University of Minnesota


Comité contre la Torture, Examen des rapports présentés par les États parties en application de l'article 19 de la Convention, Egypte, U.N. Doc. CAT/C/34/Add.11 (1999).


Rapports complémentaires que les États parties devaient présenter en 1996

Additif

ÉGYPTE



Pour le rapport initial de l'Égypte, voir le document publié sous la cote CAT/C/5/Add.5; pour le compte rendu de son examen par le Comité, voir les documents publiés sous les cotes CAT/C/SR.14 et 15 et Documents officiels de l'Assemblée générale, quarante-quatrième session, Supplément No 46 (A/44/46, par. 123 à 144). Voir aussi le document publié sous la cote CAT/C/5/Add.23, qui reproduit les réponses écrites fournies par le Gouvernement égyptien aux questions posées par le Comité. Le deuxième rapport périodique de l'Égypte a été publié sous la cote CAT/C/17/Add.11; pour le compte rendu de son examen par le Comité, voir les documents publiés sous les cotes CAT/C/SR.162 et 163/Add.1 et Documents officiels de l'Assemblée générale, quarante-neuvième session, Supplément No 44 (A/49/44, par. 74 à 96).


[Original : ARABE]
[30 octobre 1998]

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphes

Introduction

1 - 4

Informations de caractère général
5 - 41

I. EXPOSÉS SUR L'APPLICATION DES ARTICLES DE LA CONVENTION
42 - 136

Article premier
42 - 49

Article 2
50 - 73

Article 3
74

Article 4
75 - 76

Article 5
77 - 81

Articles 6 à 9
82 - 83

Article 10
84 - 95

Article 11
96 - 100

Article 12
101 - 108

Article 13
109 - 115

Article 14
116 - 120

Article 15
121 - 126

Article 16
127 - 136

II. INFORMATIONS CONCERNANT LES QUESTIONS POSÉES PAR LE COMITÉ
137 - 183

A. Définition de la torture
138

B. La loi sur l'état d'urgence
139

C. La justice militaire
140

D. Statistiques appliquées
141 - 181

III. LES RECOMMANDATIONS ANTÉRIEURES DU COMITÉ
182 - 183

Conclusion
184 - 191



Introduction


1. L'Égypte a l'honneur de présenter son troisième rapport périodique au Comité conformément au paragraphe 1 de l'article 19 de la Convention. Comme suite aux directives du Comité relatives à l'établissement des rapports initiaux et périodiques, le présent rapport comporte une partie qui contient des informations de caractère général sur le cadre juridique des actes interdits par la Convention, le statut juridique des dispositions de la Convention, les moyens de recours prévus par les dispositions du système juridique égyptien, les efforts déployés pour faire connaître la Convention et les difficultés d'application de celle-ci.


2. La première partie porte sur les mesures prises et les faits nouveaux survenus en ce qui concerne l'application des articles premier à 16 de la Convention, en suivant l'ordre desdits articles, la deuxième partie sur les renseignements complémentaires demandés par le Comité et la troisième partie sur les conclusions et les recommandations du Comité.


3. À la demande du Comité, la partie générale et la première partie du présent rapport tiennent compte, le cas échéant, de l'exposé oral fait par l'Égypte lors de l'examen par le Comité de son rapport antérieur ainsi que des réponses fournies à cette occasion aux questions des membres du Comité.


4. Les statistiques sur les plaintes, les actions judiciaires et les indemnisations, contenues dans la première partie, ont été envoyées par courrier par le parquet général et le Ministère de l'intérieur au Ministère des affaires étrangères et enregistrées par le Département des droits de l'homme.



Informations de caractère général


5. Il sera question dans cette partie des points suivants :


A. Le cadre juridique général de l'interdiction de la torture


B. Le statut jurdique des conventions relatives aux droits de l'homme en Égypte


C. Les autorités responsables et les moyens de recours disponibles


D. Mesures prises pour faire connaître et diffuser les dispositions des conventions internationales relatives aux droits de l'homme


E. Problèmes et difficultés concernant la mise en oeuvre des dispositions de la Convention


6. Pour éviter les répétitions, référence sera faite, le cas échéant, aux deux rapports précédents de l'Égypte concernant les points ci-après, qui vont faire l'objet d'un examen détaillé.




A. Le cadre juridique général de l'interdiction de la torture


7. Dans ses deux rapports précédents, l'Égypte a décrit de manière détaillée le cadre général de l'interdiction de la torture, tant du point de vue de la législation que du point de vue de la Constitution, et lorsqu'il a examiné le deuxième rapport de l'Égypte, le Comité a exprimé sa satisfaction quant à la situation sur le plan législatif. Les éléments caractéristiques du cadre général seront examinés plus avant dans l'exposé sur l'application de l'article premier de la Convention qui figure dans la première partie du présent rapport.



B. Le statut juridique des conventions relatives
aux droits de l'homme en Égypte


8. Pour ce qui est du statut juridique des conventions relatives aux droits de l'homme en Égypte, les conventions internationales sont en général régies par les dispositions de l'article 151 de la Constitution, selon lequel lesdites conventions, lorsque les conditions nécessaires sont remplies, ont les mêmes effets que les textes nationaux. Au paragraphe 1 de l'article 151 de la Constitution, il est stipulé que : "Le Président de la République conclut les traités et les communique à l'Assemblée du Peuple accompagnés d'un exposé adéquat. Les traités ont force de loi après leur conclusion, leur ratification et leur publication selon les règles établies".


9. En conséquence de ce qui précède, les conventions internationales relatives aux droits de l'homme et aux libertés sont considérées, après leur ratification et leur publication, comme équivalentes à une loi promulguée par l'autorité législative. Leurs dispositions sont donc assimilées à n'importe quelle disposition juridique égyptienne applicable et peuvent être invoquées devant toute autorité législative, exécutive ou judiciaire de l'État. Par ailleurs, toute personne peut invoquer l'application de leurs dispositions devant les autorités de l'État quelles qu'elles soient.


10. Étant donné le statut juridique dont jouissent les conventions relatives aux droits de l'homme en Égypte, les principes des droits de l'homme et des libertés contenus dans les conventions internationales jouissent des caractéristiques constitutionnelles et juridiques ci-après :


1. La protection prévue par la norme constitutionnelle


11. Ayant été incorporés dans les dispositions de la Constitution, les principes des droits de l'homme et des libertés, y compris ceux qui sont énoncés dans la Convention contre la torture, jouissent de la protection prévue par la norme constitutionnelle, selon laquelle toute disposition juridique en vigueur au moment où la Constitution est promulguée, qui va à l'encontre de ces principes ou qui est incompatible avec ceux-ci, est réputée inconstitutionnelle. Ceci s'applique également à toute loi promulguée par l'autorité législative après l'entrée en vigueur de la Constitution. En conséquence, toute partie intéressée peut, à tout moment et dans les conditions prévues, saisir la Haute Cour constitutionnelle pour qu'elle déclare inconstitutionnelle telle ou telle disposition ou loi. Publiées au Journal officiel, les décisions de la Haute Cour sont réputées sans appel et peuvent être invoquées devant toutes les autorités de l'État.


12. Étant donné que la Convention fait partie de la législation égyptienne, toutes ses dispositions sont directement et immédiatement applicables et peuvent être invoquées devant toutes les autorités nationales, qui sont tenues de les respecter et de respecter les principes qu'elles renferment. Toute personne victime d'un manquement à cette obligation a le droit de faire recours devant l'organe judiciaire compétent suivant la nature de l'infraction commise et la procédure prescrite pour être rétablie dans ses droits.


2. Les atteintes aux libertés et droits fondamentaux sont des crimes imprescriptibles


13. L'article 57 de la Constitution stipule que toute atteinte à la liberté personnelle des citoyens ainsi qu'aux autres droits et libertés garantis par la Constitution et la loi est un crime qui ne peut être frappé de prescription, en matière criminelle et civile, et que l'État garantit une indemnisation juste à celui qui en a été victime.


14. Le législateur a donc pour devoir de qualifier ces atteintes de crimes et de spécifier qu'ils ne peuvent être frappés de prescription en matière criminelle ou civile de manière que les droits de la victime soient garantis et que l'auteur de l'infraction soit puni, quel que soit le temps écoulé depuis que l'acte a été commis. Il est aussi de son devoir d'obliger l'État à indemniser les victimes.


15. En conséquence, selon l'ordre juridique égyptien, la torture est un crime pour lequel il ne peut y avoir prescription, que ce soit au pénal ou au civil.


16. Il convient de mentionner que la Convention contre la torture a été promulguée en vertu de la décision de la République No 154 de 1986 et publiée en arabe au Journal officiel No 1 du 7 janvier 1988 et qu'elle est entrée en vigueur en tant que partie intégrante du droit égyptien le 25 juillet 1986.



C. Les autorités responsables et les moyens de recours disponibles


17. Il ressort clairement de ce qui précède que, conformément aux principes constitutionnels et aux règles de droit sur lesquels l'ordre juridique égyptien est fondé, toutes les autorités de l'État sont liées par les principes constitutionnels et juridiques se rapportant aux droits de l'homme et aux libertés et doivent par conséquent rendre compte de la façon dont ils s'acquittent de leurs fonctions et exercent leur pouvoir juridictionnel. Il est clair également que l'autorité judiciaire indépendante garantit à tous, par l'intermédiaire de ses divers organes, l'accès à tous les moyens de recours, en fonction du type de conflit dont il s'agit, des parties impliquées, des droits revendiqués et des violations dont ils sont l'objet.


18. Les organes judiciaires qui sont chargés de faire respecter les droits et libertés publics et devant lesquels les particuliers peuvent former recours selon l'ordre juridique égyptien sont : les deux branches de l'autorité judiciaire, la Haute Cour constitutionnelle, les juridictions civiles et pénales et le Conseil d'État (juridiction administrative). Ces juridictions sont décrites ci-après de manière détaillée.


1. La Haute Cour constitutionnelle


19. La Haute Cour constitutionnelle est l'organe judiciaire qui a compétence pour vérifier la constitutionnalité des lois et textes réglementaires et interpréter les dispositions législatives. Dans la mesure où elle est seule habilitée à se prononcer sur ces questions, la Haute Cour est une juridiction spécialisée qui fonctionne à titre indépendant.


20. La Haute Cour constitutionnelle a été créée en vertu des articles 174 à 178 (chap. V, sect. II), de la Constitution de 1971, pour remplacer la Haute Cour qui avait été créée par la loi No 81 de 1969, abrogée par la loi No 48 (1979) sur la Haute Cour constitutionnelle. C'est un organe judiciaire indépendant et autonome qui a son siège au Caire. Ses membres sont inamovibles et ses décisions relatives à des questions d'ordre constitutionnel sont publiées au Journal officiel de même que ses décisions portant interprétation des textes législatifs. Ses décisions s'imposent à toutes les autorités de l'État et lorsqu'elles ont été prononcées et publiées au Journal officiel à la date légalement spécifiée, toute disposition dont la Cour a prononcé l'inconstitutionnalité est annulée et ne peut plus être appliquée à compter du jour suivant la date à laquelle la décision a été prononcée. Si la disposition dont la Cour a décidé qu'elle était inconstitutionnelle est une disposition du droit pénal, toutes les condamnations pénales qui ont été prononcées sur la base de cette disposition sont annulées.


21. La loi stipule que les requêtes qui sont liées à la détermination de l'organe compétent en matière d'application des lois sont gratuites de même que les actions en contestation en matière d'exécution et un montant fixe de 25 livres égyptiennes est perçu pour les requêtes en inconstitutionnalité, l'objectif étant de faciliter les recours devant la Haute Cour constitutionnelle et de garantir que les frais de justice ne soient pas excessifs et n'empêchent pas les particuliers de former recours.


22. La Haute Cour constitutionnelle a rendu un certain nombre de décisions concernant les droits de l'homme en général et a déclaré inconstitutionnelles diverses dispositions législatives qu'elle estimait être incompatibles avec ces droits et libertés, contraires à ceux-ci ou de nature à les restreindre.


2. L'autorité judiciaire


23. Les articles 165 à 173 (chap. V, sect. IV) de la Constitution portent sur le pouvoir judiciaire. Il est stipulé dans ces articles que le pouvoir judiciaire est indépendant, que les juges sont indépendants et ne sont soumis qu'à la seule autorité de la loi, qu'il ne peut y avoir d'ingérence dans leurs activités et qu'ils sont inamovibles. Il est stipulé à l'article 172 que le Conseil d'État est un organe judiciaire indépendant chargé de statuer sur les différends administratifs et les affaires disciplinaires.


24. Le pouvoir judiciaire en Égypte se compose donc de juridictions civiles et pénales comportant divers échelons, de juridictions administratives et du Conseil d'État, qui vont être examinés séparément.


Les juridictions civiles et pénales


25. Les juridictions civiles et pénales se prononcent sur tous types de différends civils et pénaux portant sur des infractions définies par la loi. Elles s'acquittent de leurs fonctions conformément à la loi et dans le cadre des affaires dont elles sont saisies, en s'inspirant des principes constitutionnels établis et conformément aux règles et procédures prescrites par le Code de procédure civile et le Code de procédure pénale. Les deux codes définissent les degrés et les types de juridiction, la compétence des tribunaux, les niveaux de recours contre les décisions rendues, les voies juridictionnelles de recours, les procédures d'examen du déroulement des procès et les garanties dont bénéficient les parties en présence et la défense. La loi dispose que la partie lésée est en droit d'intenter une action civile devant les juridictions pénales lorsqu'elles examinent des affaires ayant trait à des infractions définies par la loi qui incluent automatiquement les infractions liées à la violation des droits et libertés publics des individus.


Les juridictions administratives et le Conseil d'État


26. En exerçant son autorité et ses pouvoirs et en exécutant décisions et règlements dans l'intérêt de tous et de chacun, en ce qui concerne notamment les services qu'elle assure ou les procédures qu'elle est tenue d'engager à l'égard des citoyens, l'autorité exécutive doit naturellement respecter tous les principes constitutionnels et dispositions juridiques nationaux en vigueur. En prenant les mesures qui sont de son ressort, elle doit veiller à respecter l'intérêt public en tenant compte de critères objectifs et transparents, et agir dans l'intérêt des citoyens conformément à ces critères et aux règles de droit existantes. Le Conseil d'État et les juridictions administratives sont les instances devant lesquelles toute personne peut faire recours pour contester des décisions positives ou négatives prises par le pouvoir exécutif ou le refus de celui-ci de prendre une décision ou d'engager une procédure. Toute personne qui forme recours devant une juridiction administrative peut demander à ce que soient annulées des décisions qui portent atteinte à la loi, constituent une violation de compétence ou contiennent un vice de forme, ou qui sont entachées d'irrégularités en raison de l'application défectueuse de la loi ou d'une mauvaise interprétation de celle-ci ou en raison d'un abus de pouvoir. L'intéressé peut également demander une indemnisation.


