University of Minnesota


Comité contre la Torture, Examen des rapports présentés par les États parties en application de l'article 19 de la Convention, Colombie, U.N. Doc. CAT/C/20/Add.4 (1995).


 

Deuxièmes rapports périodiques devant être soumis en 1993

Additif

COLOMBIE




/ Pour le rapport initial présenté par la Colombie, voir le document CAT/C/7/Add.1; pour son examen par le Comité, voir les documents CAT/C/SR.36 et 37 et Documents officiels de l'Assemblée générale, quarante-cinquième session, Supplément No 44 (A/45/44), par. 313 à 340. Pour les renseignements complémentaires présentés par la Colombie le 28 août 1990, se reporter au document CAT/C/7/Add.10.


[4 août 1995]

TABLE DES MATIERES

                                                                                                                       Paragraphes

  I.
    GENERALITES
    1 - 9
II.
    RENSEIGNEMENTS SUR LES MESURES NOUVELLES ET FAITS NOUVEAUX (art. 2 à 16)
    10 - 128
    Article 2
    10 - 49
    Article 3
    50 - 59
    Article 4
    60 - 66
    Article 5
    67 - 78
    Article 6
    79 - 84
    Article 7
    85 - 92
    Article 8
    93 - 94
    Article 9
    95 - 101
    Article 10
    102 - 103
    Article 11
    104 - 105
    Article 12
    106 - 108
    Article 13
    109 - 112
    Article 14
    113 - 120
    Article 15
    121 - 126
    Article 16
    127 - 128

Liste des annexes

 

I. GENERALITES

En plus du présent rapport, le Gouvernement colombien a soumis des renseignements de caractère général sur la République de Colombie; ils peuvent être consultés dans les archives du Centre pour les droits de l'homme. Le texte du même ordre que le Gouvernement colombien a présenté le 12 avril 1995 est reproduit dans le document HRI/CORE/1/Add.56.

1. En Colombie, la problématique des droits de l'homme n'est pas réductible à la seule mise en cause de la responsabilité de l'Etat pour une action ou une omission. Il convient de se pencher, au moins brièvement, sur l'ensemble de facteurs historiques, sociaux et politiques complexes dans lequel elle s'inscrit pour en acquérir une vision plus proche d'une réalité qui comporte de multiples aspects.

2. Il faut en premier lieu tenir compte des facteurs d'ordre structurel, comme les inégalités sociales et économiques régnant dans le pays, la faiblesse de la présence de l'Etat dans les zones de peuplement récentes, la dynamique d'une croissance économique rapide dans les zones de colonisation, et surtout les contraintes héritées du système politique institué par la Constitution de 1886 - restée en vigueur plus d'un siècle.


3. La Colombie est un des pays d'Amérique latine à la tradition démocratique la plus continue - fondée sur la liberté d'agir des partis et leur alternance au pouvoir, l'absence de coups d'Etat militaires, la séparation des pouvoirs et les libertés individuelles énoncées dans la Constitution et régies par la loi. Le niveau de pauvreté y est inférieur à ceux observés dans nombre de pays de la région et une amélioration sensible des indicateurs sociaux a été enregistrée au cours des 20 dernières années. Les violences liées à la guérilla se localisent dans les zones ayant connu le développement économique le plus rapide récemment.


4. Outre les facteurs d'ordre structurel, il convient d'avoir à l'esprit certaines données historiques et politiques concrètes, au nombre desquelles une tradition de guérilla remontant aux violences bipartisanes qui ont ravagé le pays des décennies durant et son impact sur certains milieux intellectuels, universitaires et syndicaux qui ont contribué à susciter une opposition armée au système politique. Ainsi se sont trouvés favorisés tant la dérive vers des dispositions restrictives et l'inflation des délits et peines à des fins répressives et dissuasives, que le renforcement des couches les plus traditionalistes, puissantes et réactionnaires à des degrés divers.


5. Une variable imprévue est en outre intervenue - le terrorisme lié au trafic de stupéfiants, qui met gravement en péril l'ordre économique et social en Colombie, pays qui a payé très chèrement sa participation à la croisade contre ce type multiforme de délinquance.


6. La limitation progressive de la puissance de l'Etat, voulue pour trouver une issue institutionnelle aux conflits, s'est accompagnée d'un renforcement du pouvoir économique et de la capacité de belligérance de la guérilla et des trafiquants de drogue grâce à des entrées d'argent et à des achats d'armes dans le monde entier; cette évolution a concouru à susciter certaines formes de justice privée, du type groupes d'autodéfense et paramilitaires.


7. Le Gouvernement colombien s'est attaché à une tâche d'envergure : renforcer les institutions politiques pour les adapter aux conditions sociales du moment - ce qui ne saurait laisser de place aux considérations à courte vue - et amorcer ainsi une transformation structurelle sans précédent dans l'histoire du pays. Une telle entreprise suppose en outre l'adhésion générale de la société à l'instauration d'une conception nouvelle des droits de l'homme dans laquelle la responsabilité principale, mais non exclusive, revient à l'Etat.


8. La nouvelle Constitution colombienne est issue d'un grand débat démocratique auquel tout le pays a participé. C'est un pacte social, un accord sur les éléments fondamentaux, un traité de paix, fruit d'un dialogue entre adversaires empreint d'un climat de tolérance. La Charte des droits, partie de la Constitution énonçant les droits (plus de 70), compte 85 articles regroupés dans les cinq chapitres suivants : droits fondamentaux; droits sociaux, économiques et culturels; droits collectifs; mécanismes de protection et d'application des droits; devoirs et obligations des citoyens. Entre autres droits élémentaires sont garantis : les droits de l'enfant, l'égalité, la liberté d'expression, la liberté de la presse et d'information, le droit de réunion et d'association, le droit à la vie privée, le droit à l'autonomie de la personne, le droit de défense, la liberté de conscience, la liberté de culte, l'égalité des confessions religieuses, les droits culturels des autochtones, le droit de grève, le droit à la négociation collective, à la santé et à la sécurité sociale, à l'éducation et à la culture, et à un environnement salubre. Sont par contre interdits : la peine de mort, l'esclavage, la traite d'êtres humains, la torture, la disparition forcée, l'emprisonnement à perpétuité, la confiscation et l'internement administratif.


9. Dans la Constitution de 1991 une place a également été faite au recours en habeas corpus, action par laquelle toute personne privée de sa liberté estimant illégale sa détention peut s'adresser à une autorité judiciaire quelconque, directement ou par l'intermédiaire d'un mandataire, pour qu'elle statue au maximum dans les 36 heures sur la légalité des actes de la puissance publique et, le cas échéant, ordonne la libération immédiate de l'intéressé.



II. RENSEIGNEMENTS SUR LES MESURES NOUVELLES ET
FAITS NOUVEAUX (art. 2 à 16)



Article 2


10. La Constitution dispose que l'Etat a pour responsabilité directe de garantir l'effectivité des principes, droits et devoirs qui y sont énoncés, mission qui avec l'exercice d'autres fonctions - comme assurer le service public, mettre en oeuvre la démocratie participative, défendre l'indépendance et l'intégrité du territoire et maintenir l'ordre public - constituent sa raison d'être et la source de sa légitimité (art. 2 du Code pénal colombien). Dans le même ordre d'idée, les autorités étatiques sont tenues de protéger toutes les personnes résidant en Colombie dans leur vie, leur honneur, leurs biens et leurs croyances, de même que dans l'exercice de leurs autres droits et libertés, ainsi que de veiller à l'accomplissement par l'Etat et les particuliers de leurs devoirs sociaux (art. 2 de la Constitution). Les agents de l'Etat sont investis d'une autorité qui doit être exercée de manière adéquate et responsable, les abus de pouvoir et les négligences ou actions allant à l'encontre de ce principe donnant lieu à sanction.


11. Le texte de la disposition constitutionnelle interdisant expressément la torture figure ci-après; il est ensuite procédé à l'analyse de certaines nouveautés législatives ayant pour objet de mettre en place un système de contrôle et de garanties propre à empêcher et à réprimer la torture. Le tout entretient une étroite relation avec les dispositions de l'article 4 de la Convention.


"Article 12. Nul ne peut être soumis à la disparition forcée, à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants."
12. Comme la Cour constitutionnelle l'a indiqué dans son arrêt No C-106/95 du 15 mars 1995 relatif à cet article de la Constitution, "le droit à l'intégrité physique de la personne est directement lié au droit à la vie. Il emporte la reconnaissance de la dignité de l'être humain et interdit la torture comme instrument de châtiment ou d'intimidation ou comme moyen d'obtenir des renseignements" (Juge rapporteur : Eduardo Cifuentes Muñoz).


13. Il importe également de mentionner les commentaires de M. Ciro Angarita, juge à la Cour constitutionnelle, figurant dans l'arrêt C-587 du 12 novembre 1992, selon lesquels la torture est incriminable qu'elle soit le fait de l'Etat ou d'un particulier :


"La commission d'un acte de torture est incriminable qu'elle soit le fait de l'Etat ou d'un particulier. Ainsi, le droit de ne pas être torturé, de même que le droit de ne pas être soumis à une disparition forcée, à des traitements cruels, inhumains et dégradants, visent à prévenir l'occurrence de tels actes qui constituent autant d'atteintes aux droits originels que l'on souhaite protéger, à savoir le droit à l'intégrité physique et à l'autonomie de la personne et plus particulièrement à la dignité humaine."
14. Dans ce même arrêt de la Cour constitutionnelle, il est indiqué plus loin :


"L'article 12 de la Constitution va même plus loin que les instruments internationaux auxquels la Colombie a souscrit dans ce domaine, puisque comme signalé plus haut, la Constitution interdit la torture, également de la part d'un particulier ...
Or dans la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, que la Colombie a approuvée par la loi No 78 du 15 décembre 1986, la torture est définie comme suit : 'tout acte par lequel une douleur ou des souffrances ... sont intentionnellement infligées ... lorsqu'une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite ...'
Cette même Convention internationale stipule toutefois que la définition de la torture s'entend sans préjudice de tout instrument international ou de toute loi nationale contenant ou pouvant contenir des dispositions de portée plus large. Tel est exactement le cas avec la Constitution colombienne qui interdit la torture non seulement quand elle est perpétrée par un agent de la fonction publique ou avec son consentement exprès ou tacite, mais aussi quand elle l'est par un particulier, comme on l'a vu au paragraphe précédent du présent arrêt ...
La consécration par la Constitution du droit à ne pas être soumis à la torture, ni aux autres actes énumérés dans ce même article 12, a pour objet de protéger le droit à l'intégrité physique, de la personne dont la violation constitue un sujet de préoccupation permanent pour les hautes instances judiciaires, en particulier le Conseil d'Etat ...
Aux termes de la Constitution en vigueur, un acte de torture - qu'elle interdit expressément - est donc incriminable qu'il soit le fait de l'Etat ou d'un particulier. C'est pourquoi il y a lieu de sanctionner tant l'Etat que le particulier en cas de perpétration d'un tel acte. Cette conclusion sans équivoque découle tant des travaux de l'Assemblée nationale constituante que du considérable corpus jurisprudentiel antérieur."
15. Par rapport à la situation décrite dans le rapport initial, les modifications suivantes sont intervenues dans le domaine considéré.


