University of Minnesota


Comité contre la Torture, Examen des rapports présentés par les États parties en application de l'article 19 de la Convention, Colombie, U.N. Doc. CAT/C/39/Add.4 (2002).


 

Troisième rapport périodique des États parties devant être soumis en 1997

Additif

COLOMBIE *

[17 janvier 2002]

* Pour le rapport initial présenté par le Gouvernement colombien, voir le document CAT/C/7/Add.1; pour son examen par le Comité, voir les documents CAT/C/SR.36 et 37 et Documents officiels de l’Assemblée générale, quarante‑cinquième session, Supplément n o 44 (A/45/44), par. 313 à 340.

Pour le deuxième rapport périodique, voir le document CAT/C/20/Add.4; pour son examen par le Comité, voir les documents CAT/C/SR.238 et 239 et Documents officiels de l’Assemblée générale, cinquante et unième session, Supplément n o 44 (A/51/44), par. 66 à 83.

Les informations présentées conformément aux directives unifiées concernant la première partie des rapports des États parties figurent dans le document de base HRI/CORE/1/Add.56/Rev.1.

Les annexes au présent rapport peuvent être consultées aux archives du secrétariat.

 

TABLE DES MATIÈRES

                                                                                                 Paragraphes

I.   . GÉNÉRALITÉS     ..................................... 1 −- 30   
II.   MESURES LÉGISLATIVES, ADMINISTRATIVES ET AUTRES
RELATIVES AUX DROITS DE L’HOMME ET EN PARTICULIER
AU PROBLÈME DE LA TORTURE ET AUTRES PEINES OU
TRAITEMENTS CRUELS, INHUMAINS OU DÉGRADANTS
(art. 1 er , 2, 4 et 16 de la Convention)   ............   31 −- 194  
A.   Lutte contre tous les groupes armés en marge de la loi     45 −- 65   
         Lutte contre les enlèvements   ..   58 −- 61   
         Renforcement du rôle des forces armées dans la lutte
         contre les groupes armés illégaux     62 −- 65   
B.   Protection des défenseurs des droits de l’homme
et des personnes menacées   .                66 −- 77  
C.   Renforcement de l’administration de la justice
et lutte contre l’impunité   .   78 −- 95   
D.   Mesures particulières en faveur du droit
international humanitaire   ..   96 −- 102   
E.   Aide aux populations déplacées par la violence     103 -− 113   
F.   Mesures législatives   ..   114 −- 191   
Criminalisation du génocide, de la disparition forcée,
du déplacement forcé et de la torture − Loi n o  589 de 2000     114 −- 122   
Réformes de la justice pénale militaire − Loi n o  522
du 12 août 1999     123 −- 128   
Les juridictions militaires   .   129 −- 136
Fonctionnement de la justice pénale militaire   ..   137 -− 165   
Interdiction de recruter des mineurs pour le service militaire
− Loi n o  548 de décembre 1999     166   
Adhésion à la Convention sur l’interdiction de l’emploi,
du stockage, de la production et du transfert des mines
antipersonnel et sur leur destruction − Loi n o  254
de janvier 2000   ..   167 −- 168  
 
Nouveau Code pénal − Loi n o  599 de juillet 2000
(en vigueur depuis le 24 juillet 2001)   ...   169 −- 175   
Nouveau Code de procédure pénale − Loi n o  600 de juillet 2000
(en vigueur depuis le 24 juillet 2001)   ...   176 −- 181   
Statut de la Cour pénale internationale     182 −- 184  
Projet de loi portant approbation de la Convention
interaméricaine sur la disparition forcée des personnes   .   185 -− 187   
Projet de Code unique disciplinaire     188 −- 191   
G.   Autres mécanismes de la politique des droits de l’homme     192 -− 194   
III.   Mesures législatives et autres interdisant
l’expulsion, LE REFOULEMENT ou l’extradition
de personnes QUI RISQUENT D’ÊTRE soumises
à la torture; juridiction; traités
internationaux et ENTRAIDE judiciaire
(art. 3, 5, 6, 7, 8 et 9 de la Convention)     ... 195 −- 247  
L’extradition   ........   ... 195 −- 203   .
Aspects de la procédure   ............   ... 204 -− 234   
Relations avec les autorités étrangères   ............   ... 235 -− 241
Demandes d’assistance judiciaire émanant de l’étranger   .............   ... 242 -− 247
IV.   ÉDUCATION ET INFORMATION EN MATIÈRE
D’INTERDICTION DE LA TORTURE; FORMATION
DU PERSONNEL CIVIL ET MILITAIRE CHARGÉ
DE L’APPLICATION DES LOIS (art. 10 de la Convention)   ........   ... 248 −- 254  
V.   RÈGLES, INSTRUCTIONS , MÉTHODES ET PRATIQUES
D’INTERROGATOIRE; DISPOSITIONS CONCERNANT
LA GARDE DES PERSONNES ARRÊTÉES, DÉTENUES
OU EMPRISONNÉES; IRRECEVABILITÉ DES PREUVES
OBTENUES PAR LA TORTURE (art. 11 et 15 de la Convention)   ........   ... 255 -− 261  

VI.   EXAMEN DES PLAINTES POUR TORTURE;
RESPONSABILITÉ CIVILE DE L’ÉTAT
(art. 12, 13 et 14 de la Convention)   ........   ... 262 −- 297   
A.   Autorités compétentes pour examiner les plaintes pour torture   ..   262 −- 270   
Fiscalía General de la Nación   ..   263 −- 267  
Le ministère public   ..   268 -− 270   
B.   Responsabilité civile de l’État pour violation
des droits de l’homme     271 −- 297   
Action en réparation directe et rétablissement du droit     274 −- 276   
Indemnisation des victimes de violations
des droits de l’homme     277 −- 297   
Annexes
I.          Loi n o  589 de 2000 portant définition du génocide, de la disparition
forcée du déplacement forcé et de la torture
II.         Loi n o  599 de 2000 − Nouveau Code pénal (en vigueur depuis
le 24 juillet 2001)
III.        Loi n o  600 de juillet 2000 − Nouveau Code de procédure pénale
(en vigueur depuis le 24 juillet 2001)
IV.        Loi n o  522 du 12 août 1999 − Nouveau Code pénal militaire
V.         Loi n o  548 de décembre 1999 − Ordre public. Exclusion des mineurs
du conflit armé
VI.        Loi n o  409 d’octobre 1997 − Approbation de la Convention interaméricaine
pour la prévention et la répression de la torture
VII.      Décret n o  1636 d’août 2000 portant création, au sein du Département
administratif de la présidence de la République, du Programme présidentiel
de promotion, de respect, de garantie des droits de l’homme et d’application
du droit international humanitaire

 

I.   GÉNÉRALITÉS

1.            En Colombie, la torture compte parmi les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises dans le pays, en particulier dans le cadre du conflit armé. C’est pourquoi, soucieux de se ménager une certaine marge de manœuvre et de conjuguer sa volonté politique de rétablir la paix et sa détermination à garantir et protéger les droits de l’homme, le 19 août 1999, le Gouvernement colombien a présenté à la communauté nationale et internationale, sa politique de promotion, de respect et de garantie des droits de l’homme et d’application du droit international humanitaire pour la période 1998‑2002.

2.            Cette politique se fonde notamment sur les grandes lignes suivantes: intensification de la lutte contre l’impunité, un nouvel élan étant donné aux enquêtes sur les cas les plus exemplaires; protection des défenseurs des droits de l’homme et des représentants syndicaux; lutte contre les groupes d’autodéfense et contre les enlèvements; fourniture d’une aide plurisectorielle aux populations déplacées et renforcement des capacités de l’État, en particulier aux fins de la modernisation de la force publique.

3.            Le conflit armé interne, qui ne cesse de s’étendre et de s’aggraver, devient de plus en plus inhumain et touche chaque jour davantage la population civile, constitue la principale source de violation des droits fondamentaux. Aspect le plus préoccupant de la situation colombienne, le conflit constitue une entrave à l’exercice effectif des droits de l’homme et limite la capacité de l’État de protéger ces droits.

4.            C’est pourquoi, parallèlement à sa politique en faveur des droits de l’homme, le Gouvernement met en œuvre une politique de paix avec les groupes armés qui est fondée sur la négociation et le droit international humanitaire et vise à concilier la paix, la sécurité et la justice.

5.               Compte tenu des caractéristiques du conflit armé, le Gouvernement a élargi la conception traditionnelle des droits de l’homme aux dimensions du droit international humanitaire pour amortir les conséquences du conflit et reconnaître la responsabilité des acteurs armés quels qu’ils soient. Il développe par ailleurs sa compréhension des dimensions culturelles, éthiques et juridiques des droits de l’homme en reprenant à son compte le principe international contemporain qui veut que les particuliers, les organisations ou les groupes assument la responsabilité des crimes qu’ils commettent. Ce faisant, il ne prétend pas échapper aux devoirs de protection et aux obligations qui incombent à un État mais veut sanctionner avec plus de rigueur et d’objectivité les particuliers et les entités responsables de violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire dans le cadre du conflit armé.

Infractions au droit international humanitaire

6.            En 1999, le conflit interne s’est radicalisé et les infractions au droit international humanitaire se sont multipliés. Le nombre d’infractions au droit international humanitaire a augmenté au cours des trois dernières années. Les homicides sont les infractions les plus fréquentes et force est de constater qu’ils ne cessent d’augmenter. Sont également très fréquents les atteintes à la vie et à l’intégrité de la personne, les actes de terrorisme et les prises d’otages. On constate en outre que le recrutement de mineurs par des groupes armés illégaux est de plus en plus répandu. Enfin, il faut signaler que les groupes d’autodéfense ont beaucoup contribué ces derniers temps à l’aggravation de la situation humanitaire.

7.               D’après les données de l’organisation non gouvernementale Centro de Investigación y Educación Popular (CINEP) concernant les infractions au droit international humanitaire en 1999, les groupes d’autodéfense avaient commis la grande majorité des homicides sur des personnes protégées (74 %) et des actes de torture (85 %). La guérilla est responsable de la plupart des infractions telles que les prises d’otages (98 %), les menaces (77 %), le recrutement de personnes (75 %) et les coups et blessures (70 %). Dans le cadre du conflit, on attribue à la force publique 12 % des blessés, 7 % des actes de torture et 2 % des homicides sur des personnes protégées.

8.            Les données du Commandement général des forces armées concernant les atteintes à la vie et à l’intégrité de la personne au cours des trois dernières années montrent que les groupes d’autodéfense ainsi que la guérilla dans son ensemble commettent de plus en plus ce type d’infractions au droit international humanitaire. La guérilla avait commis légèrement moins d’infractions en 1998. Les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) sont celles qui commettent le plus d’infractions au droit international humanitaire.

9.            Au sens strict du droit international humanitaire, sont considérés comme homicides les décès de personnes qui ne participent pas directement aux hostilités ou qui ont cessé d’y participer, y compris des agents des forces armées qui ont déposé les armes ou qui ont été écartés des combats pour diverses raisons. Ces homicides ont été perpétrés massivement par les groupes de guérilla et d’autodéfense. Le Commandement des forces armées a enregistré 20 homicides sur des personnes protégées. On a en outre signalé un certain nombre d’homicides commis par des agents de la force publique.

10.          D’une manière plus générale, il faut également considérer comme homicides du point de vue du droit international humanitaire les décès survenus en dehors des combats mais liés au conflit armé, comme les quelque 1 561 décès comptabilisés par l’armée en 1999, qui correspondent à des exécutions sommaires et extrajudiciaires perpétrées par les parties au conflit. Les insurgés assassinent des civils qui seraient prétendument liés à des groupes d’autodéfense ou à l’armée ou qui ne satisfont pas à leurs exigences; il faut également considérer comme homicides les exécutions dites sommaires dont sont fréquemment victimes ceux qui ravitaillent les militaires et les groupes d’autodéfense, les propriétaires terriens qui ne paient pas l’«impôt» et les responsables locaux du fait de leurs prises de position politiques. Les insurgés assassinent également des agents de la force publique privés de liberté. Les milices urbaines des FARC et de l’Armée de libération nationale (ELN), qui ne portent pas d’uniforme, seraient responsables d’une partie des homicides commis par la guérilla.

11.          La guérilla et les groupes d’autodéfense se livrent, entre autres pratiques de guerre, à des massacres de civils. Dans bien des cas, les victimes sont d’abord torturées. Les massacres de civils par les groupes d’autodéfense ont sensiblement augmenté depuis 1995. Les groupes d’autodéfense ont été impliqués dans des actes de torture. Dans la plupart des cas, la personne torturée est ensuite retrouvée à l’état de cadavre. Nombre d’actes commis par les groupes d’autodéfense tels que les actes de torture et les exécutions sélectives (listes, graffitis, menaces) visent à intimider et terroriser les civils et provoquent des déplacements de population. Il faut tenir compte du fait que la stratégie militaire des groupes d’autodéfense consiste à agresser la population.

12.          Par ailleurs, la guérilla ajoute à la cruauté de la guerre en exécutant ses propres membres. L’armée estime à 300 le nombre de guérilleros exécutés en 1999 à la suite de procès révolutionnaires. En outre, nombre de guérilleros tués au combat ne sont pas clairement identifiés. Le Commandement général des forces armées a indiqué que le nombre de disparitions de personnes dues aux groupes d’autodéfense était en augmentation constante et que les disparus étaient souvent retrouvés dans des fosses communes, portant des traces visibles de torture et de mutilations.

13.          La guérilla se livre à des attaques et à des incursions dans les villages. Elle a attaqué 58 villages en 1998, contre 47 en 1999. D’après le Commandement général des forces armées, en 1999, 106 villages au total, soit 9,7 % des municipalités du pays, ont été attaqués par la guérilla et les groupes d’autodéfense.

14.          Les insurgés s’en prennent fréquemment à des biens qui sont normalement considérés comme des biens civils, à savoir des voitures, des autobus, des commerces ou des résidences; ils incendient des autobus, des camions et des taxis, et endommagent des oléoducs et des poteaux électriques. La guérilla prend indifféremment pour cibles des civils et des combattants à l’aide de voitures piégées, de grenades et d’autres explosifs. Elle a en outre attaqué à la dynamite des commissariats de police, détruisant en même temps des logements de civils.

15.          Autres infractions au droit international humanitaire, les attaques de la guérilla contre des ouvrages et installations présentant un danger - barrages, digues, centrales et oléoducs - se sont accrues, passant de 68 à 77 et 80 cas au cours des trois dernières années selon le Commandement général des forces armées. Deux attaques de cette nature sont à mettre au compte des groupes d’autodéfense pour 1999.

16.          Les destructions de pylônes sont surtout le fait de l’ELN, qui en a fait exploser 145 en 1999 et 76 pour les six premières semaines de l’année en cours. En 1999, les FARC ont détruit 83 pylônes et les Unités d’autodéfense de Colombie (AUC) en ont fait exploser 4. Les opérations menées contre les oléoducs sont le fait aussi bien des FARC que de l’ELN et ont été particulièrement fréquentes en 1998.

17.          Selon les chiffres du Commandement général des forces armées, le pillage, qu’il soit pratiqué dans des établissements publics ou privés, les vols et les attaques de véhicules, ainsi que les actes de piraterie, sont surtout le fait des groupes insurgés et sont moins pratiqués par les groupes d’autodéfense.

18.          La guérilla et les groupes d’autodéfense ont agressé du personnel médical et ont attaqué des installations et des véhicules sanitaires, y compris de la Croix‑Rouge. Ils ont également entravé l’acheminement des médicaments et des vivres. Les groupes d’autodéfense exercent en outre des contrôles sur les aliments et les médicaments et limitent ou bloquent totalement l’accès aux vivres dans certaines régions du pays. Il faut ajouter à cela les attaques de la guérilla contre des religieux (en 1999, selon les données de l’armée, 36 pasteurs et 1 prêtre ont été assassinés), ainsi que contre le siège d’organisations religieuses et des lieux de culte.

19.          Les groupes de guérilla et d’autodéfense continuent à faire participer des enfants, garçons et filles, au conflit. D’après le Bureau du Défenseur du peuple (Defensoría del Pueblo), quelque 2 000 enfants âgés de 13 à 17 ans sont membres de groupes d’autodéfense et en particulier de la guérilla. D’après le Mouvement des enfants pour la paix de l’UNICEF, 18 % des mineurs liés à ces groupes ont tué une personne. En 1999, l’armée a libéré 13 filles âgées de 14 à 17 ans qui faisaient partie de la guérilla.

20.          En ce qui concerne l’utilisation des mines antipersonnel et autres pièges utilisés dans le cadre du conflit, la Colombie a ratifié la Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction. D’après les premières estimations, au moins 70 000 mines antipersonnel auraient été placées dans quelque 105 municipalités de 23 départements différents, ce qui signifie que 10 % de la population est ou peut être exposée aux effets de ce type d’engins. Les civils comme les militaires sont victimes des mines antipersonnel disséminées de manière aveugle par la guérilla dans les champs, les chemins vicinaux et les installations communautaires. On estime que 50 000 mines ont été posées par la guérilla. Les forces armées en ont placé 20 000 afin de défendre des installations. Jusqu’à présent, 2 205 adultes et 5 250 enfants ont été touchés par l’explosion de ce type d’engins. En 1999, 22 militaires ont été blessés ou tués par des mines à effet de souffle fabriquées pour la plupart par l’ELN et les FARC. Entre janvier 1997 et février 2000, 87 agents des formes armées, dont 80 % de soldats, ont été tués à la suite de l’explosion de mines à effet de souffle et 269 ont été estropiés. On ne dispose d’aucune donnée concernant la population civile touchée.

21.          Par ailleurs, la guérilla et les groupes d’autodéfense, en particulier les FARC, utilisent des bouteilles de gaz chargées de différents matériaux explosifs contre des cibles civiles et militaires, causant des dégâts matériels et faisant des victimes. En 1998 et 1999, 21 725 bouteilles ont été dérobées, dont 69 % par les FARC.

22.          Les groupes d’autodéfense ainsi que les groupes de guérilla sont les principaux responsables des déplacements collectifs de la population rurale. En 1999, 19 194 familles (soit quelque 86 511 personnes à raison de 4,5 personnes par famille) ont été déplacées du fait de la violence et ont, conformément au Programme d’assistance aux populations déplacées du Réseau de solidarité, demandé à bénéficier des programmes gouvernementaux. Le Comité consultatif pour les droits de l’homme et les personnes déplacées (CODHES, estime qu’en 1999, 288 127 personnes (soit 57 627 familles) ont été déplacées. Ces chiffres reflètent les déplacements internes de population, incluent les personnes qui passent par plusieurs municipalités et ne concernent pas uniquement les déplacements de population dus au conflit.

23.          Le Système d’estimation par confrontation de sources du Réseau de solidarité sociale a été conçu pour fournir des informations permettant d’évaluer l’ampleur des déplacements en 2000. Le Système d’estimation des déplacements forcés par confrontation de sources (SEFC) a comptabilisé 1 351 déplacements en 2000: 128 843 personnes, soit 26 107 familles, ont dû migrer. Au premier semestre, 51 515 personnes (40 % du total) ont été déplacées contre 77 328 personnes (60 %) au second trimestre, soit une augmentation de 45 %.

24.          On sait d’où ont été expulsées 96 % (124 187 personnes, soit 25 979 familles) des 128 843 personnes déplacées. Trente‑cinq pour cent (476) de ces déplacements sont survenus au cours du premier semestre et 65 % (884) au cours du second semestre, ce qui représente une augmentation de 89 %.

25.          En ce qui concerne la répartition géographique des déplacements, en 2000, 322 municipalités ont procédé à des expulsions tandis que 322 ont servi de zones d’accueil. Au total, 480 municipalités ont été touchées par des déplacements, parmi lesquelles 158 comme zones d’expulsion seulement, 158 comme zones d’accueil et 164 à la fois comme zones d’accueil et d’expulsion. En outre, 159 municipalités ont connu plusieurs déplacements dans l’année.

La torture en Colombie: les faits

26.          On trouvera ci‑après des données de diverses sources illustrant l’évolution de la pratique de la torture, en violation des droits fondamentaux et de l’article 3 commun aux Conventions de Genève du 12 août 1949.

27.          Dans sa publication intitulée Noche y niebla (nuit et brouillard), l’organisation non gouvernementale CINEP fait état, pour 2000, de 100 cas de torture (soit 420 victimes), ce qui représente une augmentation par rapport à l’année précédente.

