University of Minnesota


Comité contre la Torture, Examen des rapports présentés par les États parties en application de l'article 19 de la Convention, Cameroun, U.N. Doc. CAT/C/34/Add.17 (2003).


Troisièmes rapports périodiques des États parties devant être soumis en 1996

 

 

Additif

 

 

CAMEROUN*

 

[19 décembre 2002]

 

 

 

                                     

 

          *  Les renseignements présentés par le Cameroun conformément aux directives unifiées concernant la première partie des rapports des États parties figurent dans le document de base HRI/CORE/1/Add.109.

          Pour le rapport initial du Cameroun, voir le document CAT/C/5/Add.16; pour son examen, voir les documents CAT/C/SR.34 et 35, et Documents officiels de l’Assemblée générale, cinquante-cinquième session, Supplément no 44 (A/45/44), par. 251 à 279.

          Un rapport complémentaire (CAT/C/5/Add.26) a été soumis le 25 avril 1991 et examiné le 20 novembre 1991 (CAT/C/SR.101 et 102, et Documents officiels de l’Assemblée générale, A/47/44, par. 244 à 284).

          Pour le deuxième rapport périodique, voir le document CAT/C/17/Add.22; pour son examen, voir les documents CAT/C/SR.448, 451 et 454, et Documents officiels de l’Assemblée générale, cinquante-sixième session, Supplément n44 (A/56/44), par. 60 à 66.

          Les annexes au présent rapport peuvent être consultées auprès du Secrétariat.

 

 

GE.03-42846 (EXT)


Table des matiÈres

 

                                                                                                                       Paragraphes     

 

Introduction..............................................................................................           4 – 7                 

 

PREMIÈRE PARTIE – CADRE JURIDIQUE...................................................          8 – 46                

 

DEUXIÈME PARTIE – NOUVELLES MESURES ET NOUVEAUX
FAITS RELATIFS À L’APPLICATION DE LA CONVENTION
(ART. 1 À 16).................................................................................................        47 – 225            

          Article premier.........................................................................................         47 – 49             

          Article 2.................................................................................................        50 – 145            

          Article 3................................................................................................       146 – 150           

          Article 4................................................................................................       151 – 158           

          Article 5................................................................................................       159 – 164           

          Article 6.....................................................................................................            165              

          Article 7................................................................................................       166 – 167           

          Article 8................................................................................................       168 – 175           

          Article 9................................................................................................       176 – 178           

          Article 10..............................................................................................       179 – 187           

          Article 11..............................................................................................       188 – 189           

          Article 12...................................................................................................            190                

          Article 13..............................................................................................       191 – 204         

          Article 14..............................................................................................       205 – 213           

          Article 15..............................................................................................       214 – 218           

          Article 16..............................................................................................       219 – 225           

 

TROISIÈME PARTIE – INFORMATIONS RELATIVES AUX
OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS FORMULÉES PAR
LE COMITÉ AU TERME DE L’EXAMEN DU DEUXIÈME
RAPPORT PÉRIODIQUE DU CAMEROUN...............................................       226 – 286           

1.       Introduire dans la législation un mécanisme permettant le
dédommagement et la réhabilitation les plus complets des
victimes de la torture .............................................................................       228 – 230           

2.       Introduire dans la législation le principe de l’irrecevabilité des
éléments de preuve obtenus par la torture, si ce n’est contre
l’auteur des actes de torture pour prouver que de tels actes ont
été commis ...........................................................................................       231 – 232           

3.       Mettre à profit le travail de codification en cours pour aligner
la législation camerounaise sur les dispositions des articles 5, 6, 7
et 8 de la Convention .................................................................................            233                


4.       Veiller à la mise en œuvre effective des instructions du Ministre
de la justice selon lesquelles la détention ne devrait être pratiquée
durant l’instruction qu’en cas d’absolue nécessité et que la liberté
sous caution devrait être la règle, d’autant plus que cela pourra
atténuer la surpopulation dans les prisons ...............................................       234 – 251           

5.       Envisager le transfert de la tutelle de l’administration pénitentiaire
du Ministère de l’intérieur au Ministère de la justice ...............................       252 – 269           

6.       Envisager le démantèlement des forces spéciales créées dans le
cadre de la lutte contre le grand banditisme et, dans le même
temps, mettre fin au gel du recrutement d’agents de la force
publique ...............................................................................................       270 – 280           

7.       Poursuivre énergiquement les enquêtes déjà ouvertes sur des
allégations de violation des droits de l’homme et, dans les cas
n’ayant pas encore fait l’objet d’enquêtes, ordonner l’ouverture
d’enquêtes immédiates et impartiales et tenir le comité informé
de leurs résultats.........................................................................................            281                

8.       Veiller au respect scrupuleux des droits de l’homme des
personnes arrêtées dans le cadre de la lutte contre le grand
banditisme.............................................................................................       282 – 283           

9.       Poursuivre le programme de formation des membres des forces
de l’ordre aux droits de l’homme et notamment en ce qui
concerne l’interdiction de la torture..............................................................            284                

10.     Envisager la mise en place d’un système d’évaluation périodique
de l’application effective de la législation prohibant la torture,
en tirant par exemple le meilleur profit possible de l’existence
du Comité national des droits de l’homme et des libertés et des
organisations non gouvernementales de défense des droits
de l’homme................................................................................................            285                

11.     Maintenir scrupuleusement un registre des personnes détenues
et le rendre publiquement accessible............................................................            286                

 

Liste des annexes....................................................................................................                                  


 

Introduction

1.             Le Cameroun a adhéré, sans aucune réserve, le 19 décembre 1986, à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (ci-après dénommée "la Convention"), adoptée par l’Assemblée générale dans sa résolution 39/46 du 10 décembre 1984. La Convention est entrée en vigueur à l’égard du Cameroun le 26 juin 1987.

2.             Aux termes du paragraphe 1 de l’article 19 de la Convention, les États parties présentent au Comité contre la torture des rapports sur les mesures qu’ils ont prises pour donner effet à leurs engagements dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur de la Convention. Les États parties présentent ensuite des rapports complémentaires tous les quatre ans sur toutes nouvelles mesures prises, et tous autres rapports demandés par le Comité.

3.             Le rapport initial du Cameroun, soumis le 15 février 1989 (CAT/C/5/Add.16), a été examiné par le Comité le 20 novembre 1989 (CAT/C/SR.34 et 35). À l’issue de son examen, le Comité a demandé au Gouvernement camerounais un rapport complémentaire, lequel lui a été adressé le 25 avril 1991 (CAT/C/5/Add.26) et a été examiné le 20 novembre 1991 (CAT/C/SR.101 et 102).

4.             Les renseignements attendus par le Comité en 1992 et en 1996, au titre de l’obligation conventionnelle quadriennale, ont été fournis dans le cadre du deuxième rapport périodique consolidé, lequel a couvert la période de 1988 à 1996 (CAT/C/17/Add.22).

5.             Le Cameroun a, le 12 octobre 2000, déclaré reconnaître la compétence du Comité contre la torture en vertu des dispositions des articles 21 et 22 de la Convention. Le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, agissant en sa qualité de dépositaire, a procédé à la notification, aux États et organisations concernés, de cette déclaration camerounaise de souscription, le 24 octobre 2000.

6.             Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique du Cameroun à ses 448e, 451e et 454e séances les 20, 21 et 23 novembre 2000 (CAT/C/SR.448, 451 et 454), et a adopté ses observations finales le 6 décembre 2000 (A/56/44, par. 60 à 66).

7.             Conformément aux directives générales adoptées par le Comité à sa sixième session, le 30 avril 1991, le présent troisième rapport périodique, qui couvre la période de 1996 à 2000, est organisé en trois parties. La première présente le cadre juridique général de l’interdiction de la torture au Cameroun. La deuxième partie porte sur les nouvelles mesures et les nouveaux faits relatifs à l’application de la Convention. La troisième partie apporte un complément d’information et des réponses aux observations et questions formulées par le Comité lors de l’examen du deuxième rapport, en novembre 2000.


PREMIÈRE PARTIE

 

 
CADRE JURIDIQUE

8.             Le paysage sociopolitique et juridique du Cameroun a connu une profonde mutation libérale au cours de la décennie 1990-2000. L’application de la Convention, pour la période de 1996 à 2000, a été favorisée par la volonté du Gouvernement de doter le Cameroun de lois aussi libérales et républicaines que possible, de s’ancrer durablement dans un État de droit à démocratie pluraliste, avec des contre-pouvoirs institutionnels ou diffus et l’émergence de la société civile. En effet, le 19 décembre 1990, le Président de la République promulguait une série de lois que l’Assemblée nationale venait d’adopter au cours d’une session parlementaire baptisée "session des libertés". La plupart des lois attentatoires aux libertés et droits fondamentaux de la personne humaine ont alors été abrogées ou révisées.

9.             C’est dans ce contexte de libéralisation politique que se sont tenues des élections pluralistes. En effet, le système du parti unique de fait a prévalu au Cameroun de 1966 à 1990, année où a été promulguée la loi n° 90/56 du 19 décembre 1990 relative aux partis politiques, laquelle a instauré le multipartisme intégral. Depuis ce changement, cinq élections ont été organisées :

En 1992, cinq partis politiques ont participé à l’élection présidentielle et 32 ont pris part aux élections législatives;

En 1996, 36 partis politiques ont participé aux élections municipales : à l’issue des élections, 15 de ces partis ont obtenu des sièges de conseillers municipaux et un nombre important de mairies est tombé dans le giron de l’opposition;

En 1997, neuf partis politiques ont présenté chacun un candidat à l’élection présidentielle et 44 partis ont participé aux élections législatives. La législature 1997-2002 comprend des députés issus de sept formations politiques.

10.         Parmi les innovations institutionnelles résultant de la mutation libérale sus-décrite figure la création, le 8 novembre 1990, du Comité national des droits de l’homme et des libertés. Cet organisme, doté de la personnalité juridique et de l’autonomie financière, a fait de la lutte contre la torture et autres mauvais traitements un axe majeur de son action. De nombreuses œuvres sociales privées et associations ainsi que des organisations non gouvernementales (ONG) de défense des droits de l’homme complètent cette activité. Ces ONG sont régies par la loi n° 99/014 du 22 décembre 1999.

11.         En 1996, la consolidation d’un État de droit a connu un tournant décisif. En effet, la Constitution, adoptée par référendum le 20 mai 1972, a été révisée par la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996. Cette révision constitutionnelle est marquée dans ses grandes lignes par l’intégration des droits de l’homme au bloc de constitutionnalité, l’érection de la justice en pouvoir judiciaire, indépendant des pouvoirs législatif et exécutif, et la décentralisation administrative.

12.         S’agissant du pouvoir judiciaire, l’article 37 de la Constitution prévoit que la justice est rendue sur le territoire de la République au nom du peuple camerounais. Il est exercé par la Cour suprême, les cours d’appel et les tribunaux.

13.         Selon l’article 38, la Cour suprême est la plus haute juridiction de l’État en matière judiciaire, administrative et de jugement des comptes. Elle comprend une chambre judiciaire, une chambre administrative et une chambre des comptes :

La chambre judiciaire (art. 39) statue souverainement sur les recours en cassation admis par la loi contre les décisions rendues en dernier ressort par les cours et tribunaux de l’ordre judiciaire.

La chambre administrative (art. 40) connaît de l’ensemble du contentieux administratif de l’État et des autres collectivités publiques. Elle connaît en appel du contentieux des élections régionales et municipales.

La chambre des comptes (art. 41) est compétente pour contrôler et statuer sur les comptes publics et ceux des entreprises publiques et parapubliques.

14.         Chacune des trois chambres de la Cour suprême statue souverainement sur les décisions rendues en dernier ressort par les juridictions inférieures du même ordre, et connaît de tout autre litige ou matière qui lui est expressément attribué par la loi. Ainsi, la structuration de la nouvelle juridiction administrative comprendra la nouvelle chambre administrative de la Cour suprême, en tant que juridiction d’appel, et les tribunaux administratifs à créer et à implanter sur l’ensemble du territoire, contrairement à la situation antérieure, où une seule juridiction administrative existait au niveau de la Cour suprême à Yaoundé.

15.         La Constitution révisée de 1996 a aussi institué le Conseil constitutionnel, qui est l’instance compétente en matière constitutionnelle. C’est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions. Le Conseil statue souverainement sur :

La constitutionnalité des lois, des traités et accords internationaux;

Les règlements intérieurs de l’Assemblée nationale et du Sénat avant leur mise en application, quant à leur conformité à la Constitution;

Les conflits d’attribution entre les institutions de l’État, entre l’État et les régions, entre les régions.

16.         Avant leur promulgation, les lois ainsi que les traités et accords internationaux peuvent être déférés au Conseil constitutionnel par le président de la République, le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat, un tiers des députés ou un tiers des sénateurs, les présidents des exécutifs régionaux.

17.         Le Conseil constitutionnel veille en outre à la régularité de l’élection présidentielle, des élections parlementaires et des consultations référendaires. Il en proclame les résultats.

18.         Les attributions de la Cour suprême en matière constitutionnelle ont donc été largement rénovées et transférées au Conseil constitutionnel. Par exemple, le contrôle juridictionnel (par voie d’action ou par voie d’exception) de la constitutionnalité des lois, qui était très restreint, a été entièrement rénové et ouvert.

19.         Toutefois, en attendant la mise en place effective du Conseil constitutionnel, la Cour suprême en exerce les attributions.

20.         Il existe également une Haute Cour de justice dont la compétence ratione personae été élargie. Elle est compétente pour juger les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions par :

Le président de la République, en cas de haute trahison;

Le Premier ministre, les autres membres du gouvernement et assimilés, les hauts responsables de l’administration ayant reçu délégation de pouvoir, en cas de complot contre la sûreté de l’État.

21.         S’agissant du système administratif, la Constitution a créé 10 régions qui remplacent les 10 provinces existant depuis 1984 et qui n’étaient que des circonscriptions administratives déconcentrées. À la différence de sa devancière de 1972, elle consacre tout le titre X aux collectivités territoriales décentralisées de la République que sont les régions et les communes. Celles-ci sont des personnes morales de droit public. Elles jouissent de l’autonomie administrative et financière pour la gestion des intérêts régionaux et locaux. Elles s’administrent librement par des conseils de région. Ces derniers ont pour mission de promouvoir le développement économique, social, sanitaire, éducatif, culturel et sportif de ces collectivités. L’État en assure la tutelle.

22.         Le Cameroun est donc un État unitaire décentralisé, démocratique et à régime semi-présidentiel, dans lequel existe une séparation entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Le Parlement, monocaméral constitué de l’Assemblée nationale, chambre unique dans la Constitution de 1972, devient bicaméral et comprend une seconde chambre, le Sénat.

23.         Dans le combat contre le fléau de la torture, il est essentiel de souligner l’intervention de deux lois du 10 janvier 1997 :

a)             La loi n° 97/009 modifiant et complétant certaines dispositions du Code pénal, qui introduit, au chapitre des infractions commises par les fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions, un article 132 bis spécifiquement intitulé "Torture". Ce nouvel article, qui reproduit mutatis mutandis la définition conventionnelle de la torture, prévoit en outre les peines qu’encourent les auteurs d’actes de torture. Il rappelle aussi le caractère absolu du droit pour toute personne humaine d’être à l’abri de la torture, en excluant toute dérogation à l’interdiction de la torture;

b)             La loi n° 97/010 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 64/LF/13 du 26 juin 1964 fixant le régime de l’extradition concourt à satisfaire aux exigences de l’article 3 de la Convention sur l’interdiction d’expulser, de refouler ou d’extrader des personnes vers des pays d’accueil où elles sont susceptibles d’être torturées.

24.         Sur un autre plan, la vulgarisation des droits humains, en vue de leur réalisation effective, se trouve facilitée par les médias dans un contexte de libéralisation du paysage médiatique camerounais. Pour concilier les nécessités de la poursuite avec les garanties de la liberté d’expression, le délit d’opinion a été supprimé. La loi n° 90/092 du 19 décembre 1990 sur la liberté de communication sociale ne prévoit que des peines d’amende pour toutes les infractions à ses dispositions.

25.         Par ailleurs, le 3 avril 2000, le Premier Ministre, chef du gouvernement, a signé le décret n° 2000/158 fixant les conditions et les modalités de création et d’exploitation des entreprises privées de communication audiovisuelle.

26.         La transformation du paysage sociopolitique et juridique camerounais dans le sens de l’essor des droits humains et de la consolidation de l’État de droit constitue un combat dans lequel les autorités camerounaises se sont engagées de façon inconditionnelle. Bien plus, depuis 1999, le Gouvernement a adopté, en accord avec les institutions internationales compétentes, un programme national de bonne gouvernance, mettant l’accent sur la lutte contre la corruption, la transparence, la participation accrue du citoyen à la gestion de la chose publique. Ce programme a pour philosophie de base la promotion de la dignité humaine.

27.         La lutte contre la torture et autres mauvais traitements est, à coup sûr, l’un des centres d’intérêt de ces réformes libérales. Cet environnement libéral éclaire plus vivement autant le développement de la culture juridique et démocratique des nationaux que la mise en œuvre de la Convention à laquelle le Cameroun s’est engagé depuis une dizaine d’années.

28.         La Constitution camerounaise de 1972 assurait déjà l’articulation entre les engagements internationaux et le droit interne. Celle de 1996 a clarifié davantage ce rapport. L’article 46 dispose en effet que "les traités ou accords internationaux régulièrement approuvés ou ratifiés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie". Abstraction faite de la règle de la réciprocité, il en va certainement ainsi des traités ou accords de protection des droits de l’homme, et en particulier de la Convention.

29.         Sous cet éclairage, la Convention a primauté sur les lois nationales. Ses dispositions peuvent être directement invoquées devant les autorités nationales, judiciaire ou administrative, et peuvent être appliquées directement par elles, sans qu’il soit besoin d’adopter un texte interne d’incorporation.

30.         L’une des innovations majeures de la réforme constitutionnelle de 1996 porte sur la consécration plus accentuée des droits de l’homme. Le préambule de la Constitution, qui a été enrichi, intègre en effet mieux encore les aspirations démocratiques du peuple camerounais et énonce de nouveaux droits.

31.         Après avoir proclamé que l’être humain, sans distinction de race, de religion, de sexe, de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés, le peuple camerounais affirme son attachement aux libertés fondamentales inscrites non seulement dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, la Charte des Nations Unies, mais aussi dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et toutes les conventions internationales y relatives et dûment ratifiées.

