du prévenu. Ces dispositions sont décrites
plus en détail au titre de l'article 5 de la Convention.
50. Troisièmement, des mesures visant spécifiquement à empêcher la torture ont
été adoptées, au nombre desquelles celles se rapportant aux interrogatoires
et au traitement des personnes arrêtées, des détenus et des autres personnes
privées de liberté, qui régissent la conduite des fonctionnaires concernés.
Dans ce contexte, il convient aussi de mentionner que lesdits fonctionnaires
sont informés de l'interdiction de la torture dans le cadre de leur formation,
ainsi que des normes de conduite qu'ils doivent respecter. Les mesures prises
dans ce domaine sont décrites plus en détail au titre des articles 10 et 11
de la Convention.
51. La législation pénale ne prévoit pas la possibilité d'invoquer l'ordre d'un
supérieur ou d'une autorité administrative pour justifier la torture. Le droit
pénal islandais repose sur le principe selon lequel la peine est prononcée à
l'encontre de la personne coupable d'une infraction pénale. Quiconque commet
l'un des actes énumérés à l'article premier de la Convention contre la torture
sera condamné, qu'il ait ou non agi sur ordre d'un supérieur. Le Code pénal
général prévoit aussi des sanctions pour le supérieur qui a ordonné à une personne
placée sous son autorité de torturer quelqu'un, même s'il n'a pas lui-même participé
à l'acte. Le fait d'avoir donné un tel ordre constitue une infraction particulièrement
grave et l'article 135 du Code pénal général dispose que si un fonctionnaire
participe à la commission d'une infraction par un autre fonctionnaire soumis
à son autorité ou l'incite à commettre une telle infraction, il est passible
de la peine prévue pour cette infraction et jusqu'à la moitié de ladite peine
sera ajoutée à la sentence.
Article 3
52. En vertu de la législation islandaise, nul ne peut être extradé ou refoulé
vers un autre État s'il y a des motifs sérieux de croire qu'il risque d'y être
soumis à la torture. Les dispositions pertinentes se trouvent pour la plupart
dans la loi No 13/1984 relative à l'extradition et aux autres formes d'assistance
en matière pénale (loi sur l'extradition) et la loi No 45/1965 sur le contrôle
des étrangers (loi sur l'immigration). Une loi distincte (No 7/1962) s'applique
à l'extradition vers le Danemark, la Finlande, la Norvège ou la Suède.
53. En vertu de la loi sur l'extradition, une personne peut être extradée vers
un pays où elle est soupçonnée d'avoir commis une infraction punissable ou a
été pénalement poursuivie ou condamnée pour une telle infraction. La loi fait
toutefois certaines réserves à ce principe général. Ainsi, en vertu de l'article
3, l'extradition ne peut intervenir que si l'acte incriminé est passible d'une
peine de plus d'un an d'emprisonnement en droit islandais. L'article 5 interdit
l'extradition pour des délits politiques. Selon l'article 6, l'extradition est
interdite si la personne concernée risque fort, une fois extradée, de subir
des persécutions mettant sa vie ou sa liberté en danger ou d'être exposée à
d'autres formes d'oppression ou de persécution graves en raison de sa race,
de sa nationalité, de sa religion, de ses opinions politiques ou du fait de
certaines circonstances politiques. L'article 7 permet aussi de refuser l'extradition
dans des cas particuliers pour des motifs humanitaires (âge, état de santé ou
autres considérations personnelles).
54. C'est le Ministère de la justice qui reçoit les demandes d'extradition présentées
par les États. La procédure applicable à ces demandes est établie par les articles
13 à 18 de la loi sur l'extradition. Si le Ministère considère, après avoir
examiné la demande et les pièces jointes, qu'il ne peut y donner suite, il agit
en conséquence. Si la demande n'est pas immédiatement rejetée par le Ministère
de la justice, elle doit être transmise au Procureur général qui devra immédiatement
entreprendre une enquête. La personne faisant l'objet de la demande d'extradition
peut demander à un tribunal de déterminer si les conditions légales d'extradition
sont remplies. Lorsque le Procureur général avise une personne d'une demande
d'extradition la concernant et des arguments invoqués à l'appui de cette demande,
il doit l'informer de son droit de saisir les tribunaux et de demander les services
d'un avocat commis d'office. Les honoraires de ce dernier ainsi que les frais
de justice seront réglés par l'État.
55. Conformément aux règles précitées, le tribunal, à la demande de la personne
faisant l'objet d'une demande d'extradition, vérifie que les conditions légales
sont remplies et examine, notamment, si les articles 6 et 7 de la loi relative
à l'extradition sont applicables en l'espèce. S'il y a de sérieux motifs de
croire que la personne risque d'être soumise à la torture dans le pays vers
lequel elle serait extradée, les conditions légales ne sont pas remplies et
le tribunal rejettera alors la demande d'extradition.
56. Une affaire de ce genre a récemment été portée pour la première fois devant
les tribunaux islandais. Par un arrêt en date du 17 octobre 1997, la Cour suprême
a confirmé une décision du tribunal de district refusant l'extradition d'un
couple vers les États-Unis. Les autorités de ce pays avaient demandé leur extradition
arguant d'une procédure pénale en cours contre eux dans leur pays d'origine.
Les époux ont contesté cette demande et fourni des preuves détaillées établissant
qu'il y avait de sérieux motifs de croire qu'ils ne bénéficieraient pas d'un
procès équitable devant un tribunal de l'Arizona. Il était aussi très probable
qu'ils fassent l'objet d'un traitement inhumain du fait qu'ils voyageraient
enchaînés jusqu'à leur lieu de destination, conformément aux règles régissant
le transfèrement des détenus aux États-Unis, et qu'ils seraient emprisonnés
dans un établissement pénitentiaire du comté de Maricopa, en Arizona. Les intéressés
ont démontré que les conditions de détention y étaient inhumaines et dégradantes
et qu'une décision d'extradition des autorités islandaises porterait atteinte
à leurs droits en vertu du paragraphe 1 de l'article 68 de la Constitution,
de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article
7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. La Cour suprême
a estimé que les conditions légales d'extradition n'étaient pas remplies et
que les autorités administratives étaient tenues d'observer le principe de la
proportionnalité lorsqu'elles statuaient sur une demande d'extradition et devaient,
entre autres, négocier avec les autorités des États-Unis pour faire en sorte
que le couple retourne aux États-Unis de son plein gré et bénéficie d'une liberté
provisoire sous caution en attendant l'issue du procès. Les époux sont toujours
en Islande bien que leur permis de résidence ne soit plus valide. Au moment
de la rédaction du présent rapport, aucune décision n'avait été prise concernant
leur expulsion.
57. Des étrangers peuvent être refoulés ou expulsés d'Islande en application
des dispositions de la loi No 45/1985 sur l'immigration. L'Islande est partie
à la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 et à son Protocole de
1967. En vertu du paragraphe 4 de l'article 10 de cette loi, un étranger ne
peut être refoulé à son arrivée en Islande s'il affirme s'être vu contraint
de demander l'asile à titre de réfugié et si l'on a des raisons de croire qu'il
dit vrai. Dans ce contexte, le terme "réfugié" correspond à la définition
de l'article premier de la Convention relative au statut des réfugiés. C'est
au Service de l'immigration qu'il appartient de prendre les décisions sur les
demandes d'asile politique. Un recours peut être introduit contre ses décisions
auprès du Ministère de la justice et le demandeur d'asile doit être informé
de son droit de recours. La loi sur l'immigration et les règles générales de
la loi No 37/1993 relative aux procédures administratives déterminent la procédure
à suivre dans de tels cas, y compris le droit des étrangers de recourir et de
présenter des preuves à l'appui de leur demande. Au cours des cinq dernières
années, aucune demande d'asile politique n'a reçu un avis favorable en Islande,
mais ces demandes ont été relativement peu nombreuses. Les demandeurs sont fréquemment
renvoyés vers les pays d'où ils viennent, le plus souvent des pays nordiques
auxquels ils ont souvent, pour la plupart, demandé l'asile et dont les dossiers
sont examinés par les autorités desdits pays. Quelques demandeurs d'asile se
sont cependant vu accorder des permis de résidence du fait, par exemple, de
la situation dans leur pays d'origine qui ne justifiait pas pour autant qu'on
leur accorde le statut de réfugié. Le tableau ci-après indique le nombre des
demandes d'asile reçues par l'Islande et les décisions prises.
- | Demandeurs d'asile |
Résidence accordée |
Refoulés |
1992 | 3 |
0 |
3 vers la Norvège |
1993 | 7 |
3 |
2 vers la Norvège; 2 vers la Suède |
1994 | 0 |
- |
- |
1995 | 4 |
4 |
- |
1996 | 4 |
1 |
1 vers la Norvège; 2 vers le Danemark |
1992 3 0
1993 7 3 2 vers la Norvège; 2 vers la Suède
1994 0 - -
1995 4 4 -
1996 4 1 1 vers la Norvège; 2 vers le Danemark
58. Dans trois des cas mentionnés ci-dessus, un en 1995 et deux en 1996, les
demandeurs ont exercé leur droit de recours auprès du Ministère de la justice
contre la décision de leur refuser l'asile prise par le Service de l'immigration.
Le Ministère a confirmé deux de ces décisions mais a accordé un permis de résidence
dans un seul cas.
Article 4
59. Le Gouvernement islandais considère que, selon le droit interne, la torture,
mentale ou physique, selon la définition de l'article premier de la Convention,
est un délit passible de peines appropriées. On trouvera ci-après de plus amples
renseignements sur les dispositions pénales déjà mentionnées qui font des actes
impliquant des tortures des délits punissables.
60. Le terme "torture", en tant que tel, n'est pas utilisé dans la
législation pénale islandaise, généralement libellée de manière à déclarer punissable
un acte ou un comportement spécifique, dont les conséquences peuvent s'avérer
déterminantes pour établir quelles dispositions pénales s'appliquent. La torture
physique est passible de sanctions en vertu de nombreuses dispositions du Code
pénal général. Toutes les dispositions du Code rendant passible de sanctions
les actes intentionnels portant atteinte à la vie ou à l'intégrité physique
d'une personne peuvent être considérées comme étant également applicables aux
actes de torture physique. L'article 217 du Code traite des voies de fait constituant
des délits correctionnels punissables de peines d'amende ou de peines d'emprisonnement
d'un an maximum. L'article 218 traite des voies de fait graves. En vertu de
cet article, quiconque porte atteinte à l'intégrité physique d'une personne
en la brutalisant intentionnellement ou est responsable des conséquences de
l'acte, intentionnellement ou par négligence, encourt une peine correctionnelle
d'emprisonnement de trois ans au maximum, ou une peine d'amende en cas de circonstances
particulièrement atténuantes. Si de graves lésions corporelles ont été infligées
ou si les circonstances sont particulièrement aggravantes du fait des méthodes
ou des instruments utilisés ou encore si la victime des coups et blessures meurt,
le coupable est passible d'une peine d'emprisonnement pouvant atteindre 16 ans.