27. Le Conseil d'État est un organe juridictionnel indépendant (art. 172 de la Constitution). La loi No 47 de 1972 sur le Conseil d'État définit les pouvoirs des juges du Conseil d'État qui statuent en appel sur des décisions définitives et sur des requêtes en annulation de décisions administratives (pour les raisons susmentionnées, le refus de rendre une décision est effectivement considéré comme une décision administrative), ainsi que sur des demandes d'indemnisation et des recours contre des décisions disciplinaires. La loi détermine les moyens et procédures de recours contre les jugements rendus, ainsi que les niveaux de recours, et stipule que les décisions portant l'annulation d'un jugement sont sans appel. Tout refus d'exécuter une décision de ce genre est considéré comme une infraction au regard du Code pénal égyptien (art. 123).


28. Il ressort clairement de l'examen qui précède concernant le statut juridique des conventions des droits de l'homme en Égypte et des moyens de recours disponibles dans le cadre de son système de justice que toute partie intéressée peut exercer un recours devant l'une ou l'autre autorité juridictionnelle (le pouvoir judiciaire ordinaire ou le Conseil d'État) selon la nature et le type de conflit et les droits qui en découlent ou les droits revendiqués. Le but est que toute personne puisse faire valoir ses droits ou obtenir satisfaction, soit devant la justice ordinaire en requérant qu'une peine soit infligée à l'accusé et en demandant une indemnisation pour les dommages subis si la violation de ses droits et libertés constitue une infraction au regard de la loi ou, sinon, en demandant simplement une indemnisation, soit devant les tribunaux administratifs en requérant l'annulation des décisions administratives et en demandant une indemnisation juste au motif que lesdites décisions sont entachées d'irrégularités.


29. Dans les deux cas, le requérant peut, s'il y a lieu, invoquer l'application directe des dispositions des conventions relatives aux droits de l'homme dans la mesure où elles ont valeur de loi interne conformément aux dispositions de la Constitution. Si, à un stade ou à un autre d'une action en justice, le défendeur est mis dans l'impossibilité, par des dispositions ou règles juridiques, d'atteindre ses objectifs ou de voir ses revendications légitimes satisfaites concernant les droits et libertés reconnus dans lesdites conventions, il peut déposer devant la Haute Cour constitutionnelle une requête en inconstitutionnalité des dispositions juridiques en question au motif qu'elles violent les principes constitutionnels se rapportant à ces droits et libertés. En ce cas, le tribunal saisi de son cas doit surseoir à statuer jusqu'à ce que la Haute Cour constitutionnelle ait rendu sa décision. Il doit ensuite se conformer aux conclusions de la Haute Cour dont les décisions, selon la Constitution, ont un caractère contraignant pour toutes les autorités de l'État.


30. À cet égard, il convient de souligner les deux points suivants :


i) S'applique également aux voies de recours ci-dessus tout ce qui est applicable aux droits et libertés énoncés dans les instruments relatifs aux droits de l'homme et dans la Constitution en rapport avec la validité de l'article 40 de la Constitution concernant le principe d'égalité devant la loi et de non-discrimination pour motif de race, d'origine, de langue, de religion, de croyance ou toute autre forme de distinction ou de différenciation.


ii) Dans l'une de ses décisions, la Haute Cour constitutionnelle a déclaré que le droit de recourir devant les tribunaux était assuré à tous les nationaux et étrangers en Égypte, avec les mêmes garanties nécessaires à l'administration de la justice. Elle a ajouté que, conformément à l'article 68 de la Constitution, l'État était tenu d'assurer à tous les nationaux ou étrangers l'accès aux tribunaux et de protéger dûment tous les droits prévus en respectant les garanties fondamentales nécessaires à une administration efficace, comparable à celle des pays développés (décision concernant l'affaire No 8, année judiciaire 6, audience du 7 mars 1992).


D. Mesures prises pour faire connaître et diffuser les dispositions
des conventions internationales relatives aux droits de l'homme


31. Ainsi qu'il a déjà été mentionné, les conventions internationales, une fois ratifiées par l'Égypte, sont publiées au Journal officiel. Toutes les lois, décisions gouvernementales et conventions internationales sont publiées en arabe au Journal officiel. Cela permet à chacun d'être au courant des nouvelles lois et cela permet en outre de déterminer la date d'entrée en vigueur d'un texte dans le pays. Le Journal officiel fait l'objet de parutions régulières et d'éditions spéciales et on le trouve dans les endroits qui vendent les publications du Gouvernement. On peut aussi s'y abonner. Vendu à un prix nominal inférieur au prix coûtant pour qu'il soit possible de se le procurer facilement, le Journal officiel est considéré comme un périodique important que les bibliothèques publiques et privées s'efforcent de conserver dans leurs matériels de référence. Il est recherché en outre par tous ceux qui travaillent dans le domaine juridique dans la mesure où les lois y sont publiées conformément à l'article 188 de la Constitution qui stipule que les lois sont publiées au Journal officiel dans un délai de deux semaines à compter du jour de leur promulgation et qu'elles entrent en vigueur un mois après le jour suivant la date de leur publication, à moins qu'une autre date ne soit fixée. Les dispositions des lois promulguées ne peuvent s'appliquer qu'à des faits qui se sont produits le jour de leur entrée en vigueur ou ultérieurement. En ce qui concerne les questions qui ne relèvent pas du droit pénal cependant, les membres de l'Assemblée du peuple peuvent en décider autrement à la majorité des deux tiers (art. 187 de la Constitution).


32. En dehors du fait que la parution au Journal officiel permet de tenir tout le monde au courant des lois qui sortent et de faire connaître la date de leur entrée en vigueur, l'étendue de leurs effets et leur domaine d'application, ce qui intéresse principalement les juristes, les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme intéressent vivement tous les secteurs de la population en Égypte. En conséquence, le Gouvernement s'efforce, conformément à leurs dispositions, de faire connaître ces instruments et de favoriser leur compréhension en veillant à ce qu'ils soient appliqués d'une manière qui tienne compte des valeurs humanitaires liées aux droits de l'homme et aux libertés. Ce faisant, il met essentiellement l'accent sur l'éducation car elle seule permet de façonner le comportement des générations futures et de garantir qu'elles soient pénétrées de ces valeurs et de ces droits, conscientes de leurs avantages et désireuses d'en recueillir les fruits.


33. C'est ainsi que tous les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme figurent maintenant parmi les principales matières enseignées dans les facultés de droit en Égypte, dans les académies de police et autres établissements d'enseignement dans des domaines tels que l'économie, les sciences politiques, l'éducation, les lettres, le commerce, le tourisme et les soins infirmiers, ainsi que dans les centres spécialisés dans la recherche et les sciences, l'idée étant que les étudiants de ces établissements seront parmi les premiers à manifester leur attachement aux objectifs de ces instruments et à en appliquer les dispositions. Ils seront aussi les mieux à même de défendre autrui et seront sans nul doute en mesure d'élargir le champ des compétences de ceux qui travaillent sur le terrain grâce aux activités qu'ils mèneront de par leurs qualifications.

En s'efforçant d'atteindre les objectifs ci-dessus, l'Égypte s'est par ailleurs attachée à mettre au point des programmes d'enseignement à tous les niveaux pour que les étudiants aient une bonne connaissance des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme et de leurs objectifs ainsi que des nobles buts que renferment leurs dispositions.


34. Par ailleurs, les syndicats ouvriers, les syndicats de cadres et les associations privées, du fait que ce sont des entités juridiques ayant des bureaux dans tout le pays, jouent un rôle de premier plan pour ce qui est de faire connaître les droits de l'homme et les libertés par des moyens prenant en considération les circonstances et la nature de chaque profession, emploi ou lieu de travail. Les efforts que déploient le Gouvernement et le secteur privé pour éliminer l'analphabétisme des adultes et garantir l'accès à l'information et aux services culturels dans l'ensemble du pays contribuent aussi à élargir le champ des connaissances des divers groupes et catégories de citoyens et à leur faire mieux connaître les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme.



E. Problèmes et difficultés concernant la mise en oeuvre
des dispositions de la Convention


35. La mise en oeuvre de la Convention ne présente aucune difficulté sur le plan juridique car elle est compatible avec les dispositions de la Constitution égyptienne et de la législation pertinente. Elle fait par ailleurs partie intégrante du droit interne et, ainsi qu'il a déjà été souligné, n'est en contradiction avec aucun autre texte législatif.


36. Le problème de l'analphabétisme constitue toutefois une difficulté majeure pour ce qui est de l'application des dispositions des conventions relatives aux droits de l'homme en général, y compris la convention en application de laquelle le présent rapport est soumis, le taux d'analphabétisme en Égypte étant relativement élevé. Tous les organes de l'État s'efforcent donc d'éliminer l'analphabétisme des adultes; c'est un devoir national qui leur incombe en vertu de la Constitution.


37. Les efforts déployés par l'État pour éliminer l'analphabétisme contribuent sensiblement et efficacement à sensibiliser la population aux droits de l'homme et aux libertés puisque une fois alphabétisés, les gens peuvent ensuite s'informer par eux-mêmes sur ces droits et les invoquer directement. Il est donc garanti que le nombre de personnes capables de connaître, de défendre et de revendiquer leurs droits va augmenter régulièrement.


38. En ce qui concerne la Convention contre la torture, le problème de l'analphabétisme a des répercussions immédiates à tous les niveaux, que ce soit au stade de l'enquête ou du procès et qu'il s'agisse du dépôt de plaintes ou de la recherche de renseignements sur les suspects, les victimes ou leur domicile, ou d'inspections et de contrôles, de l'interrogatoire et de l'audition des témoins ou de toute autre mesure entrant dans le cadre des enquêtes. Il s'ensuit que les procédures sont souvent lentes et qu'il est difficile de les mener à terme dans un délai raisonnable.


39. Étant donné les difficultés découlant de l'analphabétisme, le Gouvernement, conjointement avec les organisations internationales concernées et les États associés, n'épargne aucune effort pour étendre et moderniser les services de l'administration de la justice et les informatiser, de manière à accélérer les procédures et à en faciliter le contrôle.


40. Ces projets sont déjà en cours d'exécution; des bases de données rassemblant les actes législatifs et les principes juridiques et judiciaires sont opérationnelles à la Cour de cassation et comportent des liens avec les cours d'appel, certains tribunaux de première instance et le parquet. Une base de données sur l'état des personnes, sur des données pénales et sur les prisons fonctionne également au Ministère de l'intérieur.


41. À ce propos, il convient de souligner que, dans tous les types d'affaires, la torture est souvent invoquée en justice pour défendre un suspect lorsque les circonstances de l'inculpation le permettent. Le but est d'éviter le châtiment et de provoquer l'abandon des chefs d'inculpation que l'enquête a permis de réunir ainsi que l'ajournement du procès, la loi stipulant qu'une allégation de ce genre doit faire l'objet d'une enquête tendant à en établir l'exactitude; si l'allégation est vraie, l'infraction doit être reconnue et les aveux faits sous la torture doivent être annulés à la suite de quoi l'acquittement doit être prononcé si les aveux sont les seules preuves dont on dispose. Par contre, si l'allégation se révèle fausse, elle doit être écartée et l'accusé doit être puni à raison des agissements qui lui sont imputés.



I. EXPOSÉS SUR L'APPLICATION DES ARTICLES DE LA CONVENTION



Article premier


La définition de la torture selon les dispositions du droit égyptien


42. Dans ses deux précédents rapports, l'Égypte a examiné ce qu'il en était du délit de torture dans le droit égyptien et ses deux éléments fondamentaux, à savoir la Constitution et la législation. Les droits et libertés individuels sont garantis par la Constitution égyptienne qui interdit toute atteinte à l'intégrité physique ou morale des personnes et stipule ce qui suit :


a) Tout citoyen arrêté, détenu ou dont la liberté aurait été restreinte doit être traité d'une manière sauvegardant sa dignité humaine et il est interdit de le maltraiter physiquement ou moralement (art. 42);


b) La violation des droits et libertés garantis par la Constitution, y compris la torture, ne peut être frappée de prescription, tant au pénal qu'au civil (art. 57);


c) L'État garantit une indemnisation juste à toute personne qui est victime d'une infraction de ce genre (art. 57);


d) Toute déclaration dont il aurait été établi qu'elle a été faite sous la torture est nulle et sans valeur (art. 42).


43. Ces principes constitutionnels jouissent de la protection judiciaire dans la mesure où la constitutionnalité des lois fait l'objet d'un contrôle judiciaire. Selon la Constitution, la Haute Cour constitutionnelle est chargée de ce contrôle et doit par conséquent veiller à ce que le législateur respecte ces principes qui ne peuvent être violés. Une loi qui a été promulguée et qui viole l'un de ces principes est inconstitutionnelle et donc entachée d'un vice.


44. En ce qui concerne la législation, la torture est un délit prévu par le Code pénal égyptien depuis la fin du siècle dernier. Le volume II de l'actuel Code pénal No 57 de 1937 contient un chapitre spécial consacré aux mesures coercitives et aux mauvais traitements infligés à des personnes par des fonctionnaires et les actes de torture sont qualifiés de délits aux articles 126 et 282 du Code pénal qui s'énoncent comme suit :


Article 126 du Code pénal :
"Tout fonctionnaire ou haut responsable qui donne l'ordre de torturer un accusé, ou participe à l'infraction, afin de lui arracher des aveux, est passible de 3 à 10 ans de travaux forcés et de détention. Si la victime décède, la peine est celle prévue pour l'homicide volontaire."
Article 282 (par. 2) du Code pénal :
"Dans tous les cas, quiconque arrête illégalement une personne et menace de la tuer ou de la torturer physiquement sera condamné à une peine de travaux forcés."
45. Les dispositions générales du Code pénal qui portent sur les tentatives d'infraction punissables en vertu des articles 45 et 46 s'appliquent à ces infractions ainsi qu'à toutes les formes de participation telles qu'elles sont décrites à l'article 40 du Code pénal, à savoir l'instigation, le consentement ou la complicité. Selon l'article 41 du Code pénal, les complices sont punis de la même peine que l'auteur principal. L'acquiescement à un acte de torture est puni comme s'il s'agissait d'un ordre de commettre un acte de torture.


46. De la même façon, un ordre donné par un officier supérieur ne légitime pas la torture et ne peut être invoqué pour justifier celle-ci, comme le stipule l'article 63 du Code pénal, puisque l'acte auquel s'applique l'ordre, à savoir la torture, est considéré comme une infraction.


47. L'application par la justice des dispositions pénales mentionnées a donné lieu à l'établissement d'un certain nombre de principes juridiques qui sont passés dans l'usage conformément à la jurisprudence de la Cour suprême :


a) Le Code pénal égyptien réprime la torture infligée par un agent d'un service public ou toute autre personne, que ce soit au moment de l'arrestation ou de l'incarcération d'une personne selon les prescriptions légales ou autrement;


b) Étant donné que le Code pénal égyptien ne décrit ni ne définit spécifiquement les actes ou actions qui occasionnent la torture, tout acte ou toute action qui a pour conséquence la torture physique, psychologique ou morale est punissable conformément à la disposition de l'article 126;


c) Pour qu'il y ait délit de torture, la loi égyptienne ne stipule ni quel degré de douleur ou de souffrance doit avoir été infligé ni que la torture doive avoir laissé des marques. Ainsi il y a délit de torture, aussi légère ou négligeable que soit la douleur et que l'acte de torture laisse ou non des traces;


d) Les aveux arrachés sous la torture ou la contrainte, même si les faits avoués sont vrais, sont considérés comme étant nuls et sans valeur.