32.         Outre l’ajout de la référence à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et aux conventions internationales relatives aux droits de l’homme souscrites, le préambule de la Constitution formule de nouveaux principes protecteurs des droits. Il énonce notamment que toute personne a droit à la vie et à l’intégrité physique et morale; qu’elle doit être traitée en toute circonstance avec humanité; qu’en aucun cas elle ne peut être soumise à la torture, à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. De même, il précise que tout prévenu est présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité soit établie au cours d’un procès conduit dans le strict respect des droits de la défense.

33.         L’un des nouveaux droits figure à l’article premier, qui renvoie aux vertus de la coutume : "La République du Cameroun est laïque, démocratique et sociale. Elle reconnaît et protège les valeurs traditionnelles conformes aux principes démocratiques, aux droits de l’homme et à la loi".

34.         Cette énonciation de principe, protectrice des droits humains, enrichit le catalogue des règles déjà consacrées à la protection de l’intégrité physique et morale, à l’instar du principe "nul ne peut être poursuivi, arrêté ou détenu que dans les cas et selon les formes déterminées par la loi".

35.         La Constitution de 1996 a également le mérite de gommer l’incertitude qui régnait sur la valeur des droits énoncés dans le préambule de la Constitution de 1972. Elle dispose clairement en son article 65 que "le préambule fait partie intégrante de la Constitution". Cette incorporation du préambule au corps de la Constitution assigne une valeur constitutionnelle et donc une force contraignante incontestable aux droits qui y sont proclamés.

36.         En raison de la précision du contenu du droit à l’intégrité physique et morale, et notamment du droit d’être à l’abri de la torture, des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, tel que formulé dans le préambule de la Constitution révisée, ce droit peut donner matière à contrôle de constitutionnalité, et sa violation peut être sanctionnée par le juge constitutionnel, administratif ou judiciaire.

37.         Enfin, en procédant à l’énonciation constitutionnelle de certains droits par renvoi aux conventions internationales souscrites y relatives, la Constitution révisée, qui accorde en son article 45 valeur supralégislative auxdites conventions, les intègre au préambule et, par ricochet, les range dans le bloc de constitutionnalité dont le juge constitutionnel doit garantir le respect.

38.         La Convention bénéficie à ce titre de cette interprétation en droit camerounais, s’agissant de sa place dans la pyramide normative.

39.         En tout état de cause, la Constitution de 1996 constitue tant par le contenu des droits nouvellement énoncés que par la valeur constitutionnelle du préambule, une avancée fort significative sur le terrain de la construction d’un État de droit libéral. Ces changements sont d’autant plus profonds et intangibles qu’aucune procédure de révision de la Constitution ne peut être retenue si elle porte atteinte à la forme républicaine et aux principes démocratiques qui régissent la République (art. 64).

40.         Le pluralisme législatif et judiciaire marque la singularité du système juridique camerounais. Il y a coexistence du droit traditionnel ou coutumier avec deux systèmes juridiques d’origine anglaise et française, la common law et la civil law. Les droits d’origine française ou anglaise applicables au Cameroun pendant la période coloniale sont, à certains égards, considérés comme faisant partie intégrante de la législation camerounaise.

41.         C’est pourquoi, après le passage de l’État fédéral institué le 1er octobre 1961 à l’État unitaire que consacre la Constitution du 2 juin 1972, la règle constitutionnelle est que "la législation résultant des lois et règlements applicables dans l’État fédéral du Cameroun et dans les États fédérés à la date de prise d’effet de la présente Constitution reste en vigueur dans ses dispositions qui ne sont pas contraires aux stipulations de celle-ci tant qu’elle n’aura pas été modifiée par voie législative ou réglementaire".

42.         En cas de conflit de normes, les solutions retenues pour trancher les affaires puisent dans ce pluralisme juridique en privilégiant généralement l’application des règles les plus protectrices des droits humains.

43.         La décision du tribunal de grande instance de Bamenda (High Court of Mezam Judicial Division), jugement n° HCB/19 CRM/921 du 23 décembre 1992, dans l’affaire Nyo Wakai and 172 others v. people, peut être citée à titre d’illustration. Les autorités administratives chargées du maintien de l’ordre avaient procédé à des arrestations de personnes soupçonnées d’avoir commandité ou participé aux destructions de biens et autres crimes perpétrés au cours des manifestations qui avaient motivé la proclamation de l’état d’urgence dans la province du Nord-Ouest en octobre 1992.

44.         Examinant la requête qu’un groupe d’avocats, constitués en défense, avait introduite en vue d’obtenir la mise en liberté provisoire desdites personnes, au motif que leur arrestation et leur détention étaient irrégulières, le tribunal rejeta le moyen articulé par le représentant de l’administration sur l’incompétence du juge judiciaire à exercer un contrôle de légalité des mesures prises par l’autorité de maintien de l’ordre en période de circonstances exceptionnelles et en vertu de la loi n° 90/47 du 19 décembre 1990 sur l’état d’urgence. Il fonda sa compétence sur la constatation que l’action de l’administration aboutissait à une violation grossière des droits fondamentaux de l’homme en la qualifiant de voie de fait administrative, ce qui ressortit de la compétence des tribunaux judiciaires. Le tribunal a ainsi ordonné la mise en liberté provisoire, sans caution, de certains détenus, et la libération immédiate, sans condition, d’autres détenus et sans préjudice des poursuites éventuelles pour des infractions qu’ils auraient commises.

45.         Contrairement à ce à quoi on se serait attendu, le juge de la High Court de Bamenda n’a pas eu recours aux techniques du droit pénal d’inspiration anglo-saxonne (la règle freedom from arrest) notamment au "writ of habeas corpus" dont l’efficacité est légendaire en matière de protection des droits de l’homme en général, et de la liberté individuelle en particulier. Il a opté pour la notion complexe de "voie de fait", inspirée du droit d’essence française, s’en est prévalu pour développer sa compétence de plein droit à constater la situation de voie de fait administrative, à ordonner toute mesure pour qu’il y soit mis fin. Ce qui comprend la latitude d’octroyer une réparation pécuniaire au titre des dommages et intérêts, d’adresser des injonctions et de remettre les choses en l’état par des moyens appropriés, à l’instar des astreintes.

46.         Il faut enfin noter que la Convention fait partie d’un important réseau d’engagements internationaux souscrits par le Cameroun en matière de protection des droits de l’homme. Outre la Charte des Nations Unies et la Déclaration universelle des droits de l’homme, on citera :

a)             La Convention internationale du 11 octobre 1933 relative à la répression de la traite des femmes majeures (succession le 27 octobre 1961);

b)             L’Arrangement international du 18 mai 1904 en vue d’assurer une protection efficace contre le trafic criminel connu sous le nom de "traite des Blanches", amendé le 4 mai 1949 (succession le 3 novembre 1961);

c)             La Convention complémentaire du 7 septembre 1956 relative à l’abolition de l’esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l’esclavage;

d)             La Convention (n° 29) concernant le travail forcé, de 1930 (souscrite le 7 juin 1960);

e)             La Convention (n° 105) concernant l’abolition du travail forcé, de 1957 (souscrite le 13 septembre 1962);

f)               La Convention (n° 87) concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical, de 1948 (souscrite le 7 juin 1960);

g)             La Convention (n° 100) concernant l’égalité de rémunération entre la main-d’œuvre masculine et la main-d’œuvre féminine pour un travail de valeur égale, de 1951 (ratifiée le 15 mai 1970);

h)             La Convention (n° 111) concernant la discrimination en matière d’emploi et de profession, de 1958 (ratifiée le 15 mai 1988);

i)               La Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui (adhésion le 19 février 1982);

j)               La Convention relative au statut des réfugiés (souscrite par succession d’État le 23 juin 1961);

k)             Le Protocole relatif au statut des réfugiés (adhésion le 19 septembre 1967);

l)               La Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (ratifiée le 24 juin 1971);

m)           Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (adhésion le 27 juin 1984);

n)             Le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (adhésion le 27 juin 1984);

o)             La Convention sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité (adhésion le 6 octobre 1972);

p)             La Convention internationale sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid (adhésion le 1er novembre 1976);

q)             La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (ratifiée le 23 août 1994);

r)              La Convention relative aux droits de l’enfant (signée le 27 septembre 1990 et ratifiée le 11 janvier 1993);

s)              La Convention régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique (ratifiée en 1985);

t)               La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples du 27 juin 1981 (ratifiée le 21 octobre 1986);

u)             La Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant (ratifiée le 5 septembre 1997).


DEUXIÈME PARTIE

NOUVELLES MESURES ET NOUVEAUX FAITS RELATIFS À L’APPLICATION DE LA CONVENTION (ART. 1 À 16)

 

Article premier

 

47.         La loi n° 97/009 du 10 janvier 1997 modifiant et complétant certaines dispositions du Code pénal a inséré dans celui-ci un article 132 bis intitulé "Torture".

48.         Aux termes du paragraphe 5 (al. a et b) de cet article, le mot "torture" désigne "tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques, mentales ou morales, sont intentionnellement infligées à une personne, par un fonctionnaire ou toute autre personne, agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite, aux fins notamment d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonné d’avoir commis, de l’intimider ou de faire pression sur elle ou d’intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit. [...] Le mot “torture” ainsi défini ne s’applique pas à la douleur ou aux souffrances résultant de sanctions légitimes, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles".

49.         La filiation de ce texte avec la disposition conventionnelle pertinente est évidente et témoigne de la volonté de l’État du Cameroun de se conformer à la Convention.

Article 2

Paragraphe 1

50.         Les précédents rapports du Cameroun ont exposé un ensemble de normes législatives, administratives, judiciaires et d’autres mesures prises jusqu’en 1996 pour combattre la torture et autres mauvais traitements.

51.         Comme déjà souligné, la Constitution du 2 juin 1972 révisée par la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 énonce entre autres prescriptions que :

a)             Nul ne peut être contraint de faire ce que la loi n’ordonne pas;

b)             Nul ne peut être poursuivi, arrêté ou détenu que dans les cas et selon les formes déterminées par la loi;

c)             La loi assure à tous les hommes le droit de se faire rendre justice;

d)             Tout prévenu est présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité soit établie au cours d’un procès conduit dans le strict respect des droits de la défense;

e)             Toute personne a droit à la vie et à l’intégrité physique et morale. Elle doit être traitée en toute circonstance avec humanité. En aucun cas, elle ne peut être soumise à la torture, à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

52.         Cette consécration constitutionnelle de l’interdiction de la torture et autres mauvais traitements augure d’une ère nouvelle du fait de la prise d’une série de textes législatifs et réglementaires, ainsi que d’autres mesures qui s’inscrivent dans une politique publique pénale d’élimination de la torture en particulier et de protection de l’intégrité physique et morale des individus en général.

Mesures législatives

53.         Comme annoncé dans le deuxième rapport périodique (CAT/C/17/Add.22, par. 50), la volonté politique du Cameroun de donner effet à la Convention s’est davantage concrétisée par la pénalisation de la torture. Depuis 1997, une série de lois adoptées par l’Assemblée nationale ont été promulguées par le président de la République :

Loi n° 97/009 du 10 janvier 1997 modifiant et complétant certaines dispositions du Code pénal

54.         Comme déjà indiqué, cette loi ajoute au Code pénal un nouvel article 132 dans le chapitre réservé aux infractions commises par les fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions. En résumé, cet article définit la torture, édicte des peines réprimant, en fonction de leur gravité, les actes de torture et, en même temps, exclut tout fait justificatif de la torture.

Loi n° 97/010 du 10 janvier 1997 modifiant certaines dispositions de la loi n° 64/LF/13 du 26 juin 1964 fixant le régime de l’extradition

55.         Elle intègre au régime camerounais de l’extradition l’essentiel des dispositions des articles 3 et 6 de la Convention, et constitue une innovation considérable dans le régime de répression de la torture entendue comme crime international.

Loi n° 97/012 du 10 janvier 1997 fixant les conditions d’entrée, de séjour et de sortie des étrangers au Cameroun

56.         Elle abroge sa devancière, la loi no 90/043 du 19 décembre 1990, notamment en ses dispositions relatives aux étrangers. Elle ne contient pas de dispositions spécifiques de prohibition de la torture ou autres mauvais traitements. Cependant, elle renferme, mieux que la précédente de décembre 1990 un certain nombre de garanties libérales.

57.         S’agissant du régime de l’éloignement d’un étranger en infraction aux règles de séjour, les dispositions sur le refoulement, la reconduite à la frontière, l’expulsion, etc., ne donnent pas une quelconque latitude aux fonctionnaires de la police des frontières à infliger de mauvais traitements aux personnes concernées, ni aux autres autorités le droit d’y procéder, au mépris de l’article 3 de la Convention; qui plus est, la protection des étrangers face aux mesures de police administrative est assurée.

58.         C’est ainsi que, selon l’article 35, toute mesure de reconduite à la frontière doit être dûment notifiée à l’étranger concerné. Dès notification de cette mesure, l’étranger en cause est immédiatement mis en mesure d’avertir un conseil ou une personne de son choix ou, le cas échéant, les autorités diplomatiques ou consulaires concernées. Aux termes de l’article 36, l’étranger qui a fait l’objet d’une mesure de reconduite à la frontière peut, dans les 48 heures suivant notification de celle-ci, demander son annulation devant la juridiction administrative compétente, nonobstant les règles prévues en matière de recours gracieux préalable. Il peut être assisté de son conseil ou demander, au président de la juridiction administrative saisie, la désignation d’office d’un avocat. À l’article 37, il est précisé que la juridiction administrative est tenue de statuer dans les huit jours qui suivent sa saisine. Dans le cas où la mesure de reconduite à la frontière est annulée, l’étranger est, sous réserve de la régularisation de sa situation, autorisé à séjourner sur le territoire national. Le jugement ainsi rendu est susceptible d’appel selon les formes prescrites par la loi. Cet appel n’a pas d’effet suspensif. Les dépens sont à la charge du trésor public. Enfin, l’article 38 dispose que la mesure de reconduite à la frontière ne peut être exécutée avant l’expiration du délai de 48 heures suivant sa notification et avant que la juridiction saisie n’ait statué.

59.         Par décret présidentiel n° 2000/286 du 12 octobre 2000, les modalités d’application de la loi n° 97/012 du 10 janvier 1997 ont été précisées. Ce décret consolide les garanties des droits des étrangers dans le cadre des mesures d’éloignement du territoire.

Ordonnance n° 97/01 du 4 avril 1997 modifiant les articles 3 et 4 de la loi n° 92/008 du 14 août 1992 fixant certaines dispositions relatives à l’exécution des décisions de justice

60.         Ce texte autorise le tribunal saisi, en cas de décision contradictoire ou réputée contradictoire, à ordonner l’exécution provisoire, nonobstant appel, et notamment en matière de réparation du dommage résultant d’une atteinte à l’intégrité physique d’une personne, pour les frais et dépenses justifiés nécessités par les soins d’urgence et limités exceptionnellement aux frais de transport ou de transfert, aux frais pharmaceutiques, médicaux et d’hospitalisation.

61.         Ces dispositions sont applicables aux condamnations civiles prononcées par une juridiction répressive, et s’appliquent donc aux victimes de la torture qui se seraient constituées parties civiles dans un procès pénal engagé contre des auteurs d’actes de torture.

Loi n° 97/002 du 10 janvier 1997 sur la protection de l’emblème et du nom "Croix-Rouge"

62.         Cette loi régit l’usage et la protection de l’emblème et du nom "Croix‑Rouge" sans préjudice des dispositions pertinentes des conventions relatives au droit international humanitaire, dûment ratifiées par la République du Cameroun, notamment les Conventions de Genève du 12 août 1949 et leurs protocoles additionnels I et II, du 8 juin 1977. Il y apparaît que la Croix‑Rouge camerounaise a le droit d’usage exclusif de l’emblème à titre indicatif et du nom "Croix‑Rouge" sur toute l’étendue du territoire national.

63.         Le Cameroun a signé le 31 mars 1999 avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) un accord relatif au siège à Yaoundé de la délégation régionale du CICR. Cet accord de siège répond au souhait exprimé par le CICR d’établir à Yaoundé une délégation régionale qui assure ses tâches conformément aux mandats qui lui ont été confiés par les Conventions de Genève de 1949 et par les protocoles additionnels de 1977 auxquels l’État du Cameroun est partie, ainsi que par les statuts du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. En vertu dudit accord de siège, le Gouvernement camerounais reconnaît à la Délégation régionale du CICR des privilèges et immunités analogues à ceux accordés aux organisations internationales, et lui fait bénéficier, dans de nombreux domaines, d’un traitement aussi favorable que celui octroyé auxdites organisations. (voir infra les développements relatifs à l’article 11 de la Convention).

64.         De même, le Cameroun a signé le 18 juin 1999 un accord similaire avec la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, relatif au statut de la Délégation régionale pour l’Afrique centrale au Cameroun. Cet accord prévoit une gamme de facilités pour le déroulement des opérations de la Fédération, qui a pour objet général d’inspirer, d’encourager, de faciliter et de faire progresser en tout temps et sous toutes les formes l’action humanitaire des sociétés nationales, en vue de prévenir et d’alléger les souffrances humaines et d’apporter ainsi sa contribution au maintien et à la promotion de la paix dans le monde.

65.         Par ailleurs, il convient de signaler qu’après avoir participé activement à la Conférence diplomatique de plénipotentiaires des Nations Unies sur la création d’une cour criminelle internationale, qui s’est tenue à Rome du 15 juin au 17 juillet 1998, le Cameroun a signé le traité portant statut de la Cour dès le 17 juillet 1998, soit le jour même de son adoption. Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale incrimine la torture et autres mauvais traitements comme crime contre l’humanité (art.7, par. 1, al. f, g et k) et comme crime de guerre (art. 8, par. 2, al. a, ii et iii).

66.         C’est pour préparer la ratification que le Président de la République du Cameroun a créé, par décret n° 2000/343 du 4 décembre 2000, le Comité technique ad hoc pour la mise en œuvre du Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Ce comité a été chargé, entre autres, d’étudier les implications de la ratification du statut de la Cour sur le droit interne camerounais. Il comprenait :

Des membres désignés de la délégation camerounaise aux travaux de la commission préparatoire de la Cour pénale internationale;

Des professeurs d’université et des magistrats anglophones et francophones, représentant les deux branches modernes du système juridique camerounais;

Des diplomates.

67.         Les travaux de ce comité technique, qui se situent hors période de référence, feront l’objet d’un développement ultérieur.

Mesures réglementaires ou administratives

68.         Le décret n° 97/205 du 7 décembre 1997 portant organisation du gouvernement répartit entre plusieurs départements ministériels les divers secteurs de promotion et de protection des droits de l’homme.

69.         Le Ministère de l’administration territoriale est chargé, entre autres, de l’administration pénitentiaire, de la protection civile, du suivi des activités des associations à but non lucratif et des cultes. Il dispose d’une cellule des libertés publiques.

