University of Minnesota


Comité contre la Torture, Examen des rapports présentés par les États parties en application de l'article 19 de la Convention, Croatie, U.N. Doc. CAT/C/16/Add.6 (1996).


Rapports initiaux des Etats parties prévus en 1992

Additif

CROATIE


[27 décembre 1995]


TABLE DES MATIERES

    Paragraphes
  I.
    GENERALITES
    1 - 32
A.
    Introduction
    1 - 8
B.
    Cadre constitutionnel et législatif
    9 - 11
C.
    Instruments et traités internationaux
    12 - 13
D.
    Incrimination de la torture
    14 - 16
E.
    Autorités compétentes
    17 - 18
F.
    Tribunaux et peines
    19 - 28
G.
    Voies de recours
    29 - 30
H.
    Situation et problèmes actuels
    31 - 32
II.
    INFORMATIONS CONCERNANT LES DISPOSITIONS DE FOND
    DE LA CONVENTION
    33 - 123
A.
    Article 2
    33 - 61
B.
    Article 3
    62 - 74
C.
    Article 4
    75
D.
    Article 5
    76 - 80
E.
    Article 6
    81 - 85
F.
    Article 7
    86
G.
    Article 8
    87 - 90
H.
    Article 9
    91
I.
    Article 10
    92 - 98
J.
    Article 11
    99 - 103
K.
    Article 12
    104
L.
    Article 13
    105 - 109
M.
    Article 14
    110 - 118
N.
    Article 15
    119 - 120
O.
    Article 16
    121 - 123

I. GENERALITES

A. Introduction

1. La République de Croatie a accédé à l'indépendance en 1991 et a été pleinement reconnue au plan international au début de 1992. Elle a été constituée en tant qu'Etat souverain par décision de son peuple exprimée lors d'un référendum, et confirmée par la décision de son premier parlement démocratiquement élu d'abandonner et de dissoudre les liens juridiques avec d'autres républiques qui avaient constitué la Fédération yougoslave. En application de cette décision populaire, le Parlement a adopté le 25 juin 1991 les importantes décisions constitutionnelles suivantes : Décision constitutionnelle sur la souveraineté et l'indépendance de la République de Croatie; Déclaration sur la création de la République souveraine et indépendante de Croatie; Charte des droits des Serbes et des autres nationalités en République de Croatie. A l'expiration de la période acceptée de "moratoire" pour de nouvelles décisions concernant l'indépendance, demandée par les médiateurs de la Communauté européenne dans le contexte de l'agression serbe contre la Croatie, ces décisions ont été confirmées par le Parlement le 8 octobre 1991.

2. Pour de plus amples informations sur la structure politique générale et la création de la République indépendante de Croatie, voir le document de base HRI/CORE/1/Add.32.

3. Lorsqu'on examine la protection des droits de l'homme en Croatie, il faut se rappeler que le pays est victime d'une agression brutale de la part des Serbes depuis 1991. Pour nombre de citoyens croates, la guerre depuis le milieu de l'année 1991 s'est traduite par la violation des libertés garanties et des droits de l'homme. Les territoires croates occupés par les Serbes ont été placés sous le contrôle de la FORPRONU (Force de protection des Nations Unies) en application de la résolution 743 (1992) du Conseil de sécurité et, à l'expiration du mandat de la FORPRONU, sous celui de l'ONURC (Opération des Nations Unies pour le rétablissement de la confiance en Croatie), conformément à la résolution 981 (1995) du Conseil de sécurité. Les territoires croates occupés ont été le théâtre d'un "nettoyage ethnique" contre les habitants non serbes. Les dirigeants des milices serbes ont refusé de coopérer et ont proclamé un "Etat serbe" sur le territoire soumis à leur contrôle. Le "nettoyage ethnique" en Croatie (exécutions massives, tortures, menaces de mort, démolition d'habitations, confiscation de biens) a débuté dans les régions de la Slavonie orientale, de Bania, de Kordun, de Knin, d'Oborvac, de Drnis et de Benkovac au cours de l'été 1991. Plus de 250 000 citoyens ont été déplacés ou contraints de fuir. Les chiffres disponibles font état de 195 255 personnes déplacées (personnes chassées de leur maison mais vivant toujours sur le territoire national) et de 59 949 citoyens croates réfugiés en Autriche, en Allemagne, en Slovénie, en Hongrie, en Suisse, en Italie ou dans d'autres pays.

4. Les droits de l'homme ont été systématiquement violés et bafoués dans les territoires croates occupés. Selon les chiffres officiels de la Division de l'information et de la recherche du Ministère croate de la santé, la guerre d'agression contre la Croatie avait déjà fait, au 12 janvier 1994, 26 443 blessés et 8 968 morts parmi les citoyens croates. On dénombrait 7 491 blessés et 2 347 morts parmi la population civile, les autres victimes provenant des forces de défense croates. Ces chiffres font apparaître une proportion exceptionnellement élevée de civils parmi les victimes (un tiers des blessés et des tués). Un millier au moins de civils croates (pour la plupart des personnes âgées de plus de 60 ans) ont été massacrés, exécutés ou sauvagement assassinés par les forces armées serbes dans plusieurs villages des territoires occupés. En raison des nombreuses exécutions arbitraires et des tueries massives de civils et de prisonniers de guerre perpétrées par l'armée yougoslave et la milice serbe, on a recensé un grand nombre de fosses communes dans les territoires croates occupés (anciens secteurs Est, Ouest, Nord et Sud des zones protégées par les Nations Unies) : Ovcara (295 corps); cinq sites dans l'enceinte de Vukovar (stade "Sloga" : 120 corps; 360 corps près de la boutique "Kiwi"; nouveau cimetière de Vukovar : 1 200 corps; ancienne briqueterie de Sajmiste : 250 corps; Gelesova dol, près de Petrova Gora : 70 corps); Lovas (140 corps); Tovarnik (quatre fosses communes renfermant environ 250 corps au total); Jakobovac (300 corps); Petrovci (16 corps); Berak (32 corps); Ernestinovo (plusieurs fosses communes); Tordinci (208 corps); Dalj (300 corps); ligne Bogdanovci-Vukovar (plus de 300 personnes disparues). Le nombre exact des fosses communes et des victimes reste à déterminer. En outre, les chiffres officiels font état de 7 800 personnes disparues en Croatie (dont 2 642 personnes disparues ou enlevées de force dans la seule ville de Vukovar). Au 2 décembre 1993, la Division de l'information et de la recherche du Ministère de la santé avait recensé 6 535 personnes libérées des prisons et des camps de concentration serbes au titre d'un échange (dont 3 766 résidents de Vukovar).

5. Selon les résultats des examens médicaux approfondis, 90 % environ des détenus ont été maltraités et torturés; de nombreux dossiers médicaux ont été réunis sur les tortures infligées aux détenus. Les institutions médicales croates disposent de dossiers complets sur 40 cas de violences sexuelles et possèdent des informations fragmentaires sur 120 cas supplémentaires. Au 5 novembre 1993, le Bureau d'aide aux victimes de la guerre avait recensé 16 360 invalides de guerre, dont 5 000 souffrant de lésions corporelles graves selon les critères de l'OMS.

6. La guerre et ses conséquences ont également entraîné une recrudescence des actes criminels et des atrocités dans les zones soumises au contrôle du Gouvernement croate. Des violations des droits de l'homme ont notamment été commises dans les zones limitrophes des territoires occupés, en réaction à l'agression et aux atrocités perpétrées par les forces paramilitaires serbes et l'armée yougoslave. Sur le plan de la sécurité, le pays se trouve dans une situation précaire que la présence de 383 039 réfugiés et personnes déplacées rend encore plus instable. Le Gouvernement croate fait son possible pour prévenir les actes criminels sur le territoire qu'il contrôle et pour sanctionner toutes les infractions, quels qu'en soient les auteurs. Toute allégation relative à une violation des droits de l'homme est rapidement vérifiée par les autorités croates et des poursuites pénales sont intentées contre les auteurs présumés.

7. En ce qui concerne les actions militaires et policières récentes, il faut souligner que la Croatie a été contrainte de demander l'intervention de l'armée et de la police pour libérer les zones croates occupées après plusieurs années d'initiatives et de pourparlers de paix infructueux. Les dirigeants croates et les représentants des institutions nationales ont pris toutes les mesures nécessaires pour permettre à la population serbe, à l'exception des auteurs de crimes de guerre, de rester en Croatie. Au cours de l'intervention militaire et policière dans les zones occupées, toutes les conventions internationales relatives à la protection des civils ont été observées autant que possible dans la situation de guerre, notamment lors de la reddition d'une partie des forces paramilitaires serbes et de leur départ organisé avec la population serbe qui ne voulait pas rester en Croatie.

8. Immédiatement après la libération et plus tard encore, un certain nombre d'actes criminels ont été commis (incendie et pillage de maisons abandonnées, vols et même assassinats), mais la police a pris toutes les mesures nécessaires pour identifier les responsables. Chaque fois que l'un des auteurs a été identifié et après établissement d'un rapport de police, le suspect a été déféré aux organes judiciaires compétents afin que les sanctions appropriées soient prises. Le Président de la République, le Gouvernement croate et les institutions nationales, ainsi que les plus hauts représentants de l'Eglise catholique, ont réagi publiquement à plusieurs reprises pour condamner tous les actes criminels commis dans les zones libérées et demander que les auteurs soient punis. A cette occasion, toutes les accusations sans fondement selon lesquelles les plus hauts représentants de l'Etat auraient été derrière ces agissements criminels ont été réfutées. Les mesures prises par les autorités croates pour faire face à ces problèmes sont exposées aux paragraphes 58 à 61 ci-après.

B. Cadre constitutionnel et législatif

9. La Constitution de la République de Croatie a été proclamée le 22 décembre 1990. Le mode de gouvernement du pays repose sur le principe de la séparation des pouvoirs (art. 4). Toute loi doit être conforme à la Constitution et tout instrument législatif ou réglementaire doit être conforme à la fois à la Constitution et à la législation de la République de Croatie. Selon le principe dominant, les droits de l'homme et les libertés fondamentales ne peuvent être restreints que conformément à la loi, afin de protéger les droits et libertés d'autrui, l'ordre public, la santé et la moralité publiques (art. 16 de la Constitution). Même en cas de guerre ou de danger imminent pour l'indépendance et l'unité du pays, ou en cas de catastrophe naturelle, les restrictions éventuelles ne doivent pas entraîner d'inégalité des citoyens pour des raisons de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, ou d'origine nationale ou sociale (art. 17). Bien que la Croatie ait été obligée de défendre sa toute nouvelle démocratie contre la volonté de ses agresseurs de ravager le pays en commettant des atrocités sans précédent, elle n'a pas officiellement proclamé l'état de guerre ou d'urgence afin de prévenir toute limitation des droits de l'homme et des libertés fondamentales (voir toutefois les mesures exceptionnelles indiquées au paragraphe 11 ci-après).