48. Des exemples de décisions judiciaires seront donnés dans la deuxième partie du présent rapport.


49. Les dispositions de la loi égyptienne sont plus étendues et plus générales que celles de la Convention, l'article premier de celle-ci qualifiant de torture tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës sont infligées, tandis que la loi égyptienne ne précise ni le degré ni l'importance de la douleur ou de la souffrance. En conséquence, la torture est considérée comme un délit, que la douleur ou la souffrance infligée soit grave ou légère. La loi égyptienne stipule également que les actions civiles ou pénales auxquelles la torture donne lieu ne peuvent être frappées de prescription.



Article 2


a) Actes de torture


50. Les mesures législatives, administratives et judiciaires prises par l'Égypte pour empêcher que des actes de torture soient commis comprennent diverses mesures de prévention, de répression, de lutte contre l'impunité des coupables ainsi que des mesures visant à garantir le droit des victimes à une indemnisation juste, fondées sur les principes constitutionnels dont il est question dans l'exposé sur l'application de l'article premier. Les détails de ces mesures sont les suivants :


i) Mesures législatives


51. Ainsi qu'il a été indiqué dans l'exposé sur l'application de l'article premier, les actes ou menaces de torture sont considérés comme des délits punissables selon les dispositions du Code pénal égyptien. Tout acte de torture, quelle que soit sa forme, est un délit pénal, quel qu'en soit l'auteur ou l'instigateur, que la victime porte ou non des traces physiques, morales ou psychologiques des violences subies et que des aveux, vrais ou faux, aient été obtenus ou non.


52. Le législateur égyptien a adopté, en droit pénal, une approche claire en ce qui concerne la répression des actes de torture, imposant une peine sévère pour les actes de torture commis par des fonctionnaires ou sur ordre de ceux-ci, qu'il s'agisse d'actes proprement dits ou de menaces de torture, à savoir une peine de 15 ans de travaux forcés. Si la victime décède des suites des tortures subies, une peine de travaux forcés à vie, c'est-à-dire la même peine que pour l'homicide volontaire, peut être imposée. Le législateur a prévu la même peine pour les menaces de torture, conformément à l'article 282 du Code pénal.


53. Selon l'article 129 du Code pénal, les violences et mauvais traitements infligés par des fonctionnaires sont des infractions pénales, car ce sont des atteintes à l'intégrité d'autrui infligées dans l'intention d'obtenir des aveux. Les mauvais traitements infligés à un citoyen par un fonctionnaire, quel que soit le rang de ce dernier ou la capacité du premier, sont aussi des infractions selon cet article, qui s'applique à tous les fonctionnaires, y compris ceux des organes de l'administration de la justice pénale. Toute personne qui se trouve en interaction avec les fonctionnaires auxquels l'article 129 s'applique et qui est victime d'actes de ce genre est protégée par ses dispositions.


54. L'application de cet article n'exclut pas la mise en oeuvre des articles du Code pénal qui portent sur les préjudices intentionnels. Ces articles s'appliquent en fonction de la gravité de la violation et la sévérité de la peine croît selon les circonstances aggravantes particulières qui l'accompagnent : durée des mauvais traitements, préméditation, embuscade, emploi d'armes ou d'instruments, incapacité physique ou lynchage par une bande ou par une foule, etc. (art. 240 à 243 du Code pénal). La question sera examinée plus en détail dans l'exposé sur l'application de l'article 16 de la Convention.


55. Il convient de souligner que, conformément à l'article 145 du Code pénal, une personne qui néglige de signaler une infraction dont elle sait ou croit savoir qu'elle a été commise commet une infraction punissable. Le fait de dissimuler des preuves, d'aider l'auteur d'une infraction à s'échapper ou de fournir de faux renseignements au sujet de l'infraction commise est aussi considéré comme un acte criminel par le Code pénal égyptien.


56. Le Code de procédure pénale égyptien No 150 de 1950 contient également des dispositions concernant les principes constitutionnels susmentionnés. Elles stipulent que :


Les poursuites pénales concernant les actes de torture sur lesquels portent les articles 126 et 282 du Code pénal ne sont pas frappées de prescription (art. 15 du Code de procédure pénale);
Les actions civiles auxquelles donnent lieu lesdites infractions ne sont pas frappées de prescription (art. 259 du Code de procédure pénale);
Toute déclaration faite par un suspect ou un témoin sous la contrainte ou la menace est considérée comme nulle et sans valeur (art. 302 du Code de procédure pénale);
Le parquet général, les juges d'instruction et les avocats des tribunaux de première instance, des cours d'appel et de cassation ont le droit de pénétrer dans les prisons et de les inspecter (art. 42 du Code de procédure pénale et art. 85 et 86 de la loi sur les prisons).
ii) Mesures judiciaires


57. Conformément aux dispositions de la Constitution, le pouvoir judiciaire en Égypte jouit d'une complète indépendance. Les membres du pouvoir judiciaire et du parquet général jouissent de l'immunité judiciaire et ne peuvent donc être destitués. Le fonctionnement du pouvoir judiciaire est contrôlé par ses commissions spéciales. Le législateur attache une importance considérable aux actes de torture, que ce soit en les considérant comme des délits pénaux ou en définissant des garanties pour ceux qui en sont victimes, comme en témoignent les mesures judiciaires que requiert la loi pour les cas de torture (qui sont des crimes, c'est-à-dire des actes délictueux graves entraînant des peines sévères). Ces mesures peuvent être récapitulées comme suit :


a) Les membres du parquet général sont tenus de procéder à une enquête préliminaire sur toute plainte qu'ils reçoivent des commissariats de police ou qui leur est transmise directement concernant ce type de délits, qui constituent des actes délictueux graves sur lesquels la loi impose au parquet général de mener des enquêtes. Ils doivent aussi rassembler des preuves et les examiner, interroger les témoins, procéder à des visites et faire appel à l'aide de médecins et autres experts. Après enquête, le parquet général peut ordonner que l'affaire soit jugée ou déclarer qu'il n'y a pas lieu d'engager des poursuites si les preuves sont fausses ou insuffisantes, si l'auteur du délit est inconnu ou si le suspect est décédé. La loi stipule que sa décision doit être notifiée à la victime qui peut la contester devant les tribunaux.


b) Après enquête, tous les cas portés devant la justice sur décision du parquet général sont examinés par les juridictions pénales, qui se composent de divisions, chacune constituée de trois juges parmi les plus haut placés dans la hiérarchie et choisis par les assemblées générales des cours d'appel au début de chaque année judiciaire. Le tribunal achève l'instruction du dossier en audience publique, à moins qu'il n'en ait été décidé autrement, et rend également sa décision en audience publique.


c) La victime est en droit d'exercer une action civile pendant l'instruction ou le procès, en réparation du dommage que l'infraction lui a causé.


d) Les tribunaux ont l'obligation d'enquêter et de répondre à la défense des suspects au sujet des déclarations qui leur sont attribuées et qui auraient été faites sous la torture ou la contrainte, dans la mesure où elles représentent des moyens de défense légaux et concrets. S'ils négligent de le faire, le jugement rendu pourra être contesté.


e) Le tribunal doit exposer les raisons des condamnations et acquittements qu'il prononce et statuer au civil sur les demandes d'indemnisation des victimes.


f) Les jugements rendus par les cours pénales peuvent être contestés devant la Cour de cassation dans les cas prescrits par la loi, notamment en cas d'application irrégulière de la loi, de conclusions incorrectes et d'atteinte aux droits de la défense.


58. Le législateur impose aux membres du parquet général l'inspection des prisons relevant de leur juridiction. Ils peuvent inspecter tout établissement pénitentiaire à n'importe quel moment pour s'assurer que les lois et règlements sont respectés et prendre les mesures nécessaires en cas de violation décelée lors de l'inspection. Ils doivent aussi recevoir les plaintes des détenus et inspecter tous les documents et registres de la prison.


59. Parmi les autres mesures qui ont été prises sur le plan judiciaire, on peut citer la création du bureau des droits de l'homme au parquet général. Relevant du bureau du Procureur général, il a compétence pour enquêter sur les plaintes faisant état d'actes de torture ou autres violations des droits de l'homme; en font partie un grand nombre d'experts du parquet général qui consacrent leur temps exclusivement aux enquêtes, qu'ils s'efforcent de mener à bien dans les meilleurs délais. Des détails complémentaires à ce sujet seront donnés dans l'exposé sur l'application de l'article 12 de la Convention.


60. En ce qui concerne les applications judiciaires, certaines des interprétations judiciaires et des principes énoncés à propos de cas de torture seront mentionnées dans la deuxième partie du présent rapport.


iii) Mesures administratives


61. Les diverses mesures administratives prises dans ce domaine par l'Égypte concernent toutes les instances du secteur de l'administration de la justice pénale. Les projets du Gouvernement à cet égard reposent sur trois éléments clefs : le développement, la formation et l'éducation. Ces projets visent essentiellement à faire connaître les conventions relatives aux droits de l'homme, y compris la convention sur l'application de laquelle porte le présent rapport, ainsi qu'à former les personnes qui travaillent dans les différents domaines de l'administration de la justice pénale, telles que les officiers ministériels, les magistrats du parquet général, les membres de la police et les médecins. Ils visent aussi à améliorer le niveau de performance du personnel administratif dans ces domaines, que l'on pourra mesurer à la facilité avec laquelle les renseignements pourront être obtenus et vérifiés et à la rapidité avec laquelle les décisions nécessaires seront prises. Les questions liées au développement seront examinées de manière détaillée à propos de la formation et de l'éducation dans l'exposé sur l'application de l'article 10.


62. Les projets de développement visent l'actualisation et la mécanisation du travail administratif dans les services de l'administration de la justice pénale qui vont être équipés d'ordinateurs et de systèmes d'archivage informatisé. Sont concernés par ce pas en avant les tribunaux, le parquet général, le Département de la médecine légale au Ministère de la justice et les organes qui s'occupent des enquêtes pénales, des prisons et de l'état civil au Ministère de l'intérieur. La mise en oeuvre simultanée de ces projets a débuté il y a cinq ans dans tous les organes mentionnés, l'idée étant qu'ils devaient être intégrés au plan quinquennal du Gouvernement et bénéficier des allocations financières nécessaires. Simultanément, une coordination s'instaure avec les organes compétents de l'ONU et des États amis, le but étant de profiter de leurs données d'expérience dans ce domaine. Les activités de développement ont pour objet de mettre en place un cadre scientifique qui favorise l'amélioration des performances administratives des services de l'administration de la justice pénale et de former du personnel à l'utilisation des équipements modernes pour faciliter l'exécution des tâches et garantir l'exactitude et l'obtention rapide des données et des renseignements. Le résultat sera qu'un temps bien moindre sera nécessaire pour mener à bien les procédures juridiques et les enquêtes nécessaires, que les procès se dérouleront plus vite et que les autorités compétentes rendront promptement leurs décisions.


63. À propos de l'intérêt croissant de l'Égypte pour les questions relatives aux droits de l'homme en général, il convient de noter qu'en septembre 1992 un mécanisme permanent a été créé pour traiter de ces questions sur le plan interne et externe. Revêtant la forme d'un département spécialisé dans les droits de l'homme au Ministère de l'intérieur, il fera le lien entre les organes concernés. Son personnel est constitué de représentants desdits organes qui pourront se faire aider d'experts dans tous les domaines. Chargé d'établir les rapports périodiques à présenter aux organes de l'ONU, il fournit des réponses aux organismes des Nations Unies et aux rapporteurs de l'ONU et des services d'experts internationaux aux organismes locaux. Le département a à sa tête un émissaire adjoint du Ministre des affaires étrangères.


b) Situations exceptionnelles et états d'urgence


64. L'article 148 de la Constitution permanente de l'Égypte, promulguée en 1971, porte sur les questions relatives aux situations exceptionnelles et aux états d'urgence, concernant lesquels le législateur égyptien a adopté l'approche de la législation antérieure aux états d'urgence, la Constitution stipulant que le Président de la République déclare l'état d'urgence de la manière prévue par la loi.


65. La loi No 162 (1958) sur l'état d'urgence définit les conditions dans lesquelles l'état d'urgence est proclamé et les mesures à prendre en cas de danger public exceptionnel (ces dispositions ont été décrites de manière détaillée dans le précédent rapport de l'Égypte au Comité). La loi ne précise pas que les dispositions du Code pénal qui concernent la torture, la détention abusive ou le recours à la force doivent être suspendues ni qu'il faille accorder à qui que ce soit le droit de suspendre les dispositions du Code pénal ou d'autoriser des actes qui sont définis dans le Code comme étant des infractions. En conséquence, la torture, entre autres, continue d'être considérée comme un délit, même lorsque l'état d'urgence est proclamé.


66. Toute personne arrêtée selon les dispositions de la loi sur l'état d'urgence est placée en détention dans les prisons spécifiées par la loi. Ces détenus sont traités de la même façon que les personnes en détention provisoire et jouissent de tous les droits reconnus aux détenus dans les prisons. Aucun tort ne doit leur être fait et leur détention est sujette à réexamen périodique dans la mesure où, tous les 30 jours, toute personne concernée peut déposer une plainte devant la justice. Ainsi, quiconque torture une personne, la maintient en détention ailleurs que dans les prisons spécifiées par la loi ou lui fait du tort commet un acte punissable par la loi.


67. À cet égard, il convient de souligner que lorsque les dispositions de la loi sur l'état d'urgence sont en vigueur, le Président de la République est autorisé, en vertu de la loi sur les condamnations militaires, à faire examiner certaines infractions par la justice militaire, dont les décisions sont réglementées par la loi. Les tribunaux militaires sont en outre tenus d'observer les principes de la Constitution, conformément à l'article 183 de celle-ci, et examinent les affaires dont ils sont saisis de la manière décrite ci-dessus conformément aux dispositions du Code pénal et du Code de procédure pénale. Ils relèvent de la loi sur les condamnations militaires et leurs décisions sont susceptibles de recours devant l'Office des recours militaires pour les mêmes motifs juridiques que les recours en cassation. Leurs décisions également doivent être ratifiées, c'est-à-dire qu'elles doivent être examinées par des juges experts ou par les tribunaux militaires eux-mêmes qui vérifient qu'elles sont conformes à la loi et qu'elles respectent les garanties de la défense.


68. On trouvera dans la deuxième partie du rapport des exemples détaillés de jugements prononcés par des tribunaux militaires dans des affaires de ce genre.


69. À cet égard, il convient de mentionner que les dispositions de la Convention concernant ces questions ont valeur de loi en Égypte, la Convention dans son ensemble ayant été intégrée à la législation après sa publication, conformément à l'article 151 de la Constitution. En conséquence, toute personne est en droit de les invoquer devant n'importe quelle juridiction et les décisions des tribunaux qui sont entachées d'irrégularités peuvent être contestées pour violation de la loi et non-respect de ses dispositions.


c) Invocation d'ordres donnés par des officiers supérieurs pour justifier la torture


70. En ce qui concerne les principes généraux applicables aux causes admissibles en droit égyptien, l'article 63 du Code de procédure pénale stipule qu'il n'y a pas infraction lorsqu'un fonctionnaire commet un acte sur ordre d'un officier supérieur auquel il est tenu d'obéir ou lorsqu'il commet un acte de bonne foi en exécution d'un ordre donné en application de la loi ou en croyant que cet acte relève de sa compétence. Conformément audit article, il doit dans tous les cas prouver qu'il a commis cet acte après avoir examiné la situation de près et s'être renseigné à son sujet. Il doit prouver aussi qu'il avait des motifs raisonnables de penser agir en toute légitimité.