70.         Au Ministère des affaires sociales incombe la protection sociale de l’individu et la promotion de la famille, en particulier la prévention et le traitement de la délinquance juvénile ou l’inadaptation sociale, la facilitation de la réinsertion sociale.

71.         Le Ministère de la condition féminine est chargé de l’éducation et de la mise en œuvre des mesures relatives au respect des droits de la femme camerounaise dans la société, à la disparition de toutes discriminations à l’égard de la femme et à l’accroissement des garanties d’égalité dans les domaines politique, économique, social et culturel.

72.         Le Ministère de l’emploi, du travail et de la prévoyance sociale est responsable du contrôle de l’application du Code du travail et des conventions internationales ayant trait au travail ratifiées par le Cameroun.

73.         Le Ministère de la justice est chargé de la préparation des textes relatifs aux statuts professionnels des magistrats et des greffiers, à l’organisation judiciaire, au statut des personnes et des biens, au droit pénal général et spécial.

74.         Le Ministère de la défense, le Ministère de l’éducation nationale, le Ministère des relations extérieures, le Ministère de la santé publique et d’autres départements ministériels ainsi que la Délégation générale à la sûreté nationale ont reçu des attributions spécifiques et complémentaires dans ce domaine.

a)       Au niveau de l’administration du territoire

75.         Le Vice-Premier Ministre chargé de l’administration territoriale a pris, le 13 novembre 1997, la circulaire n° 02306/CAB/VPM‑AT précisant les modalités d’application de la garde à vue administrative. Il s’est agi de protéger la liberté individuelle des citoyens contre l’arbitraire des autorités administratives, et ce, pour pallier à certaines lacunes de la loi n° 90/054 du 19 décembre 1990 relative au maintien de l’ordre. Cette loi habilitait les autorités administratives, que sont notamment le Ministre de l’administration territoriale, le gouverneur et le préfet, à prendre des mesures de garde à vue d’une durée de 15 jours renouvelables dans le cadre de la lutte contre le grand banditisme. La circulaire du 13 novembre 1997 vise à éviter une interprétation maladroite qui dénaturerait la notion de garde à vue administrative. D’après cette circulaire :

               La garde à vue administrative ne peut être ordonnée que dans le cadre de la lutte contre le grand banditisme, la finalité en étant la préservation ou le rétablissement de l’ordre public;

               Les gouverneurs de province et les préfets sont les seules autorités administratives compétentes pour prendre cette mesure et, en tant que de besoin, la renouveler une seule fois;

               Une garde à vue administrative ne peut être exécutée que dans des locaux appropriés, relevant de la sûreté nationale, de la gendarmerie ou de l’administration pénitentiaire.

76.         Un contrôle de régularité est prévu dans la forme et le contenu. Tout arrêté ordonnant une garde à vue administrative doit obéir aux règles générales d’élaboration des actes administratifs unilatéraux. Le ministre de l’administration territoriale ainsi que les gouverneurs de province exercent le contrôle administratif en la matière. Un contrôle juridictionnel est également envisageable.

77.         Cette circulaire rapproche le régime de la garde à vue administrative de la garde à vue judiciaire de l’article 9 du Code d’instruction criminelle, qui prévoit que seuls les officiers (et pas les agents) de police judiciaire peuvent ordonner une garde à vue.

78.         Il convient de rappeler que cette mesure de restriction de la liberté individuelle peut donner lieu à une action en libération immédiate fondée sur l’article 16 (nouveau) de l’ordonnance n° 72/4 du 26 août 1972 portant organisation judiciaire, qui prévoit que le tribunal de grande


instance est compétent "pour connaître des requêtes en libération immédiate formées soit par une personne emprisonnée ou détenue, soit en son nom, lorsque lesdites requêtes sont fondées sur un cas d’illégalité formelle ou sur le défaut de titre de détention".

b)      Au niveau de l’administration pénitentiaire

79.         Le décret présidentiel n° 97/205 du 7 décembre 1997 portant organisation du gouvernement a créé au niveau du Ministère de l’administration territoriale deux postes de secrétaires d’État chargés respectivement des collectivités territoriales et de l’administration pénitentiaire.

80.         Le décret présidentiel n° 97/207 du 7 décembre 1997 portant formation du gouvernement a effectivement pourvu le poste de secrétaire d’État à l’administration pénitentiaire.

81.         Ces deux actes du chef de l’État se situent dans le prolongement du décret n° 95/232 du 6 novembre 1995 portant organisation du Ministère de l’administration territoriale, qui a créé une sous-direction de la santé pénitentiaire à la direction de l’administration pénitentiaire.

82.         Le souci d’humaniser les conditions de vie des détenus dans les prisons camerounaises sous-tend la politique d’administration pénitentiaire qui s’est concrétisée par un nombre considérable d’efforts de développement des ressources humaines, de développement institutionnel et infrastructurel.

83.         Il est à rappeler que l’arrêté n° 89/003/MINSCOF du 2 avril 1989 créait déjà des postes d’assistants sociaux auprès des prisons, commissariats de police, universités, lycées, hôpitaux et centres médico-sociaux et que l’instruction ministérielle n° 93/000723/MINASCOF/SG du 1er avril 1993 avait fixé les attributions du chef de poste d’assistant social auprès des prisons.

84.         Pour remédier à la surpopulation carcérale, trois nouvelles prisons ont été créées par arrêté n° 00028/MINAT du 9 mai 2000. Il s’agit des prisons principales de Kumbo dans le département de Bui, de Ndop dans le département de Ngoketunjia et de Nkambé dans le département de Donga Mantung. La mise en fonctionnement de ces trois prisons permettra de décongestionner la prison centrale de Bamenda.

85.         Dans la même optique de décongestionnement des prisons existantes, des études sont en cours pour la construction de nouvelles prisons dans les villes de Yaoundé, Douala, Kaélé. Par communiqué n° 000987/C/MINAT/DAG du 21 novembre 2000, des sociétés ont été retenues pour l’appel d’offres y relatif.

86.         S’agissant de la réfection des infrastructures, il y a lieu de noter que 28 prisons ont été réhabilitées en trois ans, ce qui a requis une dépense d’un montant de 449 770 761 francs CFA (FCFA) [soit 685 671 euros] au cours des exercices budgétaires 1997/1998, 1998/1999 et 1999/2000 pour, respectivement, 5, 12 et 11 prisons réfectionnées. En réalité, la plupart des prisons camerounaises sont vétustes. Les devis de leur réfection se chiffrent à 1,7 milliard de FCFA (soit 2 591 633 euros). Une dotation annuelle de 500 millions de FCFA (soit 762 245 euros) par prison à construire est nécessaire pour résoudre le problème de la surpopulation carcérale.

87.         La préservation de la santé des détenus a donné lieu à un certain nombre de mesures parmi lesquelles deux peuvent être mises en relief :

La mise en place, au niveau de la sous-direction de la santé pénitentiaire, d’une caisse d’avance destinée à l’acquisition des médicaments pour les détenus;

Le recrutement et l’affectation de huit médecins administrateurs principaux des prisons, qui pourront désormais non seulement s’occuper efficacement de la prison centrale de chaque chef lieu de province, mais également inspecter les autres prisons du ressort de la province.

88.         Les efforts ainsi engagés pour moderniser l’administration pénitentiaire se poursuivent malgré l’insuffisance des moyens financiers de l’État. Parallèlement, une vigilance accrue est requise pour veiller au respect, par les fonctionnaires de l’administration pénitentiaire, du régime disciplinaire, sous peine de sanction.

89.         À la lumière du décret n° 92/052 du 27 mars 1992 portant régime pénitentiaire qui s’inspire de l’Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus, du décret no 92/054 du 27 mars 1992 portant statut spécial du corps des fonctionnaires de l’administration pénitentiaire et surtout de l’arrêté n° 080 du 16 mai 1983 du Ministre de l’administration territoriale portant régime disciplinaire des personnels de l’administration pénitentiaire, des sanctions sont systématiquement infligées à tout personnel pénitentiaire qui se rend coupable de torture ou de tout autre mauvais traitement à l’égard des détenus. Ces sanctions vont de la consigne au retard à l’avancement, sans préjudice des poursuites pénales. À défaut de statistiques générales disponibles, quelques cas peuvent être mentionnés à titre d’illustration :

               Cas du gardien de prison principal T..., en service à la prison centrale de Bafoussam, à qui une sanction disciplinaire de 72 heures de consigne a été infligée pour mauvais traitement sur un détenu (note de service n° 27/NS/REG/PC/BFM du 5 septembre 1999 du régisseur);

               Cas du gardien de prison F..., en service à la prison centrale de Bafoussam, à qui une sanction disciplinaire de trois jours de cellule a été infligée pour sévices sur un détenu (note de service n° 46/NS/REG/DCB du 7 juin 1999 du régisseur);

               Cas du gardien de prisons major M... O... L..., en service à la prison centrale de Yaoundé, à qui une sanction de trois jours de cellule disciplinaire a été infligée pour brutalité gratuite à l’endroit du détenu T... A... (note de service n° 38/S/PCY/SAF/BP du 22 avril 1997 du régisseur).

               Cas du gardien de prison A... B..., en service à la prison centrale de Yaoundé, à qui une sanction de 12 heures de consigne a été infligée pour abus d’autorité et violence sur un détenu (note de service n° 17/S/PCY/SAF/BP du 10 février 1998 du régisseur).

c)       Au niveau de la police

90.         L’attention du personnel de la police est constamment attirée sur les atteintes aux droits et libertés de la personne humaine.

91.         Dans son allocution prononcée le 4 août 2000 à l’occasion des cérémonies de sortie des élèves de l’École nationale supérieure de police, le Délégué général à la sûreté nationale a rappelé à ceux‑ci que "le respect de la légalité républicaine, des libertés individuelles et des droits de l’homme doit s’inscrire en permanence au centre de leurs préoccupations".

92.         De plus, en relation avec la Convention, le décret n° 2002/003 du 14 janvier 2002 portant organisation de la Délégation générale à la sûreté nationale, en son article 103, crée au sein des commissariats de sécurité publique la fonction de chef de poste dont l’une des missions est de veiller particulièrement à la sécurité des gardés à vue.

93.         Les dispositions réglementaires ci-après sont constamment rappelées par les hauts responsables de la police aux personnels chargés de la garde à vue :

a)            Seuls les commissaires de police et officiers de police de grade décident des gardes à vue, sous le contrôle permanent du procureur de la République;

b)            Les responsables des commissariats contrôleront tous les matins la situation des gardés à vue afin de déceler à temps les malades éventuels qui devront aussitôt être conduits à l’hôpital pour des soins médicaux appropriés;

c)            Les registres des gardés à vue seront visés chaque jour par les mêmes responsables, qui devront s’enquérir de la présence effective et en bon état de santé des personnes placées en cellule;

d)            Tout traitement inhumain ou dégradant de personnes dans les commissariats de police devra être banni comme méthode de travail, notamment :

i)               L’usage du bâton et du fouet comme moyen d’obtenir des aveux;

ii)              L’usage abusif des aérosols et armes de service.

94.         D’une manière générale, le respect scrupuleux des droits et libertés des personnes, tout en tenant compte de la nécessité de préserver l’ordre public, doit être considéré comme la règle de conduite cardinale rentrant dans l’appréciation du fonctionnaire de police.

95.         Il est tenu dans les unités de police un registre de garde à vue comportant les mentions suivantes :

a)             Le motif de celle-ci;

b)             La date et l’heure;

c)             L’aspect général de l’individu au moment de son placement;

d)             Son état de santé au moment de sa sortie (déférement ou élargissement);

e)            D’autres indications sur les biens saisis sur lui et conservés à sa disposition, s’ils ne concernent pas l’enquête.

96.         Par ailleurs, les officiers de police judiciaire sont constamment invités à respecter scrupuleusement les délais de garde à vue. Pour vérifier l’efficacité de ces mesures, des contrôles sont régulièrement effectués dans les unités de police par de hauts responsables de ce corps.

97.         En dehors de ce contrôle interne, les autorités judiciaires exercent une surveillance sur les règles, les instructions, les méthodes et pratiques d’interrogatoire, les dispositions concernant la garde à vue et le traitement des personnes interpellées. À cet effet, le procureur de la République effectue des visites, très souvent inopinées, dans les cellules des commissariats de police et met systématiquement en liberté toute personne dont la garde à vue n’est pas légalement justifiée.

98.         Il est utile de citer, par anticipation, la lettre circulaire n° 00466/DGSN/CAB du 6 avril 2001 que le Délégué général à la sûreté nationale a adressée à tous les responsables centraux et extérieurs de la sûreté nationale, sur l’amélioration des conditions de garde à vue. Cette circulaire largement médiatisée, qui fera l’objet d’une analyse détaillée dans le prochain rapport périodique, interdit une fois encore aux fonctionnaires de la police tous actes susceptibles de porter atteinte à la dignité des personnes gardées à vue, quels que soient les motifs de leur garde à vue. En particulier, elle rappelle certaines prescriptions de la Convention et prohibe que des individus placés en garde à vue dans les cellules des unités de police soient préalablement dépouillés de leurs vêtements.

99.         Lorsque ces mesures n’ont pas permis d’éviter la commission des actes prévus et réprouvés par la Convention, des sanctions disciplinaires et/ou pénales sont infligées aux policiers qui en sont les auteurs. Pour la période de référence, les tableaux ci-après récapitulent quelques sanctions disciplinaires et pénales infligées aux policiers convaincus d’actes de torture ou d’autres mauvais traitements.

Tableau 1.  État des poursuites disciplinaires pour violation des droits de l’homme

Nature des faits à réprimer

Personnels poursuivis
Gardiens de la paix

Inspecteurs de police

Officiers de police

Commissaires de police

Total

Garde à vue abusive. Séquestration

1

Aucun

1

Aucun

2

Usage abusif et menaces avec arme de service

2

6

2

Aucun

10

Violences et voie de fait. Coups mortels

8

2

2

Aucun

12

Retrait abusif de pièces

1

Aucun

Aucun

Aucun

1

Viol sur mineur gardé à vue

2

Aucun

Aucun

Aucun

2

Rétention abusive de la chose d’autrui

4

Aucun

Aucun

Aucun

4

Négligence ayant entraîné la mort d’un gardé à vue

Aucun

1

Aucun

1

2

  Total

18

9

5

1

33

 


Tableau 2.  État des poursuites et sanctions judiciaires

Peines
Cadres
Gardiens de la paix

Inspecteurs de police

Officiers de police

Commissaires de police

Total

Peines privatives de liberté

9

2

Aucun

1

12

Peines assorties de sursis

1

Aucun

Aucun

Aucun

1

Emprisonnement à vie

1

Aucun

Aucun

Aucun

1

Dossiers en instance

22

3

Aucun

2

27

  Total

33

5

Aucun

3

41

 

100.     En outre, pour améliorer les conditions matérielles de garde à vue sur tout le territoire national, le Gouvernement a fait construire des cellules plus adaptées et fait réfectionner celles qui ne répondaient plus aux normes requises. Les systèmes d’eau, d’électrification et d’aération ont été ainsi réhabilités. Le principe de la séparation des hommes, des femmes et des enfants tend de ce fait à être rigoureusement appliqué.

101.     Il ne fait par conséquent aucun doute que les conditions actuelles de garde à vue dans les unités de police, sans être encore parfaites, ont connu des améliorations considérables. C’est le lieu de souligner que les contributions de certains pays amis et partenaires multilatéraux appuient cet effort permanent du Gouvernement visant à rendre plus décentes les conditions de garde à vue des personnes interpellées.

102.     En même temps, avec la reprise économique, les unités de police ont été équipées en matériel roulant et de bureaux permettant d’accélérer les enquêtes afin d’éviter de longues gardes à vue.

d)      Au niveau de la gendarmerie

103.     Suivant les textes organiques, la gendarmerie nationale est un corps militaire d’élite chargé, en période normale, de veiller à la sécurité publique, au maintien de l’ordre et à l’exécution des lois et règlements de la République.

104.     Les conventions internationales de protection des droits de l’homme auxquelles le Cameroun est partie font donc partie intégrante des textes dont la gendarmerie nationale assure le respect aussi bien de la part des citoyens que de par l’exemplarité du comportement des gendarmes eux-mêmes.

105.     Comme relevé dans le précédent rapport périodique, les termes de la dépêche du Secrétaire général de la présidence de la République, adressée le 18 avril 1996 au Secrétaire d’État à la défense chargé de la gendarmerie nationale et dont l’objet est "agissements répréhensibles des forces de maintien de l’ordre", sont constamment rappelés au personnel de la gendarmerie. Le Secrétaire général de la présidence de la République y prescrivait "un traitement diligent, dissuasif, et sans complaisance des justiciables afin de sécuriser les populations et rétablir la nécessaire confiance entre ces dernières et les forces de sécurité".

106.     Des instructions de rappel du haut commandement de la gendarmerie et des mesures d’ordre inférieur sont régulièrement adressées aux unités de gendarmerie pour réitérer l’obligation de respecter et de protéger les droits de l’homme, et surtout de combattre la torture et autres mauvais traitements.

107.     C’est ainsi qu’à l’occasion de la réunion annuelle des commandants de légion et des responsables des services centraux de la gendarmerie, le 12 décembre 2000, le Ministre d’État délégué à la présidence chargé de la défense a prononcé un discours de sensibilisation particulière sur la défense des droits et libertés, soulignant que : "Au plan intérieur, le respect des droits de l’homme, des libertés individuelles et collectives, pour tout dire l’État de droit, que les gendarmes doivent intégrer comme une option fondamentale de la politique gouvernementale, les aspirations des populations camerounaises elles-mêmes à la paix et à plus de libertés nous imposent des obligations nouvelles appelées à provoquer dans notre corps des changements de comportement à la fois individuels et collectifs. La vision d’une gendarmerie citoyenne et de proximité est un excellent thème".

108.     Le Secrétaire d’État à la défense chargé de la gendarmerie nationale déclarait le même jour : "Nous devrons rechercher comment améliorer l’efficacité de la gendarmerie à l’heure de la mondialisation et de la démocratie pour que celle-ci reste ce qu’elle a toujours été, à savoir une institution profondément imprégnée, dans son organisation et sa culture, par la volonté d’assurer la sécurité et le respect des droits de l’homme dans tous les aspects de ses missions".

109.     Les tableaux ci-après rendent compte des sanctions prises à l’encontre des personnels de la gendarmerie pour violation des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Les mesures présentées correspondent aux années 1997, 1998 et 1999. Les infractions constatées et considérées par le commandement de la gendarmerie comme étant des violations des droits de l’homme sont les violences physiques, les coups et blessures, les assassinats, les arrestations et détentions arbitraires, les injures, les troubles de jouissance, les agressions, les menaces à main armée, les contrôles tracassiers.

