University of Minnesota


Comité contre la Torture, Examen des rapports présentés par les États parties en application de l'article 19 de la Convention, El Salvador, U.N. Doc. CAT/C/37/Add.4 (1999).


 

Rapports initiaux des États Parties devant être soumis en 1997

 

Additif

 

 

EL SALVADOR

 

 

 

 

[5 juillet 1999]

 

TABLE DES MATIÈRES

                                                                 Paragraphes   

              Introduction                                 1 – 8         

     

  I.        CADRE JURIDIQUE GÉNÉRAL DE L'INTERDICTION ET DE

             L'ÉLIMINATION DE LA TORTURE      9 – 53         

II.   ANALYSE DE L'APPLICATION DES ARTICLES   54 - 290          

 

              Article 2     54 – 110                    

              Article 3     111 – 135                  

              Article 4     136 – 150                  

              Article 5     151 – 157                  

              Article 6     158 –165                   

              Article 7     166 – 167                  

              Article 8     168 –173                   

              Article 9     174 –179                   

              Article 10   180 –205                   

              Article 11   206 – 237                  

              Article 12   238 – 246                  

              Article 13   247 –262                   

              Article 14   263 – 271                  

              Article 15   272 – 280                  

              Article 16   281 – 290                  

 

INTRODUCTION

 

1.            Le présent document constitue le rapport initial qui est présenté par El Salvador conformément à ses obligations découlant de l'article 19 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (ci-après dénommée "la Convention" ou "la Convention contre la torture").

2.            Le rapport a été élaboré par un groupe interinstitutions coordonné par le Ministère des relations extérieures et composé de représentants des institutions suivantes : Académie nationale de sûreté publique, Cour suprême de justice, Direction générale des centres pénitentiaires, Direction générale des migrations, École de formation judiciaire, Service du Procureur général de la République ( Fiscal General ), Inspection générale de la Police nationale civile, Institut salvadorien pour la protection du mineur, Ministère de la défense nationale, Ministère de la justice, Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme, Service du Conseiller juridique ( Procurador General ) de la République, Projet de coopération technique dans le domaine des droits de l'homme du Haut‑Commissariat des Nations Unies en El Salvador.

3.               El Salvador a adhéré à la Convention contre la torture en vertu du décret présidentiel No 688 du 19 octobre 1993. Il l'a ensuite ratifiée par le décret législatif No 833 du 23 mars 1994 publié au Journal officiel No 92 du 19 mai 1994, qui a mis pleinement en vigueur pour le pays les obligations nationales et internationales énoncées dans cet important instrument relatif aux droits de l'homme.

4.            Comme la communauté internationale le sait, El Salvador a entrepris un vaste processus de changements institutionnels et juridiques à la suite des accords de paix qui ont permis de mettre un terme au conflit armé par la négociation et la création de conditions propices au renforcement de la démocratie. Ces changements ont favorisé l'instauration d'une situation propice à l'élimination totale de la torture et d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en El Salvador.

5.            Dans le domaine juridique, des changements notables sont intervenus en matière de protection des droits de l'homme dans la Constitution et la législation secondaire depuis la réforme des mesures de protection du droit à une procédure régulière et des droits des détenus. La modification de l' habeas corpus , dont le champ d'application a été étendu au réexamen des conditions de détention, et l'adoption d'un nouveau système pénal et de procédure pénale et pénitentiaire prévoyant diverses garanties sont deux exemples parmi d'autres montrant comment les valeurs universelles concernant le respect des droits de l'homme sont intégrées dans le système juridique salvadorien.

6.            Le profil institutionnel de l'État salvadorien a été également influencé à de nombreux égards par les accords de paix. Un des secteurs qui ont subi le plus de transformations a été celui de la sûreté publique. La transformation la plus importante dans ce domaine a été sans aucun doute la disparition des anciens corps de sûreté et leur remplacement par un corps de police nationale civile (PNC) chargé expressément en vertu de la Constitution de protéger les droits de l'homme et dont les membres sont formés par l'Académie nationale de sûreté publique, qui met tout particulièrement l'accent sur l'enseignement des droits de l'homme. Cette innovation a été complétée par la modification du mandat constitutionnel des forces armées dont les fonctions ont été réduites essentiellement à la défense de la souveraineté nationale. Il convient également de signaler la création de nouveaux mécanismes de contrôle du comportement de la police tels que l'Inspection générale de la Police nationale civile et les services disciplinaires internes de la police.

7.            L'un des résultats institutionnels les plus importants des accords de paix a été la création de la Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme (PDDH). En vertu d'une réforme constitutionnelle, la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été sensiblement renforcée par l'intégration dans le système juridique interne d'une institution dotée de pouvoirs extrêmement étendus pour superviser l'action de tout l'appareil d'État dans ses rapports avec les particuliers. La Police nationale civile, le système pénitentiaire et le système judiciaire sont soumis par la PDDH à une surveillance spéciale pour ce qui est des droits des personnes privées de liberté.

8.            En résumé, comme le démontre le présent document, El Salvador est en train d'instaurer sur des bases solides une nouvelle ère de protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales, conformément aux aspirations légitimes de la communauté internationale. Le Gouvernement et le peuple salvadoriens font les efforts nécessaires en vue de construire un nouveau pays dans la paix, la démocratie et le plein respect des droits de l'homme.

I.   CADRE JURIDIQUE GÉNÉRAL DE L'INTERDICTION ET DE
L'ÉLIMINATION DE LA TORTURE

 

9.               Conformément à la Constitution de la République, El Salvador est un État souverain où la souveraineté réside dans le peuple, qui l'exerce sous la forme prescrite et dans les limites prévues par la Constitution.

10.          Le Gouvernement est de type républicain, démocratique et représentatif. Le système politique est pluraliste et s'exprime par l'intermédiaire des partis politiques, seuls instruments par lesquels s'exerce la représentation populaire dans le Gouvernement.

11.          Le pouvoir public émane du peuple, les organes fondamentaux du Gouvernement étant le législatif, l'exécutif et le judiciaire. Les compétences de ces organes ne peuvent être déléguées mais ils collaborent dans l'exercice des fonctions publiques. Les fonctionnaires publics sont donc délégués par le peuple et ils n'ont d'autres attributions que celles prévues expressément par la loi (art. 83, 85 et 86 de la Constitution de la République).

Organe législatif

12.               L'organe législatif est un corps collégial composé de 84 députés élus par le peuple au suffrage universel, au scrutin direct et secret. Les députés représentent l'ensemble du peuple et ne sont pas liés par un mandat impératif. Ils sont renouvelés tous les trois ans et sont rééligibles. Ils ont des fonctions de législation, c'est‑à‑dire le pouvoir de promulguer, d'amender, d'interpréter et d'abroger les lois.

13.          Les décisions sont prises à la majorité absolue, soit 43 voix; toutefois, certaines décisions ne peuvent être prises qu'à la majorité qualifiée des deux tiers. C'est le cas, notamment, de l'élection du Procureur général de la République, du Conseiller juridique de la République et du Procureur délégué à la défense des droits de l'homme.

14.               Pendant la durée de leur mandat, les députés ne peuvent pas exercer de charges publiques rémunérées, une exception étant prévue pour les fonctions de nature pédagogique ou culturelle, ou dans le cadre des services professionnels d'aide sociale.

Organe exécutif

 

15.               L'organe exécutif est constitué par le Président et par le Vice‑Président de la République, par les ministres et les vice‑ministres d'État et par leurs collaborateurs. Il exerce sa charge en conformité avec la Constitution et son règlement intérieur.

16.          La conduite des affaires publiques est assurée par les secrétariats d'État, qui se partagent les branches de l'administration. Chaque secrétariat est placé sous la direction d'un ministre assisté d'un ou de plusieurs vice‑ministres. Le Gouvernement actuel comprend les ministères suivants : Ministère de la présidence, Ministère des relations extérieures, Ministère de la justice, Ministère des finances, Ministère de l'économie, Ministère de la défense nationale, Ministère de la sûreté publique, Ministère du travail et de la prévoyance sociale, Ministère de l'agriculture et de l'élevage, Ministère de la santé publique et de l'aide sociale, Ministère des travaux publics et Ministère de l'environnement et des ressources naturelles.

17.               Conformément à l'article 159 de la Constitution, la défense nationale et la sécurité publique relèvent de ministères différents, la sécurité publique étant du ressort de la police nationale civile, qui est un corps professionnel indépendant de l'armée et étranger à toute activité partisane. La Police nationale civile a pour mission d'assurer les fonctions de police dans les zones urbaines et rurales afin de garantir l'ordre, la sécurité et la paix publique, et de collaborer à la réalisation des enquêtes judiciaires en se conformant à la loi et dans le strict respect des droits de l'homme.

18.          Par ailleurs, les articles 211 et 212 de la Constitution disposent que l'armée est une institution permanente au service de la nation dans laquelle elle constitue un corps obéissant, professionnel, apolitique et non délibérant, qui a pour mission de défendre la souveraineté de l'État et l'intégrité du territoire et auquel le Président de la République peut faire appel, dans des circonstances exceptionnelles, pour assurer le maintien de la paix à l'intérieur du pays.

19.          Il convient de noter que selon l'article 216 de la Constitution, la juridiction militaire est compétente pour juger les délits et fautes d'ordre purement militaire, c'est‑à‑dire   uniquement ceux qui ont des effets juridiques strictement militaires.

Organe judiciaire

 

20.          La Constitution confère à l'organe judiciaire le pouvoir exclusif de juger et de faire exécuter les jugements en matière constitutionnelle, civile, pénale, commerciale, professionnelle ou agraire, ainsi que pour le contentieux administratif; le fonctionnement de cet organe est fixé par la loi organique relative au pouvoir judiciaire, et il comprend la Cour suprême de justice, les tribunaux de deuxième instance et les autres tribunaux établis par la loi.

 

21.          La Cour suprême de justice est composée de 15 magistrats dont l'un en est le président. Ce dernier, qui est désigné par l'Assemblée législative, préside également l'organe judiciaire et la chambre constitutionnelle. La Cour suprême comprend quatre chambres : la chambre constitutionnelle, la chambre civile, la chambre pénale et la chambre du contentieux administratif.

22.          Les tribunaux de deuxième instance, qui sont des cours d'appel, sont composés de deux magistrats; les tribunaux de grande instance et les tribunaux d'instance comptent un juge unique. Chacun de ces magistrats est nommé par la Cour suprême et choisi sur une liste de trois candidats proposée par le Conseil national de la magistrature.

23.          Tous les fonctionnaires de cet organe qui exercent une fonction juridictionnelle sont indépendants dans l'exercice de cette fonction et sont soumis exclusivement à la Constitution et aux lois; toutefois, dans le cadre de la faculté de rendre la justice qui leur est conférée par la Constitution, ils sont habilités, dans les cas dont ils sont saisis, à statuer sur la constitutionnalité de toute loi ou disposition émanant d'un autre organe.

24.          La loi organique relative au pouvoir judiciaire, du 12 juin 1984, fixe le régime des tribunaux; elle arrête les attributions du Président de la Cour suprême et des chambres qui la composent, des tribunaux de deuxième instance et des tribunaux inférieurs et elle détermine, en outre, les fonctions des membres de l'organe judiciaire qui n'exercent pas de charge juridictionnelle, comme les chefs de section, les greffiers, les chefs de bureau, les collaborateurs juridiques, etc. Elle établit enfin les compétences territoriales et matérielles de chaque tribunal.

Conseil national de la magistrature

 

25.          L'une des nouvelles institutions créées depuis la signature des accords de paix, en 1992, a été le Conseil national de la magistrature qui est une institution indépendante, chargée de proposer des candidats aux fonctions de juge à la Cour suprême, magistrat des tribunaux de deuxième instance, juges de grande instance et juges d'instance.

26.          Le Conseil national de la magistrature est également responsable de l'organisation et du fonctionnement de l'École de formation judiciaire dont l'objectif est d'améliorer la formation professionnelle des juges et autres fonctionnaires de justice. Cette institution doit en outre assurer la formation théorique et pratique des magistrats et des juges, du personnel judiciaire et du ministère public et faire des enquêtes, afin de déterminer les insuffisances et dysfonctionnements du système d'administration de la justice, leurs causes et les solutions possibles. En outre, le Conseil élabore des programmes de recyclage et de perfectionnement professionnel des magistrats et des juges.

 

Ministère public

27.          Le ministère public constitue un autre organe de l'État; il comprend le Service du Procureur général de la République, le Service du Conseiller juridique de la République, la Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme et d'autres institutions prévues par la loi.

28.          Le Procureur général de la République est chargé, entre autres, de défendre les intérêts de l'État ou de la société, de mener les enquêtes judiciaires en collaboration avec la Police nationale civile, d'intenter d'office ou à la demande d'une partie une action de la justice en vue de faire respecter la légalité [i] .

29.          Le Conseiller juridique de la République est chargé, entre autres, de veiller à ce que la défense de la famille et des personnes et des intérêts des mineurs et autres incapables soit assurée, de fournir une assistance judiciaire aux personnes économiquement faibles et d'assurer leur représentation en justice pour défendre leur liberté et leurs droits du travail [ii] .

30.          Le Procureur délégué à la défense des droits de l'homme doit, entre autres, veiller au respect des droits de l'homme et garantir l'exercice de ces droits, enquêter d'office ou s'il est saisi d'une plainte, sur les cas de violation des droits de l'homme, former des recours judiciaires ou administratifs aux fins de la protection des droits de l'homme, surveiller la situation des personnes privées de liberté, contrôler les activités de l'administration publique dans ses rapports avec les particuliers [iii] .

31.               Conformément à l'article 144 de la Constitution, "Les traités internationaux conclus par El Salvador avec d'autres États ou des organismes internationaux sont des lois de la République dès leur entrée en vigueur, conformément à leurs propres dispositions et à celles de la Constitution. Une loi ne peut modifier ou abroger une disposition convenue dans un traité en vigueur pour El Salvador. En cas de conflit entre un traité et la législation interne, c'est le traité qui l'emporte". Cette disposition constitutionnelle permet de parvenir à une solution en cas de conflit entre normes, en ce sens que premièrement, une loi secondaire ne peut modifier ou abroger une disposition énoncée dans un traité et que deuxièmement, en cas de conflit entre un traité et le droit interne, c'est le traité qui l'emporte.

32.          Dans le cadre de l'Organisation des Nations Unies, El Salvador est partie, entre autres, aux instruments ci‑après : Déclaration universelle des droits de l'homme, Pacte international relatif aux droits civils et politiques, Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, Convention sur toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et Convention relative aux droits de l'enfant.

33.          Dans le cadre du système régional américain, El Salvador est partie à la Déclaration américaine des droits et devoirs de l'homme, à la Convention américaine relative aux droits de l'homme, à la Convention interaméricaine pour la prévention et la répression de la torture et à la Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l'élimination de la violence contre la femme.

34.          En ce qui concerne les mécanismes de protection internationale des droits de l'homme, El Salvador a ratifié le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui établit une procédure pour la présentation au Comité des droits de l'homme de communications émanant de particuliers.

35.          Dans le cadre du système interaméricain, El Salvador a reconnu, par une déclaration expresse, la compétence de la Cour interaméricaine des droits de l'homme pour examiner des plaintes émanant de particuliers qui prétendent être victimes d'une violation des droits énoncés dans la Convention américaine relative aux droits de l'homme.

36.          Ces mécanismes internationaux sont applicables lorsque les recours internes prévus dans le système juridique interne ont été épuisés; ils offrent ainsi un recours supplémentaire à toute personne ayant subi un préjudice dans le pays.

37.          Des renseignements plus détaillés sont fournis dans le présent rapport, à propos de la mise en oeuvre des articles 2 et 4 de la Convention, sur les lois internes qui ont été adoptées par El Salvador en vue d'assurer l'application de cet instrument.

38.          En El Salvador, la Convention contre la torture a été incorporée dans la législation interne le 17 juin 1996, au moment de sa ratification par l'Assemblée législative, en vertu de l'article 144 de la Constitution. Comme tout autre traité international ratifié par El Salvador, la Convention a le rang de loi de la République, ce qui implique que les fonctionnaires de l'État ont l'obligation d'en appliquer directement les dispositions sans qu'il leur soit nécessaire de se fonder sur un acte législatif ou administratif postérieur à la ratification.

39.          Sont présentées ci‑après quelques‑unes des institutions qui s'occupent d'une façon ou d'une autre de l'application de la Convention; elles sont toutes traitées plus en détail dans les paragraphes du présent rapport relatifs à la mise en oeuvre de l'article 2 :

a)               Le Conseiller juridique de la République, conformément à ses pouvoirs constitutionnels, fournit par l'intermédiaire du service d'administration du Département de l'aide juridictionnelle (Defensor publico), une assistance gratuite à toute personne accusée d'une infraction qui en fait la demande;

b)               Le Procureur général de la République est chargé de déclencher et d'exercer l'action publique en matière pénale;

c)               Le Ministère de la justice est chargé d'assurer l'introduction, l'exécution et l'élaboration des lois;

d)               L'Organe judiciaire est chargé de l'administration de la justice ainsi que de l'application des peines;

e)               La Police nationale civile est chargée d'enquêter sur tout acte punissable sous la direction du Procureur général de la République, conformément aux paragraphes 3 et 4 de l'article 193 de la Constitution;

f)               L'Inspection générale de la Police nationale civile est un organe de surveillance qui est chargé de surveiller et de contrôler le comportement de la police lors de ses opérations et activités sur le plan des droits de l'homme;

g)               La Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme (PDDH) est une instance quasi juridictionnelle qui se prononce sur la légalité des actions des agents de l'État, par le biais de décisions qui n'ont pas un caractère obligatoire. C'est au Procureur général de la République qu'il appartient d'engager la procédure judiciaire prévue dans la législation nationale dans le cas des affaires ayant fait l'objet d'une enquête en bonne et due forme. Depuis sa création en 1992, la PDDH joue en quelque sorte le rôle de conscience critique de l'État et veille, conformément à son mandat constitutionnel, à ce que les activités de la Police nationale civile soient menées dans le respect des lois et des garanties protégeant les droits de l'homme des citoyens. Elle peut en outre recevoir des plaintes émanant de citoyens qui dénoncent des actes ou des comportements portant atteinte à leurs droits. De même, elle appuie et soutient la Police nationale civile, notamment en s'assurant que cette dernière agit conformément à la loi et en menant des enquêtes sur les violations signalées par les citoyens.

40.          Toute personne peut introduire un recours en habeas corpus pour violation du droit à la liberté, à l'intégrité physique, psychique ou morale de détenus ou un recours en amparo pour violation de l'un quelconque des droits reconnus par la Constitution et, enfin, former un recours en inconstitutionnalité de lois, d'instruments internationaux, de décrets et de règlements en cas de violation des dispositions constitutionnelles.

41.          De multiples dispositions constitutionnelles concernent le droit de la victime d'une violation à réparation ou à indemnisation. Est ainsi prévue l'indemnisation conformément à la loi pour les préjudices moraux 4 ou pour le retard dans l'administration de la justice 5 .

42.          De même, l'article 245 de la Constitution dispose que "les fonctionnaires publics sont personnellement responsables et l'État est subsidiairement responsable du respect des droits consacrés dans la Constitution". Des dispositions du même ordre sont énoncées dans différents instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, notamment au paragraphe 5 de l'article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à l'article 10 de la Convention américaine relative aux droits de l'homme.

43.          Ces dispositions doivent être néanmoins complétées par la législation pénale salvadorienne car elles ne font pas expressément référence à la victime d'un acte de torture. L'article 16 du Code pénal dispose que "toute personne reconnue pénalement responsable d'un délit ou d'une faute l'est également civilement si l'acte en question a causé des dommages ou des préjudices d'ordre moral ou matériel". Étant donné que le délit à l'origine du dommage détermine la responsabilité civile, l'"action en dommages et intérêts" comprend pour l'essentiel les éléments prévus à l'article 115 du Code pénal, formulé comme suit : "Les effets civils du délit, qui doivent être énoncés dans le jugement, comprennent la restitution des choses acquises du fait de la réalisation de l'acte punissable ou, à défaut, le versement d'une somme correspondant à leur valeur, le versement d'une indemnisation ou, à défaut, d'un montant équivalent à leur valeur, la réparation du dommage causé et le remboursement des dépens".

44.          Chaque fois que cela est possible, la restitution doit être assortie du versement d'une certaine somme pour tenir compte de la dépréciation ou des dommages éventuels, suivant la décision du juge compétent. Cette disposition est applicable même si la chose est en possession d'un tiers qui l'a acquise par des moyens légaux, sans préjudice du droit de ce dernier d'engager une action contre qui de droit, et, le cas échéant, d'être indemnisé par le responsable du délit ou de la faute.

45.               L'indemnisation est déterminée par le juge ou le tribunal qui apprécie l'étendue du dommage causé, compte tenu de la valeur marchande de la chose et du préjudice personnel causé à la victime. L'indemnisation couvre non seulement le préjudice subi par la victime mais aussi celui qui en résulte pour les membres de sa famille ou à un tiers. Le montant en est fixé en fonction de l'importance du préjudice et des besoins de la victime compte tenu de son âge, de sa situation et de sa capacité de travail ainsi que des avantages qui ont découlé du délit.

46.          Il convient de noter que l'article précité ne prévoit pas, comme effet civil de l'inflation, la réadaptation de la victime en tant qu'élément essentiel d'une indemnisation juste et adéquate.

47.          Un autre facteur est à prendre en considération : le mécanisme juridique qui est utilisé pour donner réellement effet à l'action civile.