71. La torture étant un délit punissable selon la loi égyptienne et l'ignorance de la loi ne pouvant être invoquée comme justification, conformément à ce qui précède, en aucune circonstance le fait d'avoir agi sur ordre d'officiers supérieurs ne peut être invoqué pour justifier des actes de torture, le recours à la force ou d'autres actes qualifiés d'infractions.


72. Le législateur égyptien traite donc spécifiquement de la torture telle qu'elle est stipulée à l'article 126 du Code pénal, qui dispose qu'un acte de torture commis sur ordre d'un fonctionnaire ou par un fonctionnaire constitue une infraction pénale. Étant donné que l'acquiescement à un acte de torture est considéré comme un ordre de commettre cet acte, selon la loi égyptienne, toute personne qui donne l'ordre de torturer ou qui torture parce qu'on lui en a donné l'ordre commettent toutes deux un acte de torture considéré comme une infraction selon le Code pénal et se verront appliquer les peines prévues.


73. Sur cette question, la Cour de cassation a déclaré ceci :


a) En vertu d'un principe établi, un subordonné ne doit pas obéir à l'ordre donné par son supérieur de commettre un acte dont il sait qu'il est punissable par la loi. En aucune circonstance l'obéissance à un officier supérieur ne doit conduire à commettre des infractions (recours No 936 de l'année judiciaire 16, audience du 13 mai 1946; recours No 1913 de l'année judiciaire 38, audience du 6 janvier 1969, dossier 20, section 6, p. 24 et recours No 869 de l'année judiciaire 44, audience du 4 novembre 1974, dossier 25, section 163, p. 756);


b) Les personnes qui ne sont pas des fonctionnaires ne tombent pas sous le coup des dispositions de l'article 63 du Code pénal s'appliquant aux fonctionnaires, même si le type de rapport qu'elles ont avec la personne qui leur donnent un ordre exige qu'elles lui obéissent (recours No 13 de l'année judiciaire 32, audience du 21 janvier 1973, dossier 24, section 18, p. 78 et recours No 742 de l'année judiciaire 49, audience du 22 novembre 1979, dossier 30, section 176, p. 821).



Article 3


74. Suite à l'adhésion de l'Égypte à la Convention et à la publication de cet instrument dans le pays, les obligations découlant des dispositions du présent article, qui s'adressent à l'État et à ses autorités compétentes, sont considérées comme des obligations juridiques auxquelles les autorités doivent se conformer et se garder de porter atteinte. Toute partie lésée par une décision qui contrevient aux dispositions du présent article est habilitée à faire valoir ses droits auprès du pouvoir judiciaire, comme indiqué au paragraphe 3 du présent rapport.

Article 4


75. Le délit de torture tombe sous le coup des principes généraux énoncés dans la législation égyptienne en ce qui concerne la tentative de torture ou la participation à l'acte de torture, par consentement, sur instigation d'autrui ou en tant que complice, conformément aux articles 40 et 45 du Code pénal. La peine prévue pour l'auteur principal du délit s'applique également au complice, conformément aux dispositions de l'article 41 du Code pénal. Les peines prévues à l'article 46 du Code pénal s'appliquent également à la tentative de torture.


76. Il ressort de ce qui précède que le législateur a prévu les travaux forcés à temps, peine sévère imposée aux auteurs de crimes graves. Au cas où la torture entraîne la mort de la victime, cette peine peut être transformée en travaux forcés à perpétuité, qui est le peine prévue pour homicide volontaire.



Article 5


77. Le Code pénal égyptien s'applique à toute personne qui commet, sur le territoire égyptien ou à bord d'un navire ou aéronef égyptien, tout acte considéré comme un délit au regard du droit égyptien, que l'auteur soit égyptien ou étranger (art. 1er du Code pénal). Par conséquent, ce sont les tribunaux égyptiens qui sont compétents pour connaître des actes de torture commis sur le territoire égyptien, le suspect étant jugé et éventuellement puni selon les dispositions de la législation égyptienne.


78. L'article 3 du Code pénal stipule également que tout Égyptien soupçonné d'avoir commis à l'étranger un acte qualifié de crime ou de délit par le Code pénal doit être puni à son retour en Égypte pourvu que le fait soit puni par la législation du pays où il a été commis.


79. Par conséquent, tout Égyptien qui commet un acte de torture au sens du Code pénal, alors qu'il se trouve à l'étranger, doit, quelle que soit la nationalité de la victime, être jugé en Égypte à son retour dans ce pays, à condition que cet acte de torture soit punissable dans le pays où il a été commis. Dans ce cas, l'appareil judiciaire égyptien acquiert la compétence de juger et de punir tout citoyen égyptien qui, à l'étranger, commet un acte de torture dans les conditions susmentionnées. Aux yeux de la loi égyptienne, la nationalité de la victime ne constitue pas un critère déterminant pour le transfert de compétence aux tribunaux égyptiens aux fins de juger et de punir un étranger soupçonné d'avoir commis une infraction hors d'Égypte. Par conséquent, si la victime est égyptienne, les tribunaux égyptiens sont compétents aussi bien lorsque l'infraction est commise en Égypte, quelle que soit la nationalité de l'auteur, que lorsque l'infraction est commise à l'étranger par un suspect égyptien qui retourne ensuite en Égypte, pourvu que l'acte soit qualifié de délit au regard du droit du pays dans lequel il a été commis.


80. Les conditions régissant l'établissement de la compétence pour des délits dont l'auteur se trouve en territoire égyptien et n'est pas extradé sont visées au paragraphe 4 de l'article 8 de la Convention, qui stipule qu'entre États parties les infractions pouvant donner lieu à une extradition sont légalement considérées comme ayant été commises sur les territoires sous la juridiction des États tenus d'établir leur compétence. La compétence est donc établie conformément aux dispositions dudit paragraphe, lesquelles, suite à l'adhésion de l'Égypte à la Convention, ont été intégrées au droit égyptien et doivent par conséquent s'appliquer aux situations susmentionnées.


81. Les dispositions de la Convention n'empêchent pas le pouvoir judiciaire égyptien d'avoir compétence conformément aux dispositions de la législation égyptienne.



Articles 6 à 9


82. Les dispositions des articles 6 à 9 sont considérées comme étant d'application directe et, en tant que telles, constituent la base juridique et législative des mesures qui y sont énoncées, conformément au système juridique égyptien. Par conséquent, suite à l'adhésion de l'Égypte à la Convention, ces dispositions constituent des principes directement applicables en Égypte et juridiquement contraignants pour l'ensemble des autorités auxquelles elles s'appliquent.


83. Dans le cadre de l'entraide judiciaire internationale en matière criminelle, l'Égypte, tout au long de son histoire, s'est fait un devoir d'adhérer à des traités internationaux contre le crime, concluant plusieurs accords bilatéraux de coopération en matière pénale. En l'absence de ce type d'accord, les principes directeurs élaborés par le parquet général prévoient une coopération dans ce domaine à titre de courtoisie internationale et sur la base de la réciprocité, conformément aux dispositions de la législation égyptienne et selon des modalités qui ne soient pas contraires à la Constitution, à la loi et à l'ordre public.



Article 10


84. Les mesures envisagées par l'État pour combattre de manière efficace les actes proscrits par la Convention reposent sur trois piliers : développement, formation et éducation. Étant donné que l'on a déjà évoqué les efforts de l'État visant à développer et à moderniser les institutions chargées de l'administration de la justice pénale, on s'intéressera ici à la formation, à l'éducation et à l'information.


Formation


85. Pour le personnel des différents organismes spécialisés chargés de l'administration de la justice pénale, l'État a prévu des programmes intensifs de formation, tant sur place qu'à l'étranger, et ce en collaboration avec les ministères intéressés ainsi qu'avec des institutions scientifiques, des organisations internationales et des pays amis.


86. Un des volets de ces programmes de formation consiste à présenter et à faire connaître l'ensemble des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, dont la Convention contre la torture. Les programmes de formation qui ont été menés à bien seront évoqués dans la deuxième partie du présent rapport.


Éducation


87. Les plans, politiques et programmes de l'État en la matière consistent à présenter et à faire connaître les conventions relatives aux droits de l'homme aux élèves des niveaux primaire et secondaire ainsi qu'aux étudiants de l'enseignement supérieur. C'est là le meilleur moyen d'inculquer aux jeunes, à tous les stades de leur éducation, des principes et valeurs relatifs aux droits de l'homme, ce qui aura automatiquement une incidence positive sur les attitudes et la formation des générations futures.


88. C'est dans ce souci que les principes relatifs aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales sont progressivement intégrés aux programmes d'enseignement, lesquels font l'objet, à cette fin, d'un examen minutieux par des pédagogues chargés de veiller à ce que ces principes soient effectivement inculqués aux élèves.


89. Au niveau supérieur, les conventions relatives aux droits de l'homme font partie des sujets d'étude de l'école de police, des instituts scientifiques compétents, des facultés de droit, de sciences économiques, de science politique et de lettres, des écoles de commerce et de tourisme ainsi que des centres de formation d'enseignants et d'infirmiers.


Information


90. Pour mieux faire connaître les conventions relatives aux droits de l'homme, les associations professionnelles telles que l'Association égyptienne de droit pénal, l'Association égyptienne de droit international, l'Association égyptienne pour la protection sociale et l'Association égyptienne de défense des prisonniers, en collaboration avec leurs homologues d'autres pays, organisent des programmes, des conférences et des séminaires de sensibilisation à ces instruments.


91. Une grande importance est attachée aux activités de ces associations dans ce domaine, qui mobilisent largement leurs membres et qui suscitent l'intérêt et la participation de représentants des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.


92. Tout aussi important sont les efforts déployés par les partis politiques, les journaux d'opposition et les syndicats de cadres dans tous les secteurs, dont le souci est notamment de faire connaître les droits et les libertés fondamentales de tous les citoyens.


93. Les organes d'information et les instances culturelles jouent également un rôle important dans la promotion des conventions relatives aux droits de l'homme, et ce grâce notamment à leurs activités spécialisées et à leurs programmes artistiques, qui s'adressent, par les moyens appropriés, à toutes les couches de la population.


94. Conformément à la Constitution et aux objectifs énoncés dans la loi relative à la presse, les médias constituent le moyen le plus efficace pour promouvoir les droits de l'homme, d'autant que leur vocation est de véhiculer la culture et d'apporter un éclairage sur les importantes questions qui retiennent l'attention du public.


95. Les textes susmentionnés interdisent les actes relevant du champ d'application de la Convention, laquelle a force de loi et doit être respectée par tous les citoyens et agents de l'État.



Article 11


96. Toutes les mesures juridiques relatives aux règles, instructions, méthodes et pratiques en matière d'interrogatoire ainsi qu'aux dispositions concernant la garde et le traitement des personnes arrêtées, détenues ou emprisonnées de quelque façon que ce soit sont soumises à diverses formes de contrôle et de suivi, afin que, d'une part, les dispositions de la loi soient respectées et que, d'autre part, ceux qui violent la loi soient interrogés par les agents chargés de l'application des lois. De telles mesures constituent en effet les principales garanties de la protection des droits et des libertés du citoyen. Ce contrôle et ce suivi, qui visent à empêcher tout cas de torture ou d'abus d'autorité, sont fondamentalement de trois ordres : judiciaire, administratif et scientifique.


Suivi judiciaire


97. Le suivi judiciaire est exercé comme suit :


a) Toute personne qui sait qu'une infraction a été commise est tenue de la signaler. Cette obligation vaut également pour les agents de l'État conformément aux articles 25 et 26 du Code de procédure pénale. Cette mesure constitue une importante garantie en ce qui concerne les infractions visées dans le présent rapport, que la victime ou ses proches peuvent omettre de signaler en raison du traumatisme subi. Elle permet de savoir si une infraction a été éventuellement commise et d'interroger les auteurs comme le veut la loi;


b) Le parquet général et les tribunaux sont tenus de procéder à un examen obligatoire de l'ensemble des procédures suivies dans le cadre de l'instruction des cas qui leur sont soumis et de vérifier la validité et la pertinence des mesures prises. Ils sont également tenus d'enquêter sur la défense des suspects et d'en tirer les conséquences, soit en invalidant la procédure soit en annulant les éléments de preuve recueillis. Cette obligation constitue un important garde-fou permettant de découvrir une éventuelle violation des procédures à suivre, que ce soit par l'accusation ou par la défense. Il appartient au parquet général d'enquêter sur de telles violations et d'en punir les auteurs;


c) Le fait pour les responsables de l'enquête ou les tribunaux de première instance de manquer à ce devoir et de ne pas mener les enquêtes sur la défense des personnes concernées est un motif de contestation du jugement, qui peut ainsi être cassé;


d) Le parquet général et les magistrats instructeurs, de même que les présidents et les procureurs des tribunaux de première instance, ainsi que des cours d'appel et de cassation, ont le droit de visiter et d'inspecter les prisons, de noter d'éventuelles violations des dispositions légales et de prendre les mesures qui s'imposent. Ils doivent également veiller à l'application de la loi et des règlements et contrôler les registres et les documents des prisons qu'ils inspectent.


Suivi administratif


98. Dans le cadre du suivi administratif, les hauts fonctionnaires à tous les niveaux sont tenus de suivre, de contrôler et d'inspecter le travail de leurs subordonnés, de procéder à des enquêtes administratives sur toutes violations d'ordre professionnel, administratif ou organisationnel commises par ces derniers dans l'exercice de leurs fonctions et de signaler au parquet général toute action de leurs subordonnés qui constituerait une infraction au regard de la loi. Un autre volet de ce suivi consiste à évaluer les conclusions des départements chargés des enquêtes financières, administratives et professionnelles et à donner les instructions nécessaires à l'application de leurs recommandations.


Suivi scientifique


99. Les instituts de recherche et les universités jouent un rôle important dans le suivi constant de toutes les mesures qui constituent des garanties essentielles pour les citoyens. C'est ainsi que le Centre national d'études judiciaires et le Centre national de recherche dans les domaines social et pénal réalisent tous deux des travaux de recherche scientifique et organisent des séminaires et des conférences, auxquels participent des magistrats, des pocureurs, des professeurs d'université, des représentants de la justice militaire, des policiers, des médecins et des administrateurs de la justice pénale. Il s'agit de se familiariser avec l'aspect pratique des dispositions et des mesures pénales, grâce à des analyses scientifiques et statistiques visant à relever les lacunes qui empêchent leur application optimale.


100. Les résultats du suivi judiciaire ou administratif et les conclusions des travaux de recherche scientifique retiennent l'attention des autorités, tout comme les recommandations des conférences et séminaires scientifiques susmentionnés. Le Gouvernement, conscient qu'il s'agit d'avis de spécialistes, s'efforce de les faire appliquer, en donnant des instructions ou des directives ou, le cas échéant, en modifiant la législation.