16. L'article 279 du Code pénal (décret No 100 de 1980) a été remplacé par le décret-loi No 180 de 1988 complétant certaines dispositions du Code pénal dans le cadre de la loi statutaire pour la défense de la démocratie, adoptée en période d'état de siège puis transformée en disposition législative permanente dans le souci de faire front aux multiples formes de violence qui sévissaient alors dans le pays.


17. Le décret de 1988 alourdit la peine affectée au délit de torture, stipulant que quiconque soumet autrui à la torture encourt une peine d'emprisonnement de cinq à dix ans, à moins qu'il ne s'agisse d'un délit passible d'une peine plus lourde. En outre, le décret-loi No 2790/90, énonçant la loi statutaire pour la défense de la justice, prévoit une peine aggravée pour un acte délictueux de ce type commis contre des fonctionnaires judiciaires tels que juges de l'ordre public et juges spécialisés ou tout intervenant dans les instances pénales de leur compétence; dans ce cas, les coupables sont passibles d'une peine d'emprisonnement de 15 à 25 ans et d'une amende comprise entre 50 et 200 mois de salaire minimum garanti.


18. Le Code pénal considère la torture comme aggravante de la séquestration si elle est infligée à la victime de l'infraction principale.


19. Ces dispositions d'ordre constitutionnel et légal sont complétées par des mesures de sauvegarde visant à empêcher tout acte de torture contre une personne se trouvant privée de sa liberté. Les dispositions relatives à l'arrestation et à la détention comportent des garanties concernant l'intégrité du détenu pendant la durée de sa privation de liberté. Le nouveau Code de procédure pénale (décret No 2700 du 30 novembre 1991) dispose que peines d'emprisonnement et détention s'effectuent dans les lieux et formes prévus par la loi (art. 45). En cas de non-respect des prescriptions légales, il y a délit de privation illégale de liberté entendu comme un acte arbitraire commis par un agent officiel; ce délit est sanctionné par une peine d'emprisonnement de un à cinq ans. Lors de la capture d'un individu, il faut s'assurer que le fonctionnaire y ayant procédé s'est conformé aux prescriptions, c'est-à-dire : a notifié le motif de l'arrestation, a informé la personne arrêtée de son droit de s'entretenir immédiatement avec un défenseur ou toute personne à informer de sa détention, et a facilité l'exercice de ce droit. Ces dispositions visent à empêcher toute détention au secret en garantissant un contact permanent entre le détenu et ses avocats et ses proches, moyen concourant à éviter la torture et les traitements cruels et inhumains.


20. Pour faire en sorte que les arrestations s'effectuent dans le respect des règles légales qui viennent d'être exposées, a été introduite l'action en habeas corpus (art. 430 du Code de procédure pénale) ayant pour objet de protéger toute personne privée de sa liberté contre l'inobservation de ces règles ou la prolongation illégale de la détention. Les garanties suivantes ont été instituées pour donner la possibilité de contester la légalité d'une détention :


a) Droit de s'adresser à un juge ou un magistrat quelconque du lieu même ou de la localité la plus proche de l'endroit où l'acte affirmé illégal a été commis afin qu'il se prononce au plus tard dans les 36 heures sur la demande de remise en liberté. Cette demande peut être présentée à tout fonctionnaire judiciaire, mais seul un juge pénal est habilité à mener la procédure;


b) Droit pour un tiers de déposer une demande au nom de la personne détenue sans avoir à être mandaté à cet effet;


c) Droit à ce que l'examen de la demande ne soit pas renvoyé ou retardé pour cause de jours fériés ou de vacance judiciaire. L'essence de cette démarche réside dans sa rapidité et tout a été prévu pour qu'aucun incident ou aucune circonstance ne puisse retarder la prise de décision et la procédure, l'article 434 du Code de procédure pénale interdisant que la demande fasse l'objet d'un renvoi.


21. L'existence de dispositions invalidant les témoignages, aveux ou tous autres moyens de preuve obtenus en recourant à la torture, constitue une autre mesure de sauvegarde importante. A ce propos, le Code de procédure pénale reconnaît les moyens de preuve suivants : déplacement judiciaire, expertise, documents, témoignages et aveux.


22. Le témoignage et la confession étant des moyens de preuve dont l'obtention se prête à un recours à la torture, les conditions de leur validité sont exposées en détail ci-après.


23. Le fonctionnaire chargé d'apprécier la valeur du témoignage devra examiner les éléments suivants en se fondant sur les principes de la saine critique :


a) Nature de l'objet perçu;


b) Etat d'intégrité du ou des sens à l'aide desquels la perception a eu lieu;


c) Circonstances - lieu, moment et modalités - de la perception;


d) Personnalité du témoin, forme de la déclaration et éventuelles singularités présentées par le témoignage.


24. L'interrogatoire visant à recueillir un témoignage doit s'effectuer dans le respect des règles suivantes :


a) Après s'être assuré de l'identité du témoin, le fonctionnaire lui fait prêter serment et porte à sa connaissance les exceptions à l'obligation de déposer;


b) Il informe le témoin des faits en rapport avec l'objet de sa déclaration et l'enjoint de faire le récit de ce dont il est certain au sujet desdits faits.


25. En vertu de l'article 296 du nouveau Code de procédure pénale, les conditions suivantes doivent être réunies pour qu'un aveu soit valable :


a) L'aveu doit avoir été fait devant un fonctionnaire judiciaire;


b) La personne ayant avoué doit avoir bénéficié de l'assistance d'un défenseur;


c) La personne ayant avoué doit avoir été informée de son droit à ne pas s'incriminer;


d) L'aveu doit avoir été fait en toute conscience et toute liberté.


26. L'aveu ne constitue toutefois pas un moyen de preuve absolu; après le recueil d'un aveu répondant à toutes les conditions susmentionnées, le fonctionnaire compétent doit tenir compte de tous les éléments qui permettent d'en apprécier la véracité (art. 297, CPP). De même que pour le témoignage, la valeur probante de l'aveu doit être appréciée en se fondant sur les principes de la saine critique.


27. Pour conforter les mesures de sauvegarde instituées dans ce domaine, il est disposé que l'avocat de la défense doit être présent lors du recueil d'un témoignage ou d'un aveu, afin d'éviter des pressions indues - au nombre desquelles la torture et les mauvais traitements. A ce propos, il convient de souligner l'action de défense du public s'exerçant dans le cadre et sous la direction du Bureau du Défenseur du peuple (Médiateur), qui fait partie intégrante du Ministerio Público Institution indépendante des trois pouvoirs assurant un contrôle disciplinaire externe sur toutes les administrations publiques et exerçant le ministère public dans les affaires pénales. institué par la Constitution de 1991.


28. La désignation d'office d'un défenseur est assurée en vertu du décret No 053 de 1987 et du règlement connexe No 2666 du 26 décembre 1988; toutefois, vu l'état des ressources ce service de défense pénale bénéficiait surtout aux détenus des établissements pénitentiaires les plus grands, au détriment des autres personnes ayant besoin de ce type d'aide. Ce système soulevait en outre des difficultés du fait que seuls les fonctionnaires publics étaient commis à la défense d'office, ce qui se soldait par des retards dans le déroulement de la procédure officielle, la désignation des fonctionnaires et les déplacements. Dans le nouveau système, il est fait appel au recrutement et à la conclusion d'accords avec les facultés de droit des principales universités.


29. Dans le domaine pénal, le Ministerio Público (dont fait partie le Bureau du Défenseur du peuple) exerce son action par l'intermédiaire du Procureur général de la nation qui a pour mission de défendre l'ordre juridique, le patrimoine public et les droits et garanties fondamentaux. Lorsque sont portés à sa connaissance des actes attentatoires aux droits de l'homme d'un condamné, il est tenu d'en assurer la protection et d'intervenir auprès du juge de l'application des peines pour toutes questions en rapport avec ses fonctions (art. 123, CPP).


Mesures administratives


30. L'article 22 du Statut organique de la Procurature générale de la nation (loi 4 de 1990) définit les principales fonctions de la Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme, à savoir :


"...


b) Engager toute action disciplinaire, et statuer en dernier ressort, visant une participation à des actes répondant aux qualifications de génocide, torture ou enlèvement, dont pourraient faire l'objet, au titre de l'exercice de leurs fonctions, des membres du ministère de la défense nationale, des forces armées, de la police nationale ainsi que des fonctionnaires et agents des organismes en dépendant ou liés à ces institutions ainsi que tous autres fonctionnaires et employés;
...
g) Veiller à la défense des droits de l'homme dans les établissements pénitentiaires, judiciaires, policiers et d'internement psychiatrique."
31. Vu la nature de la torture, la loi a attribué une compétence spécifique à la délégation aux droits de l'homme, sans qu'entrent en ligne de compte la hiérarchie et l'institution à laquelle appartient l'individu en activité mis à l'examen - situation renforcée par rapport au dispositif légal antérieur dans lequel elle n'avait compétence que pour instruire l'enquête disciplinaire avant d'en saisir pour décision finale la Procurature déléguée compétente en fonction de la qualité de l'intéressé .


32. La torture est ainsi traitée différemment des autres comportements susceptibles de donner lieu à enquête et sanction en tant que violation des droits de l'homme tels que les coups et blessures pour lesquels d'autres services du Ministerio Público sont compétents.


33. Le Statut organique de la Fiscalía General de la Nación Organe judiciaire chargé notamment de l'instruction et de la mise en accusation dans les affaires pénales. a été promulgué par le décret No 2699 de 1991. Préoccupé par les droits de l'homme des inculpés, en particulier des citoyens ayant affaire à certains de ses fonctionnaires dotés d'attributions de police judiciaire, le Fiscal General de la Nación a aménagé le régime disciplinaire (Titre VII du Chapitre premier du décret No 2699 de 1991), la torture étant désormais considérée comme une infraction disciplinaire attentatoire aux droits de l'homme (art. 21 de l'arrêté 017 de juillet 1992).


Mesures juridictionnelles


34. Dans le courant de 1993, la Cour constitutionnelle a déclaré inapplicables divers décrets pris en période d'état de troubles intérieurs, notamment le décret limitant le bénéfice du recours en habeas corpus (mécanisme par excellence de prévention de la torture) pour les affaires relevant des tribunaux régionaux et le décret portant création d'"unités mobiles de police judiciaire" composées de membres des forces armées.