Nombre de victimes, par type d’auteur, 1997-2000

Année

Nombre de victimes

Groupes d’auto-défense

Auteurs inconnus

Associations Convivir

Force publique

Fonction-naires

Groupes d’épuration sociale

ELN

FARC

ERP

EPL

1997

222

177

21

1

22

0

0

0

1

0

0

1998

124

76

32

0

9

0

6

1

0

0

0

1999

166

57

47

0

14

35

1

0

11

1

0

2000 a

420

274

98

0

10

0

8

0

29

0

1

Total

 

584

198

1

55

35

15

1

41

1

1

Source : CINEP − Justicia y Paz, Noche y niebla .

a Données disponibles jusqu’en septembre 2000.

Données traitées par l’observatoire du Programme présidentiel pour les droits de l’homme et le droit international humanitaire (Vice‑Présidence de la République).

 

28.          Il ressort des données que les groupes d’autodéfense sont les principaux auteurs d’actes de torture (65,2 % du total) et que leur participation s’accroît en pourcentage comme en termes absolus, ce qui donne une triste image de la réalité colombienne. Le nombre d’actes de torture perpétrés par les groupes d’autodéfense a augmenté de 231,7 % en 2000 par rapport à 1999. Les associations Convivir et la guérilla pratiquent également la torture, mais beaucoup moins que les groupes d’autodéfense et les auteurs inconnus.

Actes de torture, par type d’auteur − 2000

Nombre
de victimes

Groupes d’autodéfense

Auteurs inconnus

Insurgés

Groupes d’épuration sociale

Force publique

420

65,2

23,3

6,9

2,1

1,9

Données disponibles en septembre 2000.

Source : CINEP − Justicia y Paz, Noche y niebla .

Données traitées par l’observatoire du Programme présidentiel pour les droits de l’homme et le droit international humanitaire (Vice‑Présidence de la République).

29.          C’est dans le Département du Valle que sont commis le plus d’actes de torture (18 % du total). Viennent ensuite le Département d’Antioquia (13 %), Bolívar (8 %), Cesar (7 %) et Nord de Santander.

30.          Pour ce qui est des agents de l’État, de la force publique en particulier, le Gouvernement prend note avec inquiétude des données du service du Procureur général de la nation, selon lesquelles 101 plaintes pour torture ont été reçues en 2000, chiffre comparable à la moyenne de 112 plaintes annuelles enregistrées entre 1997 et 1999, période au cours de laquelle 338 cas ont été présentés au total.

 

II.         MESURES LÉGISLATIVES, ADMINISTRATIVES ET AUTRES RELATIVES AUX DROITS DE L’HOMME ET EN PARTICULIER
AU PROBLÈME DE LA TORTURE ET AUTRES PEINES OU TRAITEMENTS CRUELS, INHUMAINS OU DÉGRADANTS
(art. 1 er , 2, 4 et 16 de la Convention)

31.          Le Gouvernement s’emploie sans relâche à promouvoir, faire respecter et garantir l’exercice des droits de l’homme car il n’ignore pas que le conflit armé interne a de graves répercussions sur l’exercice de ces droits et que la population civile est la principale cible des acteurs armés qui agissent en marge de la loi. En dépit des progrès importants et encourageants réalisés dans le domaine des droits de l’homme, le Gouvernement sait qu’il doit encore améliorer la situation et continuer à axer ses efforts sur le règlement du conflit. Il s’emploie à rechercher une solution négociée, tout en étant parfaitement conscient des difficultés et problèmes que pose tout processus de paix, quel que soit le pays concerné, ainsi que des particularités de la situation colombienne et des énormes défis à relever.

32.          Dans ce contexte, les mesures présentées ci‑après s’inscrivent dans le cadre de la politique de promotion, de garantie et de protection des droits de l’homme et d’application du droit international humanitaire ainsi que de la recherche de la paix.

33.          Le processus mené avec les FARC montre clairement les difficultés rencontrées mais illustre très bien les progrès réalisés:

a)               On est parvenu à un consensus aux niveaux national et international sur la nécessité de trouver une solution politique au conflit et d’écarter toute solution de type militaire;

b)              On a réussi à faire mieux comprendre à la communauté internationale la complexité de la situation colombienne et en particulier les intérêts réels des parties au conflit, ce qui permet d’obtenir une assistance plus efficace. Le soutien et l’engagement manifestés par les pays amis de la Colombie sont le résultat encourageant de la diplomatie de la paix qui, contrairement à ce que certains prétendent, est non pas une stratégie visant à dissimuler la réalité mais l’expression de la volonté de faire participer la communauté internationale au processus de paix pour mettre un terme à la guerre;

c)               On a progressé dans l’instauration d’un consensus visant à appuyer le processus de paix, les différents acteurs sociaux et forces politiques ayant été invités à participer à un Front commun pour la paix et contre la violence ainsi qu’au Conseil national de la paix. Le Gouvernement poursuivra ses efforts pour renforcer et élargir ce consensus;

d)              Il existe toujours une enclave démilitarisée qui permet d’organiser des rencontres. Bien que l’existence de cette zone ait suscité de nombreuses critiques, c’est grâce à elle que l’on a pu établir des conditions minimales de confiance pour surmonter les grandes réserves en matière de sécurité héritées de plus de 30 années de conflit armé. Par ailleurs, dans la zone en question, de gros investissements sont réalisés pour promouvoir le développement social, notamment des programmes dans les domaines de l’agriculture et de l’élevage, de la santé, de l’éducation, des loisirs et de la culture, de l’eau potable et de l’assainissement de base, de l’électrification, de l’environnement ainsi que de l’infrastructure routière. Ces programmes, mis en œuvre dans les cinq municipalités qui composent l’enclave démilitarisée, représentent un investissement de près de 87 milliards de pesos.

34.          Malgré la situation de crise, quatre accords ont pu être conclus:

a)               Accord de La Machaca, conclu le 6 mai 2000: il mettait en place un programme thématique comprenant les volets suivants: solution politique négociée, protection des droits de l’homme, politique agraire de vaste envergure, exploitation et conservation des ressources naturelles, structure économique et sociale, réformes de la justice, lutte contre la corruption et le trafic de stupéfiants; réforme politique, réformes de l’État, accords relatifs au droit international humanitaire; forces militaires; relations internationales et conclusion d’accords. Ces thèmes ont ensuite été regroupés selon trois axes: structure sociale et économique; droits de l’homme, droit international humanitaire et relations internationales; et démocratie et structure politique de l’État;

b)              Accord de Los Pozos, conclu en février 2001: les parties se sont engagées à: poursuivre les pourparlers sur les mécanismes visant à mettre un terme au paramilitarisme et à calmer le jeu moyennant la création, dans le cadre de la Table nationale de négociation, d’une commission composée de personnalités qui formuleront des recommandations dans cette double optique; favoriser la conclusion d’un accord humanitaire permettant de libérer les soldats, les policiers et les guérilleros malades; créer, dans le cadre de la Table nationale de négociation, une commission chargée d’étudier les obstacles au processus de paix et établir un mécanisme permettant d’évaluer à intervalles réguliers le bon fonctionnement et les buts et objectifs de l’enclave démilitarisée;

c)               Accord humanitaire, conclu le 2 juin 2001: il a permis de libérer plus d’une centaine de soldats et de policiers qui se trouvaient aux mains des FARC, ainsi que des membres des FARC malades, après exécution de la mesure de sécurité ou de la peine;

d)              Accord de San Francisco de la Sombra, conclu le 5 mai 2001: il vise à étudier les recommandations présentées par la Commission de personnalités, concernant des questions comme la trêve, le cessez‑le‑feu et la fin des hostilités, les enlèvements, la lutte contre le «paramilitarisme» et la convocation éventuelle d’une assemblée constituante, sans qu’il soit porté préjudice au Programme commun. L’Accord invite en outre les candidats et les mouvements et partis politiques, les différents secteurs sociaux et le Conseil national de la paix à se prononcer sur les questions susmentionnées. Les FARC se sont en outre engagées à respecter les activités politiques et électorales menées par les candidats aux prochaines élections dans l’enclave démilitarisée et à demander à leurs membres de ne plus se livrer à des «pêches miraculeuses» sur les routes du pays.

35.          Par ailleurs, le Gouvernement a clairement signifié aux FARC que les critiques concernant l’enclave démilitarisée n’excluaient pas la recherche d’une solution négociée au conflit et qu’elles répondaient au contraire à des avis et des opinions qui s’expliquaient et devaient être respectés dans le cadre d’un régime démocratique. De même, il a souligné que la principale cause du discrédit jeté sur l’enclave en question était les utilisations indues qui en étaient faites et que c’était le peu de progrès réalisés dans le cadre du Programme thématique évoqué plus haut qui contribuait le plus à discréditer le processus de paix.

36.          Le Gouvernement regrette que les insurgés n’aient pas honoré certains de leurs engagements et que le processus ait été gravement entravé ces derniers mois par des actes comme l’enlèvement de trois coopérants allemands, la détention de M. Alan Jara, ancien Gouverneur du Caquetá, alors qu’il se trouvait sous la protection d’un organisme international, l’assassinat de M me  Consuelo Araujo, ancienne Ministre de la culture, et la destruction récente d’un oléoduc dans laquelle quatre enfants avaient trouvé la mort. Le Président de la République n’a toutefois pas baissé les bras et entend se servir de son autorité pour continuer à promouvoir la négociation, en invitant tous les groupes de la société – civils, politiques et religieux – à apporter leur contribution et à donner leur avis.

37.          En ce qui concerne les rapprochements avec les insurgés de l’ELN, il convient de signaler que l’actuel Gouvernement, quelques mois après sa mise en place et compte tenu des contacts que le groupe avait établis avec la société civile, a officialisé ses rapports avec l’ELN et l’a reconnu comme organisation politique. Dès lors, le Gouvernement a commencé à étudier les propositions soumises par l’ELN, notamment la possibilité d’organiser une convention nationale, mécanisme envisagé par l’ELN et la société civile pour faire progresser le processus de paix.

38.          Toutefois, les pourparlers ont été suspendus à plusieurs reprises du fait de divers facteurs, parmi lesquels il faut signaler les actes de terrorisme, comme celui qui a causé la tragédie de Machuca, et les prises d’otages collectives auxquelles s’est livrée l’ELN (avion d’Avianca, église de la María et Ciénaga del Torno). L’organisation elle‑même a suspendu unilatéralement les pourparlers à plusieurs reprises. Par ailleurs, les actes criminels commis par les AUC afin d’entraver la création de la zone de rencontre ont également contribué à saper les progrès.

39.          Suite au changement de position de l’ELN, qui a commencé à exiger la création d’une zone démilitarisée pour mener à bien les négociations, le Gouvernement, animé par la volonté constante de faire progresser la paix, s’est déclaré disposé à étudier différentes possibilités et à rechercher des solutions viables. C’est dans ce contexte qu’un grand nombre de propositions tendant à établir une zone de rencontre ont été présentées et que l’on est parvenu à des accords, qui portaient notamment sur le fonctionnement de la zone et les mécanismes de contrôle de cette zone, par le biais d’une commission dont la composition serait nationale et internationale.

40.          Au mois de juillet de l’année en cours, alors que des progrès notables avaient été accomplis, l’ELN a fait volte-face, revenant sur l’accord conclu et imposant de nouvelles conditions inacceptables pour le Gouvernement. Afin de surmonter ces problèmes, plusieurs propositions ont été soumises à l’ELN, dont certaines avaient déjà été examinées, comme la possibilité de tenir les pourparlers à l’étranger, de créer la zone de manière progressive, de modifier la superficie de la zone, de changer son emplacement ou d’entamer les pourparlers à l’étranger en attendant que des conditions optimales soient réunies pour pouvoir les tenir sur le sol national. L’ELN a rejeté catégoriquement toutes ces propositions et n’a pas laissé d’autres possibilités que de suspendre les pourparlers.

41.          L’organisation a fort heureusement décidé de rouvrir les pourparlers avec le Gouvernement, décision qui a été applaudie aux niveaux national et international. À la suite des pourparlers, les parties ont signé l’Accord pour la Colombie. Dans une déclaration adoptée à La Havane (Cuba) lors d’une réunion tenue du 12 au 15 décembre 2001, dans le cadre des premières négociations bilatérales organisées en vertu de l’Accord, les parties ont affirmé leur détermination à trouver une solution politique au conflit. Dans cette optique, l’Armée de libération nationale (ELN), manifestant sa volonté d’honorer les engagements souscrits au titre de l’Accord pour la Colombie, a annoncé le 17 décembre dernier qu’une trêve «unilatérale et sans contrepartie» serait décrétée pendant les fêtes de Noël, soit du 18 décembre 2001 au 6 janvier 2002.

42.          De son côté, le Gouvernement, par la résolution n o  148 de 2001, a décidé de relancer le processus de dialogue, de négociation et de signature d’accords avec l’ELN. Dans cette résolution, il a aussi reconnu le statut politique de cette organisation.

43.          Par ailleurs, fermement convaincu que le respect des droits de l’homme et du droit international humanitaire est une condition sine qua non pour réaliser la paix, le Gouvernement s’emploie à renforcer les acquis de la politique de promotion, de respect et de garantie des droits de l’homme et d’application du droit international humanitaire 1998‑2002 par l’adoption de diverses décisions sous l’autorité du Vice‑Président de la République, le Programme présidentiel pour les droits de l’homme et le droit international humanitaire faisant office de coordonnateur. La nomination du Vice‑Président comme Ministre de la défense et du Directeur du Programme comme membre de l’équipe de négociateurs dans le cadre du processus de paix avec les FARC illustre le souci du Gouvernement de mettre en avant les droits de l’homme et le droit international humanitaire dans ses programmes de sécurité et de paix.

44.          La reconnaissance par l’opinion nationale et internationale du rôle joué par les différents acteurs armés illégaux dans l’aggravation de la situation de la Colombie coïncide avec la décision du Gouvernement d’axer davantage la politique en matière des droits de l’homme sur les problèmes liés au conflit.

A.   Lutte contre tous les groupes armés en marge de la loi

45.          La lutte contre tous les groupes armés en marge de la loi a été l’un des objectifs prioritaires de l’action gouvernementale car la détérioration de la situation est liée aux infractions au droit international humanitaire commises par ces groupes.

46.          Les résultats obtenus reflètent une intensification de la lutte contre les groupes armés illégaux, la force publique ayant enregistré de bons chiffres en ce qui concerne ses actions contre les insurgés et accompli des progrès sans précédent pour ce qui est des groupes d’autodéfense.

47.          Pendant les 10 premiers mois de 2001, 894 insurgés ont été tués et 1 524 arrêtés, tandis que 103 membres de groupes d’autodéfense ont été tués et 917 arrêtés. Par rapport à la même époque de l’année précédente, les arrestations ont augmenté de 16 % pour ce qui est des guérilleros et de 241 % en ce qui concerne les groupes d’autodéfense; le nombre d’insurgés tués a augmenté de 12 % alors que l’augmentation a été de 30 % pour les groupes d’autodéfense.

48.          De très bons résultats ont aussi été obtenus par les institutions judiciaires en matière de répression des violations des droits de l’homme et des infractions au droit international humanitaire commises par les groupes illégaux armés. Les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises par des groupes armés en marge de la loi font l’objet de poursuites judiciaires, les enquêtes les plus importantes étant confiées à l’Unité des droits de l’homme de la Fiscalía General de la Nación , qui déploie des efforts intenses. L’Unité dispose en outre d’antennes aujourd’hui pleinement opérationnelles à Neiva, Cali, Villavicencio et Medellín. D’ici la fin de l’année, deux unités supplémentaires entreront également en activité dans la ville de Medellín et, au cours du premier semestre de l’année prochaine, d’autres unités seront créées successivement à Cúcuta, Bucaramanga et Barranquilla.

49.          À la fin du mois d’août 2001, l’Unité des droits de l’homme de la Fiscalía General de la Nación avait délivré 244 mandats d’arrêt, pris 142 mesures de sécurité et prononcé 108 actes d’accusation à l’encontre d’insurgés. À la même date, les membres de groupes d’autodéfense avaient fait l’objet de 404 mandats d’arrêt, 520 mesures de sécurité et 372 actes d’accusation. Par rapport au mois de décembre de l’année précédente, le nombre de mandats d’arrêt a augmenté de 44 % en ce qui concerne les membres de groupes d’autodéfense et de 20 % pour ce qui est des insurgés.

50.          L’efficacité du système judiciaire s’est améliorée si l’on considère l’évolution des mesures prises à l’encontre des insurgés et des groupes d’autodéfense depuis décembre 1999. En ce qui concerne les insurgés, les mesures de sécurité ont augmenté de 61 %, les actes d’accusation de 108 % et les mandats d’arrêt de 152 %; pour ce qui est des groupes d’autodéfense, les mesures de sécurité se sont accrues de 21 %, les actes d’accusation de 49 % et les mandats d’arrêt de 67 %. Il faut toutefois noter que les groupes armés illégaux ne cessent de se multiplier et que l’administration de la justice, malgré les améliorations importantes qui y ont été apportées, ne peut faire face à cette situation.

51.          La lutte contre des groupes d’autodéfense a été un élément central de la mise en œuvre de la politique des droits de l’homme et du droit international humanitaire du Gouvernement. Celui‑ci est pleinement conscient que ces groupes nuisent gravement à la réalisation des droits fondamentaux de la population, portent préjudice à l’État lui‑même et font obstacle au processus de paix.

52.          Une structure technique d’appui au Centre national de coordination de la lutte contre les groupes d’autodéfense, en cours d’élaboration, sera chargée d’harmoniser les activités menées contre ces groupes par les forces armées, la police, les autorités judiciaires et civiles de l’État, l’objectif étant de doter le Centre de mécanismes permettant de centraliser les efforts et d’assurer la coordination nécessaire entre les Comités d’évaluation des risques des programmes de protection du Ministère de l’intérieur, le Système d’alerte rapide et les Comités départementaux chargés de la protection des populations déplacées.

53.          Depuis le mois de janvier de cette année, les autorités ont mis en place une stratégie financière qui vise à démanteler les sources économiques des groupes d’autodéfense et leurs mécanismes d’appui. Cette stratégie consiste à recenser, contrôler, geler et confisquer les actifs bancaires et autres titres appartenant à ces groupes. Dans cette optique, l’Unité spécialisée dans l’extinction du droit de propriété et le blanchiment d’actifs ( Fiscalía General de la Nación ) et l’Unité de renseignements et d’administration financière (Ministère des finances) travaillent en collaboration et échangent des informations.

54.          La force publique fait preuve d’une détermination sans faille, comme en témoigne l’intensification des actions militaires, perquisitions, saisies d’armes et arrestations des membres des groupes d’autodéfense. Les résultats qu’elle a obtenus dans le cadre de ses opérations militaires sont sans précédent: entre janvier et le 30 octobre 2001, le nombre de personnes arrêtées a augmenté de 241 % et le nombre de personnes tuées de 30 %. En août et septembre derniers, l’armée a arrêté 24 membres des AUC dans le cadre d’opérations qui ont permis de capturer des individus comme le surnommé «Huracán», chef présumé des AUC, à Magdalena Medio, et d’arrestations collectives comme par exemple celle de six membres des AUC à Orito (Putumayo). Lors des combats, l’armée a tué 13 membres des AUC, dont 5 à Valdivia (Antioquia), ainsi que le surnommé «Mora», chef des AUC à Aguachica (Cesar).

55.          En ce qui concerne la traduction en justice des membres des groupes d’autodéfense, les résultats sont également positifs, comme le montrent les chiffres concernant l’augmentation des mesures de sécurité (21 %), des actes d’accusation (49 %) et des mandats d’arrêt (67 %) depuis décembre 1999. Des procédures sont actuellement en cours devant la juridiction ordinaire contre des chefs et des membres de groupes d’autodéfense, ainsi que des particuliers et des agents de l’État, civils et militaires, qui, par un acte ou une omission, leur offrent ou ont offert une aide ou une collaboration quelconque.

56.          S’agissant des enquêtes disciplinaires ouvertes contre les agents de l’État qui auraient entretenu des liens avec des groupes illégaux d’autodéfense, au 30 juillet 2001, on disposait des données suivantes: 38 enquêtes concernaient des agents directement impliqués, 49 des agents coupables d’omission, 2 des agents qui avaient prêté leur appui et 1 des agents qui avaient toléré les agissements des groupes. En ce qui concerne l’état d’avancement des affaires, 61 en étaient au stade de l’enquête préliminaire, 1 faisait l’objet d’un recours et 8 en étaient au stade de l’enquête en bonne et due forme.

