Comité contre la Torture, Examen des rapports présentés par les États parties en application de l'article 19 de la Convention, France, U.N. Doc. CAT/C/17/Add.18 (1997).
Deuxièmes rapports périodiques des Etats parties
devant être soumis en 1992
Additif
FRANCE
Pour le rapport initial présenté par le Gouvernement de la France, voir le document
publié sous la cote CAT/C/5/Add.2; pour le compte rendu de son examen par le
Comité, voir les documents publiés sous les cotes CAT/C/SR.26 et 27 et Documents
officiels de l'Assemblée générale, quarante-cinquième session, Supplément No
45 (A/45/44), par. 60 à 86.
[19 décembre 1996]
TABLE DES MATIERES
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Annexes : Les annexes peuvent être consultées au Haut Commissariat des Nations
Unies pour les droits de l'homme.
1. Rapport au Gouvernement de la République française relatif à la visite effectuée
par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements
inhumains ou dégradants (CPT) en France du 27 octobre au 8 novembre 1991 et
réponse du Gouvernement de la République française
2. Rapport de suivi du Gouvernement français en réponse au rapport du Comité
européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains
ou dégradants (CPT) relatif à sa visite en France du 27 octobre au 8 novembre
1991
CADRE JURIDIQUE GENERAL
1. La France a signé le 4 février 1985, soit dès l'ouverture de ce texte à la
signature, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants, adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies
à New York le 10 décembre 1984 (ci-après dénommée "la Convention").
La loi No 85-1173 du 12 novembre 1985 en a autorisé la ratification. La France
a déposé son instrument de ratification le 18 février 1986. Entrée en vigueur
le 26 juin 1987, la Convention a été publiée en France par décret No 87-916
du 9 novembre 1987. Toutes les formalités requises tant par le droit international
que par le droit interne ont donc été accomplies.
2. Dans le système juridique français qui est moniste, "les traités ou
accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité
supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de
son application par l'autre partie" (art. 55 de la Constitution). Cette
primauté vaut bien entendu pour la présente Convention, et s'impose à la fois
au législateur, au pouvoir exécutif et administratif et au juge.
3. La France qui a souscrit au principe posé par l'article 5 de la Déclaration
universelle des droits de l'homme, adoptée par l'Assemblée générale des Nations
Unies le 10 décembre 1948 ("nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants"), est liée par plusieurs
instruments internationaux prohibant la torture et les traitements qui lui sont
assimilables, en particulier :
- le Pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté par
l'Assemblée générale le 16 décembre 1966 (art. 7 : "nul ne sera soumis
à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
En particulier, il est interdit de soumettre une personne sans son libre consentement
à une expérience médicale ou scientifique");
-la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
du Conseil de l'Europe, en date du 4 novembre 1950 (art. 3 : "nul ne peut
être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants").
4. Dans le cadre de ces deux conventions, la France a pris les engagements permettant
aux individus qui estimeraient que leurs droits garantis par celles-ci ont été
violés d'introduire des actions contre l'Etat français devant les organes créés
par elles. La France est en effet partie au Protocole facultatif se rapportant
au Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui consacre
le droit de communication individuelle devant le Comité des droits de l'homme.
Elle a également souscrit à la déclaration prévue à l'article 25 de la Convention
européenne des droits de l'homme, par laquelle elle a reconnu la compétence
de la Commission européenne des droits de l'homme pour être saisie de requêtes
individuelles.
5. Enfin, la France a ratifié le 9 janvier 1989 la Convention européenne pour
la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants,
qu'elle avait signée le 26 novembre 1987. Cette Convention, en vigueur depuis
le 1er février 1989, a mis en place un mécanisme particulier visant à prévenir
les mauvais traitements qui repose sur un comité habilité à effectuer dans chacun
des Etats parties des visites dans tous les lieux où des personnes se trouvent
privées de liberté par décision d'une autorité publique. Ce comité, qui est
dénommé Comité européen pour la prévention de la torture (CPT), est composé
d'experts indépendants. A l'issue de chaque visite, il établit un rapport présentant
les faits constatés, ainsi que les recommandations qu'il juge nécessaires d'adresser
à l'Etat partie où la visite a eu lieu. Celui-ci est tenu de répondre par écrit
à ces observations. L'ensemble de ces informations peut être rendu public avec
l'accord de l'Etat concerné.
6. Le CPT s'est rendu à quatre reprises en France, une fois en 1991, deux fois
en 1994, en l'occurrence à Paris et en Martinique, et tout dernièrement au mois
d'octobre 1996. La France ne s'est pas opposée à la publication des rapports
établis par le CPT à l'occasion des trois premières visites (ceux relatifs aux
visites de 1991 et de 1994 à Paris sont joints en annexe et celui portant sur
la visite en 1994 à la Martinique devrait être prochainement publié). Le rapport
relatif à la dernière visite ne sera communiqué au Gouvernement que dans le
courant de l'année 1997.
RENSEIGNEMENTS SUR LES ARTICLES DE LA CONVENTION
Article premier
7. Cet article n'appelle pas en soi de mesure particulière de mise en oeuvre
de la part des Etats parties. Son premier alinéa vise en effet à donner une
définition de la torture au sens de la Convention, en précisant les actes qui
entrent dans son champ d'application. Il est à noter que cette définition est
la première qui figure dans un acte international. Par conséquent, la clause
contenue dans le second alinéa ne vaut, s'agissant des instruments internationaux,
que pour d'éventuels instruments à intervenir.
8. Quant à la loi nationale française, elle ne contient pas de définition de
la torture, au sens de la Convention, qui lui soit propre. Toutefois, la circulaire
du Ministère de la justice du 14 mai 1993, commentant les dispositions du nouveau
Code pénal entré en vigueur le 1er mars 1994, fait expressément référence à
l'article premier de la Convention en ces termes :
"De manière générale, peut être qualifié de tortures, conformément à l'article
premier de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants adoptée à New York le 10 décembre 1984, 'tout acte par
lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement
infligées à une personne'. Il convient toutefois de souligner que les dispositions
du nouveau Code pénal ont une portée beaucoup plus large que celles de cette
Convention qui ne vise que les actes perpétrés par un agent public pour certains
mobiles."
9. Par ailleurs, la combinaison des articles 689-1 et 689-2 du Code de procédure
pénale, entrés en vigueur le 1er mars 1994, donne compétence aux juridictions
françaises pour poursuivre et juger, si elle se trouve en France, toute personne
qui s'est rendue coupable de tortures hors du territoire de la République. L'article
689-2 renvoie lui-même à la définition de l'article premier de la Convention
:
"Pour l'application de la Convention contre la torture et autres peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée à New York le 10 décembre
1984, peut être poursuivie et jugée dans les conditions prévues à l'article
689-1 toute personne coupable de tortures au sens de l'article premier de la
Convention."
Article 2
Paragraphe 1
10. Le partage des dispositions entre mesures législatives, administratives,
judiciaires et autres, que doit prendre chaque Etat partie afin d'empêcher que
des actes de torture ne soient commis dans tout territoire sous sa juridiction
dépend du régime constitutionnel de l'Etat considéré.
11. En France, dans le domaine considéré, c'est la loi qui, en vertu de l'article
34 de la Constitution, fixe "les règles concernant les droits civiques
et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés
publiques..., la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui
leur sont applicables; la procédure pénale..." En outre, une autorisation
législative est nécessaire pour la ratification des traités et accords internationaux
qui modifient des dispositions de nature législative.
12. Sont donc à prendre en considération en l'occurrence, non seulement les
lois qui ont autorisé la ratification des actes internationaux pertinents, parmi
lesquels figure au premier chef la Convention, mais également les dispositions
législatives qui incriminent la torture et fixent les sanctions applicables
aux actes de torture, et celles définissant les recours juridictionnels ouverts
aux victimes. L'autorité judiciaire, "gardienne de la liberté individuelle"
aux termes de l'article 66 de la Constitution, agit dans le cadre ainsi fixé
par la loi. Elle peut être saisie notamment lorsqu'un agent de la fonction publique
commet un acte attentatoire aux droits et libertés de l'individu protégés par
la loi (théorie de la voie de fait).
13. S'agissant d'actes de torture qui seraient commis par des fonctionnaires,
ils tomberaient spécialement sous le coup des dispositions des articles 222-1
et 222-3 du nouveau Code pénal, qui disposent respectivement :
Article 222-1 : "Le fait de soumettre une personne à des tortures ou à
des actes de barbarie est puni de 15 ans de réclusion criminelle."
Article 222-3 : "L'infraction définie à l'article 222-1 est punie de 20
ans de réclusion criminelle lorsqu'elle est commise :
...
- Par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission
de service public dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions
ou de sa mission."
14. Par ailleurs, les articles 432-4 à 432-6 du nouveau Code pénal sanctionnent
les atteintes arbitraires à la liberté d'aller et venir commises par des personnes
dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public.
L'article 432-4 dispose en particulier :
"Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée
d'une mission de service public, agissant dans l'exercice ou à l'occasion de
l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, d'ordonner ou d'accomplir arbitrairement
un acte attentatoire à la liberté individuelle, est puni de sept ans d'emprisonnement
et de 700 000 francs d'amende.
Lorsque l'acte attentatoire consiste en une détention ou une rétention d'une
durée de plus de sept jours, la peine est portée à 30 ans de réclusion criminelle
et à 3 millions de francs d'amende."
15. S'agissant plus particulièrement des actes de torture qui seraient imputés
à des militaires, parmi lesquels sont rangés en France les gendarmes, leur poursuite
serait assurée dans les conditions de la loi No 82-261 du 21 juillet 1982, portant
réorganisation de la justice militaire, aux termes de laquelle le ministère
public exerce ses attributions sous le seul contrôle du Ministre de la justice,
à la fois :
a) devant les juridictions de droit commun, c'est-à-dire les tribunaux de grande
instance et les cours d'appel, compétentes pour toutes les infractions de droit
commun commises sur le territoire national par les militaires, y compris celles
commises à l'occasion, mais non pas dans l'exercice du service;
b) devant les juridictions spécialisées, c'est-à-dire la chambre compétente
des tribunaux de grande instance, pour les crimes et délits de droit commun
commis dans l'exécution du service et les infractions militaires prévues par
le livre III du Code de justice militaire;
c) hors du territoire national, devant le tribunal de Baden-Baden en Allemagne,
compétent pour quasiment toutes les infractions militaires ou de droit commun
commises par tous les ressortissants français liés à nos forces en Allemagne;
d) devant le tribunal des forces armées de Paris, compétent pour les infractions
commises à l'intérieur des enceintes militaires françaises ou à l'extérieur,
mais à l'occasion du service effectué dans les Etats liés à la France par une
convention particulière dans le domaine de la justice militaire.
16. Ainsi, la loi prohibe et sanctionne la torture, et l'autorité judiciaire
la punit. Ce dispositif répressif a, par son existence même, une évidente valeur
préventive et dissuasive. Il se trouve en outre complété par des mesures de
nature administrative, qui consistent essentiellement en instructions du pouvoir
exécutif aux agents publics sur la conduite qu'ils doivent observer pour se
conformer à la loi. Le détail de ces mesures sera examiné à propos de chacun
de ces articles.
Paragraphe 2
17. L'état de guerre ne peut être invoqué en France pour justifier la torture.
En effet, l'article 383 du Code de justice militaire rappelle que les faits
contraires aux lois et coutumes de la guerre constituent des crimes ou délits
de droit commun, susceptibles à ce titre de répression pénale. Ce même Code
réprime en outre les infractions purement militaires parmi lesquelles il inclut
"l'incitation à commettre des actes contraires au devoir ou à la discipline"
(art. 441). De même, la loi du 13 juillet 1972, modifiée par la loi No 75-1000
du 30 octobre 1975 portant statut général des militaires, prévoit que ceux-ci
ne peuvent accomplir des actes contraires aux lois, aux coutumes de la guerre
et aux conventions internationales, ou qui constituent des crimes ou délits
(art. 15). Enfin, le règlement de discipline générale des armées, régi par le
décret modifié No 75-675 du 28 juillet 1975, précise sans ambiguïté en son article
9 bis, consacré au respect des règles du droit international applicable aux
conflits armés, que, suivant les conventions internationales régulièrement ratifiées
ou approuvées, il est interdit aux militaires "de porter atteinte à la
vie et à l'intégrité corporelle ou à la dignité de la personne des malades,
blessés, naufragés, à celle des prisonniers ainsi que des personnes civiles,
notamment par le meurtre, les mutilations, les traitements cruels, la torture
sous toutes ses formes et les supplices".
18. En cas de menace de guerre, l'ordonnance No 59-147 du 7 janvier 1959 portant
organisation générale de la défense définit les conditions de la mobilisation
et de la mise en garde. Dans le cas où ces mesures sont décidées, le Code de
procédure pénale prévoit dans son article 699-1 que les dispositions du Code
de justice militaire peuvent être rendues applicables par décret en Conseil
des ministres.
19. La loi française définit de manière très stricte les différents régimes
d'exception :
a) Le régime de l'état de siège est fixé par la loi du 9 août 1849 modifiée
par la loi du 3 avril 1878. Il peut être décrété en cas de péril imminent résultant
d'une guerre étrangère, d'une guerre civile ou d'une insurrection à main armée.
Cette décision doit, en vertu de l'article 36 de la Constitution, être prise
en Conseil des ministres. L'état de siège ne peut être maintenu plus de 12 jours
sans l'approbation du Parlement. Il implique surtout le transfert des pouvoirs
de police et de maintien de l'ordre à l'autorité militaire;
b) L'état d'urgence est régi par la loi du 3 avril 1955. Il peut être décidé
en Conseil des ministres en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves
à l'ordre public ou de calamités publiques. Il comporte une extension des pouvoirs
de police compensée par des garanties spécifiques. Selon l'article 700 du Code
de procédure pénale, "en cas d'état de siège ou d'état d'urgence déclaré,
un décret en Conseil des ministres ... peut établir des tribunaux territoriaux
des forces armées dans les conditions prévues par le Code de justice militaire.