35. Il convient en outre de mentionner un précédent judiciaire important en la matière, l'arrêt du 16 décembre 1987 par lequel le Conseil d'Etat a confirmé la décision rejetant sur le Ministère de la défense la responsabilité administrative des préjudices moraux et matériels infligés à la doctoresse Olga López de Roldán, torturée en 1979 dans des locaux militaires. Dans son arrêt du 5 février 1988, cette même instance a déclaré le Ministère de la défense responsable de la mort de Marcos Zambrano, torturé par des militaires en 1980.


36. Pour ce qui est des mesures d'ordre politique, en décembre 1991 le Gouvernement colombien a mis en route une politique globale de lutte contre toutes les formes de violence sévissant dans le pays, dont la torture. Cette politique a été exposée dans le document "Stratégie nationale contre la violence" décrivant en détail les mesures de coordination interinstitutions et les compétences respectives des différents organismes étatiques, dans l'optique d'un renforcement de la justice, ainsi que les actions à mener contre les différents auteurs de violence et en faveur de la défense et de la promotion des droits de l'homme.


Régime carcéral et pénitentiaire


37. Les personnes privées de liberté pouvant se trouver exposées à des conditions de détention attentatoire à leur dignité ainsi qu'à des pressions indues, le Congrès de la République a approuvé la loi No 65 de 1993 promulguant le Code pénitentiaire et carcéral qui a pour objet de régir l'application des mesures de sécurité ainsi que des peines privatives de liberté et des mesures de sûreté (art. 1).


38. Parmi les principes directeurs du Code figurent la légalité de la détention, l'égalité devant la loi, le respect de la dignité humaine, l'interdiction de peines comme l'interdiction de séjour, l'emprisonnement à perpétuité, la confiscation, etc., ainsi que la légalité de l'arrestation et de la détention.


39. Le Code indique en outre expressément quels établissements peuvent servir de lieux de détention et décrit l'affectation des différentes catégories d'établissements : maisons d'arrêt, maisons centrales, maisons d'arrêt et maisons centrales spéciales, prisons de femmes, prisons pour membres des forces armées, camps, maisons-prisons Casa-cárceles : maisons d'arrêt et de détention accueillant les auteurs d'infractions liées à des accidents de la circulation., centres de réadaptation et autres centres de détention mis en place dans le cadre du système pénitentiaire et carcéral.


40. Le nouveau système constitutionnel introduit des moyens de contrôle accrus, restreint la durée des périodes d'état d'exception et leur confère un caractère strictement provisoire tout en précisant les limites des pouvoirs du gouvernement et en garantissant expressément l'inviolabilité des droits fondamentaux; en effet, le mécanisme d'exception prévu dans l'article 121 de la Constitution de 1886 ne permettait pas de faire front de la manière la mieux adaptée aux nouveaux facteurs générateurs de violence.


41. La Constitution de 1991 a profondément transformé la notion d'état de siège par rapport à la Constitution de 1886, les principales modifications apportées étant les suivantes :


a) Des concepts clairs. Dans les nouvelles dispositions relatives à l'état de siège une distinction est établie entre état de guerre et état de troubles intérieurs, chacun ayant certaines conséquences précises et conférant à l'exécutif des pouvoirs distincts;


b) Durée. Une des principales avancées de la nouvelle Constitution est d'avoir fixé un cadre temporel précis : 90 jours pour la première proclamation, reconductible pour deux périodes de même durée - la dernière devant être soumise au préalable au sénat pour avis. Ainsi s'est trouvée abolie l'indétermination de la durée de l'état de siège qui se traduisait par l'instabilité institutionnelle et une insécurité juridique permanente. Dans la pratique, cette limitation dans le temps signifie que le pays, ou une partie, ne peut rester plus de 270 jours sous le régime d'exception; dans cet intervalle, le pouvoir exécutif est tenu de prendre les mesures nécessaires pour traiter efficacement l'origine du désordre;


c) Proportionnalité et connexité. Les mesures d'exception prises par le gouvernement doivent entretenir une relation de cause à effet avec les faits à l'origine du désordre; en d'autres termes, les effets des mesures prises doivent tendre objectivement à éliminer les racines du désordre interne. De plus, il faut qu'il y ait proportionnalité entre la menace et la mesure prise pour y faire face sinon s'ouvrirait la porte à d'éventuels abus de pouvoir;


d) Contrôle politique du Congrès. Le nouveau système constitutionnel renforce les mécanismes dont dispose le pouvoir législatif pour exercer un contrôle politique sur les décisions prises par le pouvoir exécutif en vertu des prérogatives que l'état d'exception attribue à ce dernier. En premier lieu, l'autorisation du Sénat de la République est nécessaire pour déclarer la guerre; en second lieu, aussi longtemps que dure l'état de guerre le Congrès conserve toutes ses attributions et peut à tout moment réexaminer ou abroger les décrets adoptés par le gouvernement en vertu des pouvoirs d'exception. S'il veut reconduire l'état de troubles intérieurs pour une seconde période de 90 jours, le pouvoir exécutif doit au préalable obtenir l'avis favorable du Sénat et le gouvernement est tenu de soumettre un rapport motivé au Congrès;


e) Contrôle juridique exercé par la Cour constitutionnelle. Le contrôle de la constitutionnalité de décrets législatifs, auparavant exercé par la Cour suprême de justice est à présent du ressort fonctionnel de la Cour constitutionnelle (paragraphe de l'article 215 de la Constitution);


f) Normalisation de la puissance publique. Une des caractéristiques les plus négatives du dispositif d'état de siège antérieur tenait à ce qu'il représentait une anomalie institutionnelle dans la mesure où le pouvoir exécutif empiétait sur les champs d'action et de compétences des autres pouvoirs, ce qui se traduisait par un déséquilibre manifeste entre les trois branches fondamentales de la puissance publique. La nouvelle Constitution stipule clairement que "le fonctionnement normal des branches de la puissance publique et des autres organes de l'Etat ne s'interrompra pas" (par. 3 de l'article 214 de la Constitution);


g) Responsabilité du pouvoir exécutif. On distingue deux niveaux de responsabilité : la responsabilité politique qui s'apprécie au regard du bien-fondé de la décision de proclamer l'état d'exception - elle retombe sur le Président et ses ministres; la responsabilité juridique qui retombe sur ces mêmes personnes ainsi que sur tous ceux qui pourraient se voir convaincus d'abus de pouvoir dans l'exercice des pouvoirs d'exception;


h) Non-suspension des droits de l'homme. La nouvelle Constitution interdit catégoriquement de suspendre les droits de l'homme et les libertés fondamentales pendant l'état d'exception. Etant donné que la Constitution n'énumère pas les droits qu'elle protège par cette interdiction, on peut en conclure que non seulement elle assure les garanties préconisées dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques en ce qui concerne l'état d'exception, mais va au-delà. S'ajoutant à cela, la Constitution fait obligation de respecter les normes du droit international humanitaire en période d'état de siège (art. 214 de la Constitution). De plus, les traités et accords internationaux consacrant les droits de l'homme et en interdisant la limitation en période d'état d'exception ayant primauté sur le droit interne (art. 93 de la Constitution), les décrets législatifs promulgués par le gouvernement doivent se conformer auxdits instruments. Il convient néanmoins de signaler qu'existent certaines dispositions restreignant ou limitant l'exercice des droits fondamentaux en période d'état d'exception mais qu'elles correspondent à la volonté des membres de l'Assemblée constituante puisqu'elles visent à protéger la communauté. Ainsi, en période d'état de guerre la restriction du droit de circuler librement sur le territoire national vise à protéger d'autres droits essentiels comme le droit à la vie et à l'intégrité physique;


i) Interdiction de traduire des civils devant des tribunaux militaires. Les civils ne sauraient faire l'objet d'une enquête ni être jugés par des tribunaux militaires. Cela revient à réaffirmer la doctrine du juge naturel et à répartir les compétences juridictionnelles dans le souci de garantir les droits de l'homme.


42. Par ailleurs, l'article 93 de la Constitution énonce la primauté des traités et accords internationaux relatifs aux droits de l'homme sur les normes du droit interne :


"Article 93. Les traités et accords internationaux ratifiés par le Congrès qui consacrent les droits de l'homme et en interdisent la limitation en période d'état d'exception priment sur la norme interne."
Les droits constitutionnels fondamentaux doivent s'envisager dans le contexte des traités relatifs aux droits de l'homme qu'a ratifiés le Congrès de la République.


43. Eu égard à cet état de choses et aux dispositions de la Convention américaine relative aux droits de l'homme (que la Colombie a adoptée par la loi No 16 de 1972) dans laquelle sont énumérés les droits ne pouvant faire l'objet d'une suspension - dont le droit à l'intégrité physique de la personne, il est permis de conclure qu'en Colombie aucun type de circonstance ne peut être invoqué pour justifier la torture.


44. L'article 91 de la Constitution de 1991 dispose :


"Article 91. En cas de violation manifeste d'un précepte constitutionnel au détriment d'une personne, l'ordre du supérieur ne supprime pas la responsabilité de l'agent qui l'exécute.
Cette disposition ne s'applique pas aux militaires en service. En ce qui les concerne, la responsabilité incombe uniquement au supérieur qui a donné l'ordre."
45. Ce texte, qui reprend l'article 21 de la Constitution de 1886, affirme qu'au regard de la Constitution toute autorité dont un agent commet effectivement une atteinte à un droit fondamental voit sa responsabilité juridique engagée dans toutes ses composantes (pénale, disciplinaire et civile ou administrative), la possibilité de faire valoir à décharge un ordre même licite reçu d'un supérieur étant exclue.


46. Pour des raisons d'ordre et de discipline militaire, il existe une exception à cette règle constitutionnelle pour les membres des forces armées se trouvant en service actif, la responsabilité du supérieur ayant donné l'ordre étant dans ce cas engagée. Toutefois, cette exception ne saurait s'entendre comme une justification de la torture puisque comme signalé le droit à l'intégrité physique est infrangible et ne peut en aucune circonstance faire l'objet d'une suspension.


47. A ce propos, la doctrine avance que les conditions suivantes doivent être réunies pour que cette exception soit applicable aux responsabilités incombant aux autorités publiques en vertu de la Constitution.


a) L'acte doit avoir été accompli en exécution d'un ordre militaire;


b) L'ordre doit avoir été donné et exécuté par des militaires en service;


c) L'ordre ne doit pas avoir été outrepassé;


d) L'ordre doit obligatoirement viser des actes en rapport avec le service, ce qui exclut par là même que l'objet puisse en être la commission d'une infraction. Pour un acte de torture cela revient à dire que se trouve engagée la responsabilité tant de la personne donnant l'ordre que de son exécutant.


48. Par ailleurs, parmi les raisons invocables pour justifier un acte punissable, le code pénal retient "l'accomplissement en exécution d'un ordre légitime émanant d'une autorité compétente dans le respect des formes légales" (art. 29). Selon la doctrine juridico-pénale, la légitimité de l'ordre s'apprécie pour l'essentiel au regard de sa licéité. En conséquence, un ordre n'est obligatoire et la responsabilité de son auteur n'est supprimée si et seulement si la teneur en est licite.