Tableau 3.  État des poursuites disciplinaires ou pénales à l’encontre des personnels de la gendarmerie
pour violation des droits de l’homme en 1997

Motifs
Nombre de cas

Sanctions disciplinaires cumulées

Traduction devant
les tribunaux

Sous-officiers

Gendarmes

Jours d’arrêt de
rigueur

Jours de prison

Contrôles tracassiers

5

11

100

260

 

Utilisation irrégulière d’arme

--

 

--

 

 

Extorsion d’argent

40

47

800

940

 

Arrestation et détention arbitraires

9

3

210

60

 

Violences physiques

5

32

125

620

 

Menaces à main armée

1

5

30

150

 

Assassinat

--

 

--

 

 

Troubles de jouissance

1

 

20

 

--

  Total

61

87

1 285

2 030

4 condamna-tions pénales
7 en instance

 

Tableau 4.  État des poursuites disciplinaires ou pénales à l’encontre des personnels de la gendarmerie
pour violation des droits de l’homme en 1998

Motifs

Nombre de cas

Sanctions disciplinaires cumulées

Poursuites répressives

Sous-officiers

Gendarmes

Jours d’arrêt de rigueur

Jours de prison

Contrôles tracassiers

6

15

120

350

 

Utilisation irrégulière d’arme

1

1

45

45

1

Extorsion d’argent

5

5

125

125

--

Arrestation et détention arbitraires

2

1

40

20

 

Violences physiques

3

2

60

20

 

Menaces à main armée

2

2

50

50

2

Assassinat

1

1

60

60

1

Troubles de jouissance

--

2

--

20

--

  Total

20

29

500

690

4

 

Tableau 5.  État des poursuites disciplinaires ou pénales à l’encontre des personnels de la gendarmerie
pour violation des droits de l’homme
en 1999

Motifs

Nombre de cas

Sanctions disciplinaires cumulées

Poursuites répressives

Sous-officiers

Gendarmes

Jours d’arrêt de rigueur

Jours de prison

Contrôles tracassiers

1

7

20

220

7 en instance

Utilisation irrégulière d’arme

6

4

 170

110

1 condamnation
6 en instance

Extorsion d’argent

15

5

370

120

--

Arrestation et détention arbitraires

 

7

 

155

1 condamnation
7 en instance

Violences physiques

 13

4

315

110

1 condamnation
6 en instance

Menaces à main armée

 

1

 

20

--

Assassinat

 

--

 

--

--

Troubles de jouissance

4

1

90

20

5 en instance

  Total

47

21

1 140

580

 

 

 

e)       Au niveau de la justice

110.     Le Ministère de la justice a été à nouveau organisé par le décret n° 96/280 du 2 décembre 1996 dans le sens d’une meilleure rationalisation du travail.

111.     Dans le but de renforcer l’Inspection générale des services judiciaires et d’en accroître l’efficience, le décret n° 2000/372 du 18 décembre 2000 modifie certaines dispositions du décret no 96/280 précité. Il prévoit en effet que l’Inspection générale des services judiciaires, placée sous l’autorité d’un inspecteur général ayant rang et prérogatives de secrétaire général de ministère, est chargée :

a)             Du contrôle interne et de l’évaluation du fonctionnement des services centraux et des juridictions, à l’exception des activités juridictionnelles;

b)             De l’information du ministre et du secrétaire général sur la qualité du fonctionnement et du rendement des services;

c)             Du suivi de la mise en œuvre et de l’évaluation régulière, en liaison avec les services compétents de la réforme administrative, de l’application des techniques d’organisation et méthodes de simplification du travail administratif.

112.     Sa capacité d’action a été accrue du fait, d’une part, du renforcement de ses effectifs et, d’autre part, de la mise à sa disposition des moyens matériels et financiers lui permettant d’effectuer des missions programmées ou ponctuelles.

113.     Cette modification institutionnelle est en rapport avec le souci d’assainissement du corps et d’indépendance de la magistrature, lequel transparaît à l’article 37 (par. 2) de la Constitution, selon lequel "les magistrats du siège ne relèvent dans leurs fonctions que de la loi et de leur conscience".

114.     Afin que l’indépendance de la magistrature ainsi affirmée par la Constitution ne soit pas dans les faits vidée de sa substance, il revient en partie aux magistrats, dans l’exercice de leurs fonctions juridictionnelles, de lui restituer toute la plénitude de son contenu. Dans une communication aux procureurs généraux, le Ministre de la justice, Garde des sceaux, engage les magistrats à une refonte psychologique lorsqu’il déclare en 1996, à l’occasion d’une réunion des chefs de cour :

"Il est d’usage longtemps établi qu’une fois par an vous vous retrouviez autour du Garde des sceaux et des principaux responsables du département ministériel pour faire le point, pendant quelques moments, de certains problèmes qui ont particulièrement retenu l’attention de la Chancellerie durant les 12 précédents mois. Il m’a été difficile de me fixer sur un thème que le Garde des sceaux devait aborder en liminaire de nos travaux. Finalement, j’ai été attiré par l’actualité du moment et notamment par les travaux qui viennent d’avoir lieu à l’Assemblée nationale dont l’un des aspects a concerné l’examen et l’adoption de la nouvelle Constitution.

Il m’a paru important d’examiner avec vous ce qu’est cet apport nouveau, l’érection de l’autorité judiciaire en pouvoir judiciaire, et le bénéfice que la société tout entière en attend par vos actions interposées. Aujourd’hui, les acteurs de la chose judiciaire se doivent de se convertir aux contraintes d’un pouvoir judiciaire enfin là.

Celui-ci n’emporte l’indépendance de la justice qu’autant que ceux qui ont en charge de distribuer celle-ci sont parfaitement pénétrés de l’idée que constitue désormais ce troisième pouvoir de l’État. Fini donc cet attentisme inhibant qui permettait à beaucoup d’entre vous de n’entreprendre aucune action lorsque même l’évidence l’imposait de façon éblouissante. Le pouvoir judiciaire est incompatible avec le refus d’assumer ses responsabilités, de les assumer courageusement... L’avènement du pouvoir judiciaire exige des hommes de compétence, des hommes de valeur comme, il n’y a pas très longtemps aux États-Unis, il y a eu ces fameux incorruptibles... Cessez d’être à la solde de ceux qui n’ont rien à voir avec vous".

115.     Dans le message de fin d’année radiotélévisé qu’il a adressé à la nation le 31 décembre 1998, le Président de la République a stigmatisé les maux qui minent le corps de la magistrature et interpellé les magistrats sur la nécessité impérieuse de l’assainissement des mœurs et de la restauration de la confiance en la justice.

116.     Auparavant, des efforts tendant à mettre les magistrats à l’abri de la corruption ont été entrepris à travers le décret présidentiel n° 97/6 du 22 janvier 1997, accordant à ceux-ci certains avantages qui les sécurisent matériellement.

117.     Du 25 au 29 octobre 1999, le Ministère de la justice a organisé sur l’ensemble du territoire national les "premières journées portes ouvertes de la justice camerounaise", consistant en une série de conférences publiques regroupant les praticiens et théoriciens du droit. Placées sous le patronage du Ministre de la justice, Garde des sceaux, ces assises ont été dirigées dans les chefs-lieux de province par les présidents des cours d’appel. L’objet était de faire l’état des lieux de la justice camerounaise. Elles ont été l’occasion de vulgariser les mécanismes fondamentaux du service public de la justice, de corriger le cliché de la justice en inspirant la confiance chez les citoyens et de consolider, au niveau de l’appareil judiciaire, le principe de la transparence et, par‑delà, de la bonne gouvernance.

118.     Dans le souci de rapprocher la justice des justiciables, de nouvelles juridictions ont été créées et des responsables nommés à leur tête.

119.     L’impact de la création et de la mise en fonctionnement de ces nouvelles juridictions sur les lenteurs judiciaires souvent décriées fera l’objet d’un développement ultérieur.

Mesures judiciaires

120.     Au niveau des juridictions militaires, il apparaît que les militaires tant de la gendarmerie que des autres corps de l’armée sont régulièrement traduits devant les tribunaux pour toutes sortes d’abus assimilables à la torture ou à d’autres mauvais traitements. On pourrait pour la seule année 2000 citer à titre d’exemples :

a)            L’affaire contre le gendarme T..., poursuivi suivant ordre d’informer n° 078 du 21 décembre 2000 pour arrestation et séquestration arbitraires;

b)            L’affaire contre les gendarmes A... A... et N... N..., poursuivis suivant ordre d’informer n° 183 du 2 mai 2000 pour arrestation et séquestration arbitraires;

c)            L’affaire contre les gendarmes M... A... M... et L... P..., poursuivis suivant ordre d’informer n° 192 du 10 mai 2000 pour torture;

d)            L’affaire contre W..., poursuivi suivant ordre d’informer n° 271 du 12 juillet 2000 pour arrestation et séquestration arbitraires;

e)            L’affaire contre B... B... et B... E..., poursuivis devant le tribunal militaire de Bafoussam pour coups et blessures.

121.    Par ailleurs et selon l’article 33 du Code pénal, l’obéissance à l’autorité légale est une excuse absolutoire. Mais, pour que cette excuse soit opérante, il faut encore que l’ordre lui-même soit légal. Cela signifie que l’exécution d’un ordre manifestement illégal, de même que l’excès de zèle dans l’exécution de la loi sont prohibés et engagent la responsabilité de leurs auteurs, que ce soit en période normale ou d’exception. Cette disposition légale reste applicable à tous. Ainsi, chaque fois que des cas d’exécution d’un ordre manifestement illégal ont été signalés, leurs auteurs ont été poursuivis et condamnés. On peut, par exemple, citer :

a)            L’affaire contre N... N... et A... F... M..., poursuivis et condamnés par le tribunal militaire de Bafoussam pour homicide de N... à Bamenda;

b)            L’affaire contre K... F... D... et autres, poursuivis devant le tribunal militaire de Bafoussam pour coaction de coups mortels, faits survenus à Malentouen;

c)            L’affaire contre le capitaine E... B..., poursuivi pour le meurtre de A... à Yaoundé et condamné à 10 ans d’emprisonnement ferme;

d)            L’affaire contre le capitaine H... et cinq autres subordonnés, condamnés pour assassinat à des peines d’emprisonnement ferme allant de 10 à 15 ans;

e)            L’affaire contre le capitaine D... et six autres de ses camarades, auteurs de coups mortels sur la personne du nommé N... à Garoua, condamnés à des peines d’emprisonnement allant de un à quatre ans.

122.     Actuellement en instance et poursuivis pour des cas d’homicide, on peut citer l’affaire contre l’adjudant E... P..., auteur du meurtre de P... P... à Douala; l’affaire contre le sergent M... J... C..., auteur du meurtre de L... B... B...; ou encore l’affaire contre le maréchal des logis A... J... C..., auteur du meurtre du nommé N... à Douala. Tous ont été poursuivis devant le tribunal militaire de Douala, placés sous mandat de dépôt et détenus à la prison centrale de Douala.

123.     Les soldats Z... M..., Y... J... P..., N... J... et A... N... M..., en service à Poli sont poursuivis pour coaction de torture et traduits devant le tribunal militaire.

124.     Il est strictement interdit, au cours des enquêtes, d’user de violences ou de la torture pour extorquer des aveux. Obtenus dans ces conditions, ils sont nuls et la procédure subséquente nulle également. C’est une préoccupation qui justifie l’accent actuellement mis sur la police scientifique et technique dans les cas de mort d’homme.

125.     Au niveau des juridictions civiles, la répression de la torture et des autres mauvais traitements peut être illustrée par les cas suivants :

a)            Jugement n° 176/crim du 5 juin 1998 du tribunal de grande instance de Mfoundi ayant condamné trois policiers, dont un commissaire de police, à des peines allant jusqu’à cinq ans d’emprisonnement pour torture.

b)            Jugement n° 608/crim du 11 novembre 1997 ayant condamné, pour torture, un officier de police judiciaire qui avait refusé à un gardé à vue le droit de s’alimenter, ou encore la décision du même tribunal (jugement n° 728/crim du 17 décembre 1997) qui retenait comme acte de torture le fait de refuser à un gardé à vue le droit de communiquer avec sa famille;

c)            Jugement n° 195/crim du 26 juin 1998 du tribunal de grande instance du Mfoundi ayant condamné deux policiers de haut rang respectivement à 10 et 6 ans d’emprisonnement pour torture. En appel, à l’audience du 9 février 1999 de la cour d’appel du Centre, la culpabilité de l’un d’eux, B..., a été confirmée du chef de torture mais sa peine ramenée de 10 à 8 ans d’emprisonnement. L’autre, N... B..., a bénéficié d’une requalification des faits de torture en omission de porter secours et sa peine ramenée à un an d’emprisonnement et 25 000 FCFA (soit 38 euros) d’amende. L’ensemble des dommages et intérêts accordés aux parties civiles s’est élevé à 20 millions de FCFA (soit 3 053 euros). L’État du Cameroun a été déclaré civilement responsable;

d)            Cas du gardien de la paix N... N..., condamné le 10 juin 1999 par le tribunal de grande instance du Wouri à 20 ans d’emprisonnement et 8 millions de FCFA de dommages et intérêts (soit 12 214 euros) pour meurtre. La Délégation générale à la sûreté nationale, administration au sein de laquelle exerçait N... N..., a été déclarée civilement responsable;

e)            Cas du commissaire de police S... C..., poursuivi par le parquet de Guider pour violences et torture exercées à l’encontre de M... B... le 14 septembre 1999;

f)              Cas du commissaire de police M... S... renvoyé devant le tribunal de grande instance du Haut-Nkam à Bafang en même temps que le gardien de la paix M... S..., pour coaction de torture ayant entraîné la mort de D... F... le 10 octobre 1999 [1];

g)            Arrêt avant dire droit n° 90/add du 5 février 1997 : la cour d’appel du Littoral à Douala ordonnait qu’un accusé qui comparaissait enchaîné (pieds et mains) devant la barre fût immédiatement délesté de ses chaînes.

126.     Dans un domaine voisin, celui des exécutions sommaires, chaque fois que les autorités gouvernementales ont été saisies d’allégations de cette nature, elles ont fait engager des poursuites contre les auteurs. Lesdites poursuites se soldent généralement par des condamnations à de lourdes peines d’emprisonnement. Il en est ainsi du cas du jugement n° 297/97 du 26 août 1997 par lequel le tribunal militaire de Yaoundé a condamné à 15 ans d’emprisonnement le nommé H..., alors commandant de la compagnie de gendarmerie de la localité de Poli, lequel avait fait abattre par un peloton d’exécution sept individus arrêtés comme étant "des coupeurs de route". Les cinq éléments de son unité ont été aussi condamnés pour assassinat aux peines respectives de 12 ans (S.... F..., B... S...) et 10 ans (F..., P..., W... B... et D... E...).

127.     De même, sur le plan judiciaire stricto sensu, il est définitivement acquis que l’obéissance aux ordres des supérieurs hiérarchiques ne saurait constituer, pour les agents ou fonctionnaires civils, ni un fait justificatif ni une excuse. En effet, dans son arrêt de principe n° 4 du 7 octobre 1969, la Cour suprême du Cameroun affirmait déjà clairement que "l’obéissance aux ordres des supérieurs hiérarchiques n’est, pour les agents ou fonctionnaires civils, ni un fait justificatif, ni une excuse; de même, un accusé ne peut invoquer, pour faire disparaître un délit, qu’il s’est borné à exécuter les ordres de ceux qui l’emploient, cette circonstance, en la supposant établie, ne faisant pas disparaître la responsabilité de l’accusé, aucun prévenu ne pouvant échapper aux conséquences pénales de ses faits directs et personnels à moins qu’il n’ait été contraint par une force à laquelle il n’a pu résister".

128.     S’agissant des militaires et autres agents des forces de l’ordre, il est important de relativiser le principe posé par le paragraphe 1 de l’article 83 du Code pénal selon lequel "la responsabilité pénale ne peut résulter d’un acte accompli sur les ordres d’une autorité compétente à laquelle l’obéissance est légitimement due". En effet, cette excuse absolutoire ne peut être opérante que si l’ordre lui-même n’est pas manifestement illégitime.

129.     Le nombre de poursuites sans cesse croissant contre les agents des forces de l’ordre, auteurs des actes de torture, témoigne de la ferme volonté des autorités camerounaises de combattre cette infraction. À cet égard, et pour les seules années 1998, 1999 et 2000, on dénombre devant les juridictions militaires une cinquantaine de poursuites judiciaires pour des faits de torture ou autres infractions voisines, telles que abus de fonction, arrestations et séquestrations arbitraires, coups et blessures. Les cas suivants peuvent être cités :

a)             Suivant ordre de mise en jugement direct n° 116 du 9 février 1998, N... N... A..., W... S... F... et N... L..., tous trois gendarmes majors, ont été poursuivis pour torture, pour avoir, dans la nuit du 30 au 31 juillet 1995, au cours d’une patrouille, interpellé une camionnette suspecte dont un occupant était trouvé dépourvu de sa carte nationale d’identité. Après une vive discussion avec les gendarmes, cet occupant a été conduit à la brigade. S’estimant victime de torture, celui‑ci s’est plaint en justice, et son action a prospéré.

b)             Suivant ordre de mise en jugement direct n° 484/MINDEF/0262 du 16 septembre 1998, B... G..., gendarme major en service à la brigade de gendarmerie d’Obala, a été poursuivi pour torture.

c)             Suivant ordre de mise en jugement direct n° 567/MINDEF/0262 du 28 octobre 1998, B... E..., K... I... M..., Y... M... E... et T... J..., tous gendarmes en service à la brigade de Tsinga et en mission commandée à Ngaoundéré et suite à une altercation avec M. E... M..., agent de la Cameroon Railways, ont été poursuivis pour trouble dans le service et torture.

130.     À cette énumération non exhaustive on pourrait ajouter une multitude d’autres cas comme l’indique le tableau des affaires en matière de torture en annexe au présent rapport. Ce qu’il convient d’en retenir, c’est que, dans toutes ces affaires où les poursuites ont prospéré, les auteurs avérés ont été sanctionnés. Il en est ainsi du cas de M. A... S..., déclaré coupable de torture, puis condamné à 33 mois d’emprisonnement avec sursis pendant 3 ans, à 100 000 FCFA d’amende ferme et aux dépens, suivant jugement n° 11/99 du 11 mars 1999 du tribunal militaire de Douala. D’autres cas sont pendants en justice tels que l’affaire contre l’officier de police A... D... et autres, ou de l’affaire contre trois éléments du commissariat spécial de l’aéroport international de Douala.