10. Les principes essentiels régissant l'exercice des libertés fondamentales et les droits de l'homme en République de Croatie sont proclamés et garantis par la Constitution. Une partie importante de la Constitution croate (art. 14 à 70) est consacrée à la protection des libertés fondamentales et des droits individuels et énonce les principes essentiels régissant les droits des communautés ou des minorités nationales ou ethniques. La Constitution de la République de Croatie garantit les libertés fondamentales et les droits de l'homme suivants : droit à la vie (la peine capitale a été abolie); droit de ne pas être soumis à la torture ou à des traitements ou châtiments inhumains ou dégradants; droit de ne pas être tenu en esclavage ni astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire; droit à la liberté et à la sécurité de la personne; droit de faire entendre sa cause équitablement et publiquement; droit à la vie privée, à la vie familiale, à l'inviolabilité du domicile et au secret de la correspondance; droit de se marier et de fonder une famille et droit à l'égalité des conjoints; droit égal des hommes et des femmes de jouir de tous les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels; droit à la liberté d'expression et d'information (la censure est interdite); droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association, y compris le droit de fonder des syndicats et de s'affilier à des syndicats; droit de travailler et de choisir son emploi; droit à un salaire égal pour un travail égal; droit à un recours effectif devant le tribunal compétent contre les actes violant les droits fondamentaux reconnus par la Constitution ou par la loi; droit au suffrage universel et égal; droit de jouir pacifiquement de ses biens; droit d'hériter; droit à l'éducation et droits culturels. Ces droits et libertés ne peuvent être restreints qu'en application d'une loi du Parlement (art. 16) ou en situation d'état d'urgence; les restrictions ne peuvent être appliquées que par décision de la majorité parlementaire ou en vertu d'un décret présidentiel (art. 17/1 et 2). Toutefois, le droit à la vie, l'interdiction de la torture, le principe nullum crimen, nulla poena sine lege praevia et la liberté de pensée, de conscience et de religion ne souffrent aucune dérogation.

11. Pendant les affrontements, en 1991 et 1992, plusieurs décrets présidentiels ont provisoirement limité l'exercice de certains droits et de certaines libertés fondamentales. Six de ces décrets ont été appliqués de la fin de l'année 1991 à la fin de l'année 1992, puis ont été abrogés; l'un d'entre eux autorisait notamment la police à maintenir les suspects en détention pour une durée illimitée. A l'heure actuelle, deux décrets sont encore en vigueur. L'un limite provisoirement l'application de certaines dispositions de la loi sur la procédure pénale ( Uredba o primjeni ZKP u slucaju ratnog stanja ili neposredne ratne ugrozenosti neovisnosti i jedinstvenosti Republike Hrvatske , Narodne novine ( N.n. ) 73/1991, 25/1992), l'autre régit certains aspects organisationnels du pouvoir judiciaire pendant l'état d'urgence ( Uredba o organizaciji, radu i djelokrugu sudbene vlasti u slucaju ratnog stanja, N.n. 67/1991, 25/1992).

C. Instruments et traités internationaux

12. Les instruments et traités internationaux ratifiés conformément à la Constitution et publiés au journal officiel ( Narodne novine ( N.n. ), art. 90 de la Constitution) font partie de l'ordre juridique interne et priment la législation interne (art. 134 de la Constituion).

13. Conformément à la Décision constitutionnelle de 1991 sur la souveraineté, la République de Croatie, en sa qualité de successeur de l'ex-République socialiste fédérative de Yougoslavie, se considère liée par tous les traités internationaux auxquels ce pays était partie et qui sont compatibles avec sa constitution et son système juridique. Conformément au paragraphe III de la Décision constitutionnelle sur la souveraineté et à la décision du parlement croate en date du 8 octobre 1991, par laquelle la République de Croatie a coupé ses liens constitutionnels avec la République socialiste fédérative de Yougoslavie, le Gouvernement croate a adressé aux dépositaires concernés une notification de succession aux instruments internationaux suivants dans le domaine des droits de l'homme : a) Pacte international relatif aux droits civils et politiques et Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels; b) Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants; c) Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale; d) Convention internationale sur l'élimination et la répression du crime d'apartheid; e) Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes; f) Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide; g) Convention sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité; h) Convention relative aux droits de l'enfant; i) Convention sur les droits politiques de la femme; j) Convention relative à l'esclavage et Protocole amendant la Convention relative à l'esclavage; k) Convention supplémentaire relative à l'abolition de l'esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l'esclavage; l) Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui; m) Convention relative au statut des apatrides; n) Convention relative au statut des réfugiés et Protocole relatif au statut des réfugiés. Les dépositaires ont accusé réception de la notification de succession, de telle sorte que la succession de la République de Croatie aux instruments susmentionnés a pris effet le 8 octobre 1991.

La République de Croatie n'a formulé aucune réserve concernant ces instruments, à l'exception de la Convention sur les droits de l'enfant (art.1, par.9).

D. Incrimination de la torture

14. Bien que la torture, ou les actes apparentés (voies de fait, lésions corporelles graves, etc.), ne soit pas expressément qualifiée d'infraction pénale, elle est interdite par les dispositions du Code pénal Krivicni zakon Republike Hrvatske procišceni tekst od 22. ozujka 1993 , Narodne novine 32/1993) qui concernent les atteintes aux droits de l'homme et aux libertés civiles (art. 45 à 65), les atteintes contre la vie et les dommages corporels (art. 34 à 44) et les atteintes à la dignité de la personne et aux moeurs (art. 79 à 87). Parmi ces catégories d'infractions, les actes suivants font l'objet de dispositions spéciales : violation du principe de l'égalité des citoyens (art. 45); détention illégale (art. 46); extorsion de dépositions (art. 48); mauvais traitements par suite de prévarication ou d'abus de pouvoir (art. 49); violation de domicile (art. 52); fouille illégale (art. 53); violation du secret de la correspondance (art. 54); écoutes illégales (art. 57).

15. Le principe constitutionnel selon lequel toute personne arrêtée et condamnée doit être traitée avec humanité et dans le respect de sa dignité (art. 25/1 de la Constitution) est repris dans de nombreuses dispositions de la loi sur la procédure pénale et de la loi sur la procédure administrative. La loi sur l'application des peines et les règlements pénitentiaires contiennent des dispositions analogues.

16. La République de Croatie est l'un des rares Etats à avoir consacré des règles de recevabilité des preuves dans son droit constitutionnel. Aux termes de l'article 29/3 de la Constitution, "les preuves obtenues de manière illégale sont irrecevables en justice". En application de ce principe, la loi sur la procédure pénale non seulement prohibe certaines pratiques relevant de l'extorsion de dépositions (art. 9, 208/8, 209/1, 218, 249/3), mais interdit également l'utilisation de ces dépositions en tant que preuves (art. 208/10 et 218) et annule les décisions rendues sur la base de telles preuves (art. 354/1, al. 8).

E. Autorités compétentes

17. Les autorités compétentes pour les questions qui relèvent de la Convention contre la torture sont les tribunaux, le ministère public ("procureurs de l'Etat", drzavni odvjetnici ), la police et certains organes administratifs. Les tribunaux ont l'obligation constitutionnelle (art. 115/3) de veiller à ce que la loi s'applique de la même manière à tous (art. 26). Dans les procédures pénales, le représentant du ministère public ne joue pas seulement le rôle de partie au procès, il tient également lieu, conformément à la doctrine juridique dominante sur le continent européen, d'organe objectif de l'Etat chargé de veiller à l'"établissement de la vérité" et au respect de la loi par tous. Il se prononce sur l'engagement de poursuites conformément au principe de la légalité des poursuites (art. 17 de la loi sur la procédure pénale). Ces obligations incombent également aux forces de police, qui sont chargées de protéger la sécurité publique et de faire respecter l'ordre juridique (protection de la vie, de la santé et de la propriété des citoyens, recensement des infractions et identification de leurs auteurs, établissement de preuves aux fins des poursuites pénales, etc.). Leurs devoirs et leurs compétences sont régis par la loi sur les affaires intérieures ( Zakon o unutamjim poslovima, procišceni tekst od 27.5.1991 , N.n 19/1991; 73/1992; 33/1992), qui confère également à l'autorité administrative la compétence de légiférer par décrets dans certains domaines. La hiérarchie du Ministère de l'intérieur comprend une juridiction disciplinaire, qui connaît des manquements à la discipline commis par des officiers de police. Lorsqu'il est saisi d'une plainte pour violation des droits de l'homme ou exercice abusif du pouvoir discrétionnaire, le tribunal disciplinaire de première instance doit engager des poursuites et peut, à l'issue de la procédure orale, qui est en principe publique, imposer une sanction (amende ou mise à pied); le plaignant doit être dûment informé des suites de sa plainte. Selon les données officielles, le nombre de procédures disciplinaires engagées contre des officiers de police a évolué de la manière suivante :

Année
Nombre d'officiers de police inculpés d'infractions disciplinaires
Nombre total d'officiers acquittés
Nombre total d'officiers condamnés
Nombre d'officiers mis à pied
Amendes
1991 20 2 18 7
11
1992 44 2 42 21
21
1993 32 * 24 9
15
1991-1993 96 4* 84 37
47

* Huit procédures étaient en instance.

18. Les affaires relevant de la Convention contre la torture peuvent également être soumises à l'Ombudsman et à la Cour constitutionnelle, en vertu d'une requête constitutionnelle. Selon le paragraphe 1 de l'article 93 de la Constitution, l'Ombudsman est investi par le Parlement de l'autorité de protéger les droits constitutionnels et juridiques des citoyens dans les affaires mettant en jeu l'administration et d'autres organes dotés de prérogatives publiques.

F. Tribunaux et peines

19. Selon la loi sur les tribunaux ( Zakon o sudovima od 6.1.1994 , N.n . 3/1994), la juridiction pénale est exercée par les tribunaux de droit commun et les tribunaux spécialisés. Les tribunaux de droit commun sont : a) les tribunaux locaux, qui connaissent des infractions punies d'une peine maximale de dix ans d'emprisonnement; b) les tribunaux de district ( zupanijski sudovi ), dont la compétence porte sur les infractions punies d'une peine supérieure à dix ans d'emprionnement; c) la Cour suprême de la République de Croatie, qui n'est pas saisie en première instance, mais qui statue en appel sur les recours extraordinaires. Les tribunaux spécialisés sont les tribunaux de commerce, le tribunal administratif de la République de Croatie et les tribunaux militaires. Ces derniers sont en fait des sections spécialisées des tribunaux de droit commun qui relèvent de la juridiction d'appel de la Cour suprême de la République de Croatie.

20. L'action pénale est du ressort exclusif des organes judiciaires. L'objectif de la phase préliminaire (l'enquête judiciaire, obligatoire, sauf dans les cas de "fragrant délit") vise à rassembler les preuves et les informations nécessaires pour déterminer s'il y a lieu d'inculper l'auteur d'une infraction ou de classer l'affaire; la deuxième phase est celle du jugement (le procès), la troisième phase étant généralement la procédure d'appel. Dès le début de l'enquête judiciaire, les deux parties jouissent de droits importants : l'accusé a le droit non seulement de garder le silence et d'être informé des accusations portées contre lui, mais également de faire appel aux services d'un avocat (droit dont il doit être dûment informé), d'accéder au dossier dès l'entretien avec le juge d'instruction, de demander que certaines mesures soient prises dans le cadre de l'instruction et d'être présent à toutes les étapes de l'instruction. Au cours du procès, les parties peuvent présenter des preuves, interroger les témoins et les experts, demander qu'il soit donné lecture de certains documents et faire valoir librement leur cause.