49. Telle est la condition sine qua non pour qu'un acte accompli par un inférieur en exécution d'un ordre perde son caractère délictueux.



Article 3


50. Au tout début (art. 11) du chapitre I de la Constitution, relatif aux droits fondamentaux, est affirmée l'inviolabilité du droit à la vie, après quoi est néanmoins prononcée l'interdiction des comportements qui en constituent la négation - disparition forcée, torture et traitements cruels ou dégradants, autant de fléaux contre lesquels on essaie de se prémunir en formulant des politiques et en veillant à l'application effective des mesures voulues pour empêcher et sanctionner ces actes attentatoires aux droits de l'homme.


51. En ce qui concerne les dispositions de la Convention relative à l'extradition, il convient de signaler que la Constitution colombienne interdit l'extradition des Colombiens de naissance et celle d'étrangers pour des infractions politiques ou d'opinion. Le Code pénal colombien stipule lui à l'article 17 que "L'extradition sera demandée, accordée ou proposée conformément aux dispositions des traités", les considérations figurant à l'article 3 de la Convention étant applicables.


52. Le Code pénal colombien dispose en outre qu'en l'absence de traités le gouvernement demandera, proposera ou accordera l'extradition conformément aux dispositions du Code de procédure pénale relatives aux relations avec les autorités étrangères qui fixent les mécanismes et procédures s'agissant de proposer ou d'accorder l'extradition.


53. Pour ce qui est des traités d'extradition en vigueur conclus par la Colombie, il convient de signaler que dans tous figurent, outre les dispositions relatives à leur objet et à leur but, des dispositions imposant le respect des garanties touchant la procédure; certains énoncent même expressément l'interdiction d'infliger des châtiments corporels à la personne extradée ou de lui appliquer la peine de mort.


54. Compte tenu de ce qui précède, la Colombie estime conformes aux dispositions de l'article 3 de la Convention contre la torture ses dispositions législatives et administratives applicables à l'extradition d'une personne (en y englobant l'expulsion ou la remise à un autre Etat) dans les cas où il est avéré que l'intéressé risque d'être soumis à la torture ou à une autre catégorie d'atteinte aux droits de l'homme.


55. L'article 17 du Code pénal colombien pose le mécanisme d'extradition :


"Article 17. Extradition. L'extradition est demandée, accordée ou proposée selon les dispositions des traités. En l'absence de traités, le gouvernement demande, propose ou accorde l'extradition conformément aux stipulations du Code de procédure pénale.
L'extradition des Colombiens est sujette aux dispositions des traités.
En aucun cas la Colombie ne propose l'extradition de ses nationaux ni n'accorde celle de personnes inculpées ou condamnées pour des infractions politiques."
56. L'article 35 de la Constitution de 1991 constitue une modification importante en la matière puisqu'il interdit l'extradition des Colombiens de naissance. Poursuivant une tradition juridique colombienne, la Constitution interdit en outre l'extradition d'étrangers pour cause d'infractions politiques ou d'opinion :


"Article 35. L'extradition de Colombiens de naissance est interdite. L'extradition d'étrangers pour des infractions politiques ou d'opinion n'est pas accordée.
Les Colombiens qui ont commis à l'étranger des infractions qualifiées comme telles dans la législation nationale sont inculpés et jugés en Colombie."
57. La Constitution écarte la possibilité d'extrader des Colombiens de naissance ou des étrangers quand il s'agit d'infractions politiques, dispositions conformes à ce que demande le paragraphe 1 de l'article 3 de la Convention. A ce propos, il y a lieu de renvoyer à la jurisprudence de la Cour suprême de justice (arrêt du 26 mai 1992 de la Chambre de cassation pénale) :


"Caractéristiques des infractions politiques. A partir de la comparaison entre infraction de droit commun et infraction politique dans leur dimension subjective, il a été affirmé à propos de la première que l'acte accompli l'est pratiquement toujours pour des motifs ignobles ou sous le coup de passions débridées, avec perversité ou aux fins de vengeance. Pour ce qui est de la seconde, les mobiles en sont à l'opposé pratiquement toujours politiques ou inspirés par l'intérêt commun; l'aspiration à une remise en cause des conditions économiques, politiques et sociales au sein de la collectivité est en règle générale le facteur déterminant de cette catégorie d'infraction.
Tels sont les traits caractéristiques de l'infraction de ce type, encore faut-il préciser :
1. Qu'elle donne toujours lieu à une attaque contre l'organisation politique et institutionnelle de l'Etat.


2. Qu'elle est exécutée dans la recherche d'un retentissement social et d'un effet politique aussi grands que possibles.


3. Qu'elle est commise, effectivement ou prétendument, au nom et pour le compte d'un groupe social ou politique.


4. Qu'elle est inspirée par des principes philosophiques, politiques ou sociaux déterminables.


5. Qu'elle est commise, effectivement ou prétendument, aux fins de revendication sociopolitique.


A l'évidence, l'infraction politique vise une entité juridique concrète sur laquelle l'acte se répercute ou contre laquelle il est dirigé : l'Etat en tant que personne politique ou institution politique. Certains estiment de cette nature les infractions dites contre l'existence et la sécurité de l'Etat et contre le régime constitutionnel.
Il est tout aussi clair que l'infraction politique possède un mode spécifique d'exécution, un mode opératoire qui n'en fait pas la typicité, mais y est étroitement lié : les répercussions, l'aspiration et la motivation dont en tout temps elle s'accompagne avec une absolue certitude. Ces traits tiennent à la recherche du champ de plus grand retentissement, au fait d'agir au nom d'un groupe social ou politique ou sous l'égide d'une dialectique de masse dans le but d'exprimer concrètement une revendication sociopolitique.
Il est en conséquence permis d'affirmer qu'outre la typicité inhérente à l'action, l'infraction politique a un objectif spécifique et un mode d'exécution particulier et caractéristique."
58. Outre ce qui précède, pour garantir le respect de cet article de la Convention, le Code de procédure pénale (Livre cinquième, titre I, chapitre III) fixe une procédure stricte habilitant le gouvernement national à proposer ou accorder l'extradition avec toutefois pour préalable un avis favorable de la Cour suprême de justice.


59. L'organe du gouvernement national chargé de statuer en la matière est le Ministère de la justice et du droit, mais chaque fois que la demande doit être effectuée par voie diplomatique ou, dans certains cas exceptionnels, par voie consulaire ou de gouvernement à gouvernement, le Ministère des relations extérieures doit rendre un avis précisant si les conventions ou usages internationaux sont applicables en l'occurrence ou s'il faut suivre les dispositions du Code de procédure pénale.



Article 4


60. Dans les observations relatives à l'article 2 de la Convention ont été exposées les normes constitutionnelles et légales en vigueur concernant la qualification et la répression du délit de torture, des renseignements actualisés étant fournis compte tenu de la Constitution politique de 1991 et du nouveau Code de procédure pénale.


61. L'article 279 du Code pénal, modifié par le décret No 180 de 1988, stipule :


"Article 279. Quiconque inflige à autrui une torture physique ou morale encourt une peine d'emprisonnement de cinq (5) à dix (10) ans, à moins qu'il ne s'agisse d'un délit passible d'une peine plus lourde."
62. En Colombie, une action pénale peut être engagée en cas de délit de torture même si le ou les auteurs ne peuvent, même indirectement, être rattachés à l'Etat. La loi peut être invoquée même si l'auteur du fait punissable n'est pas un fonctionnaire officiel.


63. Dans la législation colombienne, la torture est une infraction pénale traitée dans le chapitre concernant la protection du bien juridique que constitue l'autonomie de la personne, comprise comme le pouvoir d'autodétermination dans la sphère de la liberté personnelle.


64. La question de l'instigateur et des différentes formes de complicité a été abordée longuement par le Gouvernement colombien dans son premier rapport; aucune modification législative n'étant intervenue dans ce domaine il n'est pas nécessaire d'y revenir. Mais en ce qui concerne la juridiction compétente pour connaître des affaires de torture, mener l'enquête et sanctionner, il importe de noter que la législation colombienne établit une distinction entre l'acte de torture perpétré contre un citoyen ordinaire et un tel acte contre un dirigeant politique, un dirigeant de comité civique ou judiciaire, un journaliste, un enseignant universitaire, un permanent syndical, certains personnages publics ainsi que toute personne résidant sur le territoire national si l'acte de torture vise ses croyances ou opinions politiques ou partisanes. En effet, aux termes de l'article 71 du Code de procédure pénale concordant avec l'article 4 du décret No 2266 de 1991, c'est la juridiction dite régionale (fiscales et juges régionaux en première instance, Tribunal national en seconde instance) qui est compétente pour les délits de torture commis contre les personnes appartenant à certaines catégories que la loi classe à part en raison de leur activité publique, politique ou professionnelle; la peine encourue est de 15 à 25 ans d'emprisonnement (art. 8 du décret No 2790 de 1990). Pour ce qui est des actes de torture commis contre la personne des autres catégories de citoyens, les poursuites sont du ressort des juridictions ordinaires (Fiscales seccionales et juges itinérants en première instance, tribunaux supérieurs de circonscription judiciaire en seconde instance).


65. Il convient de signaler que la plupart des affaires de torture ne font pas l'objet d'une action spécifique mais sont instruites dans le cadre de poursuites pénales engagées pour des délits tels que homicide, enlèvement, etc. Cet état de fait tient pour l'essentiel aux difficultés d'ordre conceptuel que soulève la torture puisqu'à l'évidence dans la plupart des cas c'est un moyen auquel on recourt à une certaine fin (obtention d'informations ou d'un aveu) et non une fin en soi.


66. En ce qui concerne la répression de la torture, il importe de faire ressortir le souci du normateur de fixer une peine proportionnée à la gravité de la douleur corporelle ou du tourment mental infligé, comme en atteste l'alourdissement sensible de la peine enregistrée au fil des ans : le décret-loi No 100 de 1980 (promulguant le Code pénal) affectait au délit de torture une peine d'emprisonnement de un à trois ans; par la suite, l'article 24 du décret législatif No 180 de 1988 a aggravé la peine en la portant à une fourchette de cinq à dix ans d'emprisonnement; enfin, l'article 8 du décret No 2790 de 1990 stipule que l'infraction pénale que constitue la torture - pour laquelle la juridiction régionale est compétente - est sanctionnée d'une peine d'emprisonnement allant de 15 à 25 ans et d'une amende comprise entre 50 et 200 mois de salaire minimum garanti.