48.          Le principe qui prévaut en matière de procédure pénale est celui de l'indissociabilité ou de la jonction obligatoire des actions pénale et civile, mais avec un aspect positif qui compense l'usurpation des intérêts et de la volonté de la victime, car ces deux actions doivent être exercées conjointement dans le cadre d'une seule procédure, laquelle est intentée par l'État par l'intermédiaire de l'organe requérant 6 . En règle générale, l'organe chargé d'exercer l'action civile est le ministère public représenté en la matière par le Procureur général de la République, qui doit intenter une telle action dans tous les cas de délits entraînant la mise en mouvement de l'action pénale publique.

49.          De façon générale, il existe des programmes de protection des victimes de violences familiales, de sévices sexuels ou encore de maltraitance dans le cas de mineurs mais il ne s'agit cependant que de programmes séparés dont bénéficient des groupes spécifiques dans des cas très spéciaux et il n'existe pas de politique nationale en matière de traitement des victimes d'actes délictueux. La législation salvadorienne ne contient donc pas encore de dispositions concernant la réadaptation des victimes d'actes délictueux, en général, et de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en particulier.

50.          Comme le Comité le sait, El Salvador a connu malheureusement 12 ans de guerre civile, période pendant laquelle la violation des principes énoncés dans la Convention a fait partie intégrante de la culture de violence et d'intolérance envers les adversaires politiques.

51.          À l'heure actuelle, le nombre de plaintes est moins élevé qu'il ne l'a été pendant la décennie écoulée, même s'il se produit encore des cas isolés. Il ressort de la PDDH que les actes de torture sont généralement liés aux activités des organes auxiliaires de l'administration de la justice - la Police nationale civile et les polices municipales - et à celles des centres de détention et de réadaptation.

52.          D'après les cas que la PDDH a signalés, les personnes qui commettent des violations sont jugées conformément à la législation en vigueur. En outre, les autorités chargées de la sécurité publique, les collectivités locales et le Ministère de la justice ont collaboré aux enquêtes sur les faits allégués sur la base des résultats des investigations menées par la PDDH elle-même.

53.          En ce qui concerne les facteurs qui entravent la pleine application de la Convention, il est impératif de renforcer et d'appuyer les organes de surveillance de l'exercice des droits de l'homme tels que la PDDH, l'Inspection générale de la Police nationale civile et l'Académie nationale de sûreté publique afin de surmonter les obstacles à la pleine application de la Convention, grâce à l'allocation et à l'administration des fonds nécessaires.

 

II.  ANALYSE DE L'APPLICATION DES ARTICLES

Article 2

 

Définition de la torture dans le cadre constitutionnel

54.          La législation salvadorienne interdit la torture conformément à la Constitution. Bien que cette dernière ne donne pas une définition spécifique de la torture ni d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, il ressort de son analyse qu'elle vise bien les actes définis dans la Convention et même qu'elle les interdit et les punit.

55.          Dans ses articles 2, 12 et 27, la Constitution consacre le droit à l'intégrité physique et morale, reconnaît le droit de toute personne de refuser de témoigner, interdit la prison pour dettes, les condamnations à des peines perpétuelles et à toute forme de supplice, condamne toute forme de torture ou d'atteinte à l'intégrité physique ou morale d'une personne, et non seulement prévoit des peines pour quiconque commet les actes susmentionnés mais établit que toute preuve obtenue de cette manière est sans aucune valeur. La Constitution dispose qu'il est interdit non seulement aux agents de l'État mais aussi aux particuliers de commettre des actes de cette nature.

56.          Le 10 juin 1996, la Constitution a été réformée en vue d'étendre le champ d'application de la procédure constitutionnelle d'habeas corpus 7 . Cet amendement, qui fait l'objet du paragraphe 2 de l'article 11, prévoit que "toute personne a le droit de former un recours en habeas corpus quand un particulier ou une autorité restreint illégalement ou arbitrairement sa liberté. Un recours en  habeas corpus peut être également formé quand une autorité porte atteinte à la dignité ou à l'intégrité physique, psychique ou morale des détenus". La partie finale de cette disposition consacre la visée corrective de l' habeas corpus qui doit empêcher que des détenus ne soient soumis à des actes de torture ou autres traitements illicites. L' habeas corpus peut être également invoqué en cas de transfert arbitraire des détenus.

57.          Les articles 40 et 57 de la loi relative aux procédures constitutionnelles font eux aussi référence dans une certaine mesure à cet aspect de l' habeas corpus .

58.               L' habeas corpus est considéré dans le droit salvadorien comme le principe essentiel de garantie des droits de la personne 8 et il s'inscrit dans une longue tradition constitutionnelle qui, malheureusement, est dans une large mesure purement historique et théorique. Il est néanmoins utile de commenter certains jugements faisant partie de la jurisprudence nationale, qui démontrent que l' habeas corpus à visée corrective est appliqué dans le pays (voir l'annexe 1).

Instruments internationaux

59.               El Salvador s'attache à incorporer dans sa législation les instruments internationaux qu'il a ratifiés. Ainsi sont appliquées les dispositions contraignantes des instruments en question, ce qui donne aux particuliers la possibilité d'invoquer les droits qui y sont garantis au cours des procédures judiciaires ordinaires.

60.          La Constitution salvadorienne n'établit pas d'ordre hiérarchique entre les normes juridiques ‑ les traités d'une part et les lois d'autre part - mais offre une solution aux conflits éventuels entre normes. Conformément à l'article 144 de la Constitution, une loi secondaire ne peut modifier ni abroger une disposition d'un traité et, en cas de conflit entre le traité et la loi, c'est le traité qui l'emporte.

61.          À cet égard, tout un ensemble de droits et de garanties protégeant l'intégrité de la personne sont consacrés dans différents instruments internationaux, qui font partie des lois de la République et sont d'application obligatoire. Parmi ces instruments figurent :

La Déclaration universelle des droits de l'homme;
La Convention interaméricaine pour la prévention et la répression de la torture;
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques;
Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels;
La Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale;
La Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes;
La Convention relative aux droits de l'enfant;
La Convention américaine relative aux droits de l'homme;
La Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l'élimination de la violence contre la femme;
Le Code de conduite pour les responsables de l'application des lois;
La Déclaration américaine des droits et devoirs de l'homme.

Accord de San José sur les droits de l'homme

62.          Il importe particulièrement de signaler la conclusion, le 26 juillet 1990, de l'Accord de San José sur les droits de l'homme entre le Gouvernement salvadorien et le Front Farabundo Martí de libération nationale. C'est le premier accord portant sur les droits de l'homme signé dans le cadre du processus de paix en El Salvador dans lequel les parties se soient engagées à assurer le respect et la protection de ces droits, en particulier afin d'éviter des actes et des pratiques qui portent atteinte à la vie, à l'intégrité, à la sécurité et à la liberté des personnes et d'éliminer toute pratique donnant lieu à des disparitions, des enlèvements, des tortures et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Code pénal de 1973

63.          Le droit pénal salvadorien a été profondément remanié afin d'en assurer la conformité avec les traités et accords internationaux signés et ratifiés par l'État salvadorien. Jusqu'en avril 1998, El Salvador a appliqué le Code pénal de mars 1973. Aucune des dispositions de ce code relatives aux délits ne mentionnait expressément la torture ou d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il existait donc des lacunes juridiques en matière de protection effective contre la torture. La peine prévue en cas de violation du principe constitutionnel n'était pas effectivement appliquée et des circonstances aggravantes n'étaient pas retenues quand des délits   comme des lésions corporelles ou d'autres délits liés à la torture avaient été commis par des fonctionnaires publics ou à leur demande.

64.          En dépit de cette lacune, ce code, qui continue de s'appliquer aux délits commis avant l'entrée en vigueur du nouveau code, envisageait le cas d'actes délictueux ayant entraîné des dommages physiques ou moraux commis par toute personne (y compris par des fonctionnaires publics) et prévoyait des sanctions contre les responsables. Tous ces actes entraient dans la définition de la torture dans la mesure où ils pouvaient avoir été commis par un fonctionnaire et avoir causé des souffrances physiques ou mentales à la victime. Toutefois, ils ne correspondaient pas à toute la définition et certaines circonstances aggravantes n'y figuraient donc pas.

65.          En dépit du fait que le Code pénal antérieur contenait différents articles qui couvraient d'une façon ou d'une autre certains des actes visés dans la définition de la torture, notamment les articles 170 à 176 relatifs aux atteintes à la vie et à l'intégrité de la personne, l'article 222 relatif aux mauvais traitements infligés aux détenus, l'article 223 relatif à la contrainte et l'article 224 relatif aux menaces simples, le problème qui se posait était que ces actes ne pouvaient constituer une torture en eux‑mêmes et que les faits délictueux, constitutifs du crime de torture, n'étaient pas punis, et que tous les éléments de la définition n'étaient pas couverts.

Code pénal de 1998

66.          Le Code pénal entré en vigueur le 20 avril 1998 érige la torture en infraction pénale comme suit :

Article 297  : "Le fonctionnaire ou agent public qui, dans l'exercice de ses fonctions, soumet autrui à une torture physique ou psychique ou n'empêche pas qu'un tel acte soit commis alors qu'il a la faculté de le faire sera puni de trois à six ans d'emprisonnement et d'une interdiction d'exercer ses fonctions de même durée."

Le Code pénal met ainsi en vigueur les dispositions de la Convention et prévoit des peines particulières pour le fonctionnaire public qui, dans l'exercice de ses fonctions, autorise ou commet des actes de torture. Cette définition est vaste car elle inclut tout fonctionnaire ou agent de l'État qui commet un acte de torture ou autorise un particulier à le faire. Il convient également de noter que cette définition couvre tout dommage, physique ou moral, causé à la victime.

67.          De même, la criminalisation de la torture permet de donner effet concrètement aux articles 2 et 244 de la Constitution dans la mesure où celle-ci prévoit expressément que quiconque porte atteinte au droit fondamental de toute personne à l'intégrité physique et morale est passible d'une sanction spécifique et encourt en outre une peine plus lourde pour violation d'un principe constitutionnel.

68.               Conformément aux engagements pris par El Salvador, quelques‑unes des mesures législatives visant à prévenir les actes de torture sont énoncées dans les articles suivants du Code pénal : article 297 (De la torture), article 142 (Des lésions corporelles), article 143 (Des lésions corporelles graves), article 144 (Des lésions corporelles très graves), article 148 (De la privation de liberté), article 320 (Des actes arbitraires), article 153 (De la contrainte) et article 154 (Des menaces).

Code de procédure pénale de 1973

69.          De même que le Code pénal, le Code de procédure pénale a été réformé. Toutefois, les dispositions du Code de 1973 continuent d'être applicables aux infractions commises avant l'entrée en vigueur du nouveau Code, en avril 1998.

70.          Le Code de procédure pénale de 1973 ne protégeait pas les droits des détenus contre toutes les violations et prévoyait même que, dans certains cas, des aveux extrajudiciaires puissent avoir valeur de preuve pour autant qu'ils aient été confirmés par deux témoins (art. 496). En pareil cas, les aveux étaient généralement faits sans la présence d'un défenseur et les témoins étaient les fonctionnaires de police mêmes qui les recueillaient. Dans certains cas, en l'absence de tout autre moyen de preuve, il suffisait que les fonctionnaires de police confirment les "aveux" du suspect pour que ces derniers aient valeur de preuve.

Code de procédure pénale de 1998

71.          L'une des innovations du nouveau Code de procédure pénale de 1998 est qu'il garantit les droits des personnes accusées d'infractions pénales, ce qui constitue un moyen d'éliminer l'impunité au cours de la procédure, en particulier en matière de preuves, en garantissant la légalité de ces dernières 9 . Cela rend impossible la production au cours du procès de preuves obtenues par des moyens illicites, en violation des principes constitutionnels et des pactes et accords internationaux en vigueur dans le pays 10

 

Loi de 1998 relative aux établissements pénitentiaires

72.          Dans le domaine pénitentiaire, des modifications ont été également apportées à la loi relative aux établissements pénitentiaires, qui est inspirée de l'Ensemble de Règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus, afin de faire cesser les violations des droits de l'homme des personnes emprisonnées 11 . Les droits des détenus sont énoncés à l'article 10 de la loi relative aux établissements pénitentiaires, tandis que l'article 5 traite du respect de la dignité humaine et de l'égalité.

73.               En avril 1998 est entrée en vigueur la nouvelle loi relative aux établissements pénitentiaires qui innovait en établissant les droits des condamnés, et notamment leur droit d'être traités avec dignité et respect. Cette loi prévoit également que la Direction générale des centres pénitentiaires doit présenter chaque mois à la Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme, ou chaque fois que ce dernier le lui demande, une liste des personnes détenues dans tous les centres, et que les juges chargés de la surveillance des établissements pénitentiaires doivent contrôler périodiquement l'application des mesures de sûreté et des peines frappant les condamnés.

74.          En ce qui concerne l'application de sanctions disciplinaires aux détenus, un changement important a été également enregistré 12 . En vertu de l'article 129 de la loi relative aux établissements pénitentiaires, les visites peuvent être suspendues pendant une période maximale de huit jours, excepté celles des avocats et des notaires; la durée d'une mesure de placement au régime cellulaire a été réduite à huit jours et ne peut plus être indéterminée; une telle mesure ne peut être appliquée qu'en fin de semaine, et ce, à quatre reprises au maximum. La durée maximale d'une mesure de privation d'activités de détente ou de limitation de telles activités est de huit jours.

75.          Sont en outre éliminés de la liste des mesures disciplinaires, l'interdiction de recevoir des aliments lors de visites ou l'allongement des périodes de travail non rémunéré. Les mesures disciplinaires sont susceptibles de recours ayant effet suspensif devant le juge chargé de la surveillance des établissements pénitentiaires et de l'application des peines, et la suppression des sanctions répétées est à l'examen. Tout cela a contribué à l'élimination des abus commis par le personnel de surveillance des établissements pénitentiaires.

Loi organique de la Police nationale civile

76.          La loi organique de la Police nationale civile a été promulguée en vertu du décret législatif No 269 du 25 juin 1992, publié au Journal officiel No 144, volume 316, du 10 août 1992. Cette loi, qui est fondée sur le Code de conduite pour les responsables de l'application des lois, prévoit, conformément aux concepts définis au paragraphe 2 de l'article 159 de la Constitution, que la sécurité publique est assurée par la Police nationale civile en conformité avec la loi et dans le strict respect des droits de l'homme.

77.          Le paragraphe 4 de l'article 25 de la loi organique de la Police nationale civile établit   clairement qu'aucun membre de ce corps ne peut provoquer ou tolérer un acte de torture ou d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ni invoquer l'ordre d'un supérieur ou des circonstances spéciales telles que l'état de guerre ou une menace contre la sécurité nationale ou une situation d'instabilité intérieure pour tenter de justifier de tels actes. La Police nationale civile est également régie par l'article 297 du Code pénal.

Loi relative à la Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme

78.          La Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme (PDDH) considère la torture, dans le cadre de sa procédure de qualification des violations des droits de l'homme, comme une atteinte au droit à l'intégrité de la personne. Cinq définitions des actes qui constituent une violation de ce droit ont été incluses dans la liste des violations des droits de l'homme en vertu de l'article 2 de la loi relative à la PDDH (annexe 2) qui est entrée en vigueur en El Salvador en application du décret législatif No 183 du 20 février 1992 publié dans le volume 314 du Journal officiel, le 6 mars 1992.

79.          Dans le cadre des efforts visant à renforcer cette institution, l'Organisation des Nations Unies, par l'intermédiaire du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), a financé l'exécution du projet intitulé "Renforcement des techniques d'observation, de surveillance et d'enquête de la Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme", dont l'un des résultats a été la procédure d'enquête qui a permis de définir les droits individuels que la PDDH doit protéger. Pour appuyer cette procédure, il a été élaboré un manuel de la qualification des violations des droits de l'homme (voir l'annexe 3), qui définit les faits constituant une violation de chaque droit et présente ainsi un tableau résumé de la législation qui est appliquée aux niveaux national et international afin d'assurer la protection de chacun des droits identifiés.

80.          La PDDH a inclus la torture parmi les faits constitutifs de violation ainsi que d'autres infractions moins graves qui permettent d'évaluer le comportement des agents de l'État. Dans le cadre de ses procédures d'enquête, la PDDH a tenu compte de tous les instruments internationaux ratifiés par El Salvador et, par conséquent, de l'ensemble des textes législatifs en vigueur.

Loi relative aux mineurs délinquants

81.          Les droits du mineur délinquant sont protégés par la loi relative aux mineurs délinquants (annexe 14). Conformément à l'article 5 de cette loi, le mineur délinquant jouit des mêmes droits et garanties reconnus dans la Constitution, les traités, conventions, pactes et autres instruments internationaux qui ont été approuvés et ratifiés par El Salvador ainsi que dans les autres lois applicables aux personnes âgées de plus de 18 ans, qui sont accusées d'avoir commis une infraction pénale ou d'y avoir participé, en particulier des droits suivants :

‑           le droit d'être traité avec le respect dû à la dignité inhérente à l'être humain, notamment le droit à ce que soit protégée l'intégrité de sa personne;
‑           le droit au respect de sa vie privée, qui comprend le droit à ce que ne soient pas publiées des informations permettant directement ou indirectement de l'identifier;
‑           le droit de bénéficier sans retard d'un procès équitable dans le cadre d'une audience à huis clos devant le tribunal pour mineurs sur la base du principe de responsabilité pour les actes commis;
‑           le droit de ne pas être privé illégalement de liberté et de ne pas être soumis à des restrictions dans l'exercice de ses droits qui iraient au-delà du but, de la portée et du contenu de chacune des mesures qui pourraient lui être imposées, conformément à la loi;
‑           le droit de se voir appliquer les règles relatives à une procédure régulière pour ce qui est, en particulier, de la présomption d'innocence et du droit de se faire assister par un défenseur dès le début de l'instruction;
‑           le droit d'être informé du motif de sa mise en détention et de connaître l'autorité qui en a pris la décision, et de demander que ses parents, tuteurs ou représentants soient présents.

 

Institutions

Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme (PDDH)

82.          Cette institution est issue des accords de paix signés à Chapultepec (Mexique) par le Gouvernement salvadorien et le Front Farabundo Martí de libération nationale (FMLN) afin d'assurer l'application effective de l'engagement ferme pris par les signataires d'identifier et d'éliminer les violations systématiques des droits de l'homme telles que les arrestations arbitraires, les enlèvements, les exécutions extrajudiciaires, les atteintes à la liberté, à l'intégrité et à la sécurité de la personne 13 .

83.          Depuis 1992, la PDDH joue un rôle spécial dans la société salvadorienne : celui d'observateur critique de l'action de l'État, dénonçant les violations des droits de l'homme et protégeant les victimes de ces dernières. Il convient en outre de signaler que la PDDH fournit des informations sur ses activités et les résultats qu'elle obtient par l'intermédiaire de ses publications et, principalement, dans son rapport annuel sur l'évolution de la situation des droits de l'homme dans le pays. Ainsi a-t-on eu connaissance, par exemple, de cas de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

84.          Le nouveau Code pénal et le nouveau Code de procédure pénale qualifient expressément la torture d'infraction punissable d'une peine de trois à six ans d'emprisonnement et de l'interdiction d'exercer la fonction occupée. L'action pénale est exercée exclusivement par le Procureur général de la République mais la PDDH est néanmoins une instance quasi juridictionnelle qui contrôle la légalité des actions des organes de l'État et formule des directives à ce sujet. Ces dernières n'ont pas de caractère obligatoire, et c'est au Procureur général de la République qu'il appartient, lorsque l'affaire en cause a fait l'objet d'une enquête, d'intenter des poursuites, conformément à la législation nationale en vigueur.

85.          D'après la PDDH, les actes de torture sont généralement liés aux activités des organes auxiliaires de l'administration de la justice (police nationale et polices municipales). Dans les cas dont la PDDH a eu connaissance, les auteurs des infractions ont été jugés conformément à la législation en vigueur. En outre, les autorités chargées de la sécurité publique, les collectivités locales et le Ministère de la justice ont collaboré aux activités menées afin d'enquêter sur les faits allégués et traduire les responsables devant les tribunaux compétents sur la base des résultats des investigations menées par la Procurature elle-même.

86.               La PDDH a surveillé tout particulièrement les activités de la Police nationale civile afin de garantir le droit à l'intégrité de la personne et à la vie.

87.          La PDDH a reçu, pendant les années 1996, 1997 et 1998, 2 742 plaintes ventilées comme suit :

Nature de la violation

1996

1997

1998*

Total

Torture

                 16

24

3

43

Peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

40

77

29

146

Mauvais traitements

881

951

503

2 235

Recours excessif à la force

101

71

46

218

Total

1 038

1 123

581

2 742

*   Au 25 novembre 1998.

88.          Le tableau ci-après montre comment se sont réparties les décisions (229 au total) établissant la responsabilité de personnes accusées de violation du droit à l'intégrité de la personne.

Nature de la violation

1995

1996

1997

1998*

Total

Torture

 

5

 

 

5

Peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

 

2

 

 

2

Mauvais traitements

 

47

50

17

114

Recours excessif à la force

 

18

4

3

25

Traitement inhumain des détenus

 

6

1

1

8

Atteintes au droit à l'intégrité de la personne

2

41

22

10

75

Total

2

119

77

31

229

*             Au 30 novembre 1998.             

89.          Ces tableaux montrent que le nombre de cas de torture est très peu élevé. Cependant, en raison de problèmes techniques dans le système d'enregistrement des données, il n'est pas possible de garantir avec certitude que les données relatives aux atteintes au droit à l'intégrité de la personne ne recouvrent pas des cas de torture non enregistrés.