21. Les sanctions pouvant être imposées par les juridictions pénales varient selon la situation du délinquant. Les délinquants majeurs sont passibles des sanctions suivantes : a) peines privatives de liberté (peines allant de 15 jours à 15 ans; dans les cas exceptionnels, la peine peut aller jusqu'à 20 ans pour les crimes les plus graves) et amendes; b) peine avec sursis; c) admonestation; d) mesures de sûreté; e) confiscation de revenus de patrimoine. Les délinquants mineurs (âgés de 14 à 18 ans) sont passibles des sanctions suivantes : a) mesures éducatives (admonestation ou placement de courte durée dans une maison de correction, mesures de surveillance accrue de la part des parents, du tuteur ou de la famille nourricière et mesures institutionnelles telles que le placement dans une institution d'éducation, une institution d'éducation et de correction ou une institution spécialisée pour les mineurs délinquants); b) incarcération en maison correctionnelle.

22. Au cours des trois dernières années, le nombre de personnes condamnées à des peines d'emprisonnement en République de Croatie s'est élevé à 36 690 au total. La proportion de condamnés s'élève à 75 pour 10 000 adultes. Au cours de la même période, on a enregistré 80 348 inculpations, qui se répartissent de la manière suivante (pour les violations des droits de l'homme et des libertés fondamentales, voir le paragraphe 31 ci-après) : 40 pour crime contre l'humanité et violation du droit international; 9 652 pour atteinte à la vie et dommages corporels; 6 102 pour infraction portant atteinte à l'honneur et à la réputation d'autrui; 471 pour atteinte à la dignité de la personne et aux moeurs; 12 022 pour atteinte à des biens; 5 998 pour infraction économique; 2 237 pour atteinte à la sécurité publique; 537 pour infraction commise contre l'administration de la justice; 4 021 pour des atteinte à l'ordre public ou pour acte juridique délictueux; 3 255 pour des infractions commises par les accusés dans l'exercice de leurs fonctions; 1 578 pour infraction contre les forces armées. Au total, 241 personnes ont été condamnées à des peines d'emprisonnement allant de 10 à 15 ans; 44 personnes ont été condamnées à la peine maximale de 20 ans d'emprisonnement; 492 personnes ont été condamnées à des peines de prison allant de 5 à 10 ans et 2 952 personnes ont été condamnées à des peines de prison allant de 1 à 5 ans. Enfin, 32 886 personnes ont été condamnées à une peine d'emprisonnement d'un an. En ce qui concerne les sanctions imposées aux mineurs, 31 condamnations à des peine d'emprisonnement ont été prononcées et des mesures éducatives ont été imposées dans 2 793 cas.

23. Ces chiffres font apparaître que la part des infractions graves a représenté environ 1,06 % du nombre total de condamnations prononcées par les tribunaux croates au cours de la période 1991-1993, la part des infractions moins graves 9,4 % et celle des infractions mineures 89,6 %.

24. L'application des sanctions pénales à l'encontre des délinquants adultes et mineurs en République de Croatie est régie par la loi de 1974 sur l'application des peines ( Narodne novine , No 21/1974, 55/1988, 19/1990, 26/1993, 66/1993). Il existe six établissements pénitentiaires principaux, 14 maisons d'arrêt qui dépendent des tribunaux de district et deux institutions spécialisées pour la "rééducation des mineurs". Les établissements pénitentiaires de la République de Croatie peuvent être divisées en plusieurs catégories selon leur niveau de sécurité, le sexe des détenus ou la durée et la finalité des peines. Il existe un établissement pénitenciaire de type fermé (situé à Lepoglava); un établissement pour femmes, de type combiné (situé à Pozega et comprenant des quartiers fermés, semi-ouverts et ouverts); un établissement de type semi-ouvert (situé à Turopolje) et deux établissements de type ouvert (situés à Lipovica et Valtura) pour les délinquants majeurs de sexe masculin. Les détenus sont soignés dans un hôpital spécial situé à Zagreb et desservant tous les établissements pénitentiaires. Malheureusement, la maison de correction pour mineurs située à Glina (à 60 km environ de Zagreb) est restée longtemps occupée (depuis l'été 1991, au début de l'agression contre la République de Croatie) et n'a retrouvé que récemment son usage initial.

25. Les personnes condamnées à des peines d'emprisonnement supérieures à cinq ans sont détenues dans les établissements de type fermé. Il en va de même pour les personnes qui ne remplissent pas les critères (sociaux, psychologiques et médicaux) établis par les autorités pénales, législatives et professionnelles pour être placées en établissements semi-ouverts ou ouverts. Les personnes condamnées à des peines d'emprisonnement de cinq ans au plus sont détenues dans les établissements semi-ouverts ou ouverts, à condition qu'elles remplissent les critères susmentionnés et paraissent aptes à séjourner dans des établissements dont le règlement est basé sur l'autodiscipline et le sens de la responsabilité personnelle. Il existe 14 maisons d'arrêt situées près des tribunaux de district pour les accusés qui sont maintenus en détention pendant la procédure pénale. Certains quartiers de ces prisons, qui ont été rénovés récemment et où les conditions de vie ont été considérablement améliorées, sont également utilisés pour l'exécution des peines d'emprisonnement de courte durée (jusqu'à six mois).

26. Les établissements pénitentiaires de la République de Croatie peuvent accueillir 2 300 personnes au total; 42 % des établissements sont de type fermé et 48 % de type semi-ouvert et ouvert. L'hôpital central spécial réservé aux prisonniers représente 10 % de la capacité carcérale. Les maisons d'arrêt disposent de 1 400 places et les maisons de correction peuvent héberger 230 mineurs. Au 31 décembre 1993, on dénombrait 1 600 condamnés (dont 47 femmes); 653 personnes étaient détenues dans les maisons d'arrêt et 135 mineurs des deux sexes se trouvaient en maison de correction. On comptait au total 2 388 détenus, ce qui représentait 64,5 % de la capacité totale des établissements pénitentiaires.

27. La plupart des établissements de type fermé ont été construits à la fin du XIXe siècle ou au début du XXe. Par conséquent, les installations et les conditions d'hygiène ne répondent pas toujours aux normes du Règlement pénitentiaire européen, mais restent toutefois, dans la plupart des cas, conformes à l'Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus. Peu après les premières élections libres organisées en République de Croatie en 1991, deux des établissements de type fermé (l'un pour les récidivistes et l'autre pour les jeunes adultes) ont été mis hors service en raison de leur impopularité et des mauvaises conditions de vie qui y régnaient (l'ancien régime y incarcérait principalement les prisonniers politiques).

28. Trois nouvelles prisons ont été construites et quatre maisons d'arrêt ont été entièrement rénovées au cours des dix dernières années. Malgré le manque de ressources financières, on procède actuellement à des travaux de modernisation dans deux autres établissements. Le gouvernement envisage de rénover le plus ancien et plus grand établissement pénitentiaire (celui de Lepoglava) mais espère recevoir une aide du Service de la prévention du crime et de la justice pénale, qui est chargé de l'assistance et de l'appui à l'équipement et à la construction d'établissements pénitentiaires dans les Etats Membres de l'ONU. Cette aide est d'autant plus importante que les principaux problèmes rencontrés dans les établissements pénitentiaires sont liés à la sécurité et aux conditions de vie des détenus (voir les paragraphes 100 et 101 ci-après concernant les résultats de l'inspection médicale réalisée récemment à Lepoglava). La solution de ces problèmes requiert des moyens financiers dépassant la capacité de la République de Croatie, qui, déjà épuisée par les dommages infligés par la guerre, doit également subvenir aux besoins d'un grand nombre de personnes déplacées et de réfugiés.

G. Voies de recours

29. Les principales voies de recours dont disposent les personnes qui estiment avoir été victimes de tortures ou d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants sont les suivantes : a) droit de dénoncer les faits aux autorités administratives chargées du contrôle disciplinaire (Ministère de l'intérieur pour les actes commis au cours des enquêtes de police, directeur de l'établissement pénitentiaire et Ministère de la justice pour les actes commis à l'encontre d'un détenu purgeant une peine d'emprisonnement); b) droit de s'adresser directement au bureau du Procureur de la République dans les trois jours suivant une mesure policière illégale ou abusive prise pendant l'instruction; c) droit de soumettre au Procureur de la République une plainte concernant des infractions pénales (voir le paragraphe 16 ci-avant) et lorsque la demande est rejetée, droit de la victime (appelée "partie lésée" en procédure pénale) d'intenter elle-même des poursuites contre l'auteur présumé de l'infraction, en se substituant au procureur; d) droit d'obtenir des dommages-intérêts soit au cours de la procédure pénale (en déposant une demande en réparation), soit dans le cadre d'une procédure civile. En ce qui concerne les actes illégaux ou abusifs commis par d'autres organes de l'administration, il existe également une voie de recours assimilable à l' habeas corpus instituée par la loi sur les contentieux administratifs, mais elle est peu utilisée dans la pratique.

30. Les personnes victimes d'une arrestation ou d'une mise en détention illégales, ainsi que les personnes condamnées à tort, ont droit à réparation pour le préjudice financier et le manque à gagner découlant de leur mise en détention et/ou de leur condamnation. Avant d'intenter une action au civil, elles doivent déposer une requête auprès du Ministère de la justice en vue d'un règlement éventuel concernant l'existence du préjudice, ainsi que le volume et le mode de réparation; lorsqu'un accord n'est pas trouvé ou si le Ministère ne prend pas de décision officielle concernant la victime dans un délai d'un mois à compter de la réception de la requête, le plaignant est en droit d'introduire une action en réparation devant les tribunaux.

H. Situation et problèmes actuels

31. En raison de l'agression commise contre la République de Croatie et de l'occupation d'environ 27 % du territoire par les forces armées serbes, le Gouvernement croate n'a pas pu exercer son autorité et protéger les droits de l'homme dans les zones occupées pendant plus de quatre ans. Entre l'arrivée de la FORPRONU dans les "zones protégées", en avril 1992, et la fin de l'année 1993, on a enregistré officiellement 12 468 personnes expulsées de force (accompagnées par des représentants des Nations Unies) vers les zones libres; il faut y ajouter 600 assassinats de civils, 26 viols officiellement répertoriés et 1 617 cas de mauvais traitements, blessures, tortures et autres traitements inhumains infligés aux personnes d'origine non serbe. Les informations figurant dans le présent rapport ne concernent que les personnes relevant de la juridiction de la République de Croatie.