61. Outre ces deux importantes dispositions du Code pénal général qui traitent
des voies de fait, il y a aussi l'article 215 sur l'homicide, l'article 225
sur la contrainte illicite, l'article 226 sur la privation de liberté et diverses
dispositions du chapitre XXII qui traite des délits sexuels. Enfin, certaines
tortures mentales sont punissables au titre de l'article 221 relatif au fait
de ne pas porter à une personne en danger de mort l'assistance qu'on pourrait
lui prêter sans risque pour sa propre vie ou sa propre santé, de l'article 225
sur la contrainte illicite, de l'article 226 sur la privation de liberté et
de diverses dispositions du chapitre XXV relatif aux atteintes à l'honneur et
à la vie privée.
62. Dans les Observations générales ci-dessus, on a énuméré les dispositions
du chapitre XIV du Code pénal général traitant des délits commis par une personne
agissant à titre officiel. Les dispositions les plus pertinentes en relation
avec la définition de la torture figurant à l'article premier de la Convention
sont celles des articles 131, 132 et 134 énoncées ci-après.
63. L'article 131 dispose que tout juge ou agent de l'État investi de l'autorité
publique en vertu du droit pénal qui emploie des méthodes illicites pour amener
une personne à faire des aveux ou une déclaration, qui procède illégalement
à l'arrestation ou à l'emprisonnement d'une personne ou qui effectue une enquête
illégale ou saisit illégalement des documents ou d'autres objets est passible
d'une peine d'amende ou d'une peine d'emprisonnement de trois ans au plus.
64. L'article 132 prévoit des peines d'amende ou des peines d'emprisonnement
correctionnelles, sous réserve de toutes peines plus lourdes prévues par la
loi, si une personne agissant à titre officiel s'abstient délibérément d'observer
les règles établies en matière de procédure ou de règlement d'une affaire (arrestation,
perquisition ou emprisonnement), ou dans le cadre de l'application d'une peine
ou d'une saisie ou enfreint d'autres règles du même ordre.
65. L'article 134 prévoit une peine privative de liberté pouvant atteindre trois
ans si une personne agissant à titre officiel abuse de sa situation pour contraindre
une autre personne à commettre ou à subir un acte ou à s'abstenir d'agir.
66. Enfin, l'article 138 dispose que si un fonctionnaire commet une infraction
qu'il y a lieu de considérer comme un abus de pouvoir, mais qui n'est pas punissable
en tant qu'infraction commise dans l'exercice de ses fonctions, il est passible
de la peine prévue pour cette infraction. Toutefois, jusqu'à la moitié de la
peine en question peut être ajoutée à la sentence.
67. En ce qui concerne la torture, les articles 132, 133 et 134 du Code pénal
général ont été interprétés comme s'appliquant principalement à la torture mentale
infligée par des personnes agissant à titre officiel. En cas de torture physique,
telle que définie à l'article premier de la Convention contre la torture, une
personne agissant à titre officiel serait aussi inculpée de voies de fait au
titre de l'article 217 ou de l'article 218 du Code pénal général selon la gravité
des blessures infligées. En vertu de l'article 138, il est possible, comme on
l'a indiqué ci-dessus, d'augmenter la peine de 50 % au plus. Il y a quelques
années, deux policiers ont été condamnés pour mauvais traitements à l'encontre
de personnes arrêtées. Par un jugement rendu le 14 novembre 1991 l'un d'eux
a été condamné au titre des articles 218 et 138 du Code pénal général, mais
l'application d'une peine supplémentaire au titre de l'article 132 n'a pas été
considérée justifiée. Par un jugement prononcé le 21 mars 1997, le deuxième
a été condamné pour violation des articles 217, 138 et 132 du Code. On reviendra
plus en détail sur ces deux jugements dans la partie consacrée aux articles
12 et 13 de la Convention.
68. Dans les paragraphes relatifs à l'article 2 de la Convention, il a été fait
mention des dispositions spéciales relatives à la responsabilité d'un complice
par instigation qui figurent à l'article 135 du Code pénal général, à savoir
la participation d'un supérieur à une infraction commise par une personne placée
sous son autorité ou la commission d'une infraction sur ordre d'un supérieur.
Ces infractions sont considérées comme particulièrement graves, la peine applicable
au supérieur pouvant être en pareil cas augmentée de moitié. Les règles générales
applicables aux personnes qui tentent de commettre un délit ou sont complices
d'un délit sont énoncées aux articles 20 et 22 du Code. L'article 20 pose en
principe général que quiconque a résolu de commettre une infraction punissable
en vertu du Code et a ouvertement manifesté cette intention par un acte visant
à la mettre à exécution est, même s'il n'est pas arrivé à ses fins, coupable
d'intention délictueuse. Dans ce cas, il peut être condamné à une peine inférieure
à celle qui est applicable lorsque le délit a été effectivement commis.
69. L'article 22, qui traite de la complicité par assistance, pose en principe
que quiconque, en paroles ou en actes, aide à la commission d'un délit relevant
du Code, ou contribue à sa commission par persuasion, exhortation ou autrement
sera puni comme auteur du délit.
Article 5
70. En droit interne, toute infraction correspondant à l'une de celles définies
à l'article premier de la Convention relève de la compétence pénale de l'Islande
dans tous les cas énumérés à l'article 5. La compétence pénale de l'Islande
est régie par les dispositions détaillées des articles 4 à 6 du Code pénal général.
71. Pour satisfaire aux obligations énoncées au paragraphe 2 de l'article 5
de la Convention contre la torture, des amendements ont été apportés à l'article
6 du Code pénal général par la loi No 142/1995 qui étend la compétence pénale
de l'Islande aux cas où des actes de torture ont été commis. Selon l'alinéa
9 de l'article 6 du Code, une personne coupable d'un délit visé dans la Convention
contre la torture peut être condamnée en vertu du droit pénal islandais, même
si le délit a été commis hors du territoire national et quelle que soit la nationalité
de son auteur. Toutefois, dans ce cas, des poursuites pénales ne peuvent être
engagées que sur ordre du Ministre de la justice. Cette condition s'applique
aussi à d'autres cas qui constituent une exception au principe général selon
lequel l'Islande n'exerce sa compétence pénale que dans les cas où une infraction
a été commise sur le territoire islandais par un ressortissant islandais ou
une personne résidant sur le territoire islandais. Les autres cas où la compétence
pénale de l'Islande est étendue de la sorte sont par exemple ceux indiqués à
l'article premier de la Convention européenne pour la répression du terrorisme,
du 27 janvier 1977 et dans la Convention internationale contre la prise d'otages,
du 18 décembre 1979. À ce jour, les pouvoirs d'action pénale par les autorités
islandaises, et partant, de décision du Ministère de la justice, dans le cadre
de cette compétence élargie, n'ont jamais eu à s'exercer.
Article 6
72. Les dispositions assurant l'application des mesures prévues au paragraphe
1 de l'article 6 de la Convention contre la torture figurent, pour l'essentiel,
dans le Code de procédure pénale (No 19/1991). Conformément au paragraphe 1
de l'article 97 de ce Code, la police peut arrêter une personne dont on a raisonnablement
des raisons de croire qu'elle a commis une infraction majeure, à la condition
que cette arrestation soit nécessaire pour prévenir la récidive ou la fuite,
assurer la présence et la sécurité du suspect ou empêcher la dissimulation ou
la destruction de preuves. En vertu de l'article 99, un juge peut aussi ordonner
une arrestation à la demande du Procureur général ou de la police. En outre,
l'article 19 de la loi sur l'extradition autorise l'arrestation d'une personne
recherchée par les autorités d'un pays étranger parce qu'elle est soupçonnée
d'être l'auteur d'un délit ou a été poursuivie ou condamnée pour un délit pouvant
justifier son extradition en vertu de la loi en question. Ces arrestations et
d'autres mesures coercitives, par exemple la détention préventive, sont régies
par les dispositions du Code de procédure pénale, comme si la personne arrêtée
était accusée d'un délit similaire sur le sol islandais.
73. Le droit de toute personne arrêtée d'être traduite dans le plus court délai
devant un juge avant d'être placée en détention est protégé par l'article 67
de la Constitution, comme indiqué dans les Observations générales ci-dessus.
L'article 102 du Code de procédure pénale contient un principe analogue. Le
chapitre XIII de ce Code traite du placement en détention provisoire et des
mesures connexes. En vertu du paragraphe 1 de l'article 103, une personne ne
peut être placée en détention provisoire que s'il y a raisonnablement lieu de
croire qu'elle a commis un acte punissable d'une peine d'emprisonnement et si
elle a 15 ans révolus. De plus, il faut qu'au moins une des quatre conditions
suivantes, énoncées dans l'article cité, soit remplie :
a) Qu'il y ait un risque que le prévenu fasse obstruction à la justice, par
exemple en faisant disparaître des preuves, en dissimulant des objets ou en
tentant d'influencer des témoins ou d'autres personnes ayant participé à la
commission du délit;
b) Qu'il y ait un risque que le prévenu quitte le pays, se cache ou cherche
par d'autres moyens à se soustraire aux poursuites ou à l'exécution de sa peine;
c) Qu'il y ait un risque que le prévenu poursuive ses activités délictueuses
pendant que son affaire est en instance;
d) Que la détention provisoire soit jugée nécessaire pour protéger autrui contre
les agissements du suspect ou assurer la protection du suspect.
74. Enfin, le paragraphe 2 de l'article 103 du Code de procédure pénale dispose
qu'une personne peut être placée en détention provisoire même si les conditions
énoncées aux alinéas a) à d) ci-dessus ne sont pas remplies, s'il y a de fortes
raisons de croire qu'elle a commis un délit qui la rend passible d'une peine
de 10 ans d'emprisonnement et que dans ce cas, la privation de liberté est jugée
nécessaire dans l'intérêt général.
75. Il ressort de ce qui précède que la législation islandaise prévoit dûment
la mise en détention provisoire des personnes soupçonnées d'avoir commis un
acte relevant de l'article premier de la Convention contre la torture. Dans
la pratique, ce sont les dispositions de l'alinéa a) du paragraphe 1 de l'article
103, relatives aux besoins de l'instruction, qui sont le plus souvent invoquées
pour justifier une ordonnance judiciaire de placement en détention provisoire.
Cet alinéa sera applicable à une personne soupçonnée d'avoir commis un acte
de torture. L'alinéa b) pourra être applicable aussi, par exemple dans le cas
d'un étranger dont on peut craindre qu'il tente de quitter le pays. Le paragraphe
2 de l'article 103 pourra aussi être invoqué dans le cas d'une personne soupçonnée
d'un grave délit en rapport avec la torture punissable d'une peine de 16 ans
d'emprisonnement au plus. Enfin, plutôt que d'ordonner sa mise en détention
provisoire, le juge peut interdire à une personne de quitter un certain secteur.
Ainsi, en vertu de l'article 110 du Code de procédure pénale, un juge peut assigner
un suspect à résidence dans certaines limites géographiques, ou lui interdire
de quitter l'Islande.