90.          Il ressort de ce qui précède que lorsqu'elles ont connaissance de cas de torture, les institutions compétentes, notamment la Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme, appliquent la législation en vigueur afin de poursuivre les responsables.

Service du Conseiller juridique de la République – Unité de gestion du Département de l'aide juridictionnelle

91.          Le Service du Conseiller juridique de la République suit les principes énoncés dans la Convention pour déterminer l'existence d'une violation. Il utilise également le manuel de la qualification des violations des droits de l'homme élaboré par la Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme mentionné plus haut.

92.               Conformément à l'article 194 de la Constitution, le Service du Conseiller juridique de la République fournit une assistance juridique gratuite à toute personne inculpée qui en fait la demande. Cette assistance est octroyée par l'intermédiaire de l'Unité de gestion du Département de l'administration de l'aide juridictionnelle qui est divisé en deux grands secteurs :

a)               L'aide juridictionnelle pour les personnes majeures, qui est fournie à toute personne dans les conditions suivantes :

i)          l'assistance consiste à contrôler les premiers actes de l'instruction ainsi qu'à fournir des services de consultation et de défense techniques;
ii)          personnes détenues en application d'une décision judiciaire ou faisant l'objet d'une mesure restrictive de liberté en vertu d'une mesure de substitution; l'assistance consiste à participer à tous les actes de l'instruction, à apporter les preuves à décharge nécessaires à la défense de l'inculpé et à surveiller la mise en œuvre des mesures conservatoires;
iii)         personnes qui purgent une condamnation; l'assistance consiste à défendre les droits du détenu à participer aux audiences de révision, à déposer les plaintes ou à soulever les exceptions appropriées en cas de violation de leurs droits;

              b)               aide juridictionnelle pour les mineurs délinquants qui, comme les délinquants adultes, doivent bénéficier d'une assistance depuis le moment de l'inculpation jusqu'à celui de l'exécution de la décision rendue; le fait que cette aide est fournie par un groupe spécialisé de défenseurs connaissant bien la législation relative aux mineurs constitue un progrès. En général, le Département de l'aide juridictionnelle veille à ce que soit respecté le cadre légal dans lequel il agit afin que les dispositions constitutionnelles qui visent toutes les personnes soient pleinement appliquées.

Académie nationale de sûreté publique

93.               Lorsqu'elle a été créée, en 1992, l'Académie nationale de sûreté publique a adopté l'approche des droits de l'homme proposée par la police espagnole, ce qui a beaucoup apporté à la formation des élèves appartenant au personnel d'exécution, d'encadrement ou de rang supérieur. Il s'agissait toutefois d'une approche essentiellement pénale qui ne correspondait pas nécessairement à l'esprit du droit international relatif aux droits de l'homme.

94.          Depuis 1996, avec la participation d'autres institutions telles que Radda Barnen, l'Institut pour la prévention du crime et le traitement des délinquants en Amérique latine (ILANUD) et la Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme, les enseignants des disciplines de formation générale commencent à avoir une approche plus adéquate des droits de l'homme, de la doctrine et du droit international en la matière. Cette approche permet d'introduire de nouveaux éléments et d'aborder en particulier la question du droit à l'intégrité de la personne en y incorporant le problème de la torture, afin de discuter avec les fonctionnaires de police de leurs responsabilités lors de l'interrogatoire d'un détenu ou concernant la façon de traiter toute personne faisant l'objet d'une arrestation. Des exposés sont aussi faits sur les diverses pratiques nocives et interdites de torture ainsi que sur les symptômes et les signes indiquant qu'une personne a peut‑être été soumise à une forme de torture.

95.          Cette nouvelle approche est enseignée aux élèves dans le cadre du programme de formation de base de l'Académie indiqué dans l'annexe 4 du présent rapport, qui contient des renseignements sur les plans d'études, les matières enseignées, la description, le niveau, la durée des cours, etc.

Police nationale civile

96.               Administrativement, la Police nationale civile est régie par un règlement disciplinaire qui sanctionne toutes les formes de mauvais traitement, y compris la torture, en particulier au paragraphe 4 de l'article 7 figurant au chapitre premier (Des fautes très graves) du titre III qui traite des fautes en général. Selon cet article, "toute personne qui commet des abus dans l'exercice de ses fonctions et inflige des traitements inhumains, dégradants, discriminatoires ou vexatoires à des collègues ou à des subordonnés ainsi qu'à des personnes placées sous sa garde sera punie de la peine prévue". La Police nationale civile est dotée d'une réglementation interne qui est tout aussi répressive que la Convention contre la torture.

Inspection générale de la Police nationale civile

97.          La responsabilité principale en matière de surveillance des droits de l'homme incombe à la Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme pour tout ce qui concerne l'administration publique. Il en va autrement dans le cas de la Police nationale civile. Il existe un service, l'Inspection générale, qui est chargé de contrôler les activités de la police dans les domaines opérationnel et administratif ainsi que dans celui des droits de l'homme et de surveiller le comportement général des policiers.

98.               L'Inspecteur général de la Police nationale civile est placé sous l'autorité directe du Ministre de la sécurité publique et sa nomination doit être approuvée par le Procureur délégué à la défense des droits de l'homme et le Procureur général de la République. Il est représenté par les délégués dans les 14 départements du pays.

99.          Dans l'exécution de son mandat, l'Inspection générale accomplit différentes tâches : élaboration des rapports soumis par l'Inspecteur général à la Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme, réalisation de sondages d'opinion sur le comportement de la police et évaluations annuelles du degré de connaissance des droits de l'homme qu'ont les membres de la Police nationale civile 14 . Les rapports présentés par l'Inspection de la Police nationale civile à la Procurature sont semestriels alors que les rapports sur l'évaluation des connaissances de la police concernant les droits de l'homme sont annuels (voir l'annexe 5).

Ministère de la justice

100.        À partir de 1997, le Ministère de la justice, afin de prévenir les violations, a modernisé l'administration pénitentiaire en réduisant les pouvoirs des "commandants en chef" de centre, en créant la Direction générale des centres de détention qui est appuyée et conseillée par une sous‑direction technique, une sous‑direction de la sécurité et de la surveillance et un conseil en criminologie dont le personnel est composé de civils. L'ensemble des personnels spécialisés, administratifs et de sécurité a reçu la formation voulue pour acquérir les compétences et les qualifications nécessaires en vue d'assurer la réadaptation sociale des détenus, conformément aux articles 81, 82 et 83 et au paragraphe 2 de l'article 84 de la loi relative aux établissements pénitentiaires.

101.        Le Conseil disciplinaire a été créé en vertu de la loi relative aux établissements pénitentiaires, afin que les mesures disciplinaires ne soient plus imposées de façon discrétionnaire par la direction des centres pénitentiaires mais par un organe collégial (art. 131 de la loi sur les établissements pénitentiaires).

Ministère de la défense nationale

102.        En ce qui concerne la juridiction strictement militaire, le Code de justice militaire contient toutes les dispositions ayant pour but d'éviter qu'un militaire de rang supérieur abusant de son autorité dans l'exercice de ses fonctions ne porte préjudice à un subordonné ou ne le maltraite; le respect de ces dispositions est supervisé administrativement par les commandants d'unité, l'Inspecteur général des forces armées et, en cas d'enquête, par un auditeur militaire général.

103.        Afin de protéger les prisonniers de guerre, l'article 6 du chapitre premier du Livre premier du Code de justice militaire énonce les circonstances aggravantes prévues en matière pénale pour les délits militaires commis contre des prisonniers de guerre. De même, l'article 7 dispose qu'en cas d'insubordination, l'abus d'autorité commis par un supérieur à l'encontre d'un subordonné constitue une circonstance atténuante en faveur de ce dernier.

104.               L'article 68 du chapitre III (Délits contre le droit des gens, destruction, pillage et sabotage) prévoit une peine de réclusion de 15 à 20 ans pour le militaire qui commet des actes de violence contre des personnes. La même peine est prévue pour le militaire qui, en temps de guerre, commet des actes tels que : obliger des prisonniers de guerre à combattre contre leurs propres forces armées, les maltraiter, les injurier ou ne pas leur donner les soins ou les aliments nécessaires alors qu'il pourrait le faire.

105.               L'article 70 prévoit une peine de 5 à 10 ans d'emprisonnement pour le militaire qui dépouille de ses vêtements ou d'autres objets personnels un blessé ou un prisonnier de guerre, peine qui peut être portée à 15 ans de réclusion si, en commettant ces actes, le militaire en question inflige au blessé de nouvelles blessures qui aggravent son état.

106.        Est également considéré comme responsable des délits susmentionnés l'officier qui ne met pas en œuvre tous les moyens dont il dispose afin d'éviter que ses subalternes ne commettent les actes en cause; il peut être condamné à une peine de 5 à 10 ans de réclusion.

107.               L'article 74 prévoit également une peine de 5 à 10 ans de réclusion pour le militaire qui, à titre de représailles, inflige des brimades à des membres de l'armée.

108.        Il convient donc de souligner que le Code de justice militaire punit les actes de torture qui pourraient être commis par des militaires relevant de juridictions purement militaires et pour lesquels il prévoit les sanctions les plus sévères.

109.        De même, la Direction des affaires juridiques du Secrétariat d'État, en coordination avec le conseiller juridique du Ministère de la justice, a préparé un projet de réforme de ce Code qui reprend les principes énoncés dans la Convention contre la torture.

110.        En ce qui concerne les causes spécifiques de torture, le Ministère de la défense a indiqué n'avoir connaissance d'aucun fait particulier qui pourrait être considéré comme un acte de torture.

Article 3

111.        La législation en vigueur en matière de migrations est constituée par les articles 90 à 100 de la Constitution relatifs à la nationalité, aux droits des étrangers et autres questions connexes. L'article 97 de la Constitution stipule que les lois définissent dans quel cas et sous quelle forme l'entrée ou le séjour dans le territoire national peut être refusé. Les étrangers qui interviennent directement dans la politique intérieure du pays perdent le droit d'y résider.

112.        En outre, l'article 99 de la Constitution dispose que les étrangers ne peuvent recourir à la voie diplomatique, sauf en cas de déni de justice ou après avoir épuisé les voies de recours disponibles. N'est pas considéré comme déni de justice le fait qu'une décision exécutoire est défavorable aux plaignants. Ceux qui enfreignent cette disposition perdent le droit de résider dans le pays.

113.        Il faut signaler en outre que, conformément à l'article 100 de la Constitution, les étrangers sont soumis à une loi spéciale.

Ministère de l'intérieur

114.        La tâche du Ministère de l'intérieur, notamment en matière de migration, est définie dans la Constitution (contrôle des migrations de personnes étrangères). Par ailleurs, l'article 2 de la loi relative aux migrations établit clairement que le contrôle des migrations relève du Ministère de l'intérieur qui agit par l'intermédiaire de la Direction générale des migrations aux fins de l'application de la loi précitée et de la loi relative aux étrangers.

 

Cas d'expulsion d'un étranger

115.               Lorsqu'il se présente un cas dans lequel une personne pourrait être expulsée du territoire national, le Ministère de l'intérieur est l'organe compétent pour décider s'il y a lieu de procéder à l'extradition, à l'expulsion ou au refoulement de l'intéressé en vertu de l'article 8 de la loi relative aux étrangers. Cette décision intervient dans le cas où l'intéressé a participé directement ou indirectement à la politique intérieure du pays.

116.        Selon l'article 57 de la loi relative aux étrangers, "les cas non prévus dans ladite loi sont régis par les dispositions de droit commun"; il s'agit de la procédure administrative prévue dans la loi sur le régime politique des personnes, qui garantit aux intéressés le principe d'impartialité en matière de procédure et le droit d'être entendus conformément aux principes régissant les procédures juridiques. En conséquence, un étranger qui a violé les lois pertinentes se voit appliquer la procédure prévue dans les lois en question et il peut, si la décision lui est défavorable, utiliser les voies de recours prévues par la loi, telles que la possibilité de former un recours administratif devant l'institution qui a pris la décision en cause. Une fois épuisée cette voie de recours, il peut former un recours en amparo devant la Cour suprême de justice. Ce recours est régi, dans l'ordre juridique salvadorien, par la loi relative aux procédures constitutionnelles.

117.        Quand le Ministère de l'intérieur prend une décision, la personne intéressée a trois jours, à partir de la date à laquelle ladite décision lui a été notifiée, pour former un recours en révision devant ce même ministère. Dans les huit jours suivants, le Ministère doit notifier à l'intéressé le jour et l'heure qui lui ont été fixés pour faire valoir ses droits, sachant que la décision sera rendue dans un délai de trois jours sans autre formalité, que l'intéressé ait comparu ou non.

118.        Dans d'autres cas, des personnes sans papiers se trouvant sur le territoire national, qui souhaitaient obtenir le statut de réfugié, se sont adressées à cet effet aux bureaux du Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) auxquels incombe, en collaboration avec le Ministère de l'intérieur, la responsabilité de déterminer s'il y a lieu d'octroyer ce statut en vue d'obtenir les documents officiels reconnaissant aux demandeurs le statut de réfugié. Le 30 septembre 1998, le HCR a fermé ses bureaux dans le pays, ce qui est préoccupant puisqu'il n'existe aucune procédure pour répondre aux besoins des personnes se trouvant dans cette situation, à l'exception de celle prévue par la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, de son Protocole et autres instruments additionnels.

 

Direction générale des migrations

119.        Pour sa part, la Direction générale des migrations, organe relevant du Ministère de l'intérieur dont l'attribution principale est d'assurer le contrôle des migrations, a signalé les conséquences qui découlent du fait qu'El Salvador est devenu une plaque tournante de la traite d'êtres humains. Il est ainsi apparu qu'El Salvador a reçu, ces dernières années, des contingents de personnes sans papiers provenant de la Chine, du Sénégal, de l'Égypte, de l'Équateur et d'Amérique centrale, et pour quelques‑unes de pays avec lesquels El Salvador n'entretient pas de relations diplomatiques. D'après la Direction générale des migrations, toutes ces personnes sans papiers sont confiées aux autorités locales après leur arrestation. Il est important de noter que pendant la réalisation des enquêtes effectuées en vue de leur expulsion, les personnes concernées sont nourries et logées durant leur séjour, reçoivent des articles de première nécessité et bénéficient entre autres de soins médicaux ainsi que d'autres facilités.

120.        Par ailleurs, la Direction générale des migrations a signalé les difficultés liées au fait que certains détenus ne parlent pas l'espagnol et proviennent de pays avec lesquels El Salvador n'a pas de relations diplomatiques. En règle générale, la Direction générale des migrations, une fois l'arrêté d'expulsion délivré par le Ministère de l'intérieur (dans les 24 heures qui suivent l'arrestation de l'intéressé), prend les dispositions nécessaires pour leur fournir des papiers. Cependant, les choses sont beaucoup plus difficiles lorsque El Salvador ne dispose pas d'une représentation diplomatique à proximité du pays d'origine, ce qui ne facilite pas les communications. C'est lorsque le séjour des personnes en question se prolonge trop que surviennent les difficultés qui affectent leur situation.

121.               Entre‑temps, la Direction générale des migrations tente d'établir avec la représentation diplomatique la plus proche du pays concerné un dispositif permettant d'identifier les personnes en cause et de leur fournir des papiers. Il est donc particulièrement difficile de procéder à l'expulsion de ces personnes immédiatement après leur arrestation en raison de la rareté ou de l'insuffisance des communications avec les représentations diplomatiques des pays dont elles relèvent.

122.        Afin d'étendre sa compétence en matière d'expulsion des étrangers en vertu de l'article 63 de la loi relative aux migrations, le Ministère de l'intérieur autorise l'expulsion, selon une procédure administrative, de tout étranger dont le séjour dans le pays va à l'encontre des intérêts nationaux. En outre, en vertu de l'article 60 de cette loi, il procède à l'expulsion de l'étranger en cas d'entrée illicite de ce dernier sur le territoire.

123.        Selon la directive d'application de la procédure administrative régie par l'article 42 de la loi relative au régime politique des personnes qui traite des sanctions administratives imposées par la Direction générale des migrations pour violation de ladite loi, lorsqu'un étranger court un danger imminent, El Salvador lui accorde soit le droit de résidence permanente, soit la nationalité salvadorienne par naturalisation, conformément à la Constitution et aux traités pertinents, comme dans les deux cas présentés à l'annexe 6.

124.        Enfin, il convient de signaler qu'en ce qui concerne la Convention, la Direction générale des migrations satisfait aux exigences de la législation nationale et des instruments internationaux ratifiés par l'État salvadorien.

Extradition

125.               Conformément au paragraphe 3 de l'article 182 de la Constitution, il appartient à la Cour suprême de justice de déterminer si l'extradition doit être accordée ou non; elle rend un avis sur la légalité de la demande d'extradition, sans toutefois se prononcer sur la culpabilité de l'intéressé. En pareil cas, l'avis de l'autorité judiciaire compétente a force obligatoire pour le Gouvernement.

Article 182.   Dans le cadre de ses attributions, la Cour suprême de justice :
"3)      Connaît des motifs des arrestations et d'autres questions qui ne relèvent pas exclusivement d'une autre instance, adresse les commissions rogatoires nécessaires à la réalisation de certains actes à l'extérieur du territoire de l'État et donne l'ordre d'exécuter celles qui émanent d'autres pays, sans préjudice des dispositions énoncées dans les traités en vigueur, et autorise l'extradition de personnes."

126.        Les demandes d'extradition sont généralement transmises par la voie diplomatique. Une fois déposées, conformément aux paragraphes 2, 3 et 4 de l'article 193 de la Constitution et aux principes sur lesquels repose le Code de procédure pénale en vigueur en matière de procédures officielles et officieuses et sans préjudice des dispositions des traités portant sur cette question et en l'absence de dispositions réglementaires, c'est au Procureur général de la République qu'il appartient de soumettre à la Cour suprême de justice les demandes d'extradition émanant des États requérants pour qu'elle se prononce en la matière.

127.               Conformément aux principes de la légalité de la procédure, toute demande d'extradition doit contenir des renseignements suffisants pour pouvoir ouvrir l'enquête et engager la procédure correspondante, notamment des précisions sur les circonstances des faits incriminés, le nom et l'identité précise de l'inculpé, la description et la localisation des moyens de preuve utiles à l'établissement du délit et de la participation de l'inculpé à ce dernier, la transcription des actes de procédure effectués à l'extérieur du pays et le texte des dispositions légales applicables, ainsi que les documents spécifiés dans les traités.

128.        Il convient de noter que selon l'article 28 de la Constitution de la République d'El Salvador :

      "El Salvador accorde l'asile à l'étranger qui souhaite résider sur son territoire, excepté dans les cas prévus par la loi nationale et le droit international. Ne peuvent bénéficier des exceptions prévues les personnes qui sont poursuivies uniquement pour des raisons politiques.
     L'extradition ne peut être ordonnée dans le cas de nationaux en aucune circonstance ou dans le cas d'étrangers pour des infractions politiques, même si ces dernières ont entraîné des délits de droit commun."

129.        La Constitution salvadorienne autorise donc l'extradition des personnes qui ne sont pas des nationaux, à condition que cette mesure soit motivée par un acte punissable autre qu'une infraction politique ou un délit de droit commun découlant de celle‑ci. Cette disposition constitue une exception à l'application de l'extradition. Toutefois, et conformément aux tendances internationales suivies par El Salvador, l'article 21 du Code pénal définit les critères de base pour déterminer ce qui constitue une infraction "politique", définition qui exclut certains actes d'une gravité extrême qui constituent une offense à l'être humain, tels que les actes de terrorisme et les crimes contre l'humanité. Cette disposition est utile et nécessaire pour éviter toute divergence avec l'État demandeur au sujet de la qualification de délit de droit commun ou d'infraction politique des actes motivant la demande d'extradition, car elle tient compte des tendances internationales dans ce domaine.

130.               Conformément aux dispositions de la Constitution d'El Salvador, la règle selon laquelle une mesure d'extradition ne peut être prise à l'encontre de nationaux signifie que la possibilité de résider dans le pays et d'être soumis à la juridiction d'El Salvador constitue un droit essentiel des Salvadoriens qui est étroitement lié à l'histoire du pays et dont nul ne peut être privé pour une raison ou par un moyen quelconque. Cela ne signifie pas que les Salvadoriens qui commettent des délits à l'étranger restent impunis : ils sont jugés en El Salvador, conformément aux lois salvadoriennes.

131.        En ce qui concerne l'extradition d'une personne vers un autre État où cette personne risquerait d'être soumise à la torture, il n'a été signalé à ce jour aucun cas de ce type. Juridiquement, il n'existe aucune procédure permettant de vérifier la situation à cet égard mais il est possible de demander la protection internationale de l'État.

132.        Par ailleurs, comme on l'a vu plus haut, en vertu de la législation nationale pertinente (loi relative aux migrations et accords d'extradition), les formalités en matière de migration relèvent du Ministère de l'intérieur par l'intermédiaire de la Direction générale des migrations. À ce jour, il ne ressort pas des enquêtes menées sur le cas d'étrangers expulsés du territoire national que l'un d'entre eux risquait d'être soumis à la torture.

Législation internationale

133.        Dans les textes internationaux relatifs à l'extradition qui ont été ratifiés par El Salvador, notamment la Convention américaine relative aux droits de l'homme ou "Pacte de San José de Costa Rica", la Convention de droit international privé (Code Bustamante), la Convention interaméricaine sur l'extradition sont énoncés des principes modernes qui facilitent la définition de ce concept et permettent à El Salvador de participer à une coopération internationale utile. On peut citer entre autres la légalité, l'interdiction de la double incrimination, aut dedere aut punire et l'interdiction de la peine de mort et de peines infamantes, tous principes qui permettent d'éviter que l'extradition devienne un mécanisme facilitant la torture.