La compétence de ces tribunaux résulte des dispositions du Code de justice militaire
pour le temps de guerre et des dispositions particulières des lois sur l'état
d'urgence et l'état de siège";
c) Le recours à l'article 16 de la Constitution a pour effet principal de renforcer
les pouvoirs du Président de la République, qui doit alors agir dans le but
de rétablir le fonctionnement normal des pouvoirs constitutionnels.
20. Ces divers régimes d'exception, selon des modalités particulières à chacun
d'eux, modifient donc la répartition normale des compétences, notamment en matière
de police et, dans certains cas, de procédure judiciaire. Cependant, leur instauration
n'a aucune incidence sur les dispositions légales et réglementaires interdisant
la torture. Les actes de torture qui viendraient à être commis sous l'emprise
de ces états d'exception devraient donc être réprimés aussi sévèrement qu'en
temps normal.
Paragraphe 3
21. L'ordre d'un supérieur ne peut être invoqué en droit français pour justifier
un acte constituant en soi un crime ou un délit que dans les conditions posées
par l'article 122-4 du nouveau Code pénal qui dispose que :
"N'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit
ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires.
N'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé
par l'autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal."
22. Il résulte de ces nouvelles dispositions que le commandement manifestement
illégal d'une autorité légitime ne peut, par lui-même, justifier l'infraction
commise par le subordonné docile. Or la loi ne saurait en aucune circonstance
ordonner la torture, puisqu'elle la proscrit expressément. Un détenteur d'autorité
qui ordonnerait à ses subordonnés de pratiquer la torture leur donnerait donc
un ordre manifestement illégal, et ceux-ci seraient tenus de ne pas y obéir,
en vertu des textes définissant leurs droits et devoirs. Ainsi, l'article 28
de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires
prévoit que tout fonctionnaire doit se conformer aux instructions de son supérieur
hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et
de nature à compromettre gravement un intérêt public.
23. L'article 17 du décret du 18 mars 1986 portant Code de déontologie de la
police nationale contient une disposition identique, et ajoute que "si
le subordonné croit se trouver en présence d'un ordre illégal, il a le devoir
de faire part de ses objections à l'autorité qui l'a donné, en indiquant expressément
la signification illégale qu'il attache à l'ordre litigieux". En outre,
aux termes de l'article 10 du même texte, "le fonctionnaire qui serait
témoin d'agissements prohibés engage sa responsabilité disciplinaire s'il n'entreprend
rien pour les faire cesser ou néglige de les porter à la connaissance de l'autorité
compétente".
24. La loi No 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires
dispose dans son article 15 que :
"Les militaires doivent obéissance aux ordres de leurs supérieurs et sont
responsables de l'exécution des missions qui leur sont confiées.
Toutefois, il ne peut leur être ordonné et ils ne peuvent accomplir des actes
qui sont contraires aux lois, aux coutumes de la guerre et aux conventions internationales
ou qui constituent des crimes ou des délits notamment contre la sûreté et l'intégrité
de l'Etat.
La responsabilité propre des subordonnés ne dégage les supérieurs d'aucune de
leurs responsabilités."
25. Dans le même esprit, le décret du 28 juillet 1975 portant règlement de discipline
générale dans les armées n'exige l'obéissance qu'aux "ordres reçus conformément
à la loi" (art. 7), et prescrit au subordonné de ne pas exécuter un ordre
d'accomplir un acte manifestement illégal ou contraire aux règles du droit international
applicable dans les conflits armés et aux conventions internationales régulièrement
ratifiées ou approuvées (art. 8).
Article 3
Paragraphe 1
26. Dans son état actuel, le droit français est déjà en harmonie avec les dispositions
de cet article, qu'il s'agisse du refoulement à l'entrée sur le territoire,
des mesures d'éloignement du territoire ou de l'extradition.
a) Refoulement
27. Le refoulement consiste dans le refus d'accès au territoire. Cette mesure
est prévue par l'article 5 de l'ordonnance No 45-2658 du 2 novembre 1945, relative
aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, modifiée. La même
ordonnance précise dans son article 2 que les règles qu'elle pose s'appliquent
"sous réserve des conventions internationales". En conséquence, aucun
refus d'entrée ne peut être légalement pris, qui violerait les principes posés
par l'article 3 de la Convention contre la torture. Dans la pratique, les personnes
qui ne remplissent pas les conditions légales pour être admises en France et
qui craignent de faire l'objet de tortures en cas de refoulement vers un autre
Etat demandent à bénéficier du droit d'asile en France, en invoquant des "craintes
de persécutions" au sens de l'article premier de la Convention de Genève
du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, dont le respect s'impose également
aux autorités françaises, et qui prohibe dans son article 33 le refoulement
du réfugié vers le pays où il craint pour sa vie ou sa liberté.
28. Par ailleurs, le décret No 82-442 du 27 mai 1982 modifié, pris pour l'application
de l'article 5 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée, prévoit en son article
12 que "lorsque l'étranger qui se présente à la frontière demande à bénéficier
du droit d'asile, la décision de refus d'entrée en France ne peut être prise
que par le Ministre de l'intérieur après consultation du Ministre des relations
extérieures".
29. Le Conseil constitutionnel, par décision du 3 septembre 1986, a jugé que
l'article 5 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, tel que modifié par la loi publiée
le 9 septembre 1986 sous le No 86-1025, réservait implicitement mais nécessairement
le droit des réfugiés. Le Conseil d'Etat avait d'ailleurs jugé, par un arrêt
du 27 septembre 1985, que l'article 12 de ce décret se bornait à définir l'autorité
compétente et la procédure à suivre pour opposer un refus "dans le cas
où les dispositions légalement applicables le permettent compte tenu notamment
des stipulations des conventions internationales relatives aux réfugiés".
Il résulte de cette analyse qu'un réfugié ne saurait être refoulé si cette mesure
devait avoir pour effet de l'envoyer dans un pays où il courrait des risques
d'être soumis à la torture.
30. Enfin, la loi No 92-625 du 6 juillet 1992, qui est venue préciser les conditions
de maintien des étrangers en zone d'attente, envisage expressément le cas de
ceux qui demandent leur admission sur le territoire français au titre de l'asile.
Leur maintien en zone d'attente n'est possible que "pendant le temps strictement
nécessaire ... à un examen tendant à déterminer si [leur] demande n'est pas
manifestement infondée" (art. 35 quater de l'ordonnance modifiée No 45-2658
du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers
en France). A contrario, dès lors que la demande au titre de l'asile d'un étranger
n'est pas "manifestement infondée", il peut séjourner en France.
31. Même dans l'hypothèse où la situation des personnes menacées de torture
serait considérée distinctement de celle des réfugiés, et ne serait donc pas
couverte par les règles ainsi établies en faveur des réfugiés, un raisonnement
similaire devrait être suivi quant à la possibilité de refouler une personne
menacée de tortures. En effet, les dispositions de la Convention contre la torture
empêcheraient son refoulement, dans la mesure où elles l'emportent sur celles
de toute loi nationale.
b) Eloignement du territoire
32. En droit français, l'éloignement du territoire français d'un étranger peut
résulter soit d'une sanction judiciaire prononçant l'interdiction du territoire
et entraînant la reconduite à la frontière, soit d'une mesure administrative
de reconduite à la frontière pour entrée ou séjour irrégulier, soit d'une mesure
administrative d'expulsion décidée lorsque la présence de l'étranger constitue
une menace grave pour l'ordre public.
33. La loi No 93-1027 du 24 août 1993 a complété l'ordonnance du 2 novembre
1945 en y ajoutant notamment l'article 27 bis, qui dispose que :
"L'étranger qui fait l'objet d'un arrêté d'expulsion ou qui doit être reconduit
à la frontière est éloigné :
1. A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français
de protection des réfugiés et apatrides ou la Commission des recours des réfugiés
lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa
demande d'asile;
2. Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours
de validité;
3. Ou à destination d'un pays dans lequel il est légalement admissible.
Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa
vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires
à l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés
fondamentales du 4 novembre 1950."
34. Les dispositions du dernier alinéa de cet article intègrent donc directement
dans l'ordonnance du 2 novembre 1945 les exigences de l'article 3 de la Convention
européenne des droits de l'homme, qui prévoit que "nul ne peut être soumis
à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants". Ce
faisant, elles répondent aussi aux exigences de l'article 3 de la Convention
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
des Nations Unies. Dès lors, l'autorité administrative qui a régulièrement pris
une mesure d'éloignement du territoire ne peut pas légalement l'exécuter en
direction d'un pays dans lequel l'étranger concerné établit qu'il risque d'y
subir des actes de torture ou des traitements inhumains ou dégradants.
35. Par ailleurs, l'article 27 ter de l'ordonnance du 2 novembre 1945, telle
que modifiée par la loi du 24 août 1993 précitée, précise que la décision fixant
le pays de renvoi, à l'égard d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement,
constitue une mesure distincte de la mesure d'éloignement elle-même, susceptible
d'être contestée devant la juridiction administrative. Si le recours contre
la décision fixant le pays de renvoi est formé en même temps que le recours
contre l'arrêté de reconduite à la frontière pour entrée ou séjour irrégulier,
il a un caractère suspensif, dans les mêmes conditions que l'arrêté de reconduite
à la frontière.
36. En tout état de cause, il convient d'insister sur les garanties qui entourent
la mesure de reconduite à la frontière, comme la mesure d'expulsion. En effet,
le contrôle du juge peut s'exercer sur le principe même de ces mesures :
a) S'agissant de la reconduite à la frontière :
i) dès notification de l'arrêté de reconduite à la frontière, l'étranger est
immédiatement mis en mesure d'avertir un conseil, son consulat ou une personne
de son choix;
ii) aux termes des dispositions de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre
1945, tel qu'il résulte de la loi No 90-34 du 10 janvier 1990, la mesure de
reconduite à la frontière d'un étranger n'est exécutoire qu'après un délai de
24 heures suivant la notification de celle-ci à l'intéressé. Celui-ci peut,
pendant ce délai, saisir le président du tribunal administratif d'une demande
d'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière. Le président ou son délégué
doit statuer dans un délai de 48 heures à compter de sa saisine. Ce recours
est suspensif, ce qui signifie que la mesure d'éloignement ne peut être exécutée
avant l'expiration du délai de 24 heures ou, si le juge a été saisi, avant qu'il
n'ait statué;
iii) dans le cadre de la procédure devant le président du tribunal administratif
ou son délégué, l'étranger peut demander le concours d'un interprète et la communication
du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision attaquée
a été prise. L'audience est publique et se déroule en présence de l'intéressé,
assisté de son conseil s'il en a un. A défaut, il peut demander au président
ou à son délégué qu'il lui en soit désigné un d'office. Le jugement est susceptible
d'appel devant le Conseil d'Etat.
b) S'agissant de l'expulsion :
i) l'étranger doit être préalablement avisé, puis convoqué devant une commission
de magistrats 15 jours au moins avant la réunion de cette commission, dont les
débats sont publics;
ii) dans le cadre de l'examen de la situation de l'étranger par cette commission,
la loi No 89-548 du 2 août 1989 a précisé que celui-ci a le droit d'être assisté
d'un conseil ou de toute personne de son choix et d'être entendu avec un interprète.
En outre, depuis la loi No 91-647 du 10 juillet 1991, l'étranger peut demander
le bénéfice de l'aide juridictionnelle, afin d'être assisté gratuitement d'un
conseil, et cette faculté est mentionnée dans la convocation;
iii) devant la commission, l'étranger peut faire valoir toutes les raisons qui
militent contre son expulsion. Un procès-verbal enregistrant les explications
de l'étranger est transmis avec l'avis motivé de la commission au Ministre de
l'intérieur qui statue;
iv) si le Ministre de l'intérieur prend en définitive un arrêté d'expulsion,
cet acte peut être déféré devant le juge administratif;
v) la nécessité de recueillir l'avis de la commission est supprimée en cas d'urgence
absolue. Mais, même dans ce cas, l'arrêté d'expulsion est susceptible d'un recours
pour excès de pouvoir devant le juge administratif, qui peut être assorti d'une
demande de sursis à exécution.
c) Extradition
37. L'extradition est régie en France par la loi du 10 mars 1927, qui pose à
la recevabilité des demandes d'extradition des conditions de fond et de forme.
Ces garanties sont renforcées par des règles de procédure assurant l'exercice
des droits de la défense. La personne dont l'extradition est demandée est entendue
par la chambre d'accusation. L'extradition ne peut pas être accordée en cas
d'avis négatif de la chambre d'accusation. Dans le cas où l'extradition est
accordée après avis favorable de la chambre d'accusation, la personne extradée
bénéficie également de certaines garanties.
38. Ces dispositions sont complétées par les engagements internationaux souscrits
par la France, dans le souci d'une protection accrue des droits de la personne
soumise à extradition. Ainsi, en ratifiant le 10 février 1986 la Convention
européenne d'extradition (faite à Paris le 13 décembre 1957), la France a formulé
les réserves suivantes :
"L'extradition ne sera pas accordée lorsque la personne réclamée serait
jugée dans l'Etat requérant par un tribunal n'assurant pas les garanties fondamentales
de procédure et de protection des droits de la défense ou par un tribunal institué
pour son cas particulier ou lorsque l'extradition est demandée pour l'exécution
d'une peine ou d'une mesure de sûreté infligée par un tel tribunal.
L'extradition pourra être refusée si la remise est susceptible d'avoir des conséquences
d'une gravité exceptionnelle pour la personne réclamée."