32. En marge des graves problèmes de maintien de l'ordre public dans les régions limitrophes des zones de conflit et avant que la République de Croatie n'adhère à la Convention contre la torture, on a enregistré des cas d'arrestations, de voies de fait et de coups et blessures injustifiés commis à l'encontre de citoyens par des représentants des forces de police et de l'armée sur le territoire contrôlé par le gouvernement. Le tableau ci-après indique le nombre de personnes inculpées de violations des droits de l'homme et des libertés, ainsi que le nombre de personnes condamnées :

Type d'infraction
1991
19921993
Inculpés
Condamnés
InculpésCondamnésInculpésCondamnés
Violation du principe de l'égalité des citoyens 6 - 2111
Utilisation de la force 9 3 7-8-
Emprisonnement illégal 5 2 136--
Extorsion de dépositions 2 2 3352
Mauvais traitements par suite de prévarication ou d'abus de pouvoir 54 11 30143713
Violation de domicile 82 16 715597
Fouille illégale 1 - --3-
Violation du secret de la correspondance 8 - 9131
Ecoutes illégales - - --2-
Total 167 34 1353011824
Nombre total de violations des droits de l'homme et des libertés 1 295 352 706178719185

II. INFORMATIONS CONCERNANT LES DISPOSITIONS DE FOND DE LA CONVENTION


A. Article 2


33. Bien que la législation ne contienne aucune définition de la torture au sens de l'article premier de la Convention, le système juridique croate et les règlements applicables aux forces de police, à l'appareil judiciaire et au système pénitentiaire fixent les conditions nécessaires pour prévenir et punir tous les actes visés par le terme de "torture" dans la Convention. En dehors des dispositions constitutionnelles (art. 23), ces actes sont interdits par diverses dispositions du Code pénal, du Code de procédure pénale, des lois et des règlements régissant la responsabilité disciplinaire des officiers de police et des règlements relatifs à l'application des peines.


34. Comme indiqué précédemment (voir le paragraphe 10 ci-dessus), l'interdiction constitutionnelle de la torture en République de Croatie ne souffre aucune dérogation, même dans des circonstances exceptionnelles (art. 17, par. 3).


35. Les définitions juridiques relatives à l'inculpation sont indiquées ci-après (par. 75). Conformément à la règle d'exclusion consacrée par la Constitution (art. 29.3), la loi sur la procédure pénale interdit l'utilisation de toute méthode contraignante pour obtenir des dépositions dans le cadre de la procédure pénale. Elle impose au juge le devoir de retirer du dossier le texte des dépositions ainsi obtenues et prévoit la nullité des décisions rendues sur la base de telles preuves. La loi de 1991 sur les affaires intérieures (Narodne novine 29/1991) et ses règlements d'application fixent les modalités du contrôle hiérarchique, ainsi que la procédure et les sanctions disciplinaires, applicables dans les forces de police.


36. La Constitution de la République de Croatie, qui proclame l'existence d'un Etat libre, indépendant et démocratique, jette les bases des valeurs juridiques, mais aussi institutionnelles, qui doivent permettre d'aligner l'ensemble du système juridique croate sur la législation européenne, et en particulier sur les lois et normes en vigueur dans les sociétés modernes. L'adoption de la Constitution croate marque l'adhésion aux valeurs et aux institutions démocratiques de type américain et européen qui sont destinées à garantir le respect des droits de l'homme et des libertés individuelles. Ces libertés individuelles, droits de l'homme et droits civils, qui sont les valeurs fondamentales du système constitutionnel et juridique, conformément à l'article 16 de la Constitution de la République de Croatie, ne peuvent faire l'objet de restrictions que dans les conditions prévues par la loi et pour protéger les libertés et les droits du peuple, l'ordre constitutionnel, les moeurs et la santé publique. L'ordre constitutionnel repose notamment sur les décisions des tribunaux ou des pouvoirs publics. On peut juger de l'efficacité des principes du droit à la manière dont ces décisions sont appliquées. A cet égard, les tribunaux et les autres autorités compétentes peuvent demander l'aide du Ministère de l'intérieur. Conformément au paragraphe 1 de l'article 46 de la loi sur les affaires intérieures, le Ministère est obligé d'intervenir en cas de résistance physique à l'exécution d'une décision ou si cette résistance est raisonnablement prévisible. La force publique s'exerce dans le cadre de la procédure d'application des décisions des tribunaux ou d'autres autorités compétentes concernant les droits d'une personne.


37. Dans l'exercice de leurs activités officielles, les fonctionnaires du Ministère de l'intérieur doivent garder à l'esprit les règles de la loi sur la procédure pénale et de la loi sur les affaires intérieures. Soucieux de protéger les droits de l'homme, le Ministère est le garant du respect de la loi, du professionnalisme, du tact, de l'amabilité et de la correction des officiers de police à l'égard des citoyens. Lorsqu'il est établi qu'un officier de police s'est livré à des activités illégales ou a outrepassé les pouvoirs que lui confère la loi, les services compétents du Ministère de l'intérieur procèdent dans les meilleurs délais à une enquête efficace pour sanctionner de la manière qui convient tout acte contraire à la législation croate. En 1993, 23 officiers de police ont fait l'objet de mesures disciplinaires pour violences contre des citoyens. 7 d'entre eux ont été mis à pied et 16 ont été condamnés à une amende. En 1994, un officier de police a été mis à pied pour la même raison et 18 autres ont été condamnés à une amende s'élevant à 15 % de leur traitement sur 16 mois.



Nombre d'officiers de police ayant fait l'objet
de mesures disciplinaires en 1993 et 1994

1993
1994
Nombre de mesures disciplinaires prises contre des officiers de police
    Mises à piedAmendesNombre de mesures disciplinaires prises contre des officiers de policeMises à piedAmendes
23
71619118

38. Les violations de la Convention sont principalement le fait d'officiers de police jeunes, inexpérimentés et insuffisamment formés; la plupart des infractions relevées concernent des dommages corporels infligés au cours de l'interrogatoire pour obtenir des aveux.

39. Outre les mesures disciplinaires, des poursuites pénales ont été engagées contre les officiers de police dont les actes contenaient des éléments constitutifs d'une infraction pénale. Les amendes infligées ont été aussi élevées que possible.


40. En vertu de l'article 6 de la loi sur les affaires intérieures (N.n. 29/1991 et N.n. 76/94), les représentants de l'Etat doivent, dans l'exercice de leurs fonctions, protéger la vie et la dignité des citoyens; en outre, ils ne peuvent appliquer que les mesures prévues par la loi et qui leur permettent d'accomplir leur devoir avec un préjudice aussi minime que possible pour les personnes physiques et morales et pour leurs droits.


41. En 1994, le nombre de cas de recours à la contrainte a été de 767 par rapport à 779 en 1993. En revanche, le nombre de cas dans lesquels le recours à la force était injustifié a considérablement diminué (26 en 1994 contre 56 en 1993, ce qui représente une diminution de 53 %).


42. Il importe de souligner qu'il y a eu très peu d'incidents impliquant l'utilisation d'armes à feu, de sorte que l'on ne relève que 29 cas d'usage injustifié d'une arme à feu en 1994.


43. La force physique a été utilisée comme moyen de coercition dans 625 cas. Les matraques en caoutchouc ont été utilisées dans 88 cas et différents instruments de contrainte dans 25 cas.


44. Malgré la diminution du nombre de cas impliquant l'utilisation d'instruments de contrainte, il est difficile d'éviter les accidents, compte tenu des situations complexes auxquelles la police est parfois confrontée. Ainsi, trois personnes ont été tuées par arme à feu en 1994. Dans deux cas, les représentants du Ministère de l'intérieur ont fait usage de leur arme pour protéger leur vie et, dans un cas, pour empêcher une personne de fuir les lieux du crime. Au total, 141 personnes ont été victimes de blessures légères et 14 ont été grièvement blessées.


45. Le nombre de fonctionnaires dont il a été signalé qu'ils avaient abusé de leurs pouvoirs en matière de coercition s'élève à 40; 11 d'entre eux ont été poursuivis en justice et 29 ont fait l'objet de mesures disciplinaires.


46. Les plaintes et les dépositions des citoyens fournissent une bonne indication du respect de la légalité par les représentants du Ministère de l'intérieur et de la confiance des citoyens dans leurs institutions. En cas de plainte, les services compétents du Ministère de l'intérieur prennent immédiatement les mesures qui s'imposent et font connaître rapidement les résultats de la procédure.


47. Le respect de la légalité par les officiers de police repose sur les mesures de contrôle et de répression exercées par les supérieurs hiérarchiques directs, les chefs de postes et de districts et le service d'inspection interne établi au siège du Ministère de l'intérieur, qui fonctionne sur le modèle des institutions analogues existant en Europe occidentale.


48. En 1994, on a enregistré 1 288 plaintes contre des officiers de police, soit 13,38 % de plus que l'année précédente (1 136 plaintes). Après enquête, il est apparu que 78,5 % des plaintes étaient sans fondement (75 % en 1993) contre 19,87 % de plaintes justifiées (25 % en 1993); 21 plaintes sont encore en cours d'examen. Il convient de souligner que les cas susmentionnés portent sur les activités de police routinières et qu'aucun cas de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants n'a été signalé.


49. En vertu de l'article 16 de la loi sur les affaires intérieures, le contrôle de la légalité des activités du Service de protection de l'ordre constitutionnel relève du Comité pour la politique intérieure et la sécurité nationale de la Chambre des représentants du parlement croate. Ce Comité contrôle la légalité des activités du Service de protection de l'ordre constitutionnel, notamment en ce qui concerne l'exercice des droits de l'homme, des droits civils et des libertés individuelles, des droits et libertés des personnes morales, des organismes publics et d'autres institutions tels qu'ils sont consacrés dans la Constitution et la législation, ainsi que l'exercice des droits et libertés consacrés dans le droit international. Les faits et informations abordés lors des sessions du Comité et dans les documents de séance sont considérés comme des secrets d'Etat. Le Comité transmet un rapport sur ses travaux au Parlement de la République de Croatie (Sabor) au moins une fois par an.


50. Conformément aux directives envoyées aux différents districts de police par le Ministère de l'intérieur, la République de Croatie facilite l'entrée sur son territoire des citoyens titulaires du "passeport rouge" (personnes vivant sur le territoire de la République de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) et dans les territoires croates occupés). Etant donné que ces "passeports rouges" ne sont plus valables depuis le 8 avril 1993 en vertu de la loi portant modification de la loi sur les documents de voyage des citoyens croates (N.n. 64/92), le Ministère de l'intérieur a publié le 2 avril 1993 des directives selon lesquelles les titulaires de "passeports rouges" délivrés en République de Croatie sont autorisés à pénétrer sur le territoire national, mais non à en sortir. A l'entrée ou à la sortie du territoire, la mention "annulé" est inscrite en lettres perforées dans le passeport, qui est ensuite retourné à son propriétaire.


51. Dans les directives datées du 14 décembre 1993, il est indiqué que des titulaires d'un "passeport rouge" résidant en zone croate provisoirement occupée et les titulaires d'un "passeport rouge" délivré sur le territoire provisoirement occupé peuvent se rendre en République de Croatie sans que leur passeport soit annulé et sans qu'aucune mention ou note ne puisse y être portée. En vertu de ces mêmes directives, les titulaires d'un "passeport rouge" établi en Serbie ou au Monténégro ou délivré par un organisme de représentation diplomatique ou consulaire de l'ex-République socialiste fédérative de Yougoslavie et qui résident en Serbie ou au Monténégro peuvent se rendre en République de Croatie sans visa si les membres de leur famille immédiate sont des citoyens croates vivant en République de Croatie.


52. Le droit d'entrée est accordé, indépendamment de la date d'établissement du "passeport rouge", avec la délivrance du laissez-passer.


53. Les directives datées du 13 janvier 1994 autorisent les citoyens de Bosnie-Herzégovine à se rendre en République de Croatie pour affaires dans les conditions prévues par la loi sur les déplacements et le séjour des étrangers.