57.          Par ailleurs, dans le cadre du processus de paix avec les FARC, le Gouvernement a lancé de nombreux appels aux insurgés pour qu’ils examinent le document dans lequel une commission de personnalités avait formulé des recommandations sur le «paramilitarisme». Le Gouvernement montre ainsi sa volonté inébranlable de continuer à affronter ce phénomène.

Lutte contre les enlèvements

58.          Pour combattre les atteintes à la liberté de la personne, dont de nombreuses sont commises par la guérilla sous la forme de prises d’otages, un programme de défense de la liberté de la personne a été mis en œuvre sous l’égide du Ministère de la défense. En outre, le Conseil national de lutte contre les enlèvements et autres atteintes à la liberté de la personne (CONASE) fonctionne pleinement. Toute la partie opérationnelle de la lutte contre les enlèvements est confiée aux 28 Groupes d’action unifiée pour la liberté de la personne (GAULA), composés d’agents de la police nationale et des forces armées et placés sous la coordination du Département administratif de la sécurité nationale (DAS) et du Groupe technique d’investigation (CTI) de la Fiscalía.

59.          Afin de prévenir les enlèvements, des mesures directes de répression et de dissuasion sont prises à l’encontre des auteurs réels ou en puissance et des initiatives pédagogiques sont menées auprès des victimes, réelles ou potentielles, avec la participation des citoyens ou des associations, au niveau tant national que régional. On s’emploie à faire de la prévention auprès des citoyens et à les convaincre qu’ils doivent porter plainte. On prête également attention aux victimes en fournissant une aide pédagogique aux familles des personnes enlevées et en offrant des conseils juridiques aux personnes concernées. Les enquêtes sur les enlèvements, menées par les divers organismes publics et, en particulier, par les Groupes d’action unifiée pour la liberté de la personne (GAULA) font l’objet d’un suivi et d’un appui.

60.          Des activités de formation axées sur les enquêtes criminelles et la criminalistique, les droits de l’homme et le droit international humanitaire, sont proposées aux fonctionnaires du DAS et du CTI et aux personnels de la police et de l’armée qui prêtent leur concours aux GAULA. Parmi les autres activités menées, on citera la promotion des mécanismes de prévention, la publication des cas de personnes disparues, la diffusion d’informations sur la législation et la réglementation en vigueur et les activités du Centre national de données.

61.          Le Fonds national pour la défense de la liberté de la personne (Fondelibertad), qui relève du Ministère de la défense, est chargé de gérer les ressources destinées à la lutte contre les enlèvements et l’extorsion. Le Fondelibertad a été doté d’un budget de 5 milliards de pesos par an de 1996 à 2001. En 2000, sur décision du Président, une enveloppe supplémentaire de 15 milliards de pesos lui a été allouée. Quatre‑vingt‑dix pour cent des ressources sont destinés à la dotation et au bon fonctionnement des GAULA.

Renforcement du rôle des forces armées dans la lutte contre les groupes armés illégaux

62.          Les forces armées se sont lancées dans un ambitieux programme de modernisation afin d’améliorer leur efficacité et de renforcer leur légitimité dans le strict respect des droits de l’homme et du droit international humanitaire. Des efforts institutionnels et budgétaires ont été faits pour améliorer la capacité de l’armée, promouvoir sa professionnalisation et réformer la justice pénale militaire. Dans cette optique, la Colombie a adopté la loi n o  578 de mars 2000, qui prévoit des pouvoirs extraordinaires aux fins de la réforme administrative et disciplinaire des forces militaires, ainsi que des décrets réglementaires, en particulier les décrets n os  1790 et 1797, qui permettent de mettre à pied des officiers et sous‑officiers, quel que soit leur nombre d’années de service, et de sanctionner les violations particulièrement graves des droits de l’homme au titre du régime disciplinaire, en tant que comportements d’une extrême gravité.

63.          Par le décret présidentiel n o  01 du 17 août 2000, le Commandant général des forces armées et le Directeur général de la police ont reçu l’ordre de faire appliquer scrupuleusement les règles de la justice militaire et la jurisprudence de la Cour constitutionnelle concernant la compétence des tribunaux ordinaires en matière de violations des droits de l’homme.

64.          Grâce à l’organisation de 1 808 cours de formation aux droits de l’homme au cours des cinq dernières années, dont ont bénéficié 103 545 militaires, et à l’action menée par les 181 bureaux des droits de l’homme et du droit international humanitaire au sein de toutes les unités de la force publique, le nombre de plaintes et de procédures judiciaires concernant des violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises par des agents de la force publique continue de diminuer. En outre, d’après les enquêtes, les Colombiens ont une image de plus en plus positive de la force publique. Les plaintes pour violation des droits de l’homme par des agents de la force publique présentées au service du Procureur général de la nation sont passées de 3 000 en 1995 à 289 au mois de juin 2001. Les accusations concernant des violations présumées des droits de l’homme par des agents de la force publique sont rares: 188 agents, sur un effectif total de 277 000, ont fait l’objet de mises en accusation par la Fiscalía General de la Nación entre 1995 et juillet 2001.

65.          Le Gouvernement s’est félicité que le Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme ait offert d’organiser, à l’intention de militaires et de fonctionnaires de la justice pénale militaire, des cours de formation sur l’interprétation correcte des règles de justice pénale militaire et ses incidences directes sur la réforme pénale des tribunaux ordinaires.

 

B.   Protection des défenseurs des droits de l’homme et des personnes menacées

66.          Le Gouvernement a entrepris trois programmes visant à protéger les défenseurs des droits de l’homme, les responsables syndicaux et sociaux et les journalistes, les groupes qui mènent des activités essentielles au profit de la société civile colombienne et de l’État social de droit lui‑même.

67.          Ces programmes, coordonnés par le Ministère de l’intérieur en application de l’article 6 de la loi n o  199 de 1995, sont les suivants: Programme de protection des défenseurs des droits de l’homme, des responsables sociaux et syndicaux, des témoins et des personnes menacées (créé par le décret n o  372 de 1996 et la loi n o  418 de 1997), le Programme de protection des dirigeants, membres et anciens membres de l’Union patriotique et du parti communiste colombien (créé par le décret n o  978 du 1 er  juin 2000) et le Programme de protection des journalistes et des communicateurs sociaux (créé par le décret n o  1592 du 18 août 2000).

68.          Ces programmes, dont la demande et le champ d’application n’ont cessé de se développer ces deux dernières années, ont des répercussions sociales, financières et politiques importantes pour l’État. Le Gouvernement a donc entrepris d’en évaluer le fonctionnement, le financement, les procédures et les diverses composantes, afin d’améliorer au maximum la façon dont ils sont gérés. Cette évaluation se fera en deux étapes: la première consistera à analyser l’état actuel des programmes dans les domaines juridique, politique, administratif, financier et opérationnel, tandis que la seconde consistera à élaborer un projet de cadre juridique et administratif dans lequel s’inscriront les programmes.

69.          En 2001, les programmes de protection ont notamment permis d’obtenir les résultats suivants:

a)               Renforcement du budget: Actuellement, les programmes sont financés par le budget national et par l’Association interaméricaine de coopération et de développement. C’est la première fois qu’ils bénéficient de ressources au titre de la coopération internationale. Le Gouvernement s’est employé à répondre immédiatement aux demandes de renforcement et d’augmentation des crédits, ce qui a permis une plus grande flexibilité et efficacité dans la mise en œuvre des mesures de protection;

b)              Renforcement interne: Étant donné le nombre élevé de demandes de protection soumises au Ministère, on s’est efforcé d’accroître les effectifs et d’améliorer les compétences du personnel afin de renforcer les groupes chargés de l’étude des cas, de la gestion administrative, du travail juridique, de l’archivage et de la correspondance, en établissant des liens avec des professionnels dans différents domaines de compétence de manière à pouvoir apporter aux demandes une réponse interdisciplinaire et intégrale. Dans la même optique, on s’emploie actuellement à créer un système d’information qui permette de disposer, dans un premier temps, d’une base de données sur les bénéficiaires des programmes et les mesures de protection adoptées dans chaque cas;

c)               Coordination interinstitutionnelle: Le Ministère de l’intérieur a continué de renforcer les mécanismes de coordination des institutions avec des services comme la Police nationale, le Département administratif de sécurité, la Fiscalía General de la Nación , la Vice‑Présidence de la République, le service du Procureur général de la nation, le Bureau du Défenseur du peuple et les organisations non gouvernementales et syndicales elles‑mêmes, le but étant d’unir leurs efforts pour vérifier les informations fournies par les requérants et de faciliter l’application des mesures de protection adoptées. Les programmes comprennent notamment la mise en place de comités de réglementation et d’évaluation des risques (CRER) qui sont composés de représentants d’organismes gouvernementaux et d’organisations compétentes.

70.          Le Programme de protection des défenseurs des droits de l’homme, des dirigeants et responsables syndicaux et sociaux, des témoins de violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire et des personnes menacées mène une action dans les domaines suivants:

a)               Aide humanitaire: Dans les cas où la personne bénéficiaire du Programme demande, à la suite de menaces, à sortir de la zone de risque, un soutien économique d’urgence lui est fourni pendant trois mois au maximum afin d’atténuer l’impact que pourrait avoir ce déplacement. De même, dans les cas où la personne protégée a décidé de quitter le pays, l’aide humanitaire peut être prolongée pendant une période égale à celle initialement prévue afin de faciliter les démarches auprès de l’ambassade du pays d’accueil;

b)              Moyens de communication: Dans le cadre des mesures de protection offertes par le Programme, on a mis en place à titre d’essai un système permettant aux personnes protégées et aux agents de l’État de donner l’alerte au moyen de téléphones cellulaires et de radios. Ce système a permis aux forces publiques de réagir dans les meilleurs délais face aux risques causés par les acteurs du conflit;

c)               Prise en charge des frais de déménagement: Une prise en charge est possible dans les cas où la personne protégée, à la suite de menaces, a décidé ou a été contrainte de quitter la zone où elle se trouvait et de se réinstaller dans une autre ville;

d)              Billets nationaux: Des billets sont délivrés dans les cas où les menaces qui pèsent sur la personne et/ou sa famille sont si graves qu’il est indispensable, pour protéger leur vie et leur intégrité physique, qu’elles s’installent dans une autre région du pays où elles seront moins vulnérables. Dans certains cas, le CRER délivre les billets afin de coordonner avec les organismes de sécurité de l’État le déplacement des personnes protégées et éviter ainsi de les exposer à des risques, en particulier dans le cadre de l’exercice de leurs activités de défense des droits de l’homme;

e)               Billets internationaux: Ces billets sont délivrés lorsqu’une personne estime devoir quitter le pays pendant une période d’au moins trois mois, que ce soit pour des motifs personnels ou parce qu’elle considère que les menaces qui pèsent sur elle sont telles que les mesures de protection dont elle bénéficie sont insuffisantes;

f)               Protection rapprochée: Cette mesure de protection complète les dispositifs de sécurité «durs». Elle prévoit le recrutement de gardes du corps pour protéger la personne lors de ses déplacements. Cet appui est également offert aux membres du CRER qui représentent des associations sociales et des syndicats ouvriers;

g)               Appui terrestre temporaire: Cet appui est fourni aux responsables des organisations participant au Programme, qui doivent constamment se déplacer dans une ville ou dans un département, et qui ne souhaitent pas d’escorte ou lorsque celle‑ci n’est pas conseillée compte tenu des caractéristiques de leur travail;

h)               Appui fluvial: Cet appui est offert dans les cas où les responsables des organisations participantes doivent se déplacer par voie fluviale dans le cadre de leurs activités de défense des droits de l’homme, le but étant de réduire les risques liés aux déplacements;

i)   Projets d’activités génératrices de revenus: Dans le cadre de ses mesures de protection, le CRER a souhaité aller un peu au‑delà de sa mission de protection des personnes et a entrepris de mettre en œuvre des projets d’activés génératrices de revenus, le but étant d’aider les personnes qui ne peuvent et/ou ne souhaitent pas rentrer chez elles;

j)               Blindage de bâtiment: Un blindage est réalisé lorsque la Police nationale, après avoir réalisé une étude technique du niveau de risque du bâtiment dans lequel travaillent les personnes protégées, recommande d’adopter cette mesure de protection. Contrairement aux autres mesures, celle‑ci concerne toute une organisation et bénéficie donc à un plus grand nombre de personnes;

k)              Cours d’autodéfense-autosécurité: Le Département administratif de la sécurité nationale organise des cours et des ateliers d’autodéfense et d’autosécurité. Les frais sont pris en charge par le Département au titre du budget que le Département alloue au programme de protection;

l)   Dispositifs de sécurité durs: Comme les cours d’autodéfense, les dispositifs de sécurité durs sont mis en œuvre par le Département administratif de la sécurité nationale. Ils consistent à allouer à la personne protégée un véhicule et deux gardes du corps de confiance pour l’accompagner en permanence, ce qui réduit les risques auxquels celle‑ci est exposée. En outre, pour compléter les dispositifs de sécurité, le DAS offre aux personnes qui le souhaitent des gilets pare‑balles et fournit aux gardes du corps des gilets, des moyens de communication et des armes appropriées.

71.          En ce qui concerne le renforcement et l’élargissement des mesures de protection mises en œuvre dans le cadre du Programme, il convient de signaler les points suivants:

a)               Dispositifs de sécurité: À la fin de 2000, 56 dispositifs de sécurité durs étaient en application. Ils comprenaient les éléments suivants: mise à disposition de deux ou trois gardes du corps et d’un véhicule, dotation en matériel et entretien, fourniture de combustible, assurance, rémunération et protection rapprochée. En 2001, 107 dispositifs sont opérationnels et 65 nouveaux dispositifs sont en attente d’application. Il convient de noter que les crédits consacrés à ces dispositifs représentent 64 % du budget des mesures de protection mises en œuvre;

b)              Moyens de communication: En 2001, le réseau de communications a été étendu afin d’améliorer la sécurité des bénéficiaires du Programme de protection. Il existe deux réseaux de communications (téléphones cellulaires et systèmes Avantel), qui fonctionnent comme des systèmes d’alerte rapide, de prévention et de protection. Par ailleurs, dans le cadre du Programme de protection, on a installé des antennes satellites dans un certain nombre de zones où il n’existait aucun opérateur. Au total, 1 175 téléphones cellulaires et 465 systèmes Avantel ont été alloués;

c)               Blindage: L’intensification du conflit armé a accru la vulnérabilité des sièges des organisations non gouvernementales et des associations syndicales, et le Programme a dû réagir dans les meilleurs délais face à cette situation. Sur la base des recommandations formulées à la suite des études de sécurité réalisées par la Police nationale, 101 sièges répartis sur le territoire national ont été blindés. Le blindage en tant que mesure de protection implique notamment la mise en place de structures matérielles, d’un circuit fermé de télévision et de détecteurs de métaux, ainsi que l’installation de moyens d’intercommunication.

72.          En 2000, le budget du Programme s’est élevé à 4 milliards 203 millions de pesos. Au 30 septembre 2001, le Programme avait reçu 12,4 milliards de pesos, ce qui lui avait permis d’intervenir dans 1 358 cas.

73.          Le Programme spécial de protection intégrale des dirigeants, membres et anciens membres de l’Union patriotique et du Parti communiste colombien a été inauguré à la fin de 2000 dans le cadre de la recherche d’un règlement amiable d’une affaire portée devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme. Les grandes lignes d’action du Programme sont les suivantes: moyens de communication, blindage et sécurité des bâtiments et des résidences, aide humanitaire, billets nationaux et internationaux, aide au déménagement, assistance en cas de décès, gilets pare‑balles, protection rapprochée, projets d’activités génératrices de revenus, prise en charge des frais de séjour et d’entretien, conseils pour la réalisation de projets d’activités génératrices de revenus et soutien psychologique.

74.          En 2000, 700 millions de pesos ont été alloués au programme. Au 30 septembre 2001, le programme avait bénéficié de 1 760 000 000 pesos qui lui avaient permis de prendre en charge 365 cas.

75.          Le Programme des protection des journalistes et communicateurs sociaux, dont les grandes lignes d’action sont les mêmes que les programmes susmentionnés, a bénéficié de 300 millions de pesos en 2000. Au 30 septembre 2001, il avait reçu 800 millions de pesos, qui lui ont permis de prendre en charge 67 cas.

76.          Il convient de signaler que la visite effectuée en Colombie au mois de mai dernier par les membres de la Commission interaméricaine des droits de l’homme afin de contrôler l’application des mesures de protection préconisées par cette organisation a grandement contribué à favoriser le dialogue avec les organisations et les personnes bénéficiaires de ces mesures, ainsi qu’à identifier les éléments permettant d’améliorer la coordination interinstitutionnelle dans le cas des programmes de protection évoqués plus haut.

77.          Par ailleurs, à la suite des demandes répétées des organisations non gouvernementales actives dans le domaine des droits de l’homme, visant à ce que les noms de leurs membres ne figurent pas dans les rapports du renseignement militaire, le Gouvernement s’interroge actuellement sur les moyens de concilier la pratique et les procédures du renseignement militaire et les décisions de la Cour constitutionnelle sur la question ainsi que les dispositions du décret présidentiel n o  07, de sorte que les activités de renseignement sur les personnes et les rapports qui en résultent aient pour seul objectif de lutter contre la criminalité qui tombe sous le coup du Code pénal.

C.   Renforcement de l’administration de la justice et lutte contre l’impunité

78.          Pour renforcer l’administration de la justice dans les affaires de violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire, les pouvoirs publics ont mis en place une série de dispositifs, dont certains font appel à une coordination mixte, destinés à faciliter la participation d’organisations de défense des droits de l’homme, de syndicats et de mouvements sociaux et politiques. Certaines situations matérielles et géographiques qui justifient, de par leur gravité, un renforcement institutionnel vu les difficultés causées par l’escalade du conflit armé en cours ont motivé la création d’autres instances de coordination.

79.          Le Comité spécial chargé de soutenir les enquêtes sur les violations des droits de l’homme et infractions au droit international humanitaire dresse actuellement un nouveau programme de travail dans lequel figure un grand nombre de nouveaux cas à soutenir, dont ceux faisant l’objet de plaintes devant des organes internationaux de protection. La première session de travail du Comité qui portait sur 35 affaires s’est soldée jusqu’ici par 44 mises en accusation, 36 mesures de sécurité, 6 jugements, 18 procédures disciplinaires et 12 condamnations.

80.          De plus, le Programme présidentiel pour les droits de l’homme a été l’occasion de présenter à la coopération internationale un projet intégré et interinstitutionnel de lutte contre l’impunité, qui s’appuiera sur une étude de cas aux différents stades de la procédure, dont l’objet va dans le sens des travaux du Comité spécial chargé de soutenir les enquêtes et qui devra s’enrichir des recommandations du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.

81.          Au niveau national, on peut signaler le Groupe de travail pour la recherche d’une solution amiable dans le cas de l’ Unión Patriótica (UP), ainsi que les Commissions interinstitutionnelles travaillant respectivement à la recherche de personnes disparues, à la protection des droits fondamentaux des travailleurs et à la protection des droits fondamentaux des peuples autochtones.

82.          Pour ce qui est de la recherche d’une solution amiable dans le cas de l’ Unión Patriótica , la deuxième phase de la procédure devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme s’oriente vers la création de mécanismes de prévention de nouvelles violations des droits de l’homme, visant notamment à soutenir les enquêtes; un projet de coopération internationale est en cours d’élaboration à cet effet. Le Groupe de travail pour la recherche d’une solution amiable traite également de thèmes comme la vérité et la justice ou la réparation intégrale à offrir aux familles de victimes.

83.          Les pouvoirs publics étudient une proposition tendant à renforcer le rôle de la Commission de promotion et de protection des droits fondamentaux des travailleurs dans la lutte contre l’impunité, par le biais de la création d’une sous‑commission spéciale d’enquête sur les cas de violations graves des droits des travailleurs. Par ailleurs, dans le souci de faire reconnaître la légitimité des activités des organisations syndicales et de leurs membres et dirigeants, ils s’attachent actuellement à réviser un projet de stratégie de communication prévoyant une vaste campagne médiatique.