Article 12


101. La Constitution égyptienne, promulguée en 1971, stipule que la souveraineté de la loi est à la base du pouvoir de l'État et que ce dernier est soumis à la loi. L'indépendance de la magistrature et son immunité sont deux garanties fondamentales pour la protection des droits et des libertés (art. 64 et 65).


102. L'article 70 de la Constitution stipule que l'action pénale ne peut être introduite qu'en vertu d'une ordonnance émanant d'une autorité judiciaire, sauf dans les cas prescrits par la loi.


103. Le Code de procédure pénale est conforme à cette disposition, ayant donné au parquet général le pouvoir d'enquête et de poursuites en matière criminelle. Le parquet est considéré comme une autorité judiciaire et ses membres bénéficient de l'immunité, conformément à la loi relative au pouvoir judiciaire.


104. La loi permet au parquet général de déférer une affaire au juge, les enquêtes de police étant suffisantes lorsqu'il s'agit d'un délit mineur, c'est-à-dire une infraction entraînant une peine d'emprisonnement ou une amende. Le parquet est également tenu par la loi d'enquêter sur les crimes graves, c'est-à-dire les délits entraînant une peine d'emprisonnement, de travaux forcés à temps, de travaux forcés à perpétuité ou de mort. Une fois l'enquête terminée, le parquet est habilitée à classer l'affaire pour les motifs prévus par la loi ou à la déférer au juge. La loi permet également de contester toute décision judiciaire du parquet de classer une affaire; c'est pourquoi, le parquet est tenu de notifier à la victime et au plaignant civil ou, en cas de décès de l'un ou de l'autre, à leurs héritiers toute décision de classer une affaire (art. 62 du Code de procédure pénale).


105. La police et le parquet général mènent leurs enquêtes selon une procédure conforme aux mesures et aux garanties prévues par la loi, lesquelles ont fait l'objet d'un examen détaillé dans les rapports périodiques précédemment présentés par l'Égypte.


106. Il ressort de ce qui précède que les actes de torture mentionnés aux articles 126 et 282 du Code pénal sont considérés comme des crimes graves, pour lesquels la législation égyptienne prévoit une peine de travaux forcés à temps ou à perpétuité. Par conséquent, ces actes doivent donner lieu à une enquête du parquet général, dès que celui-ci en a été informé.


107. Ainsi, selon les circonstances entourant chaque plainte, la première mesure que doivent prendre les enquêteurs est d'examiner la victime, de voir si elle présente des blessures apparentes et de recueillir sa déposition concernant tout acte de torture auquel elle a été soumise. Il s'agira ensuite d'examiner le lieu où les actes de torture auraient eu lieu, d'entendre les témoins à charge et à décharge et de faire procéder à des tests médico-légaux pour s'assurer de l'authenticité de l'acte de torture tel que décrit par la victime. Sur la base des conclusions du rapport médico-légal, des dépositions des témoins et des examens effectués, l'affaire devra alors être soit déférée à une juridiction de jugement soit classée aux motifs que les éléments de preuve sont faux ou insuffisants, que l'auteur n'a pas été identifié ou pour d'autres raisons, notamment la mort du suspect ou l'absence d'infraction. Les crimes de torture sont imprescriptibles. Comme il a déjà été dit, le parquet général est tenu de notifier à la victime et au plaignant civil, ou à leurs héritiers, toute décision de classer une affaire, étant donné que la victime a le droit de contester une telle décision devant les tribunaux.


108. On voit donc que la législation égyptienne donne aux victimes d'actes de torture la garantie qu'une enquête sera immédiatement menée par une autorité judiciaire indépendante et bénéficiant de l'immunité, à savoir le parquet général. Celui-ci est tenu par la loi de mener à bien l'enquête selon les normes prescrites pour la défense des suspects comme des victimes et, à cet égard, de respecter les dispositions de la loi et son mandat.



Article 13


109. Dans l'ordre juridique égyptien, le droit de porter plainte est un droit constitutionnel, étant donné que la Constitution donne à chacun le droit de former un recours auprès d'un tribunal. En vertu de l'article 68 de la Constitution, aucun acte ni aucune décision administrative ne peuvent être soustraits au contrôle de la justice par la loi. Le droit de porter plainte auprès des autorités compétentes est garanti à tous par la Constitution et est prévu dans le Code de procédure pénale No 150 de 1950, dont l'article 24 fait obligation aux enquêteurs d'accepter les communications et les plaintes qu'ils reçoivent concernant toutes sortes d'infractions et de les transmettre immédiatement au parquet général. En vertu de la loi, le dépôt d'une plainte par la victime est une condition préalable à la mise en route d'une procédure pénale dans le cas de certaines infractions telles que la diffamation, le blasphème et le vol entre proches.


110. La loi dispose qu'une personne privée de liberté a le droit de présenter, à tout moment, une plainte écrite ou verbale et de demander que celle-ci soit notifiée au parquet général. Le directeur de la prison est dans l'obligation d'accepter la plainte, de la consigner dans le registre des réclamations et d'en informer immédiatement le parquet général (art. 80 de la loi No 396 de 1956 relative aux prisons).


111. Le registre des réclamations est un registre officiel que les prisons sont dans l'obligation de tenir et qui est soumis à un contrôle durant les inspections des prisons par les autorités judiciaires ou administratives.


112. S'ajoute à cela que la loi impose à toute personne, y compris un agent de l'État, qui sait qu'une infraction a été commise l'obligation d'en informer le parquet général ou un officier de police judiciaire (art. 45 du Code de procédure pénale).


113. Eu égard à ces dispositions et aux règles générales régissant le droit de présenter une plainte, la victime d'actes de torture ou d'usage de la force a le droit de se plaindre auprès de la police ou du parquet général. De même, toute personne, y compris un agent de l'État, qui sait que de tels actes ont été commis a le droit de les signaler. La plainte de la victime n'est pas indispensable à la mise en route d'une procédure pénale.


114. La victime ou les témoins bénéficient, à leur demande, de la protection nécessaire de la police et toute menace à leur égard constitue une infraction visée à l'article 327 du Code pénal. La loi punit également toute déposition mensongère faite par un témoin, ainsi que le fait d'inciter un témoin à refuser de faire une déposition conformément aux dispositions des articles 294 à 300 du Code pénal.


115. À cet égard, il convient de noter que le droit de présenter une plainte n'est soumis à aucune règle de prescription pour ce qui est des actes de torture qualifiés de délits par les articles 126 et 282 du Code pénal, étant donné que, comme il a déjà été indiqué, de tels délits sont imprescriptibles en vertu de la Constitution, tant au pénal qu'au civil. Cette garantie, qui fait l'objet d'une section distincte de la Constitution égyptienne, permet de traduire en justice et de punir, à tout moment, une personne suspectée d'actes de torture et d'obtenir que la victime soit indemnisée pour le préjudice subi.



Article 14


116. Le recours à la justice est un droit garanti à tous, en vertu de l'article 68 de la Constitution. Le pouvoir judiciaire, qui est indépendant, est exercé par des tribunaux de divers échelons et compétences, lesquels rendent leurs décisions conformément à la loi (art. 165 de la Constitution). Les juges sont indépendants et ne sont soumis en ce qui concerne leurs attributions judiciaires qu'à la seule autorité de la loi, et nul ne peut intervenir dans les affaires de la justice (art. 166 de la Constitution). Les décisions sont rendues et exécutées au nom du peuple et l'abstention de les exécuter de la part des fonctionnaires publics compétents est un crime puni par la loi. La partie en faveur de laquelle la décision a été rendue peut dans ce cas introduire directement une action criminelle devant le tribunal compétent, conformément à l'article 72 de la Constitution. L'article 123 du Code pénal prévoit l'emprisonnement ou la révocation de tout agent de l'État qui refuse d'exécuter une décision, tandis que le paragraphe 2 de l'article 63 du Code de procédure pénale stipule que la partie en faveur de laquelle une décision a été rendue peut directement intenter une action contre tout agent de l'État ou homme de loi qui commet une telle infraction. On voit donc que la législation égyptienne permet d'obtenir réparation auprès d'une autorité judiciaire indépendante et qu'elle considère comme une infraction punissable par la loi tout refus d'exécuter une décision rendue. En ce qui concerne les infractions visées par le présent rapport, l'article 57 de la Constitution stipule que toute atteinte à la liberté personnelle, à la vie privée des citoyens ainsi qu'aux autres droits et libertés garantis par la Constitution et la loi est un crime qui ne peut être frappé de prescription. Le même article dispose que l'État garantit une indemnisation juste à toute personne qui en a été victime. Cette disposition constitutionnelle, qui joue un rôle important dans la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales en Égypte, s'applique aux actes de torture en ce sens que ceux-ci constituent une atteinte aux droits et aux libertés garantis par la Constitution, comme l'a précisé le législateur à l'article 259 du Code de procédure pénale.


117. Conformément aux principes généraux, la législation égyptienne donne aux victimes et à toute personne ayant subi un préjudice du fait d'une infraction le droit d'intenter une action au civil, droit qui est transmis aux héritiers de la victime. Des poursuites semblables pourront également être engagées contre les personnes civilement responsables des actes de l'accusé (art. 251 et 259 du Code de procédure pénale). Le montant de l'indemnisation est à la discrétion des juges, qui, avant de se prononcer, doivent tenir compte des conséquences de la torture, y compris, le cas échéant, le coût de la réadaptation.


118. L'État garantit une indemnisation juste à toute personne dont les droits ou libertés ont été violés ou qui a été soumise à des actes de torture au sens de l'article 57 de la Constitution. De même, le droit à une indemnisation pour des actes de torture n'est soumis à aucune prescription et la demande de compensation peut être présentée à tout moment.


119. À la mort de la victime, ce droit à indemnisation est transmis à ses héritiers. Si le décès est une conséquence des actes de torture, les héritiers ont droit à deux types d'indemnisation, à savoir une compensation pour tout préjudice prévu ou non prévu, matériel ou moral, qu'ils ont subi, et une compensation pour le préjudice matériel subi par leur testateur.


120. Les indemnités préliminaires accordées pour des cas de torture et d'abus d'autorité seront évoquées dans la deuxième partie.



Article 15


121. En droit égyptien, il est un principe constitutionnel et juridique qui veut que les déclarations dont il est établi qu'elles ont été obtenues par la torture ne puissent pas être invoquées comme éléments de preuve. En effet, l'article 42 de la Constitution dispose :


"Tout citoyen arrêté, détenu ou dont la liberté aurait été restreinte, doit être traité d'une manière sauvegardant sa dignité humaine. Il est interdit de le maltraiter physiquement ou moralement, ou de le détenir ailleurs que dans les lieux soumis aux lois organisant les prisons. Toute déclaration dont il aurait été établi qu'elle a été faite sous la pression de ce qui est susmentionné ou sous la menace est nulle et sans valeur."
122. L'article 302 du Code de procédure pénale contient le même principe, stipulant que toute déclaration d'un suspect ou d'un témoin dont il est établi qu'elle a été faite sous la contrainte ou la menace est considérée nulle et non avenue.


123. Il s'agit donc, dans le droit égyptien, d'un important principe constitutionnel et juridique, qui constitue une garantie fondamentale pour les citoyens et que les tribunaux civils et militaires, quelle que soit leur nature, se doivent d'appliquer. En outre, ce principe doit être appliqué aussi bien en temps ordinaire que lorsque la loi sur l'état d'urgence est en vigueur.


124. Le législateur égyptien n'a pas précisé le degré de souffrance ou de torture que doit éprouver la victime pour que soit retenu le crime de torture. Aussi a-t-il décidé que la disposition selon laquelle certaines déclarations ne peuvent être invoquées comme éléments de preuve s'étendrait à toutes les formes ou menaces de sévices, de préjudice physique ou mental, ou d'emprisonnement en des lieux autres que les endroits prévus par les lois sur les prisons.


125. Le fait que le tribunal n'applique pas ce principe et ne donne pas suite à la requête de la défense constitue un motif juridiquement valable de contestation du jugement rendu.


126. Il convient de souligner que ce principe n'est à appliquer, selon les circonstances et conformément aux règles juridiques, que dans le cas des déclarations dont il est prouvé au tribunal qu'elles ont été faites sous la pression ou la contrainte. Bien entendu, cela n'empêche pas le tribunal d'inculper le suspect s'il obtient d'autres preuves suffisantes pour prononcer un jugement. Faute de telles preuves, le tribunal doit déclarer nulles et non avenues les déclarations attribuées au suspect et prononcer l'acquittement de celui-ci.



Article 16


127. Le législateur égyptien qualifie de délits toutes les formes de traitement inhumain ou dégradant de la part d'un agent de l'État. En effet, l'article 129 du Code pénal considère comme une infraction tout usage de la force, par un agent de l'État, d'une manière qui porte atteinte à la dignité humaine ou qui entraîne des souffrances physiques.


128. Les dispositions contenues dans cet article s'appliquent à tous les agents de l'État, qu'ils travaillent dans les organismes chargés de l'administration de la justice pénale ou dans d'autres services. La protection garantie par cet article s'applique à toutes les personnes, quel que soit leur titre et qu'elles se trouvent en état d'arrestation, en détention ou dans d'autres situations.


129. Tout ce qui porte atteinte à la dignité de la victime est également considéré comme un délit, tout comme le fait d'infliger un simple traumatisme ou des coups au point de causer une lésion ou des blessures. Il n'est pas besoin de préciser que les dispositions de cet article doivent s'appliquer même en l'absence d'une volonté d'obtenir des aveux, condition qui, comme précédemment indiqué, doit exister pour que soit constitué le délit de torture au regard du Code pénal égyptien.


130. Quant aux personnes légalement privées de liberté, le législateur pénal leur donne une protection spéciale, en plus des dispositions susmentionnées. C'est ainsi que l'article 127 du Code pénal qualifie d'infraction le fait pour un agent de l'État d'imposer à de telles personnes soit une peine plus lourde que celle à laquelle elles avaient été condamnées soit une peine à laquelle elles n'ont pas été condamnées. L'article 91 bis de la loi No 396 sur le système pénitentiaire (1956) dispose également que le fait, pour un agent de la fonction publique, de détenir une personne, privée de quelque manière que ce soit de sa liberté, dans un endroit autre qu'une prison ou un lieu prévu à cette fin par la loi, constitue un délit.


131. Les formes de participation prévues en vertu des principes généraux du Code pénal, à savoir l'instigation, le consentement et la complicité, s'appliquent également aux délits susmentionnés. Ceux-ci ne sauraient être justifiés par l'argument selon lequel ils ont été commis sur ordre de supérieurs hiérarchiques, étant donné que de tels actes constituent un délit et que leur auteur ne saurait invoquer son ignorance pour justifier ses actes. Les auteurs de telles infractions, ainsi que ceux qui leur en donnent l'ordre ou qui les approuvent, sont par conséquent passibles de la peine prévue par la loi pour leur participation à un délit.


132. Il convient de souligner que les délits de coups et blessures, punissables en vertu des articles 240 à 243 du Code pénal, se confondent avec le délit qu'est le fait pour un agent de l'État de porter atteinte à une victime en lui infligeant des coups, conformément à l'article 126 du Code pénal.


133. Dans ce cas, c'est la peine prévue pour les délits les plus graves qui s'applique, conformément aux dispositions de l'article 32 du Code pénal. Si les coups et blessures entraînent une défiguration permanente ou le décès, ce sont les peines prévues pour les crimes graves qui s'appliquent, conformément aux articles 234 et 240 du Code pénal.