76. La détention provisoire ou une mesure connexe telle que l'assignation à
résidence dans un secteur donné doit être limitée dans le temps. La personne
faisant l'objet d'une telle mesure peut introduire un recours auprès de la Cour
suprême qui statue dans les meilleurs délais. Il est difficile d'indiquer la
durée moyenne de la détention provisoire. La durée de la détention est bien
entendu fixée en fonction des faits et des considérations sur lesquelles la
décision est fondée. Dans la pratique, elle est rarement de plus de quatre ou
six semaines et est le plus souvent moins longue lorsque la détention est ordonnée
pour les besoins de l'instruction. La détention provisoire peut être prolongée
pour une période déterminée en vertu d'une nouvelle ordonnance, mais dans les
cas où elle est justifiée pour les besoins de l'instruction, les tribunaux exigent
que l'autorité responsable de l'instruction prouve que le maintien en détention
est nécessaire. Depuis quelques années, la période d'instruction des affaires
pénales graves, dans lesquelles une mise en détention provisoire a été ordonnée,
et la durée de la procédure devant les tribunaux, sont devenues sensiblement
plus courtes. L'un des principaux objectifs de la nouvelle loi No 90/1996 sur
la police, qui est entrée en vigueur le 1er juillet 1997, était d'accroître
l'efficacité de l'instruction pénale et d'accélérer la procédure avant la mise
en accusation.
77. En vertu de l'article 108 du Code de procédure pénale, le traitement des
personnes placées en détention provisoire doit être de nature à faciliter la
réalisation du but de leur détention et toutes mesures sévères ou trop rigoureuses
sont donc à éviter. Cet article traite aussi du régime de détention, entre autres
le droit des détenus d'avoir des visites et d'envoyer ou de recevoir du courrier.
Ces règles et autres principes sont exposés plus en détail dans le Règlement
No 179/1992 sur la détention provisoire. Le principe majeur est que toute personne
placée en détention provisoire peut avoir accès à un téléphone si cela n'est
pas contraire à l'intérêt de l'instruction (art. 62 du Règlement). Elle peut
aussi envoyer des lettres sous réserve des dispositions du chapitre VII du Règlement
sauf si cela risque de nuire à l'instruction. Le chapitre VI du Règlement traite
aussi du droit des prévenus de recevoir des visites à des heures déterminées,
droit qui peut être aussi limité dans l'intérêt de l'instruction. Ce qui précède
montre qu'une personne en détention provisoire est entièrement libre de communiquer
avec le représentant le plus proche du pays dont elle a la nationalité, par
exemple une ambassade, car il est peu probable que cela puisse être contraire
à l'intérêt de l'instruction. Enfin, il convient de mentionner que tout prévenu
a toujours le droit de s'adresser à un juge s'il a des griefs à formuler au
sujet de ses conditions de détention, y compris des restrictions qui pourraient
être imposées à ses contacts avec l'extérieur.
78. Il y a lieu de noter enfin que la mise en détention provisoire n'a jamais
été ordonnée en Islande pour des actes présumés de torture, au sens des articles
premier et 4 de la Convention contre la torture.
79. Il n'existe aucune disposition législative concernant les questions qui
font l'objet du paragraphe 4 de l'article 6 de la Convention. Toutefois, il
ne fait aucun doute que les autorités islandaises aviseraient immédiatement
les autorités d'un État où une personne serait soupçonnée d'avoir commis un
acte de torture. La coopération avec les autorités dudit État, en ce qui concerne
par exemple le rassemblement d'éléments de preuve est une condition préalable
indispensable à toute action pénale devant les tribunaux islandais si le suspect
n'est pas extradé vers le pays où le délit est supposé avoir été commis.
Article 7
80. En cas d'arrestation intervenant à la suite d'une infraction présumée du
type visé aux articles premier et 4 de la Convention, commise par un policier
agissant à titre officiel, une enquête sera effectuée par le Bureau du Directeur
national de la police. Si l'auteur de l'infraction occupe une autre fonction,
celle de gardien de prison par exemple ou toute autre fonction dans le service
public, c'est le Directeur de la police ayant compétence sur le lieu de commission
de l'infraction qui mènera l'enquête. Celui-ci peut demander l'aide de la section
d'enquête du Bureau du Directeur national de la police qui fournit une assistance
dans les cas d'infraction pénale grave. Si une personne est arrêtée parce qu'elle
est soupçonnée d'avoir commis une telle infraction sur le territoire d'un pays
étranger, et n'est pas extradée vers cet État, c'est le Bureau du Directeur
national de la police qui se chargera, dans tous les cas, de l'enquête.
81. Une fois l'enquête terminée, la décision à prendre en matière de poursuites
est soumise à différentes règles, selon que l'infraction présumée a été commise
en Islande ou à l'étranger. Si une infraction impliquant des actes de torture
a été commise en Islande ou par un ressortissant islandais à l'étranger, c'est
le Procureur général qui décidera d'engager ou non des poursuites. Conformément
à l'article 27 du Code de procédure pénale, le Procureur général n'engage de
poursuites que pour les infractions les plus graves, y compris toutes celles
qui auraient été commises par une personne agissant à titre officiel; dans les
autres cas, ce sont les divers directeurs de la police qui engagent l'action
pénale. Si le délit a été commis à l'étranger par une personne qui n'est ni
ressortissante islandaise ni résidente en Islande, la règle particulière évoquée
à propos de l'application de l'article 5 s'applique, à savoir que c'est le Ministre
de la justice qui décide s'il faut engager des poursuites. La raison de cette
disposition est que cette compétence pénale élargie fait clairement exception
au principe selon lequel l'auteur présumé d'une infraction ou l'infraction présumée
doit avoir un rapport avec l'Islande. Toute décision de ce type, impliquant
une dérogation spéciale aux règles générales relatives aux poursuites judiciaires,
nécessite une attention particulière et le Ministère de la justice est considéré
comme étant l'autorité compétente en la matière.
82. Le droit islandais ne prévoit aucune réduction des éléments de preuve exigés
aux fins de poursuites ou de l'établissement de la culpabilité dans les cas
tels que ceux visés au paragraphe 2 de l'article 5. Le droit pénal islandais
contient un principe fondamental - consacré au paragraphe 2 de l'article 70
de la Constitution - selon lequel une personne poursuivie pour une infraction
pénale est présumée innocente aussi longtemps que sa culpabilité n'a pas été
reconnue. On peut également se reporter, dans ce contexte, au paragraphe 2 de
l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et au paragraphe
2 de l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Un aspect important de ce principe apparaît à l'article 45 du Code de procédure
pénale, qui stipule que la charge de la preuve et des faits à charge du prévenu
incombe à l'accusation. Conformément à l'article 112 du Code de procédure pénale,
une action pénale ne peut pas être engagée contre une personne si les éléments
de preuve disponibles après l'enquête sont considérés comme insuffisants ou
peu susceptibles d'aboutir à une reconnaissance de la culpabilité. Il serait
inutile d'intenter une action pénale dans de telles circonstances, étant donné
que les tribunaux sont toujours tenus par la règle en vertu de laquelle une
personne est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été établie
et que la charge de la preuve incombe à l'accusation.
83. Le droit d'une personne à un procès équitable, au civil comme au pénal,
est garanti par l'article 70 de la Constitution, dont les dispositions sont
en grande partie comparables à celles de l'article 6 de la Convention européenne
des droits de l'homme et de l'article 14 du Pacte international relatif aux
droits civils et politiques. Les dispositions détaillées concernant l'enquête
et la procédure judiciaire en matière pénale sont contenues dans le Code de
procédure pénale. Le Gouvernement islandais considère qu'elles répondent à tous
égards à celles du paragraphe 3 de l'article 7 de la Convention, selon lequel
toute personne poursuivie pour une infraction impliquant des actes de torture
bénéficie de la garantie d'un traitement équitable à tous les stades de la procédure.
84. Il serait trop long de décrire ici en détail les droits du suspect et la
procédure pénale et l'on se contentera de mentionner quelques caractéristiques
principales de la procédure pénale telle qu'elle est établie dans le droit islandais.
Le Code de procédure pénale, qui est entré en vigueur le 1er juillet 1992, prévoit
pour la première fois une séparation totale entre les fonctions de l'autorité
chargée des poursuites et celles de la police d'une part et les fonctions judiciaires
au stade de l'enquête d'autre part. Pour les affaires criminelles, les enquêtes
relèvent désormais exclusivement du procureur et de la police. Un juge ne prend
donc jamais aucune initiative en la matière et ne dirige pas l'enquête. Son
rôle, à ce stade, se limite à régler un certain nombre de questions soumises
au tribunal par les parties.
85. La nouvelle loi, qui a totalement aboli la procédure de type inquisitoire
pour instituer une procédure de type accusatoire prévoit en outre un certain
nombre d'amendements visant spécifiquement à garantir aux accusés un traitement
équitable devant les tribunaux. Ainsi, l'article 70 de la Constitution et les
dispositions particulières du Code de procédure pénale garantissent désormais
à toute personne accusée d'une infraction pénale le droit à ce que sa cause
soit entendue publiquement par un tribunal indépendant et impartial, et sans
retard excessif. La loi garantit également à l'accusé les droits énoncés au
paragraphe 3 de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme
et au paragraphe 3 de l'article 14 du Pacte international relatif aux droits
civils et politiques. Ainsi, les droits de l'accusé à être informé des accusations
portées contre lui, à avoir l'assistance d'un défenseur dès le début de l'enquête,
à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense,
à interroger ou faire interroger les témoins à charge et à se faire assister
gratuitement d'un interprète, pour ne citer que quelques exemples, sont tous
garantis.
Article 8
86. En droit islandais, les principales dispositions relatives à l'extradition
sont énoncées dans la loi No 13/1984 sur l'extradition des auteurs d'infractions
pénales et les autres formes d'assistance en matière pénale (loi sur l'extradition),
précédemment mentionnée. Une loi distincte (No 7/1962) concerne l'extradition
vers le Danemark, la Finlande, la Norvège ou la Suède et tous ces pays disposent
d'une législation similaire prévoyant des accords d'extradition. L'Islande est
partie à la Convention européenne d'extradition de 1957 et aux Protocoles additionnels
de 1975 et 1978. D'autres accords d'extradition, conclus avec différents États,
sont en vigueur. Il convient également de noter que l'Islande est partie à la
Convention européenne sur la valeur internationale des jugements répressifs
de 1970 et à la Convention sur le transfèrement des personnes condamnées de
1983. Une loi spécifique, la loi No 56/1993 sur la coopération internationale
concernant la valeur des jugements répressifs, a été promulguée sur la base
de ces deux conventions. Une loi distincte, No 69/1963, concerne l'exécution
des jugements répressifs rendus au Danemark, en Finlande, en Norvège ou en Suède.