84.          La Commission pour la recherche de personnes disparues, créée en vertu de la loi n o  589 du 6 juillet 2000 qui érige notamment en infraction pénale la disparition forcée de personnes, a pour objectifs d’appuyer et de promouvoir les recherches sur les disparitions, dans le plein respect des compétences institutionnelles et des pouvoirs des parties, ainsi que de concevoir, d’évaluer et de soutenir l’exécution des plans de recherche de personnes disparues et de créer des groupes de travail dans des cas particuliers. Pour appuyer et encourager les mécanismes créés en application de la loi, la Commission étudie la réglementation relative au mécanisme de recherche d’urgence prévu en son article 13. De même, la Commission réfléchit au rôle qui doit être le sien vis‑à‑vis du secret de l’instruction et étudie comment gérer les ressources en vue de la création d’un bureau d’appui institutionnel. Elle a chargé un groupe de travail, composé de plusieurs de ses membres, de soutenir les travaux de recherche dans des affaires de disparitions forcées récentes.

85.          On recense également neuf commissions interinstitutionnelles répondant à un éventail de situations régionales particulières: Arauca, Côte caraïbe, Macizo Colombiano, Barrancabermeja, Santander et Nord de Santander (Catatumbo), Communautés de Paz, Valle − Alto Naya, Sumapaz et Eje Cafetero.

86.          La création de ces commissions régionales répond aux dynamiques et besoins particuliers identifiés en matière de prévention et de protection des droits de l’homme et de soutien aux enquêtes pénales et disciplinaires en cas de violations de ces droits. Elle témoigne aussi de la volonté des autorités nationales d’aider et d’accompagner les collectivités territoriales, de favoriser la sensibilisation des autorités locales et régionales à ces problèmes et de les associer à leur règlement, au côté des organisations sociales et de défense des droits de l’homme. L’existence de tels espaces de dialogue entre autorités et organisations sociales contribue à dissiper les méfiances existantes et participe à l’adaptation concertée des politiques publiques aux situations régionales et locales.

87.          Grâce à la coopération des Pays‑Bas, le Programme présidentiel pour les droits de l’homme et le droit international humanitaire a pu prêter main‑forte aux recherches dans plus d’une centaine d’affaires supplémentaires. À titre d’exemple, sur 64 enquêtes, 75 % sont en cours d’instruction tandis que les autres en sont au stade de l’enquête préliminaire, et la justice s’est prononcée comme suit: 122 personnes ont été mises en examen, 42 ont été mises en examen sans mesure de sécurité, 27 ont été mises en accusation, 67 ont été placées en détention et 17 ont été déclarées absentes.

88.          Par ailleurs et pour faciliter l’administration de la justice, la Fiscalía General de la Nación a mis en place un Programme de protection des témoins et des victimes, au titre duquel 822 millions de pesos ont été affectés à la protection de 542 personnes, qui ont témoigné dans 154 affaires au cours de l’année 2000.

89.          De plus, le service du Procureur général de la nation met au point, depuis le mois de janvier de l’année en cours, une politique institutionnelle en matière de droits de l’homme axée sur la prévention. Pour ce faire, il développe un projet avec le Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme visant à déterminer la portée et la teneur de la notion de prévention au sein d’un organisme de contrôle, tel que le service du Procureur général. De même, il travaille à la formation de son personnel en matière de droits de l’homme et de droit international humanitaire au niveau national, avec le concours du Haut‑Commissariat et d’autres instances nationales et internationales. Il s’est aussi employé à obtenir des ressources au titre de la coopération internationale pour mener à bien sa modernisation. Les affaires les plus graves de violations des droits de l’homme sont directement prises en charge par le bureau du Procureur général de la nation.

90.          Le service du Défenseur du peuple s’emploie à réglementer les fonctions des défenseurs commis d’office et à garantir la qualité de leurs services et leur engagement.

91.          Le Conseil supérieur de la magistrature s’attache depuis quelque temps à moderniser et élargir les critères de définition des circonscriptions judiciaires à la lumière de la cartographie de la violence afin de garantir l’affectation de juges en nombre suffisant, l’efficacité des investigations pénales et l’accès à la justice.

92.          Les autorités cherchent à améliorer le système pénitentiaire et carcéral en augmentant le nombre de places disponibles dans les établissements et en s’attaquant aux problèmes d’administration dont souffrent les centres pénitentiaires, grâce au Fonds pour l’infrastructure carcérale et au Conseil de l’Institut national pénitentiaire et carcéral (INPEC). Le Conseil national de politique criminelle est appelé à s’occuper de ces questions.

93.          Face au problème de la surpopulation carcérale, le plan de développement de l’infrastructure pénitentiaire a permis de mettre deux nouvelles prisons en service l’année dernière, ce qui a porté à 3 800 le nombre de places disponibles. De plus, le Conseil national de politique économique et sociale (CONPES) a approuvé une enveloppe de 660 milliards de pesos pour la construction de 11 centres pénitentiaires de moyenne sécurité. Des mesures concrètes sont prises dans le cadre du Fonds pour l’infrastructure carcérale pour la construction et la rénovation des prisons. À cela s’ajoutent les efforts du service du procureur, qui met la dernière main à une étude sur le manque de place dans les postes de la police.

94.          Malgré l’ampleur et la complexité des problèmes auxquels ils doivent faire face aujourd’hui, l’INPEC et les autorités judiciaires mettent tout en œuvre pour que les personnes faisant l’objet d’un placement en détention provisoire soient incarcérées dans des centres de détention, spécialement prévus à cet effet, dans le respect du principe de la séparation des condamnés et des prévenus. L’INPEC a créé un bureau des droits de l’homme et, avec l’appui de la Fiscalía , du Département administratif de la sécurité nationale (DAS), du Groupe technique d’investigation (CTI) et de la police, il a multiplié les interventions périodiques tendant à asseoir le contrôle des autorités sur la population carcérale par des méthodes et pratiques respectueuses des droits et de la dignité des détenus. Le Ministère de la justice et l’INPEC ont redoublé d’efforts pour contrôler la conduite du personnel administratif, des gardiens et des surveillants afin d’enquêter sur tout acte de corruption et de prendre les sanctions qui s’imposent. L’Inspection générale de l’INPEC, qui devrait voir le jour prochainement, devrait dynamiser les enquêtes disciplinaires contre les fonctionnaires de l’institution, comme des unités de renseignement et de contre‑renseignement au sein de l’INPEC. Les autorités apportent leur concours au service du Défenseur du peuple pour qu’il accorde une attention particulière aux conditions de détention et à la situation juridique des détenus.

95.          Par ailleurs, un projet de nouveau code pénitentiaire et carcéral est à l’étude, qui sera pleinement respectueux des normes et principes internationaux. Il est toutefois important de signaler que les problèmes constatés tiennent non aux normes juridiques elles‑mêmes mais bien à la façon dont elles sont mises en œuvre.

D.   Mesures particulières en faveur du droit international humanitaire

96.          L’humanisation du conflit figure en bonne place sur l’ordre du jour des négociations avec les groupes armés; à cet effet, le Gouvernement œuvre pour la conclusion d’accords humanitaires tendant à mettre un terme aux séquestrations, extorsions, attaques de communautés et utilisation de bouteilles de gaz, entre autres. À noter également que le Gouvernement, soutenu en cela par la communauté internationale, a insisté sur la nécessité pour les insurgés d’observer et d’appliquer le droit international humanitaire et de respecter la population civile et les non‑combattants. Ainsi ont été réitérés les appels aux insurgés pour qu’ils envisagent un cessez‑le‑feu qui permettrait en effet aux négociations de se dérouler dans un climat plus serein et mettrait la population à l’abri d’un conflit qui a gagné en intensité.

97.          Protection des mineurs contre le conflit armé. En Colombie, aucun mineur de moins de 18 ans n’est au service des forces armées, ce qui va plus loin encore que ne l’exigent les normes internationales. Qui plus est, un ambitieux programme a été lancé en faveur des enfants qui avaient pris part au conflit armé et ont été démobilisés, afin de pourvoir à tous leurs besoins en termes d’assistance, de rééducation et de réinsertion. Cette politique est exécutée et coordonnée par le Bureau national de réinsertion et il est prévu que différentes organisations émanant de la société civile y prennent part. En 2000, on a construit trois centres spécialisés pour ceux de ces enfants qui avaient été abandonnés ou dont la vie était en danger; le réseau institutionnel d’aide aux mineurs démobilisés se met en place. Vingt «maisons de la paix» ont été ouvertes, qui facilitent l’intégration des mineurs dans la dignité, et un programme d’aide aux familles a été lancé, qui a permis la réintégration de certains mineurs dans leur milieu familial. Par l’intermédiaire de l’Institut colombien de protection de la famille (ICBF) et du programme de réinsertion, quelque 400 mineurs, âgés de 11 à 18 ans, ont bénéficié de cette assistance pluridisciplinaire. De janvier à juillet 2001, l’ICBF a apporté un soutien à 275 mineurs qui avaient pris part au conflit, dans le cadre du programme de soins spécialisés.

98.          Élimination des mines antipersonnel. Conformément aux engagements qu’il avait contractés en signant la Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des armes antipersonnel et sur leur destruction et avant même l’entrée en vigueur de celle‑ci dans le pays, par l’intermédiaire du Ministère de la défense, le Gouvernement a pris de nombreuses mesures pour localiser et détruire les mines antipersonnel.

99.          Soucieux de s’acquitter effectivement des engagements découlant de la Convention, il a lancé un programme de prévention des accidents causés par des mines antipersonnel et d’aide aux victimes dans le cadre du Programme présidentiel pour les droits de l’homme et le droit international humanitaire. Dans le droit‑fil de ce programme et en concertation avec des organisations civiles nationales et internationales, un observatoire de la lutte contre les mines antipersonnel a vu le jour: cet organisme a permis de commencer à réaliser un historique des accidents et incidents causés par ces mines ou par d’autres explosifs de 1984 à nos jours, en commençant par 16 municipalités des départements de Santander, Antioquia et Bolívar. Dans le cadre du même programme, un projet d’aide intégrée aux victimes des mines antipersonnel a été mis en place dans les 16 municipalités en question. Dans un deuxième temps, le rayon d’action du projet sera élargi à 16 autres municipalités, dans les départements de Cauca, Valle del Cauca et Antioquia.

100.        Par ailleurs, le décret n o  2113 du 8 octobre 2001 portait création de la Commission nationale intersectorielle pour l’action contre les mines et des Comités techniques de prévention, d’aide aux victimes, de signalisation, d’établissement de cartes de minage, et de déminage. De plus, avec l’appui de l’Organisation internationale pour les migrations et du Groupe «Justa Paz», on a entrepris de mettre au point une campagne de sensibilisation à la question à travers les médias.

101.        Dans les jours à venir, une directive présidentielle d’appui, de partenariat et de collaboration aux travaux des organisations non gouvernementales qui mènent des activités humanitaires dans le pays doit être adoptée. Cette directive reconnaît expressément le travail des organisations non gouvernementales nationales et internationales qui se chargent d’apporter aide, protection, assistance et accompagnement aux victimes de catastrophes naturelles, du conflit armé interne et d’autres violences et donnent des instructions précises aux agents de l’État pour qu’ils collaborent activement avec les membres de ces organisations humanitaires et leur apportent l’aide dont ils ont besoin pour mener leur mission à bien.

102.        Le programme de réinsertion, qui s’adresse aux personnes ayant quitté l’insurrection, s’inscrit dans les mesures d’application du droit international humanitaire et les efforts complémentaires au processus de paix. Il prévoit des aides économiques individuelles, des formations professionnelles et en cours d’emploi, le financement de projets collectifs d’activités génératrices de revenus et diverses formes de travail associatif. Plus de 5 200 ex‑combattants en bénéficient à l’heure actuelle.

E.   Aide aux populations déplacées par la violence

103.        Sous la coordination du Réseau de solidarité sociale, on a pu consolider le système national pour une action en faveur des populations déplacées, composé de différentes entités à l’origine de plans, programmes, projets et mesures dans ce domaine. C’est ainsi que le Conseil national pour une action en faveur des populations déplacées a repris ses activités dans l’année en cours en qualité de mécanisme de coordination nationale. Il a permis la révision de plusieurs instruments juridiques ou l’approbation de nouveaux instruments, à savoir:

a)               Le projet de décret sur le logement des populations déplacées, prévoyant un accès préférentiel de ces populations au programme de subvention familiale au logement;

b)              Le projet de décret sur l’accès des populations déplacées à la terre et le gel des biens abandonnés, portant le numéro 2007 et datant du mois de septembre de l’année en cours;

c)               L’étude des mécanismes d’exemption du service militaire obligatoire en faveur de la population masculine déplacée, à la suite de laquelle un livret provisoire a été délivré aux hommes déplacés. Un arrêté du Ministère de la défense doit être pris prochainement dans ce sens;

              d)            La préparation du document n o  3115 de mai 2001 du CONPES, qui approuve la répartition des crédits budgétaires par secteur pour la mise en œuvre du Plan d’action;

e)               L’approbation du Plan national d’action en faveur des populations déplacées, portant modification du décret n o 173 de 1998. Le décret d’application du Plan national en question est prêt à être soumis à l’accord du Président;

f)               Le projet de décret sur l’accès préférentiel des populations déplacées à l’éducation, actuellement sur le point d’être signé par les ministres concernés avant d’être signé par le Président de la République;

g)               Le projet de directive présidentielle visant à renforcer l’action en faveur des populations déplacées, qui doit être signé sous peu par le Président.

104.        Le Réseau de solidarité sociale apporte son appui au modèle de décentralisation du système moyennant le renforcement des Comités municipaux, de district et régionaux chargés de la protection des populations déplacées et des groupes de travail permanents associant les populations déplacées à leurs travaux au travers d’un projet financé par le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et de la mise au point de matériel d’appui pour la prise de décisions dans les collectivités territoriales, tel que le Guide pour l’action en faveur des populations déplacées par la violence.

105.        Face aux problèmes causés par les déplacements individuels et familiaux vers les villes dans lesquelles se concentrent en forte proportion les populations déplacées, il a été décidé de créer des unités de soins et d’orientation, composées de représentants du ministère public, du Réseau de solidarité, des mairies, des préfectures et des organisations non gouvernementales partenaires. Des unités de soins et d’orientation sont en activité dans les villes de Barranquilla, Bogotá, Cartagena, Valledupar, Soacha, Santa Marta, Villavicencio, Bucaramanga et Sincelejo.

106.        Le Réseau de solidarité a conçu une stratégie de gestion déléguée des ressources, qui permet de coordonner les mesures avec des organisations non gouvernementales fortes d’une certaine expérience et au fait des déplacements de populations et de faire bénéficier ces dernières d’une action pluridisciplinaire. Cette formule est en vigueur dans les villes et régions suivantes: Barranquilla, Bogotá, Magangué, Cartagena, Montes de María, Nord de Bolívar, Florencia, Valledupar, Quibdo, Soacha, département de Cundinamarca, et départements de Eje Cafetero, Villavicencio, Barrancabermeja, Bucaramanga, Cali, Cúcuta, Medellín, Montería, Santa Marta, Pasto, Sincelejo et Ibagué.

107.        Le Réseau s’attache à promouvoir la mise au point de plans d’intervention par les Comités municipaux, de district et départementaux, compte tenu des particularités et des réalités locales. Ces plans permettent d’alléger les souffrances causées par les déplacements et de doter les instances concernées d’un instrument qui est le gage d’une plus grande capacité d’action et d’une meilleure organisation.

108.        Sur la période comprise entre janvier 2000 et juin 2001, le Réseau a consolidé le réseau national d’information en renforçant deux sous‑systèmes: le registre unique des populations déplacées et le système d’évaluation par sources comparées des déplacements forcés. L’objectif est de garantir les informations sur l’ampleur des phénomènes de déplacement, les caractéristiques des groupes concernés, les territoires affectés, les causes et auteurs présumés − informations nécessaires à la conception de plans, de programmes et de projets d’assistance, puis au suivi et à la réorientation de ces mêmes plans, programmes et projets. Au cours du premier semestre 2001, le Réseau a procédé à la distribution massive de modèles pour l’enregistrement des informations, et au cours du second semestre, il a lancé une série d’ateliers de formation à l’intention de représentants du ministère public sur l’ensemble du territoire.

109.        Au titre de la prévention des déplacements internes, des missions humanitaires d’observation cherchent à faire le point sur les situations de risque ou de violation des droits de l’homme sur le terrain, à procéder à des vérifications, à se faire connaître des populations menacées, à les soutenir et à leur proposer une réponse institutionnelle gage de protection et d’attention.

110.        Dans le cadre de la coopération internationale, le Réseau a établi des partenariats avec différentes institutions des Nations Unies avec pour objectif d’améliorer le système national d’action en faveur des populations déplacées.

111.        Parmi les résultats obtenus grâce à ces stratégies, on peut signaler, pour la période de janvier 2000 à juin 2001:

a)               En matière de prévention des déplacements de population, le Réseau de solidarité et d’autres entités ont mené à bien des projets d’activités génératrices de revenus et de promotion d’une coexistence pacifique à visée locale, axés sur le renforcement économique et social des communautés les plus vulnérables. De même sont en cours d’exécution cinq projets spéciaux d’aide psychosociale dans la ville de Bogotá, dans la municipalité de Usme (Cundinamarca) et dans les départements d’Atlántico, Santander, Caquetá, Chocó et Bolívar. Le programme d’action en faveur des municipalités touchées par la violence politique en Colombie a, lui, permis d’apporter un appui à la population civile affectée par les massacres, les prises de villes, les attentats et les combats qui ont lieu dans le cadre du conflit armé, grâce à quoi les mouvements massifs de population ont pu être évités dans une large mesure, l’aide étant apportée sur les lieux mêmes. Dans le cadre de ce programme sont également réalisés des travaux de construction et de reconstruction. Sur la période visée, plus de 36 milliards de pesos, dont 34 milliards 255 millions émanant du Réseau de solidarité, ont été consacrés à la prévention des déplacements au profit de 12 245 foyers;

b)              En matière d’aide humanitaire, les actions du Réseau de solidarité sociale sont variées, selon la dynamique et l’ampleur de l’événement. Dans les principales villes d’accueil, les personnes déplacées individuellement sont prises en charge par les organisations non gouvernementales partenaires, au titre de la gestion déléguée. Dans d’autres endroits, elles sont prises en charge directement par les antennes locales de l’organisation. Les cas de déplacements massifs relèvent des antennes locales, en collaboration avec les autres organismes du système. De janvier 2000 à juin 2001, 31 209 foyers ont reçu une aide, ce qui a représenté un investissement de près de 30 milliards de pesos, dont 26 milliards 500 millions fournis par le Réseau;

c)               En matière de réhabilitation, notion qui englobe les projets d’activités génératrices de revenus ainsi que les projets en matière de logements et de formation professionnelle, les investissements du Réseau de solidarité sociale, outre les opérations de cofinancement, ont atteint 33 milliards 190 millions de pesos. Ces investissements ont profité à plus de 14 500 foyers;

d)              En matière de renforcement institutionnel, les investissements ont atteint 4 milliards 839 millions de pesos dont 3 milliards 489 millions en provenance du Réseau.

112.        Au total, entre janvier 2000 et juin 2001, le Réseau de solidarité sociale a investi 84 milliards 242 millions de pesos, auxquels se sont ajoutées des lignes de crédit nationales et internationales au titre du cofinancement à hauteur de 19 milliards 633 millions de pesos, soit un investissement global de 103 milliards 876 millions de pesos.

113.        De plus, entre juillet et septembre 2001, le Comité des projets du Réseau de solidarité sociale a attribué un total de 21 milliards 872 millions de pesos à la réhabilitation de 15 971 foyers et 178 237 592 pesos à des actions de renforcement institutionnel. Il est prévu par ailleurs un budget de 13 milliards 112 millions de pesos pour apporter une aide humanitaire d’urgence à 7 700 familles.

 

F.   Mesures législatives

Criminalisation du génocide, de la disparition forcée, du déplacement forcé et de la torture − Loi n o  589 de 2000

114.        Le 6 juillet 2000, le Président Andrés Pastrana a approuvé la loi n o  589, qualifiant de crimes le génocide, la disparition forcée, le déplacement forcé et la torture et prévoyant d’autres dispositions particulièrement importantes pour assurer le respect des droits de l’homme dans le pays.

115.        Cette loi revêt une importance capitale dans la mesure où elle contribue à mettre en place les conditions normatives nécessaires à une défense et une protection efficaces des droits de l’homme, ainsi qu’à la lutte contre l’impunité et au renforcement de l’état de droit.