Article 5


67. L'article 5 de la Convention a pour objet essentiel de veiller à ce que soit établie une juridiction compétente pour réprimer la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. La détermination de la compétence est un sujet étroitement lié à la notion juridique de sphère d'application de la loi pénale. A ce propos, il convient de mentionner que la loi pénale colombienne précise clairement sa sphère d'application spatiale en se référant en la matière à la territorialité, ce dans l'article 13 du Code pénal qui stipule :


"Article 13. La loi pénale colombienne s'applique à toute personne qui l'enfreint sur le territoire national, sauf exceptions consacrées par le droit international.
Le fait punissable est réputé commis :


1. A l'endroit où l'acte a eu lieu en totalité ou en partie.


2. A l'endroit où l'acte aurait dû se produire.


3. A l'endroit où s'est produit ou aurait dû se produire le résultat."


68. La notion centrale en la matière est le "territoire", notion que la doctrine a développée, en précisant sa portée juridique à savoir : toute portion de l'espace et l'ensemble des choses sur lesquels l'Etat exerce son autorité. Cette sphère d'application se décompose donc en deux :


a) La portion de l'espace :


i) Le sol et le sous-sol du territoire;


ii) La mer continentale et les eaux territoriales;


iii) L'espace aérien;


b) L'ensemble des choses :


i) Les navires de l'Etat et les navires privés battant pavillon colombien;
ii) Les aéronefs de l'Etat et les avions privés immatriculés en Colombie.
69. La sphère d'application de la loi pénale colombienne est un principe découlant de l'article 4 de la Constitution dont la seconde partie énonce l'obligation de se conformer à l'ordre juridique colombien :


"... Les nationaux et les étrangers se trouvant en Colombie sont tenus de se conformer à la Constitution et aux lois, ainsi que de respecter les autorités et de leur obéir."
70. De plus, l'article 95 de la Constitution énonce les devoirs des citoyens, dont il convient de souligner les suivants :


"... Toute personne est tenue d'observer la Constitution et les lois.
Sont des devoirs de la personne et du citoyen :


1. Respecter les devoirs d'autrui et ne pas abuser des siens propres.
2. Oeuvrer conformément au principe de solidarité sociale.
3. Respecter et soutenir les autorités démocratiques."
71. Enfin, l'article 57 du Code politique et municipal stipule :


"Les lois lient tous les habitants du pays, y compris les étrangers, qu'ils y soient domiciliés ou de passage, sous réserve, en ce qui concerne ces derniers, des droits que leur reconnaissent les traités internationaux."
72. A l'alinéa a) de l'article 5 de la Convention, il est en outre dit que tout Etat doit faire le nécessaire pour établir sa compétence aux fins de connaître des infractions commises sur tout territoire sous sa juridiction ou à bord d'aéronefs ou de navires qui y sont immatriculés. La législation colombienne a donné effet à cette disposition de la Convention puisque l'article 14 du Code pénal pose la notion de "territorialité étendue" définie dans les termes suivants :


"La loi pénale colombienne s'applique à toute personne commettant une infraction à bord d'un navire ou aéronef national de guerre se trouvant en dehors du territoire national.
Elle s'applique également à quiconque commet une infraction à bord de tout autre navire ou aéronef national se trouvant en haute mer lorsqu'aucune action pénale n'a été engagée dans un autre pays."
73. Enfin, les paragraphes 2 à 6 de l'article 15 du Code pénal affirment la notion d'extraterritorialité de la loi pénale colombienne conformément aux dispositions des alinéas b) et c) du paragraphe 1, ainsi que du paragraphe 2 de l'article 5 de la Convention contre la torture :


"Article 15. Extraterritorialité. La loi pénale colombienne s'applique :
1. A toute personne qui commet, à l'étranger, une infraction contre l'existence ou la sécurité de l'Etat, contre le régime constitutionnel, contre l'ordre économique et social, contre la santé publique, contre l'administration publique ou qui falsifie la monnaie nationale, un document de crédit public, un papier timbré ou un cachet officiel, même si elle a été acquittée ou condamnée à l'étranger à une peine inférieure à celle que prévoit la législation colombienne.
En tout état de cause, la durée de l'emprisonnement subi à l'étranger entre en ligne de compte dans l'application de la peine.
2. A toute personne au service de l'Etat colombien et jouissant d'immunités reconnues par le droit international, qui commet une infraction dans un autre pays.
3. A toute personne au service de l'Etat colombien et ne jouissant pas d'immunités reconnues par le droit international, qui commet dans un autre pays une infraction autre que celles visées au paragraphe 1 ci-dessus, et pour laquelle elle n'a pas été jugée dans un autre pays.
4. A tout national qui, en dehors des cas prévus dans les paragraphes précédents, se trouve en Colombie après avoir commis, dans un autre pays, une infraction pour laquelle il encourt, d'après la loi colombienne, une peine privative de liberté d'au moins deux ans et pour laquelle il n'a pas été jugé dans un autre pays.
Si la peine encourue est inférieure, il ne sera pas engagé d'instance sauf en cas de plainte ou de requête émanant du Procureur général de la nation.
5. A tout étranger qui, en dehors des cas prévus plus haut aux paragraphes 1, 2 et 3, se trouve en Colombie après avoir, dans un autre pays, commis contre l'Etat ou un national colombien une infraction que la loi colombienne sanctionne d'une peine privative de liberté d'au moins deux ans et pour laquelle il n'a pas été jugé dans un autre pays.
Dans ce cas, des poursuites ne seront engagées que sur plainte d'une partie ou à la demande du Procureur général de la nation.
6. A tout étranger qui a commis, dans un autre pays, une infraction contre un autre étranger si les conditions suivantes sont réunies :
a) L'intéressé se trouve sur le territoire colombien;
b) L'infraction est punie en Colombie par une peine privative de liberté d'au moins trois ans;
c) Il ne s'agit pas d'une infraction politique;
d) L'extradition demandée n'a pas été accordée par le Gouvernement colombien. Si l'extradition n'est pas acceptée aucune poursuite pénale n'est engagée.
Dans ce cas, des poursuites ne sont engagées que sur plainte ou à la demande du Procureur général de la nation, sous réserve que l'infraction n'ait pas été jugée dans un autre pays."
74. A propos de cette norme, la doctrine considère que le paragraphe 2 développe le principe de "personnalité par voie active", puisqu'elle prévoit l'application de la loi pénale du pays à une personne au service de l'Etat bénéficiant d'immunités qui commet une infraction attentatoire aux intérêts juridiques de citoyens colombiens ou étrangers (cas de la torture), de l'Etat colombien ou d'une quelconque autre entité étatique. Cette disposition n'est guère logique puisque les immunités dont jouit la personne en cause interdisent qu'elle soit soumise à la loi pénale de l'Etat où l'infraction a été commise, à plus forte raison s'il s'agit d'un national colombien. Cela étant, si l'individu pour lequel sont réunies les conditions requises est un étranger, on invoque "le principe réel ou de défense" puisque l'application de la loi nationale a pour objet de protéger les intérêts de l'Etat.


75. Le paragraphe 3 affirme également le principe de "personnalité par voie active" en postulant l'applicabilité de la loi pénale à toute personne - qu'elle soit de nationalité colombienne ou non - ne jouissant pas de l'immunité diplomatique qui commet une infraction autre que celles visées au paragraphe 1 (cas de la torture). A l'évidence, si la personne est étrangère, le droit pénal colombien s'applique en vertu du "statut réel ou de défense", d'où le membre de phrase "et pour laquelle elle n'a pas été jugée dans un autre pays".


76. Le paragraphe 4 stipule que la loi pénale colombienne est applicable à un Colombien se trouvant sur le territoire national après avoir commis à l'étranger une infraction sanctionnée par une peine privative de liberté d'au moins deux ans (une peine privative de liberté d'au moins cinq ans est encourue pour un acte de torture), et pour laquelle il n'a pas été jugé dans un autre pays.


77. Le "principe réel ou de défense" est développé au paragraphe 5, qui dispose que la loi pénale colombienne est applicable à un étranger qui, après avoir commis un acte attentatoire aux biens juridiques de l'Etat ou de ses nationaux pour lequel il encourt une peine privative de liberté supérieure à deux ans (cas de la torture) se trouve sur le territoire sans avoir été jugé dans un autre pays. De plus, il est indispensable qu'une partie porte plainte ou que le Procureur général de la nation formule une demande.


78. Enfin, le paragraphe 6 fait place au "principe de juridiction universelle" qui protège les intérêts des autres nations et de la communauté internationale dans les cas où elles ont subi un préjudice de la part d'un étranger se trouvant sur le territoire colombien, à condition qu'il ne s'agisse pas d'une infraction politique. Dans ce cas également, il faut qu'une partie porte plainte ou que le Procureur général de la nation formule une demande, et en plus que l'extradition ait été refusée par le Gouvernement colombien.



Article 6


79. L'article 256 du Code pénal militaire vise les actes de torture physique et morale, stipulant :


"Quiconque inflige à autrui une torture physique ou morale encourt une peine d'emprisonnement de un à trois ans, à moins qu'il ne s'agisse d'un délit passible d'une pleine plus lourde."
80. Le premier paragraphe de l'article 169 du titre "Infractions au droit international" du Code pénal militaire en vigueur (décret No 2550 de 1988) classe parmi les atteintes au droit international "obliger un prisonnier de guerre à combattre contre son pays ou le soumettre à des pressions physiques ou morales ...".


81. La directive ministérielle No 007 de 1993 adoptée par le Ministre de la défense nationale pour réglementer le fonctionnement des unités contre les enlèvements et l'extorsion de fonds (UNASE) comporte une partie relative à la procédure d'arrestation (par. 14 et suivants), où est énoncée l'obligation d'informer la personne capturée ou arrêtée en flagrant délit des droits que lui reconnaissent la Constitution et la loi ainsi que d'établir un procès-verbal établissant que ses droits ont été notifiés à la personne appréhendée.


82. Dans la communication No 4150-MDEPSG-725 du 9 mai 1994, en application des instructions du Ministre de la défense le Secrétariat général a émis des instructions tendant à renforcer le système de défense des droits de l'homme au sein de cette institution. Par la directive permanente No 018 en date du 25 mai 1994, le Ministère de la défense nationale a décidé de restructurer et renforcer son Bureau des droits de l'homme ainsi que de créer des bureaux analogues au sein des forces armées.


83. Par la directive permanente No 100-3 du 3 juin 1994, le Commandement général des forces armées a diffusé des instructions concernant la création au sein des forces armées de bureaux chargés des droits de l'homme ayant pour objet de mettre en place des structures et d'optimiser la coordination dans ce domaine. Par la directive provisoire No 029 du 30 septembre 1994, ont été émises des instructions concernant le lancement d'une campagne spéciale au sein des forces armées, sous la conduite du Ministère de la défense et en coordination avec le Conseil présidentiel pour la défense, la promotion et la protection des droits de l'homme; cette campagne avait pour but de mettre un terme à tout type d'abus ou de violation de la part des personnels en uniforme et de renforcer les programmes éducatifs à leur intention visant à enraciner profondément en eux les valeurs devant les guider dans l'accomplissement de leurs fonctions et en dehors.