87. Il n'est pas nécessaire qu'il y ait un accord d'extradition avec un État
étranger pour que soit possible l'extradition de l'auteur présumé d'une infraction
vers cet État. L'article premier de la loi sur l'extradition prévoit l'extradition
d'un suspect, d'un inculpé ou d'un condamné vers un État étranger si les autres
conditions spécifiées dans la loi sont remplies, notamment le principe énoncé
en son article 3 selon lequel l'acte donnant lieu à l'extradition doit être
punissable d'une peine d'emprisonnement supérieure à un an en droit islandais.
Il ressort clairement des informations données au sujet de l'application de
l'article 4 de la Convention, concernant la sanction des actes de torture en
droit islandais, que cette condition ne fait pas obstacle à l'extradition d'une
personne vers un pays étranger.
88. Il n'est pas inutile de mentionner à nouveau les dispositions contenues
aux articles 3 à 7 de la loi sur l'extradition, présentées au titre de l'article
3, visant à ce que l'extradition puisse être refusée si la personne concernée
court un risque d'être soumise à la torture ou à des persécutions mettant sa
vie ou sa liberté en danger. Dans certains cas, l'extradition peut également
être refusée pour des motifs humanitaires.
89. Conformément à l'article 2 de la loi, les ressortissants islandais ne peuvent
pas être extradés. Si un ressortissant islandais est soupçonné d'avoir commis
un acte de torture, l'enquête et les poursuites judiciaires le concernant relèveront
nécessairement des tribunaux islandais. Une disposition particulière de la loi
sur l'extradition vers le Danemark, la Finlande, la Norvège ou la Suède rend
néanmoins possible l'extradition d'un ressortissant islandais puisque, conformément
à l'article 2 de cette loi, la personne en question peut être extradée si elle
a résidé dans le pays qui demande l'extradition pendant deux ans avant la commission
de l'infraction et si l'infraction, ou une infraction correspondante en droit
islandais, est punissable d'une peine d'emprisonnement de plus de quatre ans.
90. Les autorités islandaises n'ont jamais reçu de demande d'extradition en
vertu de la législation sur l'extradition, sur la base d'une présomption, d'une
inculpation ou d'une condamnation pour une infraction telle que celles visées
à l'article premier de la Convention.
Article 9
91. La législation islandaise permet aux autorités du pays d'accorder une assistance
judiciaire à un État étranger comme il est prévu à l'article 9 de la Convention.
Les règles pertinentes sont énoncées, pour l'essentiel, au chapitre IV de la
loi sur l'extradition. Conformément à l'article 22, les dispositions du Code
de procédure pénale peuvent être appliquées pour le rassemblement des preuves
dans le cas d'une affaire pénale donnant lieu à des poursuites dans un État
étranger si les autorités de l'État concerné en font la demande. Ainsi, une
entraide judiciaire de ce type ne nécessite pas d'accord avec l'État concerné,
la disposition en question constituant une base suffisante pour fournir l'assistance
requise.
92. Les articles 22 et 23 de la loi sur l'extradition fournissent des détails
supplémentaires concernant le traitement des demandes d'assistance judiciaire.
L'Islande n'accorde une assistance que si l'acte donnant lieu à la demande est
également punissable en droit islandais. Cette disposition ne fait jamais obstacle
aux poursuites pour actes de torture, ceux-ci étant sans conteste punissables
en droit islandais. Conformément à l'article 23, les autorités islandaises peuvent
accéder à la demande d'un État où une affaire pénale est en instance concernant
le retour dans cet État d'une personne placée en détention provisoire ou purgeant
une peine en Islande pour lui permettre de témoigner dans cette affaire. Si
la personne en question n'accepte pas le déplacement, un juge du tribunal de
district de Reykjavik décidera si les conditions légales requises en la matière
sont remplies.
93. L'Islande est partie à la Convention européenne d'entraide judiciaire en
matière pénale de 1959 et au Protocole additionnel de 1978. Il convient également
de noter qu'une loi spécifique, la loi No 49/1994, a été promulguée concernant
l'assistance judiciaire au Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.
Cette loi permet d'accéder à une demande émanant du Tribunal ou de son procureur
relative à l'extradition, ou au transfèrement de personnes privées de liberté
ou toute autre demande d'assistance, pour que le Tribunal puisse entendre les
personnes concernées et en vue de l'exécution des jugements prononcés par le
Tribunal.
94. Les autorités islandaises n'ont reçu aucune demande d'assistance judiciaire
pour des délits de torture émanant de pays étrangers relevant de la législation
mentionnée. Elles n'en ont pas reçu non plus du Tribunal international pour
l'ex-Yougoslavie.
Article 10
95. Les règles régissant la nomination des policiers ainsi que leur formation
et leurs fonctions sont énoncées dans la loi No 90/1996 sur la police. Le Ministre
de la justice nomme les policiers, qui doivent être diplômés de l'École nationale
de police. Les forces de police islandaises comptent environ 600 agents.
96. L'École nationale de police est une institution indépendante relevant du
Ministre de la justice. Elle comprend une section d'enseignement général destinée
aux élèves-policiers et une section de perfectionnement qui dispense aux policiers
en exercice une formation continue, des cours de perfectionnement et une formation
spécialisée. Le Directeur national de la police recrute des étudiants par voie
d'annonce dans tout le pays. C'est lui qui détermine le nombre d'étudiants admis
chaque année, sur la base d'un plan de renouvellement du personnel de police.
Les candidats doivent remplir un certain nombre de conditions générales. Ils
doivent être âgés de 20 à 25 ans, jouir d'une bonne santé mentale et physique
et avoir suivi une scolarité de base et ne doivent pas avoir été condamnés pour
un acte punissable en vertu du Code pénal général. L'admission à l'école se
fait sur examen. Les études se déroulent sur deux trimestres. Avant le deuxième
trimestre, le Directeur national de la police doit organiser pour chaque étudiant
un stage de formation pratique auprès de la police nationale d'une durée minimum
de huit mois. En moyenne, une trentaine d'étudiants sont admis chaque année.
L'école compte actuellement 48 étudiants.
97. Durant le premier trimestre, les cours portent sur les aspects fondamentaux
du droit pénal et de la procédure pénale. Les dispositions de la Constitution,
en particulier celles qui ont trait aux droits de l'homme, sont présentées mais
les droits de l'homme sont étudiés de manière plus détaillée durant le second
trimestre. Les cours visent à donner aux étudiants un aperçu général de l'histoire
de la Constitution et les idées à l'origine des dispositions relatives aux droits
de l'homme qu'elle contient, ainsi que des informations sur la coopération internationale
dans le domaine des droits de l'homme sous les auspices de l'ONU et du Conseil
de l'Europe et sur les grands instruments internationaux relatifs aux droits
de l'homme auxquels l'Islande est partie, y compris la Convention contre la
torture. Les techniques de l'arrestation sont présentées dans le cadre de l'enseignement
et de la formation pratiques pour apprendre aux élèves-policiers à arrêter,
en toute sécurité, une personne même si celle-ci oppose une résistance, ainsi
que les techniques d'autodéfense. Dans l'ensemble, l'accent est mis sur l'éthique
professionnelle et les procédures régulières correctes tant lors de la formation
des nouveaux élèves à l'École de police que dans le cadre du travail de la police
en général. Un aspect particulièrement sensible est celui du comportement des
policiers à l'égard des personnes arrêtées. Les stagiaires et les policiers
en exercice doivent être pleinement conscients du fait que toute brutalité à
l'égard de personnes arrêtées entraînera des mesures disciplinaires ou des poursuites
pénales et que les plaintes déposées contre des fonctionnaires de police sont
examinées et traitées avec toute l'attention voulue.
98. En ce qui concerne les compétences et les connaissances requises des policiers
occupant des postes de responsabilité, il y a lieu de noter que les 27 directeurs
de la police du pays ont une formation juridique et que c'est là une condition
nécessaire à leur nomination. L'enseignement des droits de l'homme, qui comprend
les dispositions relatives aux droits de l'homme de la Constitution, constitue
un des grands volets des études de droit. Le Ministère de la justice a adressé
à tous les directeurs de la police, pour information, un exemplaire du rapport
établi par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines
ou traitements inhumains ou dégradants à la suite de sa visite en Islande en
1993. Le Ministère leur a également envoyé une publication contenant les principaux
instruments relatifs aux droits de l'homme auxquels l'Islande est partie.
99. Récemment, des dispositions plus détaillées concernant la compétence et
la formation des gardiens de prison ont été publiées dans le Règlement No 11/1996
sur les critères de recrutement et la formation des gardiens de prison. Y sont
énoncées les conditions générales à remplir pour exercer de telles fonctions.
Le Règlement est publié sur la base de la loi sur les prisons et les conditions
de détention. Les candidats doivent remplir un certain nombre de conditions
générales, notamment être âgés de 20 à 40 ans, jouir d'une réputation sans tache,
avoir un caractère agréable, se comporter avec tact et être en bonne santé mentale
et physique. En outre, un niveau minimum d'instruction est exigé. Les candidats
peuvent être soumis, le cas échéant, à des tests psychologiques et psychiatriques.
C'est une commission spéciale, composée de représentants du Ministère de la
justice, de la Direction de l'administration pénitentiaire et des services de
probation et de l'Association des gardiens de prison, qui décide si un candidat
satisfait aux conditions générales de recrutement. La Direction de l'administration
pénitentiaire et des services de probation comprend une section éducative et,
dans ce cadre, une commission de formation, dont les membres représentent les
différentes parties précitées. La commission est chargée d'organiser l'enseignement
dispensé aux gardiens de prison. La formation initiale dure six mois, dont trois
mois d'enseignement théorique et d'entraînement physique et trois mois de formation
pratique dans un établissement pénitentiaire. Les cours portent sur le droit
pénal, le code de procédure pénale et l'exécution des peines. Au programme figurent
également les principes fondamentaux des droits de l'homme, les droits et les
devoirs des prisonniers et les relations humaines. Au moment de la rédaction
du présent rapport, un document officiel décrivant la formation des gardiens
de prison était en cours d'élaboration. L'accent y sera mis sur les dispositions
relatives à l'interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants,
qui figurent aussi bien dans la Constitution que dans les instruments internationaux
relatifs aux droits de l'homme. La Convention européenne pour la prévention
de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants et la Convention
contre la torture feront donc l'objet d'une attention particulière.
100. Seules les personnes ayant suivi la formation de base décrite ci-dessus,
passé un examen et démontré autrement à la Commission qu'elles sont aptes à
remplir les fonctions en question, se voient offrir un poste permanent comme
gardien de prison. Une fois terminées la formation initiale et la période de
formation pratique, le gardien de prison doit suivre des cours de perfectionnement
durant un trimestre, soit au moins 300 heures. Cette mesure a pour but d'améliorer
les connaissances, les compétences et le sens des responsabilités des intéressés,
d'accroître la sécurité dans les prisons et de renforcer le rôle d'assistance
et d'encadrement des gardiens de prison. Enfin, les gardiens de prison se voient
offrir la possibilité de suivre des cours de recyclage dans un délai de cinq
ans après la fin de leur formation initiale. En Islande, les gardiens de prison
sont actuellement au nombre de 80.