116.        Elle représente une étape essentielle dans le développement et l’exécution de la politique de promotion, de respect et de garantie des droits de l’homme et d’application du droit international humanitaire. Elle témoigne du réel engagement institutionnel du Gouvernement dans ce domaine, auquel il accorde la priorité depuis le début de son mandat, et répond aux attentes formulées par la communauté internationale dans ses recommandations.

117.        La loi qualifie de crimes la disparition forcée, le génocide et le déplacement forcé de population et décrit et aggrave la peine encourue pour torture. Elle établit en outre que ces crimes figurent parmi les plus graves de ceux qui peuvent être commis sur concertation, sur instigation ou grâce à l’aide d’un tiers. Plus encore, elle prévoit des mesures importantes en matière de politique criminelle pour traiter ce type de criminalité, à savoir notamment, la création de groupes de travail spéciaux sur les personnes disparues, d’un registre national des personnes disparues, la gestion des biens de ces dernières et l’obligation permanente de l’État de les rechercher, la tenue d’un registre des personnes arrêtées et détenues, la mise en place d’un mécanisme de recherche urgente et l’interdiction d’accorder l’amnistie ou la grâce aux auteurs de crimes tombant sous le coup de ces dispositions.

118.        En ce qui concerne la disparition forcée, la loi envisage la possibilité que les auteurs de tels actes soient des agents de la fonction publique, des particuliers agissant sous l’ordre ou avec l’accord de tels agents, des particuliers membres de groupes armés ou toute personne privée. Cette différenciation entre les sujets correspond à la réalité criminelle, tout en respectant les normes internationales, aux termes desquelles la loi doit viser expressément certains types de sujets.

119.        La Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes, du 9 juin 1994, ainsi que la Déclaration de l’Assemblée générale des Nations Unies sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, du 18 décembre 1992, attribuent cet acte aux seuls agents de l’État et aux particuliers qui leur sont liés. La loi adoptée en Colombie va donc plus loin en étendant son champ d’application à ces divers auteurs possibles.

120.        D’autres aspects des normes internationales sur la disparition forcée sont repris dans le Code pénal ordinaire et dans le Code pénal militaire – lequel est entré en vigueur en août 2000. C’est ainsi que le crime de disparition forcée au même titre que ceux de génocide et de torture échappe désormais à la compétence des juridictions militaires.

121.        Le Code pénal a donc été modifié par ces nouvelles dispositions. Le crime de torture est défini dans les termes suivants:

«Article 279. Torture. Quiconque inflige une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, à une personne aux fins d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle a commis ou est soupçonnée d’avoir commis, de l’intimider ou de faire pression sur elle ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelconque, est passible d’une peine de 8 à 15 ans d’emprisonnement, d’une amende de 800 à 2 000 salaires minimums légaux en vigueur et d’une suspension de ses droits et fonctions publiques pour une durée égale à celle de la peine privative de liberté.
Quiconque occasionne des souffrances physiques aiguës à des fins autres que celles décrites dans le paragraphe ci‑dessus est passible des mêmes peines.
Par torture, on n’entend pas les douleurs ou souffrances résultant uniquement de sanctions légitimes ou qui en sont la conséquence normale ou fortuite.».

122.        Il est de même à noter que, conformément à l’article 14 de la loi susmentionnée, les crimes que celle‑ci définit, dont celui de torture, ne peuvent faire l’objet ni d’amnistie ni de grâce. Ces crimes relèvent de la compétence de la justice pénale ordinaire, à savoir des juges itinérants.

Réformes de la justice pénale militaire − Loi n o  522 du 12 août 1999

123.        Le nouveau Code pénal militaire précise les compétences des juridictions militaires et définit les crimes et délits liés au service dans les forces armées afin de permettre au juge d’établir sans équivoque s’ils sont ou non en présence d’un crime ou d’un délit relevant de leur juridiction. Les crimes de torture, de génocide et de disparition forcée sont totalement exclus de la juridiction pénale militaire car on ne peut en aucun cas considérer que de tels actes ont une relation quelconque avec le service. De même, il est interdit à la justice pénale militaire d’enquêter sur des civils et de juger des civils.

124.        S’agissant du principe relatif à l’ordre du supérieur hiérarchique, le nouveau Code de justice pénale militaire colombien prévoit que l’auteur d’un acte punissable peut être exonéré de responsabilité, s’il a commis en application d’un ordre légitime, donné par une autorité compétente et dans le respect des formalités légales. Cela exclut la possibilité pour les agents de la force publique d’exécuter des ordres manifestement illégaux contraires à la vocation constitutionnelle et légale des forces armées de l’État.

125.        La modernisation de la justice pénale militaire colombienne progresse aussi pour ce qui touche à la séparation des fonctions de commandement de celles d’instruction et de jugement, consacrée par le nouveau Code. L’objectif est de garantir l’indépendance et l’impartialité absolues de la juridiction pénale militaire pour que l’autorité qui prononce le jugement ne soit plus celle qui exerce des attributions de commandement.

126.        Dans le souci de rendre la justice pénale militaire plus souple et plus transparente, le nouveau Code prévoit en outre la possibilité de permettre aux victimes de se constituer partie civile.

127.        De même, prenant exemple sur les récentes avancées de la justice ordinaire en Colombie, la justice pénale militaire a repris à son compte le système accusatoire en confiant aux fiscales pénaux militaires la responsabilité de la qualification des faits et de l’accusation et en les habilitant à décider d’un classement sans suite lorsque cela se justifie. Comme dans le système de justice ordinaire, le ministère public est associé à chacune des étapes de la justice pénale militaire par l’intermédiaire du Procureur général de la nation et des procureurs délégués pour les forces militaires, la police nationale et le ministère public; de même, les parties peuvent se faire représenter par des avoués devant la justice pénale militaire.

128.        On trouvera ci‑après une analyse des compétences et du mode de fonctionnement des juridictions pénales militaires.

Les juridictions militaires

129.        La Constitution colombienne a confié à la force publique la mission de défendre la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité du territoire national et l’ordre constitutionnel ainsi que de veiller au maintien des conditions nécessaires à l’exercice, par les citoyens, des droits et libertés publics, et à la coexistence pacifique.

130.        Accomplir cette mission suppose l’accomplissement de tâches qui peuvent parfois présenter le risque de restreindre les droits individuels des personnes. De même, l’organisation et la discipline militaires impliquent le respect d’une série de normes propres aux corps armés qui n’ont pas lieu d’être dans d’autres institutions de l’État. C’est pourquoi il appartient aux agents de la force publique eux‑mêmes de faire respecter les lois et règlements tant dans l’accomplissement de leur mission constitutionnelle que dans l’observation de leurs propres règles internes.

131.        En effet, selon le Conseil supérieur de la magistrature, instance suprême du système judiciaire colombien, la création d’une juridiction propre, distincte de la justice ordinaire, s’inspire clairement du critère de spécialité, selon lequel ceux qui connaissent le mieux certains aspects d’organismes particuliers de la vie sociale sont le mieux placés pour juger les comportements de leurs membres.

132.        Selon cette même autorité juridictionnelle, quand la Constitution colombienne a institué les juridictions militaires, l’objectif était non pas, loin s’en faut, de se prévaloir d’une forme privilégiée de jugement ou de couvrir une quelconque forme d’impunité, mais bien de permettre à une organisation aux caractéristiques et procédures très singulières de connaître elle‑même des infractions commises par ses membres, à la lumière de sa rigueur fonctionnelle et hiérarchique ainsi que du sens particulier de la discipline et de l’attachement à la hiérarchie qui la caractérisent.

133.        Cela signifie, selon le Conseil supérieur de la magistrature que, loin de chercher à instituer des traitements de faveur, on a au contraire ajouté aux paramètres ordinaires d’évaluation des comportements humains plusieurs éléments supplémentaires qui font des jugements − disciplinaires ou au pénal − des membres de la force publique des procédures hautement spécialisées. Les juges compétents satisfont non seulement à toutes les conditions requises pour exercer de si hautes fonctions, mais s’illustrent aussi par leur connaissance de toutes les spécificités d’une institution comme l’armée, manifestement différente des autres organes de l’État.

134.        La Cour constitutionnelle n’en a pas jugé autrement quand elle a signalé qu’il n’était pas question d’associer les juridictions militaires aux idées de privilèges, de prérogatives, de prébende ou de grâce spéciale en faveur des agents de la force publique jugés pour des crimes ou délits commis dans l’exercice de leurs fonctions, dans des conditions matérielles et juridiques différentes de celles imposées aux autres personnes confrontées à un moment donné à l’action punitive de l’État − autant de choses qui favoriseraient l’impunité et impliqueraient l’existence d’un traitement de faveur, contraire au principe d’égalité et à l’idée même de justice.

135.        Selon l’avis de la Cour constitutionnelle, par juridiction militaire, il faut entendre un organe juridictionnel indépendant et impartial, cour ou tribunal militaire, naturellement habilité par la Constitution et par la loi à juger des crimes et délits mentionnés plus haut. Cet organe, s’il fait partie du système d’administration de la justice d’un point de vue matériel, ne relève pas de la justice ordinaire, même s’il n’est pas exclu qu’il lui soit relié d’un point de vue fonctionnel. Cela peut se produire, par exemple, comme on le verra plus loin, quand la chambre de cassation pénale de la Cour suprême de justice connaît en dernière instance des pourvois contre certaines décisions des tribunaux militaires.

136.        La juridiction pénale militaire administre la justice, mais de façon exceptionnelle, non seulement du fait des personnes qui sont appelées à juger mais également du fait des affaires dont elle a à connaître. Dans tous les cas, les juges militaires − comme n’importe quel juge − doivent être guidés dans l’exercice dans leurs fonctions par les principes d’impartialité, d’objectivité, d’efficacité et de célérité, entre autres.

Fonctionnement de la justice pénale militaire

Domaine de compétence

137.        La justice pénale militaire est une juridiction spéciale de la justice colombienne, chargée de procéder à des enquêtes et de sanctionner les comportements délictueux d’agents de la force publique en service actif et dans l’exercice de leurs fonctions. Les civils sont exclus de cette juridiction car, en Colombie, ils ne peuvent en aucun cas faire l’objet d’enquêtes ou être jugés par la justice pénale militaire.

138.        Par crimes et délits liés au service dans les forces armées, on entend les crimes et délits commis par des agents de la force publique dans l’exercice des fonctions militaires ou policières qui leur sont propres. Selon la Cour suprême de justice, on peut parler de crimes et délits liés au service dans les forces armées lorsqu’il existe un lien entre l’activité militaire ou policière et le fait délictueux. Les faits qui ont un rapport avec le service sont, soit des actes inhérents à l’activité militaire, soit des actes effectués en exécution d’ordres donnés par une personne exerçant une fonction de commandement.

139.        Ainsi, par actes effectués dans l’exercice du service, il convient d’entendre uniquement ceux en rapport avec les objectifs des forces armées, à savoir la défense de la souveraineté, de l’indépendance et de l’intégrité du territoire national et de l’ordre constitutionnel, ainsi qu’avec les fins premières de la police nationale, c’est‑à‑dire le maintien des conditions nécessaires à l’exercice des droits et des libertés publics et les mesures visant à assurer la coexistence pacifique des habitants de la Colombie. Cela étant, conformément à la législation colombienne, en aucun cas on ne peut considérer comme en rapport avec le service les crimes de torture, de génocide et de disparition forcée, au sens dans lequel ces termes sont définis dans les conventions et traités internationaux ratifiés par la Colombie.

140.        Sur le continent latino-américain, le Code de justice pénale militaire colombien est le seul à exclure explicitement ces crimes du domaine de compétence des juridictions militaires.

141.        De fait, la Cour constitutionnelle a jugé en 1997 que les crimes contre l’humanité ne relevaient pas de la juridiction pénale militaire dans la mesure où ils n’étaient pas liés au service dans la force publique, cette catégorie d’infractions constituant une violation grave des droits de l’homme et transgressant de façon essentielle la fonction des institutions armées. En conséquence de quoi, la Cour constitutionnelle a conclu qu’il appartenait à la juridiction pénale ordinaire de connaître de tels actes. La question de savoir si, dans un cas concret, on est ou non en présence d’une infraction en rapport avec le service touche fondamentalement aux circonstances dans lesquelles le comportement répréhensible a eu lieu, circonstances qu’il appartient aux seuls juges d’apprécier, à la lumière des considérations pertinentes.

Séparation des fiscales et des juges de la voie hiérarchique

142.        Les infractions en rapport avec le service relèvent des cours d’appel ou des tribunaux militaires, composés d’agents de la force publique en service actif ou à la retraite, qui statuent en appliquant les dispositions du Code pénal militaire.

143.        Conformément à la nouvelle législation, les fiscales et juges militaires qui qualifient les faits, enquêtent, mettent en accusation et jugent des agents de la force publique impliqués dans des infractions en rapport avec le service sont détachés de la filière hiérarchique pour garantir l’indépendance et l’impartialité absolues de cette juridiction. De la sorte, l’autorité qui intervient n’est pas la même que celle qui exerce des fonctions de commandement. Les commandants ne peuvent plus siéger dans les tribunaux: cette fonction est maintenant assurée par les juges pénaux militaires, qui appartiennent à une structure distincte de la structure opérationnelle de l’armée.

144.        La distinction faite entre juges et commandants militaires contribuera à accroître la confiance dans les décisions des juges à dissiper la crainte éventuelle d’une influence quelconque de l’état‑major dans la procédure pénale militaire.

Structure de la justice pénale militaire

145.        Le nouveau Code pénal militaire a défini les différentes instances ou autorités devant lesquelles ouvrir une action pénale en cas de crime ou délit commis par des agents de la force publique en service actif et liés au service dans les forces armées. Ces instances sont les suivantes: le tribunal supérieur militaire, les tribunaux de première instance, les fiscales militaires, les juges d’instruction militaires, les assesseurs au tribunal militaire et la chambre de cassation de la Cour suprême de justice. Les conditions préalables générales à remplir pour assumer ces fonctions sont les mêmes que pour des fonctions équivalentes dans la justice ordinaire, mais adaptées aux besoins et à la situation propres à la juridiction pénale militaire.

146.        Par ailleurs, la structure de la justice pénale militaire étant rattachée au Ministère de la défense nationale, il a été créé un Conseil supérieur de la justice pénale militaire, qui conseille le Ministère de la défense pour tout ce qui touche à la justice pénale militaire et fait des recommandations concernant les politiques, plans, programmes et systèmes d’évaluation à adopter pour rendre l’administration de la justice plus efficace. Parallèlement, une direction exécutive de la justice pénale militaire a été chargée de mettre en œuvre les politiques et programmes adoptés par le Ministre de la défense en matière d’administration de la justice.

Organismes de contrôle

147.        La juridiction pénale militaire est par ailleurs subordonnée au contrôle du service du Procureur général de la nation, entité placée à la tête du ministère public et chargée, entre autres fonctions, de veiller au respect de la Constitution, des lois, des décisions judiciaires et des actes administratifs. Ce service intervient de façon permanente, à chacune des étapes des procédures en cours devant la justice pénale militaire, par le truchement du Procureur général de la nation, des procureurs délégués aux forces armées et à la police nationale et des avoués en première et en deuxième instances de la juridiction militaire. Ces derniers − désignés directement par le Procureur général de la nation − sont parties aux procédures dans le cadre desquelles ils interviennent, de sorte qu’ils peuvent demander des éléments de preuve et contester les décisions adoptées, comme peut le faire toute autre partie au procès. L’intervention du ministère public constitue une garantie fondamentale du droit de la société à ce que les agents de la force publique qui se sont rendus coupables d’un crime ou délit fassent l’objet d’un procès équitable et soient effectivement sanctionnés.

148.        Dans l’organisation de la justice pénale militaire, il appartient au représentant du ministère public en sa qualité de partie au procès, d’exercer les fonctions ci‑après, sans préjudice des autres fonctions qui lui reviennent dans l’exercice de son devoir de contrôle:

a)               Garantir le respect des droits de l’homme et des garanties procédurales à chacune des différentes étapes;

b)              Veiller à ce qu’en cas de désistement, les parties au procès agissent en toute liberté;

c)               Demander que l’affaire soit classée sans suite lorsqu’il considère que les conditions requises à cet effet sont réunies;

d)              Intervenir dans tous les jugements prononcés par les juridictions pénales militaires, pour demander selon le cas, l’acquittement ou la condamnation des accusés;

e)               Veiller au respect des différentes obligations et conditions imposées par les juges: aide juridictionnelle, mise en liberté, subrogation, caution, présentation ou autre engagement;

f)               Veiller à ce qu’à tout moment le principe général applicable aux juges de séparation entre juridiction et état‑major soit respecté;

g)               Veiller à ce que le droit d’accès réel à la justice soit dûment garanti aux victimes;

h)               Demander que des preuves soient produites ou en apporter lorsqu’elles sont pertinentes ou déterminantes.

149.        Les fonctions décrites aux alinéas  c, d et h ci‑dessus ne sont exercées que lorsque la défense de l’ordre juridique, du patrimoine public ou des droits et garanties fondamentales l’exige.

150.        L’exercice des fonctions du ministère public dans la justice pénale militaire par un organisme civil indépendant fait du cas colombien une exception dans la région.

151.        Pour leur part, les fiscales et les juges militaires rendent compte aux organismes de contrôle susmentionnés de tous leurs actes et décisions. Ils font l’objet d’enquêtes et sont sanctionnés s’il est établi qu’ils ont commis des actes contraires aux règlements d’application de la loi et aux règles applicables à la validité des éléments de preuve contenus dans les dossiers.

La partie civile dans les procès

152.        Le principe de la constitution de partie civile a été repris dans la procédure pénale militaire afin de permettre aux victimes de crimes ou délits de contribuer à la recherche de la vérité. Dans les procès qui se déroulent devant les juridictions pénales ordinaires, la victime ou la personne lésée, selon le cas, peut porter plainte devant un fonctionnaire judiciaire afin d’obtenir des informations ou présenter des requêtes spécifiques, et apporter des éléments de preuve. Il lui est de la même manière possible d’engager une action au civil pour obtenir réparation des dommages et des préjudices individuels et collectifs subis.

153.        Pour ce qui est de la justice pénale militaire, la Cour constitutionnelle a laissé la voie libre à la partie civile, de l’étape de l’instruction jusqu’à celle du jugement en passant par le procès, dans l’idée, qu’une telle faculté contribuait à garantir l’accès à la justice.

154.        Les prévenus et accusés sont défendus par des avocats diplômés, l’objectif étant de leur garantir pleinement le droit à la défense.

Aspects de procédure

155.        Dès son ouverture, le procès pénal militaire répond à toutes les exigences constitutionnelles et légales, ce qui, dans le système démocratique colombien, implique la garantie d’une procédure régulière et l’indépendance absolue des juges et fiscales vis‑à‑vis du législatif et de l’exécutif. L’indépendance de la justice est même telle qu’en Colombie la  Fiscalía est rattachée non au pouvoir exécutif mais au pouvoir judiciaire.

156.        Saisi d’un fait répréhensible, aux connotations pénales, le juge pénal militaire ouvre une enquête préliminaire pour déterminer si, dans le cadre d’opérations militaires, un quelconque fait illicite aurait été commis qui pourrait motiver l’ouverture d’une enquête. À la suite de cette première démarche, le dossier peut soit être classé sans suite soit donner lieu à l’ouverture d’une enquête pénale. Dans ce dernier cas, le juge pénal militaire détermine s’il est compétent en examinant les éléments de preuve disponibles pour établir les circonstances dans lesquelles les faits se sont produits (modalités, temps et lieu). Il apprécie alors s’ils découlent d’un acte inhérent à la mission des forces militaires ou de la police, c’est‑à‑dire s’ils correspondent à un acte effectué dans l’exécution du service. Si tel est bien le cas, il prend l’enquête en charge car elle relève alors de sa compétence; dans le cas contraire, il renvoie le dossier à la justice ordinaire.

157.        Cela étant, des conflits de compétence peuvent survenir au cours de la procédure, positifs ou négatifs: positifs lorsque la juridiction ordinaire et la juridiction militaire se disent toutes deux compétentes et négatives lorsqu’elles se disent incompétentes. Le dossier est alors adressé au Conseil supérieur de la magistrature, habilité à statuer en l’espèce. Le Conseil renvoie finalement l’affaire devant le juge pénal militaire ou le juge ordinaire, selon l’appréciation qu’il aura faite des éléments de preuve.