La France s'est également réservé la possibilité de refuser l'extradition si
"les peines ou les mesures de sûreté ne sont pas prévues dans l'échelle
des peines applicables en France".
39. Le respect de ces principes est assuré par les recours juridictionnels.
Les avis favorables des chambres d'accusation sont susceptibles de pourvoi en
cassation avec effet suspensif (arrêt de la Cour de cassation du 17 mai 1984).
40. Le juge administratif a décidé pour sa part que les décrets pris en application
de la loi du 10 mars 1927 au profit d'un Etat étranger sont détachables des
relations internationales de la France et peuvent faire l'objet d'un recours
pour excès de pouvoir de la part de la personne dont l'extradition est autorisée
(Conseil d'Etat, arrêt du 28 mai 1937, Decerf). Le Conseil d'Etat contrôle la
qualification juridique des faits qui motivent les décrets d'extradition (Conseil
d'Etat, 24 juin 1977, Astudillo Caleja) et vérifie la conformité de ces décrets
aux conventions internationales. Il se réfère à l'ordre public français. Il
a ainsi jugé que l'extradition d'une personne risquant de se voir appliquer
la peine de mort (abolie en France) serait contraire à l'ordre public français
(arrêt du 27 février 1987, Fidan). Il se fonde également sur les principes généraux
du droit de l'extradition. Il vérifie notamment le respect des "droits
et libertés fondamentaux de la personne humaine", spécialement en ce qui
concerne le système judiciaire du pays requérant (Uriza Murquitio, 14 décembre
1987).
41. Enfin, par l'arrêt d'assemblée du 1er avril 1988 (Bereciartua Echarri),
le Conseil d'Etat a annulé un décret accordant aux autorités de son pays d'origine
l'extradition d'une personne possédant la qualité de réfugié. La chambre d'accusation
de la cour d'appel de Paris a également statué dans le même sens en refusant
de donner un avis favorable à l'extradition d'un réfugié vers son pays d'origine
(Arrospide-Sarasola, 1er juin 1988).
42. Il résulte de ces éléments que, quand bien même la Convention n'aurait pas
été ratifiée par la France, une extradition qui aurait pour effet d'exposer
l'extradé à la torture, soit dans le cadre d'une procédure judiciaire, soit
hors de toute procédure judiciaire, pourrait être considérée comme illégale
par les juridictions françaises. L'entrée en vigueur de la Convention a consacré
définitivement cette orientation. En outre, le respect des dispositions de l'article
3 est garanti non seulement par les recours juridictionnels nationaux, mais
encore par les autres recours individuels déjà mentionnés en introduction, devant
le Comité des droits de l'homme des Nations Unies et devant les organes de la
Convention européenne des droits de l'homme.
43. Il convient à cet égard de mentionner un arrêt de la Cour européenne des
droits de l'homme en date du 7 juillet 1989, par lequel elle a estimé que la
décision, de la part de la Grande-Bretagne, d'extrader et de livrer aux autorités
américaines un ressortissant allemand, violerait l'article 3 de la Convention
européenne des droits de l'homme si elle devait recevoir exécution. La Cour
était parvenue à cette conclusion, après avoir constaté l'existence de raisons
sérieuses de penser que si le ressortissant retournait dans l'Etat de Virginie,
où il était accusé d'avoir commis un double assassinat, il risquerait de se
voir condamner à la peine capitale et donc exposer au "syndrome du couloir
de la mort" (CEDH, 7 juillet 1989, Soering/Royaume-Uni).
Article 4
Paragraphe 1
44. Ainsi qu'il a déjà été souligné, les actes de torture ont été érigés en
crime autonome par l'article 221-1 du nouveau Code pénal, entré en vigueur le
1er mars 1994, alors que, sous l'empire de l'ancien Code pénal, ils ne constituaient
qu'une circonstance aggravante de certaines infractions. Désormais, l'article
222-1 dispose, dans son premier alinéa, que "le fait de soumettre une personne
à des tortures ou à des actes de barbarie est puni de 15 ans de réclusion criminelle".
45. L'incrimination des tortures et des actes de barbarie a permis de combler
des lacunes dans la répression. En effet, avant l'entrée en vigueur de ces nouvelles
dispositions, la qualification des atteintes à l'intégrité de la personne dépendait
directement de l'importance du préjudice subi. Dorénavant, la gravité même de
ces atteintes, indépendamment de leur résultat, est prise en compte. En particulier,
cette nouvelle incrimination permet de réprimer la tentative de coups et blessures
volontaires, ce qui était impossible jusqu'alors. Ainsi, une tentative de mutilation
peut, aujourd'hui, être éventuellement qualifiée de tentative de torture.
46. Par ailleurs, l'article 222-3 du nouveau Code pénal, qui énumère une série
de circonstances aggravantes applicables aux tortures et actes de barbarie,
vise expressément le cas où ces actes ont été commis par des agents de la fonction
publique :
"L'infraction définie à l'article 222-1 est punie de 20 ans de réclusion
criminelle lorsqu'elle est commise :
...
7. Par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission
de service public dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions
ou de sa mission;
..."
Dans l'hypothèse où les actes de torture seraient commis par l'agent sur instructions
de représentants de "l'autorité légitime", les dispositions de l'article
122-4 du nouveau Code pénal excluent l'exonération de sa responsabilité si l'acte
est "manifestement illégal", ce qui serait à l'évidence le cas.
47. En ce qui concerne les militaires, les nouvelles dispositions pénales relatives
aux actes de torture leur sont applicables, conformément au premier alinéa de
l'article 27 de la loi No 72-662 du 13 juillet 1972, portant statut général
des militaires, en vertu duquel "les militaires sont soumis à la loi pénale
du droit commun ainsi qu'aux dispositions du Code de justice militaire".
Par ailleurs, l'article 441 du Code de justice militaire réprime l'incitation
à commettre des actes contraires au devoir ou à la discipline.
48. La tentative de commettre des actes de torture, ainsi que la complicité,
sont punissables au même titre que l'action principale, en application des articles
121-4 à 121-7 du nouveau Code pénal, qui disposent respectivement :
Article 121-4 : "Est auteur de l'infraction la personne qui :
1. Commet les faits incriminés;
2. Tente de commettre un crime ou, dans les cas prévus par la loi, un délit."
Article 121-5 : "La tentative est constituée dès lors que, manifestée par
un commencement d'exécution, elle n'a été suspendue ou n'a manqué son effet
qu'en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur."
Article 121-6 : "Sera puni comme auteur le complice de l'infraction, au
sens de l'article 121-7."
Article 121-7 : "Est complice d'un crime ou d'un délit la personne qui
sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation.
Est également complice la personne qui par don, promesse, menace, ordre, abus
d'autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des instructions
pour la commettre."
Enfin, il convient de souligner que les "tortures et actes inhumains"
peuvent aussi être retenus comme éléments constitutifs du crime contre l'humanité,
défini par l'article 212-1 du nouveau Code pénal.
Paragraphe 2
49. La répression des tortures et des actes de barbarie fait l'objet, dans le
nouveau Code pénal, d'un paragraphe entier, qui est composé de six articles,
à savoir les articles 222-1 à 222-6. L'article 222-1, qui crée l'incrimination
de la torture, prévoit une peine de 15 ans de réclusion criminelle, assortis
de la période de sûreté automatique, ce qui signifie que pendant la moitié de
sa peine, le condamné ne peut bénéficier des dispositions permettant l'aménagement
de celle-ci. De nombreuses peines complémentaires, parmi lesquelles l'interdiction
des droits civiques, civils et de famille, l'interdiction de séjour et l'interdiction
du territoire français sont prévues par les articles 222-44, 222-45, 222-47
et 222-48.
50. Le législateur a prévu trois degrés d'aggravation :
a) La peine est portée à 20 ans de réclusion criminelle si les faits sont accompagnés
d'agressions sexuelles autres que le viol ou s'ils sont commis dans l'une des
10 autres circonstances aggravantes prévues par l'article 223-3. Parmi ces circonstances,
ainsi qu'il a déjà été mentionné, figure celle relative à la commission de tortures
par celui qui est dépositaire de l'autorité publique ou chargé d'une mission
de service public, dans l'exercice de ses fonctions ou de sa mission;
b) La peine encourue est de 30 ans de réclusion dans les trois hypothèses suivantes
: l'infraction est commise sur un mineur de 15 ans par un ascendant ou une personne
ayant autorité sur lui; elle est commise de manière habituelle sur un mineur
de 15 ans ou une personne vulnérable; elle a entraîné une mutilation ou une
infirmité permanente;
c) La réclusion criminelle à perpétuité est encourue si les tortures et actes
de barbarie ont entraîné la mort de la victime sans l'intention de la donner,
ou s'ils ont été employés en concours avec un autre crime.
51. Toutefois, il convient de relever que la commission d'actes de tortures
constitue toujours, dans certains cas, une circonstance aggravante d'autres
infractions. Tel est notamment le cas en matière de viol (art. 222-26), de proxénétisme
(art. 225-9), de séquestration (art. 224-2, al. 2), de vol (art. 311-10), ou
encore d'extorsion (art. 312-7).
Article 5
52. Dans le nouveau Code pénal, le chapitre III du premier titre du livre I,
relatif à l'application de la loi pénale dans l'espace, reprend pour l'essentiel
les anciennes dispositions contenues dans le titre X du livre IV du Code de
procédure pénale, à savoir les anciens articles 689 à 689-2 et 693, tels qu'ils
étaient cités dans le rapport initial de la France en 1988. Les exigences de
l'article 5 de la Convention sont donc désormais satisfaites par les dispositions
suivantes :
Paragraphe 1 a), b) et c)
53. Les articles 113-2 à 113-7 du nouveau Code pénal disposent respectivement
:
Article 113-2 : "La loi pénale française est applicable aux infractions
commises sur le territoire de la République.
L'infraction est réputée commise sur le territoire de la République dès lors
qu'un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ce territoire."
Article 113-3 : "La loi pénale française est applicable aux infractions
commises à bord des navires battant pavillon français, ou à l'encontre de tels
navires, en quelque lieu qu'ils se trouvent. Elle est seule applicable aux infractions
commises à bord des navires de la marine nationale, ou à l'encontre de tels
navires, en quelque lieu qu'ils se trouvent."
Article 113-4 : "La loi pénale française est applicable aux infractions
commises à bord des aéronefs immatriculés en France, ou à l'encontre de tels
aéronefs, en quelque lieu qu'ils se trouvent. Elle est seule applicable aux
infractions commises à bord des aéronefs militaires français, ou à l'encontre
de tels aéronefs en quelque lieu qu'ils se trouvent."
Article 113-5 : "La loi pénale française est applicable à quiconque s'est
rendu coupable sur le territoire de la République, comme complice, d'un crime
ou d'un délit commis à l'étranger si le crime ou le délit est puni à la fois
par la loi française et par la loi étrangère et s'il a été constaté par une
décision définitive de la juridiction étrangère."
Article 113-6, premier alinéa : "La loi pénale française est applicable
à tout crime commis par un Français hors du territoire de la République."
Article 113-7 : "La loi pénale française est applicable à tout crime, ainsi
qu'à tout délit puni d'emprisonnement, commis par un Français ou par un étranger
hors du territoire de la République lorsque la victime est de nationalité française
au moment de l'infraction."
54. Par ailleurs, l'article 689 du Code de procédure pénale, tel qu'il résulte
de la loi du 16 décembre 1992, précise que :
"Les auteurs ou complices d'infractions commises hors du territoire de
la République peuvent être poursuivis et jugés par les juridictions françaises
soit lorsque, conformément aux dispositions du livre I du Code pénal ou d'un
autre texte législatif, la loi française est applicable, soit lorsqu'une convention
internationale donne compétence aux juridictions françaises pour connaître de
l'infraction."
55. Il résulte donc de l'ensemble de ces dispositions que les juridictions françaises
sont compétentes pour connaître des tortures et actes de barbarie dans les différents
cas énoncés par le premier paragraphe de l'article 5 de la Convention.
Paragraphe 2
56. Les articles 689-1 et 689-2 du Code de procédure pénale, résultant de la
loi précitée du 16 décembre 1992, et entrés en vigueur à compter du 1er mars
1994, répondent très exactement à la situation présentée dans le deuxième paragraphe
de l'article 5 de la Convention :
Article 689-1 : "En application des conventions internationales visées
aux articles suivants, peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises,
si elle se trouve en France, toute personne qui s'est rendue coupable, hors
du territoire de la République, de l'une des infractions énumérées par ces articles.
Les dispositions du présent article sont applicables à la tentative de l'une
de ces infractions, chaque fois que celle-ci est punissable."
Article 689-2 : "Pour l'application de la Convention contre la torture
et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée à New
York le 10 décembre 1984, peut être poursuivie et jugée dans les conditions
prévues à l'article 689-1 toute personne coupable de tortures au sens de l'article
premier de la Convention."
Ces nouvelles dispositions reprennent celles de l'ancien article 689-2 du Code
de procédure pénale, dont la rédaction était issue de la loi No 85-1407 du 30
décembre 1985.
Article 6
Paragraphes 1 et 2
57. Pour exposer les conditions d'application de cet article, il est indispensable
de préciser les différents cas où il peut jouer, étant entendu que le suspect
se trouve par hypothèse sur le territoire français.
58. Dans une première catégorie de situations, notamment lorsque l'infraction
a été commise par un ressortissant français sur le territoire français à l'encontre
d'un autre ressortissant français, seule la compétence de la France peut être
retenue. Dans une deuxième catégorie de situations, notamment quand l'infraction
a été commise par un ressortissant d'un Etat étranger sur le territoire de cet
Etat contre un autre ressortissant du même Etat, cet Etat est, selon les principes
habituels en droit pénal international, seul compétent et donc fondé à demander
l'extradition du coupable ou du suspect. Cette extradition doit, en règle générale,
lui être accordée par la France, compte tenu notamment de l'article 8 de la
Convention. A supposer que la France n'accorde pas l'extradition dans un tel
cas, elle possède cependant la compétence nécessaire pour juger l'individu en
cause, comme il a été montré à propos de l'article 5.