134. Il convient de souligner que les obligations énoncées aux articles 10, 11, 12 et 13 de la Convention s'appliquent aux personnes visées par l'article 16.


135. Les dispositions de la Convention sont sans préjudice des dispositions de la législation égyptienne, qui considèrent l'usage de la force comme une infraction criminelle.


136. Dans la deuxième partie, on évoquera les arrêts rendus par la Cour de cassation, qui font état de certains des principes et normes juridiques applicables aux délits impliquant le recours à la force.



II. INFORMATIONS CONCERNANT LES QUESTIONS POSÉES PAR LE COMITÉ


137. Lors de l'examen du précédent rapport de l'Égypte, les membres du Comité ont demandé quelle était la définition de la torture au regard de la loi égyptienne, dans quelle mesure les formes de torture visées par la Convention tombaient sous le coup de la loi, et dans quelle mesure les dispositions de la loi sur l'état d'urgence étaient conformes à celles de la Convention. Les membres du Comité ont aussi posé des questions sur la justice militaire et demandé des renseignements statistiques pratiques sur les infractions visées dans la Convention. L'Égypte a répondu oralement à ces questions au cours du débat et donné des précisions sur la législation dans la première partie du présent rapport qui traite de l'application des articles pertinents de la Convention. On trouvera dans les parties A, B et C ci-après un résumé de ces réponses, et dans la partie D des exemples de décisions de justice ainsi que des données statistiques sur la formation, les poursuites judiciaires et disciplinaires et les indemnisations.



A. Définition de la torture


138. En ce qui concerne la définition de la torture, l'exposé sur l'application de l'article premier de la Convention, qui figure dans la première partie du présent rapport, précise les dispositions de la loi égyptienne relatives à toutes les formes de torture et apporte à l'appui des exemples des principes juridiques établis par la jurisprudence égyptienne à cet égard au fil des arrêts prononcés par la Cour de cassation. On trouvera aussi dans la partie D ci-après des exemples de ces arrêts.



B. La loi sur l'état d'urgence


139. Le précédent rapport de l'Égypte indique en détail dans quelle mesure il est tenu compte de la Convention dans les dispositions de la loi sur l'état d'urgence. Il a aussi été confirmé dans l'exposé concernant l'application de l'article 3 de la Convention que la loi sur l'état d'urgence ne cautionne pas la torture, ne modifie pas la qualification du délit de torture tel qu'il est défini dans le Code pénal égyptien et ne suspend pas non plus les dispositions constitutionnelles. En outre, lorsque la Convention a été promulguée, l'interdiction figurant au paragraphe 3 de l'article 2 est devenue disposition de la loi égyptienne du fait qu'une fois ratifiée la Convention est devenue une loi égyptienne contraignante pour toutes les autorités.



C. La justice militaire


140. En ce qui concerne les juridictions militaires, l'article 183 de la Constitution stipule qu'elles sont réglementées par la loi et que leurs compétences sont régies par les principes énoncés dans la Constitution. Ce sont donc des tribunaux spécifiques et leurs jugements sont réglementés par la loi No 25 de 1966. Elles sont également liées en ce qui concerne leurs procédures par les garanties fondamentales stipulées dans la Constitution et dans les textes relatifs aux suspects comme aux victimes. Les juges militaires sont des juges spécialisés qui sont qualifiés et formés conformément à la loi au Centre national des études juridiques, comme les autres juges. Les juridictions militaires sont compétentes à l'égard des membres des forces armées, auteurs d'infractions contre les forces armées ou relevant du droit commun. Elles ont également compétence à l'égard des civils lorsque l'infraction est commise dans un camp militaire ou au préjudice des fournitures et des matériels des forces armées. Le paragraphe 2 de l'article 6 de la loi sur les condamnations militaires mentionnée plus haut stipule que tant que les dispositions de la loi sur l'état d'urgence sont en vigueur, le Président de la République peut renvoyer certaines infractions devant un tribunal militaire qui, lorsqu'il les examine, est tenu d'appliquer les dispositions du Code de procédure pénale. Il n'est appliqué aux suspects aucune peine qui ne soit prévue par le Code pénal et les jugements prononcés dans ces affaires sont soumis à confirmation et peuvent être contestés pour les mêmes motifs que ceux qui sont prévus pour le pourvoi en cassation. Il convient de mentionner que sur la base de la disposition susmentionnée, diverses affaires de terrorisme ont été renvoyées par décision du Président de la République devant la justice militaire. La loi et la Constitution ont été invoquées plusieurs fois pour contester cette disposition et le Gouvernement a demandé à la Cour constitutionnelle de l'interpréter. La Cour a décidé qu'une fois commises, certaines infractions spécifiques pouvaient être renvoyées devant la justice militaire en application d'une décision du Président de la République (demande d'interprétation No 1, année judiciaire 15, audience du 30 janvier 1993).



D. Statistiques appliquées


141. Conformément aux plans formulés, les autorités compétentes gèrent des programmes de formation pour leur personnel. Ceux qui ont été mis en oeuvre sont les suivants :



1. Le Ministère de la justice


142. Le Ministère de la justice organise en permanence pour les membres des organes judiciaires des stages de formation réguliers dans le domaine des droits de l'homme dont on trouvera le détail ci-après :


Au Centre national d'études judiciaires, l'enseignement des droits de l'homme et de leur mise en oeuvre fait partie des programmes de formation élémentaire des membres du parquet général.
Au cours de l'année 1996, le Centre a organisé trois séminaires d'initiation au droit international humanitaire en liaison avec une mission du Comité international de la Croix-Rouge au Caire.
Tout au long de l'année, le Centre organise régulièrement des conférences données par d'éminents professeurs égyptiens et étrangers sur les droits de l'homme, auxquelles des membres des organes judiciaires viennent nombreux.
Le Centre envoie des juges émérites étudier la langue anglaise grâce aux bourses octroyées tous les ans pour étudier à l'Institut des droits de l'homme de Strasbourg.
Trois fois par an, le Centre de recherche sociale et criminelle organise à l'intention des agents du ministère public des stages de formation et d'initiation qui durent chacun trois mois au minimum. Depuis 1992, ces stages ont essentiellement consisté en conférences et en études sur le thème des droits de l'homme, sur les conventions internationales relatives aux droits de l'homme et sur le rôle du parquet général dans le respect des droits de l'homme. Chacun de ces stages spécialisés reçoit 30 stagiaires, soit 90 stagiaires par an, et les stages d'initiation en reçoivent 25, soit 75 par an. Un travail de recherche sur un thème particulier fait partie du programme de ces stages et les auteurs du meilleur travail sont envoyés à l'étranger grâce à des bourses accordées au Ministère de la justice et au parquet général.

2. Le Ministère de l'intérieur


143. Afin d'inculquer les principes et concepts qui sous-tendent les droits de l'homme aux fonctionnaires, le Ministère de l'intérieur organise des stages de formation aux droits de l'homme.


144. Le premier stage s'est tenu du 28 mai au 2 juin 1994, au Centre des études de police. Il a été suivi par 22 agents des organes relevant du Ministère (le Service des renseignements sur la sécurité de l'État, l'Académie de police, le Département de la formation et le Département général de l'information et des relations publiques). Les stagiaires ont notamment entendu des conférences données par des experts internationaux venus des États-Unis, du Royaume-Uni et des Pays-Bas, ainsi que du Centre pour les droits de l'homme à Genève, de la Division de la prévention du crime et de la justice pénale de Vienne, et du Comité international de la Croix-Rouge.



3. Le Ministère des affaires étrangères


145. Étant donné les obligations internationales et régionales de l'Égypte, l'Académie des études diplomatiques enseigne les droits de l'homme aux nouveaux arrivants depuis 1993. Elle organise aussi des stages d'initiation dans ce domaine pour les diplomates et les journalistes égyptiens, et aussi pour les diplomates des pays d'Afrique et des pays de la Communauté des États indépendants.


146. Le deuxième stage s'est tenu du 4 au 8 juin 1998 au Centre des études de police en liaison avec le Centre des Nations Unies pour les droits de l'homme et le département chargé des questions de droits de l'homme au Ministère des affaires étrangères. Ce stage a été suivi par 19 fonctionnaires représentant les diverses directions de la sécurité et des départements généraux.


147. En outre, 23 fonctionnaires ont été envoyés au Centre pour les droits de l'homme à Genève pour suivre trois stages sur les droits de l'homme et la protection des libertés fondamentales. Ils se sont répartis comme suit :


Six fonctionnaires titulaires d'un doctorat (de l'Académie de police) ont suivi le premier stage (27-31 mars 1995);
Six fonctionnaires titulaires d'une maîtrise (de l'Académie de police) ont assisté au deuxième stage (3-7 avril 1995);
Onze fonctionnaires titulaires d'un doctorat ou d'une maîtrise (de l'Académie de police) ont suivi le troisième (24-27 avril 1995).
Au programme de ces stages figuraient l'étude de diverses questions touchant les droits de l'homme, ainsi que plusieurs journées d'études auprès des antennes locales de la police suisse. Des réunions ont également été organisées avec des experts de l'ONU et d'autres personnes qui travaillent à la promotion des droits de l'homme et à la protection des libertés fondamentales.


148. Mettant en oeuvre la politique du Ministère, qui est fondée sur le respect des droits de l'homme et la protection des libertés fondamentales ainsi que sur le souci d'inculquer ces principes et concepts aux étudiants et stagiaires au cours de leurs années d'études et de stage, l'Académie de police a commencé à faire figurer des questions et des thèmes relatifs aux droits de l'homme dans ses programmes d'enseignement. Elle a aussi procédé à des mises à jour dans ce domaine en tenant compte des conventions internationales et régionales, de la législation interne et du rôle de la police dans la protection des droits de l'homme. Au cours de l'année universitaire 1993-1994, elle a organisé un concours culturel pour les étudiants sur des sujets concernant les droits de l'homme et la protection des libertés fondamentales. De plus, la bibliothèque du collège a été enrichie de plusieurs ouvrages traitant de sujets relatifs aux droits de l'homme et une section scientifique, appelée Section de la justice pénale et des droits de l'homme, a été créée au Centre des études de police pour informer sur la justice pénale et faciliter les recherches sur les droits de l'homme et les libertés ainsi que sur les mécanismes permettant de les protéger.


149. L'Académie de police a participé à une journée de formation sur les principes essentiels des droits de l'homme organisée le 16 décembre 1995 par le Centre d'études des droits de l'homme à la faculté de droit de l'Université du Caire.


150. L'Académie travaille en coopération avec le Ministère des affaires étrangères (Département des droits de l'homme) pour acquérir les publications les plus récentes du Centre pour les droits de l'homme à Genève et les mettre à la disposition des étudiants, en particulier ceux qui suivent un enseignement supérieur et ceux qui se spécialisent dans des domaines concernant les droits de l'homme. Cette coopération s'étend aussi aux activités, aux stages et aux publications de la Division de la prévention du crime et de la justice pénale de Vienne.


151. Le Ministère des affaires étrangères étudie actuellement dans le détail un projet de coopération entre l'Académie et les États de l'Union européenne afin de renforcer la collaboration, d'échanger des connaissances et de préparer des stages de formation scientifique à l'intention des membres des forces de police dans des domaines liés aux droits de l'homme.



4. Traitement judiciaire des plaintes pour torture
portées devant le parquet général


En 1993


152. Au total, le parquet général a reçu 63 communications sur lesquelles le Bureau des droits de l'homme du Procureur général a enquêté et qu'il a traitées. Ces communications ont eu l'issue suivante :


5 affaires ont été renvoyées devant une juridiction pénale ou disciplinaire;
Dans 6 cas, les communications ont été renvoyées devant l'autorité administrative dont dépendaient les accusés, aux fins de sanction;
25 communications ont été classées faute de preuves permettant de conclure que l'acte allégué s'était produit et d'interroger la personne qui faisait l'objet de la plainte, les informateurs n'ayant étayé leur déclaration d'aucune preuve concernant la torture présumée;
11 communications ont été classées parce que l'auteur était inconnu, les informateurs n'ayant accusé personne en particulier d'avoir commis l'acte et l'enquête n'ayant pas non plus permis d'établir l'identité d'un auteur;
12 communications ont été classées faute de preuves, les informateurs ayant fourni des éléments de preuve de torture soit contradictoires, soit insuffisants, pour traduire les personnes qu'ils accusaient en justice;
2 communications reçues d'associations des droits de l'homme ont été classées, la personne qui en faisait l'objet ayant déclaré qu'elle n'avait pas été torturée et ayant nié avoir fait devant une autorité quelconque une déposition selon laquelle elle l'aurait été;
2 communications ont été classées, les informateurs n'ayant pas fourni leurs adresses, ayant mal compris l'affaire sur laquelle portait leur communication et n'ayant fourni aucune information concernant un quelconque organe représentant l'autorité de l'État qui aurait eu affaire avec les personnes dont les noms figuraient dans les communications.
En 1994


153. Par l'intermédiaire du Bureau des droits de l'homme du Procureur général, le parquet général a reçu 71 communications qui ont eu l'issue suivante :


6 cas ont été renvoyés devant une juridiction pénale ou disciplinaire;
2 cas ont été renvoyés devant l'autorité administrative dont dépendait l'accusé, pour sanction;


38 communications ont été classées faute de preuves permettant de conclure que l'acte allégué s'était produit et d'interroger la personne qui faisait l'objet de la dénonciation, les auteurs des dénonciations n'ayant transmis aucune preuve concernant la torture présumée dans leur déclaration;
8 communications ont été classées, parce que l'auteur du fait allégué était inconnu, les informateurs n'ayant accusé personne en particulier d'avoir commis l'acte et l'enquête n'ayant pas permis non plus d'établir l'identité d'un auteur;
7 communications ont été classées faute de preuves suffisantes, les informateurs ayant fourni des éléments de preuve de torture soit contradictoires, soit insuffisants, pour traduire en justice les personnes qu'ils avaient accusées;
En 1995


154. Par l'intermédiaire du Bureau des droits de l'homme du Procureur général, le parquet général a reçu 55 communications qui ont eu l'issue suivante :


5 affaires ont été renvoyées devant une juridiction pénale ou disciplinaire;
Dans 6 cas, les communications ont été renvoyées devant l'autorité administrative dont dépendaient les accusés, aux fins de sanction;
21 communications ont été classées faute de preuves permettant de conclure que l'acte allégué s'était produit et d'interroger la personne qui faisait l'objet de la plainte, les informateurs n'ayant étayé leur déclaration d'aucune preuve concernant la torture présumée;
6 communications ont été classées parce que l'auteur était inconnu, les informateurs n'ayant accusé personne en particulier d'avoir commis l'acte et l'enquête n'ayant pas non plus permis d'établir l'identité d'un auteur;
12 communications ont été classées faute de preuves suffisantes, les informateurs ayant fourni des éléments de preuve de torture soit contradictoires, soit insuffisants, pour interroger la personne qu'ils avaient accusée;
5 communications reçues d'associations de défense des droits de l'homme ont été classées, la personne qui en faisait l'objet ayant déclaré qu'elle n'avait pas été torturée et ayant nié avoir fait devant une autorité quelconque une déposition selon laquelle elle l'aurait été.