54. Selon l'article 158 de la loi sur l'application des peines pour les actes criminels, les infractions économiques et les délits, tout condamné a le droit de déposer une plainte auprès du directeur de l'établissement pénitentiaire où il est détenu lorsqu'il estime que ses droits ont été violés ou qu'il est victime d'une autre forme d'abus. Le directeur est tenu d'examiner soigneusement chaque plainte, de prendre une décision et de communiquer celle-ci au condamné. Si le condamné dépose un recours écrit contre la décision auprès du Ministère de la justice, le directeur doit transmettre la plainte, ainsi que les documents pertinents au Ministère de la justice. Le service juridique de l'établissement pénitentiaire doit informer le condamné de son droit de déposer plainte, des motifs pouvant donner lieu au dépôt d'une plainte et de l'obligation de respecter la procédure à deux degrés.


55. Le Ministère de la justice a reçu 92 plaintes en 1994, 28 en 1993, 13 en 1992 et 152 en 1991. Aucune plainte ne fait état de l'utilisation d'instruments de contrainte.


56. Selon la législation, les fonctionnaires de police judiciaire ne peuvent utiliser des instruments de contrainte qu'en cas de nécessité pour empêcher le condamné de s'enfuir, d'agresser physiquement le personnel ou un tiers, de s'automutiler ou de causer des dommages matériels. L'usage d'armes à feu est autorisé lorsque l'utilisation de la force physique, de matraques ou d'autres moyens de contrainte ne permet pas aux forces de police de remplir leur mission, de protéger les personnes et d'empêcher le condamné d'attenter directement à la vie des officiers de police judiciaire, de dégrader les installations ou de s'enfuir. Le Ministère de la justice est informé de toute utilisation d'une arme à feu contre un condamné.


57. Une seule procédure a été intentée devant le tribunal disciplinaire contre un agent pénitentiaire, en 1992. Le tribunal disciplinaire a prononcé un blâme.



Utilisation de moyens de contrainte dans les établissements
pénitentiaires en 1991, 1992, 1993 et 1994

Moyens de contrainte
1991
1992
1993
1994
Total
Utilisation justifiée
Utilisation injustifiée
Liens et isolement 4 5 17 18 44 44 0
Force physique 8 8 13 16 45 45 0
Matraques a / 3 10 31 15 59 58 1
Lance à eau 0 0 0 0 0 0 0
Chiens policiers 0 0 0 0 0 0 0
Produits chimiques 2 2 0 2 6 6 0
Armes à feu b / 1 0 0 0 1 1 0
Total 18 25 61 51 155 154 1

Notes : Le tableau est établi sur la base des rapports communiqués par les établissements pénitentiaires.

a / Mirsad Budimovic a été sanctionné par le tribunal disciplinaire pour utilisation injustifiée d'une matraque.

b / Les armes à feu ont été utilisées comme moyen de dissuasion et ne peuvent donc être considérées comme des moyens de contrainte (tir en l'air pour prévenir des tentatives de fuite).

58. Dès que les territoires occupés des anciens secteurs Nord et Sud ont été libérés, les autorités croates ont procédé au rétablissement des autorités civiles afin de protéger les citoyens qui s'y trouvaient, les biens et les maisons abandonnées. Malgré tout, des cas isolés de violences, voire d'homicides, ont été enregistrés dans les zones libérées. En toute objectivité, la police n'aurait pu empêcher ces actes qui, selon les informations dont on dispose, ont été commis par vengeance et à des fins bassement criminelles par des individus isolés ou de petits groupes de personnes échappant au contrôle des autorités croates. Selon les informations et les données d'enquêtes recueillies jusqu'ici, la police a fait tout ce qui était en son pouvoir pour enquêter sur les crimes commis pendant et après la libération des territoires occupés.

59. Selon les rapports de police, 26 meurtres ont été enregistrés et ont donné lieu à l'ouverture d'une enquête. Sur ce nombre, 15 cas ont été élucidés (4 assassinats multiples et 11 assassinats individuels, pour un nombre total de 31 victimes). A cette occasion, 20 personnes ont été traduites en justice. Onze enquêtes sont toujours en cours pour tenter d'identifier les assassins de 16 autres personnes.

60. On a recensé 2 787 incendies dans les zones libérées, touchant principalement des maisons familiales et des exploitations agricoles. On s'efforce de déterminer si ces sinistres se sont déclarés pendant les opérations militaires ou après. Pour l'heure, il est établi que 2 072 bâtiments ont été incendiés au cours des opérations militaires et que 715 autres ont été partiellement ou complètement détruits par des incendies criminels. Des plaintes ont été déposées auprès des services compétents du Procureur de la République à l'encontre de 11 personnes ayant provoqué des incendies criminels après l'intervention de la police militaire.

61. Toujours dans cette région, on a enregistré 1 054 vols qualifiés. Il s'agit principalement de vols d'objets dans les maisons abandonnées. L'enquête criminelle a permis de résoudre 720 de ces affaires et 1 260 personnes soupçonnées d'être les auteurs de ces infractions ont été traduites en justice.

B. Article 3

62. La loi sur le déplacement et la résidence des étrangers (N.n. 53/91) autorise l'octroi du statut de réfugié aux étrangers ayant quitté le pays dont ils étaient citoyens ou dans lequel ils étaient résidents permanents sans avoir la citoyenneté, afin d'éviter qu'ils ne soient persécutés en raison de leurs opinions politiques ou de leur appartenance nationale, raciale ou religieuse. Les demandes de statut de réfugié doivent être déposées auprès de l'autorité responsable dès l'arrivée en République de Croatie. Les demandeurs sont dirigés vers un centre d'accueil pour étrangers où ils séjournent jusqu'à ce que la procédure soit achevée s'ils ne disposent pas autrement d'un logement et de ressources financières.

63. Dans la demande de statut de réfugié sont inscrits le nom et le prénom, le lieu et la date de naissance, la citoyenneté, la nationalité, la profession et l'adresse dans le pays d'origine, les circonstances dans lesquelles le demandeur est arrivé en République de Croatie, les noms et adresses des membres de la proche famille et les raisons de la demande de statut de réfugié; le requérant doit également indiquer s'il a fait une demande de protection auprès d'un autre pays (N.n. 54/91). La demande peut être rejetée si le requérant est soupçonné d'avoir commis des actes de terrorisme ou un délit grave, s'il a agi contre les buts et principes de l'Organisation des Nations Unies ou s'il existe des raisons impérieuses de sécurité nationale ou d'ordre public. Le statut de réfugié qui a été accordé peut être retiré pour les mêmes raisons.

64. Les enfants de ressortissants étrangers ayant obtenu le statut de réfugié ont les mêmes droits que leurs parents et sont considérés, à partir de l'âge de 18 ans, comme des ressortissants étrangers en séjour de longue durée.

65. La décision concernant tout ce qui précède est prise par le Ministère de l'intérieur, qui tient compte également de l'avis du Ministère du travail et de la protection sociale.

66. Les ressortissants étrangers ayant obtenu le statut de réfugié ont droit à l'hébergement, à l'entretien et aux soins médicaux pendant un maximum de trois mois à compter du jour où le statut de réfugié leur a été accordé, jusqu'à leur départ pour un autre pays ou jusqu'à ce qu'ils puissent subvenir eux-mêmes à leurs besoins. Ce maximum ne s'applique pas aux étrangers dans l'incapacité de travailler et d'assurer leur subsistance.

67. Le statut de réfugié est retiré à tout ressortissant étranger qui demande la protection du pays dont il est citoyen ou du pays où il a sa résidence en tant que non-citoyen si les raisons pour lesquelles il a quitté ce pays n'existent plus, de sorte qu'il peut y retourner, ou s'il y retourne de son propre gré. Le statut de réfugié est également retiré si le ressortissant étranger obtient la citoyenneté d'un autre Etat (N.n. 53/91).

68. En 1994, dix demandes de statut de réfugié ont été traitées. Ce petit nombre s'explique par le fait que cette question relève désormais de la responsabilité de la Direction gouvernementale pour les personnes déplacées et les réfugiés. Dans la même année ont été prises 16 548 mesures contre des ressortissants étrangers, 71 mesures d'expulsion pour des raisons de sécurité et 867 mesures de précaution; en outre, 488 demandes de résidence ont été rejetées. Le Ministère des affaires étrangères a été informé, dans les délais prescrits par la loi, de tous les cas dans lesquels des ressortissants étrangers ont été détenus.

69. En 1994 également, 370 ressortissants étrangers ont été expulsés de force du territoire de la République de Croatie : il s'agissait de 139 ressortissants de la République socialiste de Yougoslavie (Serbie-Monténégro), de 61 ressortissants de la République de Bosnie-Herzégovine, de 29 ressortissants de l'ex-URSS, de 33 ressortissants roumains, de 18 ressortissants turcs, de 16 ressortissants albanais, de 10 ressortissants slovènes, de 23 ressortissants libanais, de 2 ressortissants algériens, de 2 ressortissants hongrois, de 8 ressortissants allemands, d'un ressortissant britannique, d'un ressortissant bulgare, d'un ressortissant des Etats-Unis d'Amérique, d'un ressortissant autrichien, d'un ressortissant néerlandais et d'un ressortissant français. Les problèmes concernant les ressortissants de Bosnie-Herzégovine doivent être considérés à part car la plupart d'entre eux ont été traités par la Direction gouvernementale pour les personnes déplacées et les réfugiés, avec laquelle la coopération en 1994 a été fructueuse.

70. Selon les données fournies par le Ministère de l'intérieur de la République de Croatie, en 1994, 215 personnes se sont déplacées en Croatie en provenance des républiques de l'ex-Yougoslavie (par le biais de l'échange de propriété), 1 535 personnes ont quitté les territoires occupés du pays pour s'installer dans le territoire libre et 30 745 réfugiés de Bosnie-Herzégovine sont arrivés en République de Croatie, avec l'aide du HCR ou d'autres organisations humanitaires internationales et avec l'autorisation de la Direction gouvernementale pour les personnes déplacées et les réfugiés ou du Ministère de la défense. Dans la même année, 18 144 réfugiés de Bosnie-Herzégovine ont quitté le pays avec l'aide d'organisations humanitaires internationales.

71. Le problème des réfugiés de Bosnie-Herzégovine qui avaient été hébergés par le HCR dans les zones protégées par les Nations Unies s'est posé en 1994 après la chute de Velika Kladuša. Nombre de réfugiés, comme les autorités s'y attendaient, se sont rendus illégalement dans le territoire libre et 1 149 d'entre eux ont été renvoyés en passant par Turanj.

72. Au cours de l'année écoulée, le Ministère de l'intérieur a entretenu une coopération fructueuse avec les organisations humanitaires internationales, ainsi qu'avec les services du Ministère des affaires étrangères, du Ministère du travail et de la protection sociale et du Ministère de la justice de la République de Croatie.