134.        En relation étroite avec le principe de la légalité, l'article premier du Code pénal dispose ce qui suit :

Article premier.   "Nul ne peut être puni pour une action ou une omission qui n'aura pas été préalablement définie par la loi de façon précise et sans équivoque comme délit ou faute ni ne peut être soumis à des peines ou à des mesures de sûreté qui ne sont pas prévues par la loi."

135.        En conséquence, l'extradition ne peut être autorisée que pour un délit reconnu comme tel par El Salvador. De plus, l'extradition n'est accordée qu'à condition que l'accusé ne soit pas jugé pour des délits qui ont été commis avant les actes motivant la demande d'extradition ou sans rapport avec eux.

Article 4

136.        Parmi les diverses mesures adoptées dans le cadre de notre législation pour permettre l'application de la Convention aux personnes qu'elle vise, on peut citer une définition des notions de fonctionnaire, agent public, employé municipal, autorité publique et agent de l'autorité, établie par le Code pénal en son article 39 dans les termes suivants :

"1.      Fonctionnaires publics, toutes les personnes assurant des services, rétribués ou gratuits, à titre permanent ou temporaire, de caractère civil ou militaire, dans l'administration publique de l'État, de la commune ou de toute institution officielle autonome, qui sont investies du pouvoir légal d'examiner et de régler toute question relative à l'organisation et à la mise en œuvre des services publics.
2.      Autorité publique, les fonctionnaires de l'État qui, seuls ou dans le cadre de leurs fonctions ou de leur charge en tant que membres d'un tribunal, exercent un pouvoir de juridiction propre.
3.      Agents publics et municipaux, tous les serviteurs de l'État ou de ses organismes décentralisés ne disposant pas du pouvoir de décision et agissant sur ordre ou par délégation du fonctionnaire ou du supérieur hiérarchique.
4.      Agent de l'autorité, les agents de la Police nationale civile."

137.        Dans le Livre deuxième, titre XVI (Des infractions relatives à l'administration publique), chapitre I (De l'abus d'autorité), du Code pénal, l'article 320 érige les actes arbitraires en infraction pénale comme suit : "Le fonctionnaire, l'agent public ou l'employé d'un service public qui, dans l'exercice de ses fonctions, accomplit un acte illégal ou arbitraire, se livre à des brimades ou à des violences contre des personnes, cause des dommages matériels ou recourt à des contraintes illégitimes ou inutiles pour l'accomplissement de ses fonctions ou du service, ou permet que de tels actes soient commis par un tiers, sera puni de deux ou quatre ans d'emprisonnement et d'une interdiction spéciale d'exercer ses fonctions de même durée." 

138.        Le chapitre II du titre III, qui traite des atteintes à l'autonomie personnelle, punit la contrainte, c'est‑à‑dire le fait d'obliger une autre personne, par la violence, à accomplir, à tolérer ou à s'abstenir d'accomplir un acte, d'une peine d'emprisonnement de un à trois ans. Quand la contrainte a pour objet d'empêcher l'exercice d'un droit fondamental, elle est punie d'une peine d'emprisonnement de deux à quatre ans (art. 153). Ainsi, dans le cas d'un acte de torture accompli dans de telles conditions, la sanction est plus sévère étant donné qu'il s'agit de la violation d'un droit fondamental.

Crimes contre l'humanité

139.        Il y a lieu de noter que le Code pénal en son livre deuxième, titre XIX, chapitre unique, traite des crimes contre l'humanité, qui recouvrent plusieurs infractions pénales. Ce dispositif a été réexaminé et il est proposé actuellement de le réformer, en faisant notamment de l'acte de torture commis au cours d'un conflit armé un crime contre l'humanité, puni d'une peine de 10 à 15 ans d'emprisonnement.

140.        Par ailleurs, selon le dernier alinéa de l'article 99 du Code pénal, la peine applicable au crime de torture est imprescriptible :

"La peine n'est pas prescrite dans les cas suivants : torture, actes de terrorisme, enlèvement, génocide, violation des lois et coutumes de la guerre, disparition forcée de personnes, persécution politique, idéologique ou raciale, ou en raison du sexe ou de la religion, à condition que les faits incriminés aient eu un commencement d'exécution postérieur à l'entrée en vigueur du présent Code."

141.               Conformément à l'article premier de la Convention, l'article 297 du Code pénal, déjà cité, vise le fonctionnaire ou agent public, l'agent de l'autorité ou l'autorité publique qui abuse de ses fonctions pour soumettre une personne à la torture, physique ou mentale. La torture est définie comme toute douleur ou souffrance aiguë, physique ou mentale, infligée à une personne; est sanctionné non seulement l'accomplissement d'un acte de torture, mais aussi le fait de ne pas empêcher que cet acte soit accompli. La peine prévue pour ce crime est l'emprisonnement pour une durée de trois à six ans, auquel s'ajoute l'interdiction d'exercer sa charge ou sa fonction pendant une durée égale à celle de la peine d'emprisonnement; l'interdiction s'entend de l'impossibilité pour la personne condamnée d'exercer certains droits, en l'espèce le droit d'exercer l'emploi ou la fonction considérée.

142.               Conformément à l'article 4 de la Convention, tous les actes de torture doivent constituer une infraction, comme cela a déjà été indiqué, étant également sanctionnés les tentatives et la participation à des divers degrés à la commission de l'acte, y compris le cas de complicité. Ce dernier point est déjà prévu par la législation salvadorienne, dans le cadre des dispositions générales du Code pénal, qui traite en son article 7 du délit manqué ou de la tentative et dans les articles 32 et suivants des auteurs et participants : sont définis comme tels non seulement les auteurs directs ou les coauteurs, mais aussi les auteurs indirects, les instigateurs et les complices 15 .

143.        Dans les plaintes reçues par la Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme, l'auteur des actes et ses complices sont généralement identifiés et cités dans les décisions qui en résultent, et il est demandé en outre de les traduire en justice. Les enquêtes les plus importantes sur les atteintes à l'intégrité de la personne commises par des membres des corps de sécurité ont concordé avec les recherches effectuées par la Procurature; elles ont été suivies de poursuites judiciaires contre les responsables, dans les limites des possibilités du système judiciaire.

144.               Lorsque l'infraction pénale est constituée, les services d'aide juridictionnelle assurent la défense technique de toute personne, fonctionnaire ou non, qui est accusée d'une infraction pénale.

145.        À ce jour, personne n'a encore jamais bénéficié de l'aide juridictionnelle pour ce type d'infraction. Cela ne signifie pas toutefois qu'il n'existe pas de cas de torture ou de mauvais traitements.

146.        Les plaintes déposées par des membres de la société civile, contre des membres de la Police nationale civile pour mauvais traitements ou actes arbitraires, et mentionnées dans les rapports de la Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme, laissent à penser que des faits de ce type se produisent. Les victimes de ces exactions hésitent à porter plainte officiellement auprès des institutions compétentes, sans les éléments d'information ou la collaboration nécessaires à l'ouverture d'une enquête; l'intervention des services d'aide juridictionnelle permettrait une plus grande participation.

147.        On trouvera à l' annexe 7 un rapport contenant les réponses données aux questions du Rapporteur spécial, M. Nigel S. Rodley, concernant des actes de torture qui auraient été commis le 10 décembre 1998 et le 6 janvier 1999 par des membres de la Police nationale civile, ainsi que des exemples des jugements rendus.

Ministère de la défense nationale

148.        En ce qui concerne la juridiction purement militaire, comme on l'a déjà indiqué à propos de l'article 2, l'actuel Code de justice militaire traite en son chapitre III des infractions au droit des gens, parmi lesquelles figure la torture; de plus, dans le projet de réforme de ce même Code la torture est définie, conformément à la Convention, et est punissable d'une peine d'emprisonnement de six à 12 ans. Aucun cas spécifique de poursuites judiciaires pour actes de torture n'est recensé à ce jour.

Ministère de la justice

149.        La procédure administrative à suivre en cas de torture est la suivante :

1.        Dès que l'on a connaissance du fait, il convient de mettre l'auteur de l'infraction à la disposition du Procureur général de la République, pour qu'il ouvre une enquête.
2.          La personne concernée est suspendue de ses fonctions avec traitement pendant la durée de l'enquête.
3.          Si le Procureur général de la République décide d'entamer des poursuites, il convient d'engager le processus de révocation.
4.          Si la personne n'est pas reconnue coupable et est remise en liberté, la procédure de révocation est suspendue; si elle a déjà été révoquée, il convient de lui donner la possibilité d'être réintégrée.
5.          Si la personne est reconnue coupable, il lui est appliquée la sanction correspondante à l'infraction commise.

150.        Dans le cas d'infractions commises par le personnel technique c'est la loi sur le service civil qui s'applique, et pour ce qui est du personnel de sécurité, le règlement disciplinaire du personnel de sécurité et de surveillance du système pénitentiaire, lequel prévoit les mécanismes à mettre en œuvre s'il s'agit de délits mineurs ou, dans le cas d'actes de torture, la peine à infliger conformément au Code pénal, qui criminalise la torture.

 

Article 5

Compétence universelle

151.        El Salvador reconnaît l'intérêt général qu'ont toutes les nations à l'application des lois pénales et à la poursuite des auteurs d'infractions pénales ayant commis des actes contre des biens protégés au niveau international par des accords spécifiques ou par des normes du droit international, ou des actes qui constituent une atteinte grave aux droits de l'homme universellement reconnus. C'est pourquoi il est permis de poursuivre ces personnes sur le territoire national lui-même, afin d'éviter qu'El Salvador ne devienne une terre d'accueil pour les délinquants d'autres pays. On peut donc juger sur le territoire national les auteurs d'atteintes aux droits de l'homme internationalement reconnus, comme la torture, qui ont été commises dans d'autres juridictions.

152.        À cet effet, l'article 10 du Code pénal, en application du principe de compétence universelle, permet d'appliquer la loi pénale salvadorienne à des faits de portée internationale, quels que soient la nationalité de leur auteur, la nature du droit auquel il est porté atteinte, ou le lieu où l'acte a été commis. L'article 10 se lit comme suit :

"Article 10. La loi pénale est également applicable aux infractions commises, par quelque personne que ce soit, en un lieu non soumis à la juridiction salvadorienne, à condition que les actes en question portent atteinte à des biens protégés au niveau international par des accords spécifiques ou des normes du droit international ou constituent une atteinte grave aux droits de l'homme universellement reconnus."

153.               L'application de la loi pénale salvadorienne est conforme aux normes reconnues par les traités et par la doctrine en pareil cas. La loi s'applique donc sans distinction aux nationaux et aux étrangers, en respectant les principes de territorialité, de personnalité, de nationalité et d'universalité.

154.        Le respect du droit à une procédure régulière des personnes accusées d'une infraction impose de disposer de mécanismes d'extradition adaptés. Notre pays est tenu de ne pas extrader une personne lorsqu'il existe des motifs sérieux de croire que celle‑ci risque d'être soumise à la torture dans l'État requérant.

155.        À l'heure actuelle, la loi pénale est établie par le nouveau Code pénal, qui reprend en grande partie les principes établis par la législation antérieure et dont les dispositions nouvelles à partir de l'article 7 sont récapitulées dans le tableau ci‑après :

Code pénal

Code de procédure pénale

Art. 7                    Conflit apparent de lois

Art. 8                    Principe de territorialité

Art. 14   Rétroactivité de la loi la plus favorable

Art. 9          Principe de personnalité ou de nationalité

Art. 15   Loi plus favorable postérieure à la condamnation

Art. 10   Principe d'universalité

Art. 16   Lois provisoires

Art. 11   Acceptation de la compétence extraterritoriale

Art. 17   Application de la loi pénale aux personnes

Art. 12   Moment et lieu où l'acte punissable a été commis

 

Art. 13   Durée de validité de la loi pénale

 

156.        Le système pénal d'El Salvador prévoit les principes fondamentaux applicables au jugement et à la sanction des infractions expressément définies dans la législation pertinente.

157.        La doctrine juridique est appliquée dans la pratique en El Salvador et les infractions commises sur le territoire national sont jugées en priorité par rapport à tout autre type d'infraction, même si la juridiction compétente nécessaire en dispose autrement.

Article 6

158.        El Salvador prévoit comme mesures préventives pour garantir la présence d'un individu la détention aux fins d'enquête, la détention provisoire et d'autres mesures moins lourdes. Les mandats d'arrêt peuvent être délivrés en premier lieu par le juge compétent, et également par le Procureur général de la République.

159.               Lorsqu'ils procèdent à l'arrestation d'un individu, les agents de l'État doivent prendre en compte les droits consacrés par la Constitution, comme indiqué plus haut.   Le Code de procédure pénale (approuvé en décembre 1997), quant à lui, établit les règles à suivre pour garantir la présence des personnes accusées d'une infraction quelconque, la torture en l'espèce.

160.               S'agissant d'une infraction grave telle que la torture, la règle est de placer la personne en détention provisoire, mesure qui peut être remplacée par le versement d'une caution. La procédure d'enquête et toutes les phases de l'instruction, y compris la décision et son exécution relèvent de la compétence de la Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme (PDDH), en particulier pour ce qui touche à l'exécution des mandats légaux par les agents de l'État concernés, et à la garantie du respect des droits fondamentaux des personnes poursuivies.

161.        À ce jour, il n'a pas été signalé d'irrégularités de procédure dans les affaires de torture; néanmoins la PDDH reste l'une des instances quasi juridictionnelles auxquelles une personne peut s'adresser pour déposer une plainte contre des agents de l'État qui ont violé ses droits ou n'ont pas respecté la loi lors d'une procédure les touchant directement (mise en détention, enquête, procédure judiciaire, décision et exécution de celle‑ci).

162.        Aux termes de l'article 13 de la Constitution de la République :

"Nul organe gouvernemental, autorité ou fonctionnaire ne peut délivrer de mandat d'arrêt ou d'ordonnance de mise en détention si ce n'est conformément à la loi et par écrit. Un délinquant surpris en flagrant délit peut être arrêté par toute personne, qui doit le remettre immédiatement à l'autorité compétente.
La détention administrative ne peut dépasser 72 heures. Dans ce délai, la personne doit être mise à la disposition du juge compétent, avec tous les actes de procédure qui auront été accomplis.
La détention aux fins d'enquête ne peut dépasser 72 heures. Le tribunal compétent est tenu de communiquer au détenu en personne les motifs de son arrestation, de recevoir ses premières déclarations et d'ordonner sa remise en liberté ou sa mise en détention provisoire avant l'expiration de ce délai.
Pour des raisons de protection de la société, toute personne qui, en raison de son comportement antisocial, immoral ou préjudiciable, se révèle dangereuse et fait courir un risque immédiat à la société ou à ses membres peut faire l'objet de mesures de sûreté aux fins de rééducation ou de réadaptation. Ces mesures doivent être strictement réglementées par la loi et relèvent de la compétence du pouvoir judiciaire."

163.        En ce qui concerne les mesures de précaution visant à garantir la présence de la personne accusée d'une infraction pendant la durée de la procédure, la nouvelle législation pénale salvadorienne a introduit certains changements. La mise en détention provisoire d'une personne ne peut désormais être ordonnée que dans des cas exceptionnels au lieu d'être la règle comme auparavant. Les dispositions relatives à la détention sont les suivantes :

a)               Principe général :

"Article 285. Les mesures de précaution sont prises en vertu d'une ordonnance judiciaire motivée et sont applicables durant le temps strictement indispensable.
L'acte imposant une mesure de précaution ou la prolongeant peut être annulé ou modifié, même d'office, à tout stade de la procédure."

b)               Détention pendant la durée de l'enquête :

"Article 291. Lorsqu'une personne accusée d'une infraction est déférée devant un juge, celui‑ci ordonne sa mise en détention pendant la durée de l'enquête et son incarcération dans le centre de détention approprié, avec avis écrit au directeur de celui‑ci.
Au terme de l'enquête, le juge doit ordonner la mise en détention provisoire ou la remise en liberté du prévenu, selon le cas, faute de quoi sa responsabilité pénale sera engagée.
La durée de l'enquête ne doit pas dépasser 72 heures, à compter de l'heure à laquelle le prévenu a été présenté au juge de la cause."

c)               Détention provisoire :

"Article 292. Pour que la détention provisoire du prévenu puisse être ordonnée, il faut que soient réunies les conditions suivantes :
1)        Qu'ait été établie l'existence d'un fait qualifié d'infraction; et qu'existent des motifs suffisants de penser que le prévenu en est probablement l'auteur ou y a participé;
2)        Que l'infraction soit passible d'une peine maximale d'emprisonnement de plus de trois ans, ou bien, si la peine encourue est inférieure, que le juge estime la détention provisoire nécessaire au vu des circonstances, du trouble social résultant de l'acte ou de la fréquence avec laquelle sont commis des actes analogues, ou encore que le prévenu fasse l'objet d'une autre mesure de précaution."

d)            Autres cas de détention provisoire :

"Article 293. La mise en détention provisoire est également ordonnée dans les cas suivants :
1)        Lorsque le prévenu, sans motif légitime, ne comparaît pas lors de la première citation ou chaque fois que le tribunal estime sa comparution nécessaire;
2)        Lorsque l'on craint que le prévenu n'entrave l'accomplissement d'un acte précis de l'enquête parce qu'il y a des motifs sérieux de croire qu'il détruira, modifiera, dissimulera, supprimera ou falsifiera des éléments de preuve, ou exercera une influence sur ses coaccusés, les victimes, les témoins ou les experts pour les amener à donner de fausses informations ou à adopter un comportement malhonnête ou trompeur, ou encore en incitant un tiers à se comporter de la sorte ou à agir de manière analogue; et
3)        Lorsque, du fait du comportement du prévenu au cours de la procédure ou de procédures antérieures, le juge a des motifs sérieux de penser qu'il continuera à commettre des infractions.

              Dans les deux derniers cas, la première condition énoncée à l'article précédent devra aussi être remplie.

"Article 294. Nonobstant les dispositions des deux articles précédents, et même si l'infraction est passible d'une peine supérieure à celle qui est indiquée au paragraphe 2 de l'article 292 du présent Code, lorsque le prévenu ne fait pas l'objet d'autres mesures de précaution et qu'on peut raisonnablement penser qu'il n'essaiera pas de se soustraire à l'action de la justice et que, par ailleurs, l'infraction n'a pas occasionné de troubles, la détention provisoire peut être remplacée par une autre mesure de précaution."

e)               Mesures de remplacement de la détention provisoire  :

"Art. 295. Lorsqu'il convient de remplacer la détention provisoire par une autre mesure moins sévère pour le prévenu, le juge ou le tribunal compétent peut, soit d'office, soit à la demande d'une partie, lui imposer, au lieu de la détention provisoire, une des mesures suivantes :
1)        L'assignation à son propre domicile ou sous la garde d'une autre personne, sans surveillance ou avec la surveillance ordonnée par le juge;
2)        L'obligation de se soumettre à la garde ou à la surveillance d'une personne ou d'une institution déterminée, laquelle rendra périodiquement compte au juge;
3)        L'obligation de se présenter périodiquement devant le juge ou devant l'autorité par lui désignée;
4)        L'interdiction de quitter le pays, la localité de résidence ou la zone territoriale déterminée par le juge;
5)      L'interdiction d'assister à certaines réunions ou de se rendre dans certains lieux;
6)        L'interdiction de communiquer avec certaines personnes, à condition que les droits de la défense n'en pâtissent pas;
7)         Le versement d'une caution financière adéquate par le prévenu lui-même ou par une autre personne, sous diverses formes : dépôt d'espèces ou de valeurs, constitution d'un gage ou d'une hypothèque, remise de biens ou garantie donnée par une ou plusieurs personnes appropriées.
Le juge peut imposer une seule de ces mesures ou en combiner plusieurs, selon le cas, et il prend les mesures et les dispositions nécessaires pour assurer leur mise en oeuvre. En aucun cas ces mesures ne pourront être prises ou mises en oeuvre de façon à dénaturer leur objet de telle sorte que leur application s'avère impossible; en particulier, le juge n'exige pas de caution financière lorsque l'indigence ou le manque de moyens du prévenu rendraient son versement impossible.
En outre, aucune mesure de précaution n'est imposée lorsque l'infraction est punissable d'une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à trois ans et que, au vu des circonstances de l'affaire, le juge estime que le serment par lequel le prévenu s'est engagé à se soumettre à la procédure suffit à garantir sa présence."

164.        Toutes les mesures qui doivent être prises, de même que les possibilités de communication offertes à la personne détenue, sont traitées aux articles 9 et 10 du Code de procédure pénale, mais il n'est pas précisé que les étrangers doivent être autorisés à se mettre en rapport avec le représentant de l'État dont ils ont la nationalité. Il est simplement dit que si l'intéressé ne comprend pas l'espagnol, il doit être assisté d'un interprète (art. 11). Les articles en question se lisent comme suit :

a)               Inviolabilité de la défense. Défense matérielle   :

"Art. 9. Le droit à la défense au cours de la procédure est inviolable.
Le prévenu a le droit d'intervenir dans tous les actes de la procédure qui mettent en jeu des éléments de preuve et de formuler toutes les demandes et observations qu'il juge opportunes, sans préjudice de l'exercice par l'autorité compétente de son pouvoir disciplinaire lorsque cette intervention entrave le déroulement normal de certains actes ou de l'ensemble de la procédure. Si le prévenu est privé de liberté, la personne sous la garde de laquelle il est placé transmet au juge dans un délai de 24 heures les requêtes ou les observations qu'il a formulées et lui permet à tout moment de communiquer avec son défenseur.
Toute autorité intervenant dans la procédure veille à ce que le prévenu soit immédiatement informé des droits qui lui sont reconnus par la Constitution de la République, le droit international et le présent Code".

b)               Défenseur. Défense technique  :

"Art. 10. Tout prévenu jouit d'un droit inaliénable à l'assistance d'un défenseur à compter du moment de son arrestation ou du moment où il est accusé d'une infraction jusqu'à la fin de l'exécution de la peine.
Si, le prévenu ne désigne pas de défenseur, il est immédiatement demandé au Conseiller juridique de la République d'en désigner un d'office, et le défenseur ainsi désigné doit approuver ses fonctions dans un délai de 12 heures à compter de la réception de la demande.
Si le prévenu est avocat, il peut assurer lui-même sa défense."

c)               Interprète  :

"Art. 11. Si le prévenu ne comprend pas bien l'espagnol, il a le droit de désigner un traducteur ou un interprète de confiance pour l'assister dans tous les actes nécessaires à sa défense. S'il ne fait pas usage de ce droit, un traducteur ou interprète est désigné d'office dans le délai fixé à l'article précédent."