5. Traitement administratif et disciplinaire des plaintes
concernant le recours à la force ou à la torture
présentées au Ministère de l'intérieur


155. Conformément à la politique qu'il suit dans son effort constant de faire respecter les droits de l'homme et de protéger les libertés fondamentales, le Ministère de l'intérieur donne rapidement suite aux plaintes et allégations qu'il reçoit à propos de violations des droits de l'homme impliquant des fonctionnaires, en ordonnant immédiatement l'enquête voulue et en renvoyant toute personne dont la culpabilité est établie devant le parquet général ou le Conseil de discipline, afin qu'elle soit jugée ou que lui soit imposée une sanction disciplinaire. On trouvera ci-après la liste des fonctionnaires qui ont été renvoyés devant une juridiction pénale ou disciplinaire ou qui se sont vu infliger une sanction disciplinaire (en liaison avec des actes de torture ou le recours à la force) entre novembre 1993 et novembre 1997.


a) Plaintes renvoyées devant le parquet général


156. Au cours de la période susmentionnée, 19 fonctionnaires ont été renvoyés devant le parquet général afin d'être jugés au pénal. Certains ont été condamnés à une peine de prison ferme allant de deux semaines à trois ans à purger dans une prison d'État et d'autres à une peine de prison avec sursis. D'autres encore ont été acquittés de tous les chefs d'inculpation qui pesaient sur eux. Ils se sont répartis comme suit :


12 fonctionnaires de novembre 1993 à novembre 1994;
2 fonctionnaires de novembre 1994 à novembre 1995;
aucune fonctionnaire de novembre 1995 à novembre 1996;
2 fonctionnaires de novembre 1996 à novembre 1997.
b) Conseil de discipline


157. Au cours de la même période, 35 fonctionnaires ont été déférés au Conseil de discipline. Certains se sont vu infliger des sanctions disciplinaires incompressibles, sous la forme soit d'une rétrogradation (pour une période allant de deux à 15 jours), soit d'une suspension temporaire des fonctions occupées; d'autres ont été acquittés faute de preuve; pour d'autres encore, le Conseil de discipline examine encore leur cas. Ils se répartissent comme suit :


8 fonctionnaires de novembre 1993 à novembre 1994;
12 fonctionnaires de novembre 1994 à novembre 1995;
6 fonctionnaires de novembre 1995 à novembre 1996;
5 fonctionnaires de novembre 1996 à novembre 1997.

c) Sanctions disciplinaires


158. Au cours de la période considérée, 71 fonctionnaires se sont vu infliger une sanction disciplinaire incompressible (en liaison avec des actes de torture ou le recours à la force) sous forme de versement d'une caution, de rétrogradation pendant une période de sept jours ou de suspension des fonctions occupées. Ils se répartissaient comme suit :


22 fonctionnaires de novembre 1993 à novembre 1994;
12 fonctionnaires de novembre 1994 à novembre 1995;
19 fonctionnaires de novembre 1995 à novembre 1996;
13 fonctionnaires de novembre 1996 à novembre 1997.
d) Indemnisation


159. Sur la base des jugements définitifs prononcés dans des cas de recours à la force ou de torture, entre le 1er janvier 1993 et le 30 septembre 1998, les victimes ou leurs héritiers ont obtenu des tribunaux civils un total de 648 versements préliminaires effectués au titre de l'indemnisation des torts matériels ou moraux subis. Les versements se sont répartis comme suit :


En 1993, 43 versements d'un montant allant de 1 000 livres à 40 000 livres (égyptiennes), soit au total 339 500 livres;
En 1994, 65 versements d'un montant allant de 1 000 livres à 20 000 livres, soit au total 367 300 livres;
En 1995, 121 versements allant de 500 livres à 50 000 livres, soit au total 706 000 livres;
En 1996, 177 versements allant de 1 000 livres à 14 000 livres, soit au total 1 023 500 livres;
En 1997, 225 versements allant de 500 livres à 30 000 livres, soit au total 1 178 000 livres [1 dollar É.-U. = 3,4 livres égyptiennes].
160. Il convient de noter que celles des indemnités qui ont été confirmées ont été versées intégralement, et que d'autres sont encore en cours d'examen devant les cours d'appel.



6. Exemples de jugements prononcés en liaison avec des cas
et des allégations de torture


161. On trouvera ci-après des exemples d'arrêts rendus et de principes énoncés par la Cour de cassation et la justice militaire en liaison avec des cas et des allégations de torture, qui montrent que le pouvoir judiciaire est déterminé à se conformer dans la pratique à tous les principes, règles, mesures et garanties à observer dans les cas de torture, à l'égard tant des accusés que des victimes.


a) Arrêts rendus et principes établis par la Cour de cassation


i) Concernant le délit de torture qualifié crime par le Code pénal en son article 126


162. La loi ne définit pas le sens du terme "torture physique" et ne précise par le degré de gravité à partir duquel il y a torture physique; la question est laissée à la discrétion de la juridiction de jugement qui se prononce en fonction des circonstances de l'affaire (Recours No 1314 de l'année judiciaire 96, audience du 28 janvier 1966, dossier 17, p. 1161).


163. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 126 du Code pénal, un suspect est une personne inculpée d'une infraction spécifique, même si l'inculpation intervient pendant que les enquêteurs poursuivent l'enquête concernant les infractions et leurs auteurs et rassemblent les éléments de preuve essentiels à l'enquête et aux poursuites conformément aux articles 21 et 19 du Code de procédure pénale, à condition que ladite personne soit soupçonnée d'avoir joué un rôle dans la perpétration de l'infraction au sujet de laquelle les enquêteurs rassemblent les éléments de preuve. Rien ne peut empêcher l'un de ces enquêteurs d'être soumis à une sanction prévue à l'article 126 du Code pénal s'il torture un suspect pour lui extorquer des aveux, quelles que soient les raisons qui le motivent. Rien ne justifie non plus une différenciation entre les déclarations du suspect telles qu'elles apparaissent dans le rapport sur l'enquête qui a été faite par l'organe d'instruction et telles qu'elles apparaissent dans le rapport concernant les preuves, étant donné que le juge pénal n'est nullement lié par un type spécifique d'éléments de preuve et a toute liberté d'admettre comme preuve tout élément constaté au cours de la procédure s'il estime qu'elle fait autorité. Il est également inacceptable de déclarer que le législateur a eu l'intention de protéger un certain type d'aveux puisque rien n'est expressément spécifié; de plus, cela serait incompatible avec la disposition (Recours No 1314 de l'année judiciaire 96, audience du 28 janvier 1996, dossier 17, p. 1161).


164. Les déclarations faites par des témoins et des personnes interrogées qui ont été d'une manière ou d'une autre soumis à des actes de torture avérés doivent être rejetées. Il est impossible d'accorder foi à de telles déclarations, même si elles sont véridiques et rendent réellement compte des faits, lorsqu'elles sont extorquées par la moindre torture ou contrainte. Cependant, il est juste d'accorder foi à des déclarations faites en l'absence de tout acte de torture (Recours No 1275 de l'année judiciaire 39, audience du 13 octobre 1969, dossier 20, p. 1056).


165. Il est décrété qu'en aucun cas l'obéissance due à un supérieur ne doit aller jusqu'à la perpétration d'infractions et qu'un subordonné ne doit pas obéir à son supérieur si celui-ci lui ordonne de commettre un acte dont il sait qu'il tombe sous le coup de la loi. En conséquence, si la défense du requérant est fondée sur le fait qu'il se trouvait dans la situation critique de perpétrer l'acte sur ordre de son supérieur, on ne peut dire que le jugement contesté était erroné du point de vue du droit (Recours No 6533, année judiciaire 25, audience du 24 mars 1983, dossier 34, p. 432).


166. Comme, pour être pris en compte, tout aveu doit avoir été fait librement et volontairement, il n'est pas possible d'accorder foi à un aveu, même s'il est authentique, lorsqu'il a été tant soit peu fait usage de contrainte ou de menace pour l'obtenir. Une promesse ou une incitation est considérée comme comparable à la contrainte et à la menace en ce qu'elle lèse la liberté du suspect de choisir entre nier et avouer et le conduit à croire qu'en avouant il obtiendra un avantage ou évitera des ennuis. En conséquence, quand il a été avancé devant le tribunal que l'aveu du premier et du cinquième défendeurs coupables était le résultat de la contrainte physique à laquelle le cinquième défendeur coupable avait été soumis sous forme de torture et de la contrainte morale qui s'était exercée sur l'un et l'autre sous forme de menaces, promesses et incitations, il appartenait au tribunal d'enquêter sur ce moyen de défense et d'explorer le lien entre la contrainte, d'une part, et sa cause et son rapport avec les déclarations des deux personnes, d'autre part. Pourtant, le tribunal s'est abstenu de le faire et s'est contenté de déclarer que le procureur ne voyait de traces de torture ni sur l'un ni sur l'autre des défendeurs, excluant ainsi la possibilité qu'ils aient subi des contraintes, alors que le fait que le procureur n'ait remarqué aucune trace sur eux n'exclut pas en lui-même la possibilité que le cinquième défendeur coupable, qui a déclaré qu'il avait été soumis à des contraintes physiques, ait porté des traces de torture ou de coups. Malgré cela, aucun lien déterminant n'a été établi entre les menaces, les promesses et les incitations, d'une part, et leurs aveux, d'autre part, aveux auxquels le tribunal a accordé foi. Le jugement du tribunal était donc entaché de vice pour cause de preuve mal fondée et d'omission (Recours No 951 de l'année judiciaire 35, audience du 2 juin 1983, dossier 34, p. 730).


167. Pour qu'il y ait délit de torture, la loi égyptienne ne stipule pas que la torture doive avoir pour effet une douleur ou une souffrance d'une gravité spécifique ou qu'elle doive laisser des traces. En conséquence, il y a délit de torture lorsqu'il y a douleur, quelque légère qu'elle soit, et que l'acte ait ou non laissé des traces (arrêt de la Cour de cassation, audience du 5 novembre 1986).


168. De même, l'article 126 du Code pénal peut s'appliquer en l'absence d'aveux. Il suffit que le suspect ait torturé dans le but d'obtenir un aveu (arrêt de la Cour de cassation, audience du 28 novembre 1966).


169. Pour qu'existe le délit de torture tel que défini dans l'article 126 du Code pénal, il n'est pas nécessaire que la personne qui pratique la torture ait compétence pour rechercher les éléments de preuve ou mener une enquête liée à l'infraction perpétrée par le suspect. Il suffit que l'agent de la fonction publique, de par ses fonctions, ait l'autorité qui le met en mesure de torturer le suspect afin d'extorquer ses aveux (arrêt de la Cour de cassation, audience du 8 mars 1995).


170. Dans les délits de torture, l'intention criminelle est avérée lorsqu'un agent de la fonction publique torture sciemment un suspect afin de l'amener à faire des aveux, quel que soit le motif qui l'inspire (arrêt de la Cour de cassation, audience du 8 mars 1995).


ii) Concernant le délit de recours à la force qualifié crime aux termes de l'article 129 du Code pénal


171. L'infraction de recours à la force visée à l'article 129 du Code pénal se produit chaque fois qu'un agent de la fonction publique s'appuie sur sa position pour employer la force d'une manière qui porte préjudice à la dignité d'un individu ou lui cause une douleur physique. Il n'est pas nécessaire que le suspect soit de service au moment où il commet l'agression ou que cette agression atteigne un degré spécifique de gravité si la décision établit que le suspect est un membre de la police qui a profité de sa position pour agresser et blesser les victimes. Ni le fait qu'il ne soit pas précisé si le suspect a eu recours à la force pendant son service, ni le fait que le nom de la victime n'ait pas été déclaré ou que l'agression n'ait pas été décrite en détail ne peuvent être invoqués pour réformer le jugement (audience du 20 mars 1944, recours No 374, année judiciaire 14).


172. Le recours à la force par un agent de la fonction publique qui tire avantage de sa position est une infraction punissable en vertu de l'article 129 du Code pénal. S'il y a coups et blessures, c'est aussi une infraction punissable en vertu de l'article 242 du Code pénal et d'autres articles qui punissent les auteurs d'actes impliquant des coups ou des blessures infligés sciemment. Lorsque les deux infractions sont commises au cours d'un acte criminel unique, le paragraphe 1 de l'article 32 du Code pénal prévoit qu'il ne peut être imposé qu'une seule peine au suspect, celle qui est prévue pour l'infraction la plus grave. La peine prévue à l'article 241 du Code pénal pour coups et blessures lorsque la personne qui en est victime est dans l'impossibilité de vivre une vie normale pendant une période de plus de 20 jours est plus lourde que la peine prescrite à l'article 129 du Code pénal. Il n'est donc pas injuste de punir l'accusé (qui est un chef de village) en vertu de l'article 242 s'il est établi que les coups et blessures qu'il a infligés à sa victime ont atteint ce degré de gravité (audience du 12 novembre 1945, recours No 1466, année judiciaire 15).


173. Selon l'article 129 du Code pénal, l'élément clef constitutif de l'infraction de recours à la force est présent avec tout acte matériel susceptible de causer à la victime la moindre souffrance physique, même si l'acte ne provoque aucune lésion apparente. L'article 129 du Code pénal vise donc aussi les coups et blessures et les traumatismes mineurs (audience du 14 avril 1952, recours No 264, année judiciaire 22).


174. Aux termes de l'article 129 du Code pénal, les principaux éléments caractérisant l'infraction de recours à la force sont présents lorsqu'il est démontré que le suspect a agressé la victime en s'appuyant sur l'autorité de sa position. Il n'est pas nécessaire que soient déclarées les lésions infligées à la victime par l'agresseur (audience du 16 novembre 1954, recours No 1022, année judiciaire 24).


175. La Cour de cassation a établi que l'article 129 du Code pénal ne visait que les moyens de violence utilisés en dehors de l'arrestation et de l'internement d'un individu. Cet article est l'un de ceux qui traitent des infractions de contrainte et mauvais traitement commises par des agents de la fonction publique et figurent au volume II (chapitre VI) consacré aux crimes et délits préjudiciables à l'intérêt public. Les articles 180 et 282 du Code pénal font partie des articles qui traitent des infractions d'arrestation et de détention illégales et figurent au volume III (chapitre V) consacré aux crimes et délits impliquant des particuliers. Le fait que ces articles apparaissent sous des titres différents montre que dans l'esprit du législateur égyptien, l'atteinte à la liberté individuelle au moyen de l'arrestation, de l'emprisonnement ou de la détention entre dans la catégorie des infractions, qu'elle soit le fait d'un agent de la fonction publique ou d'une autre personne (recours No 1286 de l'année judiciaire 34, audience du 8 décembre 1964, dossier 15, p. 805).


b) Jugements prononcés par la justice militaire


176. Dans l'affaire No 18 de 1993 (Bureau du Procureur général aux armées), le tribunal a acquitté les suspects qui avaient argué que leurs aveux tels qu'ils étaient consignés dans le rapport sur l'arrestation n'étaient pas recevables, car il a établi après enquête que l'argument était véridique. Il les a acquittés au motif que la seule preuve étayée par un document était l'aveu qu'ils avaient fait sous la contrainte pendant l'enquête.