73. Il existe actuellement dans le pays trois centres d'hébergement temporaire pour ressortissants étrangers : Dugo Selo, Rijeka et Obonjan (près de Šibenik). Les centres de Dugo Selo (près de Zagreb) et de Rijeka offrent un hébergement à très court terme seulement aux ressortissants étrangers dont les papiers sont en cours d'établissement, qui attendent d'obtenir les ressources nécessaires et qui prennent les dernières dispositions avant de quitter le territoire de la République de Croatie. La majorité des ressortissants étrangers sont hébergés dans les centres de l'île d'Obonjan, près de Šibenik. Il existe sur cette île un camp de réfugiés qui relève de la responsabilité de la Direction gouvernementale pour les personnes déplacées et les réfugiés, de sorte que les étrangers sous surveillance de la police sont traités pratiquement de la même manière que les réfugiés.

74. En outre, afin d'offrir un meilleur traitement et de meilleures conditions de vie aux ressortissants étrangers, un centre d'hébergement doit ouvrir en mai 1996. Les bâtiments (ceux d'un ancien motel) sont situés à Jezevo, près de Zagreb, et sont en cours de rénovation.

C. Article 4

75. Le Code pénal de 1992 de la République de Croatie qualifie d'infractions pénales un certain nombre d'actes sanctionnés essentiellement pour empêcher la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants. Il s'agit notamment des actes suivants : atteinte à l'égalité des personnes (art. 45), emprisonnement illégal (art. 46), extorsion de dépositions (art. 48), mauvais traitements par prévarication ou abus de pouvoir (art. 49), coercition (art. 51), violation de domicile (art. 52), perquisition illégale (art. 53), violation du secret de la correspondance et de tout autre envoi (art. 54) et écoute et enregistrement audio illégaux (art. 57). [Les textes de ces articles peuvent être consultés au secrétariat.]

D. Article 5

76. Conformément au paragraphe 99 de la loi pénale fondamentale de la République de Croatie, la loi croate s'applique à toute personne ayant commis une infraction pénale sur le territoire de la République. La loi croate s'applique également à toute personne qui commet une infraction pénale à bord d'un navire croate (navire enregistré en République de Croatie), où que celui-ci se trouve au moment où l'infraction est commise. La loi pénale croate s'applique aussi lorsque des infractions sont commises à bord d'un aéronef civil national en vol ou à bord d'un avion militaire, quel que soit l'endroit où il se trouvait lorsque l'acte a été commis.

77. Selon le paragraphe 101 de la loi pénale fondamentale de la République de Croatie, les dispositions de la loi croate s'appliquent à tout ressortissant de la République de Croatie ayant commis un délit à l'étranger, à condition que celui-ci soit apréhendé sur le territoire croate ou qu'il ait été extradé.

78. Conformément aux dispositions du paragraphe 102 de la loi pénale fondamentale de la République de Croatie, la loi croate s'applique également à tout ressortissant étranger ayant commis une infraction pénale à l'encontre de la République de Croatie ou à tout ressortissant croate se trouvant hors du territoire croate, à condition que le présumé coupable soit arrêté sur le territoire de la République ou qu'il ait été extradé.

79. La République de Croatie adhère au principe de l'applicabilité universelle de la législation pénale. Conformément à ce principe, la loi croate s'applique à tout ressortissant étranger ayant commis hors du territoire de la République une infraction à l'encontre d'un autre Etat ou de l'un de ses ressortissants. La condition préalable à l'application de la loi, conformément au principe universel, est que, selon la législation de l'Etat en question, le délit soit punissable d'une peine d'emprisonnement de plus de cinq ans et le délinquant présumé ne puisse être extradé par la République de Croatie s'il se trouve sur son territoire.

80. En ce qui concerne les infractions pénales mentionnées plus haut (par. 75), le principe universel s'applique pour toutes les principales infractions qui peuvent être considérées comme les formes les plus dangereuses de menace pour la société et l'intégrité d'autrui.

E. Article 6

81. Selon les dispositions de la loi sur la procédure pénale, s'il existe des motifs fondés de soupçonner un individu d'avoir commis une infraction pénale, une procédure préliminaire (enquête) peut être engagée contre lui; si les conditions justifient son arrestation, il peut être placé en détention (détention provisoire). Une telle mesure ne peut être prise que pour des motifs précis, sur ordre du juge d'instruction auquel la personne arrêtée a été présentée et qui l'a interrogée. Cet ordre doit être annulé, même sans présentation du suspect, lorsque les motifs nécessitant une telle mesure ne sont plus valables. Une mesure moins stricte doit alors être prise (par exemple, promesse du suspect de ne pas quitter son lieu de résidence ou mise en liberté sous caution), chaque fois que les conditions requises sont réunies à cette fin. A la demande de la personne arrêtée, son plus proche parent ou toute autre personne désignée par elle doit être averti. Au cours de la procédure préliminaire, le suspect peut être placé en détention provisoire pendant un maximum d'un mois à compter du jour de son arrestation. A l'expiration de ce délai, le juge du tribunal de district peut prolonger la détention d'un maximum de deux mois et, dans les cas d'infraction grave pouvant entraîner une peine d'emprisonnement de plus de cinq ans, le juge de la Cour suprême peut prolonger la détention provisoire d'un maximum de trois mois. Après cette période, le suspect doit être remis en liberté, que l'enquête préliminaire ait été achevée ou non. Les personnes détenues illégalement ont droit à réparation pour le préjudice subi et à indemnisation financière de la part de l'Etat.

82. Pour ce qui est de la procédure d'extradition de suspects et de personnes reconnues coupables, la loi sur la procédure pénale stipule que, lorsque la demande d'extradition d'un ressortissant étranger a été adressée au juge d'instruction du tribunal du district dans la juridiction duquel le ressortissant étranger réside ou a été appréhendé, et s'il existe des motifs justifiant la détention préliminaire, le juge d'instruction doit délivrer un mandat d'arrêt à l'encontre du ressortissant étranger, à moins qu'il ne ressorte de la demande que l'extradition doit être refusée. Après avoir établi l'identité du ressortissant étranger, le juge d'instruction doit informer celui-ci sans délai de l'infraction dont il est accusé et des preuves sur la base desquelles l'extradition est demandée et l'informer de son droit d'être assisté d'un conseil. Le tribunal doit désigner d'office un conseil dans les cas d'infraction pénale dans lesquels la présence d'un défenseur est obligatoire.

83. Dans les cas urgents, lorsqu'il y a danger de fuite du ressortissant étranger, la police peut, sur demande d'une institution étrangère et quelle que soit la forme de cette demande, arrêter la personne en question afin de la présenter à un juge d'instruction du tribunal de district. La demande à cet effet doit contenir les informations exigées et indiquer que l'extradition sera demandée par les voies ordinaires.

84. Lorsque la détention provisoire a été ordonnée, le juge d'instruction doit en informer le Ministère des affaires étrangères par l'entremise du Ministère de la justice. Lorsque les motifs de la détention cessent d'exister ou lorsque l'Etat tiers n'a pas fait la demande d'extradition dans les délais fixés par le juge, le ressortissant étranger doit être libéré. Ce délai ne doit pas dépasser trois mois à compter du jour de l'arrestation; le tribunal de district peut, sur demande de l'Etat requérant ou pour la nécessité de la procédure, prolonger ce délai d'un maximum de deux mois supplémentaires.

85. Les dispositions des accords consulaires bilatéraux ou de la Convention de Vienne sur les relations consulaires (qui sont en vigueur en République de Croatie depuis 1991) ont été prises en compte dans toutes les procédures concernant la détention provisoire de ressortissants étrangers.

F. Article 7

86. Le principe aut dedere , aut judicare , qui est consacré à l'article 7 de la Convention, est également incorporé dans le système juridique croate. Comme dans la plupart des Etats d'Europe occidentale, les tribunaux contrôlent la procédure d'extradition et l'application des traités d'extradition. Toutefois, l'extradition étant considérée comme une décision du gouvernement, la République de Croatie a adopté le système du "veto judiciaire" : si la décision du tribunal de district visant à refuser l'extradition est définitive, celle-ci doit uniquement être communiquée à l'Etat requérant et l'affaire est classée. Si le tribunal considère que les conditions exigées par la loi ou les traités en vue de l'extradition d'un étranger ont été réunies, cet avis doit être communiqué au Ministère de la justice qui prend la décision finale quant à la recevabilité de la demande d'extradition. Néanmoins, dans le premier cas, la règle selon laquelle le ministère public est tenu d'engager des poursuites s'applique (principe des poursuites obligatoires, voir plus haut par. 17); s'il ressort de la demande et des pièces soumises par l'Etat requérant qu'il existe des éléments prouvant qu'une infraction appelant une action publique (conformément aux règles décrites plus haut à propos de l'article 5) a été commise à l'étranger, le ministère public doit engager des poursuites pénales en faisant une demande d'ouverture d'instruction. Cette demande est soumise au tribunal de district compétent. Ainsi, le système judiciaire croate garantit que la personne dont l'extradition a été refusée sera poursuivie et jugée de la même manière que toute autre personne pour laquelle la loi s'applique sur le territoire.

G. Article 8

87. On trouvera ci-après la liste des conventions bilatérales sur l'extradition actuellement en vigueur en République de Croatie :

a) Convention sur l'extradition des délinquants entre le Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes et l'Italie, datée du 6 avril 1922;

b) Convention sur l'aide judiciaire mutuelle entre la République fédérative populaire de Yougoslavie et la République populaire de Bulgarie, datée du 23 mars 1956;

c) Convention sur les relations judiciaires mutuelles entre la République fédérative populaire de Yougoslavie et le Royaume de Grèce, datée du 18 juin 1959;

d) Convention sur l'aide judiciaire en matière civile et pénale entre la Yougoslavie et la Pologne, datée du 6 février 1960;

e) Convention sur l'aide judiciaire mutuelle entre la République fédérative populaire de Yougoslavie et la République populaire de Hongrie, datée du 7 mai 1960;

f) Convention sur la réglementation des rapports judiciaires en matière civile, familiale et pénale entre la République socialiste fédérative de Yougoslavie et la République de Tchécoslovaquie, datée du 20 janvier 1964;

g) Convention sur les rapports juridiques mutuels entre la République socialiste fédérative de Yougoslavie et la République populaire de Hongrie, datée du 7 mars 1968;

h) Convention sur l'extradition de personnes entre la République socialiste fédérative de Yougoslavie et la République fédérale d'Allemagne, datée du 26 novembre 1970;

i) Convention sur l'extradition et l'aide judiciaire en matière pénale entre la République socialiste fédérative de Yougoslavie et le Royaume de Belgique, datée du 4 juin 1971;

j) Convention sur l'extradition de personnes entre la République socialiste fédérative de Yougoslavie et la Turquie, datée du 17 novembre 1973;

k) Convention sur l'aide judiciaire en matière pénale entre la République socialiste fédérative de Yougoslavie et la République d'Autriche, datée du 1er février 1982;

l) Convention sur l'extradition entre la République socialiste fédérative de Yougoslavie et la République d'Autriche, datée du 1er février 1982;

m) Convention sur l'aide judiciaire en matière civile et pénale entre la République de Croatie et la République de Macédoine, datée du 2 septembre 1994;

n) Convention sur l'aide judiciaire en matière civile et pénale entre la République de Croatie et la République de Slovénie, datée du 7 février 1994.