165.        D'autre part, les autorités qui jouent un rôle essentiel dans les questions couvertes par la Convention sont les suivantes :

a)               Le Service du Procureur général de la République, qui dirige l'enquête criminelle;

b)               La Police nationale civile, institution chargée d'enquêter sur tous les actes punissables, sous la direction du Procureur général de la République, conformément aux dispositions des paragraphes 3 et 4 de l'article 193 de la Constitution de la République, aux termes desquels les fonctions du Procureur sont les suivantes : diriger l'enquête avec le concours de la Police nationale civile selon les modalités prescrites par la loi, et intenter l'action pénale, d'office ou à la demande des parties;

c)               La Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme, qui veille au respect et à la mise en oeuvre des droits de l'homme dans notre pays;

d)               Le Service du Conseiller juridique de la République;

e)               Le Ministère de la justice, chargé de la promotion, de l'exécution et de l'élaboration des lois;

f)               L'organe judiciaire chargé de l'administration de la justice ainsi que de l'application des peines.

Article 7

Mesures adoptées

166.        Il convient de signaler qu'en El Salvador, le Code pénal et le Code de procédure pénale reconnaissent le principe de l'extraterritorialité de la loi pénale salvadorienne dans le cas d'infractions commises à l'étranger par des Salvadoriens, lorsque l'extradition a été refusée du fait de la nationalité; El Salvador participe en collaboration avec d'autres États à la lutte contre la criminalité et appuie l'entraide judiciaire internationale en matière pénale, conformément au paragraphe 3 de l'article 9 du Code pénal en vigueur, qui prévoit la possibilité de juger les personnes accusées d'avoir commis des infractions pénales à l'étranger :

"Art. 9.   La loi pénale salvadorienne est également applicable :

3)        Aux délits commis à l'étranger par des Salvadoriens lorsque l'extradition demandée a été refusée en raison de la nationalité de la personne concernée, ou aux délits commis par des étrangers contre des biens de Salvadoriens."

167.        De la sorte, El Salvador a introduit un mécanisme juridique lui permettant de participer à la répression de la criminalité et à la protection de l'ordre juridique considéré conformément aux normes de droit international, en aidant à juger les Salvadoriens accusés de torture; par ailleurs, dans les traités d'extradition conclus par El Salvador, figurent des clauses suivant lesquelles, dans le cas où l'extradition est refusée en raison de la nationalité de la personne, l'État requis s'engage à juger son ressortissant, se conformant ainsi au principe international aut dedere, aut punire .

Article 8

168.        Les accords d'extradition suivants ont été ratifiés par La République d'El Salvador et sont actuellement en vigueur entre les parties :

Convention sur l'extradition avec l'Italie (1871);

Convention sur l'extradition de criminels avec la Belgique (1881); Additif à la Convention sur l'extradition de criminels avec la Belgique (1933);
Traité d'extradition de criminels avec la Grande-Bretagne (1883); Additif au Traité d'extradition de criminels avec la Grande-Bretagne (1931); Additif au Traité d'extradition de criminels avec la Grande-Bretagne (1932); Additif au Traité d'extradition de criminels avec la Grande Bretagne (1934);
Convention sur l'extradition réciproque de criminels avec la Suisse (1885);
Traité d'extradition avec les États-Unis d'Amérique (1911);
Convention sur l'extradition (centraméricaine, 1925);
Convention sur l'extradition (multilatérale, OEA, 1936);
Traité d'extradition avec le Royaume d'Espagne (1997);
Traité d'extradition avec les États-Unis du Mexique (1997).

169.        En ce qui concerne les engagements pris par le Gouvernement salvadorien concernant l'inclusion des actes visés à l'article 4 parmi les infractions donnant lieu à extradition en vertu des traités d'extradition, il convient de noter que depuis son adhésion à la Convention, la République d'El Salvador n'a signé et ratifié que deux traités, à savoir le Traité d'extradition avec le Royaume d'Espagne et le Traité d'extradition avec les États-Unis du Mexique. Ces deux textes comportent, aux articles 3 et 4 pour le premier et aux articles 2 et 4 pour le second, des dispositions générales donnant effet à cet engagement dans les termes suivants :

"Article 3.   Infraction donnant lieu à extradition

1.      Aux fins du présent traité, donnent lieu à extradition les infractions qui, en vertu de la législation des deux parties contractantes, sont passibles soit d'une peine privative de liberté dont la durée maximum est d'au moins un an, soit d'une peine plus grave.
2.      Lorsque la demande d'extradition concerne une personne condamnée à une peine privative de liberté par un tribunal de la partie requérante du fait d'une infraction donnant lieu à extradition, l'extradition n'est accordée que si six mois au moins de la peine restent à exécuter.
3.      Pour déterminer si une infraction est punissable en vertu de la législation des deux parties contractantes, il ne sera pas tenu compte :
a)      Du fait que les législations des parties contractantes classent l'acte constitutif de l'infraction dans la même catégorie, ou qu'ils utilisent pour le désigner la même terminologie;
b)      Du fait que les éléments constitutifs de l'infraction sont différents dans la législation des deux parties contractantes, à condition que soit prise en compte la totalité de l'acte tel que défini par l'État requérant;
4.      Lorsque est demandée l'extradition d'une personne pour une infraction à une disposition légale relative à l'impôt, aux douanes ou au change, ou à toute autre disposition de nature fiscale, l'extradition ne peut être refusée sous prétexte que dans la législation de la partie requise ne figure pas le même type d'impôt ou de taxe ou que les dispositions fiscales, douanières ou en matière de change de la partie requérante ne sont pas identiques.
5.      Lorsque, dans la demande d'extradition, figurent des infractions distinctes et punissables séparément en vertu de la législation des deux parties contractantes, même si l'une ou l'autre de ces infractions ne répond pas aux autres conditions établies aux paragraphes 1 et 2 du présent article, la partie requise peut accorder l'extradition à condition que la personne concernée soit accusée d'au moins une infraction donnant lieu à extradition.
Article 4.   Infractions politiques
1.      L'extradition n'est pas accordée pour des infractions considérées comme politiques ou liées à des infractions de cette nature. Le simple fait d'alléguer qu'une infraction a été commise à des fins ou pour des motifs politiques ne suffit pas pour la qualifier d'infraction politique.

Aux fins du présent Traité, ne sont pas considérées comme des infractions politiques :

a)      L'attentat contre la vie d'un chef d'État ou de gouvernement ou d'un membre de sa famille;
b)      Les actes de terrorisme;
c)        Les crimes de guerre et les crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité.
2.      Aux fins de l'alinéa b) du paragraphe 1 du présent article, ne sont pas considérées comme des infractions politiques, des infractions connexes ou des infractions inspirées par des mobiles politiques :
a)      Les attaques contre la vie, l'intégrité physique ou la liberté des personnes ayant droit à une protection internationale, y compris les agents diplomatiques;
b)      Tout autre acte de violence grave dirigé contre la vie, l'intégrité physique ou la liberté des personnes;
c)      Les infractions impliquant un enlèvement, une prise d'otage ou une séquestration arbitraire;
d)      Les infractions impliquant l'utilisation de bombes, de grenades, de fusées, d'armes à feu, ou de lettres ou paquets contenant des explosifs dissimulés, dans les cas où cette utilisation représenterait un danger pour les personnes;
e)      Tout acte grave commis contre les biens, lorsque cet acte a mis des personnes en danger.
f)      La conduite de toute personne qui a aidé un groupe de personnes ayant un objectif commun, à commettre les infractions susmentionnées, même si ladite personne n'a pas pris part à l'exécution matérielle de l'infraction ou des infractions en question, sous réserve que cette aide ait été intentionnelle, et que la personne en cause ait eu pleinement connaissance soit des objectifs et des activités criminelles en général du groupe, soit de l'intention de ce dernier de commettre l'infraction ou les infractions en question.
g)      La tentative de commettre l'une des infractions susmentionnées ou la participation à l'une d'elles comme coauteur ou complice d'une personne ayant commis ou tenté de commettre ces infractions.
3.      L'extradition n'est pas accordée si la partie requise a des motifs sérieux de croire que la demande d'extradition est présentée dans le but de poursuivre ou de punir la personne faisant l'objet de la demande en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de ses opinions politiques, ou que la situation de cette personne peut être aggravée par de telles considérations".

              "Article 2. Infractions motivant l'extradition

I.        L'extradition est possible dans le cas d'actes intentionnels ou délictueux définis dans la législation des deux parties et sanctionnés par une peine privative de liberté d'une durée supérieure à un an, tant au moment où l'acte a été commis qu'au moment de la demande.
II.        Lorsqu'une demande d'extradition fait suite   à une condamnation ferme, la durée de la peine privative de liberté qui reste à accomplir par la personne qui fait l'objet de la demande doit être d'au moins six mois".

              "Article 4.   Identité de normes

I.        Pour décider de l'opportunité de l'extradition, il n'y a pas lieu d'examiner si les lois pénales des parties classent l'acte délictueux considéré dans la même catégorie d'infractions ou le qualifient au moyen d'une terminologie identique ou similaire, du moment que les faits constituant les éléments de l'infraction sont les mêmes.
II.        Pour déterminer l'existence de l'identité de normes, il y a lieu de tenir compte de la totalité des actions ou omissions reprochées à la personne dont l'extradition est demandée. En cas de divergence, ce sont les termes de la décision judiciaire dont l'exécution est demandée qui prévalent".

170.        Il ressort clairement de ce qui précède que, la torture étant qualifiée d'infraction à l'article 297 du Code pénal salvadorien (qui en fait un crime imprescriptible), elle peut entraîner l'extradition.

 

171.        Depuis la ratification par la République d'El Salvador de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Ministère des relations extérieures n'a reçu aucune demande d'extradition pour crime de torture expressément, que ce soit en vertu des instruments internationaux susmentionnés ou en vertu de la Convention. De plus, il convient de relever, à propos des dispositions de l'article 4 de la Convention, que la compétence pour poursuivre les auteurs de tels actes a été étendue dans les articles 7 et 3 respectivement des traités d'extradition conclus aussi bien avec l'Espagne qu'avec les États-Unis du Mexique comme suit :

              "Article 7.   Motifs de refus discrétionnaire de l'extradition

              1.               L'extradition peut être refusée lorsque se produit l'une des circonstances suivantes :

a)      Si, en vertu de la loi de la partie requise, l'infraction pour laquelle l'extradition est demandée a été commise totalement ou partiellement sur le territoire de ladite partie.
b)      Si l'infraction pour laquelle l'extradition est demandée est punissable de la peine de mort en vertu de la législation de la partie requérante, à moins que celle-ci, de l'avis de la partie requise, ne donne des garanties suffisantes que la peine de mort ne sera pas prononcée, ou que si elle l'est, elle ne sera pas exécutée.
c)      Si la personne dont l'extradition est demandée a été acquittée ou condamnée définitivement dans un État tiers pour la même infraction que celle qui est visée par la demande d'extradition et qu'en cas de condamnation, la peine prononcée a été accomplie dans sa totalité ou son exécution ne peut plus être exigée.
d)      Si la partie requise, ayant tenu compte de la nature de l'infraction et des intérêts de la partie requérante estime qu'au vu de la situation personnelle de la personne dont l'extradition est demandée, notamment de son âge, de son état de santé, de sa situation familiale ou d'autres circonstances semblables, son extradition ne serait pas compatible avec des considérations humanitaires.
e)      Si l'infraction pour laquelle l'extradition est demandée a été commise en dehors du territoire de l'une quelconque des deux parties contractantes et la partie requise n'a pas compétence, en vertu de sa législation, pour connaître des infractions commises en dehors de son territoire dans des circonstances semblables.
f)      Si la personne dont l'extradition est demandée n'a pas bénéficié et ne bénéficiera pas d'un procès présentant les garanties minimales établies à l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
2.      Si la partie requise refuse l'extradition d'une personne pour l'un quelconque des motifs indiqués dans le présent article ou dans l'article précédent, l'affaire devra, à la demande de la partie requérante, être soumise aux autorités compétentes afin que soient prises les mesures judiciaires jugées pertinentes.   À cet effet, les documents, informations et objets se rapportant au délit seront remis gratuitement par la voie prévue à l'article 2. La partie requérante sera informée de l'issue de sa demande.

172.        Il convient de souligner qu'aussi bien la République d'El Salvador que l'Espagne reconnaissent dans leur législation le principe d'universalité; les deux États peuvent donc avoir compétence pour connaître des infractions commises en dehors de leur territoire, de sorte qu' a contrario , le paragraphe 1 e) de l'article 7 précité ne serait pas applicable si les parties contractantes sont compétentes pour connaître des infractions commises à l'extérieur de leur territoire.

              "Article 3.   Octroi de l'extradition

              L'extradition est accordée dans les cas suivants :

I.        Lorsque l'infraction a été commise sur le territoire soumis à la juridiction de la partie requérante.
II.        Lorsque l'infraction a été commise en dehors du territoire de la partie requérante, à condition que :
a)      La législation de la partie requise prévoie les peines encourues pour le même acte délictueux, commis dans des circonstances semblables.
b)      La personne ayant commis l'infraction soit ressortissante de la partie requérante, ou s'il s'agit d'un étranger, que celle-ci soit compétente en vertu de sa propre législation pour le juger.
III.        La demande d'extradition est accordée même s'il s'agit d'une infraction relative à l'impôt, aux droits de douane ou à tous autres types de contributions de caractère fiscal".

173.               L'article 3 établit clairement le principe d'universalité en son paragraphe II b), qui prévoit que l'extradition est accordée dans le cas où l'État requérant est compétent pour connaître d'une infraction commise par une personne à l'extérieur du territoire national, ce qui est le cas de la République d'El Salvador.

Article 9

174.        El Salvador apporte une coopération aux États qui en font la demande pour tous les types d'infraction et pas seulement la torture ou autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ce sont en la matière les dispositions ci-après du Code de procédure pénale, adopté en avril 1998, qui s'appliquent :

              "Commissions rogatoires adressées à des tribunaux étrangers

Art. 139 – Les communications avec les tribunaux étrangers se font par voie de commissions rogatoires. Le juge ou le tribunal concerné adresse la commission au Ministère des relations extérieures par l'intermédiaire de la Cour suprême de justice, aux fins de sa transmission par la voie diplomatique.

              Commission rogatoire émanant de l'étranger

Art. 140 – Les commissions rogatoires émanant de tribunaux étrangers sont exécutées dans les cas et selon les modalités prévues par les traités ou la coutume internationale ainsi que par la législation du pays. La réponse est envoyée par l'intermédiaire du Ministère des relations extérieures".

175.        Depuis ses origines, El Salvador a toujours manifesté dans sa législation son souci de lutter contre la criminalité. Actuellement, la Constitution, au paragraphe 3 de son article 182, habilite la Cour suprême de justice à "adresser les requêtes ou commissions rogatoires nécessaires à l'accomplissement de certains actes en dehors du territoire national et à faire exécuter celles qui émanent d'autres pays, sans préjudice des dispositions des traités en vigueur; et à accorder l'extradition".

176.        En vertu de cette faculté, notre pays collabore avec d'autres États en demandant, ou en accordant une assistance en vue de la répression de toutes les infractions, et notamment la torture. La Chambre pénale de la Cour suprême de justice est chargée de l'exécution de cette mission. D'après les statistiques fournies par la Cour, il apparaît qu'entre janvier et novembre 1998, El Salvador a apporté son aide à 21 pays qui l'ont sollicitée. Il convient toutefois de préciser qu'aucune de ces demandes ne concernait les infractions visées à l'article 4 de la Convention et qu'il s'agissait d'autres types d'infraction. (Statistiques du greffe de la Chambre pénale de la Cour suprême de justice, 1998).

177.               L'assistance fournie a pris des formes diverses; ainsi la coopération avec certains pays d'Amérique centrale ne s'est pas limitée à l'exécution de certains actes judiciaires (notifications, citations, etc.) mais a compris aussi la recherche et la production de preuves. Cette assistance est possible grâce aux conventions d'entraide judiciaire signées avec des pays comme le Guatemala, le Honduras, le Panama ou le Mexique, tous pays avec lesquels El Salvador a eu l'occasion de collaborer au cours de l'année. De nombreux échanges ont aussi eu lieu à cet égard avec les États‑Unis, étant donné le grand nombre de Salvadoriens résidant dans ce pays. Pour ce qui est de l'Europe, des contacts ont été établis avec le Royaume‑Uni au sujet d'une affaire d'enlèvement et séquestration et d'un cas d'escroquerie financière de grande ampleur, qui ont donné lieu à diverses demandes d'information. L'Italie a demandé récemment la collaboration des autorités concernant la situation juridique d'un citoyen italien qui a été arrêté en El Salvador.

178.        La République d'El Salvador a ratifié les instruments internationaux suivants en matière de coopération judiciaire, qui sont actuellement en vigueur entre les parties :

Convention interaméricaine sur l'obtention des preuves à l'étranger (1980);
Mémorandum d'accord sur la coopération judiciaire entre le Gouvernement de la République d'El Salvador et le Gouvernement de la République de Colombie (1992);
Traité d'entraide judiciaire en matière pénale entre les Républiques du Costa Rica, d'El Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua et du Panama (1994);
Convention sur l'assistance judiciaire en matière pénale avec la République du Pérou (1996);
Convention de coopération judiciaire en matière pénale avec le Royaume d'Espagne (1997);
Traité de coopération sur l'entraide judiciaire en matière pénale avec les États-Unis du Mexique (1997).

179.        Il convient de noter qu'à compter de la date de ratification par El Salvador de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, aucune demande de coopération judiciaire concernant les délits visés dans la Convention n'a été reçue.

Article 10

Procurature   déléguée à la défense des droits de l'homme

180.        La législation qui définit les activités de la Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme (PDDH) prévoit expressément que l'une de ses fonctions est d'assurer l'éducation dans le domaine des droits de l'homme 16 . Conformément à ce mandat, la PDDH a élaboré à l'intention du personnel chargé de faire appliquer la loi des plans de formation, aux fins de la prévention des violations des droits de l'homme.

181.               L'Institut salvadorien des droits de l'homme a organisé des activités dans lesquelles la priorité a été donnée aux droits civils et en particulier à la protection des droits des personnes soumises à la détention ou à l'emprisonnement. Le tableau ci-après donne des informations sur le nombre de participants à ces activités de formation.

 

Nombre d'activités

Participants

Nombre total de participants

(hommes)

(femmes)

Police nationale civile

14

955

45

1 000

Corps des agents municipaux de Nueva San Salvador

4

72

5

77

École de formation du personnel pénitentiaire

10

340

25

365

Total

28

1 367

75

1 442

 

182.        Parmi les participants de la police nationale civile figuraient 45 femmes, dont les grades s'échelonnaient depuis celui d'agent, brigadier, sergent et inspecteur adjoint jusqu'à celui de commissaire adjoint; cela montre que les femmes sont désormais présentes dans la police même si leur nombre reste faible par rapport aux quelque 18 000 membres que compte la police nationale civile. Cinq femmes du corps des agents de la police municipale de San Salvador, dont les fonctions sont pour certaines de nature administrative, ont participé à la formation.

183.        Parmi les participants de l'École de formation du personnel pénitentiaire on comptait 25 femmes, dont des fonctionnaires détachées à la prison pour femmes (Ilopango). Ont également participé d'autres femmes affectées au contrôle des visiteurs dans les différents centres de détention du pays, qui ont pour mission d'empêcher que des drogues, des armes et d'autres objets interdits ne parviennent aux détenus; à cette fin, elles fouillent toutes les femmes qui viennent rendre visite à des membres de leur famille ou à des amis détenus dans ces centres.

184.        Ces activités se sont déroulées dans le cadre du plan de travail de l'Institut; la PDDH a néanmoins reçu des demandes de la part d'institutions intervenant dans le traitement des détenus, qu'il s'agisse de personnes placées en détention préventive, ou purgeant une peine d'emprisonnement, auxquelles il a répondu comme indiqué ci-après.

185.        L'École de formation du personnel pénitentiaire, qui dépend de la Direction générale des centres pénitentiaires du Ministère de la justice, a été ces dernières années l'institution qui a eu le plus recours aux services de la PDDH en matière de droits de l'homme. Cette école est située dans le complexe pénitentiaire La Esperanza, dans la commune de Ayutuxtepeque (Département de San Salvador). La participation de la PDDH a pris la forme d'un cours d'une durée de 20 jours ouvrables, avec des modules de 12 heures réparties sur trois jours (quatre heures par jour). Les personnes qui ont assisté à ces cours étaient des membres du personnel de surveillance pénitentiaire de l'ensemble du pays. La PDDH a également organisé un cours à l'intention des directeurs, sous-directeurs techniques et sous-directeurs chargés de la sécurité et de la surveillance dans les centres de détention de l'ensemble du système pénitentiaire d'El Salvador. Ce cours, d'une durée d'une semaine, comprenait cinq heures d'enseignement des droits de l'homme.