131.     Dans la première affaire, H... N... Bernard, comptable à la SITABIC, a porté plainte contre l’officier de police A... D..., l’inspecteur de police principal O... B... et les inspecteurs de police S... B... et K... N..., tous en service au Groupement mobile d’intervention (GMI) de Douala pour torture et traitements inhumains dans les locaux du GMI, pour avoir, dans la nuit du 18 au 19 juillet 1997, interpellé le plaignant qu’il ont conduit comme un vulgaire bandit au GMI où il a été mis à nu, menotté, attaché à la balançoire avant de subir une bastonnade sauvage lui ayant valu 105 jours d’incapacité de travail.

132.     Dans la deuxième affaire, trois éléments du commissariat spécial de l’aéroport international de Douala ont été inculpés le 31 août 2000 de torture dans le cadre d’une information judiciaire ouverte au parquet d’instance Douala.

133.     Une constance se dégage de ces quelques cas : au Cameroun, la lutte contre la torture et les autres traitements inhumains ou dégradants est une réalité. Les auteurs présumés de telles infractions sont systématiquement poursuivis et, en cas de culpabilité, sanctionnés.

134.     Les juges camerounais annulent par ailleurs les procédures établies sur la base d’aveux extorqués. C’est l’exemple du jugement n° 69/2000 du 21 septembre 2000 du tribunal militaire de Bafoussam dans l’affaire ministère public et T... J... contre D... R... ayant annulé la procédure, objet de l’ordre d’informer n° 073/MINDEF/0262 du 16 juillet 1999, et ordonné la mise en liberté immédiate de l’inculpé. En effet, interpellé sous le fallacieux prétexte de port illégal d’une arme de défense et de menaces sous condition, K... R... a été gardé à vue pendant une vingtaine de jours et maltraité. Appelée à se prononcer, la juridiction précitée a annulé toute la procédure, motif pris de ce que les aveux obtenus l’avaient été en violation flagrante et manifeste des droits de l’homme (voir infra développement au titre de l’article 15 de la Convention).

135.     Dans une autre affaire, suivant l’ordre de mise en jugement direct n° 552/MINDEF/0262 du 21 octobre 1998 du Ministre d’État délégué à la présidence chargé de la défense, deux sous-officiers de l’armée de terre, l’adjudant E... P... et le sergent K... ont été traduits devant le tribunal militaire de Douala pour répondre de la prévention d’avoir, par la torture, causé au nommé K... J... une incapacité de travail de 25 jours. Dans son jugement n° 31/00 du 27 avril 2000, le tribunal constatait que K... J... a été gardé à vue par deux militaires de la sécurité pendant plus de 24 heures pour un problème foncier qui ne relève pas de la compétence de ce service. Le tribunal a déclaré les prévenus coupables de torture et les a condamnés à trois ans d’emprisonnement et 200 000 FCFA (soit 305 euros) d’amende chacun. Il a en outre accordé 500 000 FCFA (soit 762 euros) à titre de dommages et intérêts à la partie civile, et déclaré l’État du Cameroun civilement responsable.

Autres mesures

136.     Pendant la période considérée, le Journal officiel de la République (Official Gazette) a paru régulièrement. Il assure la publication bilingue des lois, ordonnances, décrets et actes réglementaires, en vertu de l’ordonnance n° 72/11 du 28 août 1972 remplaçant l’ordonnance n° 61‑OF‑1 du 1er octobre 1961. D’après l’article 2 de cette ordonnance, la publication des actes législatifs et administratifs, assurée par la présidence de la République, est effectuée en anglais et en français au Journal officiel de la République.

137.     La publication bilingue joue un rôle qui dépasse le cadre strictement juridique, et acquiert une dimension politique exploitable pour une meilleure intégration de la nation. Elle assure une application meilleure et uniforme de certains textes, les règles de droit devant être perçues de la même manière partout. Elle devient la voie royale permettant de diffuser un droit authentiquement camerounais, car elle met à la portée des justiciables francophones et anglophones le même droit.

138.     Outre le Journal officiel de la République, plusieurs revues scientifiques, de législation et de jurisprudence camerounaises (Juridis Périodique, Lex Lata, etc.) diffusent le droit.

139.     Sur un tout autre plan, la création en 1998, par décret présidentiel, d’un Comité technique de suivi de la mise en application des instruments juridiques internationaux relatifs aux droits de l’homme est porteuse d’espoir.

140.     Il en est également de la convention de coopération que le Cameroun a signée avec la France en matière de droits de l’homme.

141.     Toujours en 1998, le cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme a été célébré avec faste dans les 10 provinces du Cameroun. Ces manifestations se sont achevées par l’érection, le 10 décembre 1998, sous la présidence du Premier Ministre, chef du gouvernement, d’une stèle à Yaoundé, dédiée aux droits de l’homme. Depuis lors, plusieurs ONG se donnent pour mission la promotion et la protection des droits de l’homme. Cependant, beaucoup reste encore à faire, en particulier l’information et la formation des citoyens, de l’école primaire à l’université et dans toutes les grandes écoles.

Paragraphes 2 et 3

142.     L’alinéa c du paragraphe 5 de l’article 132 bis du Code pénal dispose qu’"aucune circonstance exceptionnelle quelle qu’elle soit, qu’il s’agisse de l’état de guerre ou de menace de guerre, d’instabilité politique intérieure ou de tout autre état d’exception, ne peut être invoquée pour justifier la torture".

143.     L’alinéa d du même paragraphe précise que : "l’ordre d’un supérieur ou d’une autorité publique ne peut être invoqué pour justifier la torture".

144.     Ces deux dispositions sont intégralement calquées sur les paragraphes 2 et 3 de l’article 2 de la Convention.

145.     Par ailleurs, telle qu’exposée dans le précédent rapport (CAT/C/17/Add.22, par. 37), la jurisprudence des tribunaux, qu’ils soient civils ou militaires, bien qu’antérieure à la pénalisation de la torture au Cameroun, renforce cette disposition législative.

Article 3

Paragraphe 1

146.     La loi n° 97/010 du 10 janvier 1997 modifiant et complétant la loi n° 64/LF/133 du 23 juin 1964 fixant le régime de l’extradition a ajouté à l’article 29 de cette dernière loi la disposition suivante : "aucune personne ne sera extradée vers un pays où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture".

147.     Cette disposition doit pouvoir être, mutatis mutandis, transposée dans le domaine des autres mesures d’éloignement des étrangers, notamment le refoulement et l’expulsion, au demeurant expressément déjà visés par l’article 33 de la Convention relative au statut des réfugiés, à laquelle le Cameroun est partie depuis le 23 octobre 1961; point sur lequel le précédent rapport a consacré des développements (ibid., par. 41 à 43).

148.     La justice camerounaise a déjà eu l’occasion de faire application de l’article 29 précité de la loi sur l’extradition. Ainsi, dans une procédure d’extradition contre huit présumés génocidaires rwandais réclamés par le Gouvernement du Rwanda, l’arrêt n° 337/cor du 21 février 1997 de la cour d’appel de Yaoundé énonce : "considérant ... que l’article 29 nouveau de la loi fixant le régime de l’extradition dispose qu’aucune personne ne peut être extradée vers un pays où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture; considérant que sur les ondes internationales le pouvoir actuel à Kigali ne cache pas sa détermination, avant jugement, d’infliger la sanction capitale aux interpellés ... Qu’il échet en conséquence d’émettre un avis défavorable sur la recevabilité légale de cette demande d’extradition".

Paragraphe 2

149.     En conformité avec le paragraphe 2 de l’article 3 de la Convention, l’article 29 de la loi précitée, dans son paragraphe 1 in fine, ajoute que "pour déterminer s’il existe de tels motifs sérieux de croire qu’il y a un risque de torture, il est tenu compte de toutes les considérations pertinentes y compris, le cas échéant, l’existence dans l’État requérant d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives".

150.     En application de cette disposition légale, la cour d’appel de Yaoundé a donné un avis défavorable à l’extradition de présumés génocidaires rwandais, en se fondant sur le contexte de l’époque, au Rwanda, pays où semblait régner plutôt un système de règlement de comptes qu’un cadre propice à l’organisation d’un procès équitable pour les personnes réclamées.

Article 4

Paragraphes 1 et 2

151.     Le Cameroun a pénalisé les actes de torture à l’article 132 bis précité de son Code pénal. Ils constituent un crime passible de l’emprisonnement à vie lorsqu’ils causent involontairement la mort d’autrui. Le crime est punissable d’un emprisonnement de 10 à 20 ans lorsque la torture cause à la victime la privation permanente de l’usage de tout ou partie d’un membre, d’un organe ou d’un sens. Les actes de torture sont constitutifs d’un délit punissable de 5 à 10 ans et d’une amende de 100 000 FCFA (soit 153 euros) à 1 million de FCFA (soit 1 524 euros) lorsque la torture cause à la victime soit une maladie ou une incapacité de travail supérieure à 30 jours, soit d’une peine de 2 à 5 ans et une amende de 50 000 FCFA (soit 762 euros) à 200 000 FCFA (soit 305 euros) lorsque la torture cause à la victime soit une maladie ou une incapacité de travail égale ou inférieure à 30 jours, soit des douleurs ou des souffrances mentales ou morales.

152.     C’est donc en fonction de leur gravité que les actes constitutifs de torture sont réprimés. Les peines sont graduées en fonction des conséquences dommageables de l’acte de torture. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il s’agit de peines à la dimension d’une infraction internationalement réprouvée.

153.     Par ailleurs, le droit pénal camerounais réprime la tentative d’une infraction et la complicité de celle-ci avec la même rigueur que l’infraction principale.

154.     Est ainsi considérée comme tentative par l’article 94 du Code pénal "toute tentative manifestée par un acte tendant à l’exécution d’un crime ou d’un délit et impliquant sans équivoque l’intention irrévocable de son auteur de commettre l’infraction, si elle n’a pas été suspendue ou si elle n’a manqué son effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur".

155.     Le texte ajoute in fine que cette tentative est "considérée comme le crime ou le délit lui-même".

156.     L’article 96 du Code pénal, quant à lui, dispose que :

a)             "Est complice d’une infraction qualifiée crime ou délit :

i)               Celui qui provoque de quelque manière que ce soit l’infraction ou donne des instructions pour la commettre;

ii)              Celui qui aide ou facilite la préparation ou la consommation de l’infraction;

b)             La tentative de complicité est considérée comme la complicité elle-même".

157.     L’article 98 du Code pénal précise que "les coauteurs et complices sont passibles de la même peine que l’auteur principal, sauf dans les cas où la loi en dispose autrement".

158.     Aucun texte de loi ne dispose que la coaction ou la complicité de torture sont punissables des peines autres que celles dont est passible l’auteur principal de l’acte. C’est dire qu’une fois de plus la loi camerounaise est en parfaite harmonie avec la disposition conventionnelle pertinente.

Article 5

Paragraphe 1

159.     Les règles de compétence des juridictions pénales camerounaises ont été largement développées dans les précédents rapports. Il convient de rappeler que le Code pénal camerounais établit :

a)           La compétence territoriale de ses juridictions pour toutes les infractions (art. 7);

b)           La compétence réelle pour les infractions d’atteinte à la sûreté de l’État, de contrefaçon du sceau de l’État ou de monnaies nationales y ayant cours, commises même à l’étranger, à condition, s’agissant d’un étranger, qu’il ait été arrêté sur le territoire de la République ou qu’il y ait été extradé (art. 8);

c)           La compétence personnelle s’agissant des citoyens ou résidents pour des infractions commises à l’étranger, suite à une plainte ou dénonciation officielle du gouvernement du pays où le fait a été commis (art. 10).

160.     Sur ces bases, les règles de compétence telles que définies aux alinéas a et b du paragraphe 1 de l’article 5 de la Convention se retrouvent en droit camerounais. Seule la règle de la compétence personnelle passive, prévue à l’alinéa c du paragraphe 1, n’est pas clairement prévue par le Code pénal camerounais. On peut cependant avancer que, par le mécanisme de la compétence universelle tel qu’il sera développé ci-après, les juridictions camerounaises seraient compétentes pour juger une personne qui aurait torturé un ressortissant camerounais et qui se retrouverait au Cameroun, si celui-ci ne l’extrade pas.

Paragraphe 2

161.     Le paragraphe 2 pose le problème de la compétence universelle des juridictions nationales.

162.     L’article 11 du Code pénal n’admettait cette compétence que pour les infractions qualifiées par le Code d’"internationales". Il s’agit de la piraterie, du trafic des personnes, de la traite des esclaves, et du trafic de stupéfiants.

163.     L’article 28 bis de la loi de 1964 précitée sur l’extradition (dans sa lecture de la loi n° 97/010 du 10 janvier 1997 précitée) vient ajouter à cette liste des infractions dites "internationales" la torture. Celle-ci peut désormais être réprimée au Cameroun même si les faits ont été commis à l’étranger par un non-camerounais. Cet article dispose en effet que :

"Lorsque les circonstances le justifient, toute personne étrangère retrouvée au Cameroun, et soupçonnée d’avoir commis un acte de torture dans un autre pays peut, après des renseignements utiles, faire l’objet d’une enquête préliminaire en vue d’établir les faits.

Les mesures nécessaires destinées à assurer sa présence peuvent être prises conformément à la législation nationale en vigueur. Ces mesures ne peuvent être maintenues que pendant le délai nécessaire aux poursuites pénales (italique ajouté) ou à l’aboutissement d’une procédure d’extradition".

164.     En clair, il résulte de cette disposition que si le Cameroun, lorsqu’il est requis, n’extrade pas la personne soupçonnée d’avoir commis un acte de torture à l’étranger, a l’obligation de la soumettre au jugement de ses juridictions répressives compétentes. C’est une application du principe aut dedere aut judicare posé à l’article 7 de la Convention.

Article 6

165.     L’article 28 bis de la loi n° 64/LF/133 du 26 juin 1964 modifiée a repris en des termes presque identiques le contenu de l’article 6 de la Convention en disposant :

"Lorsque les circonstances le justifient, toute personne étrangère retrouvée au Cameroun et soupçonnée d’avoir commis un acte de torture dans un autre État peut, après des renseignements utiles, faire l’objet d’une enquête en vue d’établir les faits.

Les mesures nécessaires destinées à assurer sa présence peuvent être prises conformément à la législation nationale en vigueur; ces mesures ne peuvent être maintenues que pendant le délai nécessaire aux poursuites pénales ou à l’aboutissement d’une procédure d’extradition.

Toute personne détenue en application de l’alinéa précédent du présent article peut communiquer immédiatement avec le plus proche représentant qualifié de l’État dont elle a la nationalité ou, s’il s’agit d’une personne apatride, avec le représentant de l’État où elle réside habituellement.

L’État dans lequel la torture a été commise est informé... des résultats de l’enquête et, le cas échéant, de l’indication relative à l’option de compétence".

Article 7

166.     Les développements concernant l’article 5 précité in fine demeurent pertinents s’agissant du paragraphe 1de l’article 7.

167.     Les conditions de poursuites sont les mêmes que celles applicables pour les infractions de droit commun de caractère grave. Elles peuvent être résumées ainsi :

a)            Les enquêtes sont menées par des officiers de police judiciaire en vertu des règles du Code d’instruction criminelle ou de la Criminal procedure ordinance. Les personnes arrêtées et gardées à vue sont déférées au parquet, qui peut les poursuivre directement devant le tribunal de première instance en cas de délit ou ouvrir une information judiciaire en cas de crime. à l’issue de celle-ci, ces personnes, s’il existe des charges suffisantes contre elles, sont envoyées devant le tribunal de grande instance si la qualification de crime est maintenue, ou devant le tribunal de première Instance si les faits sont qualifiés de délits.

b)            Dans un procès réunissant toutes les garanties d’équité (publicité, caractère contradictoire des débats, etc.), assurant l’égalité des armes entre l’accusation et la défense, le droit de se faire assister d’un conseil de son choix ou de s’en faire désigner un d’office (en cas de crime) et l’exercice des voies de recours (appel et pourvoi en cassation), la personne mise en cause est jugée.

Article 8

Paragraphe 1

168.     Le Cameroun est lié à certains pays par des conventions générales d’assistance juridique et judiciaire qui englobent l’extradition, notamment :

a)             Une Convention générale de coopération en matière de justice lie le Cameroun à 11 pays africains et malgache (Convention dite "de Tananarive" ou Convention OCAM);

b)             Des conventions particulières de coopération judiciaire lient le Cameroun au Mali (6 mars 1965), à la France (21 février 1974) et à la République démocratique du Congo (ex-Zaïre) [11 mars 1977].

169.     Pour ceux de ces pays qui sont parties à la Convention, les actes de torture sont considérés comme inclus de plein droit dans ces textes.

170.     Il convient tout de même de noter que toutes ces conventions retiennent le système du seuil extraditionnel et non celui de la liste extraditionnelle. Mais telle qu’incriminée en droit camerounais, la torture rentre bien dans le seuil extraditionnel prévu par ces différentes conventions.

171.     En conséquence, s’il est requis par l’un des États susvisés pour accorder l’extradition en vertu des dispositions conventionnelles spécifiques, le Cameroun devra extrader, sauf naturellement si la personne accusée de torture et réclamée risque elle-même de subir la torture dans l’État requérant.

Paragraphes 2 et 3

172.     Le Cameroun ne subordonne pas l’extradition à l’existence préalable d’un traité d’extradition. Si le traité reste la source première de l’extradition, son absence peut être suppléée par la loi nationale (loi n° 64/LF/13 du 26 juin 1964 fixant le régime de l’extradition, telle que modifiée par la loi n° 97/010 du 10 janvier 1977). En effet, l’article 38 de cette loi dispose que "la présente loi s’applique en l’absence de traités régulièrement applicables ou dans leur silence".

173.     Le Cameroun peut même accorder l’extradition sur la base de la courtoisie internationale, ou encore sur la base d’une simple déclaration de réciprocité (à l’instar de celle conclue avec la Suisse).

174.     Le Cameroun, État requis, ne devrait donc pas éprouver la moindre difficulté pour se conformer aux paragraphes 2 et 3 de l’article 8 de la Convention.

Paragraphe 4

175.     Les mécanismes issus de la règle aut dedere aut judicare comme le principe de la compétence universelle des juridictions répressives camerounaises en matière de torture sont pertinents au regard de l’obligation découlant du paragraphe 4.