88. On trouvera ci-après la liste des conventions bilatérales sur l'aide judiciaire en matière pénale actuellement en vigueur en République de Croatie :

a) Convention sur la protection juridique et judiciaire des nationaux (annexe 41 de la Convention entre le Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes et l'Italie), datée du 6 avril 1922;

b) Convention sur l'extradition des délinquants entre le Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes et l'Italie, datée du 6 avril 1922;

c) Convention sur l'aide judiciaire en matière civile et pénale entre la Yougoslavie et la Pologne, datée du 6 février 1960;

d) Convention sur la réglementation des relations judiciaires en matière civile, familiale et pénale entre la République socialiste fédérative de Yougoslavie et la République de Tchécoslovaquie, datée du 20 janvier 1964;

e) Convention sur l'extradition et l'aide judiciaire en matière pénale entre la République socialiste fédérative de Yougoslavie et le Royaume de Belgique, datée du 4 juin 1971;

f) Convention sur l'aide judiciaire en matière pénale entre la République socialiste fédérative de Yougoslavie et la République fédérale d'Allemagne, datée du 1er octobre 1971;

g) Convention sur l'aide judiciaire et juridique en matière pénale entre la République socialiste fédérative de Yougoslavie et la République de Turquie, datée du 8 octobre 1973;

h) Convention sur l'aide judiciaire en matière pénale entre la République socialiste fédérative de Yougoslavie et la République d'Autriche, datée du 1er février 1982;

i) Convention sur la remise mutuelle de personnes condamnées en vue de l'exécution de la peine d'emprisonnement, conclue entre la République socialiste fédérative de Yougoslavie et la République socialiste tchèque et slovaque, datée du 23 mai 1989;

j) Convention sur l'aide judiciaire en matière civile et pénale entre la République de Croatie et la République de Slovénie, datée du 7 février 1994;

k) Convention sur le contrôle mutuel de l'application des décisions de justice en matière pénale entre la République de Croatie et la République de Slovénie, datée du 7 février 1994;

l) Convention sur l'aide judiciaire en matière civile et pénale entre la République de Croatie et la République de Macédoine, datée du 2 septembre 1994;

m) Convention sur le contrôle mutuel de l'application des décisions de justice en matière pénale entre la République de Croatie et la République de Macédoine, datée du 2 septembre 1994.

89. A l'heure actuelle, 14 conventions bilatérales en matière d'extradition sont en vigueur en République de Croatie; elles ont été signées avec l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, la Bulgarie, la Grèce, la Hongrie, l'Italie, l'ex-République yougoslave de Macédoine, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, la Slovénie et la Turquie. Dans la plupart des cas (Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Grèce, Italie, Pologne, République tchèque et Slovaquie), les conventions bilatérales d'extradition s'appliquent pour les délits cités plus hauts au paragraphe 75 (art. 4), à l'exception de la coercition. Pour ce qui est de la convention avec la République de Turquie, l'extradition n'est possible que pour les délits d'emprisonnement illégal et d'extorsion de dépositions. La convention avec la Hongrie ne prévoit pas de possibilité d'extradition dans le cas des délits cités plus haut au paragraphe 75 (concernant l'article 4).

90. Il est très important de signaler qu'outre l'extradition en application des conventions, la législation de la République de Croatie prévoit la possibilité de l'extradition "non contractuelle" fondée sur la réciprocité et l'application exclusive de la loi interne du pays auquel l'extradition est demandée.

H. Article 9

91. L'assistance et la coopération judiciaires en matière pénale s'agissant des délits visés par la Convention s'exercent dans le cadre des conventions bilatérales actuellement en vigueur en République de Croatie, ainsi que des dispositions de la loi sur la procédure pénale qui prévoit la possibilité, mais non l'obligation, de coopération extraconventionnelle en matière pénale. Les conventions et la législation nationale prévoient toute une série de mesures d'assistance aux pays étrangers en matière pénale, notamment : vérification des documents des personnes résidant à l'étranger ou des institutions ayant leur siège à l'étranger; audition des personnes accusées, des témoins ou des experts; fouille des locaux et des personnes; saisie d'objets et expéditions à l'étranger; citation de personnes résidant à l'étranger à comparaître d'elles-mêmes devant les tribunaux afin d'être interrogées en qualité de témoins ou de participer aux procédures d'identification; présentation de détenus et fourniture des documents et des informations figurant dans le dossier de police de personnes accusées. Les tribunaux peuvent offrir une aide judiciaire à la demande des tribunaux et d'autres autorités à l'étranger, à condition qu'il n'existe pas de restrictions à la fourniture de cette aide (nature militaire ou politique du délit; menaces à la sécurité ou à d'autres intérêts essentiels de la République de Croatie).

I. Article 10

92. L'information et l'instruction des membres des forces de police sur l'interdiction de la torture et de tout autre traitement cruel, inhumain ou dégradant à l'égard de personnes qui sont questionnées, interrogées, emprisonnées, etc., font partie intégrante des programmes d'enseignement de l'école de police à tous les niveaux. Il s'agit ainsi d'orienter, de stimuler et de développer les rapports civilisés et humains entre les futurs fonctionnaires de police et les citoyens.

93. Les dispositions de la Convention sont étudiées dans le cadre de certaines matières à divers niveaux de l'enseignement portant notamment sur les procédures de police, les méthodes d'enquête criminelle, la loi sur la procédure pénale, la loi sur les affaires internes, la criminologie et les règlements des services de police, ainsi que dans le cadre de l'étude des éléments du droit pénal et de la loi relative à la police.

94. Les élèves de l'école de police judiciaire suivent également les cours de l'école de police. Ils étudient en détail les problèmes de la torture dans le contexte de plusieurs matières. Outre la Convention contre la torture, ils étudient également les dispositions d'autres instruments analogues.

95. La Convention contre la torture est étudiée dans les universités dans le cadre de l'enseignement du droit, concernant notamment l'organisation et le fonctionnement des forces de police, les méthodes d'enquête criminelle, les tactiques militaires et la protection de l'ordre constitutionnel.

96. Une grande attention est accordée dans l'enseignement dispensé à l'école de police militaire à l'aspect humanitaire du traitement des individus et à l'importance de ne pas porter atteinte à l'honneur, à la réputation, à la dignité et à l'intégrité des personnes contre lesquelles une procédure est engagée. Les officiers de police militaire suivent un enseignement en matière de droit pénal et de procédure pénale dans le cadre des cours dispensés par le Centre d'enseignement de la police militaire, ainsi que par le moyen d'activités pratiques concernant le traitement des personnes qui leur sont confiées, y compris les prisonniers de guerre. Pour ce qui est du traitement des prisonniers de guerre par la police militaire, une attention spéciale est accordée au respect des conventions internationales, de sorte que les responsabilités dans ce domaine sont confiées exclusivement aux juristes et aux criminologues de la police militaire.

97. La réglementation concernant l'usage de la force et des instruments de coercition par les officiers de police militaire est la même que celle qui s'applique aux forces de police ordinaires de la République de Croatie et relève de la loi sur les affaires internes (N.n. 22/91, texte révisé).

98. Afin d'encourager l'application de la règle de droit, depuis le mois d'octobre 1992, le Ministère de la défense, en coopération avec le Comité international de la Croix-Rouge, organise dans les écoles d'officiers et de sous-officiers, des séminaires sur le droit international humanitaire et le droit de la guerre. Les séminaires ont pour but de faire connaître les obligations de traitement décent, humain et correct des prisonniers de guerre, conformément aux dispositions des instruments internationaux, en particulier de la Convention contre la torture.

J. Article 11

99. Conformément à l'article 39 de la loi sur l'administration centrale, ainsi qu'à l'article 88a de la loi sur l'exécution des peines pour infraction pénale, infraction commerciale et violation, le Ministère de la santé, par l'entremise de sa Commission d'experts, contrôle les services de soins de santé des établissements pénitentiaires de la République de Croatie. Dans son rapport daté du 25 avril 1994 sur la situation des soins de santé dans les prisons de Lepoglava et de Povzega (les plus grands établissements pénitentiaires de la République de Croatie), la Commission d'experts indique que les services ordinaires de soins de santé sont assurés par des unités sur place et que les soins spécialisés sont dispensés à l'hôpital pour détenus de Zagreb.

100. Dans ses conclusions, la Commission d'experts indique que les conditions d'hygiène et les installations à Lepoglava sont généralement satisfaisantes. Les contrôles médicaux sont effectués régulièrement et l'infirmerie est suffisamment bien fournie en médicaments. La qualité de la nourriture est satisfaisante. La Charte des droits des patients est pleinement respectée. Les principales critiques portent sur le relativement mauvais état des toilettes et les lacunes dans la mise à jour des dossiers. Il convient néanmoins de souligner qu'après la visite et le rapport de la Commission, d'importantes mesures ont été prises pour améliorer les toilettes et les installations sanitaires. Toutefois, il y a lieu de souligner que la prison de Lepoglava est sans nul doute l'une des plus anciennes d'Europe et que, pour cette raison, les conditions de vie des détenus ne sont pas entièrement conformes aux normes prescrites par les règles européennes.

101. Les conditions d'hygiène à la prison pour femmes de Povzega sont satisfaisantes et même meilleures que les conditions imposées par les dispositions strictes de la loi.

102. Comme il est indiqué plus haut, la loi sur la procédure pénale énonce la procédure judiciaire et fixe la durée maximum de la détention provisoire lors de la procédure préliminaire; lorsque le dossier d'accusation a été établi, il n'existe plus de maximum pour la durée de la détention. Toutefois, la Constitution prévoit que toute personne détenue a le droit d'être jugée dans le plus bref délai possible (par. 2 de l'article 25) et la loi sur la procédure pénale (art. 189) prévoit la révision judiciaire périodique de la validité de la détention (tous les 60 jours). La personne détenue a le droit illimité de faire appel de la décision de détention provisoire pour qu'elle soit annulée ou remplacée par une décision de mise en liberté sous caution.

103. Selon certaines recherches effectuées sur le taux de détention et la durée moyenne de la détention, il existait en République de Croatie avant la guerre en 1991 24 détenus pour 100 000 habitants (les chiffres n'ont pas encore été établis pour les années suivantes). Entre 1989 et 1992, la durée moyenne de la détention provisoire des personnes relevant du tribunal de district de Zagreb (le plus important du pays) était la suivante :

1989
1990
1991
1992
    Jusqu'à un mois
55 %
65 %
59 %
41 %
    De un à trois mois
24 %
17 %
20 %
24 %
    De trois à six mois
10 %
10 %
12 %
16 %
    Plus de six mois
11 %
11 %
11 %
11 %

La tendance nettement négative pour 1992 peut s'expliquer par diverses raisons et devrait faire l'objet d'une étude approfondie. L'une des raisons est sans doute le retard considérable pris par les tribunaux en conséquence de la guerre de 1991 : selon les données du Ministère de la justice, le nombre d'affaires pénales restées en suspens est passé de 23 202 en 1990 à 26 936 en 1992.