158.        La partie civile au procès peut contester la compétence du juge saisi du dossier et demander au juge qu’elle considère compétent de réclamer le dossier. Le ministère public y est aussi habilité. Dans un cas comme dans l’autre, le dernier mot revient au Conseil supérieur de la magistrature.

159.        L’ouverture d’une enquête préliminaire s’impose lorsqu’il est nécessaire de déterminer si tels ou tels faits dénoncés à l’autorité ont bien eu lieu et s’ils tombent sous le coup de la loi. Selon le résultat de l’enquête préliminaire, le fonctionnaire judiciaire prend une ordonnance d’ouverture d’une information ou au contraire une ordonnance de non‑information. Dans le premier cas, il invite à comparaître la personne qui semble être l’auteur présumé des faits au vu des preuves recueillies pour qu’elle fasse une déclaration. Si cette personne ne se présente pas, il la cite en justice et la convoque. Par voie d’ordonnance interlocutoire, il la déclare absente et lui désigne un défenseur d’office. Le juge d’instruction remet ensuite le dossier pour qualification des faits au fiscal militaire, lequel peut décider de poursuivre ou non après avoir dûment apprécié s’il existait au moins une déclaration de témoin offrant des gages de crédibilité ou des indices graves susceptibles d’établir la responsabilité de l’inculpé en qualité d’auteur ou de complice ou si, à l’inverse, il n’existe pas d’éléments de preuve suffisants pour décider de convoquer le tribunal militaire, et qu’en conséquence, il convenait de classer l’affaire sans suite.

Deuxième instance

160.        Une fois le tribunal militaire ordinaire constitué, son Président ouvre les débats, à partir desquels sont rédigés des actes écrits, et prononce un jugement dans un délai de huit jours à compter de la fin des audiences. Les arrêts de ce tribunal peuvent être réexaminés en deuxième instance par le tribunal supérieur militaire, saisi par la voie soit d’un réexamen d’office soit d’un appel.

161.        De la même manière, les jugements prononcés en deuxième instance par le tribunal supérieur militaire, pour des crimes passibles de peines privatives de liberté de plus de huit ans ou exceptionnellement pour d’autres crimes ou délits, sont susceptibles d’appel devant une instance supérieure totalement civile, à savoir la Chambre de cassation de la Cour suprême de justice. Les motifs qui peuvent être invoqués dans une procédure pénale militaire sont, de manière générale, les mêmes que ceux valables dans les procédures pénales ordinaires, c’est‑à‑dire violation d’un texte de loi, disproportion de la peine par rapport aux charges retenues ou jugement entaché de nullité. L’existence de cette voie de recours dans le système pénal militaire et le fait qu’elle soit confiée à des civils garantissent l’impartialité et l’objectivité du juge, critères dont on a déjà souligné le caractère essentiel dans les procédures pénales militaires, comme dans toute procédure pénale.

162.        Les nouvelles dispositions législatives traitant de la justice pénale militaire visent à la renforcer et à la moderniser afin d’en accroître l’efficacité et la crédibilité aux yeux de l’opinion publique. Des ajustements et des précisions ont donc été apportés sur certains sujets qui avaient par le passé fait l’objet de débats publics.

Actes effectués dans l’exécution du service

163.        Parmi les actes commis en service, on peut distinguer ceux qui peuvent être considérés comme des crimes et délits liés au service et ceux qui ne méritent pas cette qualification. Cette distinction fait l’objet d’une définition précise. L’idée est en l’espèce de donner aux juges des indications qui leur permettent de définir sans équivoque la compétence de la juridiction pénale militaire. Toutefois, lorsqu’un doute subsiste quant à la juridiction compétente pour connaître d’une infraction donnée, le Conseil supérieur de la magistrature, autre instance rattachée au pouvoir judiciaire et, partant, indépendant du pouvoir exécutif, statue sur le conflit de compétence.

Ordre du supérieur hiérarchique

164.        Par ailleurs, le principe du respect de l’ordre du supérieur hiérarchique a été réglementé, de façon à éliminer la possibilité pour les agents de la force publique d’exécuter des ordres manifestement illégaux qui vont à l’encontre de la mission confiée par la Constitution et par la loi au bras armé de l’État.

Système d’accusation

165.        Le principe accusatoire a été intégré dans la justice pénale militaire moyennant l’institution de fiscales militaires, chargés de qualifier les faits et de prononcer les mises en accusation et habilités à classer une affaire sans suite lorsque cela se justifie. Enfin, la procédure a été modifiée et il ne reste plus que celle de la cour d’appel militaire d’où les juges militaires sont exclus et la procédure exceptionnelle. Dans un cas comme dans l’autre, le jugement est prononcé en droit.

Interdiction de recruter des mineurs pour le service militaire − Loi n o  548 de décembre 1999

166.        Le Gouvernement colombien, en application de sa politique de défense des droits de l’homme et de promotion du droit international humanitaire, a ordonné en 1999 la démobilisation de tous les mineurs de 18 ans entrés de leur plein gré dans l’armée. Plus d’un millier de mineurs ont ainsi été rendus à la vie civile. La loi n o  548 de 1999, adoptée à la suite de la signature de plusieurs accords internationaux par la Colombie, interdit désormais le recrutement de mineurs de 18 ans dans les forces armées, allant en cela plus loin que les dispositions récemment adoptées du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés.

Adhésion à la Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur

destruction − Loi n o  254 de janvier 2000

167.        Après avoir adhéré à la Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert de mines antipersonnel et sur leur destruction, le Gouvernement colombien a travaillé à son intégration dans l’ordre juridique interne. La loi dûment approuvée à cet effet a été promulguée par le Président de la République le 14 janvier 2000. Au mois d’août, elle a été déclarée exécutoire par la Cour constitutionnelle et le 6 septembre, le Président de la République a déposé l’instrument d’adhésion devant le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, à l’occasion du Sommet du Millénaire, tenu à New York.

168.        Les autorités concernées travaillent actuellement à l’élaboration d’un document directeur qui établira un cadre institutionnel permettant de donner effet aux dispositions de la Convention et aux engagements qui en découlent.

Nouveau Code pénal − Loi n o  599 de juillet 2000 (en vigueur depuis le 24 juillet 2001)

169.        La loi n o  599 de juillet 2000 entend aligner les dispositions du Code pénal sur les normes et principes énoncés dans la Constitution de 1991 et promouvoir le respect et la protection des droits de l’homme et du droit international humanitaire.

170.        Le Code pénal se fonde sur la nécessité de respecter la dignité humaine, non seulement du délinquant mais aussi de la victime. C’est pourquoi il établit des règles claires compatibles avec une vision humaine du droit pénal quant aux exonérations de responsabilité et considère comme crimes ou délits les atteintes les plus graves aux droits de l’homme, établissant de nouveaux délits, tels que les infractions au droit international humanitaire et les violations graves des droits de l’homme, le génocide, la disparition forcée, le déplacement forcé ou la torture.

171.        La création de ces nouvelles infractions pénales marque une véritable avancée dans l’humanisation des conflits et la protection des droits fondamentaux des Colombiens. Cette loi fera date dans l’histoire de la défense du droit à la vie et à la dignité humaine.

172.        Une certaine distinction peut être faite au moment du prononcé de la peine entre la délinquance professionnelle et celle qui découle de l’extrême nécessité: des peines moins lourdes sont imposées à ceux dont le comportement s’explique par la marginalité et la pauvreté.

173.        Par ailleurs, la délinquance évolue parallèlement à la science et à la technique, dont les progrès conduisent à reconnaître de nouvelles infractions. Ainsi la manipulation génétique, le clonage humain, la fécondation et le trafic d’embryons humains, les lésions aux fœtus, la propagation du sida et de l’hépatite B, le tourisme sexuel, la corruption transnationale, le trafic d’armes chimiques, biologiques et nucléaires, la spéculation ou la proposition abusive de biens et services, par exemple, tombent aujourd’hui sous le coup de la loi.

174.        Des peines alternatives à l’incarcération sont peu à peu introduites: une longue liste de délits mineurs sont sanctionnés par une amende, l’exécution de la peine à domicile se développe pour atténuer les rigueurs de la peine d’emprisonnement s’agissant des délinquants dits «intermédiaires» et le délinquant atteint d’une maladie grave incompatible avec la réclusion, qui exécute sa peine à l’hôpital ou à domicile peut bénéficier d’une réduction de peine, toutes mesures visant à alléger les rigueurs du système pénitentiaire.

175.        Un tournant a été pris en matière de peines, avec la fixation à 40 ans maximum de la durée d’emprisonnement. Cette vision s’accompagne cependant d’une plus grande cohérence tant dans la détermination légale et judiciaire des peines que dans leur exécution. Les décisions indûment discrétionnaires telles qu’elles existent aujourd’hui, doivent être évitées de façon à mettre un terme au malentendu que crée l’imposition de peines très longues qui se changent en peines dérisoires par le biais de remises de peine progressives et cumulables.

Nouveau Code de procédure pénale − Loi n o 600 de juillet 2000 (en vigueur depuis le 24 juillet 2001)

176.        Il est très important de noter à propos du Code de procédure pénale qu’il recueille les orientations qui se dégagent en la matière de la jurisprudence et de la doctrine. Le Code, dont la ligne directrice est le respect des droits et des garanties des parties, établit des procédures plus souples, de nature à faciliter le travail d’investigation et de jugement des magistrats instructeurs, au profit d’une capacité de réaction de l’État mieux adaptée et plus rapide et, par conséquent, de l’efficacité de la justice.

177.        Sans vouloir importer aveuglément des systèmes étrangers, les pouvoirs publics cherchent actuellement à développer le principe accusatoire, qui est mentionné dans la Constitution et qui repose sur la séparation des fonctions d’accusation et des fonctions de jugement, la Fiscalía General de la Nación demeurant régi par les principes et critères judiciaires qui évitent la profusion d’institutions ancrées dans une culture de l’opportunisme contraire au principe de la légalité, avec toujours comme objectif de rapprocher le citoyen de l’administration de la justice.

178.        Le nouveau Code de procédure pénale consacre comme unique mesure de sécurité la détention provisoire, applicable uniquement aux auteurs présumés des crimes ou délits les plus graves, ce qui garantit au maximum la liberté au cours du procès, conformément au droit fondamental à la présomption d’innocence. Les exigences en matière de preuves sont en outre plus lourdes qu’auparavant, de sorte que la privation de liberté ne peut être décidée qu’en présence d’un solide faisceau d’indices compromettant l’accusé.

179.        Conscients de la nécessité de renforcer les contrôles sur les décisions de la Fiscalía General de la Nación afin qu’elles soient prises dans le respect total des garanties et droits fondamentaux, les rédacteurs du nouveau Code pénal ont consacré le contrôle des mesures de sécurité exercé par les juges compétents, contrôle qui porte non seulement sur la forme mais aussi et surtout sur le fond. Grâce à quoi, le justiciable qui fait l’objet d’une mesure de détention provisoire bénéficie du droit à ce qu’un juge impartial examine si des irrégularités de fond ont été commises dans l’appréciation des éléments de preuve motivant ladite mesure.

180.        Pour combler une lacune des règles actuelles de procédure pénale, un mécanisme a été prévu qui permet de modifier la qualification juridique des faits dans l’acte d’accusation, en indiquant clairement les motifs qui justifient cette mesure et la procédure à suivre, le droit de l’accusé à se défendre s’agissant du nouveau chef d’accusation étant en tout état de cause préservé.

181.        Les pouvoirs publics travaillent à renforcer les mécanismes d’entraide judiciaire internationale en matière d’échange d’éléments de preuve et à réglementer des institutions telles que le suivi des comportements délictueux et les échanges d’objets, de substances et de services prohibés dans le cas de la délinquance transnationale.

Statut de la Cour pénale internationale

182.        À la suite de la signature du statut de la Cour pénale internationale, dit «Statut de Rome», par l’État colombien, au mois de décembre 1998, la chancellerie a entrepris de coordonner les préparatifs des réunions prévues dans le traité, c’est‑à‑dire celles de la Commission préparatoire qui devaient se dérouler à New York en vue de la création de la Cour.

183.        Sur le plan interne, il convient de souligner que ce thème occupe une place particulière dans les débats politiques touchant aux questions de la paix et des droits de l’homme. Dans ce contexte, le 15 mars 2001, sur l’initiative de plusieurs sénateurs, un projet de loi (n o  14/01) a été présenté au Secrétariat général du Sénat qui vise à réformer l’article 93 de la Constitution en vue d’y intégrer le statut de la Cour pénale internationale.

184.        Comme l’initiative législative en matière de traité est une prérogative du Gouvernement et que la modification de la Constitution colombienne s’impose s’agissant de certains points qui sont contraires au Statut de Rome, le projet de loi a été amendé en concertation avec le gouvernement. Il a été décidé d’orienter le projet de loi vers la reconnaissance de la compétence de la juridiction de la Cour pénale internationale en Colombie, pour ensuite procéder à la présentation d’un projet de loi portant incorporation du Statut dans l’ordre juridique interne. Le projet en question a été approuvé par le Congrès de la République en décembre 2001. Le Statut de Rome sera présenté pour ratification dès l’ouverture de la prochaine législature, en mars 2002.

Projet de loi portant approbation de la Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes

185.        Le projet de loi (n o  159/01) portant adoption de la Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes a été déposé au Secrétariat général du Sénat le 20 mars 2000 par le Ministère des relations extérieures et le Ministère de la justice.

186.        Les dispositions de la Convention sont pleinement compatibles avec l’ordre juridique interne; elles renforcent la criminalisation de cette pratique odieuse sur le sol national et invitent à une coopération à l’échelle du continent.

187.        Le Gouvernement colombien estime qu’il est important pour la Colombie de ratifier cet instrument international afin de continuer à progresser, comme elle s’y est engagée dans le respect et la promotion des droits de l’homme.

Projet de Code unique disciplinaire

188.        Le Congrès de la République a poursuivi l’examen législatif du projet de nouveau Code unique disciplinaire, présenté sur l’initiative du service du Procureur.

189.        Les pouvoirs publics ont jugé bon de réviser le Code unique disciplinaire parce que les règles en vigueur ne contiennent qu’une liste incomplète des fautes qualifiées d’extrêmement graves, ce qui a pour conséquence que des violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire sont trop légèrement sanctionnées.

190.        Le projet vise avec précision et sévérité les manquements aux droits de l’homme et au droit international humanitaire; il porte à 10 ans le délai de prescription de l’action disciplinaire comme celui de la peine, s’agissant de violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire.

191.        Il cherche à introduire dans la liste des fautes les plus graves la désobéissance aux directives présidentielles en rapport avec les droits de l’homme et aux décisions à caractère humanitaire.

G.   Autres mécanismes de la politique des droits de l’homme

192.        Suivi des recommandations internationales. La Commission intersectorielle permanente pour les droits de l’homme et le droit international humanitaire ainsi que son groupe technique travaillent actuellement à l’étude et au suivi des recommandations contenues dans le rapport semestriel du bureau du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme en Colombie, regroupées conformément à la classification proposée par ce bureau. Dans le cadre de ce travail, la Commission et son groupe technique se sont penchés sur l’état d’avancement de la mise en œuvre de ces recommandations et pris des engagements en ce qui concerne celles liées au traitement du phénomène des groupes d’autodéfense, à la protection des défenseurs des droits de l’homme, à l’administration de la justice et à la lutte contre l’impunité, à la situation des autochtones et des Afro‑Colombiens, ainsi qu’aux déplacements forcés.

193.        Révision à la hausse du budget des institutions et services publics ayant des compétences en matière de droits de l’homme et de droit international humanitaire. Soucieuse d’assurer la mise en œuvre de la politique des droits de l’homme et du droit international humanitaire, la Commission intersectorielle pour les droits de l’homme et le droit international humanitaire a évalué les besoins en ressources des instances gouvernementales et publiques ayant des responsabilités en la matière et en a informé le Ministère des finances et le Département national de la planification, conformément aux directives du Président de la République. Pour le moment, l’Unité des droits de l’homme de la Fiscalía dispose des ressources nécessaires à son fonctionnement et reçoit des crédits provenant de la coopération internationale par l’intermédiaire du Programme présidentiel pour les droits de l’homme, alors que le service du Défenseur du peuple a des besoins financiers particuliers, tout comme les Ministères de l’intérieur, du travail, ainsi que de la justice et du droit, le Réseau de solidarité sociale, le Programme présidentiel et le service du Procureur général de la nation. Dans le cas particulier du budget autonome du Programme de protection de témoins de la Fiscalía , le Gouvernement colombien facilite l’entrée dans le pays des ressources provenant de la coopération internationale.

194.        Stratégie pédagogique et de diffusion du Programme présidentiel. Par ailleurs, afin de garantir le soutien de la politique à long terme, le Programme présidentiel pour les droits de l’homme et le droit international humanitaire met en œuvre une stratégie pédagogique et de diffusion médiatique destinée à sensibiliser les citoyens aux droits de l’homme et au droit international humanitaire, à les encourager à y adhérer et à promouvoir le respect et la coexistence pacifique. En outre, l’observatoire du Programme présidentiel, chargé d’identifier les progrès et les obstacles liés à la mise en œuvre de la politique gouvernementale et de diffuser les études réalisées sur tel ou tel sujet ou problème spécifique, a été mis sur pied.

 

III.     Mesures législatives et autres interdisant l’expulsion,
LE REFOULEMENT ou l’extradition de personnes QUI
RISQUENT D’ÊTRE soumises à la torture; juridiction;
traités internationaux et ENTRAIDE judiciaire
(art. 3, 5, 6, 7, 8 et 9 de la Convention)

L’extradition

195.        En Colombie, en vertu de l’article premier de la loi n o  01/97, l’extradition est demandée, accordée ou proposée selon les dispositions des traités ou, à défaut, de la loi.

196.        Deux pouvoirs, l’exécutif et le judiciaire, interviennent dans le processus d’extradition, d’où la complexité de l’octroi ou du refus de l’extradition.

197.        En effet, d’une part, une série de démarches administratives sont effectuées par l’intermédiaire du Ministère de la justice et du droit et du Ministère des relations extérieures, qui, après vérification des éléments nécessaires à l’extradition, mettent en route le processus; d’autre part, des démarches judiciaires sont entreprises par la Cour suprême de justice et la Fiscalía General de la Nación .

198.        Depuis l’adoption de la loi n o  01 de 1997, qui a modifié l’article 35 de la Constitution, la Colombie admet l’extradition de Colombiens de naissance (ce qui était interdit avant cet amendement) et de Colombiens par naturalisation, ainsi que de ressortissants étrangers, hormis les exceptions prévues dans la Constitution, l’extradition n’étant pas accordée pour des délits politiques ou des faits commis avant la promulgation de la loi.

199.        L’extradition n’est pas accordée non plus lorsque la personne réclamée par les autorités d’un autre État est jugée ou exécute une peine en Colombie pour les mêmes faits délictueux que ceux invoqués dans la demande d’extradition.

200.        De même, la Constitution colombienne en vigueur, en parfait accord avec les normes et principes de droit international humanitaire, dispose en son article 12: «Nul ne sera soumis à la disparition forcée, à des tortures ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants». La Colombie qui a, par le truchement de son exécutif, signé la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et l’a approuvée par le truchement du Congrès national, assume cette même obligation au titre du droit international, conformément à la loi n o  78 de 1986.

201.        Ainsi, si l’extradition est accordée et que la peine de mort est en vigueur dans l’État requérant, la remise de l’extradé ne pourra s’effectuer que pour autant que cette peine soit commuée, d’une part, et que cet individu ne soit soumis ni à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ni ne fasse l’objet d’une disparition forcée, d’autre part.

202.        En outre, la Constitution colombienne, en son article 34, interdit «les peines de bannissement, d’emprisonnement à perpétuité et de confiscation», qui, pour les mêmes raisons que celles exposées ci-dessus, ne peuvent pas être infligées aux personnes extradées par le pays qui les juge.

203.        Conditions requises pour accorder ou proposer l’extradition. Pour que l’extradition puisse être proposée ou accordée, il est également nécessaire:

a)               Que le fait à l’origine de la demande d’extradition soit aussi considéré comme un crime ou délit en Colombie, puni d’une peine privative de liberté d’au moins quatre ans;

b)              Qu’au moins un acte d’accusation ou un document équivalent, ait été délivré à l’étranger.