101. Conformément à la loi sur les prisons et les conditions de détention, les
détenteurs d'un diplôme universitaire ont la priorité pour les nominations aux
postes de directeurs de prison. Le Directeur de l'administration pénitentiaire
et des services de probation doit être juriste de formation.
102. L'Association des juges islandais a récemment organisé à l'intention des
juges et en collaboration avec le Ministère de la justice, un cours sur les
droits de l'homme tels qu'ils sont consacrés par la Constitution et les instruments
internationaux relatifs aux droits de l'homme. La Convention contre la torture
a fait l'objet d'une présentation particulière en tant que dernier instrument
en date ratifié par l'Islande. Le Ministère de la justice a également adressé
à tous les juges du pays une publication contenant les textes de tous les accords
internationaux relatifs aux droits de l'homme auxquels l'Islande est partie.
103. Il n'est pas fait expressément mention de l'interdiction de la torture
dans les codes professionnels des policiers ou des gardiens de prison. L'interdiction
de la torture est considérée comme une évidence dont il n'est pas besoin de
faire état. Cependant, il n'est pas inutile de rappeler que les programmes de
formation et les règles de conduite concernant ces professions accordent une
large place au comportement correct à adopter dans les relations avec les détenus
et les autres personnes privées de liberté, et que les membres de ces professions
doivent avoir constamment présent à l'esprit le fait que toute brutalité est
totalement proscrite.
104. Les malades bénéficient d'une protection juridique particulière en vertu
de la loi No 74/1997 sur les droits des malades. Conformément à son article
17, les membres des professions médicales et paramédicales et des autres catégories
de personnel en contact avec des malades dans l'exercice de leurs fonctions
sont tenus de respecter la dignité personnelle de ces derniers. L'article 7
de la loi prévoit expressément le droit d'un malade à refuser un traitement
médical et selon l'article 10 un malade doit donner son consentement par écrit
à toute participation à des expérimentations scientifiques, comme l'essai de
nouveaux médicaments.
105. La loi No 71/1997 sur la capacité juridique contient des dispositions particulières
relatives au traitement des personnes hospitalisées contre leur gré. En vertu
de cette loi, une personne peut être hospitalisée d'office pour une durée limitée
et dans des conditions strictement définies si elle souffre d'une maladie psychiatrique
grave ou d'une forte dépendance à l'alcool ou à d'autres drogues. Cette personne
peut alors bénéficier du soutien et des conseils d'un conseiller spécialement
nommé à cet effet et rémunéré par l'État.
106. Pour le reste, le comportement professionnel des membres des professions
médicales et paramédicales repose essentiellement sur leurs codes de déontologie
personnels comme ceux des médecins et des infirmières, qui mettent fortement
l'accent sur la nécessité de traiter les malades humainement, en respectant
leur dignité et avec tact. Là encore, l'interdiction de la torture, considérée
comme une évidence, n'est pas expressément mentionnée.
Article 11
107. La législation islandaise et les règlements d'application contiennent désormais
des dispositions détaillées sur les procédures d'interrogatoire et les conditions
de détention. Lorsque le Comité européen pour la prévention de la torture et
des peines ou traitements inhumains ou dégradants s'est rendu en Islande, durant
l'été 1993, il a observé qu'il n'y avait pas en Islande de règles formelles
concernant les interrogatoires exposant notamment en détail la procédure à suivre
dans différentes situations. Le Comité a également relevé que des dispositions
plus précises étaient nécessaires concernant le droit de la personne arrêtée
de faire prévenir de son arrestation un proche parent ou toute autre personne,
selon le cas. Ces observations ont entraîné un certain nombre d'amendements
au Code de procédure pénale, par le biais de la loi No 136/1996. Des dispositions
de ce type figurent à présent dans le Code de procédure pénale et dans le Règlement
No 395/1997 relatif au statut juridique des personnes arrêtées et aux interrogatoires
de police. Le Règlement contient également des dispositions relatives à l'interrogatoire
des témoins et aux dépositions, à l'enregistrement sonore des interrogatoires
des suspects et des témoins, ainsi que des règles détaillées sur l'enregistrement
de diverses questions liées aux arrestations et à la garde à vue.
108. Conformément à l'article 32 du Code de procédure pénale et à l'article
7 du Règlement, un suspect doit être informé qu'il n'est pas obligé de répondre
aux questions concernant l'infraction présumée ni de fournir des informations
sur toute question en rapport avec l'acte incriminé. Il doit également être
informé de son droit à bénéficier du soutien et de l'assistance d'un avocat
durant l'interrogatoire et à tous les stades de la procédure. Conformément à
l'article 42 du Code de procédure pénale et à l'article 10 du Règlement, un
avocat peut toujours assister à l'interrogatoire d'un suspect et la personne
interrogée doit pouvoir s'entretenir avec lui, sauf si la police considère que
cela nuit au bon déroulement de l'interrogatoire.
109. L'article 33 du Code de procédure pénale et l'article 8 du Règlement contiennent
d'autres dispositions relatives à la procédure d'interrogatoire, que l'on peut
résumer comme suit. Les questions posées au suspect doivent être claires et
sans ambiguïté et le suspect ne doit pas être induit en erreur par des informations
erronées ni soumis à aucune pression par des paroles ou par des actes. Les responsables
de l'interrogatoire ne doivent pas lui promettre de concessions ni de privilèges
pour obtenir des aveux ou toute autre information d'importance si ces promesses
sont illégales ou s'ils ne sont pas habilités à les faire. Un policier doit
toujours mener un interrogatoire avec calme et tact. Aucune méthode ne doit
être employée qui risquerait d'altérer la conscience du suspect ou sa capacité
à prendre des décisions. Il convient d'éviter, dans la mesure du possible, d'interroger
un suspect dont on pense qu'il est sous l'influence de l'alcool ou d'autres
substances de ce type. L'interrogateur doit s'efforcer de ne pas fatiguer le
suspect et le suspect doit pouvoir s'alimenter aux heures normales de repas
et dormir ou se reposer suffisamment. Un suspect ne doit jamais être interrogé
durant plus de six heures d'affilée. S'il a été interrogé durant seize heures
au cours de la même journée, y compris les suspensions et les interruptions,
il doit pouvoir se reposer pendant huit heures avant que l'interrogatoire ne
reprenne.
110. Conformément au paragraphe 2 de l'article 72 du Code de procédure pénale,
les interrogatoires de police et les autres procédés d'investigation doivent
se dérouler si possible en présence d'un témoin fiable et digne de confiance.
Cette disposition poursuit un double objectif, qui est de renforcer la valeur
probante de la déposition du suspect et de protéger ce dernier contre toute
violence. Ce deuxième objectif a moins d'importance depuis que le droit à la
présence d'un avocat, à tout moment, est expressément prévu par la loi. En pratique,
le témoin est habituellement un autre policier ou un fonctionnaire du commissariat
et, d'une manière générale, le témoin n'est présent que lorsqu'on lit au suspect
sa déposition et qu'il la confirme. Dans les affaires pénales graves et lorsqu'une
déposition revêt une importance particulière, par exemple pour ce qui est des
éléments de preuve, un témoin assiste généralement à l'interrogatoire. L'attestation
d'un témoin a pour seul but d'indiquer ce à quoi le témoin a assisté, par exemple
s'il était présent durant l'interrogatoire ou simplement lorsque la déposition
a été lue et confirmée.
111. Enfin, il est prévu qu'une personne arrêtée bénéficie, si besoin est, d'une
assistance médicale. Aucun médecin n'est rattaché aux services de police. Si
une assistance médicale est jugée nécessaire, soit l'on emmène la personne arrêtée
dans un service médical d'urgence, soit l'on fait appel au médecin de garde
dans le quartier du commissariat. L'examen médical se déroule en dehors de la
présence des policiers, sauf si le médecin demande qu'il en soit autrement.
112. Les dispositions précitées montrent que les droits des personnes arrêtées
font l'objet d'une attention particulière, compte tenu à la fois de la précision
des règles régissant la procédure d'interrogatoire et, ce qui est plus important
encore, du contrôle exercé sur le traitement auquel le suspect est soumis. Une
mesure essentielle à cet égard est le droit absolu dont jouit une personne de
communiquer avec son avocat à tout moment et le fait que celui-ci peut toujours
être présent durant l'interrogatoire. La présence d'un témoin lors des interrogatoires
dans les affaires pénales graves est aussi de toute première importance. Il
convient aussi de noter que les médecins qui examinent les personnes arrêtées
ne dépendent de la police d'aucune façon puisqu'ils sont employés du système
de santé publique et qu'il n'est jamais possible de prévoir quel médecin sera
de garde pour les urgences à tel ou tel moment. Le principe selon lequel une
personne arrêtée doit comparaître, dans un délai de vingt-quatre heures après
son arrestation, devant un juge qui décide si elle doit être mise en détention
provisoire ou libérée mérite également d'être rappelé.
113. Pour les personnes placées en détention provisoire sur la base des dispositions
du Code de procédure pénale, les règles décrites ci-dessus concernant l'interrogatoire
et le droit de s'entretenir avec un avocat continuent à s'appliquer. Les conditions
de détention provisoire sont, elles, régies par le Règlement No 179/1992, dont
une brève présentation a été faite ci-dessus au titre de l'article 6 de la Convention.
Le Règlement est volumineux et fouillé, puisqu'il contient 114 articles, dont
une description détaillée ne se justifie pas ici. Il traite des principaux sujets
suivants : réception et enregistrement des personnes placées en détention provisoire;
conditions d'hébergement; nourriture; services médicaux fournis par un médecin
de la prison; visites; droit des personnes placées en détention provisoire à
correspondre avec l'extérieur, à user du téléphone et à avoir accès aux médias;
travail; responsabilité pour les dommages qu'elles pourraient causer et dispositions
générales relatives à leurs droits et à leurs devoirs. Les dispositions relatives
aux mesures de sécurité appliquées aux personnes placées en détention provisoire,
comme les fouilles, le recours à la force, l'utilisation de menottes et le placement
au régime cellulaire sont particulièrement détaillées. Enfin, le règlement autorise
le recours à des mesures disciplinaires à l'encontre des détenus dans certaines
situations.
114. Il n'est pas inutile de rappeler le principe fondamental énoncé au paragraphe
3 de l'article 108 du Code de procédure pénale, selon lequel une personne placée
en détention provisoire peut toujours appeler l'attention d'un juge sur toute
question relative à son emprisonnement, y compris le traitement dont elle fait
l'objet.