Tableau des cours organisés pour le personnel du système pénitentiaire national

Mois et année

Nombre de gardiens

Nombre de directeurs, responsables et sous‑directeurs

Total

Février 1997

47

22

69

Mars 1997

36

 

36

Avril 1997

34

 

34

Mai 1997

37

 

37

Juin 1997

45

 

45

Août 1997

47

 

47

Septembre 1997

45

 

45

Février 1998

25

 

25

Mars 1998

27

 

27

Total

343

22

365

 

Ministère de la justice

186.        Le Ministère de la justice, responsable, par l'intermédiaire de la Direction générale des centres pénitentiaires, de l'administration du système pénitentiaire, a veillé à l'intégrité physique et psychologique des détenus et fait de grands efforts pour améliorer leur qualité de vie. C'est ainsi que des programmes d'intervention technique dans les domaines de la psychologie, du travail social, de l'éducation, des conditions de travail, de la santé et de la sécurité ont été mis en oeuvre.

187.               Conscient du surpeuplement des centres pénitentiaires et des conflits sociaux liés à la période d'après-guerre, l'État partie a jugé nécessaire de réformer la législation nationale et d'adopter de nouvelles lois s'inspirant d'un courant humaniste, axées sur la réadaptation et visant à faciliter la réinsertion sociale et professionnelle des personnes privées de liberté. Parmi les mesures prises, il faut citer l'allocation de fonds pour la mise en service de six centres de détention pouvant héberger 3 230 détenus, ce qui contribuera à améliorer leurs conditions de vie, et les changements apportés aux structures d'organisation et de fonctionnement du système, en vue du recrutement de techniciens spécialisés dotés des qualités humaines nécessaires dans les différents domaines d'activité.

188.        En ce qui concerne la formation du personnel pénitentiaire, on se reportera à l'annexe 8, qui donne des renseignements sur le nombre de participants aux programmes des quatre dernières années et sur le contenu de ces programmes.

189.        De 1993 à mi-1998, l'École de développement humain a assuré la formation du personnel de sécurité et des techniciens. Avec l'application de la loi relative aux établissements pénitentiaires, la formation du personnel est devenue systématique, et une procédure de sélection et d'évaluation a été mise en place. C'est dans ce contexte que s'inscrit le projet de création de l'École de formation du personnel pénitentiaire. On espère ainsi établir un nouveau cadre de travail permettant d'améliorer la culture pénitentiaire suivant deux axes fondamentaux : la formation et le changement de comportement des intervenants du système.

190.        Comme on peut l'imaginer, la création d'un institut de formation ne s'improvise pas. C'est pourquoi l'École de formation du personnel pénitentiaire est l'aboutissement d'un processus dont les premières étapes ont été l'élaboration d'un concept et d'un cadre philosophique, la définition d'un programme d'enseignement, l'évaluation du système pénitentiaire et un avant-projet de règlement de l'École.

191.        La reconnaissance du rôle social fondamental du système pénitentiaire suppose une formation permanente. C'est dans ce sens que l'École s'efforce de former le personnel, compte tenu de la loi relative aux établissements pénitentiaires de 1998, dans une optique plus humaine, l'objectif recherché étant la réadaptation, afin de réduire autant que possible les effets nocifs de l'enfermement et, partant, le phénomène de la récidive.

192.        En ce qui concerne l'efficacité des programmes de formation, ceux-ci ont commencé à être mis en oeuvre de façon systématique en 1998; on commencera à partir de 1999 à mesurer leur impact, mais le processus de formation du personnel technique mis en route a déjà commencé à porter ses fruits, grâce aux programmes d'intervention technique dans les centres de détention, ainsi que du point de vue de l'organisation de ces centres, de l'élaboration des plans de travail, de l'harmonisation des critères et de l'élaboration d'un dossier unique pour les détenus des deux sexes.

193.               Certains des projets exécutés ont bénéficié de la collaboration d'organismes internationaux, notamment : assistance technique et financière de l'Union européenne dans le domaine du travail; équipement et formation dans des ateliers de production dans les centres de détention; appui au lancement de l'École de formation du personnel pénitentiaire par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD); projet de coopération technique dans le domaine des droits de l'homme du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme. Une coordination a aussi été assurée avec des universités du pays et avec la Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme, entre autres.

194.        Il convient de préciser que l'École de formation du personnel pénitentiaire était ouverte aux fonctionnaires, techniciens, surveillants et personnel de sécurité des deux sexes, et qu'elle a organisé à leur intention des cours sur les relations interpersonnelles, l'éthique, les droits de l'homme, la reconversion professionnelle des détenus, le droit pénitentiaire, la criminologie, les programmes d'intervention dans les prisons, etc.

École de formation judiciaire

195.        Les législateurs de 1983 ont jugé nécessaire que dans tous les centres d'enseignement, qu'ils soient publics ou privés, civils ou militaires, l'enseignement des droits de l'homme soit obligatoire 17 . Ce mandat général a été précisé dans l'article 187 de la Constitution, lequel charge le Conseil national de la magistrature de l'organisation et du fonctionnement de l'École de formation judiciaire, "dont l'objectif est d'assurer l'amélioration de la formation des juges et autres fonctionnaires des services judiciaires". Cette école a été créée le 20 février 1991. Selon l'article 31 de son règlement l'étude des traités internationaux et des droits de l'homme figure obligatoirement dans la formation des juges et des autres fonctionnaires des services judiciaires.

196.        L'École de formation judiciaire s'est acquittée de son mandat de la façon suivante :

              a)               Sur le thème "Droit constitutionnel et droits de l'homme" des cours spécifiques d'une durée de deux à quatre semaines ont été organisés; entre mai 1997 et avril 1998, huit cours de cette nature ont eu lieu, ce qui représente 1 876 heures d'enseignement et 1 825 personnes (juges, fonctionnaires des services judiciaires, collaborateurs, procureurs, défenseurs et greffiers) en ont bénéficié. Une partie du module intitulé "Instruments de protection des droits de l'homme" est consacrée à l'étude de la Convention contre la torture;

              b)               Les autres thèmes d'étude ont été conçus de façon à être totalement imprégnés de la philosophie des divers instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme et au droit humanitaire en vigueur en El Salvador. À titre d'exemple, dans les cours sur le droit pénitentiaire destinés aux juges et aux procureurs, dans le cadre de l'analyse des droits du détenu et des interdictions applicables à l'administration pénitentiaire, des renseignements complets sont donnés sur l'interdiction de la torture. De même, dans le cadre des nombreux cours de procédure pénale 18 assurés par l'École de formation judiciaire, dans la partie consacrée à la détention et aux principes fondamentaux régissant le comportement des fonctionnaires ou des agents de police, on étudie notamment la Convention contre la torture 19 ;

              c)               Projetant son action vers l'ensemble de la communauté, l'École de formation judiciaire a étendu progressivement ses services à d'autres groupes : parties à un procès, journalistes, enseignants, universitaires, agents de la police nationale civile, avocats du Service de protection juridique de l'archevêché, membres des forces armées, etc.

197.        Il convient de signaler deux projets lancés cette année par l'École. Le premier projet est la rédaction d'un manuel opérationnel destiné aux élèves de l'Académie nationale de sûreté publique (ANSP), qui donne des instructions précises aux futurs policiers quant à l'interdiction de la torture. Le deuxième projet est le programme IURIS-RED de formation à distance en deux étapes : consultations et tests. La première composante a pour but d'apporter des réponses aux questions que tout intervenant du système judiciaire ou tout membre de la société civile peut se poser sur l'administration de la justice pénale; les tests visent à renforcer l'assimilation de points importants, comme par exemple la force obligatoire des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme dans la législation salvadorienne, les droits des prévenus, les instruments de protection des droits de l'homme, la protection interne et internationale des droits de l'homme.

Institut de médecine légale

198.        De même, l'Institut de médecine légale "Roberto Masferrer" a indiqué que son personnel médical avait participé en 1995 et 1996 aux activités suivantes de formation à la reconnaissance des cas de torture et des séquelles physiques et psychologiques de la torture :

-      Conférence sur les violations des droits de l'homme et les cas de torture en Bosnie, donnée par le docteur Robert Kirschner (États-Unis), expert en médecine légale;
-      Séminaire sur le "Traitement des victimes de la violence organisée", de l'Institut interaméricain des droits de l'homme, à Granada (Nicaragua);
-      Conférence sur la prévention de la torture, donnée par l'expert suédois Ole Vedel Rasmussen, consultant médical extérieur dans le domaine de la prévention de la torture.

Ministère de l'éducation

199.        L'État, par l'intermédiaire du Ministère de l'éducation, a lancé un processus de réforme de l'éducation dont l'une des composantes essentielles est la formation à certaines valeurs morales dans laquelle s'inscrit précisément l'étude des droits de l'homme. Le recours à l'enseignement sous toutes ses formes, scolaire et extra-scolaire, est un élément indispensable de cette réforme.

200.        Parmi les actions entreprises par le Ministère de l'éducation pour promouvoir les droits de l'homme au moyen de l'enseignement, on peut mentionner les activités suivantes :

-      Introduction dans les programmes d'une approche humaniste, constructive et engagée socialement, centrée sur la personne humaine;
-      Intégration dans les matières de base et dans les activités scolaires d'informations sur les droits des êtres humains : droits de l'enfant, de la femme et de l'homme. Ces thèmes figurent également dans les manuels d'enseignement élémentaire de la collection "Colección Cipotes";
-      Élaboration de manuels pédagogiques sur les droits, les devoirs et les libertés des enfants, garçons et filles. Le manuel correspondant aux premier et deuxième cycles de l'éducation de base est intitulé "Faisons valoir nos droits". Celui qui correspond au troisième cycle et au baccalauréat est intitulé "Développons nos droits";

-              Appui dans les classes à la mise en place de la politique nationale en faveur de la femme;

-           Remise aux établissements d'enseignement de matériel pédagogique d'appui à l'éducation dans le domaine des droits de l'homme : lois, conventions et autres documents;
-      Formation des maîtres et des maîtresses de l'enseignement préprimaire, élémentaire et moyen comprenant un cours principal intitulé "Discipline dans la dignité, l'estime de soi et le renforcement des valeurs". Cette formation est dispensée en début d'année et des sessions périodiques de perfectionnement sont organisées tout au long de l'année;
-           Stages à l'intention des maîtres et des maîtresses d'école et des techniciens du Ministère de l'éducation pour actualiser leurs connaissances sur les droits de l'homme;
-      Élaboration du manuel d'enseignement des droits de l'homme;

-               Établissement d'un programme sur les valeurs humaines éthiques et civiques;

-      Publications dans des hebdomadaires d'articles consacrés aux droits de l'homme et aux valeurs humaines.

201.        Le Ministère de l'éducation s'emploie à promouvoir une action continue pour répondre aux besoins humains dans des secteurs traditionnellement défavorisés ou marginalisés. C'est ainsi qu'ont été créés les conseils de direction scolaire et que des fonds ont été affectés aux écoles par l'intermédiaire de bons pour la qualité de l'éducation, ce qui permet d'introduire des pratiques démocratiques dans la société. La participation effective et efficace des citoyens au système d'enseignement scolaire a été l'un des principaux objectifs du Ministère. Le pouvoir de décision, naguère fortement centralisé, est progressivement transféré à la base, c'est-à-dire aux écoles elles‑mêmes qui assurent ainsi une bonne part de leur propre administration. Tout en étant démocratique, cette mesure vise aussi à promouvoir les droits de l'homme.

202.        Nous estimons que le facteur le plus décisif pour la promotion des droits de l'homme à l'école est la réforme des programmes. Les nouvelles méthodes d'enseignement introduites encouragent les attitudes positives comme le dialogue, la compréhension, le débat serein, la tolérance, la solidarité, la discussion de préférence au dogmatisme, la consultation de diverses sources d'information, et en fin de compte toutes les qualités qui construisent une personnalité équilibrée et respectueuse d'autrui. Cette stratégie didactique contribue à créer un climat favorable à la compréhension et à l'exercice des droits de l'homme. Le programme scolaire vise aussi à inculquer aux élèves l'idée que tous les droits vont de pair avec des devoirs et que de cet équilibre dépend le maintien d'une vie sociale harmonieuse.

203.        Il importe aussi de noter que cette action du Ministère de l'éducation en matière de droits de l'homme se fonde sur les principes de la loi générale sur l'éducation et la loi sur la profession d'enseignant 20

Académie nationale de sûreté publique

204.        Afin d'améliorer les capacités de formation de l'Académie de sûreté publique, une politique de rapprochement avec les institutions nationales et internationales s'occupant de droits de l'homme a été menée, en vue de recueillir des informations et d'acquérir des compétences. Cette initiative du Département des sciences humaines était fondée sur les directives de la Direction générale de l'Académie nationale de sûreté publique. C'est ainsi qu'en 1996 a commencé une formation de deux ans sur le thème de la violence au sein de la famille, organisée par l'Institut des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants en Amérique latine (ILANUD). Des réunions bilatérales ont eu lieu également avec l'organisation Radda Barnen sur les droits de l'enfant et le traitement des jeunes délinquants, ainsi que des contacts plus étroits avec la Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme, en vue d'une participation directe à des cours sur la négociation et la gestion de crises.

205.        D'autre part, dans le cadre de l'accord sur la "Formation des forces de police d'Amérique centrale en matière de droits des enfants et des adolescents", conclu entre la Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme, l'Académie nationale de sûreté publique et la Police nationale civile sous l'égide de l'organisation suédoise Radda Barnen, l'Institut salvadorien des droits de l'homme a organisé, conjointement avec les autres partis à cet accord, les activités suivantes :

-           Un stage intitulé "Le rôle de la Police nationale civile dans la protection de l'enfance et de la famille", qui a duré huit semaines, du 23 septembre au 8 novembre 1996, et auquel ont participé 800 policiers (sergents, brigadiers et agents) chargés d'évaluer le Programme de formation pratique policière. Chaque cours a duré cinq jours (40 heures) et, dans le cadre de la question des mineurs en conflit avec la loi pénale (trois heures), on a étudié les articles 2, 11, 12, 13 et 35 de la Constitution politique, l'article 40 de la Convention relative aux droits de l'enfant et la loi relative aux mineurs délinquants;
-           Des cours sur le même sujet, d'une durée de trois jours, qui ont eu lieu en juillet et en août 1997 destinés cette fois à 200 cadres moyens et supérieurs (inspecteurs adjoints et commissaires adjoints de la Police nationale civile);
-           Des cours à l'intention des agents de la police municipale de Nueva San Salvador : la mairie de Nueva San Salvador a demandé que soient organisés au cours des mois de juin et de juillet 1998, quatre cours d'une durée de trois jours chacun auxquels ont participé 77 agents municipaux. Il convient de signaler que la préoccupation des autorités portait sur le traitement des adolescents en conflit avec la loi pénale, du fait de leurs responsabilités en matière de détention des mineurs dans cette région du pays. En effet, le Centre de détention municipal de la zone centrale pour mineurs délinquants relève de cette municipalité.

Article 11

206.        Les articles 241, 242 et 243 du Code de procédure pénale établissent les principes fondamentaux de l'action policière des organes auxiliaires d'administration de la justice, et précisent dans quelles conditions et de quelle façon une personne peut être interrogée.

207.        De manière générale, une personne peut être interrogée à deux occasions :

a)               Au cours de l'enquête : l'interrogatoire est effectué par des agents de la Police nationale civile sous contrôle des services du Procureur général et les personnes interrogées sont :

i)          l'inculpé ou la personne détenue (en cas de flagrant délit ou d'ordonnance de mise en détention administrative ou judiciaire);
ii)          les témoins des faits;
iii)         la victime ou la personne lésée.

En tout état de cause, l'interrogatoire est mené conformément aux dispositions relatives à l'action de la police des articles précités:

b)               Au cours de l'audience publique : l'interrogatoire est mené par les parties et par le juge, conformément à l'article 348 du Code de procédure pénale.

208.        Il convient de noter que les progrès suivants ont été réalisés :

a)               Bien que les aveux extrajudiciaires restent admis, l'article 222 du Code de procédure pénale énonce les diverses conditions requises pour que la déclaration soit valide dans le cadre d'une procédure. Le service du Conseiller juridique de la République vérifie que ces conditions ont bien été observées afin que, le cas échéant, la déclaration puisse être invalidée et les recours pertinents formés;

b)               Des restrictions ont été imposées quant aux déclarations des prévenus. En effet, l'article 242 du Code de procédure pénale dispose qu'avant de questionner un prévenu ou de le soumettre à un interrogatoire, il convient de s'assurer que l'assistance d'un défenseur a été demandée; l'interrogatoire ne doit pas avoir lieu tant que ce défenseur n'a pas été désigné et qu'il n'a pas pu s'entretenir avec le prévenu. Les progrès réalisés dans ce domaine sont intéressants;   toutefois, dans la pratique, le Conseiller juridique de la République apporte son assistance dans les locaux des services du Procureur général, car la Police nationale civile ne demande pas la fourniture d'une telle assistance au siège de la police. Le Conseiller juridique de la République ne dispose pas de moyens extérieurs de contrôle des procédures policières pour ce qui est de la manière dont il est procédé aux arrestations;

c)               En ce qui concerne la détention et le traitement des personnes frappées d'une mesure restrictive de liberté, la loi relative aux établissements pénitentiaires, en son article 40, prévoit que des membres du service du Conseiller juridique de la République soient présents à l'examen de plaintes et de demandes incidentes; cette institution ne joue cependant qu'un rôle limité en raison d'un manque de personnel et d'un budget insuffisant.

209.        La surveillance s'exerce conformément aux dispositions de la Constitution de la République et des lois secondaires ‑ Code pénal, Code de procédure pénale, loi relative aux mineurs délinquants et loi relative aux établissements pénitentiaires.

210.        Les procédures à suivre pour appliquer comme il convient l'article 11 de la Convention sont prévues tant dans des manuels, et dans la loi organique de la Police nationale civile que dans les règlements, qui définissent les méthodes d'action à respecter découlant de la Constitution de la République.

211.        Aux termes des paragraphes 3 et 4 de l'article 193 de la Constitution, le Procureur général de la République a les fonctions suivantes :

"3.        Diriger l'enquête sur l'infraction en collaboration avec la Police nationale civile, dans les formes prescrites par la loi;

4.               Engager des poursuites pénales d'office ou à la demande d'une partie...".

Ces dispositions définissent le rôle central du Procureur général dans la mise en mouvement de l'action pénale ainsi que sa mission de contrôle des opérations de la Police nationale civile, tels qu'établis dans les dispositions de l'article 240 du Code de procédure pénale, aux termes duquel :

              "Coordination de l'enquête :

                Les officiers et agents de police accomplissent leurs fonctions en matière d'enquête sur les faits punissables sous le contrôle des procureurs et exécutent les ordres donnés par ceux‑ci et par les juges.
                Le procureur qui dirige l'enquête peut requérir à tout moment une action de la police ou fixer le délai dans lequel celle‑ci doit s'achever.
                Les officiers et agents de police qui, pour un motif quelconque, ne sont pas en mesure d'exécuter l'ordre donné par le Procureur général de la République ou l'autorité judiciaire en avisent immédiatement l'un ou l'autre, afin qu'il puisse proposer toutes modifications qu'il jugera appropriées.
                Les officiers et agents de police, dans l'exercice de leurs fonctions d'investigation, agissent dans tous les cas sous l'autorité des procureurs, sans préjudice de l'autorité administrative générale dont ils relèvent."

212.        Selon l'article 244 du Code de procédure pénale :

                            "Formalités applicables aux actes de la police

                Les fonctionnaires de police informent le Procureur général de la République, dans un délai maximum de 8 heures, de toutes les infractions portées à leur connaissance et mènent une enquête préliminaire aux fins de réunir ou d'obtenir sans délai des éléments de preuve et d'éviter que les suspects s'enfuient ou se cachent. Dans tous les cas, ils agissent sous l'autorité des procureurs."

213.        Par ailleurs, la Cour suprême de justice a largement contribué à l'application des dispositions de cet article de la Convention par d'autres institutions de la République, telles que la Police nationale civile, le Service du Procureur général ou la Direction générale des centres pénitentiaires. Cet apport s'est traduit concrètement par la création des tribunaux de surveillance pénitentiaire et d'application des peines et la mise en place du Département responsable du transfert des détenus.

214.        Le 13 mai 1997 a été adoptée la loi relative aux établissements pénitentiaires, qui en son article 35 donne aux juges de surveillance pénitentiaire et d'application des peines compétence pour surveiller la mise en œuvre et garantir le strict respect des normes régissant l'exécution des peines et des mesures de sûreté, ainsi que des droits de toute personne privée de liberté, pour quelque motif que ce soit.

215.        Le 23 mars 1998 il a été créé 10 tribunaux de surveillance pénitentiaire qui ont comme objectif, entre autres, d'éviter tout acte de torture, grâce à la mise en place d'un mécanisme souple de régulation appelé plainte judiciaire : "Le détenu qui subit une atteinte directe à ses droits fondamentaux, ou se trouve soumis à une mesure ou à une sanction disciplinaire interdites par la loi peut porter plainte ..." (art. 45 de la loi relative aux établissements pénitentiaires).