Article 9

176.     Les développements contenus dans les précédents rapports demeurent valables.

177.     Il faut ajouter que le Cameroun a signé en avril 1999 à Yaoundé avec sept autres États de la sous-région de l’Afrique centrale un accord de coopération en matière de police criminelle. Même si la répression de la torture n’y figure pas formellement, il apparaît que, par ce texte, les États d’Afrique centrale, soucieux d’assurer une meilleure protection des citoyens des pays de la sous-région et de leurs biens ainsi que d’améliorer la formation des personnels de police, s’engagent à combler les vides institutionnels et juridiques jusque‑là constatés dans le domaine de la coopération policière. Il prévoit que les bureaux centraux nationaux (BCN-Interpol) serviront d’organes de liaison entre les différents services de police criminelle des parties contractantes. Ces dernières s’engagent mutuellement à accepter sur leur territoire respectif les missions d’enquête en matière de police criminelle des autres parties contractantes. Ainsi, les polices des parties échangeront entre elles les renseignements de police générale relatifs aux avis de mort subite, avis de recherche de personnes disparues, etc.

178.     Cet accord a été ratifié par le Cameroun. Membre de l’Organisation internationale de police criminelle (OIPC-Interpol), le Cameroun peut donc recourir aussi aux mécanismes de cette organisation et du récent accord sous-régional pour donner effet aux prescriptions de l’article 9 de la Convention.

Article 10

179.     L’interdiction de la torture trouve une place dans l’enseignement des droits de l’homme et des libertés publiques qui est systématiquement introduit, à l’instar de la médecine légale et de la responsabilité pénale, dans les programmes des écoles de formation des personnels civil, militaire, judiciaire, médical et de maintien de l’ordre. Il s’agit notamment de :

a)             L’École nationale d’administration et de magistrature (ENAM), qui forme les administrateurs civils auditeurs de justice (élèves magistrats), les greffiers, les inspecteurs des affaires sociales, les administrateurs du travail, les inspecteurs des douanes, etc.;

b)             L’École nationale de l’administration pénitentiaire (ENAP), qui forme les administrateurs, les intendants, les gardiens chefs et gardiens de prison et, depuis quelques années, les administrateurs principaux de prison;

c)             L’École militaire interarmes (EMIA), chargée de la formation des élèves officiers et du perfectionnement des officiers;

d)             Le Commandement des écoles et centres d’instruction de la gendarmerie, institution au sein de laquelle ont été récemment créés un Centre de perfectionnement de la police judiciaire à Yaoundé et un Centre de perfectionnement aux techniques de maintien de l’ordre. Ces deux nouveaux centres de formation ont une vocation régionale et accueillent des stagiaires venant de divers pays africains.

e)             La Faculté de médecine et des sciences biomédicales, héritière de l’ancien Centre universitaire des sciences de la santé, est entourée d’un réseau d’établissements satellites. Dans le contexte actuel de reprise économique, cette formation, qui intègre les exigences de la dignité humaine, connaît un regain d’importance en raison notamment :

i)               De la multiplication des écoles professionnelles créées. De nombreuses écoles paramédicales et institutions de formation sanitaire, tant publiques que privées, ont en effet vu le jour sur le territoire national. Elles sont astreintes à un programme de formation homologué et sanctionné par un examen officiel;

ii)              De la multiplication des personnels formés ou recyclés;

iii)            Du perfectionnement du contenu technique et de l’approche méthodique du cours sur l’interdiction de la torture et la protection des droits humains, l’appui des partenaires étrangers et la formation des formateurs concourant à ce résultat.

180.     Par arrêté n° 079/A/MINAT/DAPEN/SDPP/SRF du 19 mars 1999, le Ministre de l’administration territoriale a ouvert un recrutement, sur titre, de huit médecins administrateurs principaux de prisons, réservé aux Camerounais non fonctionnaires titulaires d’un doctorat en médecine. Suite aux résultats du concours et à la formation reçue à l’École nationale de l’administration pénitentiaire, huit médecins administrateurs principaux de prisons ont été affectés dans huit prisons centrales implantées respectivement à Yaoundé, Maroua, Douala, Bamenda, Buéa, Bafoussam, Ngaoundéré et Bertoua.

181.     L’interdiction de la torture est également au centre des activités de formation et de sensibilisation du Comité national des droits de l’homme et des libertés. Ce comité, comme par le passé, organise régulièrement des séminaires sur la protection des droits de l’homme à l’intention des autorités administratives et militaires dans toutes les provinces du pays. On citera :

               L’atelier organisé du 30 novembre au 1er décembre 1998 à Yaoundé à l’intention des fonctionnaires de la police, sur l’amélioration des conditions de garde à vue;

               L’atelier organisé à Bamenda en 1999 à l’intention des personnels de l’administration pénitentiaire;

               L’affichage sur le territoire national de 76 000 exemplaires de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

182.     Les associations et ONG de défense des droits de l’homme, dont on dénombre une centaine au Cameroun, prolongent par leurs actions, au niveau du corps social, une culture des droits de l’homme.

183.     D’autres initiatives de formation ou d’information peuvent être mentionnées, par exemple la table ronde internationale sur l’éradication des mutilations sexuelles féminines par l’utilisation des approches communautaires, tenue du 11 au 13 mai 1998 à Yaoundé. Cette table ronde a été suivie d’un séminaire de validation d’un plan d’action de lutte conte les mutilations sexuelles féminines, tenu à Maroua en décembre 1998.

184.     Le personnel de l’administration pénitentiaire a également bénéficié de séminaires complémentaires organisés par des partenaires variés :

a)            L’organisme canadien Pro-Démocratie a concouru à l’organisation, en juin 1997, d’un séminaire ayant permis la constitution d’un comité des experts carcéraux et surtout l’élaboration d’un guide de formation de base, édité en octobre 1997, à l’intention du personnel carcéral. Ce guide de formateur, de 481 pages, a pour objectif de mettre le personnel de l’administration pénitentiaire du Cameroun en mesure, d’une part, de traiter équitablement et humainement les personnes dont il a la charge et, d’autre part, de remplir, en observant la protection des droits des prisonniers, ses responsabilités professionnelles visant la resocialisation du prisonnier. La méthodologie dudit guide de formation du personnel tient compte des normes internationales du code de conduite établi au Cameroun ainsi que de quelque 100 programmes de formation utilisés sur les six continents;

b)            Avec le concours du Commonwealth, un autre séminaire s’est tenu, dans le même but, à Yaoundé en février 1998;

c)            L’Observatoire international des prisons (OIP) a également contribué à l’organisation de deux séminaires, en mars 1998 à Yaoundé et en juin 1998 à Bertoua, à l’intention des personnels de base, c’est-à-dire ceux qui sont en contact direct avec les détenus.

185.     Par ailleurs, à l’occasion de la célébration du cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, dont les activités ont été lancées et inaugurées le 16 juin 1998 par le Premier Ministre, chef du gouvernement, des spécialistes en la matière ont été envoyés dans toutes les provinces pour sensibiliser les citoyens sur leurs droits et libertés.

186.     L’information proprement dite sur l’interdiction de la torture ou sur la protection des droits humains est devenue une donnée structurelle de la communication publique. Des plages s’y rapportant sont aménagées dans les programmes de la radio et de la télévision nationale (CRTV), conformément à la loi sur la communication sociale. Il en est ainsi de :

a)             "Honneur et fidélité", une émission hebdomadairement animée par les responsables des forces armées;

b)             "Le verdict", une émission qui débat des droits fondamentaux et commente les décisions de justice rendues dans le domaine des droits de l’homme;

c)             "Le droit au féminin", une émission qui vise à sensibiliser l’opinion sur le rôle des femmes et sur leurs droits;

d)             "Le développement social";

e)             "Église et développement";

f)               "Le point du droit" et son équivalent en anglais, The Debate, dont l’objet est de vulgariser le droit.

187.     Par ailleurs et enfin, le niveau de recrutement des futurs magistrats, appelés "auditeurs de justice", a été relevé de la licence en droit privé à la maîtrise en droit. Étant donné que le programme des études, tant à l’université qu’à l’École nationale d’administration et de magistrature, n’épuise pas l’ensemble des matières sur lesquelles portent les contentieux que connaîtront les futurs magistrats, il été institué un séminaire à périodicité annuelle, dit "séminaire des jeunes magistrats", ayant pour but de compléter la formation universitaire et professionnelle des participants, eu égard aux difficultés rencontrées sur le terrain.

Article 11

188.     Les renseignements donnés dans les précédents rapports (CAT/C/5/Add.26, par. 67 et 68 et CAT/C/17/Add.22, par. 67 et 68) conservent toute leur actualité, même si les contraintes budgétaires n’ont pas permis aux commissions de surveillance des prisons de se réunir aussi régulièrement que souhaité.

189.     Sur un autre plan, l’État du Cameroun a donné l’autorisation au CICR de visiter tous ses lieux de détention. La Délégation régionale pour l’Afrique centrale du CICR, implantée à Yaoundé et qui bénéficie des privilèges et immunités consacrés dans l’accord de siège signé avec le Gouvernement en 1999, organise à volonté ces visites.

Article 12

190.     Les développements contenus dans le précédent rapport au titre de cette disposition restent de mise (CAT/C/17/Add.22, par. 69, et 9 à 40).

Article 13

191.     Toute personne qui prétend avoir été soumise à la torture au Cameroun a le droit de porter plainte auprès des institutions judiciaires. Les autorités habilitées à connaître ces infractions ou à recevoir des plaintes à ce sujet sont :

a)             Le procureur de la République, qui est spécialement chargé de la mise en mouvement et du déroulement de l’action publique et, partant, de la garde à vue dans les lieux de détention de police judiciaire;

b)             Les procureurs généraux près les cours d’appel, qui contrôlent l’exercice de la police judiciaire dans leur ressort de compétence.

192.     En dehors des parquets, la plainte peut être aussi déposée auprès de tout officier de police judiciaire territorialement compétent et notamment dans les unités de gendarmerie ou de police. La victime d’un acte de torture peut tout aussi saisir le tribunal compétent par voie de citation directe en passant par un huissier de justice, en cas de délit, ou par voie de plainte assortie d’une déclaration de constitution de partie civile, en cas de crime.

193.     Les juridictions compétentes sont :

a)             Le tribunal de première instance, lorsque les faits de torture revêtent une nature délictuelle. Un tribunal de première instance est, en principe, créé au niveau de chaque arrondissement, étant entendu que le Cameroun compte à ce jour 269 arrondissements. Le ressort territorial d’un tribunal de première instance peut, au regard des nécessités de service, s’étendre sur plusieurs arrondissements voisins;

b)             Le tribunal de grande instance, lorsque les faits sont qualifiés de crime. Il est créé un tribunal de grande instance par département. Bien qu’il existe 58 départements au total, les nécessités de service font que le ressort de ce tribunal peut s’étendre sur plusieurs départements voisins. Le tribunal de grande instance intervient également pour connaître des requêtes en libération immédiate formées soit par une personne emprisonnée ou détenue, soit en son nom , lorsque lesdites requêtes sont fondées sur un cas d’illégalité formelle ou sur le défaut de titre de détention (habeas corpus);

c)             Le tribunal militaire lorsque le crime ou le délit de torture est commis par des militaires, soit à l’occasion du service ou à l’intérieur d’un établissement militaire ou lorsque cette infraction est purement militaire.

194.     Les décisions rendues par les tribunaux de première instance, les tribunaux de grande instance ainsi que les tribunaux militaires sont susceptibles d’être attaquées devant une cour d’appel établie dans chacun des 10 chefs-lieux de province que compte le Cameroun.

195.     La victime peut introduire son recours devant le juge administratif lorsque la violation de son droit repose sur un acte administratif susceptible d’être attaqué par voie de recours pour excès de pouvoir.

196.     De même, au cas où l’atteinte à la liberté constitue une voie de fait administrative, la victime peut faire constater cette voie de fait par l’Assemblée plénière de la Cour suprême, après quoi elle saisit le juge judiciaire d’une demande en indemnisation.

197.     L’assistance judiciaire, qui est organisée au Cameroun par le décret no 76/0521 du 9 novembre 1976, a pour but d’assurer la gratuité de la justice aux indigents. L’assisté est dispensé des frais de justice (droit de timbre, d’enregistrement et de greffe ainsi que de toute consignation), sauf la taxe prévue en cas de pourvoi, qui peut lui être exigée. L’article 8 (par. 3) de la loi n° 76/16 du 8 novembre 1975 dispose que, "sauf en ce qui concerne le pourvoi contre les arrêts en matière pénale ou lorsque le pourvoi émane du Ministère public ou de l’État, le demandeur est tenu, même s’il obtient le bénéfice de l’assistance judiciaire, de verser une somme de 5 000 FCFA (soit 8 euros) de taxe à pourvoi". Néanmoins, l’assisté est pourvu gratuitement en auxiliaire de justice.

198.     À son niveau, le Barreau, qui est l’ordre national des avocats, a créé un centre de secours judiciaire qui est équipé et implanté dans trois des 10 provinces du Cameroun.

199.     Celui qui se prétend victime d’actes de torture peut aussi s’adresser au Comité national des droits de l’homme et des libertés, qui peut mener des investigations nécessaires et en saisir l’autorité territorialement compétente en vue du redressement de la situation décriée. À ce titre, le Comité peut visiter, en tant que de besoin, toutes sortes d’établissements pénitentiaires, commissariats de police et brigades de gendarmerie en présence du procureur de la République compétent ou de son représentant. Par an, il reçoit en moyenne 500 requêtes sur différents cas de violations des droits humains.

200.     Il y a enfin lieu de noter que le Parlement peut exercer sa compétence à ce sujet. En effet, en vertu de l’article 35 de la Constitution révisée de 1996, le Parlement contrôle l’action gouvernementale par voie de questions orales ou écrites et par la constitution de commissions d’enquête sur des objets déterminés.

201.     Le Gouvernement, sous réserve des impératifs de la défense nationale, de la sécurité de l’État ou du secret de l’information judiciaire, fournit les renseignements nécessaires.

202.     Si les commissions d’enquête parlementaires, dont l’importance n’est plus à démontrer, et que restaure l’article 35 de la Constitution révisée de 1996, étaient déjà prévues par l’article 28 de la Constitution de 1972 et l’article 67 de la loi n° 73/1 du 8 juin 1973 portant règlement intérieur de l’Assemblée nationale, c’est la loi n° 91/029 du 16 décembre 1991 qui a réglementé leurs procédures de fonctionnement :

a)             Les commissions d’enquête sont créées sur décision prise à la majorité absolue des membres composant l’Assemblée nationale qui doit déterminer avec précision soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services publics dont la gestion administrative, financière ou technique doit être examinée. Cette décision fixe la liste des membres, qui ne sauraient être supérieurs à 20 députés;

b)             Les membres désignés prêtent immédiatement devant l’Assemblée nationale le serment des magistrats;

c)             La commission d’enquête peut, au nom du peuple camerounais, pour l’accomplissement de sa mission, requérir toute personne, tout fonctionnaire, toute autorité publique pour lui prêter main forte. Suite à l’examen et à l’adoption de la résolution de la commission d’enquête, l’Assemblée nationale conclut, selon le cas :

i)               À la transmission des procès-verbaux des enquêtes aux administrations chargées de la justice pour suite à donner;

ii)              À la demande de renvoi d’une personnalité devant la Haute Cour de justice, lorsque cette personnalité ou les faits de la cause sont justiciables de la Haute Cour de justice;

iii)            À la saisine du Gouvernement en vue de toute mesure politique, réglementaire ou administrative conséquente.

203.     Les associations et les ONG de défense des droits de l’homme jouent également un rôle actif, non seulement au niveau de la sensibilisation sur les droits, mais aussi au plan de la dénonciation des violations et de l’exercice des recours. Pour pallier "le manque de combativité des justiciables", ces associations et ONG accompagnent les victimes ou requérants en vue du redressement des situations d’atteinte aux droits de l’homme. La loi n° 090/53 du 19 décembre 1990 sur la liberté d’association et la loi n° 99/014 du 22 décembre 1999 sur les organisations non gouvernementales constituent la base légale de leur action.

204.     En ce qui concerne la protection du plaignant et des témoins contre tout mauvais traitement ou toute intimidation en raison de la plainte déposée ou de toute déposition faite, le Code pénal comporte un arsenal d’infractions assorties de peines appropriées, notamment prévues par les articles 164, 168, 173, 302, 303, et dont rendait déjà compte le rapport complémentaire (CAT/C/5/Add.26, par. 74 à 82).

Article 14

205.     Les renseignements contenus dans le rapport complémentaire (CAT/C/5/Add.26, par. 81 et 82) demeurent pertinents.

206.     Le rapport mentionnait déjà (par. 33) que, pour obtenir la réparation du préjudice subi, toute personne victime d’un acte de torture dispose d’une action civile, fondée sur le paragraphe 2 de l’article 2 du Code d’instruction criminelle, qui dispose : "l’action civile pour la réparation du dommage peut être exercée contre le prévenu et contre ses représentants". Si la partie civile décède, son action peut être exercée par ses ayants droit.

207.     Les articles 443 à 447 du Code d’instruction criminelle prévoient, en matière de révision, des indemnités au bénéfice des victimes d’erreurs judiciaires. La réhabilitation est, quant à elle, prévue d’une part par les articles 69 à 72 du Code pénal et, d’autre part, les articles 624 à 633 du Code d’instruction criminelle.

208.     L’avant-projet du Code de procédure pénale envisage, en son article 219, une indemnisation en faveur d’une personne victime d’une détention préventive qualifiée d’abusive.

209.     Le deuxième rapport périodique (CAT/C/17/Add.22, par. 85) relevait que, dans le cadre des substituts infractionnels de la torture, les victimes qui se sont constituées parties civiles sont, de manière générale, indemnisées à la suite de la condamnation pénale des prévenus. Ce rapport citait (par. 37) la décision n° 122/crim du 1er mars 1996 du tribunal de grande instance du Mfoundi (Yaoundé) qui condamnait des policiers et autres, non seulement à des peines d’emprisonnement allant de 10 à 15 ans, mais aussi à payer solidairement 17 135 000 FCFA (soit 26 122 euros) de dommages et intérêts à la partie civile. L’État du Cameroun a été déclaré civilement responsable. En appel, ces dommages et intérêts ont été portés à 25 millions de FCFA (soit 38 112 euros).

210.     En vertu de l’ordonnance n° 97/01 du 4 avril 1997 modifiant certaines dispositions relatives à l’exécution des décisions de justice, un tribunal peut, en matière de réparation du dommage résultant d’une atteinte à l’intégrité physique d’une personne, ordonner l’exécution provisoire, nonobstant appel, d’une décision concernant les frais et dépenses nécessités par les soins d’urgence. Ces dispositions sont applicables aux condamnations civiles prononcées par une juridiction répressive, et s’appliquent donc aux victimes de la torture qui se seraient constituées parties civiles dans un procès pénal engagé contre les auteurs d’actes de torture.

211.     Pour ce qui est de la jurisprudence récente, l’on peut rappeler le jugement précité n° 31/00 du 27 avril 2000 du tribunal militaire de Douala qui a alloué la somme de 500 000 FCFA (soit 762 euros) à titre de réparation du préjudice moral en rejetant toutefois, pour défaut de justification, la demande de réparation du préjudice matériel.