115. Les dispositions régissant l'exécution des peines d'emprisonnement figurent
pour l'essentiel au chapitre III de la loi No 48/1988 sur les prisons et les
conditions de détention. Le chapitre IV de cette loi contient des règles relatives
à la sécurité dans les prisons et aux sanctions disciplinaires appliquées aux
condamnés. Le règlement No 119/1990, publié conformément à la loi, a trait au
droit des condamnés à la correspondance, à l'utilisation du téléphone et aux
visites. En règle générale, les condamnés peuvent envoyer et recevoir des lettres
sans ingérence extérieure à moins que le directeur de la prison n'estime nécessaire
de les ouvrir, dans des cas précis, à des fins de maintien de l'ordre dans la
prison ou de prévention des infractions. Les autorités carcérales ne sont toutefois
pas autorisées à ouvrir le courrier à destination ou en provenance des institutions
et des personnes suivantes : Ministre et Ministère de la justice; Direction
de l'administration pénitentiaire et des services de probation; tribunaux; Procureur
général; police; ombudsman du Parlement; Commission européenne des droits de
l'homme et, enfin, avocat du détenu, qu'il s'agisse de son avocat dans l'affaire
qui a abouti à sa condamnation ou dans toute autre affaire pénale le concernant.
116. Enfin, avant de clore le chapitre sur les aspects pratiques de la détention
des personnes privées de liberté, il convient de rappeler le droit d'une personne
hospitalisée d'office à être assistée d'un conseiller personnel chargé de protéger
ses intérêts, conformément à la loi No 71/1997 sur la capacité juridique.
117. Telles sont donc là les principales règles régissant d'une part l'interrogatoire
des personnes arrêtées et des personnes placées en détention provisoire et d'autre
part la détention et le traitement des personnes arrêtées, des personnes placées
en détention provisoire et des personnes purgeant une peine. Aucun contrôle
global ou systématique n'est exercé dans ce domaine, en ce sens qu'aucun groupe
ou organisme particulier ne visite régulièrement les lieux où sont détenues
les personnes privées de liberté. Néanmoins, il convient de rappeler le droit
sans réserve accordé au Comité européen pour la prévention de la torture et
des peines ou traitements inhumains ou dégradants de visiter ces lieux, de s'entretenir
personnellement avec des détenus et d'examiner leurs conditions de détention
et leur traitement. Il ressort de ce qui précède que l'accent est mis sur le
droit d'un détenu de communiquer à tout moment avec, outre les membres de sa
famille, son avocat, son médecin ou son conseiller personnel, et que son droit
de correspondre librement avec certains organismes publics pour soumettre une
plainte au sujet du traitement dont il fait l'objet est garanti. L'objectif
est de créer des conditions de nature à permettre un contrôle effectif du traitement
réservé à ces personnes, la législation islandaise garantissant que les plaintes
concernant des actes de torture ou de mauvais traitements - avérés ou allégués
- de la part de policiers ou d'autres agents de l'État soient examinées et traitées
avec tout le sérieux nécessaire. On trouvera ci-après à propos des articles
12 et 13 de la Convention des informations sur les mesures adoptées lorsque
les autorités reçoivent une plainte pour torture ou autres mauvais traitements
ou lorsqu'il existe des raisons de soupçonner que de tels actes ont été commis.
Articles 12 et 13
118. Les dispositions contenues aux articles 12 et 13 de la Convention, à savoir
l'ouverture d'une enquête impartiale à l'initiative des autorités compétentes
chaque fois qu'il y a des motifs de croire qu'un acte de torture a été commis,
et le droit de toute personne de déposer une plainte pour torture ou mauvais
traitements qui sera examinée de manière impartiale seront traitées ensemble
ci-après.
119. L'article 25 de la loi No 90/1996 sur la police dispose que si une plainte
est déposée contre un policier qui aurait commis une infraction pénale dans
l'exercice de ses fonctions ou si des soupçons dans ce sens sont exprimés, le
Directeur de la police avise immédiatement le Procureur général. C'est lui qui
décide s'il faut enquêter plus avant sur l'affaire. Le Bureau du Directeur national
de la police comprend des sections d'enquête chargées notamment d'enquêter sur
de telles affaires. C'est le Procureur général qui est responsable de ce type
d'enquêtes, et non pas le Directeur national de la police, en charge, lui, des
autres enquêtes menées par ses services. Si l'enquête aboutit à la conclusion
que le policier est probablement coupable, le Procureur général intente des
poursuites. Pendant que la plainte le concernant est en cours d'examen, le policier
sera temporairement suspendu de ses fonctions. Selon les conclusions de l'enquête,
le policier fera l'objet d'un avertissement formel de la part de son supérieur,
à savoir le Directeur de la police concerné, ou définitivement relevé de ses
fonctions.
120. Au cours des cinq dernières années, quelques plaintes ont donné lieu à
enquête pour abus d'autorité par la police. Dans tous les cas, il s'agissait
de recours à la force lors d'une arrestation ou durant la garde à vue. Aucune
plainte n'a été déposée alléguant que des policiers ou d'autres personnes intervenant,
à un titre ou à un autre, dans la procédure auraient forcé une personne à avouer
un délit ou à fournir des informations en relation avec une enquête judiciaire.
Le tableau suivant présente des informations statistiques sur les plaintes déposées
contre des policiers au cours des cinq dernières années.
Nombre de plaintes déposées contre des policiers en exercice :
1993 5
1994 9
1995 5
1996 3
1997 (au 1er décembre) 5
121. Dans un cas (une plainte déposée en 1995), le Procureur général a décidé
de poursuivre un policier pour coups et blessures et infraction commise durant
le service. Le policier a été inculpé d'avoir abusé de son autorité lorsqu'il
était intervenu auprès d'un homme après que celui-ci eut refusé d'éteindre un
feu qu'il avait allumé dans un espace public. Au cours de la bagarre qui avait
suivi, l'homme avait eu le bras cassé. Le policier a été inculpé pour violation
du paragraphe 1 de l'article 218 (sous réserve d'une inculpation pour violation
de l'article 219, à savoir commission par négligence) et de l'article 138 du
Code pénal général. Le tribunal de district de Reykjavik a acquitté le policier
par un jugement rendu le 10 septembre 1996. Il a estimé que le plaignant avait
refusé d'obéir aux ordres des policiers qui étaient arrivés sur les lieux et
qu'il avait agressé l'un d'entre eux. Les policiers l'avaient alors tenu solidement
pour le maîtriser mais il s'était débattu et c'est ainsi qu'il s'était cassé
le bras. Compte tenu des événements qui s'étaient déroulés avant que le policier
n'agrippe le plaignant et de la situation à d'autres égards, le tribunal a conclu
qu'il n'avait pas commis d'abus de pouvoir lorsqu'il avait procédé à l'arrestation.
122. Il n'est pas nécessaire qu'une plainte pour torture soit déposée pour qu'une
enquête soit ouverte. Les autorités policières peuvent elles-mêmes demander
l'ouverture d'une enquête si elles soupçonnent que de tels actes ont été commis.
Au cours des cinq dernières années, il est arrivé une fois qu'une enquête soit
ouverte à l'initiative du Directeur de la police de Reykjavik. Les soupçons
s'étaient portés sur un policier, relevant de son autorité, qui à l'automne
1996 s'était comporté de façon brutale envers quelqu'un. À la suite de l'enquête,
le policier a été inculpé pour avoir maltraité un homme placé en garde à vue.
Le policier lui avait donné des coups de poing dans la poitrine et dans le côté.
Un jugement du tribunal de district de Reykjavik a conclu que le policier était
coupable de coups et blessures selon l'article 217, et d'une infraction commise
dans l'exercice de ses fonctions selon les articles 132 et 138 du Code pénal
général. Le tribunal a prononcé une peine de trente jours d'emprisonnement avec
sursis pendant deux ans. À la suite de ce jugement, le policier a été révoqué.
123. Outre les jugements précités, il y a eu au cours des dix dernières années
un autre cas d'action pénale engagée contre un policier pour abus de pouvoir
lors d'une arrestation. Le 14 novembre 1991, la Cour suprême a condamné un policier
à trois mois d'emprisonnement avec sursis pour violation de l'article 218 du
Code pénal général (voies de fait et violences graves) en raison d'une blessure
infligée à un homme au cours d'une arrestation très musclée. La tête de l'homme
avait heurté le sol, il avait eu sept dents cassées et de multiples contusions
au visage. Par décision du 25 janvier 1996, la Cour suprême lui a accordé des
dommages-intérêts à verser par le policier et par l'État pour préjudice pécuniaire
et non pécuniaire. Le droit d'une personne à réparation sera examiné dans le
cadre de l'article 14 de la Convention.
124. Même lorsqu'elle ne débouche pas sur une inculpation, une plainte déposée
contre un policier pour brutalités ou tout autre comportement illégal peut donner
lieu à un avertissement ou à une admonestation officielle de la part d'un directeur
de la police à un policier relevant de son autorité. L'admonestation peut entraîner
par la suite le licenciement.
125. Un détenu peut déposer une plainte pour torture contre un gardien de prison
auprès du responsable de la prison, de la Direction de l'administration pénitentiaire
et des services de probation ou directement auprès du directeur de la police
qui a compétence sur le lieu où est situé l'établissement pénitentiaire. Des
règles particulières s'appliquent à la correspondance adressée par les détenus
à la police ou à d'autres institutions publiques. Lorsqu'une enquête est jugée
nécessaire, elle est placée sous la direction du directeur de la police compétent.
L'affaire est alors renvoyée au Procureur général qui décide si l'auteur présumé
de l'infraction doit être poursuivi. Si le Directeur de l'administration pénitentiaire
et des services de probation dont dépend l'établissement apprend que des actes
de tortures ou d'autres actes de violence ont été commis par un gardien de prison
sur la personne d'un détenu, il peut lui aussi déposer une plainte auprès du
directeur de la police pour infraction commise par un gardien de prison dans
l'exercice de ses fonctions. S'il apparaît qu'il n'y a pas eu torture mais que
le comportement du gardien de prison était néanmoins inapproprié, le responsable
de la prison peut adresser un avertissement formel au gardien de prison en question,
mesure qui peut mener par la suite à une révocation. Durant l'enquête sur une
infraction présumée à l'encontre d'un détenu, le gardien de prison concerné
sera temporairement relevé de ses fonctions.
126. Au cours des cinq dernières années (en 1996), une plainte a été déposée
pour mauvais traitements infligés à un détenu par un gardien de prison. Un détenu
qui purgeait une peine d'emprisonnement s'était en effet plaint à la police
d'avoir été soumis à des traitements dégradants par un gardien. Après enquête,
la police a conclu qu'il n'y avait pas lieu d'engager des poursuites et a classé
l'affaire. Aucun avertissement formel n'a été adressé, au cours de cette période,
à un gardien de prison pour brutalités envers un détenu.
127. Dans les cas susmentionnés, aucune mesure spéciale n'a été demandée pour
assurer la protection d'un plaignant ou d'un témoin contre tout mauvais traitement
ou toute intimidation à la suite d'une plainte ou d'une déposition. Aucune disposition
n'a été adoptée en Islande à cette fin. En cas de nécessité, de telles mesures
peuvent être adoptées, notamment l'octroi d'une protection par la police. Conformément
à la loi No 70/1996 sur les agents de la fonction publique, un policier peut
être temporairement relevé de ses fonctions pendant la durée de l'enquête menée
pour établir si une plainte déposée contre lui est fondée. Il est licencié s'il
est reconnu coupable d'un comportement délictueux. Cela permet de garantir qu'une
personne placée en détention provisoire ou purgeant une peine d'emprisonnement
n'ait pas de contact avec un fonctionnaire qu'elle a accusé de torture ou d'autres
mauvais traitements pendant que l'enquête est en cours.