216.        Le Département responsable du transfert des détenus, qui s'occupe de conduire les personnes détenues du centre de réclusion au tribunal compétent a commencé à fonctionner le 29 avril 1998. Ce département compte actuellement trois antennes régionales sur le territoire national, à Santa Ana, San Salvador et San Miguel.

217.        Selon l'article 245 du Code de procédure pénale :

              "Sanctions

                Les officiers, agents et auxiliaires de police qui violent les dispositions légales ou réglementaires, omettent d'accomplir un acte relevant de leurs fonctions, en retardent l'exécution ou l'exécutent avec négligence, ou qui n'obéissent pas aux instructions des procureurs seront sanctionnés par les tribunaux ou conformément aux dispositions prévues dans le Règlement de la police.
                Tout manquement à l'un quelconque de ces principes expose les officiers et agents de police aux sanctions disciplinaires correspondantes, sans préjudice de leur responsabilité pénale."

218.               L'autorité compétente pour recevoir les plaintes des prisonniers est le juge de surveillance pénitentiaire et d'application des peines. Suivant la procédure prévue par la loi, lorsqu'il est victime d'une atteinte directe à ses droits fondamentaux, ou qu'il a été soumis à une mesure pénitentiaire ou une sanction disciplinaire interdites par la loi, le détenu dépose une plainte orale ou écrite devant le juge de surveillance pénitentiaire et d'application des peines compétent. Le juge convoque alors une audience orale à laquelle assistent le détenu auteur de la plainte, le Procureur et un avocat chargé d'assurer la défense des droits fondamentaux du détenu; l'affaire est réglée au cours de cette même audience. Celle‑ci peut avoir lieu aussi bien au tribunal qu'au centre de détention où se trouve le détenu.

Interrogatoires effectués par les services du Ministère de la défense nationale

219.        El Salvador a signé et ratifié les Conventions de Genève d'août 1949 ainsi que ses Protocoles additionnels de 1977, qui font désormais partie des lois de la République. De ce fait, en cas de conflit armé, et s'il s'avère nécessaire de procéder à des interrogatoires, ceux‑ci seront réalisés dans le respect des principes énoncés dans ces instruments.

220.        En ce qui concerne les interrogatoires effectués au cours de procès purement militaires, le prévenu jouit de toutes les garanties d'une procédure régulière.

Mesures adoptées pour la mise en place d'une surveillance systématique au sein de la Police nationale civile

221.        La Police nationale civile, en tant qu'organe collaborant toujours à l'enquête sur l'infraction, se trouve directement en contact, dans le cadre du déroulement de ses activités, avec les suspects, les témoins, les experts, etc. C'est pourquoi des mécanismes juridiques et institutionnels ont été introduits dans les normes pertinentes de façon à exercer en permanence un contrôle sur les activités des membres de cette force de police, afin d'éliminer les actes qui, comme la torture, n'ont pas leur place en République d'El Salvador et d'en poursuivre les auteurs.

222.        À ce propos, il convient de citer l'article 8 de la loi organique de la Police nationale civile, aux termes de laquelle :

                "Art. 8. L'Inspection générale de la police est placée sous l'autorité du Ministre de la sécurité publique. Elle est chargée de surveiller et de contrôler les activités des services administratifs ou opérationnels de la police, ainsi que tout ce qui a trait aux droits de l'homme. L'Inspecteur général est nommé par le Ministre de la sécurité publique, sous réserve de l'approbation du Procureur général de la République et du Procureur délégué à la défense des droits de l'homme. L'Inspecteur général rend compte au Ministre de la sécurité publique de ses activités, qu'il mène conformément à la présente loi. Le Ministre transmet ce rapport assorti de recommandations au Directeur général.
                 L'Inspecteur général remet au Procureur délégué à la défense des droits de l'homme un rapport ordinaire tous les six mois et un rapport extraordinaire chaque fois que ce fonctionnaire en fait la demande."

223.        Selon le paragraphe 4 de l'article 10 de la loi organique de la Police nationale civile :

                "Sont placés sous l'autorité du Directeur général de la Police nationale civile, le Groupe de contrôle qui a pour mission de contrôler tous les services de la police, et le Groupe d'enquête disciplinaire qui est chargé d'enquêter sur les fautes graves commises par des fonctionnaires de police."

224.        Selon le paragraphe 4 de l'article 25 de la loi organique de la Police nationale civile :

                 "Art. 25. L'exercice de la fonction de policier est soumise au code de conduite suivant :
            4.        Aucun membre de la Police nationale civile ne peut infliger, encourager ou tolérer aucun acte de torture ou autre peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant; de plus, il ne peut invoquer l'ordre d'un supérieur ou des circonstances spéciales telles que l'état de guerre ou la menace de guerre, la menace pour la sécurité nationale, l'instabilité politique interne ou tout autre danger public pour justifier la torture ou d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants."

225.        Selon l'article 5 du Règlement disciplinaire de la Police nationale civile :

            "Art. 5. Le tribunal disciplinaire connaît des fautes graves et des fautes très graves et il impose le cas échéant les sanctions prescrites par la loi et les règlements applicables."

226.        Selon le paragraphe 4 de l'article 7 du Règlement disciplinaire de la Police nationale civile :

              "Sont considérées comme des fautes très graves :

            4.      L'abus de pouvoir et le fait d'infliger des traitements inhumains, dégradants, discriminatoires ou vexatoires à des collègues ou des subordonnés, ainsi qu'à des personnes en détention ou en garde à vue."

Mesures adoptées pour la mise en place d'une surveillance systématique du Service du Procureur général de la République

227.        Le Service du Procureur général de la République est l'institution chargée de diriger l'enquête sur les infractions et se trouve de ce fait directement en contact avec entre autres, les prévenus, les témoins, les experts, etc. Le Code de procédure pénale prévoit l'exercice d'un contrôle judiciaire sur les actions des membres de cette institution au cours des premiers actes d'instruction et de l'engagement des procédures afin d'éliminer les actes qui, comme la torture, n'ont pas leur place en République d'El Salvador et d'en poursuivre les auteurs. Ainsi, le paragraphe 1 de l'article 55 contient les dispositions suivantes :

              "[Tribunaux d'instance]

              Art. 55. Les tribunaux d'instance sont chargés :

              1.               Du contrôle des premiers actes d'instruction et de la première comparution."

228.        Le premier alinéa de l'article 268 du Code de procédure pénale dispose ce qui suit :

              "[Participation du Service du Procureur général de la République]

            Art. 268. Le procureur peut examiner à tout moment les pièces du dossier. Il exécute les actes d'investigation demandés par le juge d'instruction mais peut toutefois entreprendre de son propre chef toute investigation utile pour étayer l'accusation. Il agit toujours sous le contrôle d'un juge et, si celui‑ci exprime son intention d'assister à un acte, il en est avisé par écrit; toutefois l'acte ne sera ni suspendu ni ajourné du fait de l'absence du juge."

Mesures adoptées pour la mise en place d'une surveillance systématique des autorités judiciaires

229.        Le principe de la publicité des débats lors d'une procédure pénale est un moyen de permettre au public de contrôler l'administration de la justice et d'y participer. Il s'agit d'un mécanisme de surveillance diffus permettant au citoyen d'exercer un droit de regard sur les activités judiciaires, comme l'interrogatoire de prévenus, de témoins ou d'experts; l'inclusion de ce principe dans les règles de procédure pénale répond en partie à l'idée que la responsabilité de l'autorité judiciaire doit dépendre d'un contrôle des citoyens, puisque les particuliers sont les dépositaires théoriques de la souveraineté de l'État salvadorien. Ce n'est qu'exceptionnellement que les débats ont lieu en partie ou totalement à huis clos. À ce propos, le premier alinéa de l'article 272 du Code de procédure pénale dispose ce qui suit :

              "Publicité des actes de procédure

            Art. 272. En règle générale, les actes de la procédure pénale sont publics. Toutefois, le juge peut ordonner par décision motivée le huis clos partiel ou total lorsque la morale, l'intérêt général ou la sécurité nationale l'exigent ou qu'une disposition spécifique le prévoit."

230.        Le premier alinéa de l'article 327 du Code de procédure pénale dispose ce qui suit :

              "Publicité des débats

            Art. 327. L'audience est publique. Toutefois, le tribunal peut ordonner, soit d'office, soit à la demande d'une partie, le huis clos partiel ou total lorsque la morale, l'intérêt général ou la sécurité nationale l'exigent, ou qu'une disposition spécifique le prévoit."

Mesures adoptées pour la mise en place d'une surveillance systématique de la Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme

231.        Dans le cadre de son mandat, la Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme a pour fonction spécifique de vérifier les conditions de détention dans les prisons, la législation obligeant les organes auxiliaires d'administration de la justice à lui faire rapport sur les détenus et sur la situation en général des personnes privées de liberté. Aux termes de la Constitution de la République :

            Article 194, titre I, paragraphe 5 : "Le Procureur délégué à la défense des droits de l'homme et le Conseiller juridique de la République ont les fonctions suivantes :
            5.      Surveiller la situation des personnes privées de liberté. Ils doivent être informés de toute arrestation et veillent à ce que la durée légale de la détention administrative soit respectée..."

232.        Aux termes du Règlement relatif aux fonctions du système de protection des droits de l'homme :

            Article 56 c) : "Le chef du Département de vérification et d'observation préventive est chargé des tâches suivantes :
c)      Assurer la mise à jour et l'utilisation effective du Registre informatisé des détenus."

233.        Aux termes du Règlement relatif aux procédures du système de protection des droits de l'homme :

Article 8 e) : "Le Procureur a conformément à la Constitution la tâche suivante :
e)      Surveiller la situation des personnes privées de liberté. Il doit être informé de toute arrestation et veille à ce que soit respectée la durée légale de la détention administrative."
Article 75 b) : "Parmi les différentes situations justifiant une surveillance préventive des droits de l'homme, le Département de vérification et d'observation préventive et les délégués départementaux s'attacheront en particulier à :
b)      La situation des détenus dans les centres de détention et de réclusion."
Article 82 : "Le contrôle des centres de réclusion et de détention s'effectue conformément au manuel correspondant et aux directives émanant du Bureau du Procureur adjoint."

234.        La bonne exécution des missions des centres de réclusion et de détention dans les différents départements relève de la compétence des délégués départementaux.

235.        Par ailleurs, le traitement inhumain des détenus constitue également une atteinte au droit à l'intégrité de la personne. Sept plaintes ont été déposées pour des faits de cet ordre au cours de l'année 1996, impliquant des agents de diverses institutions publiques. En 1998, en revanche, il n'y a eu qu'une seule procédure pour des faits de cette nature.

236.        La Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme tient un registre centralisé des personnes en détention ou en réclusion dans tout le pays. Les données présentées dans le tableau ci‑après sont extraites des rapports de 1995, 1996 et 1997 sur l'évolution de la situation des droits de l'homme en El Salvador.


Centres de détention

Population carcérale

1995

1996

1997

Hommes

Femmes

La Esperanza

2 250

n.d.

1 836

Santa Ana

876

n.d.

615

12

San Vicente

794

n.d.

750

Atiquizaya

252

n.d.

169

Sonsonate

666

n.d.

345

14

Quezaltepeque

640

n.d.

428

Chalatenango

283

n.d.

356

35

Hobasco

81

n.d.

244

Sensuntepeque

296

n.d.

302

1

Cojutepeque

131

n.d.

401

Ilopango (pour femmes)

316

n.d.

364

San Miguel

469

n.d.

353

49

Usulután

288

n.d.

277

1

Jucuapa

109

n.d.

156

La Unión

212

n.d.

175

San Francisco Gotera

308

n.d.

341

Metapán

n.d.

n.d.

142

Apanteos

n.d.

n.d.

1 751

Berlín (pour femmes)

n.d.

n.d.

26

 

237.        En ce qui concerne les principes établis dans l'Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus, on trouvera à l'annexe 9 un document intitulé : "Résumé d'une étude analytique du système pénitentiaire d'El Salvador au regard de l'Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus".

Article 12

238.        Le nouveau Code de procédure pénale, en vigueur depuis le 20 avril 1998, prévoit que la phase d'instruction commence par une série d'actes de procédure constituant le moyen de communication au système pénal d'informations sur tout acte punissable, en l'espèce la torture, ce qui permet à l'État d'exercer son pouvoir de sanction en ouvrant une enquête sur les faits. L'appellation générique de "premiers actes d'instruction" désigne la dénonciation, la plainte pénale, la procédure d'office et l'imputation du fait.

239.        Selon l'ancien code, le juge avait toute latitude pour entamer une procédure pénale, à la suite d'une plainte, d'une inculpation ou d'office; cela montre l'importance des pouvoirs dont jouissaient les juges autrefois, ce qui n'est pas compatible avec l'idée que la procédure pénale doit être "un instrument de la justice donnant à l'inculpé la possibilité de démontrer son innocence; l'impartialité totale suppose que dans une procédure le juge n'ait pas tout pouvoir et si cette procédure vise à sauvegarder des intérêts publics directement menacés que les parties n'aient pas non plus tout pouvoir. Il est nécessaire d'appliquer le principe de la séparation des pouvoirs, d'où découlent des garanties précieuses, de sorte que les trois acteurs du procès : l'accusateur, le juge et l'inculpé aient chacun leur rôle à jouer" 21 .

240.        Il ressort de ces considérations qu'un juge ne peut entamer une procédure pour une infraction entraînant la mise en mouvement de l'action publique ni sur la base d'une dénonciation, ou d'une plainte, ni d'office. Si de tels éléments lui sont présentés, il se contentera de recueillir l'information et de la transmettre au Service du Procureur général de la République pour qu'il procède à une enquête administrative sur les faits allégués 22 . On observe ainsi un autre changement : l'intervention de l'élément judiciaire dès le stade de l'enquête. Il appartiendra ensuite au procureur de présenter la réquisition correspondante, sauf s'il s'est avéré matériellement impossible d'identifier la personne en cause ou d'imputer le fait faisant l'objet de l'enquête à une personne donnée, auquel cas le dossier sera classé 23 .

241.               L'engagement de poursuites pénales fait partie du mandat constitutionnel du Procureur général de la République (art. 193, par. 3 et 4). Par l'intermédiaire de la Police nationale civile, une enquête est ouverte sur toute infraction, et notamment les actes de torture, dès que les faits ont été signalés par la voie officielle ( Noticia Criminis ) ou officieuse. Les premiers actes d'investigation consistent à recueillir les informations pertinentes et les indices qui amèneront le procureur à mettre en mouvement l'action publique, ce qu'il fait concrètement en présentant la réquisition, première étape du processus juridictionnel dans lequel les tribunaux sont chargés de contrôler le respect des garanties constitutionnelles et le procureur d'apporter la preuve.

242.        En conclusion, cette phase de la procédure est organisée de manière à éviter aussi bien l'écueil du retard que celui de la précipitation. L'ouverture tardive d'une enquête peut engendrer un sentiment d'insécurité et d'impunité, s'il s'avère impossible d'appliquer la loi pénale au coupable, contrairement aux attentes de la société. D'un autre côté, une enquête anarchique risque de porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne poursuivie.

243.        Le 10 juin 1996 la Constitution de la République a été modifiée afin d'étendre la portée de la procédure constitutionnelle d' habeas corpus 24 . Selon cet amendement qui figure au deuxième alinéa de l'article 11 :

 

"Toute personne a droit à l' habeas corpus lorsqu'un individu ou une autorité quelconque restreint illégalement ou arbitrairement sa liberté. Habeas corpus s'applique également quand une autorité, quelle qu'elle soit, porte atteinte à la dignité ou à l'intégrité physique, mentale ou morale des personnes détenues."

La fin du texte cité ci‑dessus consacre le principe de l' habeas corpus correctif, qui vise à empêcher que des tortures ou des mauvais traitements soient infligés aux détenus. Il peut également être invoqué contre les transferts arbitraires de détenus.

244.        Les articles 40 et 57 de la loi relative aux procédures constitutionnelles se réfèrent aussi dans une certaine mesure à ce type d' habeas corpus .

245.               L' habeas corpus a été considéré dans le droit salvadorien comme la garantie essentielle des droits de l'individu 25 et il s'inscrit dans une longue tradition constitutionnelle, qui malheureusement n'a dans une large mesure qu'un caractère historique et théorique. On trouve néanmoins dans la jurisprudence nationale deux décisions en la matière qui méritent d'être commentées, car elles démontrent que l' habeas corpus correctif est appliqué dans le pays :

              a)               Première affaire : Alfonso Hércules Morán c. deuxième tribunal pénal de San Salvador , le 29 août 1995. La Chambre constitutionnelle a étendu l'inadmissibilité d'une preuve obtenue au moyen de la torture par la brigade de lutte contre le trafic de stupéfiants aux éléments de preuve obtenus d'autres suspects.

              b)               Deuxième affaire : Zulma del Rosario Hernández Avalos c. deuxième tribunal pénal de San Miguel , le 15 juillet 1996. La Chambre a déclaré qu'un condamné peut invoquer l' habeas corpus lorsqu'il s'agit d'un habeas corpus à visée corrective.

246.        Dans les cas concernant des membres des forces armées salvadoriennes, si celles‑ci ont connaissance d'actes de torture, la justice militaire défère le militaire mis en cause devant une juridiction de droit commun pour qu'elle le juge.

Article 13

247.        Une dénonciation, acte verbal ou écrit par lequel une personne porte à la connaissance des autorités ce qu'elle sait sur la perpétration de tout délit entraînant la mise en mouvement de l'action publique, peut être faite dans les cas de torture.

248.        Les premiers actes de la procédure pénale de droit commun applicables aux cas de torture sont les actes qui ouvrent l'instruction, à savoir la dénonciation ou la plainte auprès de la Police nationale civile, du Service du Procureur général de la République ou du tribunal d'instance, ainsi que les premiers actes d'investigation accomplis par la police. Une procédure pénale de droit commun peut être engagée à la suite :

              a)               D'une dénonciation;

              b)               D'informations concernant un fait punissable portées à la connaissance des services du Procureur général de la République, par tout moyen digne de foi;

              c)               D'une initiative de la Police nationale civile, en vertu de l'article 239 du Code de procédure pénale;

              d)               D'une déclaration volontaire, de la personne accusée d'une infraction, en vertu de l'article 236 du Code de procédure pénale.

249.        Selon l'article 229 du Code de procédure pénale, la dénonciation est une déclaration faite oralement ou par écrit par un particulier aux autorités pour les informer de faits dont il a connaissance constitutif d'un délit entraînant la mise en mouvement de l'action publique, y compris les cas de torture :

"[Dénonciation]
Article 229 : Toute personne assistant à la commission d'un délit entraînant la mise en mouvement de l'action publique, doit porter immédiatement le fait à la connaissance des services du Procureur général de la République, de la police ou du tribunal d'instance du lieu. Lorsque l'information émane de communiqués de presse ou de rapports, la dénonciation est facultative.
S'il s'agit d'une infraction relevant d'une juridiction particulière, aucune procédure ne peut être entamée sans la participation de celle‑ci, à l'exception des actes d'investigation urgents."

250.        Chacun est tenu de dénoncer les délits entraînant la mise en mouvement de l'action publique, tels les cas de torture. Toutefois, la non‑dénonciation n'entraîne aucune conséquence spéciale pour les personnes sans qualité particulière. En vertu de l'article 232 du Code de procédure pénale, sont tenus à la dénonciation : les fonctionnaires qui ont connaissance d'abus d'autorité; les médecins, pharmaciens, infirmiers et assimilés qui, dans l'exercice de leur profession, ont connaissance de faits de cette nature; et les personnes représentant des institutions ou des personnes, lorsque le délit est commis au sein de ces institutions.

"Obligation de dénoncer. Exceptions
Article 232 : Sont tenus de dénoncer les délits entraînant la mise en mouvement de l'action publique :
1)        Les fonctionnaires qui en ont connaissance dans l'exercice de leurs fonctions. Ils doivent également dénoncer les abus d'autorité commis par des fonctionnaires ou des employés soumis à leur autorité; faute de le faire en temps utile, leur responsabilité pénale sera engagée;
2)        Les médecins, pharmaciens, infirmiers et autres personnes exerçant des professions dans le domaine de la santé, à moins que les faits dont ils ont connaissance soient protégés par le secret professionnel;
3)        Les personnes qui, en vertu de la loi d'une décision de l'autorité publique ou d'un acte juridique ont à leur charge la direction, l'administration, la surveillance ou le contrôle de biens ou d'intérêts d'une institution, ou d'une personne physique ou morale, lorsque l'infraction est commise au détriment de celle‑ci ou de la masse des biens ou des avoirs qui leur ont été confiés, sous réserve qu'elles en aient eu connaissance à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions, sauf si l'infraction en question n'a pas d'incidence grave sur les biens en question.
Dans tous ces cas, la dénonciation n'est pas obligatoire si l'intéressé risque raisonnablement de voir engager des poursuites pénales contre lui‑même, son conjoint ou ses ascendants, descendants, ou frères et sœurs ou contre la personne qui partage sa vie ou avec qui il cohabite."

251.        Le fait de ne pas dénoncer une infraction de ce type engage la responsabilité pénale des personnes visées pour "non-dénonciation", délit défini à l'article 312 du Code pénal.

252.        Les infractions telles que la torture peuvent être dénoncées à la Police nationale civile, au Procureur général de la République, ou au tribunal d'instance. Aux termes du Code de procédure pénale :

"Fonctions de la police judiciaire

Article 239 : La police, soit de sa propre initiative, soit à la suite d'une plainte ou sur ordre du Procureur, enquête sur les délits entraînant la mise en mouvement de l'action publique, veille à ce que les actes commis n'aient pas d'effets ultérieurs, identifie et appréhende les auteurs de l'acte et leurs complices, recueille les preuves et autres éléments d'information nécessaires pour fonder l'accusation ou le non‑lieu."