212.     Afin d’assurer une meilleure garantie d’indemnisation aux victimes de torture, l’administration publique utilisatrice est tenue responsable des dommages causés par ses agents. Pour contourner l’insolvabilité éventuelle de l’agent, la victime se voit offrir une option entre la poursuite de l’agent devant le juge judiciaire et la poursuite de cette administration devant le juge administratif.

213.     L’administration qui a dû assurer la charge de l’indemnisation peut exercer une action récursoire contre son agent fautif.

Article 15

214.     L’irrecevabilité de toute preuve obtenue par la torture est consacrée au Cameroun, même si la législation ne contient pas de disposition expresse sur ce point. Le jugement n° 69/00 du 21 septembre 2000 rendu par le tribunal militaire de Bafoussam dans l’affaire ministère public et Dame T... J... contre K... R... illustre la jurisprudence en la matière.

215.     À la suite d’un différend foncier opposant K... R... à Dame T... J..., cette dernière s’est présentée, pour se plaindre, à la brigade des recherches de Dschang, où son beau-frère, le maréchal des logis D... J..., officiait comme adjoint au commandant de brigade. Elle soutiendra que K... R... a proféré des menaces à son encontre et à celui de ses enfants, et qu’il a tiré un coup de feu en l’air dans le but de les intimider. Sur la base de cette plainte, D... J... s’est immédiatement transporté sur les lieux, y a appréhendé manu militari K... R..., lequel a été gardé à vue pendant 20 jours sans autorisation, alors que les délais en la matière sont de 24 heures renouvelables trois fois sur autorisation du commissaire du gouvernement. K... R... prétend également avoir été battu à plusieurs reprises par son bourreau qui avait l’intention de lui extorquer des aveux. Le certificat médico-légal établit qu’il a eu des blessures sur la plante des pieds, sur le dos et sur l’avant-bras gauche. C’est donc à cause des sévices qui lui ont été infligés que K... R..., se trouvant à bout de forces et sous la contrainte, avouera les faits à lui imputés. Le tribunal en conclut que :

"Attendu que les conditions dans lesquelles les aveux du prévenu ont été obtenus traduisent, s’il en était encore besoin, un exemple patent de violation flagrante et manifeste des droits de l’homme; qu’aucune procédure digne de ce nom ne peut s’élaborer sur une telle base faussée au préalable; qu’il échet, en conséquence, d’annuler purement et simplement ladite procédure objet de l’ordre d’informer n° 073/MINDEF/0262 du 16 juillet 1999 de Monsieur le Ministre d’État délégué à la présidence, chargé de la défense.

Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard du prévenu en matière correctionnelle en premier ressort et à l’unanimité des voix, annule la procédure objet de l’ordre d’informer n° 073/MINDEF/0262 du 16 juillet 1999, ordonne la mise en liberté immédiate de K... R..., s’il n’est détenu pour autre cause".

216.     Par ailleurs, le Cameroun est partie à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, textes qui prévoient des garanties de procédure correspondant à celles des articles 12 à 15 de la Convention.

217.     En particulier, comme indiqué dans le deuxième rapport périodique (CAT/C/17/Add.22, par. 71 à 73), l’article 14 (par. 3, al. g) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, aux termes duquel toute personne accusée d’une infraction pénale a droit, en pleine égalité, au moins à ne pas être forcée de témoigner contre elle-même ou de s’avouer coupable, est directement applicable devant les autorités compétentes camerounaises.

218.     En outre, la conjugaison ou la coexistence au Cameroun des règles de la civil law et de la common law joue également en faveur de la pleine application de l’article 15 de la Convention.

Article 16

Paragraphe 1

219.     Que le droit camerounais n’ait pas consacré des infractions spécifiques ayant la qualification expresse de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ne doit pas faire illusion.

220.     De la même manière que la répression de la torture qui, avant la promulgation de la loi n° 97/009 du 10 janvier 1997, était organisée au travers d’infractions voisines, les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants sont interdits et punis sur la base des substituts infractionnels.

221.     En application de cette disposition interdisant les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, il y lieu de rappeler l’arrêt n° 90/add du 5 février 1997 de la cour d’appel de Douala (voir supra par. 125, al. g).

222.     De même, le rapport CAT/C/17/Add.22 renfermait (par. 46 à 49) des informations substantielles sur les infractions voisines ou substituts infractionnels de la torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

223.     Il convient enfin de rappeler que, suivant l’article 615 du Code d’instruction criminelle, "toutes rigueurs employées dans les arrestations, détentions ou exécutions autres que celles autorisées par la loi sont des crimes".

Paragraphe 2

224.     Le Cameroun œuvre pour une pleine application des dispositions de la Convention, d’autant qu’il est partie à nombre de traités de protection des droits de l’homme et a souscrit, le 12 octobre 2000, aux articles 21 et 22 de la Convention sur l’acceptation de la compétence du Comité contre la torture.

225.     Enfin, les dispositions de la législation nationale concernant les infractions assimilables à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ou qui ont trait à l’extradition ou à l’expulsion, sont compatibles avec la Convention.

 


TROISIÈME PARTIE

INFORMATIONS RELATIVES AUX OBSERVATIONS
ET RECOMMANDATIONS FORMULÉES PAR LE COMITÉ AU TERME DE L’EXAMEN DU DEUXIÈME RAPPORT PÉRIODIQUE DU CAMEROUN

 

226.     Dans ses observations finales (A/56/44, par. 60 à 66), adoptées en novembre 2000 au terme de l’examen du rapport du Cameroun pour la période de 1988 à 1996 (CAT/C/17/Add.22), le Comité a noté avec satisfaction les progrès réalisés par l’État camerounais dans la lutte contre la torture et autres mauvais traitements. Il a en même temps identifié certains sujets de préoccupation sur lesquels il a formulé 11 recommandations (A/56/44, par. 66).

227.     Les autorités camerounaises, dans l’esprit du dialogue franc et constructif auquel elles sont attachées et qui est indispensable entre chaque État partie à la Convention et le Comité, ont accordé toute l’attention souhaitée auxdites observations. Elles se sont penchées, avec un intérêt renouvelé, sur les recommandations du Comité qui appellent les précisions suivantes :

1.       Introduire dans la législation un mécanisme permettant le dédommagement et la réhabilitation les plus complets des victimes de la torture

228.     Les développements au titre de l’article 14 apportent des précisions sur ce point et évoquent l’ordonnance n° 97/01 du 4 avril 1997 modifiant certaines dispositions relatives à l’exécution des décisions de justice. En vertu de ce texte, un tribunal peut, en matière de réparation du dommage résultant d’une atteinte à l’intégrité physique d’une personne, ordonner l’exécution provisoire, nonobstant appel, d’une décision concernant les frais et dépenses nécessités par les soins d’urgence. Ces dispositions, qui sont applicables aux condamnations civiles prononcées par une juridiction répressive, s’appliquent aux victimes de la torture qui se seraient constituées parties civiles dans un procès pénal engagé contre des auteurs d’actes de torture.

229.     En règle générale et d’après une jurisprudence constante des juridictions civiles et des tribunaux militaires, les victimes qui se sont constituées parties civiles sont indemnisées à la suite de la condamnation pénale des prévenus ou accusés.

230.     S’agissant des mécanismes de réhabilitation ou de réadaptation des victimes de la torture, la question est à l’étude. Il n’est cependant pas superflu de signaler que le Ministère des affaires sociales et le Ministère de la santé publique (décret n° 97/205 du 7 décembre 1997) disposent de certaines structures chargées du traitement de l’inadaptation sociale ainsi que de la réinsertion sociale. C’est notamment le cas du Centre de rééducation et de réhabilitation des handicapés d’Etoug-Ebé à Yaoundé.

2.       Introduire dans la législation le principe de l’irrecevabilité des éléments de preuve obtenus par la torture, si ce n’est contre l’auteur des actes de torture pour prouver que de tels actes ont été commis

231.     En attendant l’adoption d’une loi sur ce point, certaines dispositions administratives et pratiques méritent d’être rappelées :

a)             La circulaire n° 00708/SESI/S du 21 juin 1993 (voir CAT/C/17/Add.22, par. 18) interdisait l’usage du bâton et du fouet comme moyen d’extorquer les aveux;

b)             Au niveau de la police et de la pratique judiciaire, il est strictement interdit d’user de violences ou de torture pour extorquer des aveux lors des enquêtes. Ainsi que l’a décidé le jugement n° 69/2000 du 21 septembre 2000 du tribunal militaire de Bafoussam, les juges camerounais annulent les procédures établies sur la base d’aveux extorqués.

c)             L’accent est désormais mis plutôt sur la police scientifique et technique dans la recherche de la vérité. Cette police scientifique et technique a été mise en œuvre aux niveaux :

i)               De la police (Délégation générale à la sûreté nationale) par la création d’une sous-direction de la police scientifique;

ii)              De la gendarmerie, par la création en 2000, au sein du Commandement des écoles et centres d’instruction de la gendarmerie de Yaoundé, du Centre de perfectionnement de police judiciaire. Ce centre, à vocation régionale, fonctionne avec l’appui de la coopération française. À ce jour, il aura formé près de huit contingents d’officiers et de sous-officiers, spécialement dans les techniques de conduite des enquêtes.

232.     Même si l’article 14 (par. 3, al. g) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et l’article 15 de la Convention peuvent fonder les juges camerounais et toute autre autorité nationale à rejeter toute déclaration ou preuve obtenue par la torture, il va sans dire que l’adoption de la disposition législative souhaitée constituera pour les juridictions nationales une base légale plus certaine et plus accessible leur permettant d’aller au‑delà du simple principe de la loyauté de la preuve, et de mieux motiver les décisions judiciaires sur l’inadmissibilité des preuves obtenues par la torture. Une telle consécration législative jouerait également en faveur de l’uniformité de la jurisprudence.

3.       Mettre à profit le travail de codification en cours pour aligner la législation camerounaise sur les dispositions des articles 5, 6, 7 et 8 de la convention

233.     La loi n° 97/010 du 10 janvier 1997 modifiant certaines dispositions de la loi n° 64/LF/13 du 26 juin 1964 fixant le régime de l’extradition intègre au régime camerounais de l’extradition l’essentiel des dispositions des articles 5, 6, 7 et 8 de la Convention dans la mesure où elle traduit la volonté de lutter efficacement contre la torture, quel que soit le lieu de sa commission (à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières nationales) et quel qu’en soit l’auteur (un national, un résident ou un étranger). Le travail de réforme législative en cours ne pourra que capitaliser cet acquis et, au besoin, l’améliorer, notamment en ce qui concerne l’alinéa c du paragraphe 1 de l’article 5 de la Convention.

4.       Veiller à la mise en œuvre effective des instructions du Ministre de la justice selon lesquelles la détention ne devrait être pratiquée durant l’instruction qu’en cas d’absolue nécessité et que la liberté sous caution devrait être la règle d’autant plus que cela pourra atténuer la surpopulation dans les prisons

234.     La limitation des détentions préventives a alimenté beaucoup de débats. L’unanimité établie sur le caractère tout à fait exceptionnel des détentions préventives et la détermination des autorités camerounaises à les empêcher pour protéger des droits réaffirmés dans la Constitution révisée de 1996 traduisent l’importance primordiale qui est accordée aux principes reproduits dans les instructions renouvelées du Ministre de la justice, Garde des sceaux.

235.     Certes, la Constitution du 2 juin 1972 garantissait déjà à chaque individu la liberté et la sécurité, et posait que nul ne peut être poursuivi, arrêté ou détenu que dans les cas et selon les formes déterminées par la loi. La Constitution révisée de 1996 ajoute que "tout prévenu est présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité soit établie au cours d’un procès conduit dans le strict respect des droits de la défense". Cette disposition érige en norme constitutionnelle la présomption d’innocence à laquelle porte atteinte la détention préventive. Et le Conseil constitutionnel devrait pouvoir en garantir le respect.

236.     Des mesures ont été plusieurs fois prises afin que la limitation des détentions préventives devienne une réalité dans la pratique judiciaire.

237.     Bien qu’il n’existe véritablement pas de prescription légale fixant la durée maximale de la détention préventive, l’article 113 (par. 2) de la loi n° 58/203 du 26 décembre 1958 portant adaptation et simplification de la procédure pénale prévoit que "en matière correctionnelle, la mise en liberté sera de droit, cinq jours après l’interrogatoire de première comparution, en faveur du prévenu ayant une résidence certaine au Cameroun, quand le maximum de la peine prévue par la loi sera inférieure à six mois d’emprisonnement".

238.     Pour remédier au défaut de définition de la durée maximale de la détention préventive, le Ministère de la justice ne s’est pas contenté de prendre des circulaires traçant des règles en la matière. Tout est mis en œuvre pour qu’elles pénètrent la réalité des faits, un contrôle régulier permettant de déceler les manquements et d’en sanctionner les auteurs.

239.     Les circulaires du 8 avril 1965, du 12 mai 1965 et du 16 avril 1967 prescrivaient qu’un compte rendu soit fait au Ministère de la justice de toute affaire concernant une détention préventive qui atteint ou dépasse, suivant le cas, 3 ou 6 mois, 3 mois pour les procédures en flagrant délit ou relatives à des faits passibles d’une peine égale ou inférieure à 2 ans, 6 mois dans toute autre affaire. Les circulaires ont été actualisées les 8 avril, 12 mai 1985 et 18 octobre 1989, en rappelant en particulier que les détentions préventives constituent une atteinte à la présomption d’innocence, et ne doivent être envisagées qu’à titre exceptionnel.

240.     La circulaire du 18 octobre 1989 en particulier prévoit des contrôles réguliers à effectuer périodiquement dans les prisons. Dans un domaine voisin, la circulaire n° 24848/CD/9276/DAJS du 23 mai 1990 non seulement prescrit des visites hebdomadaires des cellules de police et de gendarmerie, mais surtout la libération systématique de toutes les personnes dont la garde à vue n’est pas légalement justifiée.

241.     L’engagement des autorités camerounaises à enrayer définitivement les détentions préventives abusives se veut sans faille. Dans son allocution prononcée le 30 avril 1999 à l’occasion de l’installation des chefs de la cour d’appel du Centre, le Ministre de la justice, Garde des sceaux, s’adressant particulièrement au procureur général l’exhortait "avec insistance à procéder et faire procéder à un contrôle régulier des détentions préventives afin de s’assurer que nul, en attente d’un procès, n’a été oublié".

242.     Le 26 juillet 1999, les détentions préventives étaient encore au centre des assises que le Ministre de la justice, Garde des sceaux, a tenu avec les chefs de cours.

243.     En l’état actuel du droit camerounais, l’article 53 du Code pénal apporte quelques adoucissements aux effets néfastes de la détention préventive. Il prévoit en effet que :

a)             En cas de détention préventive, la durée de celle-ci est intégralement déduite de la peine privative de liberté;

b)             Lorsqu’il y a eu détention préventive, et que la peine prononcée est une amende, la juridiction saisie peut exonérer le condamné de tout ou partie du paiement.

244.     En tout état de cause, l’accroissement progressif du nombre de magistrats et l’abaissement corrélatif de la charge de travail sont de nature à limiter, voire éradiquer les détentions préventives qui dépassent un délai raisonnable. En effet, des recrutements spéciaux de personnels magistrats et d’appui (greffiers) ont été organisés en vue de résorber l’arriéré judiciaire. C’est ainsi que, pour les exercices budgétaires 1999/2000 et 2000/2001, il a été procédé à un recrutement total de 150 magistrats supplémentaires, 150 greffiers, 200 greffiers adjoints et 100 secrétaires dactylographes.

245.     De même, les magistrats qui, par déni de justice, dol, concussion ou faute professionnelle, maintiendraient abusivement une personne en détention préventive pourraient être pris à partie conformément aux articles 246 et suivants du Code de procédure civile. Le recours en indemnisation peut aussi être exercé en vue des condamnations pécuniaires à l’encontre des magistrats fautifs.

246.     Pour ce qui est de la liberté provisoire sous caution que l’on privilégie désormais, elle est prévue à l’article 114 du Code d’instruction criminelle qui énonce que "la mise en liberté provisoire pourra, dans tous les cas où elle n’est pas de droit, être subordonnée à l’obligation de fournir un cautionnement. Ce cautionnement garantit :

a)             La représentation de l’inculpé à tous les actes de procédure et pour l’exécution du jugement;

b)             Le paiement, dans l’ordre suivant :

i)               Des frais faits par la partie civile;

ii)              Des frais avancés par la partie civile;

iii)            Des amendes.

L’ordonnance de mise en liberté détermine la somme affectée à chacune de ces deux parties du cautionnement".

247.     L’article 120 du Code d’instruction criminelle prévoit la possibilité d’une caution personnelle, en d’autres termes l’engagement d’une tierce personne solvable à faire représenter l’inculpé à toute réquisition de justice. Bien que comprise dans la partie du Code relative à l’instruction, cette disposition, du reste comme toutes celles relatives à la liberté provisoire, a toujours été interprétée par les juridictions comme étant de portée générale, c’est-à-dire applicable aussi bien dans la phase de l’instruction que dans celle du jugement.

248.     L’on ne s’attardera pas plus longuement sur la procédure de la libération immédiate ou habeas corpus prévue par l’article 16 (nouveau) de l’ordonnance n° 72/4 du 26 août 1972 portant organisation judiciaire, laquelle a été suffisamment développée dans le deuxième rapport (voir CAT/C/17/Add.22, par. 87 à 89).

249.     À l’évidence, l’éradication des détentions préventives abusives, ou l’enfermement des détentions préventives dans le délai raisonnable, voire strictement nécessaire à l’instruction, ainsi que les mécanismes d’inspection des lieux de détention, de contrôle du respect des règles ou de sanction contribuent à juguler la surpopulation carcérale.

250.     Les contrôles réguliers effectués périodiquement dans les prisons en vertu de la circulaire du 18 octobre 1989 relative aux détentions préventives produisent progressivement des résultats probants quant à la limitation stricte des détentions préventives.

251.     Telles sont les mesures que les autorités camerounaises prennent en amont et en aval pour donner effet aux instructions du Ministre de la justice, Garde des sceaux, relatives aux détentions préventives.

5.       Envisager le transfert de la tutelle de l’administration pénitentiaire du Ministère de l’intérieur au Ministère de la justice

252.     La question du rattachement institutionnel de l’administration pénitentiaire dans l’appareil gouvernemental relève de la politique publique de l’État dans le secteur concerné. L’administration pénitentiaire est en rapport évident avec les administrations techniques chargées des secteurs de la justice, de la santé, de l’éducation, des affaires sociales, etc.