59. Il peut enfin se produire une concurrence de compétence entre la France
et un autre Etat, en particulier quand l'infraction a été commise par un Français
ou à l'encontre d'un Français sur le territoire de cet Etat, ou encore quand
elle a été commise, au contraire, par un ressortissant de cet Etat sur le sol
français.
60. Selon le cas où l'on se trouve et la position arrêtée par le Gouvernement
français, peuvent être appliqués :
a) Le régime de droit commun, tel qu'il est défini dans le Code de procédure
pénale : enquête préliminaire de la police judiciaire sur instructions du Procureur
de la République ou d'office sous le contrôle du Procureur de la République,
garde à vue de 24 heures renouvelable une fois, jusqu'à l'engagement des poursuites
par ouverture d'une information par un juge d'instruction sur réquisition du
Procureur de la République, éventuellement détention provisoire après mise en
examen.
b) Le droit de l'extradition (loi du 10 mars 1927, sous l'article 696 du Code
de procédure pénale) : ordre d'arrestation provisoire donné par le Procureur
de la République (loi du 10 mars 1927, art. 19), interrogatoire d'identité par
le Procureur ou un membre de son parquet dans les 24 heures de l'arrestation
(art. 11), transfert dans le plus bref délai et mise sous écrou à la maison
d'arrêt du chef-lieu de la cour d'appel dans le ressort de laquelle il a été
arrêté (art. 12), notification à l'étranger dans les 24 heures de la réception
des pièces produites à l'appui de la demande d'extradition, du titre en vertu
duquel l'arrestation a été opérée, interrogatoire dans le même délai, saisie
sur le champ de la chambre d'accusation et comparution de l'étranger devant
elle dans un délai maximum de huit jours (art. 13).
61. Le droit français permet donc, dans tous les cas, aux autorités responsables
d'assurer la présence ou la détention de la personne soupçonnée, et impose une
enquête immédiate.
Paragraphe 3
62. Ce point est couvert par l'article 36 (communication avec les ressortissants
de l'Etat d'envoi), paragraphes 1 b) et c) et 2 de la Convention de Vienne sur
les relations consulaires du 24 avril 1963, qui dispose que :
"1. Afin que l'exercice des fonctions consulaires relatives aux ressortissants
de l'Etat d'envoi soit facilité :
...
b) Si l'intéressé en fait la demande, les autorités compétentes de l'Etat de
résidence doivent avertir sans retard le poste consulaire de l'Etat d'envoi
lorsque, dans sa circonscription consulaire, un ressortissant de cet Etat est
arrêté, incarcéré ou mis en état de détention préventive ou toute autre forme
de détention. Toute communication adressée au poste consulaire par la personne
arrêtée, incarcérée ou mise en état de détention préventive ou toute autre forme
de détention doit également être transmise sans retard par lesdites autorités.
Celles-ci doivent sans retard informer l'intéressé de ses droits aux termes
du présent alinéa.
c) Les fonctionnaires consulaires ont le droit de se rendre auprès d'un ressortissant
de l'Etat d'envoi qui est incarcéré, en état de détention préventive ou toute
autre forme de détention, de s'entretenir et de correspondre avec lui et de
pourvoir à sa représentation en justice. Ils ont également le droit de se rendre
auprès d'un ressortissant de l'Etat d'envoi qui, dans leur circonscription,
est incarcéré ou détenu en exécution d'un jugement. Néanmoins, les fonctionnaires
consulaires doivent s'abstenir d'intervenir en faveur d'un ressortissant incarcéré
ou mis en état de détention préventive ou toute autre forme de détention lorsque
l'intéressé s'y oppose expressément.
2. Les droits visés au paragraphe 1 du présent article doivent s'exercer dans
le cadre des lois et règlements de l'Etat de résidence, étant entendu, toutefois,
que ces lois et règlements doivent permettre la pleine réalisation des fins
pour lesquelles les droits sont accordés en vertu du présent article."
63. Afin de faciliter l'application de ces dispositions, le Ministre de la justice
a adressé, le 17 mai 1982, une circulaire aux présidents de tribunaux et aux
procureurs ainsi qu'aux responsables de l'administration pénitentiaire (circulaire
No 82-14). Il est à noter que les dispositions du présent article doivent s'appliquer
même aux ressortissants des Etats qui n'ont pas ratifié la Convention de Vienne
sur les relations consulaires. Ce texte ne réglait pas explicitement le cas
des apatrides. La Convention contre la torture les assimile aux ressortissants
de l'Etat où ils ont leur résidence habituelle.
Paragraphe 4
64. Ce paragraphe indique aux Etats parties la conduite à tenir dans les cas
envisagés au paragraphe 1. Aucune disposition du droit français en vigueur ne
fait obstacle à sa mise en oeuvre, le cas échéant.
Article 7
Paragraphe 1
65. Ce paragraphe est la conséquence directe du paragraphe 2 de l'article 5
et fait application du principe aut dedere aut judicare au cas particulier des
infractions visées par la Convention. Il n'appelle donc pas d'observation particulière.
Paragraphe 2
66. Les actes de torture constituent en droit français des infractions de caractère
grave, comme il a été dit sous l'article 4 ci-dessus, puisqu'ils reçoivent la
qualification de crimes : ils ne peuvent donc être traités que conformément
à cette qualification par les autorités compétentes pour l'exercice de l'action
pénale. Les règles de preuve sont par ailleurs indépendantes du titre auquel
l'Etat fait jouer sa compétence.
Paragraphe 3
67. Le bénéfice d'un traitement équitable est reconnu à toutes les personnes
poursuivies, indépendamment de la nature de l'infraction dont elles sont accusées,
conformément à la loi française et aux instruments internationaux auxquels la
France est partie, au premier chef desquels figurent le Pacte international
relatif aux droits civils et politiques (art. 14) et la Convention européenne
des droits de l'homme (art. 6).
Article 8
Paragraphe 1
68. Cette disposition est d'application directe. Elle a pour effet de compléter
les traités d'extradition existants. Elle s'impose même dans l'hypothèse où
des Etats parties à la Convention concluraient à l'avenir un traité d'extradition
entre eux sans y faire figurer la torture comme motif d'extradition.
Paragraphes 2 et 3
69. Ces deux paragraphes traitent de deux cas exclusifs l'un de l'autre. Le
paragraphe 2 ne s'applique pas à la France, puisqu'elle ne subordonne pas l'extradition
à l'existence d'un traité. La loi du 10 mars 1927 définit en effet les conditions,
la procédure et les effets de l'extradition en l'absence de traité. La France
fait donc partie des Etats visés par le paragraphe 3 et elle reconnaît les actes
de torture comme cas d'extradition dans les conditions prévues par la loi du
10 mars 1927. Il peut être ajouté que le motif politique qui, en droit français,
peut faire obstacle à l'extradition, ne pourrait pas être pris en compte lorsqu'un
fait de torture a été commis.
70. La loi du 10 mars 1927 prévoit certes dans son article 5 que l'extradition
ne sera pas accordée "lorsque le crime ou délit a un caractère politique
ou lorsqu'il résulte des circonstances que l'extradition est demandée dans un
but politique". Mais elle rend l'extradition possible dans cette hypothèse
si "des actes de barbarie odieuse et de vandalisme défendus suivant les
lois de la guerre" ont été commis au cours d'une guerre civile. Par ailleurs
et surtout, le Conseil d'Etat estime que la circonstance que certains crimes
qui ne sont pas politiques par leur nature auraient été commis dans un but politique
ne suffit pas, compte tenu de leur gravité, à les faire regarder comme ayant
un caractère politique (cf. les arrêts Croissant, 7 juillet 1978, Rec., p. 292,
Gador Winter et Piperno, 13 octobre 1982).
Paragraphe 4
71. Cette disposition est d'application directe. Il est à noter qu'il ne peut
exister, entre Etats parties à la Convention et l'appliquant de bonne foi, de
contradiction entre l'article 8 et l'article 3. Toutefois, certains motifs peuvent,
du côté français, faire obstacle à l'extradition d'un tortionnaire. Il en serait
ainsi notamment si celui-ci était exposé à la peine de mort dans le pays requérant,
soit du fait du crime de torture, soit d'un autre chef. Il serait naturellement
dans un tel cas fait application de l'article 5, paragraphe 2.
Article 9
72. Cette disposition, classique, est analogue à celle qui figure dans plusieurs
conventions internationales portant sur des matières pénales, par exemple la
Convention pour la répression de la capture illicite d'aéronefs, faite à La
Haye le 16 décembre 1970 (art. 10), et la Convention pour la répression d'actes
illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation civile, faite à Montréal
le 23 septembre 1971 (art. 11). Pour la France, les règles applicables en droit
interne pour l'exécution des demandes d'entraide judiciaire sont celles énoncées
aux articles 30 et suivants de la loi du 10 mars 1927 précitée.
Article 10
73. Les normes proscrivant et réprimant l'usage de la torture figurent dans
des textes fondamentaux pour chacune des professions concernées. Leur apprentissage
fait donc naturellement partie des cycles de formation organisés à l'intention
de leurs membres. L'étude du Code pénal et du Code de procédure pénale est évidemment
à la base de la formation des magistrats et des avocats. S'agissant des militaires,
le règlement de discipline générale dans les armées (décret No 75-675 du 28
juillet 1975 modifié) est au programme de tous les cours d'instruction, y compris
ceux destinés aux appelés du contingent. Le principe de l'interdiction de la
torture, consacré par le droit international et en particulier par la présente
Convention, bénéficie donc par ce moyen d'une très large diffusion dans la population.
74. Les autres textes pertinents, à savoir le Statut général des militaires
et le Code de justice militaire, sont inscrits aux programmes destinés aux futurs
sous-officiers et officiers. A cet égard, il convient de souligner que, lors
des stages organisés par le Centre national de perfectionnement de police judiciaire,
les cours dispensés aux sous-officiers ainsi qu'aux officiers de la gendarmerie
nationale insistent notamment sur la circulaire No 9600 DN/GEND EMP/SERV du
4 mars 1971, relative aux mesures à prendre pour assurer le respect des garanties
fondamentales de la personne humaine, à l'occasion de l'exercice de la police
judiciaire. La note expresse No 10990 DEF/GEND/OE/PJ/DR du 22 avril 1994 a rappelé
la teneur de cette circulaire.
75. En ce qui concerne les policiers, le Code de déontologie (décret No 86-592
du 18 mars 1986) est largement diffusé et commenté, et il fait partie des matières
d'enseignement des écoles de police. En outre, la formation des agents et officiers
de police est placée sous l'autorité de l'Inspection générale de la police nationale,
qui est chargée en particulier du contrôle des établissements d'enseignement.
Les membres de ce corps prennent eux-mêmes part à l'enseignement, notamment
en matière d'éthique policière. Par ailleurs, un Haut Conseil de déontologie
de la police nationale a été instauré par le décret No 93-1081 du 9 septembre
1993. Ce Conseil, présidé par un conseiller d'Etat, est composé de deux hauts
magistrats, d'un universitaire, d'un avocat, d'un journaliste, d'un membre de
l'Inspection générale de l'administration, de deux fonctionnaires de la police
nationale et d'un retraité de la police nationale. Le Ministre de l'intérieur
a invité le Haut Conseil à lui faire des propositions, en particulier au sujet
des programmes de formation des policiers à la déontologie.
76. L'Ecole nationale d'administration pénitentiaire assure pour chaque corps
composant le personnel pénitentiaire une formation relative à la réglementation
pénitentiaire, qui est guidée par le principe du respect de la dignité inhérente
à toute personne humaine. Un enseignement sur le droit pénal et la procédure
pénale ainsi que les institutions internationales est également dispensé. Il
est à noter qu'apportent leur concours à cette formation des avocats pénalistes
et des représentants d'organisations humanitaires et de défense des droits de
l'homme. En 1996, la Direction de l'administration pénitentiaire a publié un
ouvrage sur la jurisprudence de la Commission et de la Cour européennes des
droits de l'homme applicable aux détenus, intitulé "Prison et droits de
l'homme". Ce document, largement diffusé auprès de l'ensemble des personnels
pénitentiaires, rappelle en particulier l'interdiction de soumettre un détenu
à des actes de torture.
77. Enfin, s'agissant du corps médical, le Code de déontologie médicale, récemment
modifié par décret en Conseil d'Etat du 6 septembre 1995, édicte les devoirs
généraux auxquels sont soumis les médecins et les devoirs qu'ils ont envers
leurs patients. L'article 2 de ce Code impose que tout médecin exerce sa mission
"dans le respect de la vie humaine, de la personne et de sa dignité".
L'article 10 du même Code précise la conduite à tenir à l'égard des personnes
détenues, et énonce que :
"Tout médecin amené à examiner une personne privée de liberté ou à lui
donner des soins ne peut, directement ou indirectement, serait-ce par sa seule
présence, favoriser ou cautionner une atteinte à l'intégrité physique ou mentale
de l'intéressé ou à sa dignité."
78. Des règles analogues se trouvent dans le Code de déontologie des deux autres
professions médicales, à savoir les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes,
ainsi que dans les règles professionnelles des infirmiers et infirmières. Les
programmes d'études des médecins et des infirmiers prévoient une formation spécifique
sur la législation, l'éthique, la déontologie et la responsabilité de leurs
corps respectifs.