253.               Lorsque la plainte est déposée auprès du Procureur général de la République, celui‑ci fait en sorte que le délit ne produise pas d'autres effets, conformément au premier alinéa de l'article 238 du Code de procédure pénale, ainsi libellé :

"Enquête préliminaire

Article 238 : Dès que le Procureur général de la République a connaissance d'un fait punissable, soit à la suite d'une plainte, soit par tout autre moyen probant, il met tout en œuvre pour empêcher que se produisent d'autres effets et fait procéder à une enquête, sauf dans les cas d'exception prévus par le présent Code ou par la loi."

254.               Lorsque la plainte est déposée auprès du tribunal d'instance, celui-ci doit immédiatement aviser le Procureur général de la République conformément à l'article 237 du Code de procédure pénale.

255.        En ce qui concerne la protection et l'aide accordées aux victimes et aux témoins dans les cas de torture, au cours des premiers actes d'investigation, la Police nationale civile veille à ce que les faits incriminés ne continuent pas à produire d'effets en assurant une protection et une assistance aux victimes et aux témoins d'actes de torture ou de tout autre acte criminel, en vertu de l'article 239 du Code de procédure pénale. En outre, conformément aux paragraphes 1 et 11 de l'article 241 du Code de procédure pénale, la Police nationale civile doit, durant les premiers actes d'investigation, l'instruction et les audiences, recevoir les plaintes, porter assistance aux victimes et protéger les témoins.

"Attributions et obligations

Article 241 : Les officiers et agents de police ont les attributions et les obligations suivantes :
I.      Recevoir les plaintes;
XI.      Aider les victimes et protéger les témoins."

256.        Il faut préciser que ni les premiers actes d'investigation 26 , ni l' habeas corpus correctif 27 ne sont prévus exclusivement pour le crime de torture 28 , mais qu'ils s'appliquent également dans le cas de tout autre acte punissable qui porte atteinte ou menace de porter atteinte à des intérêts légitimes juridiquement protégés. En ce qui concerne les témoins, la législation nationale prévoit la protection des témoins et des victimes en général, et pas uniquement dans les affaires de torture 29 .

257.        Le Conseiller juridique de la République fournit une aide juridictionnelle pour le dépôt de plainte et autres requêtes devant les tribunaux aux fins de sanctionner les personnes impliquées dans ces violations, et si nécessaire informe le Procureur général qu'une infraction pénale a été commise.

258.        Il existe au sein des forces armées salvadoriennes un département des droits de l'homme qui veille spécifiquement au respect des droits de l'homme de ses membres. Ce service est chargé de prendre les mesures nécessaires pour protéger les personnes impliquées dans des plaintes pour violation des droits de l'homme au sein des forces armées ou qu'il s'agisse de plaintes de particuliers contre des membres de l'armée ou de membres de l'armée contre des particuliers.

259.        La Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme est un organe auquel tout particulier peut s'adresser pour dénoncer des atteintes à ses droits. Les faits allégués sont évalués, font l'objet d'une enquête, et s'ils sont avérés, des recommandations sont formulées à l'intention des institutions responsables de ces violations. Ce mandat est renforcé par la loi relative à la Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme (PDDH), aux paragraphes 1 et 2 de son article 11, en vertu desquels la Procurature est tenue de protéger les droits de l'homme et d'enquêter sur les plaintes qu'elle reçoit.

260.        L'un des points importants à signaler est que la Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme est habilitée par la loi à ouvrir une enquête d'office dans les cas de violation présumée des droits de l'homme. Cela permet d'enquêter sur les atteintes à l'intégrité de la personne (torture, mauvais traitements, etc.) rapidement et de manière impartiale 30 .

261.        La loi relative à la Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme prévoit en ses articles 24 et 25 :

              "Article 24. Toute personne peut dénoncer des violations présumées des droits de l'homme.

Ces allégations sont adressées au secrétariat général de la Procurature ou à ses délégations départementales ou locales. Elles peuvent aussi être soumises à des fonctionnaires représentant le Procureur délégué à la défense des droits de l'homme ou toute autre personne désignée à cette fin.
            Article 25. L'allégation peut être formulée par écrit, oralement ou par tout autre moyen de communication, et doit pour être recevable contenir les éléments suivants :
1)      Nom et coordonnées du plaignant;
2)         Description des faits, en précisant si possible la forme, la date et le lieu de la violation alléguée;
3)         Dans la mesure du possible, nom de la victime, des auteurs ou complices présumés du fait, des témoins ou des personnes pouvant apporter des informations sur les circonstances dans lesquelles l'acte a été commis;
4)      Tout autre élément ou indice pouvant contribuer à éclairer les faits allégués.
La Procurature doit fournir toutes facilités pour que les allégations remplissent les conditions fixées dans le présent article."

262.        La Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme a en outre l'obligation de fournir une assistance aux victimes de violations des droits de l'homme; il existe un programme de protection à l'intention des témoins, des familles et des victimes, dont l'application est coordonnée avec des organisations et des gouvernements étrangers.

 

Article 14

263.        La Constitution contient de nombreuses dispositions relatives à la victime et à son droit à réparation et indemnisation. C'est ainsi qu'est prévue l'indemnisation pour dommages moraux 31 . Est également prévue l'indemnisation pour retard dans l'administration de la justice 32 . La violation de domicile donne aussi droit à indemnisation pour les dommages et préjudices occasionnés 33 .  Enfin, selon l'article 245 de la Constitution de la République : "Les fonctionnaires et agents publics sont personnellement responsables, et l'État est subsidiairement responsable, des dommages matériels ou moraux occasionnés par suite de violation des droits consacrés dans la présente Constitution". De même , l'article 9 5) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et l'article 10 de la Convention américaine relative aux droits de l'homme, qui sont des traités internationaux sur les droits de l'homme ayant force de loi en El Salvador, établissent le droit de la victime à réparation et à indemnisation.

264.        Comme on peut le voir, les dispositions précitées ne se réfèrent pas spécifiquement à la victime d'un acte de torture; c'est pourquoi, il est nécessaire de se reporter à la législation pénale salvadorienne, qui contient des dispositions spécifiques, puisque, rappelons-le, la torture est une infraction au regard du droit salvadorien 34 et en tant que telle, entraîne, outre une peine, une responsabilité civile. Ainsi que l'indique l'article 116 du Code pénal : "Toute personne pénalement responsable d'une infraction ou d'une faute, l'est également civilement, si du fait en cause résultent des dommages ou des préjudices moraux ou matériels".

265.        Le dommage résultant de l'infraction constitue le fondement de la responsabilité civile et l'"action en dommages et intérêts" est régie par l'article 115 du Code pénal aux termes duquel :

"Les effets civils du délit, qui seront indiqués dans le jugement, comprennent :

1)         La restitution de la chose acquise en conséquence de la commission de l'acte punissable ou, à défaut, le versement d'une somme correspondant à sa valeur;
2)         La réparation du dommage causé;
3)        L'indemnisation de la victime ou de sa famille pour le préjudice causé par les dommages matériels ou moraux, et
4)         Le paiement des dépens.
Chaque fois que c'est possible, la restitution de la chose sera assortie du versement d'une certaine somme pour tenir compte de la dépréciation ou des dommages éventuels, suivant la décision du tribunal. La restitution est exigible même si la chose se trouve aux mains d'un tiers et que ce dernier l'a acquise par des moyens légaux, sans préjudice de son droit de recours contre la personne responsable et, dans ce cas, de son droit d'être indemnisé par l'auteur du délit ou de la faute.
La réparation du dommage se fait en fonction de l'évaluation par le juge ou le tribunal de l'étendue du dommage causé compte tenu de la valeur marchande de l'objet et du préjudice personnel pour la victime.
L'indemnisation couvre non seulement le préjudice causé à la victime, mais aussi celui qui en résulte pour les membres de sa famille ou pour des tiers. Le montant est déterminé compte tenu de l'étendue du préjudice et des besoins de la victime en fonction de son âge, de sa situation et de sa capacité de travail ainsi que des avantages procurés par la commission du délit."

266.        Il convient de noter que l'article précité ne prévoit pas, comme effet civil du délit, la réadaptation de la victime en tant qu'élément essentiel d'une indemnisation juste et adéquate. Un autre élément à considérer est le mécanisme juridique permettant de donner réellement effet à l'action civile.

267.        La procédure pénale salvadorienne repose essentiellement sur le principe de l'indissociabilité ou la jonction obligatoire des actions pénale et civile, mais cette usurpation des intérêts et de la volonté de la victime des dommages est compensée par le fait que les deux actions doivent être exercées conjointement dans le cadre d'une seule procédure, laquelle est engagée par l'État par l'intermédiaire de l'organe requérant 35 . En règle générale, l'organe responsable de l'action civile est le ministère public représenté par le Procureur général de la République, qui doit intenter une action civile dans tous les cas d'infractions entraînant la mise en mouvement de l'action pénale publique 36 .

268.        Selon l'article 52 ch) du Règlement d'application de la loi relative à la Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme :

"Lorsqu'il a réuni des éléments d'information suffisants et estimé que la violation des droits de l'homme est établie, le Procureur délégué à la défense des droits de l'homme ordonne que soit rédigé un rapport présentant les faits et les conclusions, et d'autre part :
ch)      recommande l'indemnisation de la victime, ou si celle‑ci est décédée, de sa famille;".

269.        Dans les cas où la responsabilité d'un fonctionnaire dans des violations du droit à l'intégrité de la personne a été établie, la Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme prend ses décisions conformément au principe du droit à réparation et indemnisation. Les dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ont été prises en compte dans les dispositions consacrant ce principe, tant dans la loi relative à la Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme que dans son règlement d'application.

270.        Aucune des décisions de la Procurature ne fait mention de la responsabilité subsidiaire qui incombe à l'État d'indemniser les victimes d'atteintes au droit à l'intégrité de la personne et il ne semble pas non plus que ce soit la pratique dans d'autres domaines de la vie publique.

271.        Malgré tous les progrès réalisés, il n'a pas encore été élaboré de législation relative à la réadaptation des victimes d'infractions en général et de torture ou d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en particulier. Il existe un certain nombre de programmes de protection des victimes de violences familiales ou de sévices sexuels, ou encore de maltraitance dans le cas de mineurs, mais il s'agit là de programmes séparés en faveur de groupes spécifiques dans des cas très spéciaux, et il n'existe pas de politique nationale en matière de traitement des victimes d'infractions.

Article 15

272.               L'article 11 de la Constitution d'El Salvador garantit le principe du droit à un procès et établit les règles d'une procédure régulière. L'une des règles fondamentales en la matière est celle de la légalité des moyens d'obtention des preuves, qui est énoncée aux articles 15, 162 et 176 du Code de procédure pénale; selon les deuxième et troisième alinéas de l'article 15 :

"Aucune validité n'est reconnue aux éléments de preuve tirés d'informations obtenues selon une procédure ou par des moyens illicites.
Toute forme de torture, de mauvais traitement, de contrainte, de menace, de tromperie et tout autre moyen diminuant ou annihilant la volonté ou portant atteinte aux droits fondamentaux d'une personne sont interdits."

273.        Les articles cités prévoient un contrôle juridictionnel de l'obtention des moyens de preuve utilisés au cours des procès. De même, l'article 243, paragraphe 3, du Code de procédure pénale interdit toute forme d'atteinte à l'intégrité physique et morale des personnes, dans le cadre des procédures policières. Tout acte de procédure administrative ou judiciaire contraire aux principes susmentionnés est frappé de nullité absolue 37 .

274.        De même, le règlement disciplinaire de la Police nationale civile sanctionne tous les comportements répréhensibles, et notamment ceux qui sont liés à la torture, en particulier au titre III (Des fautes), chapitre I (Des fautes très graves), article 7, paragraphe 4 selon lequel : "Quiconque abuse de son autorité et inflige des traitements inhumains, dégradants, discriminatoires ou vexatoires à des collègues ou des subalternes, ainsi qu'à des personnes se trouvant sous sa garde, se verra appliquer la sanction prévue par la loi".

275.        Le Service du Conseiller juridique de la République, par l'intermédiaire de son Département de l'aide juridictionnelle, doit fournir une assistance juridique à toute personne qui en fait la demande; les fonctionnaires publics qui assurent la défense veillent à l'application régulière de la loi.

276.        La légalité de la preuve et le comportement de la police sont les deux points préliminaires sur lesquels porte la défense technique. Dans le cas où s'est produite l'une des violations envisagées dans la Convention, le défenseur est tenu d'invoquer les exceptions et les nullités pertinentes.

277.        Le Département de l'aide juridictionnelle s'efforce de donner aux défenseurs publics une formation en matière de garanties constitutionnelles et de droits de l'homme en concluant divers accords en ce sens, notamment avec l'École de formation judiciaire.

278.        Le Service du Conseiller juridique de la République fournit une assistance juridique aux victimes (personnes mises en cause) afin qu'elles connaissent leurs droits, notamment celui de porter plainte auprès du Procureur délégué à la défense des droits de l'homme et du Procureur général de la République.

279.        Dans les procédures judiciaires purement militaires, le droit à une procédure régulière est garanti par le fait que la preuve doit être obtenue et versée au dossier par des moyens légaux pour pouvoir être admissible, qu'elle soit à charge ou à décharge.

280.        Au cours de ses enquêtes menées par la Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme, aucun document signé sous la torture par des personnes détenues par la Police nationale civile n'a été mis au jour.

Article 16

281.        Aux termes du deuxième alinéa de l'article 27 de la Constitution de la République :

"Sont interdits la prison pour dettes, les peines perpétuelles et infamantes, le bannissement et toutes les formes de torture."

282.        Le système juridique salvadorien sanctionne les actes, tels les traitements cruels, qualifiés pénalement d'"actes arbitraires" : "Le fonctionnaire, l'agent de l'État ou le responsable d'un service public qui, dans l'exercice de ses fonctions, accomplit un acte illégal ou arbitraire, commet des attentes à la personne, ou des délits contre les biens ou recourt à des moyens de contrainte illégaux ou inutiles pour l'accomplissement de ses fonctions ou du service, ou permet que de tels actes soient commis par un tiers sera puni de deux à quatre ans d'emprisonnement et d'une interdiction spécifique d'exercer les fonctions considérées de même durée" 38 .

283.        La loi relative aux établissements pénitentiaires précise ces dispositions, en établissant en son article 5 le principe de l'humanité et de l'égalité des peines, comme suit : "Le recours à la torture et à des actes ou à des procédés vexatoires dans l'exécution des peines est absolument interdit". Le bureau de surveillance pénitentiaire a été créé pour assurer le strict contrôle de cette règle; il veille à la bonne application des règlements pénitentiaires 39 .

284.        Il convient de souligner le travail accompli par une nouvelle institution d'El Salvador qui veille à la légalité de l'application des peines non privatives de liberté (assignation à résidence, détention limitée au week‑end, travaux d'utilité publique, etc.) et des peines autres que l'emprisonnement (liberté conditionnelle, sursis, etc.). Il s'agit du Département de la mise à l'épreuve et de la liberté surveillée, dont relèvent toutes les personnes frappées des peines indiquées ou en liberté surveillée et qui veille au respect des conditions établies et à la réinsertion des personnes en cause 40 .

285.               L'article 8 de la loi relative aux établissements pénitentiaires établit le principe de l'entrave minimale : "Les mesures disciplinaires ne doivent pas consister en restrictions autres que celles qui sont strictement nécessaires pour préserver l'harmonie, la sécurité et de bonnes conditions à l'intérieur du centre. Elles ne sont pas appliquées lorsque l'avertissement personnel suffit". À propos des règles d'application des mesures disciplinaires, le même texte précise que ces mesures doivent être appliquées d'une manière qui ne porte pas atteinte à la santé et à la dignité des détenus. Sont interdites les mesures disciplinaires comportant des châtiments corporels tels que la mise au cachot ou toute autre peine cruelle, inhumaine ou dégradante (art. 128).

286.        L'article 9 de la loi relative aux établissements pénitentiaires énonce les droits des détenus, notamment leur droit d'être traités avec dignité, en toutes circonstances, et donc de ne pas être soumis à des traitements dégradants.

287.        En 1996, la Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme a rendu au total 11 décisions concernant des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ou des traitements inhumains infligés à des détenus; en 1997, elle n'a pris qu'une seule décision et en 1998, elle n'a rendu qu'une seule décision concernant de telles violations. La Procurature exerce une surveillance systématique sur la situation des personnes soumises à la détention.

288.        Dans certaines des affaires qu'elle a examinées, la Procurature a constaté l'existence de pratiques isolées telles que des brutalités de la part des gardiens ou le placement de détenus à l'isolement cellulaire; il est apparu clairement cependant que les autorités pénitentiaires étaient déterminées à éliminer progressivement ces pratiques.

289.        Pour conclure, le Gouvernement salvadorien peut informer le Comité que des changements substantiels ont été opérés en vue d'éliminer toutes les formes de torture et qu'il a contribué en ce sens à l'application de la Convention. Le Gouvernement est conscient que d'autres mesures, non seulement législatives mais aussi administratives, sont encore nécessaires pour éliminer définitivement les actes de torture.

290.        En remettant le présent rapport, l'État d'El Salvador tient à réaffirmer sa volonté de s'acquitter pleinement de ses obligations en matière de droits de l'homme et de l'engagement qu'il a pris en ce sens en tant que membre de la communauté internationale représentée aux Nations Unies.

 

Note

[1Voir l'article 193 de la Constitution .

[2 Voir l'article 194 de la Constitution, deuxième partie.

[3] Voir l'article 194 de la Constitution, première partie.

4 Paragraphe 3 de l'article 2 de la Constitution.

5 Paragraphe 2 de l'article 17 de la Constitution.

6 Article 43, deuxième alinéa du Code de procédure pénale : "Le Procureur général de la République exerce l'action civile dans le cadre de la réquisition correspondante...".

7 Journal officiel No 128, Volume 332, du 10 juillet 1996.

8 Voir l'article 74 de la loi relative aux procédures constitutionnelles.

9 Voir les articles du Code de procédure pénale concernant les droits de l'accusé (art. 87), la valeur probante des aveux (art. 221) et les principes de base relatifs à la détention de l'accusé (art. 243).

10 Voir le principe de la légalité de la preuve énoncé à l'article 17 du Code de procédure pénale.

11 Voir l'article 10 de la loi relative aux établissements pénitentiaires, concernant les droits des détenus.

12 Voir le paragraphe 2 de l'article 128 de la loi sur les établissements pénitentiaires interdisant les mesures disciplinaires comportant des châtiments corporels tels que la mise au cachot ainsi que toute autre mesure cruelle, inhumaine ou dégradante.

13 Art. 194 de la Constitution.

14 Voir l'annexe 4 sur les rapports de l'Inspecteur général de la Police nationale civile à la Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme datés de juin et décembre 1997 et de juin 1998; voir également les sondages d'opinion sur le comportement de la police réalisés en septembre 1997 et en mars et octobre 1998, ainsi que l'évaluation annuelle sur les connaissances des membres de la Police nationale civile concernant les droits de l'homme, effectuée en 1997.

15 Voir Code pénal, art. 32 à 38 et art. 65 à 71.

16 Art. 105, par. 13, de la Constitution de la République et art. 2 de la loi relative à la Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme.

17 Art. 60 de la Constitution.

18 Entre mai 1997 et avril 1998, 98 cours de cette nature ont été dispensés.

19 Se reporter à l'article 243 du Code de procédure pénale.

  20 Voir les articles 2, 84 et 90 de la loi générale sur l'éducation relatifs à l'éducation dans le domaine des droits de l'homme, l'information sur les droits de l'homme et le respect effectif de ces derniers ainsi que les articles 55 et 56 de la loi sur la profession d'enseignant relatifs aux fautes que constitue le fait d'agir de manière irrespectueuse et d'infliger aux élèves toute forme de mauvais traitements physiques.

21 Alfredo Vélez Mariconde, Derecho Procesal Penal , vol. I, 3ème éd., p. 389.

22 Art. 237 du Code de procédure pénale.

23 Art. 246 du Code de procédure pénale.

24 Journal officiel No 128, vol. 332, 10 juillet 1996.

25 "Il n'existe aucune autorité, tribunal ou instance privilégiés en la matière. Dans tous les cas, on procédera à la présentation de la personne, qui constitue la garantie première des droits de l'individu, quels que soient sa nationalité ou son domicile". Loi relative aux procédures constitutionnelles, art. 74.

26 Art. 229 à 246 du Code de procédure pénale.

27 Art. 11, deuxième alinéa, de la Constitution.

28 Art. 297 du Code pénal.  

29 L'article 12 du Code de procédure pénale définit la victime; l'article 13 énonce ses droits.

30 Art. 194, deuxième alinéa, de la Constitution.

31 Art. 2, troisième alinéa, de la Constitution.

32 Art. 17, deuxième alinéa, de la Constitution.

33 Art. 20, deuxième alinéa, de la Constitution.

34 Art. 297 du Code pénal.

35 Art. 43, deuxième alinéa, du Code de procédure pénale : "Le Procureur général de la République exerce l'action civile dans le cadre de la réquisition correspondante...".

36 L'expression "action pénale publique" s'applique aussi bien aux infractions donnant lieu à des poursuites dans le cadre d'une action pénale publique qu'à celles qui sont portées devant les tribunaux par un particulier (art. 19 du Code de procédure pénale).

37 Art. 224, par. 6, du Code de procédure pénale.

38 Art. 320 du Code pénal.

39 Art. 6, 35, 37 et 45 de la loi relative aux établissements pénitentiaires.

40 Cette institution a été créée par le décret No 259 du 23 mars 1998.



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