84. En ce qui concerne l'extradition - comprise comme l'acte par lequel un Etat livre une personne à un autre Etat qui la requiert afin de la traduire devant un tribunal pénal si elle n'a pas encore été jugée et condamnée -, comme déjà signalé la Constitution ne reconnaît que l'extradition des étrangers et interdit donc l'extradition des Colombiens de naissance :


"Article 35. L'extradition de Colombiens de naissance est interdite. L'extradition d'étrangers pour des infractions politiques ou d'opinion n'est pas accordée.
Les Colombiens ayant commis dans un autre pays des infractions qualifiées comme telles dans la législation nationale sont inculpés et jugés en Colombie."

Article 7


85. Le gouvernement national est investi du pouvoir discrétionnaire de proposer ou d'accorder l'extradition d'une personne condamnée ou inculpée à l'étranger; ce pouvoir ne constitue nullement un moyen de protéger des accusés ni un mécanisme d'impunité. L'article 25 du Code de procédure pénale énonce l'obligation pour tout habitant du territoire colombien âgé de plus de 18 ans de dénoncer aux autorités les faits punissables dont il a connaissance et dispose par ailleurs qu'il y a lieu d'enquêter d'office sur les infractions qui, comme la torture, ne figurent pas dans la liste des infractions réclamant le dépôt d'une plainte par une partie énumérées à l'article 33 du code. S'agissant des agents de l'Etat, statut que possèdent les personnes intervenant dans la procédure d'extradition, ce devoir signifie mettre en route sans tarder l'enquête si elle est dans leur domaine de compétence ou bien informer l'autorité compétente.


86. Outre les interdictions signalées découlant de la Constitution, l'article 565 du Code de procédure pénale stipule qu'il n'y a pas lieu d'extrader si la personne dont l'extradition est demandée fait l'objet d'une enquête ou a déjà été jugée en Colombie pour la même infraction.


87. Le droit de défense peut être exercé par l'inculpé lui-même ou par l'intermédiaire de son défenseur, comme le stipule l'article 567 du Code de procédure pénale :


"Article 567. Droit de défense. Dès que la procédure d'extradition est engagée, l'intéressé aura le droit de choisir un défenseur ou, s'il ne le fait pas, un défenseur sera désigné d'office."
88. La procédure comporte en outre des garanties destinées à assurer les conditions d'un jugement juste et impartial dans le plein respect de ses dispositions :


"Article 556. Procédure. Une fois le dossier reçu par la Cour, il est communiqué à l'intéressé, ou à son défenseur, qui dispose de dix jours pour rassembler les preuves qu'il juge nécessaires. A l'expiration de ce délai, l'examen des preuves s'ouvre pour une période de dix jours à laquelle vient s'ajouter le temps nécessaire pour produire les preuves demandées et celles que la Cour estime indispensables pour se prononcer.
Une fois les preuves produites, le dossier est déposé au greffe pour cinq jours aux fins de contestation.
Article 557. Avis de la Cour. A l'expiration du délai susmentionné, la Cour rend son avis.
Le gouvernement est lié par un avis défavorable de la Cour suprême de justice mais en cas d'avis favorable à l'extradition, il est libre de se déterminer compte tenu des considérations d'ordre national.
Article 558. Fondements. La Cour fonde son avis sur : la validité quant à la forme des documents produits; l'établissement sans réserve de l'identité de l'intéressé; le principe de la double incrimination; l'équivalence de la mesure judiciaire étrangère; le cas échéant, les dispositions des traités internationaux.
Article 559. Décision de refuser ou d'accorder l'extradition. Une fois reçu le dossier accompagné de l'avis de la Cour suprême de justice, le Ministère de la justice a cinq jours pour décider d'octroyer ou de refuser l'extradition demandée."
Il convient d'ajouter que les recours qualifiés de "voie gouvernementale" dans la législation colombienne sont opposables à une telle décision et constituent un préalable à un éventuel recours en nullité devant la juridiction du contentieux administratif.


89. Pour ce qui est des infractions contre l'autonomie de la personne, au Chapitre 3 du Code pénal colombien (art. 279) il est stipulé :


"Article 279. Torture. Quiconque inflige à autrui une torture physique ou morale encourt une peine d'emprisonnement de un (1) à trois (3) ans, à moins qu'il ne s'agisse d'un délit passible d'une peine plus lourde."
Le Code pénal militaire reprend les mêmes dispositions pour cette infraction.


90. Compte tenu de ce qui précède, il est permis de conclure qu'en conformité avec l'article 7 de la Convention, les dispositions juridiques en vigueur en Colombie font de la torture une infraction tant devant les juridictions ordinaires que militaires. D'autre part les dispositions relatives à la tentative et à la complicité sont celles applicables à toutes les infractions définies dans la législation colombienne. Ces dispositions élargissent la portée des infractions pénales en visant le comportement précédant la conduite incriminée, dans le cas de la tentative, ou l'hypothèse dans laquelle plusieurs personnes participent à l'acte dans le cas de la complicité.


91. Pour ce qui a trait aux garanties relatives à la procécure et au droit à un traitement équitable à tous les stades de la procédure, la loi colombienne prend pour point de départ les principes directeurs (fondés sur la Constitution) applicables aux différentes catégories d'instances judiciaires et administratives, à savoir :


a) Procédure régulière. Nul ne peut être jugé si ce n'est en vertu de lois antérieures à l'acte incriminé, ce devant un juge ou un tribunal compétent et dans le respect des formes applicables aux différents types d'instance;


b) Présomption d'innocence. Toute personne est présumée innocente et doit être traitée comme telle aussi longtemps que n'a pas été rendue une décision judiciaire sur sa responsabilité pénale;


c) Droit de défense. Tout inculpé a le droit de se défendre et d'être aidé par un avocat de son choix, ou commis d'office;


d) Reconnaissance de la dignité humaine. Toute personne a le droit d'être traitée avec le respect dû à la dignité inhérente à la personne humaine;


e) Habeas corpus. Peut y recourir toute personne privée de liberté en violation des garanties constitutionnelles ou juridiques ou dont la détention se prolonge illégalement;


f) Prééminence de la loi. Dans leurs décisions, les fonctionnaires judiciaires ne sont liés que par les dispositions de la Constitution et de la loi;


g) Chose jugée. La personne dont la situation a été jugée de façon définitive par une décision judiciaire dûment exécutoire ne peut être poursuivie de nouveau pour le même fait;


h) Double instance. Toute décision judiciaire pourra être contestée devant une juridiction supérieure, la peine infligée ne pouvant être aggravée si le condamné est seul à faire appel.


92. Ces principes étant énoncés et appliqués en tant que tels dans le cadre des affaires pénales, le Gouvernement colombien estime se conformer à l'intégralité de l'article 7 de la Convention.



Article 8


93. La Colombie a signé des traités d'extradition, tant bilatéraux que multilatéraux. Sont en vigueur les instruments ci-après :


- Accord d'extradition réciproque entre la Nouvelle-Grenade et la République française, signé à Bogota le 9 avril 1850;


- Traité d'extradition avec la Grande-Bretagne, signé à Bogota le 27 octobre 1888;


- Accord d'extradition avec l'Espagne, signé à Bogota le 23 juillet 1892;


- Accord d'extradition, signé à Caracas (Venezuela) le 18 juillet 1911, à l'occasion du Congrès bolivarien;


- Accord d'extradition avec la Belgique, signé à Bruxelles le 21 août 1912;


- Traité additionnel à l'Accord d'extradition avec la Belgique du 21 août 1912, signé à Bogota le 21 novembre 1931;


- Traité additionnel à l'Accord d'extradition avec la Belgique du 21 août 1912, signé à Bogota le 24 février 1959;


- Traité d'extradition avec le Chili, signé à Bogota le 16 novembre 1914;


- Traité d'extradition avec le Panama, signé à Panama le 24 décembre 1927;


- Traité d'extradition avec le Costa Rica, signé à San José de Costa Rica le 7 mai 1928;


- Traité d'extradition avec le Mexique, signé à Mexico le 12 juin 1928;


- Accord complémentaire au Traité d'extradition avec la Grande-Bretagne, signé à Bogota le 2 décembre 1929;


- Traité d'extradition avec le Nicaragua, signé à Managua le 25 mars 1929;


- Traité d'extradition avec Cuba, signé à La Havane le 2 juillet 1932;


- Accord d'extradition conclu à Montevideo (Uruguay) le 26 décembre 1933, lors de la septième Conférence internationale des Etats américains;


- Traité d'extradition avec le Brésil, signé à Rio de Janeiro le 28 décembre 1938;


- Traité d'extradition avec les Etats-Unis d'Amérique, signé à Washington le 14 septembre 1979.


94. Dans le rapport initial qu'elle a présenté en application de la Convention, la Colombie a donné des renseignements sur les traités tant bilatéraux que multilatéraux en vigueur à laquelle elle est partie. Au cours de la période à l'examen l'Etat colombien n'a négocié ni conclu aucun traité d'extradition.



Article 9


95. Les relations que les autorités colombiennes entretiennent avec les autorités étrangères pour tout ce qui touche à l'application de la loi pénale et à la coopération judiciaire en général sont régies par les dispositions des traités, les accords internationaux, les accords entre gouvernements, les usages internationalement reconnus et, dans les cas non couverts par eux ou en l'absence de dispositions, par le Code de procédure pénale.


96. La conclusion d'accords concernant diverses branches du droit contribue sans conteste à rendre plus transparente et plus efficace l'action des institutions chargées de procurer à la société les instruments nécessaires pour régir les relations entre les particuliers, ou entre ces derniers et l'Etat. Dans le domaine pénal à proprement parler, la coopération judiciaire constitue un des principaux mécanismes propres à faciliter l'action de la justice en Colombie comme dans les autres pays.


97. Eu égard à la dynamique de la délinquance, il est impérieux que les pays réagissent rapidement et gardent en perspective la nécessité d'actualiser et de conforter les efforts de coopération et d'entraide judiciaire aux niveaux tant bilatéral que multilatéral.


98. Il existe un substrat juridique sur lequel repose la conduite des relations internationales pour tout ce qui touche à l'application de la loi pénale (matière traitée par le Code pénal colombien) mais un système de coopération internationale structurée mettant en jeu des instruments bilatéraux et multilatéraux dans ce domaine ne peut que conférer davantage de souplesse à la justice et à en accroître les ressources grâce à un échange rapide et effectif de renseignements et de preuves, éléments fondamentaux pour le jugement des délinquants par les autorités des différents Etats.


99. En accompagnement des efforts internationaux sur le plan intérieur, le Gouvernement colombien a mis en oeuvre les sept stratégies suivantes ayant pour finalité de renforcer l'adhésion de la population au système judiciaire : élargissement du rôle des juges de paix; déjudiciarisation; approfondissement des méthodes autres de règlement des conflits; aide judiciaire populaire; développement des recours constitutionnels (appelés action populaire et action en application); démocratisation de l'information juridique (loi et jurisprudence); création de maisons de la justice. Toutes ces stratégies assurent un contact étroit avec la communauté.