128. Dans la première partie du présent rapport, il a été signalé que quiconque
affirme avoir été maltraité par une personne dépositaire de l'autorité publique
peut porter plainte auprès de l'ombudsman du Parlement. Depuis la création de
ce poste, en 1988, l'ombudsman n'a été saisi d'aucune plainte faisant état de
torture ou autre traitement cruel ou inhumain infligés à un détenu ou une personne
privée de liberté par une personne agissant à titre officiel. Il convient toutefois
de relever que l'ombudsman a été saisi en 1988 d'une plainte pour arrestation
et détention arbitraires. Il n'a pas pu examiner cette plainte quant au fond
étant donné qu'il s'était écoulé trop de temps entre l'arrestation et le dépôt
de la plainte. Dans sa réponse au plaignant, l'ombudsman a fait valoir que selon
le Code de procédure pénale des faits tels que ceux qui étaient allégués dans
cette plainte devaient être portés devant un tribunal et que, par conséquent,
l'examen de la plainte n'était pas de son ressort.
129. Toute personne hospitalisée d'office conformément aux dispositions de la
loi sur la capacité juridique peut, en vertu de l'article 30 de cette loi, contester
devant la justice cette décision d'hospitalisation ainsi que tout traitement
médical auquel elle a été soumise contre son gré. D'autres voies de recours
générales sont ouvertes aux patients qui affirment avoir été victimes de mauvais
traitements à l'hôpital, en application de la loi No 74/1997 sur les droits
des malades et de la loi No 97/1990 sur les services de santé. Un patient qui
souhaite se plaindre de son traitement peut s'adresser directement au Directeur
général de la santé publique ou à une commission spéciale chargée de régler
les litiges éventuels entre le public et des employés des services de santé.
Cette commission est composée de trois membres nommés par la Cour suprême. Son
président doit être un juriste et aucun de ses membres ne doit faire partie
du personnel du système de soins de santé. Si le Directeur général de la santé
publique ou la Commission soupçonne un agent des services de santé d'avoir commis
des actes délictueux, ils en avisent la police.
130. Après cet exposé des recours disponibles conformément à l'article 13 de
la Convention, il y a lieu de signaler la possibilité de recours devant des
instances internationales, soit la Commission européenne des droits de l'homme,
soit le Comité compétent pour recevoir des communications conformément au Protocole
facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et
politiques. Ainsi qu'on l'a déjà dit dans la première partie, le Gouvernement
islandais n'a pas connaissance de plaintes qui aient été déposées devant ces
organes, faisant état d'une violation par le Gouvernement islandais de ses obligations
internationales en ce qui concerne l'interdiction de la torture ou d'autres
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Article 14
131. Le droit islandais garantit aux personnes victimes d'un acte de torture
le droit d'être indemnisées de manière équitable et raisonnable par les tribunaux.
Conformément à l'article 176 du Code pénal général, l'État peut être tenu de
verser des dommages-intérêts à une personne dont l'arrestation, la fouille,
l'examen médical ou la mise en détention provisoire auraient été contraires
à la loi ou auraient eu lieu dans des conditions inutilement dangereuses, préjudiciables
ou offensantes. Ainsi, le droit à une indemnisation n'est pas limité à la torture
au sens de l'article premier de la Convention. Il n'est pas nécessaire que la
responsabilité pénale d'un policier ou d'un autre agent de la fonction publique
soit engagée pour que la personne lésée ait droit à une indemnisation.
132. Le versement d'une indemnité par l'État est assujetti à la condition que
le préjudice ait été causé par le policier ou le fonctionnaire en question dans
l'exercice de ses fonctions. Par conséquent, la responsabilité de l'État est
engagée lorsqu'un fonctionnaire commet un abus de pouvoir en se comportant de
manière brutale ou anormale. Le Code de procédure pénale prévoit qu'une indemnisation
peut être accordée pour préjudice pécuniaire et non pécuniaire.
133. Toute personne qui s'estime lésée par le comportement d'un policier a droit
à une assistance juridique gratuite pour intenter une action en dommages-intérêts
dans les deux cas, ainsi que le prévoit l'article 178 du Code de procédure pénale.
Elle peut toutefois être condamnée aux dépens conformément à la réglementation
généralement applicable, si elle est déboutée par le tribunal.
134. Les dispositions générales applicables à l'indemnisation des personnes
ayant subi un préjudice sont contenues dans la loi No 50/1993 sur les dommages-intérêts.
Dans les cas de torture ou d'autres mauvais traitements commis par une personne
agissant à titre officiel, qui sont sans rapport avec l'instruction d'une affaire
criminelle, la victime peut réclamer des dommages-intérêts à l'État conformément
à la loi sur les dommages-intérêts. En application de l'article premier de cette
loi, la partie reconnue coupable de dommages corporels est tenue d'indemniser
la victime pour la perte de travail, les frais médicaux et autres préjudices
pécuniaires encourus ainsi que pour les souffrances qu'elle a endurées. En cas
de dommage corporel permanent, une indemnité doit aussi être versée pour le
préjudice moral et l'incapacité, en réparation de la diminution ou de la perte
de la capacité de gain. Selon l'article 26, une indemnisation pour préjudice
moral peut aussi être accordée en l'absence de dommage corporel. Ce même article
prévoit que toute personne responsable d'une atteinte illicite à la liberté,
à la paix, à la réputation ou à l'inviolabilité d'une autre personne devra indemniser
la partie lésée.
135. Si un tribunal rejette une demande d'indemnisation par l'État des préjudices
subis en raison des actes commis par un fonctionnaire, au motif que ce dernier
n'a pas agi dans l'exercice de ses fonctions, le plaignant conserve la possibilité
de réclamer des dommages-intérêts directement au fonctionnaire concerné. Conformément
à la loi No 69/1995 sur l'indemnisation des personnes victimes d'infractions
pénales, l'État verse une indemnité en réparation du préjudice subi du fait
d'une infraction aux dispositions du Code pénal général. De cette façon, même
si l'auteur de l'infraction ne peut pas réparer le préjudice, l'État le fait
jusqu'à concurrence d'un certain montant. Il s'efforcera ensuite d'obtenir de
l'auteur le remboursement du montant versé, dans la mesure du possible. La loi
susmentionnée prévoit en outre que l'État doit indemniser la victime pour la
dédommager des dommages corporels et des dommages causés à ses vêtements ou
autres effets personnels, et lui rembourser notamment la petite somme d'argent
qu'elle pouvait avoir sur elle au moment des faits. L'indemnisation versée par
l'État couvre aussi le préjudice moral et la perte de moyens d'existence.
136. Les principes généraux de la législation sur les délits civils, qui sont
notamment consacrés dans les articles 13 et 14 de la loi sur les dommages-intérêts,
garantissent aux deux époux et aux enfants le droit de demander une indemnisation
pour perte de moyens d'existence.
137. Si les cas dans lesquels l'État est poursuivi en dommages-intérêts pour
des actes commis par des policiers ne sont pas rares, en revanche les allégations
de torture ou d'autres mauvais traitements sont exceptionnelles. Le motif le
plus fréquemment invoqué pour intenter une action est le non-respect des conditions
légales d'application de certaines mesures aux fins de l'instruction comme la
mise en détention provisoire et les tribunaux ont, dans une certaine mesure,
fait droit à ces demandes qui s'appuyaient sur les dispositions citées plus
haut du Code de procédure pénale. Dans certains cas, des dommages-intérêts sont
aussi accordés en application des principes généraux de la loi sur les délits
civils pour privation illicite de liberté lors d'une hospitalisation d'office.
Il convient de noter que le paragraphe 4 de l'article 67 de la Constitution
garantit le droit d'une personne à être indemnisée en cas de privation arbitraire
de sa liberté, que cette mesure ait été ou non adoptée dans le cadre d'une instruction
pénale.
138. En ce qui concerne les demandes d'indemnisation se rapportant à des actes
de torture ou autres mauvais traitements imputés à des personnes agissant à
titre officiel, on a enregistré des cas de demandes de dommages-intérêts pour
lésions corporelles subies pendant l'arrestation. Les cas de ce type ont été
extrêmement rares ces dernières années. Dans un arrêt rendu le 25 janvier 1996,
la Cour suprême a condamné un policier et l'État à verser des dommages-intérêts
à une personne en réparation du préjudice matériel et moral occasionné par les
lésions corporelles qu'elle avait subies lors de son arrestation. Le policier
mis en cause avait déjà été condamné au pénal par la Cour suprême, le 14 novembre
1991, pour avoir infligé les blessures en question, conformément au paragraphe
1 de l'article 218 du Code pénal. Cet arrêt a déjéà été évoqué dans la partie
consacrée aux articles 13 et 14 de la Convention. Dans un autre arrêt rendu
le 18 décembre 1997 (dans le cadre d'une procédure civile), la Cour suprême
a rejeté une demande d'indemnisation présentée par un homme qui affirmait avoir
eu une côte cassée alors qu'il se trouvait dans un commissariat de police à
Reykjavik où il avait été placé quelques heures en garde à vue, après son arrestation
en mars 1993, avant d'être libéré. La preuve de ses allégations de brutalités
policières et de son droit à une indemnisation pour les traitements illicites
dont il se plaignait d'avoir été l'objet n'avait pas été établie. La Cour suprême
a toutefois constaté dans sa décision de graves vices de forme dans l'enquête
sur ces allégations menée par le Directeur de la police de Reykjavik et la police
judiciaire nationale (service spécial chargé des enquêtes avant la création
du poste de Directeur national de la police en 1997). Elle a notamment fait
observer que lorsque le plaignant avait dénoncé les agissements de la police,
environ un mois après l'arrestation, le Directeur de la police de Reykjavik
avait lui-même dirigé l'enquête sur cette affaire, y compris l'interrogatoire
des policiers mis en cause, au lieu de la confier à la police judiciaire nationale.
Celle-ci ayant été ultérieurement saisie de l'affaire n'avait rien fait de plus
mais avait soumis l'affaire au Procureur général en novembre de la même année.
Le Procureur général avait informé la police judiciaire nationale en avril 1994
qu'il n'était pas nécessaire de poursuivre l'examen de cette plainte et avait
classé l'affaire.
139. Il convient de noter que les principes susmentionnés concernant le droit
d'une personne à être indemnisée équitablement et de manière raisonnable s'appliquent
également à tous, sans distinction fondée par exemple sur la nationalité ou
le statut de réfugié.