177. Dans l'affaire No 23 de 1994 (Bureau du Procureur général aux armées), la défense a argué que les déclarations de certains des suspects n'étaient pas recevables parce que ceux-ci avaient été soumis à la torture. Considérant que cet argument n'avait pas de valeur du fait que les rapports du médecin légiste ne signalaient pas que les suspects portaient des marques de torture, le tribunal l'a rejeté. En fait, loin d'être le résultat de tortures, les marques observées sur certains des suspects avaient été faites au cours de leur tentative d'évasion, alors qu'ils étaient poursuivis par des habitants qui les avaient frappés quand ils avaient appris qu'ils avaient pris part au massacre de touristes et de nationaux. Selon les rapports du médecin légiste, ces lésions avaient pu se produire dans les circonstances décrites par l'agent de la fonction publique qui avait procédé à l'arrestation dans son compte rendu (c'est-à-dire agression des habitants), qui avait été accepté. Dans son avis, le tribunal a déclaré que le parquet général avait commencé son enquête par l'examen physique des suspects, en prenant note des lésions que certains d'entre eux présentaient, et avait pu confirmer ainsi que l'argument de la défense selon lequel ils avaient été soumis à des contraintes physiques n'était fondé ni en fait ni en droit.


178. Dans l'affaire No 12 de 1995 (Bureau du Procureur général aux armées), la défense s'est efforcée de montrer que les aveux attribués aux suspects en général n'étaient pas recevables parce qu'ils avaient été faits sous la contrainte et la torture et n'avaient donc aucune légitimité. Le tribunal a répondu à ces arguments en disant que les aveux avaient été faits au parquet militaire, qui était la partie responsable dans la procédure, et qu'aucun des suspects n'avait déclaré avoir été soumis à la torture. Leurs aveux avaient donc été faits au cours d'une procédure légale, et de ce fait, l'enquête n'avait aucun rapport avec des mesures prises en violation de la loi avant l'enquête. Néanmoins, le tribunal a décidé d'informer l'organe compétent chargé des poursuites de son opinion concernant les transgressions à cet égard. D'une manière générale, le tribunal militaire ne reçoit jamais comme preuve de culpabilité des aveux dont il a la preuve qu'ils ont été faits sous la contrainte ou la torture et ne tient pas compte de ces aveux. Un suspect qui, sous la torture ou la contrainte, fait au cours de l'enquête qui précède le procès des aveux qui sont par la suite rejetés comme faux peut être condamné sur d'autres preuves dûment étayées.


179. Dans l'affaire No 18 de 1993 (Bureau du Procureur général aux armées), bien qu'il n'ait pas ajouté foi aux aveux qu'ils avaient faits sous la torture, le tribunal a condamné les suspects sur la base d'autres preuves de leur culpabilité.


180. Dans l'affaire No 10 de 1994 (Bureau du Procureur général aux armées), bien qu'ayant jugé nuls et non avenus les aveux dûment étayés du suspect qu'il soupçonnait d'avoir été faits sous la contrainte, le tribunal a condamné le suspect sur la foi d'autres preuves dûment étayées.


181. Ces jugements confirment que la justice militaire se conforme pleinement à toutes les normes juridiques prescrites dans le Code pénal et le Code de procédure pénale. La justice militaire offre aussi toutes les garanties que la Constitution accorde aux citoyens pour les protéger contre les actes de torture interdits par la Convention et pour criminaliser ces actes, même lorsque la loi sur l'état d'urgence est en vigueur.



III. LES RECOMMANDATIONS ANTÉRIEURES DU COMITÉ


182. Le comité constitué au Ministère des affaires étrangères et composé de représentants du Ministère de la justice, du Ministère de l'intérieur, du parquet général et de la justice militaire, a étudié à fond les recommandations figurant dans les rapports de 1993 et 1996 du Comité. Il a voulu les mettre à profit dans les domaines pertinents, car il y voit des indications données par des experts indépendants à la lumière de leur expérience internationale, pour renforcer et protéger les droits individuels et l'intégrité sociale. Respectant pleinement les obligations qu'elle a contractées en ratifiant la Convention et conformément à sa politique établie de coopérer sans réticence et en permanence avec l'ONU et ses organes de protection des droits de l'homme, l'Égypte a pris les mesures suivantes :


a) Constitution d'un groupe de travail composé de représentants des autorités qui administrent la justice (Ministère de l'intérieur, Ministère de la justice et parquet général), ainsi que de représentants du Ministère des affaires étrangères (qui assure les contacts et la coordination dans les domaines des droits de l'homme), d'experts des droits de l'homme et de spécialistes travaillant dans les centres de recherche et les établissements universitaires compétents.


b) Examen du statut des mécanismes concernés par la mise en oeuvre de la Convention et évaluation de leur efficacité afin de définir le meilleur moyen d'améliorer et de développer leur action et de voir s'il est nécessaire de créer de nouveaux mécanismes dans ce domaine.


c) Un deuxième groupe de travail composé de représentants des autorités qui jouent un rôle dans l'administration de la justice, ainsi que de représentants des ministères qui conçoivent et organisent les programmes d'enseignement pour les études classiques, la formation continue et les études supérieures, a été chargé d'étudier les programmes actuels d'enseignement des droits de l'homme et de voir dans quelle mesure il était nécessaire d'introduire de nouveaux sujets et de développer ceux qui étaient déjà enseignés, en évaluant en particulier la nécessité d'organiser des stages de formation et d'initiation à l'intention du personnel de l'appareil judiciaire et de formuler des plans d'avenir à cet égard.


183. Au terme des études détaillées qu'ils ont faites, les groupes de travail susmentionnés ont tiré les conclusions suivantes :


i) Étant donné les garanties, procédures de suivi et mesures de prévention concernant les actes prohibés, prévues par le système juridique égyptien aux plans constitutionnel et législatif et par la Convention contre la torture, dorénavant loi égyptienne, qui sont décrites dans la partie consacrée aux articles 11 et 12, il n'est pas nécessaire d'établir de nouveaux mécanismes de surveillance à l'heure actuelle. Il vaudrait mieux s'attacher à renforcer et stimuler le rôle des mécanismes existants mis en place par le Ministère des affaires étrangères et le parquet général, et à leur permettre de s'acquitter de leurs tâches. Il faudrait aussi accorder une grande place à la coordination avec ces mécanismes afin d'assurer un échange de données d'expérience et d'informations. L'information fournie par le Bureau des droits de l'homme du parquet général sur les procédures judiciaires concernant des plaintes reçues entre 1993 et 1995 a déjà été donnée dans la deuxième partie du présent rapport, ainsi que l'information reçue du Ministère de l'intérieur sur les mesures administratives et disciplinaires prises au sujet des plaintes concernant le recours à la force et à la torture et sur l'indemnisation des victimes entre 1993 et 1997.


ii) Les recherches sur le terrain et la recherche appliquée en matière juridique et statistique menées par les universités et les centres d'études scientifiques spécialisés sont encouragées et leurs résultats servent à concevoir des plans pour l'avenir dans les domaines d'action pertinents, à révéler les lacunes à combler, et à déterminer les moyens de le faire.


iii) En 1993, le Bureau des droits de l'homme a été établi au parquet général, avec un Procureur général adjoint à sa tête. Son personnel compte plusieurs experts du parquet général qui consacrent tout leur temps aux enquêtes sur les plaintes concernant des infractions liées à des violations des droits de l'homme, y compris la torture et le recours à la force, et s'efforcent de terminer ces enquêtes rapidement et dans des délais raisonnables. Le Bureau des droits de l'homme avait deux autres objectifs : former le personnel du parquet général pour le doter de l'expérience nécessaire à ce type d'enquête, et standardiser le traitement des affaires afin de faciliter l'établissement des statistiques voulues pour étudier les indicateurs montrant les aspects pratiques de la mise en oeuvre de la Convention. Ces activités ont eu pour corollaire la collecte des renseignements et l'établissement des statistiques qui figurent dans la deuxième partie du présent rapport.


iv) Des plans directifs pour la formation continue du personnel travaillant aux différents niveaux de l'administration de la justice, tant localement qu'internationalement, ont été établis. Ils visent la mise en oeuvre efficace des divers accords relatifs aux droits de l'homme auxquels l'Égypte a adhéré et qui sont de ce fait devenus partie intégrante de la législation nationale. Ils visent aussi à fournir des renseignements sur les nouvelles mesures d'ordre législatif et pratique qui donnent suite aux recommandations du Comité et sont fondées sur les études que les organes concernés ont faites dans leurs domaines de compétence respectifs. Des stages de formation à l'administration de la justice ont été organisés. Des données émanant du Ministère de la justice et du Ministère de l'intérieur fournissent un exemple pratique de ces stages (voir le détail dans la deuxième partie du présent rapport).


v) Le volume de travail accompli a augmenté dans les services de la justice pénale avec l'introduction de systèmes d'archivage informatisé et d'ordinateurs au Ministère de la justice et au Ministère de l'intérieur, innovation adoptée également par la Cour de cassation et les cours d'appel et qui est en voie d'installation dans les tribunaux de première instance et les départements du casier judiciaire, de l'état civil et de l'administration pénitentiaire. Ce progrès se manifestera par la facilité avec laquelle on pourra répertorier les données, les renseignements et les procédures judiciaires et administratives. Il aidera aussi à accélérer le suivi et la prise de décisions sur les plans judiciaire, légal et administratif.


vi) Le Ministère de l'intérieur s'est efforcé de donner au comité compétent des renseignements qui auparavant restaient confidentiels, afin qu'il puisse les présenter au Comité contre la torture à titre de preuve de l'attention croissante que le Ministère porte à ce sujet, qu'il s'agisse du contrôle exercé afin de punir quiconque fait abus d'autorité ou a tendance à employer la force, - ou de la formation donnée pour familiariser le personnel avec les principes des droits de l'homme dont il doit pleinement tenir compte dans le travail qu'il fait sur le terrain pour faire régner la justice (on trouvera à la deuxième partie du présent rapport des statistiques détaillées concernant la formation des responsables et les mesures prises quant aux plaintes portées devant le Ministère de l'intérieur, que ce soit par le biais de comparutions devant une instance disciplinaire ou conformément à une procédure judiciaire).


vii) Dans le cadre des efforts qu'elle fait pour assurer la transparence en matière de droits de l'homme, l'Égypte a fourni à tous les mécanismes compétents des Nations Unies des réponses aux questions qui lui avaient été posées. Elle a aussi poursuivi son dialogue objectif avec des organisations non gouvernementales internationales, dialogue que le Comité a affirmé être un élément positif au cours de son examen du deuxième rapport de l'Égypte, et que l'Égypte s'efforce de poursuivre.


viii) Comme indiqué dans la première partie du présent rapport, des programmes d'enseignement spéciaux sur les droits de l'homme et les libertés fondamentales sont prévus à l'intention des étudiants des universités; ils auront pour résultat d'inculquer à cet important groupe de jeunes les principes qui sous-tendent le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales.




Conclusion


184. L'Égypte tient pour conclure à souligner ce qui suit.


185. L'Égypte est un État qui croit au principe de souveraineté du droit. Le droit est la base du gouvernement de l'État, conformément à la Constitution promulguée en 1971. Le principe de séparation des pouvoirs est également prévu par la Constitution, qui affirme aussi l'indépendance et l'immunité de la magistrature, ainsi que la soumission de l'État à la loi, deux garanties fondamentales de la protection des droits et des libertés. De plus, la Constitution protège tous les principes qui sous-tendent les droits de l'homme. De ce fait, ces droits bénéficient des garanties constitutionnelles, que le législateur ne peut enfreindre. Le pouvoir judiciaire est garant du respect de toutes ces dispositions; il est représenté à la Cour constitutionnelle, laquelle, aux termes de la Constitution, est habilitée à prendre des décisions quant à la constitutionnalité des lois. À cet égard, il convient de rappeler qu'en Égypte, le parquet général est une branche de l'autorité judiciaire. À ce titre, ses membres jouissent de la protection accordée aux magistrats et ne peuvent être révoqués.


186. À la fin du siècle dernier, le législateur égyptien en matière judiciaire a qualifié délit toutes les formes de torture et prescrit de lourdes peines à l'encontre de ceux qui perpétraient des actes de torture, y participaient ou les ordonnaient. De plus, les procédures pénales ou civiles prévues pour ce type de délit sont imprescriptibles, et l'État garantit l'indemnisation de toute personne lésée. En outre, tout aveu, déclaration ou élément de preuve obtenu sous la torture est nul et non avenu, même s'il est véridique et authentique. L'information statistique contenue dans la deuxième partie du présent rapport confirme que, comme le garantissent le système juridique et les dispositions de la Convention, tous les services qui jouent un rôle dans l'administration de la justice doivent appliquer dans la pratique toutes les règles et garanties concernant les actes interdits par la Convention.


187. Sur cette base, l'Égypte a été l'un des premiers États à adhérer à la Convention contre la torture qui, conformément à l'article 151 de la Constitution, a été intégrée au droit interne. Au cours de son examen du deuxième rapport de l'Égypte, le Comité s'est déclaré satisfait du système juridique.


188. Nous nous sommes efforcés avec constance de coopérer avec le Comité en lui présentant nos rapports périodiques, en répondant aux questions des experts et en dépêchant des hauts fonctionnaires et des spécialistes pour lui apporter tous les éclaircissements demandés sur l'administration de la justice de notre pays.


189. Il ne faut pas oublier que l'attention croissante que l'Égypte porte aux questions de droits de l'homme l'a amenée à établir des mécanismes permanents pour traiter ces droits dans toutes leurs dimensions, à l'échelle tant nationale qu'internationale :


a) Un département des droits de l'homme a été créé au Ministère des affaires étrangères (septembre 1992), qui doit servir de lien entre les services nationaux et les organisations et organes internationaux compétents. Il est habilité à établir les rapports périodiques à l'intention des organes conventionnels des Nations Unies, ainsi que les réponses aux organes et groupes de travail de la Commission des droits de l'homme. Il est également habilité à dialoguer avec les organisations non gouvernementales internationales et à faire bénéficier les services locaux compétents de l'expérience et des connaissances acquises par la communauté internationale (ce département est actuellement dirigé par un assistant adjoint du Ministre des affaires étrangères, chargé de mission dans le domaine des droits de l'homme).


b) Le Bureau des droits de l'homme, qui dépend directement du Procureur général, a été institué au parquet général (1993) pour étudier les plaintes en matière de droits de l'homme, leur donner suite et faire les enquêtes voulues (ce bureau est dirigé par le Procureur général adjoint).


190. On peut mesurer à ce qui précède le sérieux avec lequel l'Égypte se conforme aux obligations qu'elle a contractées en adhérant à la Convention contre la torture et respecte ces obligations. On voit aussi les efforts que font les services chargés de l'administration de la justice en Égypte pour enquêter sur les pratiques de torture et punir ceux qui en sont responsables, quelle que soit la durée de la période écoulée depuis l'infraction et le rang des auteurs des actes dans la hiérarchie.


191. En conclusion, l'Égypte soumet ce rapport en souhaitant au Comité de connaître le succès tout au long de l'accomplissement de sa noble tâche. Elle se félicite aussi de la poursuite du dialogue et sera heureuse de répondre à toutes les questions des membres du Comité.



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