100. De même, afin de renforcer la participation des citoyens au processus de modernisation de la justice colombienne, le gouvernement s'attache à favoriser le développement d'organisations non gouvernementales ayant pour but spécifique d'apporter un appui dans le secteur judiciaire, d'en assurer le suivi et de réaliser des études techniques destinées à améliorer l'efficacité et l'accessibilité de la justice.


101. Toutes ces initiatives s'inscrivent dans le cadre du plan dit "Justice pour les gens", ensemble de propositions concernant le développement spécifique des différentes institutions du secteur; ce plan complète le plan national de développement pour la période 1994-1998.



Article 10


102. Le Code de procédure pénale militaire comporte des dispositions précises concernant le recueil des témoignages; l'article 532 interdit tout recours à la violence visant à obliger une personne à faire une déposition et l'article 594 garantit à l'inculpé le droit de déposer sans être soumis à aucune contrainte et sans avoir à prêter serment, conformément à l'exigence d'une procédure régulière, norme constitutionnelle qu'énonce l'article 28 de la Constitution.


103. En outre, le Commandement général des forces armées a édicté à l'intention des unités subalternes des directives d'instruction relatives aux mesures concernant les droits de l'homme prises par la Présidence de la République :


1. Directive présidentielle No 3, du 3 mai 1993


Sujet Sécurité pour les gens


Finalité Responsabilité des organismes de l'Etat dans la mise en oeuvre de la deuxième phase de la stratégie nationale contre la violence.


2. Directive permanente No 100-6 CGFM-EMCD1-J-572, du 22 septembre 1994


Sujet Instructions relatives aux droits de l'homme


Finalité Exposer les aspects fondamentaux des droits de l'homme et diffuser des instructions tendant à renforcer les programmes relatifs à la connaissance et au respect des droits de l'homme par les membres des forces armées.


3. Circulaire No 85272-CEDE5-DH-345, du 5 avril 1994
Sujet Conduite face aux actes subversifs


Finalité Conduite à adopter face aux infractions que les groupes subversifs ne cessent de commettre contre des membres de l'Institution et de la population civile.


4. Directive provisoire No 100-2 CGFM-EMCD1-571, du 13 mai 1994
Sujet Campagne de familiarisation aux droits de l'homme


Finalité Emettre des instructions concernant le déroulement de la campagne de familiarisation devant être lancée par le Commandement général des forces armées dans le but de populariser les programmes visant à promouvoir la connaissance et le respect des droits de l'homme par les membres des forces armées.


5. Communication No 003354-EMCD1-DH-725, du 20 mai 1994
Sujet Système de coordination dans le domaine des droits de l'homme


Finalité Système de coordination dans le domaine des droits de l'homme destiné à diffuser des instructions visant à renforcer la défense des droits de l'homme à l'intention des membres de l'Institution exposés à la subversion et à la délinquance.


6. Directive permanente No 018 MDN-ASP-725, du 25 mai 1994
Sujet Création de bureaux des droits de l'homme au sein des forces armées et restructuration et élargissement des bureaux existants


Finalité Restructurer et élargir le Bureau des droits de l'homme du Ministère de la défense et créer de tels bureaux au sein des forces armées afin de mettre en place des capacités et d'optimiser la coordination des activités dans ce domaine.


7. Directive permanente No 100-3-CGFM-EMCD1-DH-725, du 3 juin 1994
Sujet Création de bureaux des droits de l'homme


Finalité Diffuser des instructions concernant la création de bureaux des droits de l'homme au sein des forces armées aux fins de mettre en place des capacités et d'optimiser la coordination des activités dans ce domaine.


8. Directive provisoire No 0023 MDN-ASP-725, du 6 juillet 1994
Sujet Séminaire directif sur la justice militaire et les droits de l'homme


Finalité Formuler des instructions concernant le déroulement du "Séminaire directif sur la justice militaire et les droits de l'homme" organisé par le Ministère de la défense nationale (25-29 juillet 1994) à l'intention du personnel des forces armées et de la police nationale et des membres des organismes gouvernementaux.


9. Directive provisoire No 021-CGFM-CEFLU-336, du 14 juillet 1994
Sujet Plan d'instruction dans le domaine des droits de l'homme


Finalité Donner des ordres concernant l'instruction dans le domaine des droits de l'homme.


10. Directive permanente No 073-COFAC-IGEFA-725, du 29 août 1994
Sujet Création de bureaux des droits de l'homme


Finalité Diffuser des instructions relatives à la création de bureaux chargés des droits de l'homme au sein de l'armée de l'air afin de mettre en place des capacités et d'optimiser la coordination des activités dans ce domaine.


11. Directive provisoire No 028-MDFN-514, du 30 septembre 1994


Sujet Campagne pour le respect des droits de l'homme


Finalité Diffuser des instructions concernant le déroulement au sein des forces armées d'une campagne spéciale lancée par le Ministère de la défense en coordination avec le Conseil présidentiel pour la défense, la promotion et la protection des droits de l'homme ayant pour but de mettre un terme à tout type d'abus ou de violation de la part des personnels en uniforme ainsi que de renforcer les programmes éducatifs tendant à enraciner profondément les principes et valeurs devant guider tout agent en uniforme dans l'accomplissement de ses fonctions et en dehors.


12. Circulaire No 18260-CG-ING-DH-725, du 27 mars 1995
Sujet Fonctionnement des bureaux des droits de l'homme


Finalité Mise en oeuvre par les commandants des différentes armes d'activités efficaces touchant la sensibilisation, la préparation des cadres et l'organisation des bureaux destinées à prévenir les atteintes aux normes fondamentales énoncées aux articles 93, 94 et 222 de la Constitution colombienne.



Article 11


104. Le Conseil présidentiel pour la défense, la protection et la promotion des droits de l'homme poursuit son oeuvre pédagogique visant à instituer une culture des droits de l'homme basée sur le respect des libertés fondamentales et des garanties relatives aux droits fondamentaux de la personne humaine. La Constitution de 1991 fait par ailleurs du Bureau du Défenseur du peuple l'organe d'Etat directement chargé de vulgariser les droits de l'homme, cette fonction étant assurée par la Direction nationale de la promotion et de la vulgarisation des droits de l'homme dudit bureau. La Direction a pour mission de faire connaître les droits de l'homme dans les divers secteurs de l'Etat et de la société civile ainsi que de fournir des conseils et des renseignements sur l'exercice et la défense de ces droits à toutes les personnes vivant sur le territoire colombien.


105. Pour s'acquitter de la fonction lui incombant en vertu de la Constitution, le Bureau du Défenseur du peuple a notamment conçu le "Programme de formation aux droits de l'homme à l'intention des agents de l'Etat". Son objectif est d'inculquer aux agents de l'Etat les connaissances théoriques et pratiques indispensables pour assurer la bonne observation des normes relatives à la reconnaissance, la protection et l'application des droits de l'homme. Des cours spécifiques ont été élaborés à l'intention des groupes de fonctionnaires suivants : les représentants (médiateurs) municipaux (personeros municipales) et le personnel en dépendant; les membres de la force publique; les agents chargés de la surveillance dans les établissements pénitentiaires. Ces cours s'articulent autour de trois grands axes :


a) Concepts de base : notions, exercice et champ des droits de l'homme;


b) Aspects constitutionnels des droits de l'homme;


c) Droit international des conflits armés.



Article 12


106. Dans la partie du Code de procédure pénale relative à l'action pénale, la mise en mouvement de cette action est attribuée exclusivement à l'Etat, par l'intermédiaire de la Fiscalía General de la Nación au stade de l'enquête, et des juges compétents durant la phase publique du procès :


"Article 25. Mise en mouvement de l'action pénale. L'action pénale à pour source l'Etat et elle s'exerce exclusivement par l'intermédiaire de la Fiscalía General de la Nación au stade de l'enquête, et des juges compétents au stade du jugement, ce dans les conditions fixées dans le présent code. Dans certains cas exceptionnels, elle peut être exercée par le Congrès."
107. Les fonctionnaires compétents pour connaître des affaires pénales sont tenus d'engager une action pénale quand la commission d'un quelconque fait punissable est portée à leur connaissance par l'un quelconque des moyens suivants : dénonciation, plainte, rapport, note confidentielle, rumeur publique, connaissance personnelle ou tout autre moyen.


108. L'ouverture d'une enquête pénale pour délit de torture n'exige pas le dépôt d'une plainte par une partie, ce qui revient à dire que le fonctionnaire judiciaire est tenu de lancer d'office une enquête lorsque la survenance d'une telle infraction est portée à sa connaissance d'une manière ou d'une autre.



Article 13


109. Dans les deux derniers rapports relatifs aux droits de l'homme présentés par la Procurature générale de la nation, il est signalé que vu la gravité de cette infraction les plaintes pour torture font l'objet d'un examen très attentif eu égard à la multiplicité des circonstances se trouvant à la limite entre le simple mauvais traitement et la torture proprement dite qui rend extrêmement difficile à l'enquêteur de déterminer s'il s'agit d'une affaire de coups et blessures ou véritablement d'un acte de torture. En tout état de cause, les enquêtes préliminaires visant à établir les faits et l'identité des auteurs sont du ressort du Bureau des enquêtes spéciales, service de la Procurature exerçant des fonctions de police judiciaire doté de personnel qualifié pour la conduite de ce type d'enquête.


110. Il importe de noter que les plaintes pour torture constituent le groupe de plaintes en rapport avec les droits de l'homme déposées par les citoyens auprès du Ministerio Público ayant enregistré la plus forte augmentation, avec une progression d'au moins 23 % des affaires signalées sur la période 1993-1994 par rapport à 1992 - comme cela ressort de l'analyse des données figurant dans le dernier rapport sur les droits de l'homme soumis par cet organe de contrôle. A ce propos il y a lieu de souligner que selon les renseignements figurant dans la banque de données pour les droits de l'homme du Centre d'investigation et d'éducation populaire (CINEP), de janvier à octobre 1994, 21 cas de tortures ont été signalés dans le pays.


111. Pour ce qui est des mesures de protection que les Etats parties se sont engagés à adopter pour protéger quiconque porte plainte pour torture ou dénonce un acte de torture ainsi que les témoins, en vertu du décret No 2699 de 1991 c'est la Fiscalía General de la Nación qui en est chargée, par l'intermédiaire de son Bureau de la protection des victimes et des témoins.