Aspects de la procédure

204.        La procédure d’octroi de l’extradition en Colombie est définie dans le Code de procédure pénale. Conformément aux règles de procédure pénale, entrées en vigueur le 24 juillet 2001, cette procédure est la suivante.

205.        Conditions requises pour la proposition ou l’octroi de l’extradition. Le Gouvernement peut subordonner la proposition ou l’octroi de l’extradition aux conditions qu’il considère opportunes. Dans tous les cas, il doit exiger que la personne réclamée ne soit pas jugée pour un fait antérieur différent de celui qui motive la demande d’extradition, ni soumise à des sanctions différentes de celles auxquelles elle a pu être condamnée.

206.        Si, d’après la législation de l’État requérant, le crime ou délit qui motive l’extradition est passible de la peine de mort, la personne en question n’est remise à cet État que pour autant que la peine soit commuée.

207.        Documents annexes pour la demande ou la proposition d’extradition. La demande de proposition ou d’octroi de l’extradition d’une personne contre laquelle un acte d’accusation ou un document équivalent a été délivré ou qui a été condamnée à l’étranger s’effectue par la voie diplomatique et, dans des cas exceptionnels, par la voie consulaire ou encore de gouvernement à gouvernement. Les documents ci-après doivent être fournis:

a)               Copie ou transcription certifiée conforme du jugement, de l’acte d’accusation ou du document équivalent;

b)              Description exacte des faits qui motivent la demande d’extradition, ainsi que du lieu et de la date de l’infraction;

c)               Toutes les données disponibles permettant d’établir l’identité exacte de la personne réclamée;

d)              Copie certifiée conforme des dispositions pénales applicables en l’espèce.

208.        Ces documents doivent être envoyés dans les formes prescrites par la législation de l’État requérant et, le cas échéant, être traduits en espagnol.

209.        Avis du Ministère des relations extérieures. À réception des documents reçus, le Ministère des relations extérieures transmet le dossier au Ministère de la justice, accompagné d’un avis indiquant si les conventions et usages internationaux sont applicables en l’espèce ou s’il faut suivre les dispositions du Code de procédure pénale.

210.        Examen des documents. Le Ministère de la justice examine les documents et, s’il s’avère qu’il manque des pièces importantes au dossier, le renvoie au Ministère des relations extérieures, en précisant les éléments qui lui sont indispensables.

211.        Établissement du dossier. Il incombe au Ministère des relations extérieures d’entreprendre les démarches nécessaires auprès du gouvernement étranger afin que les documents soient soumis conformément aux normes prescrites.

212.        Envoi du dossier à la Cour suprême de justice. Une fois que la dernière main a été mise au dossier, le Ministère de la justice le remet à la Chambre de cassation de la Cour suprême de justice, afin qu’elle rende son avis.

213.        Formalités . Une fois que la Cour a reçu le dossier, elle le communique à l’intéressé ou à son défenseur, qui dispose de 10 jours pour demander les preuves qu’il considère nécessaires.

214.        À l’expiration de ce délai, un nouveau délai de 10 jours, allongé le cas échéant pour tenir compte de la distance, est fixé pour la soumission des preuves. C’est à ce stade que sont produites les preuves demandées ainsi que celles qui, de l’avis de la Cour suprême de justice, lui sont indispensables pour se prononcer. Le dossier demeure ensuite cinq jours au greffe aux fins du dépôt des conclusions.

215.        Avis de la Cour suprême de justice . À l’expiration de ce délai, la Cour suprême de justice rend son avis.

216.        Le Gouvernement est lié par l’avis négatif de la Cour suprême de justice, un avis positif laisse à celui‑ci la liberté d’agir en fonction des intérêts nationaux.

217.        Motifs conformes au Code . La Cour suprême de justice fonde son avis sur la validité quant à la forme des documents présentés, l’établissement de l’identité exacte de la personne réclamée, le principe de la double incrimination, l’équivalence de la décision judiciaire étrangère et, le cas échéant, les dispositions des traités.

218.        Décision de refuser ou d’accorder l’extradition . Une fois reçu le dossier accompagné de l’avis de la Cour suprême de justice, le Ministère de la justice dispose d’un délai de 15 jours pour décider d’octroyer ou de refuser l’extradition demandée.

219.        Extradition différée . Lorsque la personne réclamée a commis un délit en Colombie avant la réception de la requête d’extradition, la décision accordant l’extradition peut en différer la date jusqu’à ce que la personne ait été jugée et ait purgé sa peine ou jusqu’à l’extinction de l’instance parce que l’affaire a été classée sans suite, l’instruction est forclose ou un verdict d’acquittement a été rendu.

220.        Dans un tel cas, le fonctionnaire judiciaire chargé de l’affaire ou le directeur de l’établissement de détention dans lequel se trouve la personne dont l’extradition est demandée met celle‑ci à la disposition du Gouvernement dès que le motif de détention en Colombie disparaît.

221.        Priorité dans l’octroi de l’extradition. Si une même personne fait l’objet de demandes d’extradition formulées par deux États ou plus, pour des faits identiques, la demande du pays sur le territoire duquel l’infraction a été commise a la priorité. Pour des faits différents, la priorité est donnée à la demande portant sur l’infraction la plus grave. Si le degré de gravité est le même, le premier État à avoir présenté la demande d’extradition a la priorité.

222.        Il incombe au Gouvernement d’établir l’ordre de priorité lorsqu’il existe plusieurs demandes d’extradition.

223.        Remise de la personne extradée. Si l’extradition est accordée, le Fiscal General de la Nación ordonne l’arrestation de l’accusé − s’il n’est pas déjà en détention − et le remet aux agents de l’État requérant.

224.        Si l’extradition est refusée, le Fiscal General de la Nación ordonne la remise en liberté du détenu.

225.        Remise d’objets . Tous les objets trouvés en la possession de la personne réclamée, déposés ou cachés dans le pays et liés à l’infraction commise, ainsi que ceux qui peuvent constituer des éléments de preuve, sont remis en même temps que la personne réclamée ou ultérieurement.

226.        Frais . Les frais d’extradition sont à la charge de chaque État dans les limites de leur territoire.

227.        Cas dans lesquels la demande d’extradition n’est pas recevable . L’extradition n’est pas accordée lorsque la personne qui en fait l’objet a été ou est jugée pour le même fait en Colombie.

228.        Arrestation . Le Fiscal General de la Nación doit ordonner l’arrestation de la personne réclamée dès qu’il a connaissance de la demande formelle d’extradition, voire avant, si l’État requérant le demande.

229.        Causes de remise en liberté . La personne réclamée est remise en liberté inconditionnelle par le Fiscal General de la Nación si, dans les 60 jours qui suivent la date de son arrestation, la demande d’extradition n’a pas été établie en bonne et due forme ou si, 30 jours après sa mise à disposition de l’État requérant, ce dernier n’a pas procédé à son transfert.

230.        Dans les cas susmentionnés, la personne peut être à nouveau arrêtée pour le même motif lorsque l’État requérant a établi la demande d’extradition en bonne et due forme ou organisé le transfert.

231.        Jugements étrangers. Exécution en Colombie . Les peines prononcées par les autorités d’autres pays à l’encontre de ressortissants étrangers ou colombiens peuvent être exécutées en Colombie sur demande formelle des autorités étrangères compétentes, présentée par la voie diplomatique.

232.        Conditions requises . Une peine prononcée à l’étranger dans les conditions prévues au paragraphe précédent, ou rendue à l’encontre de ressortissants colombiens arrêtés, privés de liberté ou condamnés à l’étranger, peut être exécutée en Colombie, à condition que:

a)               Le jugement n’impose pas de peines différentes ou supérieures à celles prévues au chapitre premier du Titre IV du Livre premier du Code pénal;

b)              Le jugement ne soit pas contraire à la Constitution et aux lois colombiennes;

c)               Le jugement soit parfaitement conforme à la loi du pays où il a été rendu et soit présenté conformément aux dispositions des conventions et traités internationaux;

d)              S’agissant des mêmes faits, aucune procédure ne soit en cours en Colombie et que les juges nationaux n’aient pas rendu de décision exécutoire, si ce n’est conformément aux dispositions du paragraphe 1 de l’article 16 du Code pénal;

e)               L’État requérant, en l’absence de traités, garantisse la réciprocité de traitement pour des cas similaires.

233.        Exequatur . La demande d’exécution doit être adressée par le Ministère des relations extérieures à la Chambre de cassation de la Cour suprême de justice, qui décide si la décision peut être exécutée conformément aux traités internationaux ou aux dispositions du Code de procédure pénale.

234.        Renvoi à d’autres normes . Les traités internationaux pertinents sont appliqués aux fins de l’exécution des jugements étrangers. Aucun nouveau procès ne peut avoir lieu en Colombie, si ce n’est conformément à l’article 16 du Code pénal.

Relations avec les autorités étrangères

235.        Législation applicable . Sont applicables au premier chef les normes internationales et, accessoirement, les normes nationales. Les unes et les autres sont interprétées conformément à la doctrine et à la coutume internationale, le droit substantiel primant.

236.        Coopération internationale . Le Fiscal General de la Nación peut conclure avec ses homologues d’autres pays des accords aux fins de l’échange de technologies et de données d’expérience, de la coordination de livraisons surveillées, contrôlées par des agents en civil, de la coordination de la coopération judiciaire ou de la formation ou de tout autre échange ayant le même objet.

237.        Bases de négociation . C’est à la lumière des règles énoncées dans le Titre premier du Code de procédure pénale que la Colombie négocie au plan bilatéral ou multilatéral des instruments internationaux touchant à la coopération judiciaire, à l’extradition et à d’autres questions connexes.

238.        Demandes d’assistance judiciaire. Demandes émanant de Colombie . Les juges, les  fiscales et les magistrats ou les chefs d’unités de la police judiciaire peuvent communiquer, directement ou par les voies juridiques prévues, avec les autorités étrangères ou les rencontrer, afin de statuer sur l’opportunité de l’action pénale, de recueillir des preuves ou des informations ou d’obtenir une assistance judiciaire quelconque.

239.        Si la législation de l’État requis le permet, les personnes précitées peuvent mandater l’un des fonctionnaires compétents du pays en question, dans les termes et les conditions prévus.

240.        Contenu des demandes . Dans la demande d’assistance judiciaire, l’autorité requise doit être informée des données nécessaires à son traitement, le bureau requérant doit être précisé, de même que les faits qui motivent la demande, l’objet et les moyens de preuve recherchés, les règles prétendument violées, l’identité des personnes, la désignation des biens et le lieu où ils se trouvent si besoin est, ainsi que les instructions que la partie requérante souhaite voir observées par l’autorité étrangère. Les documents et les éléments de preuve fournis par l’autorité étrangère sont présumés légaux et authentiques.

241.        Déplacements de fonctionnaires judiciaires . Lorsque le Fiscal General de la Nación estime qu’il est nécessaire qu’un fiscal se rende à l’étranger afin d’y entreprendre des démarches, il demande au préalable l’autorisation des autorités compétentes. Il peut aussi mandater à cet effet les ambassadeurs et consuls colombiens.

Demandes d’assistance judiciaire émanant de l’étranger

242.        Assistance judiciaire aux autorités étrangères . Les autorités colombiennes, par l’intermédiaire de la Fiscalía General de la Nación , prêtent assistance aux autorités étrangères qui le demandent et peuvent mandater des fonctionnaires judiciaires colombiens pour effectuer les démarches. Des unités spéciales d’assistance judiciaire à l’étranger peuvent être créées sous la coordination et la direction du Fiscal General de la Nación ou de toute personne mandatée par lui.

243.        Le Fiscal General de la Nación peut autoriser des fonctionnaires judiciaires étrangers à effectuer des démarches sur le territoire national, avec l’aide d’un fonctionnaire judiciaire colombien et du représentant du ministère public.

244.        La demande d’assistance judiciaire ne peut en aucun cas être rejetée au motif que le délit sur lequel elle porte ne tombe pas sous le coup de la loi colombienne, à moins qu’elle ne soit manifestement contraire à la Constitution.

245.        Mesures concernant les biens requises par l’autorité étrangère. Une mesure entraînant l’extinction du droit de propriété ou toute autre mesure entraînant la perte ou la suspension du pouvoir de disposition sur des biens peuvent être appliquées en Colombie sur ordre de l’autorité étrangère compétente.

246.        La décision dont découle l’extinction du droit de propriété, la saisie ou toute autre mesure définitive est portée à la connaissance de la Fiscalía General de la Nación qui détermine, avant dire droit, si la mesure peut être appliquée, et, dans l’affirmative, la transmet au juge compétent pour qu’il se prononce.

247.        Le Fiscal General de la Nación peut créer un fonds d’assistance judiciaire internationale. Les droits reconnus par la loi colombienne aux personnes faisant l’objet d’une décision d’extinction du droit de propriété ne peuvent en aucun cas être diminués.

 

IV. ÉDUCATION ET INFORMATION EN MATIÈRE D’INTERDICTION DE
LA TORTURE; FORMATION DU PERSONNEL CIVIL ET MILITAIRE
CHARGÉ DE L’APPLICATION DES LOIS (art. 10 de la Convention)

248.        La formation permanente des agents de la force publique en matière de droits de l’homme et de droit international humanitaire a contribué de manière décisive à l’amélioration de son travail et à l’exercice des fonctions qui lui sont reconnues par la Constitution.

249.        La Colombie se situe aujourd’hui en tête des pays d’Amérique latine pour ce qui est de la formation aux droits de l’homme et au droit international humanitaire des agents de la force publique, qui suivent une formation permanente dans ces domaines au cours de leur carrière. Le fait que plus de 97 000 agents de la force publique ont suivi une formation au cours des cinq dernières années, dont bon nombre dans des zones de combat, ce qui est considéré comme un succès inégalé par aucun autre pays, toutes proportions gardées en matière d’effectifs, en est la preuve. La force publique fait également figure de pionnière dans le domaine des cours à distance conçus à l’intention du personnel participant à des opérations militaires et policières.

250.        En Colombie, au cours de leur formation, soit respectivement sur quatre ans, deux ans et un an, les officiers, les sous-officiers et le personnel d’exécution suivent tous en moyenne 90 heures de formation par an aux droits de l’homme et au droit international humanitaire. En outre, durant les cours de promotion, de formation de base et avancée, d’état‑major et de hautes études militaires, le personnel reçoit au minimum 20 heures de formation complémentaire en la matière. Les soldats et les fantassins de marine, dans leurs phases d’instruction, suivent un entraînement permanent en matière de droits de l’homme et de droit international humanitaire.

251.        La formation des agents de la force publique a quatre objectifs spécifiques:

a)               Intégrer les activités en matière de droits de l’homme au processus de transformation des institutions;

b)              Adapter, dans les centres de formation, les méthodes et les contenus de l’enseignement − apprentissage des droits de l’homme et du droit international humanitaire − aux principes de base du nouveau modèle pédagogique;

c)               Encourager l’application du principe de transversalité dans l’enseignement des droits de l’homme et du droit international humanitaire;

d)              Susciter des processus d’intégration de la force publique et de la société du point de vue des droits de l’homme.

252.        Pour réaliser ces objectifs, le Ministère de la défense nationale préside à cette entreprise par l’intermédiaire des 181 bureaux des droits de l’homme qui existent dans les différentes juridictions et unités de la force publique réparties dans le pays; 700 officiers et sous-officiers experts travaillent dans ces bureaux, qui jouent un rôle capital dans les programmes de formation et d’entraînement, conformément aux lignes d’action suivantes:

a)               Consolidation des connaissances en droits de l’homme au sein de la force publique;

b)              Coordination, avec des institutions nationales et internationales, des programmes visant à renforcer les connaissances en droits de l’homme et droit international humanitaire;

c)               Restructuration des programmes d’enseignement dans les centres de formation;

d)              Restructuration des plans d’instruction et d’entraînement des soldats et des fantassins de marine;

e)               Formation d’instructeurs militaires et policiers en matière de droits de l’homme et de droit international humanitaire.

253.        Le travail de formation a contribué pour beaucoup à assurer à la Colombie une coopération internationale qui s’est traduite par l’offre d’aides directes et de programmes d’enseignement destinés aux officiers instructeurs et vulgarisateurs. Dans le cadre de cette intégration, il convient de souligner les mesures ci-après:

a)               Le Manuel et le Guide de conduite du soldat et du fantassin de marine ont été élaborés avec le soutien du Commandement Sud des États-Unis d’Amérique. Leur publication a été précédée de deux séminaires qui ont permis de former 160 instructeurs militaires;

b)              En 1998, un accord de coopération universitaire a été conclu avec l’Institut des études juridiques internationales du Ministère de la défense des États‑Unis (DIILS), grâce auquel trois séminaires, consacrés à la justice pénale militaire et aux droits de l’homme, ont permis de comparer les systèmes de justice pénale militaire des États‑Unis et de la Colombie et d’analyser leurs relations avec les droits de l’homme et le droit international humanitaire;

c)               Six officiers ont reçu une formation aux droits de l’homme à l’Institut Raoul Wallenberg de l’Université de Lund (Suède);

d)              Grâce à un accord de coopération conclu avec l’ambassade du Canada, 450 sous‑lieutenants effectuant leur dernière année à l’École militaire de cadets se sont inscrits au cours élémentaire de droits de l’homme à distance organisé par l’Université autonome de Bucaramanga;

e)               À l’Institut international de droit humanitaire de San Remo (Italie), 15 officiers ont suivi une formation au droit international des conflits armés;

f)               Le Comité international de la Croix-Rouge soutient les programmes de formation destinés aux instructeurs de la force publique en organisant des séminaires au niveau international, ainsi que des cours à l’échelle nationale, et en offrant des conseils pour l’application du droit des conflits armés dans les plans opérationnels et les programmes d’études des écoles de formation du personnel militaire et de la police.

254.        De même, le Gouvernement promeut une stratégie pédagogique et de diffusion des droits de l’homme destinée à sensibiliser les citoyens à la signification des droits de l’homme et du droit international humanitaire, à les encourager à y adhérer, à générer des comportements au sein de la société civile en rapport avec les droits et devoirs individuels et collectifs, à encourager la société à participer activement à leur application dans les différents contextes et espaces de socialisation et à intégrer au développement de cette stratégie les espaces de rencontre qui suscitent une mobilisation sociale et un sentiment de respect et de goût pour la coexistence.

V.   RÈGLES, INSTRUCTIONS, MÉTHODES ET PRATIQUES D’INTERROGATOIRE; DISPOSITIONS CONCERNANT LA GARDE DES PERSONNES ARRÊTÉES, DÉTENUES OU EMPRISONNÉES; IRRECEVABILITÉ DES PREUVES OBTENUES PAR LA TORTURE
(art. 11 et 15 de la Convention)

255.        L’engagement pris par les États à l’article 11 de la Convention d’exercer une surveillance systématique sur les méthodes d’interrogatoire et sur les dispositions concernant la garde et le traitement des personnes arrêtées se reflète dans le nouveau Code de procédure pénale adopté par la loi n o  600 de juillet 2000.