140. L'hospitalisation, ou d'autres mesures de réadaptation, tant physique que
mentale, qui peut s'avérer nécessaire pour les victimes de torture est garantie
par la législation sanitaire islandaise. D'une manière générale, le coût du
traitement médical n'est pas à la charge des patients hospitalisés. Il n'en
va pas tout à fait de même toutefois pour certains services de soins de santé
qui sont fournis en dehors du cadre hospitalier, et en particulier les soins
donnés par des spécialistes. Si des frais médicaux sont encourus par une personne
victime de torture, c'est la personne reconnue coupable de ce délit qui devra
les régler en plus des dommages-intérêts pour préjudice matériel et moral.
Article 15
141. La législation islandaise n'interdit pas expressément qu'une déclaration
dont il est établi qu'elle a été obtenue sous la torture soit invoquée comme
un élément de preuve dans une procédure judiciaire. En règle générale, le juge
apprécie librement la valeur des éléments de preuve. Par conséquent, non seulement
le droit procédural n'interdit pas la production de certains éléments de preuve,
mais il ne prescrit pas non plus de règles particulières d'évaluation des éléments
de preuve dans certaines situations. Le juge chargé d'une affaire pénale est
toutefois tenu d'observer le principe énoncé au paragraphe 2 de l'article 70
de la Constitution, selon lequel toute personne accusée d'une infraction pénale
doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été établie.
La charge de la preuve incombe à l'accusation. De l'avis du Gouvernement islandais,
en vertu de la législation nationale sur la preuve en matière pénale, une personne
ne peut pas être reconnue coupable sur la base de ses aveux s'il est prouvé
que ceux-ci ont été obtenus sous la torture, qu'ils n'ont pas été confirmés
par la personne en question et si sa culpabilité n'est pas établie par d'autres
éléments de preuve.
142. La production directe des éléments de preuve devant le tribunal est un
autre principe de la procédure pénale islandaise, consacré à l'article 48 du
Code de procédure pénale. Le jugement est fondé sur les éléments de preuve présentés
devant le tribunal au moment de l'examen de l'affaire. Il en découle que les
rapports de police qui ne sont pas étayés par des déclarations faites devant
le tribunal n'ont qu'une valeur probante limitée.
143. Si une personne qui a avoué avoir commis un délit lors d'un interrogatoire
de police revient par la suite sur ses aveux devant le tribunal, le juge devra
déterminer s'il existe des motifs raisonnables de penser qu'il s'agissait de
faux aveux. Si un prévenu affirmait que ses aveux ont été extorqués sous la
torture et que d'autres faits ou éléments de preuve corroboraient cette affirmation,
une enquête serait immédiatement ouverte à ce sujet, suivant la procédure décrite
ci-dessus à propos des articles 12 et 13 de la Convention. Si ces allégations
étaient confirmées, les policiers mis en cause tomberaient sous le coup des
dispositions pénales du droit islandais évoquées ci-dessus à propos de l'article
4. Les aveux obtenus de façon illicite ne seraient pas utilisés pour justifier
l'imposition de sanctions pénales, car le juge conclurait vraisemblablement
que ce sont de faux aveux. Si d'autres éléments de preuve étaient produits et
jugés déterminants pour établir la culpabilité du prévenu, ce dernier serait
reconnu coupable.
144. Si, à la suite d'un jugement rendu en première instance qui n'a pas fait
l'objet d'un appel, ou d'un arrêt de la Cour suprême, une plainte est déposée
selon laquelle des aveux ont été obtenus sous la torture, l'affaire peut être
rouverte pour autant que les conditions prévues à l'article 184 du Code de procédure
pénale soient remplies, c'est-à-dire à la demande de la personne condamnée et
dans les cas suivants :
- S'il existe de nouveaux éléments de preuve dont on peut supposer qu'ils auraient
eu une influence déterminante sur l'issue du procès s'ils avaient été produits
devant le tribunal avant que ce dernier ne rende son jugement (par. 1);
- Si l'on peut supposer que le juge, le procureur, la personne chargée de l'enquête
ou toutes autres personnes ont agi de façon illégale en vue d'influer sur l'issue
du procès, par exemple en produisant de faux témoignages, des documents falsifiés
ou des déclarations mensongères de témoins ou d'autres personnes et que cela
a donné lieu à une erreur judiciaire (par. 2).
145. Un condamné a invoqué une fois cette disposition pour demander la réouverture
d'une procédure pénale. Il a affirmé que les aveux qu'il avait faits à la police
et confirmés devant le tribunal, en reconnaissant avoir commis un certain nombre
de délits, lui avaient été extorqués de manière illicite par la force. Il s'agissait
de l'une des affaires pénales les plus importantes et les plus graves jugées
en Islande récemment, dans laquelle six personnes étaient accusées d'infractions
diverses dont deux d'homicide. L'homme qui a par la suite demandé la réouverture
de la procédure avait été reconnu coupable par la Cour suprême le 22 février
1980 de voies de fait graves sur deux personnes, ayant entraîné la mort. Lors
du procès en première instance, en 1977, puis à nouveau devant la Cour suprême
en 1980, le prévenu était revenu sur ses aveux. Il affirmait que les personnes
chargées de l'enquête et des gardiens de prison lui avaient extorqués ces aveux
en le soumettant à des traitements interdits par la loi, en l'obligeant à faire
certaines déclarations et à aligner ses déclarations sur celles d'autres inculpés,
et en ayant recours à d'autres méthodes d'enquêtes inappropriées et illicites.
Suite à ces déclarations, une enquête spéciale avait été ouverte sur les allégations
de mauvais traitements dont il aurait été victime pendant sa détention provisoire.
Sur la base des conclusions de cette enquête, la Cour suprême avait estimé,
dans son arrêt du 22 février 1980, que rien n'indiquait que les enquêteurs avaient
eu recours à des moyens illicites pour obtenir ses aveux. L'accusé avait été
reconnu coupable sur la base de ses aveux et d'autres éléments de preuve.
146. L'homme a demandé en 1994 une réouverture de la procédure, alléguant notamment
qu'il disposait de nouveaux éléments de preuve dont on pouvait penser qu'ils
auraient été d'une importance décisive pour l'issue du procès s'ils avaient
été produits avant le jugement. La Cour suprême a décidé, le 15 juillet 1997,
de rejeter sa demande car les conditions prévues au paragraphe 1 de l'article
184 du Code de procédure pénale n'étaient pas remplies. Cette décision était
fondée essentiellement sur le fait que la Cour suprême disposait déjà de la
plupart des informations fournies par le plaignant à l'appui de sa demande lorsqu'elle
avait rendu son arrêt le 22 février 1980 et qu'elle les avait alors pris en
considération. La Cour a précisé qu'à l'époque, elle avait estimé que l'enquête
était entachée de certaines graves irrégularités, qui ne justifiaient pas toutefois
l'annulation du procès ou l'acquittement du condamné. Les irrégularités en question
avaient probablement été à l'origine de la décision légèrement plus favorable
de la Cour suprême à l'égard des accusés par rapport à celle qui avait été rendue
par l'instance inférieure.
147. Dans sa décision du 15 juillet 1997, la Cour suprême a reconnu que le condamné
avait été soumis à un traitement interdit par la loi pendant sa détention provisoire
et plus particulièrement pendant une période de deux mois. Il ressort de l'arrêt
rendu par la Cour suprême le 22 février 1980 que ces faits étaient déjà connus
dans une certaine mesure mais que de nouvelles informations ont été apportées
à ce sujet. C'était le seul élément qui était considéré comme pouvant justifier
une réouverture de la procédure. Ces nouvelles informations portaient sur deux
périodes différentes de la détention provisoire, d'une part quelques mois après
qu'il eut fait les déclarations dans lesquelles le condamné avouait être impliqué
dans la disparition de l'une des victimes et d'autre part plusieurs mois avant
qu'il avoue sa participation à la disparition de l'autre victime. La Cour a
considéré que le traitement sévère auquel il avait été soumis était en partie
une mesure disciplinaire motivée par son refus de respecter les règlements applicables
aux personnes placées en détention provisoire. Bien que ses premières accusations
de mauvais traitement au cours de sa détention provisoire aient été corroborées
dans une certaine mesure par les faits, la Cour a estimé que l'accusé n'avait
produit aucune nouvelle information susceptible de l'amener à revoir les conclusions
auxquelles elle était parvenue dans son arrêt du 22 février 1980.
148. La décision de la Cour suprême de rejeter la demande de réouverture de
la procédure a suscité un vaste débat au sein du public qui se souvenait de
l'attention accordée à cette affaire, notamment par les médias vers la fin des
années 70. La législation applicable en matière de procédure pénale en vigueur
à l'époque laissait nettement à désirer à divers égards, et en particulier en
ce qui concerne les droits des personnes accusées d'infractions pénales. Au
cours des 20 années écoulées, des changements radicaux et des amendements importants
ont été apportés à cette législation, avec l'adoption du nouveau code de procédure
pénale, qui améliore considérablement le statut juridique des personnes accusées
d'infractions pénales. En outre, des dispositions détaillées ont été élaborées
concernant les interrogatoires de police et le traitement des personnes placées
en détention provisoire. Ces dispositions ont été évoquées ci-dessus, en particulier
à propos de l'article 11 de la Convention.
Article 16
149. Les mesures prises contre la torture au sens de l'article premier de la
Convention et les mesures destinées à protéger les personnes contre les peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ont été décrites simultanément
à propos des articles 10 à 13 de la Convention. Il n'est donc pas nécessaire
d'y revenir.
150. Les lois et règlements traitant de la protection contre les abus de pouvoir
ne sont pas limités à la torture au sens de l'article premier. La responsabilité
pénale d'un fonctionnaire ou d'une autre personne agissant à titre officiel,
en particulier en vertu des articles 131, 132 et 134 du Code pénal, s'étend
par conséquent à tout acte commis par ces personnes qui est assimilable à une
peine ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant, ainsi qu'il ressort de
la formulation de ces dispositions. En effet, il y est question de "méthodes
illicites" employées pour obtenir des déclarations destinées à servir d'éléments
de preuve (art. 131), de "procédures régulières" qui ne sont pas respectées
dans l'examen d'une affaire (art. 132), et d'"abus de pouvoir" commis
par un agent de la fonction publique pour contraindre une personne à commettre
un acte (art. 134). Ainsi, la législation pénale islandaise garantit à toute
personne le droit de se plaindre d'avoir été soumise à des peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants devant l'organe d'enquête compétent, comme dans
le cas de la torture.
151. Les dispositions évoquées plus haut concernant l'indemnisation, par exemple
pour préjudice moral en l'absence de blessures corporelles, s'appliquent également
dans les cas n'impliquant pas de torture, au sens de l'article premier de la
Convention. Même si la responsabilité pénale d'un fonctionnaire qui aurait infligé
à autrui des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants n'est pas
engagée, son comportement doit tout de même faire l'objet de mesures disciplinaires
en vertu du code professionnel auquel il est soumis. Ainsi, un fonctionnaire
peut faire l'objet d'un avertissement formel ou d'une admonestation qui l'expose
à un licenciement en cas de récidive.