112. La loi No 1044 du 30 décembre 1993 a créé le "Programme pour la protection des témoins, des victimes, des intervenants dans la procédure et des fonctionnaires de la Fiscalía General de la Nación" dans le cadre duquel "une protection intégrale et une aide sociale leur sont accordées de même qu'aux parents jusqu'au quatrième degré de consanguinité et aux alliés au premier degré et aux personnes liées au premier degré civil, ainsi qu'à leur conjoint, à sa compagne (compagnon) permanent(e), s'ils sont exposés à un risque d'agression ou si leur vie est menacée en raison ou à l'occasion de leur intervention dans une instance pénale" (art. 63). Les personnes couvertes par ce programme sont admises au bénéfice d'une protection physique, d'une aide sociale, d'un changement d'identité et de domicile, et de diverses autres mesures provisoires ou permanentes destinées à garantir de manière adéquate la préservation de leur intégrité physique et morale ainsi que celle de leur famille. Si les circonstances l'exigent, la protection pourra donner lieu à un transfert à l'étranger, les frais de déplacement et connexes étant pris en charge pour la durée et dans les conditions fixées par la Fiscalía General de la Nación (art. 65 de la loi No 104 de 1993). Enfin, peuvent également bénéficier du Programme de protection les témoins intervenant dans les enquêtes qu'engage la Procurature générale de la nation concernant des faits qui de par leur gravité entrent dans la classe des atrocités.



Article 14


113. Pour obtenir une réparation juste et adéquate en cas non seulement d'actes de torture mais de tout autre type d'abus de la part d'agents de l'Etat, le système juridique prévoit des mécanismes précis dont l'action en réparation directe devant la juridiction du contentieux administratif est le plus courant et celui permettant d'obtenir satisfaction en la matière avec le plus de rapidité et d'efficacité. Cette juridiction se compose des tribunaux de département (un pour chacune de ces subdivisions politiques du pays) coiffés par le Conseil d'Etat, qui constitue l'autorité suprême dans ce domaine.


114. L'action en réparation directe débouche sur deux types de réparation en faveur des victimes ou des membres de leur famille :


a) La réparation du préjudice moral, calculée en grammes d'or;


b) L'indemnisation du préjudice matériel infligé qui se décompose en "lucrum cessans" et "damnum emergens".


115. L'article 90 de la Constitution de 1991 prévoit la possibilité pour l'Etat de se retourner contre le fonctionnaire ayant occasionné de tels préjudices. Aux termes de cet article :


"Article 90. L'Etat est matériellement responsable des dommages infractionnels qui lui sont imputables du fait de l'action ou de l'omission des autorités publiques. Si l'Etat est condamné à la réparation matérielle d'un dommage de ce type occasionné par la conduite dolosive ou gravement fautive d'un de ses agents, l'Etat pourra se retourner contre lui."
Grâce à ce mécanisme, réparation peut être obtenue de l'Etat pour un préjudice qui lui est imputable sans pour autant couvrir l'activité illicite d'un quelconque de ses agents.


116. Les articles 43 à 55 du Code de procédure pénale ordinaire prévoient en ces termes une action civile dans le cadre d'une instance pénale ordinaire :


"L'action civile individuelle ou populaire en indemnisation des dommages et préjudices provoqués par un acte punissable pourra s'exercer devant la juridiction civile ou dans le cadre de l'instance pénale, au choix des personnes physiques ou morales ayant subi le préjudice, de leurs héritiers ou successeurs, ou du Ministerio Público ou d'un agent populaire quand des intérêts collectifs sont en jeu."
117. La jurisprudence colombienne (Cour suprême de justice, Chambre plénière, arrêt de mars 1990) a précisé les voies s'offrant pour l'exercice d'une action civile :


"... la personne lésée par l'infraction ne doit pas nécessairement engager une action en réparation des dommages subis devant l'instance pénale, puisque les articles 37 et 39 du Code de procédure pénale (correspondants aux articles 43 et 45 du nouveau Code), lui réservent le droit de saisir directement le juge civil, ce qui doit nécessairement être fait quand l'acte, cause du préjudice, n'entre pas dans une catégorie pénale.
Le droit de demander réparation des dommages occasionnés par une infraction n'est donc pas subordonné au résultat de l'action pénale liée. La personne engageant l'action civile peut choisir une des options suivantes pour obtenir l'indemnisation du dommage :
a) Mettre en mouvement l'action civile devant un tribunal civil dès la commission du fait réputé illicite, auquel cas l'efficacité de l'action en réparation est indépendante du résultat de l'action pénale; mais si l'action civile est engagée une fois la décision rendue au pénal, la chose jugée sur l'action pénale a autorité sur le civil s'il est constaté que le fait auquel est imputé le préjudice ne s'est pas produit, que l'inculpé ne l'a pas commis ou que l'inculpé a agi dans l'exercice d'un devoir légal ou en état de légitime défense.
b) Mettre en mouvement l'action civile devant le tribunal pénal, auquel cas le demandeur est lié par la décision de ce dernier."
118. En ce qui concerne la procédure pénale militaire, la Cour constitutionnelle a arrêté que dans une instance pénale militaire il devait obligatoirement y avoir constitution de partie civile afin de permettre aux victimes ou aux membres de leur famille de demander par cette voie la réparation des dommages causés. La Cour constitutionnelle a en effet statué comme suit dans un arrêt en protection (sentencia de tutela) du 15 juin 1994 :


"... De même, cette Instance a constaté que l'article 229 de la Constitution doit s'apprécier au regard de son article 13, d'où il ressort que le droit à "accéder" sur un pied d'égalité aux juges signifie non seulement des possibilités identiques d'ester en justice mais aussi le droit de bénéficier d'un traitement identique de la part des juges et des tribunaux dans des circonstances similaires. Par conséquent, il est injustifiable que contrairement aux victimes d'infractions ou aux personnes lésées par des infractions relevant de la justice pénale ordinaire les victimes d'actes illicites, ou les personnes lésées par des actes illicites, faisant l'objet d'une enquête par la justice pénale militaire, n'aient pas le droit au bénéfice d'un procès pénal.
Compte tenu de ce qui précède, la Cour considère que quiconque est victime d'un fait ou est lésé par un fait faisant l'objet d'une enquête par la justice pénale militaire a le droit au bénéfice d'un procès pénal."
119. Il faut signaler à cet égard que le Code de justice pénale militaire est en cours de révision et que la constitution d'une partie civile deviendra obligatoire dans le cadre de ce système.


120. Enfin, dans le souci de mettre en place un système exhaustif de réparation des dommages causés par des violations des droits de l'homme imputables à des agents de l'Etat, le Gouvernement colombien est en train d'élaborer un projet qu'il soumettra aux organes législatifs; ce projet prévoit d'autoriser l'Etat à verser les indemnités recommandées par les organismes intergouvernementaux s'occupant des droits de l'homme.



Article 15


121. Le système juridique colombien comporte des dispositions concernant les déclarations et preuves obtenues en violation de la procédure régulière. Ainsi, l'article 250 du Code de procédure pénale rejette expressément les preuves qui :


"... ont été obtenues de manière illégale pour établir la responsabilité. Le fonctionnaire rejettera par voie de résolution les preuves légalement interdites ..."
122. A titre de mesure de sauvegarde, certaines exceptions à l'obligation de déposer sont prévues, l'article 283 du Code de procédure pénale stipulant :


"Nul ne peut être obligé à déposer contre soi-même ni contre son conjoint, sa compagne (ou son compagnon) permanent(e), ses parents jusqu'au quatrième degré de consanguinité, ses alliés jusqu'au second degré ou les personnes liées au premier degré civil.
Ce droit sera notifié par le fonctionnaire compétent à tout inculpé devant faire l'objet d'un interrogatoire ainsi qu'à toute personne appelée à témoigner."
123. De plus, conformément à l'article 284 du Code de procédure civile, les personnes suivantes sont exonérées de ce devoir en raison de leur charge ou de leur profession :


"Ne sont pas tenus à faire une déposition sur ce qui leur a été confié ou a été porté à leur connaissance en raison de leur ministère, leur profession ou charge :
1. Les ministres de tous les cultes reconnus par la République.
2. Les avocats.
3. Toute autre personne qui en vertu d'une disposition légale a la possibilité ou est tenue de respecter le secret."
124. A ce sujet, la Cour suprême de justice (Chambre pénale, arrêt du 24 mars 1983) a constaté :


"La simple inobservation de cette formalité par le juge ou le fonctionnaire chargé de l'instruction est sans incidence sur la validité du témoignage et encore moins sur le déroulement de la procédure; en revanche, en ne s'acquittant pas de ce devoir, il s'expose à une action disciplinaire. Mais si une personne sachant ne pas être liée par l'obligation de témoigner est contrainte de quelque manière à le faire, non seulement la légalité de l'enquête s'en trouve violée mais en plus le juge ou le fonctionnaire chargé de l'instruction agissant de la sorte se rend coupable d'un délit."
125. Parmi les conditions auxquelles doit répondre l'aveu, l'article 296 du Code de procédure pénale mentionne :


"4. Qu'il soit fait en toute conscience et liberté."


126. Sur ce point particulier, la doctrine estime que l'aveu doit être certain, sincère et véridique, puisqu'il n'y a pas reconnaissance par la justice des autres circonstances rapportées, cas où le juge doit faire appel à d'autres éléments pour emporter sa conviction car les aveux dits forcés, imaginaires, inconscients, inexacts, involontaires, irréfléchis, partiels, tacites, par lassitude, etc., ne sont pas admissibles vu la fin assignée, l'aveu devant être complet et réel.



Article 16


127. La législation répressive colombienne prévoit l'application de la justice pénale ordinaire à toutes les personnes se rendant coupables de faits punissables et qui se trouvent sous sa juridiction, c'est-à-dire n'ont pas le privilège d'instances spéciales de jugement, comme c'est le cas des militaires, qui conformément à la Constitution doivent être traduits devant des tribunaux militaires lorsque les actes incriminés ont été commis dans le cadre de leur service.


128. En ce qui concerne les autres actes constituant des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants n'entrant pas dans la catégorie de la torture, la législation pénale traite ce type d'infraction dans le chapitre 3 du livre deuxième protégeant l'"autonomie de la personne", ce qui n'empêche pas - comme cela est clairement stipulé dans l'article 279 du Code pénal - qu'une autre infraction pénale puisse être retenue si ladite infraction est passible d'une peine plus lourde et l'acte illicite de l'agent correspond à sa définition. Entrent dans cette catégorie les infractions contre la liberté individuelle et les autres garanties énoncées au titre X ainsi que les infractions contre la vie et l'intégrité physique de la personne visées au titre XIII du Code pénal.



Liste des annexes Ces documents, envoyés par le Gouvernement colombien en espagnol, peuvent être consultés au Centre pour les droits de l'homme.


1. Constitution de la Colombie (1991)


2. Loi No 65 de 1993 promulguant le Code pénitentiaire et carcéral


3. Exposé préliminaire des principes directeurs du Code de procédure pénale


4. Accords et traités d'extradition conclus bilatéralement par la Colombie


5. Loi No 49 de 1982 approuvant la Convention interaméricaine sur la preuve et l'information en droit étranger


6. Loi No 21 de 1981 approuvant la Convention interaméricaine sur les normes générales du droit international privé


7. Loi No 16 de 1981 approuvant la Convention interaméricaine sur l'efficacité extraterritoriale des décisions et sentences arbitrales étrangères



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