K. Article 12

104. Comme il est indiqué plus haut, les autorités chargées des décisions concernant les questions visées par la Convention sont les tribunaux, les procureurs, la police et d'autres organes administratifs. Toutes ces autorités ont notamment le devoir de veiller au respect du principe constitutionnel de l'interdiction de la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants et du principe de la dignité humaine. Si, au cours de l'enquête de police, ces principes généraux n'ont pas été respectés ou ont été violés, la personne lésée peut déposer plainte auprès du procureur général dans les trois jours qui suivent la date à laquelle la violation présumée a été commise (par. 4 de l'article 142 de la loi sur la procédure pénale). Après examen de la plainte, le procureur peut conclure qu'il existe des raisons fondées de croire qu'une infraction pénale a été commise à l'encontre d'un citoyen, dont les droits et les libertés ont été violés (voir plus haut les informations concernant l'article 4). Dans ce cas, il est tenu d'engager des poursuites pénales. Il en va de même lorsqu'une victime d'un acte abusif de la part d'un agent de la fonction publique dépose une plainte pénale auprès du procureur général. Si toutefois ce dernier n'engage pas de poursuites contre le fonctionnaire concerné, il doit informer la partie lésée du rejet de sa requête et du motif de ce rejet (par. 1 de l'article 144 de la loi sur la procédure pénale). La partie lésée peut alors exercer elle-même le rôle de procureur subsidiaire et entamer des poursuites contre le responsable présumé de la violation. A cette fin, la loi prévoit que le procureur subsidiaire a les mêmes droits que le procureur général au regard de la procédure, y compris le droit d'être représenté par un conseil désigné par l'Etat, dans les cas graves et si sa situation financière ne lui permet pas d'assumer les frais d'avocat.

L. Article 13

105. Les règlements relatifs à la discipline militaire parmi les forces armées de la République de Croatie (N.n. 24/92) énoncent les principes applicables à la discipline et aux sanctions disciplinaires; ils définissent l'autorité responsable et les procédures à suivre pour l'examen des cas de non-respect de la discipline militaire, ainsi que pour l'application de mesures et de sanctions disciplinaires, et déterminent la compétence, la structure et le rôle des tribunaux chargés des affaires de fautes de discipline.

106. Un membre des forces armées qui enfreint la discipline militaire peut être reconnu coupable d'une simple faute disciplinaire ou d'une infraction grave. Conformément à l'article 10 des règlements, les sanctions pour faute disciplinaire peuvent être les suivantes : avertissement, blâme, interdiction de quitter la caserne pendant une durée pouvant aller jusqu'à sept jours et détention jusqu'à 30 jours. Les sanctions ci-après peuvent être imposées pour infraction grave : suspension de l'avancement pendant un à deux ans, baisse de salaire de 10 à 20 % (jusqu'à 40 % pour les soldats de la garde) pendant une durée de 1 à 12 mois, détention pendant une durée pouvant aller jusqu'à 30 jours, suppression des fonctions de sous-officier de réserve ou interdiction d'accéder à ces fonctions pendant une durée de 1 à 3 ans et renvoi du service avec blâme (art. 11 des règlements).

107. L'officier supérieur est tenu d'engager immédiatement une action en cas de faute disciplinaire, d'interroger le responsable et d'établir un rapport écrit. Si l'officier responsable constate que la violation constitue également une infraction pénale, il porte l'affaire selon la procédure ordinaire devant le procureur militaire. La constatation de la responsabilité pénale n'exclut pas la responsabilité pour faute disciplinaire.

108. Le responsable autorisé à prendre une mesure disciplinaire consigne la décision par écrit dans un document administratif. Toute personne faisant l'objet d'une mesure disciplinaire peut former un recours auquel il doit être donné suite dans les trois jours. Les mesures disciplinaires sont prises conformément au règlement relatif au service dans les forces armées énoncé par le Président de la République (PA 7-47/1-92, du 20 mai 1992).

109. Les instances compétentes pour juger les responsables présumés d'infractions à la discipline sont le tribunal militaire disciplinaire de première instance et le tribunal militaire disciplinaire supérieur relevant du siège principal. Ces tribunaux sont composés de trois juges, dont le Président, et prononcent des peines ou imposent des sanctions. L'accusé peut être assisté d'un avocat lors des audiences. Un recours peut être formé devant le tribunal militaire disciplinaire supérieur, qui suspend l'exécution de la peine. Le condamné ou son supérieur peut engager une procédure visant à obtenir une peine moins sévère ou la grâce. Dans la pratique, le tribunal militaire disciplinaire juge tout délinquant qui a causé un dommage matériel aux forces armées, qui a déjà plusieurs fois été sanctionné pour infraction disciplinaire, qui a porté atteinte à la réputation de l'armée croate ou qui a commis une infraction pénale.

M. Article 14

110. En République de Croatie, toute personne contre laquelle une sanction pénale a été prononcée ou qui a été reconnue coupable puis, à l'issue d'une procédure de recours spécial a été innocentée ou acquittée, a le droit de demander réparation pour décision injuste du tribunal (art. 528 de la loi sur la procédure pénale).

111. Conformément à l'article 532 de la loi sur la procédure pénale, toute personne ayant été maintenue en détention sans jugement ou ayant été acquittée par un tribunal, ainsi que toute personne détenue et dont la peine a été réduite à l'issue d'une procédure de recours spécial ou toute personne qui, en raison d'une erreur commise par les autorités de l'Etat, a été détenue illégalement pendant une durée excessive, a également droit à réparation.

112. Les personnes reconnues coupables de délits ayant entraîné la privation de liberté n'ont pas droit à réparation.

113. Pour exercer son droit à réparation et avant d'engager une procédure à cette fin, le requérant doit tout d'abord s'adresser au Ministère de la justice pour que celui-ci statue sur l'existence du dommage causé et sur le montant de la réparation demandée. Si la requête est rejetée ou si le Ministère n'a pas pris de décision dans les trois mois suivant le dépôt de la requête, le requérant peut engager auprès d'un tribunal compétent une procédure en réparation contre la République de Croatie.

114. En cas de décès du requérant, les ayants droit peuvent poursuivre la procédure engagée ou entamer une procédure en réparation, à condition que la personne décédée n'ait pas renoncé à sa requête ou que le délai de trois ans après lequel l'affaire doit être réglée n'ait pas expiré.

115. Dans les cas où une peine ou un emprisonnement injustifié a fait l'objet de rapports dans les médias ayant porté atteinte à la réputation de l'intéressé, celui-ci a également le droit à réparation morale sous forme de démentis publiés dans la presse ou par d'autres médias. Si la personne est décédée, ce droit peut être exercé par son conjoint, ses enfants, ses parents, ses frères ou ses soeurs. La demande doit être déposée devant le tribunal dans les six mois qui suivent la date de l'acquittement et est indépendante de toute procédure précédente en réparation.

116. Toute personne injustement condamnée ou emprisonnée qui, en raison de la peine prononcée ou de sa détention, a perdu son emploi ou son droit à la sécurité sociale a le droit aux avantages de la continuité de son emploi pendant la période où elle a cessé ses activités. Ce droit s'applique également au plan de retraite.

117. Le nombre de personnes ayant été condamnées à tort en République de Croatie est relativement limité. Une peine est généralement déclarée injuste à l'issue d'une nouvelle procédure pénale et rarement comme suite à autre recours spécial. Néanmoins, dans tous les cas, la peine est déclarée injuste à partir du moment de son annulation ou lorsque le tribunal annule l'acte d'accusation.

118. Après l'indépendance de la République de Croatie en 1991 et jusqu'à la fin de 1994, un total de huit procédures de ce type ont été engagées. Dans cinq des cas les peines ont été reconnues injustes et les allégations ont été reconnues justifiées. Les trois autres cas ont été examinés par le Ministère de la justice et les allégations ont été jugées dénuées de fondement car toutes les peines avaient été prononcées conformément à la loi et à la réglementation en vigueur.

N. Article 15

119. Il a déjà été indiqué que la Constitution de la République de Croatie interdit l'obtention illégale de preuves et qu'en outre, la loi sur la procédure pénale énonce des règles précises interdisant l'utilisation de déclarations obtenues par la force, la tromperie ou tout autre moyen analogue (voir plus haut le paragraphe 16). De plus, cette même loi stipule que le texte de ces déclarations doit être retiré du dossier de l'affaire avant le début du procès. Toutefois, si, malgré ces garanties, le tribunal pénal rend sa décision en se fondant sur des déclarations obtenues illégalement, cette décision doit être annulée au cours de la procédure d'appel au motif de violation grave des dispositions de la loi sur la procédure pénale et l'affaire doit être renvoyée pour nouvel examen.

120. Selon les statistiques officielles du Ministère de la justice, tous les ans, environ 20 % les décisions des tribunaux pénaux communaux sont annulées; 34 % de celles-ci sont annulées pour des motifs d'erreur de procédure sur le fond (pour les tribunaux de district, les chiffres sont respectivement de 15 % et de 13 %). Toutefois, il n'existe pas de données sur les affaires dans lesquelles la décision a été annulée pour violation de la règle d'exclusion; une étude empirique menée en 1994 à la Faculté de droit de l'Université de Zagreb concernant le tribunal de district de Zagreb (le principal tribunal de la République de Croatie) a révélé un chiffre de 2 %.

O. Article 16

121. La loi sur la police définit avec précision les pouvoirs des membres des forces de police, conformément à la Constitution de la République de Croatie et aux principes consacrés dans les systèmes juridiques modernes des Etats d'Europe occidentale, l'accent étant placé sur le respect de la personnalité, de la dignité, de la vie privée et de l'intégrité physique des personnes, ainsi que d'autres valeurs humaines universelles.

122. Les fonctions officielles sont exercées conformément à la loi et aux règlements d'application, ainsi qu'aux ordres et instructions reçus des supérieurs responsables. On trouvera ci-après certains exemples :

a) Les agents chargés de rassembler des renseignements sur des cas d'infractions pénales ne peuvent interroger une personne en garde à vue ou en détention qu'avec l'autorisation du juge d'instruction ou du directeur de l'établissement pénitentiaire;

b) Pour protéger les droits et les libertés des personnes et pour préserver la loi et l'ordre, les agents autorisés peuvent détenir une personne faisant peser des menaces sur ces droits et libertés, mais la détention (garde à vue) ne peut pas excéder 24 heures. Si la personne arrêtée est un ressortissant étranger, l'ambassade de son pays doit être avertie sans retard;

c) Dans l'exercice de leurs fonctions, les membres des forces de police sont autorisés à faire usage de la force (contrainte, matraques, lances à eau, armes à feu, etc.) s'ils sont dans l'impossibilité d'agir autrement. L'importance et le type de ces mesures de coercition doivent correspondre à la situation et, avant tout recours à de telles mesures, l'agent des forces de police doit avertir la personne concernée. Si les mesures de coercition ont été appliquées dans les limites autorisées, le policier n'est pas poursuivi. Dans le cas contraire, il peut être passible de mesures disciplinaires ou de poursuites pénales.

123. L'emploi des armes à feu comme moyen de contrainte le plus radical est réglementé en détail dans les articles 42 et 43 de la loi sur la police. Les armes à feu ne peuvent être employées que dans les cas extrêmes et strictement définis, et uniquement s'il n'existe pas d'autres moyens de faire face à la situation. Dans ces cas-là, les agents des forces de police doivent veiller à préserver la vie des autres personnes présentes. Avant d'employer une arme à feu, ils doivent avertir la personne concernée ou, si possible, s'efforcer de l'intimider en tirant en l'air. Les mêmes dispositions s'appliquent à la police militaire.



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