Article 11
79. Les notions de "garde" et de "traitement des personnes arrêtées,
détenues ou emprisonnées de quelque façon que ce soit", correspondent à
plusieurs situations juridiques distinctes, qui vont être successivement présentées
:
a) Garde à vue
80. Une personne peut d'abord être privée de sa liberté d'aller et venir si
elle est placée en garde à vue. La décision de garde à vue ne peut être prise
que par un officier de police judiciaire, dans les conditions prévues aux articles
63, 77 et 154 du Code de procédure pénale, c'est-à-dire soit dans le cas de
la commission d'un crime ou d'un délit flagrant, soit dans le cas d'une enquête
préliminaire, soit encore pour les nécessités de l'exécution d'une commission
rogatoire. Dans l'hypothèse d'une enquête préliminaire, seules les personnes
"à l'encontre de laquelle (desquelles) il existe des indices faisant présumer
qu'elle(s) a (ont) commis ou tenté de commettre une infraction" peuvent
être placées en garde à vue (art. 77 précité).
81. Les lois No 93-2 du 4 janvier 1993 et No 93-1013 du 24 août 1993 sont venues
préciser les conditions d'exécution de la garde à vue, et ont amélioré les droits
des personnes qui se trouvent, par cette mesure, privées de leur liberté. S'agissant
du contrôle des mesures de garde à vue par les autorités judiciaires, il convient
de souligner que l'officier de police judiciaire a désormais l'obligation d'informer
dans les meilleurs délais le Procureur de la République ou le juge d'instruction
compétent de toute mesure de placement en garde à vue (art. 63 et 154 du Code
de procédure pénale). En outre, la loi prévoit expressément que le Procureur
de la République contrôle les mesures de garde à vue, afin de s'assurer du bon
déroulement de celles-ci et du respect des formalités prévues par la nouvelle
loi (art. 41). S'agissant des droits des personnes gardées à vue, le législateur
a créé des droits nouveaux en leur faveur, afin de rompre leur isolement, sans
pour autant compromettre l'enquête en cours. Ces droits sont les suivants.
82. Le droit pour la personne placée en garde à vue à être informée dans la
langue qu'elle comprend des garanties qu'elle tient de la loi, ainsi que des
dispositions légales relatives à la durée de la garde à vue (art. 63 et 63-1
du Code de procédure pénale). La durée maximale de la garde à vue s'élève à
24 heures, avec toutefois une possibilité de la prolonger de 24 heures au plus,
par autorisation écrite du Procureur de la République. En application des nouvelles
dispositions de l'article 63-1 du Code de procédure pénale, des notices relatives
aux droits de la personne gardée à vue ont été adressées en 1993 à toutes les
unités de gendarmerie départementale ainsi qu'aux services de police. Ces fiches
sont rédigées en plusieurs langues. Toutefois, si l'étranger gardé à vue est
dans l'impossibilité de lire une quelconque version du texte de la notice, il
est prévu de faire appel aux services d'un interprète. Si l'individu de nationalité
française gardé à vue ne sait pas lire, l'officier de police judiciaire lui
fait connaître verbalement ses droits et garanties.
83. Par ailleurs, les dispositions de l'article 64 du Code précité imposent
à l'officier de police judiciaire de mentionner sur le procès-verbal d'audition
de la personne gardée à vue la durée des interrogatoires auxquels elle a été
soumise, et des repos qui ont séparé ces interrogatoires, le jour et l'heure
à partir desquels elle a été gardée à vue, ainsi que les jours et l'heure à
partir desquels elle a été soit libérée, soit amenée devant le magistrat compétent.
Cette mention doit être spécialement émargée par les personnes intéressées et
en cas de refus il en est fait mention. Elle comportera obligatoirement les
motifs de la garde à vue.
84. Le droit de faire prévenir un membre de sa famille de la mesure prise à
son encontre. Ce droit, de nature à rompre l'isolement des personnes gardées
à vue, permet d'empêcher les risques de mauvais traitements susceptibles de
se produire du fait de la coupure de l'intéressé avec le monde extérieur. Toutefois,
si l'officier de police judiciaire estime que cet avis à famille peut être préjudiciable
au développement de l'enquête, il doit obligatoirement en référer sans délai
au Procureur de la République, qui décide alors de faire droit ou non à la demande,
ou encore de différer cet avis (art. 63-2).
85. Le droit à un examen médical. La personne gardée à vue est informée de ce
droit dès le début de la mesure, et elle peut demander à être examinée par un
médecin désigné par le Procureur de la République ou l'officier de police judiciaire.
Elle peut en outre renouveler cette demande en cas de prolongation de la mesure.
Si la personne gardée à vue s'abstient de solliciter un examen médical, celui-ci
est également de droit si un membre de sa famille en fait la demande. Enfin,
le Procureur de la République ou l'officier de police judiciaire peut à tout
moment désigner d'office un médecin pour examiner la personne gardée à vue.
Cet examen doit se faire sans délai, et le certificat par lequel le praticien
doit notamment se prononcer sur son aptitude au maintien en garde à vue est
versé au dossier (art. 63-3).
86. Le droit à rencontrer un avocat à l'issue des 20 premières heures de la
garde à vue, dans le cadre d'un entretien confidentiel (art. 63-4). Si la personne
gardée à vue n'est pas en mesure d'en désigner un, ou si l'avocat choisi ne
peut pas être contacté, elle peut demander qu'il lui en soit commis un d'office.
Dans le souci d'améliorer l'organisation et la qualité de la défense pénale,
le décret du 4 février 1994 a fixé les modalités de la rétribution des avocats
ainsi commis d'office.
87. L'ensemble des dispositions précitées, édictées par les articles 63, 63-1,
63-2, 63-3 et 63-4 sont prévues à peine de nullité de l'information subséquente
(art. 171 du Code de procédure pénale). Il convient également de mentionner
qu'une dépêche-circulaire, portant sur les conditions d'exécution des mesures
de garde à vue, en date du 1er mars 1996, a été adressée à l'ensemble des parquets
du territoire national, leur demandant de recenser les difficultés rencontrées
dans l'application des nouveaux textes et les moyens propres à obtenir une amélioration
de la situation. Les premiers résultats de cette enquête permettent de constater
que les dispositions des articles 63 et suivants du Code de procédure pénale
sont effectivement respectées, et que le contrôle des mesures de garde à vue
par l'autorité judiciaire est exercé de façon constante.
88. Enfin, il y a lieu de rappeler, comme il a déjà été précisé dans le rapport
initial de 1988, que la police judiciaire est exercée sous la direction du Procureur
de la République (art. 12 du Code de procédure pénale), et se trouve placée
dans chaque ressort de la cour d'appel sous la surveillance du Procureur général
et sous le contrôle de la chambre d'accusation. Dans l'hypothèse où l'ensemble
des dispositions présentées ci-dessus n'auraient pas été respectées par des
officiers de police judiciaire, la chambre d'accusation peut leur adresser des
observations ou leur retirer, temporairement ou définitivement, leur fonction
d'officier de police judiciaire, ceci sans préjudice des sanctions purement
disciplinaires dont le prononcé incombe à leurs supérieurs hiérarchiques. Si,
en outre, la chambre d'accusation estime que les officiers de police judiciaire
ont commis une infraction à la loi pénale, elle ordonne la transmission du dossier
au Procureur général (art. 224 à 230 du Code de procédure pénale).
89. Dans l'accomplissement des actes de police judiciaire, les officiers de
police judiciaire mettent en effet en jeu leur responsabilité pénale et peuvent
être poursuivis à ce titre devant le juge répressif. Si les agissements irréguliers
d'un membre de la police judiciaire ont constitué une infraction pénale, ce
qui serait le cas si des actes de torture avaient été pratiqués, la victime
peut obtenir réparation en portant son action civile devant les juridictions
civiles.
b) Justice militaire
90. Les dispositions de la loi No 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de
la procédure pénale sont applicables depuis le 1er mars 1996 aux procédures
de la compétence des tribunaux aux armées, des juridictions des forces armées,
et des tribunaux prévôtaux. Par conséquent, depuis cette date, les nouvelles
dispositions relatives à la garde à vue qui viennent d'être exposées s'appliquent
également en matière de justice militaire.
91. Par ailleurs, l'arrêt Hardouin du 17 février 1995 rendu par le Conseil d'Etat
a instauré un véritable contrôle juridictionnel sur les sanctions disciplinaires
dans les armées. En effet, le Conseil d'Etat a estimé que la punition des arrêts,
prévue par les articles 30 et 31 du décret No 75-675 du 28 juillet 1975 portant
règlement de discipline générale dans les armées constituait une mesure faisant
grief, susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir.
c) Emprisonnement
92. Une personne peut se trouver emprisonnée soit parce que, dans les cas prévus
par la loi, elle a été placée en détention provisoire sur ordonnance du juge
d'instruction dans les conditions prévues par les articles 144 à 148-5 du Code
de procédure pénale, soit parce qu'elle purge une peine d'emprisonnement. Dans
les deux cas, le régime pénitentiaire est régi par le titre II (de la détention)
du livre V (des procédures d'exécution) du Code de procédure pénale.
93. L'article D.189, alinéa 2, de ce Code énonce le principe général de respect
de la personne humaine :
"A l'égard de tous les détenus dont elle a la charge à quelque titre que
ce soit, l'administration pénitentiaire assure le respect de la dignité inhérente
à la personne humaine et prend toutes les mesures destinées à faciliter leur
réintégration dans la société."
94. En particulier, l'article D.174 de ce Code dispose que :
"Le personnel de l'administration pénitentiaire ne doit utiliser la force
envers les détenus qu'en cas de légitime défense, de tentative d'évasion ou
de résistance par la violence ou par inertie physique aux ordres donnés.
Lorsqu'il y recourt, il ne peut le faire qu'en se limitant à ce qui est strictement
nécessaire."
95. L'article D.172 du même Code précise qu'"aucun moyen de contrainte
ne doit être employé à titre de sanction disciplinaire". En matière de
sanctions disciplinaires applicables aux détenus, il convient en outre de souligner
qu'un nouveau régime vient d'être mis en place par le décret du 4 avril 1996
et la circulaire d'application du 12 avril 1996. Ce nouveau régime définit clairement
les faits constitutifs d'une infraction disciplinaire et énonce limitativement
les sanctions qui leur sont applicables.
96. La circulaire d'application de ces nouvelles dispositions fait explicitement
référence aux règles pénitentiaires européennes ainsi qu'à la Convention européenne
de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y est
précisé que l'action disciplinaire "doit notamment satisfaire les principes
... contenus dans la recommandation (R.87) 3 du Conseil de l'Europe sur les
règles pénitentiaires européennes" parmi lesquels figure en particulier
la prohibition de "toute peine cruelle, inhumaine ou dégradante" comme
sanction disciplinaire. Il va de soi que la responsabilité pénale et civile
des membres du personnel pénitentiaire serait engagée si des actes de torture
étaient commis sur des détenus.
97. En tout état de cause, plusieurs dispositions garantissent la surveillance
et le contrôle des conditions de détention, et permettent de prévenir les cas
de torture. Ces dispositions sont les suivantes.
i) Les visites et les rapports des autorités judiciaires
98. Les articles 727, D.176 à D.179 du Code de procédure pénale imposent au
juge de l'application des peines, au président de la chambre d'accusation, au
juge d'instruction, au juge des enfants, au Procureur de la République et au
Procureur général de visiter régulièrement les établissements pénitentiaires
pour vérifier les conditions de détention des détenus relevant de leurs attributions.
Ils peuvent faire part de leurs observations éventuelles aux autorités compétentes
pour y donner suite. En outre, le juge de l'application des peines doit adresser
chaque année au Ministre de la justice sous le couvert des chefs de cour un
rapport sur l'application des peines. De même, le Premier Président et le Procureur
général transmettent annuellement au Ministre de la justice un rapport qui rend
compte du fonctionnement des établissements pénitentiaires de leur ressort,
et du service par le personnel de ces établissements. Enfin, ces magistrats
peuvent s'entretenir avec les détenus en dehors de tout membre du personnel
(art. D.232 du Code de procédure pénale).
ii) Les visites de la Commission de surveillance
99. Composée des autorités locales administratives et judiciaires, la Commission
de surveillance est chargée de "la surveillance intérieure de la prison
en ce qui concerne la salubrité, la sécurité, le régime alimentaire, le service
de santé, le travail, la discipline, l'observation des règlements, l'enseignement
et la réadaptation sociale des détenus" (art. D.184 du Code précité). Elle
se réunit au moins une fois par an, procède à la visite de l'établissement et
à toute audition utile et reçoit les requêtes des détenus portant sur toute
matière relevant de sa compétence. La Commission peut communiquer au Ministre
de la justice les observations, critiques ou suggestions qu'elle croit devoir
formuler.
iii) Les visites de l'inspection
100. En application de l'article D.229 du Code de procédure pénale, les établissements
pénitentiaires sont régulièrement inspectés par le service de l'inspection de
la Direction de l'administration pénitentiaire, par le préfet, ainsi que par
toutes autres autorités administratives investies d'un pouvoir de contrôle à
l'égard des différents services de l'administration pénitentiaire.
iv) Le contrôle des autorités médicales
101. La loi No 94-43 du 18 janvier 1994 a chargé le service public hospitalier
d'assurer les diagnostics et soins dispensés aux détenus. C'est donc désormais
un médecin extérieur à l'administration pénitentiaire qui assure notamment l'examen
médical systématique de tout détenu venant d'être écroué et les visites obligatoires
aux détenus placés dans les quartiers d'isolement et disciplinaires. Quand le
médecin constate que l'état de santé du détenu est incompatible avec son maintien
au quartier disciplinaire, la mesure est suspendue. A l'égard des détenus placés
au quartier d'isolement, il émet, chaque fois qu'il l'estime utile, son avis
sur l'opportunité de prolonger l'isolement ou d'y mettre fin. A tout moment,
le médecin qui estime que l'état de santé d'un détenu est incompatible avec
le maintien en détention en avise le chef d'établissement.
v) Le contrôle juridictionnel
102. Il convient tout d'abord de relever qu'aucun détenu ne peut être privé,
en aucun cas, de la faculté de communication avec son conseil. Par ailleurs,
tout détenu peut utiliser les possibilités ménagées par les articles D.259 et
D.260, premier alinéa, du Code de procédure pénale, qui disposent respectivement
:
Article 259 : "Tout détenu peut présenter des requêtes ou des plaintes
au chef de l'établissement; ce dernier lui accorde audience s'il invoque un
motif suffisant. Chaque détenu peut demander à être entendu par les magistrats
et fonctionnaires chargés de l'inspection ou de la visite de l'établissement,
hors la présence de tout membre du personnel de la prison."