256.        En effet, en ce qui concerne les interrogatoires, il convient de souligner que le Titre VI, relatif à la preuve, consacre, dans son chapitre premier, une série de principes directeurs applicables à l’administration de la preuve:

a)               Nécessité de la preuve . Ce principe dispose que toute décision judiciaire doit être fondée sur des preuves ayant un lien légal, régulier et approprié avec l’affaire instruite. Aucune condamnation ne peut être prononcée en l’absence de preuves démontrant avec certitude le comportement répréhensible et la responsabilité du prévenu;

b)              Moyens de preuve. Les vérifications, les expertises, les documents, les témoignages, les aveux et les indices matériels constituent des moyens de preuve. Le fonctionnaire recueille les preuves non prévues dans le Code de procédure pénale, conformément aux dispositions applicables dans des cas similaires ou selon son propre jugement avec circonspection et toujours dans le respect des droits fondamentaux;

c)               Impartialité du fonctionnaire dans la recherche de la preuve . En vertu de ce principe, le fonctionnaire judiciaire doit chercher à établir la vérité. Pour ce faire, il doit enquêter avec le même zèle sur les circonstances qui prouvent l’existence d’un comportement répréhensible, celles qui aggravent ou atténuent la responsabilité du prévenu ou l’en exonèrent et celles qui tendent à démontrer son innocence. Au cours de l’enquête, la charge de la preuve du comportement répréhensible et de la responsabilité incombe à la Fiscalía . Le juge peut ordonner la présentation de preuves d’office;

d)              Rejet des preuves. Sont irrecevables les preuves qui ne permettent pas d’établir la vérité sur les faits en cause et celles qui auraient été obtenues illégalement. Le fonctionnaire judiciaire rejette, par une décision avant dire droit, les preuves légalement interdites ou inutiles, celles qui portent sur des faits clairement dénués de pertinence et celles qui sont manifestement superflues;

e)               Publicité . Aucune réserve ne peut être formulée durant le procès et les preuves peuvent être rendues publiques. Au cours de l’instruction, les preuves sont uniquement connues des parties à la procédure;

f)               Liberté des moyens de preuve. Les éléments constitutifs du comportement répréhensible, la responsabilité du prévenu, les circonstances aggravantes et atténuantes et celles qui excluent la responsabilité ainsi que la nature et le montant du préjudice causé peuvent être démontrés par n’importe quel mode de preuve, à moins que la loi n’impose un mode spécifique, toujours dans le respect des droits fondamentaux;

g)               Appréciation des preuves . Les preuves doivent être appréciées dans leur ensemble, conformément aux principes d’une saine critique. Le fonctionnaire judiciaire doit toujours exposer de manière raisonnable l’importance qu’il attache à chacune d’elles;

h)               Transfert de preuves. Les preuves valablement produites au cours d’une procédure judiciaire ou administrative, dans le pays ou à l’étranger, peuvent être utilisées, sous forme de copies certifiées conformes, dans le cadre d’une autre procédure, et sont appréciées conformément aux règles prévues dans le Code de procédure pénale. Si les preuves sont produites dans une langue autre que l’espagnol, les copies doivent être traduites en espagnol par un traducteur officiel;

i)    Jugements de condamnation . Lorsqu’un Colombien de naissance est condamné à l’étranger et que le jugement est dûment exécutoire, le fonctionnaire judiciaire compétent, conformément à la législation colombienne, pour connaître du comportement répréhensible peut, sans exequatur , produire le jugement à titre de preuve dans la procédure ouverte ou qui doit s’ouvrir en Colombie;

j)               Protection des preuves . Le fonctionnaire judiciaire doit prendre les mesures nécessaires pour éviter que les éléments de preuve matériels ne soient modifiés, occultés ou détruits. À cette fin, il peut ordonner, entre autres, la surveillance spéciale des personnes, des meubles ou des immeubles, la mise sous scellé de ces objets, la réquisition de moyens de transport et la saisie de documents et de livres;

k)              Conseillers spécialisés. Le fonctionnaire judiciaire peut demander à des entités officielles ou privées de désigner des experts dans tel ou tel domaine scientifique, artistique ou technique lorsqu’il estime nécessaire que de tels experts s’expriment sur la nature des comportements répréhensibles qui font l’objet de l’enquête. Les conseillers désignés font office d’experts et ont accès au dossier dans les limites de leurs attributions. Ils ont un devoir de réserve. Le directeur de l’entité officielle ou privée doit accéder immédiatement à la demande du fonctionnaire judiciaire;

l)    Mesures spéciales pour la protection des preuves. Le Fiscal General de la Nación ou le fiscal délégué ordonne aux fonctionnaires judiciaires et agents de la police judiciaire d’intervenir dans les activités suspectes tendant à préparer ou exécuter des faits qui tombent sous le coup de la loi pénale ou d’en obtenir les mêmes effets, ou à suivre ces activités suspectes, afin d’identifier, de désigner ou d’arrêter les auteurs ou leurs complices, de démanteler les entreprises criminelles, d’empêcher l’exécution de faits répréhensibles, de déterminer s’il y a lieu de déclencher l’action pénale, de recueillir des preuves, de répondre aux demandes d’assistance judiciaire, de déterminer l’origine des biens et de localiser les victimes. Les preuves recueillies sont pleinement valables, conformément au Titre VI du Code de procédure pénale et aux normes applicables. Dans tous les cas, le représentant du ministère public est invité à être présent, mais son absence n’empêche pas l’exécution de l’ordre du Fiscal .

257.        La «pratique de l’interrogatoire», quant à elle, est réglementée par l’article 276 (chap. V du Code), relatif au témoignage. Conformément à cette disposition, le témoignage est recueilli conformément aux règles suivantes:

a)               Après s’être assuré de la présence et de l’identité du témoin, le fonctionnaire lui fait prêter serment et porte à sa connaissance les exceptions à l’obligation de déposer;

b)              Ensuite, le fonctionnaire informe succinctement le témoin des faits en rapport avec l’objet de sa déclaration et l’invite à faire le récit de ce dont il est certain au sujet des faits en question. Ensuite, il interroge le témoin, s’il le juge nécessaire, après quoi les parties à la procédure peuvent l’interroger.

258.        Il est permis de demander au témoin son avis s’il s’agit d’une personne particulièrement qualifiée ayant des connaissances techniques, scientifiques ou artistiques dans le domaine considéré.

259.        Le fonctionnaire peut mener l’interrogatoire à tout moment qu’il juge nécessaire. Les réponses sont consignées dans leur intégralité. Le fonctionnaire doit demander au témoin de limiter ses réponses aux faits ayant un rapport avec l’objet de l’enquête.

260.        Cette norme est complétée par l’article 277 du Code de procédure pénale, relatif aux «Critères d’appréciation du témoignage», qui dispose que le fonctionnaire chargé d’apprécier la valeur du témoignage doit tenir compte des principes de la saine critique et, en particulier, de ceux qui portent sur la nature de l’objet perçu, sur l’état du ou des sens à l’aide desquels la perception a eu lieu, sur les circonstances − lieu, moment et modalités − de la perception, sur la personnalité du témoin, sur la forme de la déclaration et sur les éventuelles singularités qui se dégagent du témoignage.

261.        Dispositions pour la garde et le traitement des personnes arrêtées, détenues ou emprisonnées. Cette question constitue l’une des principales préoccupations du Gouvernement et de l’État dans son ensemble.

 

VI.   EXAMEN DES PLAINTES POUR TORTURE; RESPONSABILITÉ
CIVILE DE L’ÉTAT (art. 12, 13 et 14 de la Convention)

A.   Autorités compétentes pour examiner les plaintes pour torture

262.        L’examen des plaintes pour torture incombe autant à la justice ordinaire qu’au ministère public. En ce qui concerne la justice ordinaire, l’instance chargée par excellence de la réception de ces plaintes est la Fiscalía General de la Nación. Pour ce qui est du ministère public, il s’agit du service du Procureur général de la nation, pour les affaires dans lesquelles sont impliqués des fonctionnaires, tant par action que par omission.

Fiscalía General de la Nación

263.        La Fiscalía General de la Nación se compose du Fiscal General , des fiscales délégués et des autres fonctionnaires spécifiés par la loi. Le Fiscal General est élu, pour une durée de quatre ans, par la Cour suprême de justice parmi trois candidats présentés par le Président de la République. La Fiscalía General de la Nación fait partie de l’ordre judiciaire. Elle ouvre des informations, mène l’instruction et requiert contre les inculpés devant les juridictions compétentes.

264.        Par sa résolution n o  2725 de décembre 1994, la Fiscalía a créé l’Unité nationale des droits de l’homme, spécialisée dans les violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire.

265.        Le Fiscal General de la Nación ou le Directeur général de la Fiscalía statuent sur la base de critères sélectifs. Il doit être notamment tenu compte de la qualité d’agent de l’État de l’auteur présumé, du fait qu’il s’agit d’une personne privée jouissant de l’indulgence d’agents de l’État, de

membres de groupes subversifs, de membres de groupes d’autodéfense ou de personnes privées dans les cas présentant une grande importance sociale.

266.        En ce qui concerne la nature des faits, les trois violations les plus graves des droits de l’homme, intimement liées à la toute-puissance de l’État, ont été retenues, à savoir: les disparitions forcées, les exécutions extrajudiciaires et la torture. Parallèlement sont visés les massacres perpétrés à l’encontre de certains secteurs de la population, qu’ils soient le fait de membres de groupes insurgés, de groupes d’autodéfense ou de groupes criminels en général, et qui ont pour objet de semer l’angoisse et la terreur.

267.        L’Unité nationale des droits de l’homme compte actuellement 30 fiscales spécialisés, 25 enquêteurs du Groupe technique d’investigation, 5 enquêteurs du Département administratif de la sécurité nationale (DAS) et 3 enquêteurs du Département de renseignement de la police judiciaire.

Le ministère public

268.        Le ministère public se compose du Procureur général de la nation, du Défenseur du peuple, des procureurs délégués, des fonctionnaires du ministère public, des représentants municipaux et des autres fonctionnaires spécifiés par la loi. Il lui incombe de sauvegarder et de promouvoir les droits de l’homme, de protéger l’intérêt général et de surveiller la façon dont les personnes qui sont investies d’une charge publique s’acquittent de leurs fonctions.

269.        Le ministère public et, en son nom, le Procureur général de la nation veillent au respect des droits de l’homme. Le Procureur général de la nation exerce, lui-même ou par l’intermédiaire de ses substituts et agents, les fonctions suivantes: il veille à l’application de la Constitution, des lois, des décisions judiciaires et des actes administratifs; il protège les droits de l’homme et veille à leur application avec le concours du Défenseur du peuple; il défend les intérêts de la société; il défend les intérêts de la collectivité; il veille à ce que l’administration s’acquitte de ses fonctions avec diligence et efficacité; il surveille, en tant qu’instance supérieure, la façon dont ceux qui sont investis d’une charge publique, y compris d’un mandat électif, s’acquittent de leurs fonctions; il intervient dans les procédures ainsi qu’auprès des autorités judiciaires ou administratives si nécessaire, pour défendre l’ordre public, le patrimoine public et les garanties et les droits fondamentaux; il s’acquitte des autres attributions définies par la loi.

270.        Dans le cadre de ces fonctions, le service du Procureur général de la nation examine les plaintes déposées pour torture et applique les sanctions disciplinaires correspondantes. Actuellement, de gros efforts sont faits pour mettre sur pied une base de données facilitant la diffusion d’informations à jour sur les différentes affaires soumises à sa compétence. Le service du Défenseur du peuple, quant à lui, est chargé de recevoir les plaintes et de les transmettre aux instances pertinentes.

B.   Responsabilité civile de l’État pour violation des droits de l’homme

271.        La responsabilité civile de l’État est consacrée à l’article 90 de la Constitution colombienne, aux termes duquel l’État est civilement responsable des dommages qui lui sont imputables du fait de l’action ou de l’omission des autorités publiques.

272.        Dans l’éventualité où l’État serait condamné à verser une réparation financière pour un tel dommage découlant du comportement préjudiciable ou gravement coupable d’un de ses agents, il devrait se retourner contre ce dernier.

273.        De même, conformément à la loi n o  270 de 1996, l’État doit répondre financièrement des préjudices qui lui sont imputables et qui sont causés par l’action ou l’omission du personnel judiciaire, y compris par un dysfonctionnement de l’administration de la justice, une erreur judiciaire et la privation injuste de liberté.

Action en réparation directe et rétablissement du droit

274.        Il convient d’abord de signaler qu’avant de saisir la juridiction du contentieux administratif, il faut avoir dûment épuisé la voie gouvernementale, condition de procédure qui établit qu’il est nécessaire de discuter au préalable de l’action de l’administration avec elle moyennant le dépôt de recours utiles contres les actes administratifs en cause. Il faut à cet effet remplir les conditions de forme requises dans chaque cas pour créer la relation juridique voulue. Alors seulement l’administration peut se prononcer sur les représentations qu’un particulier peut lui adresser.

275.        Cependant, quand nous nous référons aux procédures de réparation directe et de rétablissement du droit, nous voulons parler de procédures qui, si les faits que l’on reproche à l’administration sont vérifiés, entraînent nécessairement une indemnisation pour les dommages causés ou le rétablissement du droit. Il convient de signaler que l’ouverture de ce type de procédure, comme le dépôt de recours, nécessitent que certaines conditions de forme comme de fond soient d’abord respectées. En outre, pour engager de telles procédures, il faut tenir compte du principe de la caducité qui, aux fins de l’action en rétablissement du droit, est de quatre mois, à compter du lendemain de la publication, de la notification, de la communication ou de l’exécution d’un acte, selon le cas, et aux fins de l’action en réparation directe de deux ans, à compter du lendemain du jour où le fait, l’omission ou l’opération administrative a eu lieu. Toutefois, le délai de caducité de l’action en réparation directe découlant d’un crime de disparition forcée s’ouvre à compter de la date de la réapparition de la victime ou, à défaut, de la date de l’exécution du jugement définitif rendu au pénal, ce qui n’exclut pas la possibilité d’engager la procédure dès que les faits se produisent.

276.        Finalement, en ce qui concerne la présentation de l’action, la contestation et d’autres procédures relevant du contentieux administratif, il faut tenir compte des dispositions des articles 135 et suivants du Code du contentieux administratif.

Indemnisation des victimes de violations des droits de l’homme

277.        L’approbation de la loi n o  288 de 1996 constitue un progrès important en la matière. En effet, en vertu de l’article premier de cette loi, le Gouvernement s’engage, une fois les démarches prévues par ladite loi effectuées, à verser une indemnisation pour les préjudices causés par des violations des droits de l’homme qui ont été ou seraient constatées dans des décisions expresses des organes internationaux des droits de l’homme cités plus loin.

278.        Aux fins de l’application de cette loi, la conciliation ou le règlement du préjudice ne peuvent porter que sur les cas de violation des droits de l’homme qui remplissent les conditions suivantes:

a)               Existence d’une décision préalable, expresse et consignée par écrit du Comité des droits de l’homme créé en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ou de la Commission interaméricaine des droits de l’homme, concluant dans le cadre d’une affaire concrète que l’État colombien a commis une violation des droits de l’homme et disposant qu’une indemnisation doit être versée pour les préjudices subis;

b)              Existence d’un avis favorable préalable à l’application de la décision de l’organe international des droits de l’homme, rendu par un comité composé des personnes suivantes:

i)          le Ministre de l’intérieur;
ii)          le Ministre des relations extérieures;
iii)         le Ministre de la justice et du droit, et
iv)         le Ministre de la défense nationale.

279.        Ce comité rend un avis favorable à l’exécution de la décision de l’organe international des droits de l’homme dans tous les cas où les conditions de fait et de droit énoncées dans la Constitution et les traités internationaux applicables sont réunies. Pour ce faire, le comité tient compte, entre autres, des preuves recueillies et des arrêts rendus dans le cadre des procédures judiciaires, administratives ou disciplinaires internes ainsi que des actions engagées auprès de l’organe international pertinent.

280.        Lorsque le comité estime que ces conditions ne sont pas réunies, il doit en informer le Gouvernement afin qu’il présente une requête ou dépose un recours contre la décision en question auprès de l’organe international compétent, s’il y a lieu. Dans tous les cas, si le traité international applicable n’a pas prévu de deuxième instance ou si le délai pour contester la décision a expiré, le comité doit rendre un avis favorable à l’exécution de la décision de l’organe international.

281.        Le comité dispose d’un délai de 45 jours, à compter de la date de la notification officielle de la décision de l’organe international concerné, pour rendre son avis. Ce délai commence à courir à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi en question en ce qui concerne les décisions des organes internationaux des droits de l’homme rendues avant cette date.

282.        Il y a lieu de procéder aux démarches prévues dans cette loi, même en cas de caducité des actions prévues dans le droit interne pour obtenir l’indemnisation du préjudice causé par une violation des droits de l’homme, pour autant que les conditions fixées dans la loi soient remplies.

283.        Action civile. L’action civile, individuelle ou populaire, en indemnisation des dommages et préjudices causés par un comportement qui tombe sous le coup de la loi, peut s’exercer devant la juridiction civile ou dans le cadre de l’instance pénale, au choix des personnes physiques ou morales lésées, de leurs héritiers ou successeurs, du ministère public ou de la personne qui exerce l’action populaire quand des intérêts collectifs sont en jeu. Dans ce dernier cas, seul un citoyen peut agir en justice; est reconnue la première personne qui se constitue partie au procès. La personne qui exerce une action populaire est au bénéfice de l’assistance judiciaire prévue par le Code de procédure civile.

284.        Si la personne titulaire de l’action en indemnisation ne jouit pas de la libre administration de ses biens et choisit d’exercer l’action au pénal, elle se constitue partie civile moyennant le dépôt d’une requête par son représentant légal.

285.        Les personnes reconnues pénalement responsables, ainsi que celles qui, aux termes de la loi, doivent réparer le dommage, sont solidairement obligées de réparer le dommage et d’indemniser le préjudice causé par leur comportement.

286.        La constitution de partie civile, individuelle ou collective, peut intervenir à tout moment, à partir de la décision d’ouverture de l’instruction et tant que l’instance unique ou la juridiction d’appel n’a pas statué. Toute personne qui souhaite se constituer partie civile dans le cadre d’une procédure pénale établit une procuration à cet effet si elle n’exerce pas les fonctions d’avocat.

287.        La demande de constitution de partie civile doit comprendre:

a)               Le nom et l’adresse de la personne lésée par le comportement délictueux;

b)              Le nom et l’adresse du responsable présumé, s’il est connu;

c)               Le nom et l’adresse des représentants ou avoués des parties à la procédure, si ces dernières ne peuvent pas comparaître ou ne comparaissent pas d’elles‑mêmes;

d)              La preuve fournie sous serment − on suppose que la personne a prêté serment lors du dépôt de sa demande − qu’une procédure, destinée à obtenir la réparation des dommages et préjudices causés par le comportement délictueux, n’a pas été engagée au civil;

e)               Les faits qui auraient causé les dommages et préjudices pour lesquels il est demandé une indemnisation;

f)               Les dommages et préjudices d’ordre matériel et moral causés, le montant de l’indemnisation demandée et les mesures qu’il faudrait prendre pour rétablir si possible le droit;

g)               Les fondements juridiques sur lesquels reposent les prétentions;

h)               Les preuves que l’on a l’intention de produire en ce qui concerne le montant des dommages, le montant de l’indemnisation et, si possible, la relation avec les personnes prétendument lésées;

i)   Si possible, les documents annexes accréditant la représentation judiciaire.

288.        En outre, la preuve de la représentation des personnes morales doit être produite si besoin est. Si la personne qui souhaite se constituer partie civile est un héritier de la personne lésée, elle doit joindre à sa requête les documents qui attestent sa qualité d’héritier.

289.        S’il existe plusieurs personnes lésées, elles peuvent se constituer partie civile ensemble ou séparément.

290.        Lorsqu’une procuration légale a été établie, l’avocat peut connaître du procès pour autant qu’il certifie sommairement la qualité de lésé de son mandat, en respectant le devoir de réserve.

291.        Lorsque le défendeur est différent de l’accusé, le requérant doit indiquer l’endroit où le premier ou son représentant doit recevoir les notifications personnelles. À défaut, il doit affirmer sous serment − étant entendu qu’il a prêté serment au moment du dépôt de sa plainte − qu’il ignore son adresse.

292.        L’ordonnance de recevabilité de la plainte est notifiée en personne au défendeur ou à son représentant, à qui copie de la plainte et de ses annexes est remise. S’il n’est pas possible de le lui notifier personnellement, il est procédé à l’assignation conformément aux dispositions du Code de procédure pénale.

293.        Réparation des dommages. Dans toute procédure pénale où l’existence de préjudices causés par les faits examinés a été démontrée, le juge ordonne leur réparation conformément aux éléments établis durant la procédure et, dans son jugement, condamne le responsable des dommages causés par le comportement délictueux. En outre, il se prononce sur les dépens, les frais de justice et, le cas échéant, les formalités juridiques.

294.        Lorsqu’une action populaire aboutit, le juge doit indiquer dans son jugement de condamnation le montant des préjudices collectifs causés par le comportement délictueux.

295.        Lorsque le juge condamne à verser une indemnisation collective, il doit ordonner la création d’un fonds d’un montant équivalent à celui de l’indemnisation, qui sera géré par le Défenseur du peuple et destiné à réparer les dommages causés par l’infraction.

296.        Dans les cas où le montant des préjudices ne peut pas être estimé sur le plan financier, l’indemnisation est calculée conformément aux dispositions du Code pénal.

297.        S’il est établi que la personne lésée a engagé en outre une action au civil, le juge s’abstient de condamner au versement de dommages‑intérêts. Toute décision en ce sens serait dénuée de validité.

 



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