253.     Parce que l’administration pénitentiaire a des liens particulièrement étroits avec le département de la justice, les autorités camerounaises ont retenu l’option, non de l’assimiler à la justice comme dans certains pays, mais de lui consacrer le statut d’une administration technique à part, comportant ses traits originaux.

254.     Le problème juridique de l’élimination des détentions préventives, la préoccupation de la gestion des effectifs pléthoriques des détenus préventifs et la surpopulation carcérale comportent des enjeux communs aux deux administrations, qui les tiennent pour cruciaux.

255.     Le rattachement de l’administration pénitentiaire au Ministère de la justice n’en est pas la panacée, même s’il aurait eu l’avantage de coller à l’exécution des peines.

256.     Le rattachement institutionnel au Ministère de l’administration territoriale ne doit pas tromper l’observateur, car il n’induit pas à confondre ou assimiler administration pénitentiaire et administration ou organisation du territoire, et commandement civil. Il remonte à de nombreuses décennies et s’inscrit dans une logique fonctionnelle de division rationnelle du travail gouvernemental.

257.     Tout bien considéré, il existe une politique sectorielle de l’administration pénitentiaire qui est sous-tendue par sa finalité propre et qui doit disposer des moyens nécessaires en termes de budget, de ressources humaines et d’infrastructures matérielles et logistiques.

258.     À l’évidence, la philosophie de base est de se conformer aux normes internationales de protection de la dignité de toute personne humaine, en particulier des personnes qui, passibles d’une peine privative de liberté, sont incarcérées, et de contribuer à la socialisation des personnes ainsi ciblées par la distribution de la justice pénale.

259.     C’est ainsi que le décret n° 97/205 du 7 décembre 1997 portant organisation du gouvernement confie au Ministère de la justice les questions de droit pénal général et spécial; l’administration pénitentiaire est attribuée au Ministère de l’administration territoriale en même temps que certaines activités de protection des individus, à savoir la protection des libertés publiques et la protection civile. Il est essentiel de préciser que ce décret a créé, au niveau du Ministère de l’administration territoriale, deux postes de secrétaire d’État chargés respectivement des collectivités territoriales et de l’administration pénitentiaire. Ils assistent le ministre dans ses tâches et peuvent être chargés, sous son autorité, de la gestion de ces secteurs particuliers.

260.     Le décret n° 97/207 du 7 décembre 1997 portant formation du gouvernement a effectivement pourvu le poste de secrétaire d’État à l’administration pénitentiaire qui a le statut de membre du gouvernement. Ces deux actes du chef de l’État se situent dans le prolongement du décret n° 95/232 du 6 novembre 1995 portant organisation du Ministère de l’administration territoriale, qui a créé une sous-direction de la santé pénitentiaire à la direction de l’administration pénitentiaire.

261.     Comme indiqué dans les nouvelles mesures réglementaires au titre de l’article 2 de la Convention, les efforts engagés pour développer et moderniser l’administration pénitentiaire se poursuivent malgré l’insuffisance des moyens financiers mis à disposition. En effet, une profonde réforme de l’administration pénitentiaire est entreprise depuis 1990, décennie de la transition démocratique.

262.     Par l’effet de l’arrêté n° 230/A/MINAT/DAPEN/SEP du 4 juin 1992, les centres de rééducation civique de Tchollire, Mantoum et Yoko, qui hébergeaient les personnes internées administrativement dans le cadre de l’ordonnance n° 62/DF/18 du 12 mars 1962 portant répression de la subversion, ont été supprimés et transformés en prisons de droit commun. Et dans le souci de décongestionner les prisons existantes, de nouvelles prisons sont créées au fil du temps dans les différentes provinces du pays.

263.     La date charnière de la réforme pénitentiaire est celle du 27 mars 1992 qui correspond à l’adoption de trois textes majeurs qui ont transformé le paysage carcéral dans le sens d’une plus grande humanisation du traitement des détenus et de l’amélioration des conditions de travail du personnel d’encadrement des détenus. Il s’agit de :

a)             Décret n° 92/052 portant régime pénitentiaire, qui, comme évoqué plus haut, s’inspire de l’Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus;

b)      Décret n° 92/054 portant statut spécial du corps des fonctionnaires de l’administration pénitentiaire;

c)       Décret n° 92/056 portant création et fixant le taux et le mode d’attribution d’une indemnité de risque aux fonctionnaires de l’administration pénitentiaire.

264.     C’est aussi le lieu de noter l’existence de l’École nationale de l’administration pénitentiaire de Buéa, qui est l’institution spécialisée dans la formation professionnelle des personnels, tous grades confondus, de l’administration pénitentiaire.

265.     Le Gouvernement s’emploie à renforcer la collaboration entre les services compétents des deux départements ministériels. Ainsi, les magistrats des parquets chargés de l’instruction des affaires pénales, du contrôle des détentions préventives et de l’application des peines (remise de peines, amnistie) contrôlent régulièrement les prisons et accomplissent les tâches relevant de leur compétence sans aucune entrave des services de l’administration pénitentiaire.

266.     Le pouvoir judiciaire contrôle l’exécution de la sentence pour rendre celle-ci effective.

267.     La collecte des informations à travers le territoire par le Comité de pilotage du programme national de bonne gouvernance a établi que le rattachement de l’administration pénitentiaire au Ministère de l’administration territoriale ne pose aucun problème dans le fonctionnement de la justice. Les populations formulent plutôt le vœu que cette administration pénitentiaire soit gérée par une structure autonome.

268.     Toutefois, le transport des détenus aux palais de justice pour diverses diligences (instructions, audiences) qui relève de la gendarmerie, bien qu’assuré de fait par l’administration pénitentiaire, pose souvent problème et perturbe le fonctionnement des services judiciaires lorsqu’il n’est pas régulièrement assuré.

269.     En définitive, la création d’un secrétariat d’État à l’administration pénitentiaire, suivie de la nomination au sein du gouvernement de son titulaire, a une importance primordiale dans l’élaboration et la mise en œuvre d’une politique sectorielle poursuivant des objectifs propres dans le sens du développement et de la modernisation de l’administration pénitentiaire. Il y a tout lieu de croire en cette politique sectorielle. Le seul problème est celui de mettre à son service l’ensemble des moyens nécessaires à l’accomplissement de ses missions.

6.       Envisager le démantèlement des forces spéciales créées dans le cadre de la lutte contre le grand banditisme et, dans le même temps, mettre fin au gel du recrutement d’agents de la force publique

Envisager le démantèlement des forces spéciales créées dans le cadre de la lutte contre le grand banditisme

270.     Si la dissolution effective du commandement opérationnel de Douala, survenue en 2001, cadre avec les vœux formulés par le Comité, c’est le lieu de signaler ici que le Groupement polyvalent d’intervention de la gendarmerie nationale (GPIGM), créé par le décret n° 99/15 du 1er février 1999 à l’image du GGIM en France et dont le démantèlement est également demandé, est, en réalité, une composante des unités de la gendarmerie. Avec une compétence qui s’étend sur toute l’étendue du territoire national, le GPIGM a pour mission le maintien et le rétablissement de l’ordre, la lutte contre le grand banditisme et la lutte antiterroriste. Sa présence, pendant une certaine période, dans les provinces du grand Nord du Cameroun se justifiait dès lors qu’il avait reçu pour mission de renforcer les unités de gendarmerie engagées dans la lutte contre le grand banditisme et les coupeurs de route qui sévissaient dans cette partie du pays. Suite à l’accalmie constatée sur le terrain, le GPIGM se trouve désormais confiné à ses missions traditionnelles au niveau de son quartier général à Yaoundé.

271.     En tout état de cause, la création du commandement opérationnel n’était qu’une mesure conjoncturelle commandée par les impératifs sécuritaires dans le contexte de recrudescence du grand banditisme. Au demeurant, elle ne devrait pas être contraire à la nécessité sociale de sauvegarde des droits de l’homme.

272.     Dès que la nécessité s’en est fait sentir, le Gouvernement a, de son propre gré, mis un terme aux activités du commandement opérationnel.

Mettre fin au gel du recrutement d’agents de la force publique

 

273.     Pour rattraper le déficit de personnel découlant des contraintes du programme d’ajustement structurel qui avait, à la fin de la décennie 80, imposé des coupes sombres dans le budget de l’État et notamment la réduction de la masse salariale, le Gouvernement a procédé, la reprise économique aidant, au recrutement de nouveaux personnels. Ce qui permet, entre autres, d’améliorer le taux de couverture sécuritaire.

274.     Dans le corps des fonctionnaires de la police et pour la période de référence, les effectifs des personnels nouvellement recrutés se présentent comme suit :

Année

Effectif total

Élèves commissaires

Élèves officiers de police

Élèves inspecteurs de police

Élèves gardiens de la paix

1996

1 442

30

82

330

1 000

1999

2 267

58

179

574

1 446

2000

1 990

176

747

1 050

1 500

 

275.     Au sein de la gendarmerie, la moyenne annuelle des effectifs des recrues a augmenté. Cette augmentation est reflétée par les chiffres qui figurent dans le tableau ci-après :

1988

1999

2000

Officiers

Élèves gendarmes

Officiers

Élèves gendarmes

Officiers

Élèves gendarmes

11

653

11

323

14

200

 

276.     Il convient de noter qu’un recrutement spécial de 1 200 personnes a eu lieu en 2001. Désormais, un recrutement annuel est autorisé à la gendarmerie.

277.     Cette même volonté d’accroître les effectifs des recrues apparaît dans le corps des fonctionnaires de l’administration pénitentiaire, dans celui de la magistrature, dans les administrations publiques concernées et même dans la fonction publique de l’État en général, en fonction des besoins minimaux en ressources humaines dans les administrations concernées.

278.     Dans le corps des fonctionnaires de l’administration pénitentiaire, il a été organisé, au titre de l’exercice budgétaire 1999/2000, un recrutement exceptionnel de 117 gardiens de prison et de huit médecins administrateurs des prisons.

279.     Cette augmentation des personnels n’est pas seulement quantitative. Elle est aussi qualitative, en raison notamment de la restructuration des programmes de formation et de l’instauration des enseignements consacrés aux droits de l’homme.

280.     À cet égard, la création d’un centre de perfectionnement à la police judiciaire qui fait corps avec le Commandement des écoles et centres d’instruction de la gendarmerie est caractéristique de cette volonté du Gouvernement sur ce sujet. Ce centre met les éléments de la gendarmerie à même d’utiliser les méthodes scientifiques et techniques de recherche de preuves pour la conduite de leurs enquêtes, au lieu de se livrer à des brutalités ou tous autres moyens proscrits, pour extorquer les aveux aux suspects. Il en est de même pour la création à Awaé, près de Yaoundé, du Centre de perfectionnement aux techniques du maintien de l’ordre, qui forme les éléments de la gendarmerie mobile au respect de la déontologie dans le contexte du maintien et du rétablissement de l’ordre.

7.       Poursuivre énergiquement les enquêtes déjà ouvertes sur des allégations de violation des droits de l’homme et, dans les cas n’ayant pas encore fait l’objet d’enquêtes, ordonner l’ouverture d’enquêtes immédiates et impartiales et tenir le Comité informé de leurs résultats

281.     Certaines enquêtes ouvertes ont abouti à des condamnations, d’autres à la requalification des faits, ou à l’acquittement des suspects. Des décisions d’acquittement ainsi que des condamnations pécuniaires ont aussi sanctionné certaines affaires (voir développement au titre de l’article 2 de la Convention).

8.       Veiller au respect scrupuleux des droits de l’homme des personnes arrêtées dans le cadre de la lutte contre le grand banditisme

282.     La protection des droits et libertés des personnes arrêtées dans le contexte de la lutte contre le grand banditisme se trouve assurée du fait des mesures de contrôle rigoureux et des sanctions prises à l’encontre des personnes chargées de mener ladite lutte. La criminalisation de la torture (art. 132 bis du Code pénal) et la réforme de la compétence des tribunaux militaires sont d’un grand renfort pour persuader les membres du Groupement polyvalent d’intervention de la gendarmerie nationale quant à l’obligation de respecter les droits humains.

283.     Les tableaux des paragraphes 99 et 109 du rapport rendent compte des sanctions prises à l’encontre des personnels de la police et de la gendarmerie pour violations des droits proclamés dans la Convention.

9.       Poursuivre le programme de formation des membres des forces de l’ordre aux droits de l’homme et notamment en ce qui concerne l’interdiction de la torture

284.     Les renseignements fournis au titre de l’article 10 de la Convention font état des activités de formation et d’information réalisées, et mettent en relief l’importance que revêt la coopération internationale dans ce sens.

10.     Envisager la mise en place d’un système d’évaluation périodique de l’application effective de la législation prohibant la torture, en tirant par exemple le meilleur profit possible de l’existence du Comité national des droits de l’homme et des libertés et des organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme

285.     Le Gouvernement du Cameroun note avec intérêt cette recommandation et s’engage à réaliser l’objectif recherché. Deux mesures déjà acquises ont de la pertinence à ce sujet :

a)             La création, en juillet 1998, du Comité technique de suivi de l’application des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme;

b)             Les négociations diplomatiques ayant abouti à l’établissement à Yaoundé du Centre sous-régional des Nations Unies, dont les activités opérationnelles ont effectivement démarré en mars 2001.

11.     Maintenir scrupuleusement un registre des personnes détenues et le rendre publiquement accessible

286.     Le deuxième rapport indiquait (CAT/C/17/Add.22, par. 20) que, dans les unités de police, il est tenu un registre des gardes à vue comportant les mentions suivantes : motif de la garde à vue, date et heure, aspect général de l’individu au moment de son placement, son état au moment de sa sortie (déférement ou élargissement), autres indications concernant les biens saisis sur lui. Il s’agira désormais de systématiser cette pratique au niveau de tous lieux de détention, et d’en rendre l’accès public comme le recommande avec pertinence le Comité.


LISTE DES ANNEXES

 

Constitution et lois

 

Loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972

 

Loi n° 97/009 du 10 janvier 1997 modifiant et complétant certaines dispositions du Code pénal

 

Loi n° 97/010 du 10 janvier 1997 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 64/LF/13 du 26 juin 1964 fixant le régime de l’extradition

 

Ordonnances

 

Ordonnance n° 97/01 du 4 avril 1997 modifiant les articles 3 et 4 de la loi n° 92/008 du 14 août 1992 fixant certaines dispositions relatives à l’exécution des décisions de justice (réparation du dommage résultant d’une atteinte à l’intégrité physique d’une personne)

 

Actes internationaux

 

Déclaration du Cameroun, en date du 12 octobre 2000, au titre de la compétence du Comité contre la torture en vertu des articles 21 et 22 de la Convention

 

Mesures réglementaires ou administratives

 

Décret no 98/109 du 8 juin 1998 portant création d’un Comité technique de suivi de l’application des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme

 

Décret n° 2000/343 du 4 décembre 2000 portant création du Comité technique ad hoc pour la mise en œuvre du Statut de Rome de la Cour pénale internationale

 

Arrêté n° 79/A/MINAT/DAPEN/SDPP/SRE du 19 mars 1999 du Ministre de l’administration territoriale portant ouverture d’un recrutement sur titre de huit médecins administrateurs principaux des prisons

 

Décision n° 00030/D/MINAT/CAB du 16 février 2001 portant affectation dans huit prisons centrales de médecins administrateurs principaux des prisons

 

Circulaire n° 02306/CAB/VPMAT du 13 novembre 1997 précisant les modalités d’application de la garde à vue administrative

 

Lettre circulaire n° 000466/DGSN/CAB du 6 avril 2001 du délégué général à la sûreté nationale à tous les responsables centraux et extérieurs de la sûreté nationale sur l’amélioration des conditions de garde à vue

 

Note de service n° 38/S/PCY/SAF/BP du 22 avril 1997 du régisseur de la prison centrale de Yaoundé portant sanction disciplinaire infligée à un gardien de prison major pour brutalité gratuite sur un détenu

 

Note de service n° 17/S/PCY/SAF/BP du 10 février 1998 du régisseur de la prison centrale de Yaoundé portant sanction de 12 heures de consigne, infligée à un gardien de prison pour abus d’autorité et violence sur un détenu

 

Note de service n° 46/NS/REG/PCB du 7 juin 1999 du régisseur de la prison centrale de Bafoussam portant sanction disciplinaire infligée à un gardien de prison principal pour sévices sur un détenu

 

Note de service n° 27/NS/REG/PC/BFM du 5 septembre 1999 du régisseur de la prison centrale de Bafoussam portant sanction disciplinaire infligée à un gardien de prison principal pour mauvais traitement sur un détenu

 

Jurisprudence

 

Jugement n° 176/crim du 5 juin 1998 du tribunal de grande instance du Mfoundi ayant condamné trois policiers à des peines allant jusqu’à cinq ans d’emprisonnement pour torture

 

Jugement n° 195/crim du 26 juin 1998 du tribunal de grande instance du Mfoundi ayant condamné deux policiers de haut rang, respectivement à 10 et 6 ans d’emprisonnement, pour torture

 

Jugement n° 69/2000 du 21 septembre 2000 du tribunal militaire de Bafoussam dans l’affaire ministère public et T... J... contre K... R... (sur l’inadmissibilité des déclarations obtenues au moyen de la torture)

 

Jugement n° 31/00 du 27 avril 2000 du tribunal militaire de Douala (condamnant pour torture deux sous-officiers de l’armée de terre qui avaient causé au nommé K... J..., une incapacité de travail de 25 jours et accordant à la victime la réparation du préjudice moral)

 

Jugement n° 18/crim/2001/2002 du 27 février 2002 du tribunal de grande instance du Haut-Nkam ayant condamné deux policiers, dont un commissaire de police, à cinq ans d’emprisonnement pour torture, faits commis en septembre 1999

 

Arrêt n° 90 avant dire droit du 5 février 1997 de la cour d’appel du Littoral ordonnant qu’un accusé qui comparaissait enchaîné des pieds et des mains devant la barre fut immédiatement délesté de ses chaînes

 

Arrêt n° 337/cor du 21 février 1997 de la cour d’appel du Centre refusant l’extradition de huit Rwandais, motif pris du risque de subir la torture au Rwanda

 



[1]    Le tribunal de grande instance du Haut-Nkam a, par jugement n° 18/CRIM/2001/2002 du 27 février 2002, reconnu M… S… et S… J… coupables du crime de coaction de torture suivi d’homicide involontaire, leur a accordé des circonstances atténuantes en leur qualité de délinquants primaires, les a condamnés chacun à cinq ans d’emprisonnement, a accordé aux parties civiles (mère, frères et sœurs du défunt) 6,5 millions de FCFA (soit 10 833 euros) à titre de dommages et intérêts et a déclaré l’État du Cameroun (Délégation générale à la sûreté nationale) civilement responsable de ses préposés.

 



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