Article 260, premier alinéa : "Il est permis au détenu ou aux parties auxquelles
une décision administrative a fait grief de demander qu'elle soit déférée au
directeur régional si elle émane d'un chef d'établissement ou au Ministre de
la justice si elle émane d'un directeur régional."
103. Il résulte de ces dispositions que tout détenu peut former un recours administratif,
préalable à tout recours contentieux devant les juridictions administratives.
Or, précisément, le contrôle des juridictions administratives sur les conditions
de détention s'est accru depuis l'arrêt rendu le 17 février 1995 par le Conseil
d'Etat (arrêt Marie). En effet, cet arrêt a admis la recevabilité d'un recours
pour excès de pouvoir contre les décisions de placement d'un détenu en cellule
disciplinaire prises par un chef d'établissement. Ces mesures étaient jusqu'alors
considérées comme des mesures d'ordre intérieur ne faisant pas grief. Par ailleurs,
l'article D.262 permet aux détenus de s'adresser sous pli fermé à un certain
nombre d'autorités administratives et judiciaires :
"Les détenus peuvent, à tout moment, adresser des lettres aux autorités
administratives et judiciaires françaises dont la liste est fixée par le Ministre
de la justice. Ces lettres peuvent être remises sous pli fermé et échappent
alors à tout contrôle; aucun retard ne doit être apporté à leur envoi."
104. Par une note en date du 20 juin 1994, la Direction de l'administration
pénitentiaire a inclus parmi ces autorités tout membre de la Commission et de
la Cour européennes des droits de l'homme, ainsi que le Président du Comité
européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains
ou dégradants.
105. En ce qui concerne les détenus militaires ou marins, ils ont la faculté
d'écrire librement aux autorités militaires ou maritimes françaises, et peuvent
être visités par les représentants de l'autorité militaire ou maritime désignés
par une instruction de service (art. D.263). Enfin, il convient de signaler
que, sous réserve de réciprocité, les détenus étrangers peuvent entrer en contact
avec les représentants diplomatiques ou consulaires de l'Etat dont ils sont
ressortissants (art. D.264).
d) Maintien des étrangers en zone d'attente, en rétention administrative ou
en rétention judiciaire
i) La zone d'attente
106. Les étrangers en attente d'une décision concernant leur admission sur le
territoire français, ainsi que ceux qui se trouvaient en situation de transit
interrompu, étaient habituellement maintenus pendant le temps nécessaire à l'examen
de leur demande ou à leur rapatriement dans les zones "internationales"
des ports et des aéroports. Cette situation ne faisait l'objet d'aucune réglementation
spécifique et les garanties apportées aux étrangers n'étaient édictées que par
voie de circulaire (circulaire du 26 juin 1990).
107. A l'occasion du vote de la loi No 92-190 du 26 février 1992 modifiant diverses
dispositions de l'ordonnance modifiée No 45-2658 du 2 novembre 1945 relative
aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, le Conseil constitutionnel,
saisi par le Premier Ministre, a, dans une décision du 25 février 1992, affirmé
que le maintien des étrangers en zone d'attente était conforme à la Constitution,
à condition que ce maintien n'excède pas un délai raisonnable, et que le juge
judiciaire se prononce dans les meilleurs délais (J.0. - 27 février 1992).
108. La loi No 92-625 du 6 juillet 1992 sur la zone d'attente des ports et des
aéroports a donc été adoptée postérieurement à cette décision (J.O. - 9 juillet
1992). Les nouvelles dispositions figurent dans l'article 35 quater de l'ordonnance
du 2 novembre 1945, qui a été ensuite complété par la loi No 94-1136 du 27 décembre
1994, afin de couvrir les gares ferroviaires ouvertes au trafic international.
Cette dernière loi a également clarifié et précisé les règles applicables au
transfert d'une zone d'attente, où l'étranger est maintenu, à une autre zone
d'attente à partir de laquelle le départ a effectivement lieu.
109. La France, soucieuse du respect du droit d'asile et de la liberté individuelle,
a donc élaboré une réglementation spécifique qui offre de nombreuses garanties
à ceux concernés par ces dispositions. Deux catégories d'étrangers peuvent être
distinguées parmi eux : d'une part, les étrangers qui ne sont pas autorisés
à entrer sur le territoire français ou qui se trouvent en situation de transit
interrompu : le maintien ne peut durer que le temps strictement nécessaire à
leur départ; d'autre part, les étrangers qui demandent leur admission au titre
de l'asile : le maintien ne peut avoir pour objet que de procéder à un examen
tendant à déterminer si une demande d'asile n'est pas manifestement infondée
et, dans le cas où elle le serait, à assurer l'exécution du refus d'entrée.
110. Il convient de rappeler ici que, dans un souci de protection du droit d'asile,
l'entrée en France d'un demandeur d'asile ne peut être refusée que par décision
du Ministre de l'intérieur, et non pas par la police de l'air et des frontières,
après une procédure de consultation du Ministère des affaires étrangères (art.
12 du décret modifié No 82-442 du 27 mai 1982).
111. Pour les deux catégories, la procédure de maintien et les garanties qu'elle
comporte sont identiques : à tout moment de la procédure, l'étranger peut quitter
la zone d'attente pour une destination étrangère de son choix; l'étranger est
maintenu dans des lieux d'hébergement de type hôtelier où il est nourri et logé.
A tout moment il peut demander l'assistance d'un interprète, d'un médecin et
peut communiquer avec la personne de son choix.
112. Le maintien en zone d'attente est encadré dans des délais stricts; aussi
la procédure de maintien en zone d'attente comporte-t-elle plusieurs phases,
chacune d'entre elles étant entourée de garanties :
- La décision de maintien pour une durée maximum de 48 heures, renouvelable
une fois, est prise par le chef de service de contrôle aux frontières. Cette
décision doit être écrite et motivée, être inscrite sur un registre et portée
sans délai à la connaissance du Procureur de la République afin que celui-ci
exerce son contrôle. Aussitôt, l'étranger est informé de ses droits et de ses
devoirs, s'il y a lieu par l'intermédiaire d'un interprète.
- Au-delà de quatre jours, le maintien ne peut se poursuivre qu'avec l'autorisation
et sous le contrôle du juge judiciaire, le Président du Tribunal de grande instance
territorialement compétent. L'autorité administrative doit faire connaître au
juge les raisons pour lesquelles l'étranger n'a pu être rapatrié ou, s'il a
demandé l'asile, n'a pu être admis, et préciser le délai nécessaire pour assurer
son départ de la zone d'attente. Le juge se prononce par ordonnance après audition
de l'intéressé en présence de son conseil; celui-ci peut contester le maintien
en zone d'attente.
- La prolongation ne peut être de plus de huit jours. L'ordonnance autorisant
ou refusant la prolongation de maintien est susceptible d'appel devant le premier
président de la cour d'appel. Celui-ci a alors 48 heures pour statuer.
- Ce n'est qu'exceptionnellement que cette prolongation peut être renouvelée
pour une durée supplémentaire de huit jours, selon la même procédure.
113. En tout état de cause, la durée totale du maintien en zone d'attente ne
peut excéder 20 jours. Dans la pratique, la durée moyenne de maintien en zone
d'attente s'élève à 1,8 jour pour les étrangers non admis ou en transit interrompu.
Elle est de 4,5 jours en moyenne pour les demandeurs d'asile et s'explique par
les nécessités de l'examen de la demande. L'étranger concerné peut contester
devant la juridiction administrative la légalité de la décision de refus de
séjour dont il fait l'objet, et assortir sa demande d'annulation d'une demande
de sursis à exécution.
114. Par ailleurs, il convient de souligner que le décret No 95-507 du 2 mai
1995, pris en application de la loi du 27 décembre 1994, prévoit l'accès des
représentants du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, ainsi
que des associations humanitaires à la zone d'attente. En application de ce
texte, les représentants du HCR, agréés à cette fin, ont accès à la zone d'attente
et peuvent s'entretenir avec le chef du service du contrôle aux frontières et
avec les représentants du Ministère des affaires étrangères. Ils peuvent également
s'entretenir confidentiellement avec les demandeurs d'asile. Cet accès doit,
comme le précise le décret, "permettre l'exercice effectif de sa mission
par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés". Des dispositions
analogues sont prévues au bénéfice des associations humanitaires.
115. Enfin, l'Office des migrations internationales (OMI) intervient également
dans les zones d'attente, pour effectuer une mission d'accompagnement humanitaire.
ii) La rétention administrative
116. Les étrangers qui font l'objet d'un arrêté d'expulsion ou qui doivent être
reconduits à la frontière et qui ne peuvent pas quitter immédiatement le territoire
français peuvent être maintenus dans des locaux ne relevant pas de l'administration
pénitentiaire, pendant le temps strictement nécessaire à leur départ. La décision
de maintien dans de tels locaux relève de la compétence du représentant de l'Etat
dans le département. Cette décision doit être écrite et motivée, et elle fait
l'objet d'un contrôle judiciaire. En effet, l'article 35 bis de l'ordonnance
précitée du 2 novembre 1945, tel qu'il résulte de la loi No 93-1027 du 24 août
1993, prévoit les garanties suivantes.
117. Le Procureur de la République est immédiatement informé de la décision
de maintien et, pendant toute la durée de celui-ci, il peut se transporter sur
les lieux et vérifier les conditions de la rétention.
118. L'étranger est lui-même immédiatement informé de ses droits, au besoin
par l'intermédiaire d'un interprète s'il ne connaît pas la langue française.
Pendant la durée du maintien, il peut demander l'assistance d'un interprète,
d'un médecin, d'un conseil et peut, s'il le désire, communiquer avec son consulat
et avec une personne de son choix.
119. A l'issue d'un délai de 24 heures après la décision de maintien, il appartient
au Président du Tribunal de grande instance, ou à un magistrat délégué par lui,
de décider de l'éventuelle prolongation de la mesure, après avoir notamment
entendu l'intéressé en présence de son conseil s'il en a un. Si l'étranger dispose
de garanties de représentation effectives, le magistrat peut, à titre exceptionnel,
l'assigner à résidence.
120. L'application de ces mesures prend fin au plus tard à l'expiration d'un
délai de six jours à compter de l'ordonnance du magistrat. Toutefois, ce délai
peut être prorogé d'une durée maximale de 72 heures, par ordonnance du président
du tribunal ou d'un magistrat délégué par lui, en cas d'urgence absolue et de
menace d'une particulière gravité pour l'ordre public, ou lorsque l'étranger
n'a pas présenté à l'autorité administrative compétente de document de voyage
permettant l'exécution de la mesure d'éloignement du territoire, et que les
éléments de fait montrent que ce délai supplémentaire est de nature à permettre
l'obtention du document.
121. Les ordonnances du président du tribunal, ou du magistrat délégué, sont
susceptibles d'appel, et le président de la cour d'appel ou son délégué doit
statuer dans les 48 heures à compter de sa saisine.
122. Il convient de préciser que, s'agissant des territoires d'outre-mer et
de la collectivité territoriale de Mayotte, les dispositions relatives à l'ordonnance
du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers
en France et les textes ultérieurs qui l'ont modifiée (lois du 6 juillet 1992
et du 24 août 1993) ne leur sont pas applicables, en raison des particularités
géographiques, historiques et sociales de ces territoires. En revanche, la loi
No 96-609 du 5 juillet 1996, portant dispositions diverses relatives à l'outre-mer,
a étendu à ces territoires les dispositions de droit commun en matière de rétention
administrative des étrangers.
iii) La rétention judiciaire
123. Enfin, il convient de mentionner une forme de rétention particulière, puisque
la décision initiale émane d'une autorité judiciaire. Il s'agit de la procédure
résultant de la loi No 93-1417 du 30 décembre 1993, et insérée dans l'article
132-70-1 du nouveau Code pénal.
124. Cet article dispose que dans le cas où une juridiction déclare un étranger
coupable du délit prévu par l'article 27 de l'ordonnance du 2 novembre 1945,
elle peut ajourner le prononcé de la peine en enjoignant au prévenu de présenter
à l'autorité administrative compétente les documents de voyage permettant l'exécution
de la mesure d'éloignement prononcée à son encontre, ou de communiquer les éléments
permettant cette exécution. La décision d'ajournement s'accompagne alors d'un
placement du prévenu, par ordonnance, sous le régime de la rétention judiciaire,
pour une durée maximale de trois mois. L'exécution de cette mesure est mise
en oeuvre dans des locaux qui ne relèvent pas de l'administration pénitentiaire.
Cette mesure s'accompagne des garanties habituelles, à savoir l'information
de l'intéressé de la possibilité, pendant la période de rétention, de demander
l'assistance d'un interprète, d'un médecin ou d'un conseil. Il peut également
communiquer avec toute personne de son choix et recevoir les visites autorisées
par les autorités judiciaires.
125. Par ailleurs, le ministère public et le président de la juridiction dans
le ressort de laquelle s'exécute la rétention peuvent se transporter sur les
lieux et vérifier les conditions de la rétention, pendant toute la durée de
celle-ci.
126. Enfin, le prévenu peut, au cours du délai d'ajournement, demander la levée
de la mesure de rétention, et la juridiction qui a ordonné la rétention peut
prononcer d'office sa levée. Lorsque le rejet de la demande de levée est prise
par une juridiction du premier degré, il peut être interjeté appel de la décision.
c) Hospitalisation sans consentement dans un service de psychiatrie de personnes
souffrant de troubles mentaux
127. La loi No 90-527 du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection
des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions
d'hospitalisation est venue renforcer les droits des personnes hospitalisées
sans leur consentement dans un service de psychiatrie.
i) Les deux formes d'hospitalisation de personnes sans leur consentement
128. Deux modes distincts d'hospitalisation entrent dans cette catégorie : il
s'agit soit d'une hospitalisation sur demande d'un tiers (art. L.333 à L.341
du Code de la santé publique), soit d'une hospitalisation d'office (art. L.342
à L.351 du Code de la santé publique).
129. En ce qui concerne l'hospitalisation sur demande d'un tiers, elle ne peut
être effectuée que si les deux conditions suivantes sont réunies : d'une part,
les troubles mentaux dont est atteinte la personne ne lui permettent pas de
donner son consentement, et d'autre part son état doit imposer des soins immédiats
assortis d'une surveillance constante en milieu hospitalier. La demande doit
être faite soit par un membre de la famille du malade, soit par une personne
susceptible d'agir dans son intérêt, et accompagnée de deux certificats médicaux
qui justifient que les conditions requises par la loi sont remplies.
130. La loi précitée du 27 juin 1990 prévoit plusieurs mécanismes de contrôle,
de l'admission à la sortie de l'établissement :
- Le contrôle au moment de l'admission doit être effectué par le directeur de
l'établissement avant d'admettre la personne dont l'hospitalisation est demandée.
Le directeur doit s'assurer que la demande a été établie conformément à la réglementation
(art. L.333 et L.333-1).
- Dans les 24 heures suivant l'admission, le malade doit être examiné par le
psychiatre de l'établissement d'accueil, qui établit un certificat médical justifiant
l'hospitalisation sans consentement.
- Un contrôle médical régulier est ensuite effectué durant l'hospitalisation
: un deuxième contrôle est prévu dans les trois jours qui précèdent l'expiration
des 15 premiers jours de placement, puis, à l'expiration de la durée maximale
d'un mois indiquée par le médecin dans son certificat, il doit être procédé
à un nouveau contrôle et à l'établissement d'un certificat. Le placement peut
être maintenu pour des périodes maximales d'un mois renouvelables (art. L.337).
- La loi prévoit l'information des autorités administratives et judiciaires
sur la procédure; les certificats médicaux relatifs à l'hospitalisation sur
demande d'un tiers sont transmis à la commission départementale des hospitalisations
psychiatriques et au préfet, qui doit à son tour notifier le placement aux Procureurs
de la République près les tribunaux dans le ressort desquels se trouvent respectivement
le domicile du malade et l'établissement hospitalier.
131. Enfin, dans chaque établissement est tenu un registre sur lequel sont transcrits
dans les 24 heures suivant l'admission tous les éléments relatifs à l'hospitalisation
de la personne concernée (état civil de la personne, identité de la personne
ayant demandé l'hospitalisation, certificats médicaux, etc.). Ce registre est
soumis aux personnes qui visitent l'établissement (art. L.341).
132. En ce qui concerne l'hospitalisation d'office, cette procédure s'applique
à l'encontre de personnes dont les troubles compromettent "l'ordre public
ou la sûreté des personnes" (art. L.342). L'hospitalisation d'office est
décidée à Paris par le préfet de police et dans les départements par les préfets,
qui statuent au vu d'un certificat médical circonstancié, établi par un psychiatre
extérieur à l'établissement hospitalier d'accueil. La décision est prise par
arrêté, et elle doit être elle-même écrite et motivée. L'hospitalisation d'office
fait l'objet de contrôles réguliers, identiques à ceux prévus pour l'hospitalisation
sur demande d'un tiers : certificat médical dans les 24 heures suivant l'admission,
puis dans les 15 jours du placement et ensuite au moins tous les mois. En outre,
la commission départementale des hospitalisations psychiatriques et le Procureur
de la République sont informés de toutes les hospitalisations d'office.
133. Selon l'article L.345, dans les trois jours précédant l'expiration du premier
mois de placement, le préfet, après avis motivé d'un psychiatre, peut prononcer
le maintien du placement d'office pour une durée de trois mois. Au-delà de cette
durée, le placement peut être maintenu pour des périodes de six mois maximum
renouvelables selon les mêmes modalités.
ii) Les contrôles des hospitalisations sans consentement
134. Les personnes hospitalisées sans leur consentement ont la possibilité de
contester la mesure dont elles font l'objet. La loi précitée du 27 juin 1990
a institué les commissions départementales des hospitalisations psychiatriques
qui sont chargées de contrôler le déroulement des hospitalisations en service
de psychiatrie, et plus spécialement les hospitalisations sans consentement
(art. L.332-3 et L.332-4). Elles visitent notamment les établissements habilités
à recevoir des hospitalisations sans consentement et reçoivent les réclamations
des personnes hospitalisées. Par ailleurs, les personnes qui ont fait l'objet
d'une hospitalisation d'office peuvent contester la régularité formelle de la
décision administrative d'hospitalisation, ou encore le respect des règles de
compétence ou de forme et, dans cette hypothèse, elles doivent alors exercer
leur recours devant les juridictions administratives.
135. En revanche, si le recours est relatif au bien-fondé de l'internement,
c'est le juge judiciaire qui est compétent. En effet, en vertu de l'article
L.351 du Code précité, toute personne hospitalisée sans son consentement, qu'il
s'agisse d'une hospitalisation sur demande d'un tiers ou d'une hospitalisation
d'office, peut demander la fin de son hospitalisation, en présentant une requête
devant le Président du Tribunal de grande instance du lieu de la situation de
l'établissement. Le Président peut alors ordonner en la forme des référés la
sortie immédiate de la personne placée. En outre, en vertu du troisième alinéa
de cet article,
"le Président du Tribunal de grande instance peut également se saisir d'office,
à tout moment, pour ordonner qu'il soit mis fin à l'hospitalisation sans consentement.
A cette fin, toute personne intéressée peut porter à la connaissance du président
du tribunal les informations qu'elle estimerait utiles sur la situation d'un
malade hospitalisé."
iii) Les droits des malades placés sans leur consentement
136. La loi du 27 juin 1990 déjà mentionnée a pris soin de préciser quels étaient
les droits et libertés reconnus aux malades hospitalisés sans leur consentement
dans l'article L.326-3 du Code de la santé publique. Le premier alinéa de cet
article pose comme principe que les restrictions à l'exercice des libertés individuelles
d'une personne hospitalisée sans son consentement doivent être limitées à celles
nécessitées par son état de santé et la mise en oeuvre de son traitement, et
il précise qu'"en toutes circonstances, la dignité de la personne hospitalisée
doit être respectée et sa réinsertion recherchée".
137. Aussi, la liste des droits énoncés aux alinéas suivants de cet article
ne doit-elle pas être considérée comme limitative :
"[la personne hospitalisée sans son consentement] doit être informée dès
l'admission et, par la suite, à sa demande, de sa situation juridique et de
ses droits.
En tout état de cause, elle dispose du droit :
1. De communiquer avec les autorités mentionnées à l'article L.332-2;
2. De saisir la commission prévue à l'article L.332-3;
3. De prendre conseil d'un médecin ou d'un avocat de son choix;
4. D'émettre ou de recevoir des courriers;
5. De consulter le règlement intérieur de l'établissement tel que défini à l'article
L.332-1 et de recevoir les explications qui s'y rapportent;
6. D'exercer son droit de vote;
7. De se livrer aux activités religieuses ou philosophiques de son choix.
Ces droits, à l'exception de ceux mentionnés aux points 4, 6 et 7, peuvent être
exercés à leur demande par les parents ou les personnes susceptibles d'agir
dans l'intérêt du malade."
138. Les autorités mentionnées à l'article L.332-2 sont le préfet, les autorités
judiciaires compétentes et le maire de la commune. Quant à la commission prévue
à l'article L.332-3, il s'agit de la Commission départementale des hospitalisations
psychiatriques, qui est chargée de recevoir les réclamations des personnes hospitalisées.
139. Enfin, il convient d'indiquer que la loi précitée du 27 juin 1990 a étendu
les cas de responsabilité pénale des directeurs d'établissements qui ne respecteraient
pas les dispositions relatives aux personnes hospitalisées sans leur consentement,
et a introduit une nouvelle infraction visant la responsabilité des médecins
des établissements recevant des malades placés sans leur consentement (art.
L.352 à L.354 du Code de la santé publique).
Article 12
140. Lorsqu'il y a des motifs raisonnables de croire qu'un acte de torture a
été commis, l'engagement non seulement d'une enquête mais d'une instruction
judiciaire est de droit, si la victime engage une action dans les formes qui
seront exposées sous l'article 13 ci-après. Il convient par ailleurs de rappeler
qu'en vertu de l'article 40, deuxième alinéa du Code de procédure pénale,
"toute autorité constituée, tout officier public, tout fonctionnaire qui,
dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un
délit est tenu d'en donner avis sans délai au Procureur de la République et
de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes
qui y sont relatifs".
141. Les autorités de l'Etat peuvent également prendre l'initiative d'une enquête
administrative ou de commandement confiée aux responsables hiérarchiques ou
à l'organe d'inspection du corps mis en cause comme, par exemple, l'Inspection
générale de la police nationale ou l'Inspection générale de la gendarmerie nationale.
Elles peuvent ensuite déclencher une procédure judiciaire, en faisant usage
de l'article 36 du Code de procédure pénale qui dispose que :
"Le Ministre de la justice peut dénoncer au Procureur général les infractions
à la loi pénale dont il a connaissance, lui enjoindre, par instructions écrites
et versées au dossier de la procédure, d'engager ou de faire engager des poursuites
ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le
Ministre juge opportunes."
142. Conformément aux dispositions des articles 40, premier alinéa, et 41 du
Code précité, le Procureur de la République reçoit les plaintes et dénonciations,
et apprécie la suite à leur donner. Dans cette perspective, il procède ou fait
procéder à tous les actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions.
En ce qui concerne en particulier les détenus, il convient de souligner que
les articles D.280 à D.282 du Code de procédure pénale imposent au chef d'établissement
pénitentiaire de signaler sans délai à ses supérieurs hiérarchiques ainsi qu'au
préfet et au Procureur de la République "tout incident grave touchant à
l'ordre, à la discipline ou à la sécurité de la prison", ainsi que les
décès de détenus.
Article 13
143. Le droit de porter plainte est assuré, selon les modalités de droit commun,
à toute personne qui estime avoir été soumise à la torture.
144. Aux termes de l'article 85 du Code de procédure pénale, "toute personne
qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut en portant plainte se constituer
partie civile devant le juge d'instruction compétent". Elle peut le faire,
soit contre personne dénommée, soit contre inconnu. Selon la jurisprudence,
il suffit, pour qu'une telle constitution de partie civile soit recevable devant
le juge d'instruction, que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie permettent
au juge d'admettre comme possibles l'existence du préjudice allégué et la relation
directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale. La victime peut ainsi
déclencher elle-même l'action publique et provoquer l'ouverture d'une information
et le cas échéant l'inculpation du responsable.
145. Il est à signaler que les détenus, comme toute personne libre, peuvent
saisir les juridictions pénales dans les conditions de droit commun. Il convient
à cet égard de rappeler qu'ils peuvent communiquer confidentiellement avec leur
avocat (art. 727, D.67 à D.69 et D.419 du Code de procédure pénale), et qu'ils
peuvent demander à être entendus par les magistrats et les fonctionnaires chargés
de l'inspection ou de la visite de l'établissement, hors la présence de tout
membre du personnel de la prison.
146. La protection du plaignant et des témoins contre tout mauvais traitement
ou toute intimidation en raison de la plainte déposée ou de toute déposition
faite est organisée conformément aux dispositions du Code pénal, en particulier
les articles 222-17, 222-18, 322-12, 322-13, 222-1 et 222-3, 222-11 à 222-13,
322-1 et 322-3 et 434-15 du nouveau Code pénal.
a) La protection à l'égard des menaces
Article 222-17 : "La menace de commettre un crime ou un délit contre les
personnes dont la tentative est punissable est punie de six mois d'emprisonnement
et de 50 000 francs d'amende lorsqu'elle est soit réitérée, soit matérialisée
par un écrit, une image ou tout autre objet.
La peine est portée à trois ans d'emprisonnement et à 300 000 francs d'amende
s'il s'agit d'une menace de mort."
Article 222-18 : "La menace, par quelque moyen que ce soit, de commettre
un crime ou un délit contre les personnes, est punie de trois ans d'emprisonnement
et de 300 000 francs d'amende, lorsqu'elle est faite avec l'ordre de remplir
une condition.
La peine est portée à cinq ans d'emprisonnement et à 500 000 francs d'amende
s'il s'agit d'une menace de mort."
Article 322-12 : "La menace de commettre une destruction, une dégradation
ou une détérioration dangereuses pour les personnes est punie de six mois d'emprisonnement
et de 50 000 francs d'amende lorsqu'elle est soit réitérée, soit matérialisée
par un écrit, une image ou tout autre objet."
Article 322-13 : "La menace, par quelque moyen que ce soit, de commettre
une destruction, une dégradation ou une détérioration est punie d'un an d'emprisonnement
et de 100 000 francs d'amende lorsqu'elle est faite avec l'ordre de remplir
une condition.
La peine est portée à trois ans d'emprisonnement et 300 000 francs d'amende
s'il s'agit d'une menace de destruction, de dégradation ou de détérioration
dangereuses pour les personnes."
b) La protection à l'égard des actes de torture ou de violence
- En ce qui concerne les actes de torture, l'article 222-3 prévoit, parmi les
circonstances aggravantes de l'infraction définie à l'article 222-1, et qui
est celle incriminant la commission de tortures, le fait d'exercer celles-ci
"sur un témoin, une victime ou une partie civile, soit pour l'empêcher
de dénoncer les faits, de porter plainte ou de déposer en justice, soit en raison
de sa dénonciation, de sa plainte ou de sa déposition".
- La répression des actes de violence résulte des articles 222-11 à 222-13 :
Article 222-11 : "Les violences ayant entraîné une incapacité totale de
travail pendant plus de huit jours sont punies de trois ans d'emprisonnement
et de 300 000 francs d'amende."
Article 222-12 : "L'infraction définie à l'article 222-11 est punie de
cinq ans d'emprisonnement et de 500 000 francs d'amende lorsqu'elle est commise
:
...
4. Sur un magistrat, un juré, un avocat, un officier public ou ministériel ou
toute autre personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission
de service public, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions
ou de sa mission, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de
l'auteur;
5. Sur un témoin, une victime ou une partie civile, soit pour l'empêcher de
dénoncer les faits, de porter plainte ou de déposer en justice, soit en raison
de sa dénonciation, de sa plainte ou de sa déposition.
..."
Lorsque ces violences n'ont pas entraîné une incapacité totale de travail pendant
plus de huit jours, l'article 222-13 prévoit une peine de trois ans d'emprisonnement
et de 300 000 francs d'amende, lorsqu'elles sont commises sur les mêmes personnes
que celles visées à l'article précédent.
c) La protection à l'égard des actes de destruction de biens matériels
Article 322-1 : "La destruction, la dégradation ou la détérioration d'un
bien appartenant à autrui est punie de deux ans d'emprisonnement et de 200 000
francs d'amende, sauf s'il n'en est résulté qu'un dommage léger."
Article 322-3 : "L'infraction définie au premier alinéa de l'article 322-1
est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 500 000 francs d'amende... :
...
3. Lorsqu'elle est commise au préjudice d'un magistrat, d'un juré, d'un avocat,
d'un officier public ou ministériel ou de toute autre personne dépositaire de
l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, en vue d'influencer
son comportement dans l'exercice de ses fonctions ou de sa mission.
4. Lorsqu'elle est commise au préjudice d'un témoin, d'une victime ou d'une
partie civile, soit pour l'empêcher de dénoncer le fait, de porter plainte ou
de déposer en justice, soit en raison de sa dénonciation, de sa plainte ou de
sa déposition.
..."
La tentative de ces infractions est punie des mêmes peines.
d) La protection à l'égard de la subornation
Article 434-15 : "Le fait d'user de promesses, offres, présents, pressions,
menaces, voies de fait, manoeuvres ou artifices au cours d'une procédure ou
en vue d'une demande ou défense en justice afin de déterminer autrui soit à
faire ou délivrer une déposition, une déclaration ou une attestation mensongère,
soit à s'abstenir de faire ou délivrer une déposition, une déclaration ou une
attestation, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 francs d'amende,
même si la subornation n'est pas suivie d'effet."
Article 14
Paragraphe 1
147. Au cas où un acte de torture aurait été commis dans les conditions déterminées
par l'article premier, paragraphe 1, c'est-à-dire "par un agent de la fonction
publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation
ou avec son consentement exprès ou tacite", le premier problème qui se
poserait en droit français, en ce qui concerne la réparation, serait la détermination
de la juridiction compétente. La solution à retenir est sans ambiguïté. Puisqu'un
acte de torture constituerait incontestablement une atteinte grave à la liberté
individuelle, la compétence reviendrait à la juridiction judiciaire, gardienne
des libertés fondamentales, en application notamment de l'article 136 du Code
de procédure pénale, qui précise dans son troisième alinéa que "... dans
tous les cas d'atteinte à la liberté individuelle, le conflit ne peut jamais
être élevé par l'autorité administrative et les tribunaux de l'ordre judiciaire
sont toujours exclusivement compétents".
148. Du point de vue de la jurisprudence administrative, un acte de torture
devrait être qualifié de voie de fait, car manifestement insusceptible de se
rattacher à l'application d'un texte législatif ou réglementaire ou à l'exercice
d'un pouvoir appartenant à l'administration. Par conséquent, l'autorité judiciaire
disposerait en la matière d'une plénitude de juridiction et serait compétente
notamment pour assurer la réparation, par l'allocation de dommages-intérêts,
de l'ensemble des préjudices résultant de l'acte en cause. Il devrait être fait
application du droit civil et du droit pénal.
149. Le fondement de la responsabilité civile se trouve dans les articles 1382
et 1383 du Code civil :
Article 1382 : "Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un
dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer."
Article 1383 : "Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement
par son fait, mais encore par sa négligence et par son imprudence."
La partie lésée dispose d'un droit d'option pour exercer l'action civile. Elle
peut l'exercer devant un tribunal civil.
150. Cependant, dans la mesure où, en l'occurrence, le dommage dont elle demande
réparation n'est pas civil par son origine, mais trouve sa source dans une infraction
et une faute pénales, elle peut aussi l'exercer devant le tribunal répressif,
conformément à l'article 3 du Code de procédure civile : "l'action pénale
peut être exercée en même temps que l'action publique et devant la même juridiction".
151. La voie répressive est plus rapide et moins coûteuse que la voie civile.
Elle permet à la victime de ne se voir opposer l'autorité de la chose jugée
au pénal sur le civil qu'après avoir été entendue au cours du procès pénal.
Cette solution paraît la plus avantageuse pour l'administration de la justice
elle-même car, en faisant juger l'action civile par le juge répressif, elle
évite les contrariétés de jugement. Néanmoins, l'option pour cette voie peut
comporter un inconvénient pour la victime puisque, étant partie à l'instance,
elle ne peut être entendue comme témoin à l'instruction ni aux débats; si elle
se trouve être le principal témoin à charge, son absence en cette qualité risque
d'affaiblir l'accusation. Il appartient donc à la victime d'apprécier, en fonction
des circonstances, quelle voie est la plus opportune pour faire aboutir sa plainte.
L'existence du droit d'option a en tout cas pour effet de préserver au mieux
ses intérêts.
152. Si la victime choisit la voie répressive, la cour d'assises, compétente
en matière criminelle, statue sur l'action civile après s'être prononcée sur
l'action publique, selon les modalités prévues par l'article 371 du Code de
procédure pénale :
"Après que la cour d'assises s'est prononcée sur l'action publique, la
cour, sans l'assistance du jury, statue sur les demandes en dommages-intérêts
formées soit par la partie civile contre l'accusé, soit par l'accusé acquitté
contre la partie civile, après que les parties et le ministère public ont été
entendus."
153. Il est à noter que, selon l'article 372, "la partie civile, dans le
cas d'acquittement comme dans celui d'exemption de peine, peut demander réparation
du dommage résultant de la faute de l'accusé, telle qu'elle résulte des faits
qui sont l'objet de l'accusation".
154. Lorsque l'action civile est intentée devant le tribunal civil, elle donne
lieu à un procès civil distinct du procès pénal, soumis aux règles de procédure
applicables en matière civile. Toutefois, parce qu'elle demeure une action en
réparation d'un dommage pénal qui a son origine dans une infraction, le tribunal
civil est obligé de surseoir à statuer tant que le tribunal répressif saisi
avant ou pendant l'instance civile n'a pas lui-même statué sur l'action publique;
il est également tenu de statuer en respectant la décision rendue par le juge
répressif.
155. S'agissant du caractère équitable et adéquat de la réparation, il importe
d'abord de rappeler que, selon la jurisprudence (cf. Cass, Crim., 8 février
1983), le dommage subi par la partie civile doit être réparé "dans son
intégralité et non pas seulement dans une certaine mesure".
156. En outre, aux termes de l'article 375 du Code de procédure pénale, tel
qu'il résulte de la loi du 4 janvier 1993 :
"la cour condamne l'auteur de l'infraction à payer à la partie civile la
somme qu'elle détermine, au titre des frais non payés par l'Etat et exposés
par celle-ci. La cour tient compte de l'équité ou de la situation économique
de la partie condamnée. Elle peut, même d'office, pour des raisons tirées des
mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation".
157. Enfin, pour le cas où les voies normales ne permettraient pas à la victime
d'un acte de torture d'obtenir une juste et entière réparation du préjudice
subi par elle, un recours subsidiaire lui est ouvert par l'article 706-3 du
Code de procédure pénale, issu de la loi du 6 juillet 1990 et modifié par celle
du 16 décembre 1992 :
"Toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires
ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la
réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne,
lorsque sont réunies les conditions suivantes :
1. Ces atteintes n'entrent pas dans le champ d'application de l'article L.126
du Code des assurances, ni du chapitre premier de la loi No 85-677 du 5 juillet
1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la
circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation et n'ont pas
pour origine un acte de chasse ou de destruction des animaux nuisibles.
2. Ces faits :
-soit ont entraîné soit la mort, une incapacité permanente, ou une incapacité
totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois;
-soit sont prévus et réprimés par les articles 222-22 à 222-30 et 227-25 à 227-27
du Code pénal.
3. La personne lésée est de nationalité française. Dans le cas contraire, les
faits ont été commis sur le territoire national et la personne lésée est :
-soit ressortissante d'un Etat membre de la Communauté économique européenne;
-soit, sous réserve des traités et accords internationaux, en séjour régulier
au jour des faits ou de la demande.
La réparation peut être refusée ou son montant réduit à raison de la faute de
la victime."
158. Les dispositions de cet article posent donc le principe de la réparation
intégrale des dommages résultant des atteintes graves à la personne, dès lors
que les faits à l'origine de ces dommages présentent le caractère matériel d'une
infraction, sans même qu'il soit besoin que l'infraction ait été établie par
les autorités judiciaires.
Paragraphe 2
159. En cas de mort de la victime d'un acte de torture, ses ayants cause ont
droit à indemnisation, et peuvent exercer en propre l'action civile pour l'obtenir.
La condition requise pour exercer l'action civile est d'avoir subi un préjudice
personnel du fait de l'infraction visée.
160. Or la jurisprudence considère comme affectée par un préjudice personnel,
même si elle n'a pas été directement victime de l'infraction, toute personne
à laquelle l'infraction a causé un préjudice matériel ou moral, qu'il s'agisse
des héritiers de la victime décédée, de ses ascendants et descendants, de ses
frères et soeurs, de toute personne unie par des liens stables d'affection et
d'intérêts à la victime. Toutefois le préjudice personnel invoqué par les ayants
cause doit encore être direct, c'est-à-dire se rattacher à l'infraction par
un lien de cause à effet. Le préjudice moral, par atteinte à l'affection, est
considéré, dans certains cas, comme direct et les ayants cause peuvent alors
recevoir le pretium doloris.
Article 15
161. En droit français, le problème du mode de preuve, sous l'angle de cet article,
ne se pose qu'en matière pénale. Alors qu'en droit civil c'est la loi qui détermine
les modes de preuve, leur admissibilité et leur valeur probante, en droit pénal
tous les modes de preuve sont admis pourvu qu'ils aient été recherchés et produits
dans certaines formes et suivant certaines règles et qu'ils aient été apportés
aux débats et contradictoirement discutés.
162. Toutefois, la liberté de preuve comporte naturellement des limites. Bien
que l'objectif poursuivi soit la manifestation de la vérité, la vérité ne peut
pas être recherchée par n'importe quel moyen. La torture est interdite, aux
termes de la présente Convention et des autres instruments internationaux par
lesquels la France est liée et qui sont cités au début du présent rapport.
163. Il a déjà été rappelé, notamment à propos de l'article 11, que les conditions
d'interrogatoire, notamment pendant la garde à vue, sont strictement réglementées,
et que le Code pénal réprime sévèrement toute atteinte à l'intégrité corporelle
des inculpés ou des prévenus. Au surplus, la jurisprudence condamne tous les
procédés déloyaux comme les agissements provocateurs. La doctrine française
proscrit enfin l'interrogatoire avec emploi de procédés narcotiques (injection
de penthotal ou "sérum de vérité").
164. Une garantie supplémentaire est apportée par le fait que les juges du fond
disposent en matière pénale d'un pouvoir souverain pour apprécier la valeur
et la force probante des éléments de preuve, et doivent à ce titre prendre en
considération les conditions dans lesquelles ils ont été obtenus. Il importe
à cet égard de mentionner le deuxième alinéa de l'article 427 et l'article 428
du Code de procédure pénale qui disposent respectivement :
Article 427, deuxième alinéa : "Le juge ne peut fonder sa décision que
sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement
discutés devant lui."
Article 428 : "L'aveu, comme tout élément de preuve, est laissé à la libre
appréciation des juges."
165. Ainsi, s'il était établi qu'une déclaration avait été obtenue par la torture,
elle l'aurait été contre la loi et le juge ne pourrait pas la retenir contre
l'accusé. En revanche celui-ci disposerait des moyens exposés sous l'article
13 pour intenter une action contre les auteurs des actes de torture.
Article 16
Paragraphe 1
166. Les autres actes constitutifs de peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants tombent en France sous le coup des incriminations applicables
à la torture. Ce qui a été dit ci-dessus à propos de la torture en général vaut
donc également à leur sujet. En particulier les obligations énoncées aux articles
10, 11, 12 et 13 s'imposent dans les mêmes conditions.
Paragraphe 2
167. Ne pose aucun problème, ni d'interprétation ni d'application, le fait que
les dispositions de la présente Convention sont sans préjudice de celles de
tout autre instrument international ou de la loi nationale qui interdisent les
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est également normal
que, à cet égard, les dispositions de la présente Convention n'affectent pas
l'application d'autres dispositions contenues dans les accords ou les lois nationales
relatifs à l'extradition ou à l'expulsion.