Comité contre la Torture, Examen des rapports présentés par les États parties en application de l'article 19 de la Convention, Cameroun, U.N. Doc. CAT/C/34/Add.17 (2003).
Additif
CAMEROUN*
[19 décembre 2002]
Les annexes au présent rapport peuvent
être consultées auprès du Secrétariat.
GE.03-42846
(EXT)
Table des matiÈres
Paragraphes
Introduction.............................................................................................. 4 – 7
PREMIÈRE PARTIE – CADRE JURIDIQUE................................................... 8 – 46
DEUXIÈME PARTIE – NOUVELLES MESURES ET NOUVEAUX
FAITS RELATIFS À L’APPLICATION DE LA CONVENTION
(ART. 1 À 16)................................................................................................. 47
– 225
Article premier......................................................................................... 47 – 49
Article 2................................................................................................. 50 – 145
Article 3................................................................................................ 146 – 150
Article 4................................................................................................ 151 – 158
Article 5................................................................................................ 159 – 164
Article 6..................................................................................................... 165
Article 7................................................................................................ 166 – 167
Article 8................................................................................................ 168 – 175
Article 9................................................................................................ 176 – 178
Article 10.............................................................................................. 179 – 187
Article 11.............................................................................................. 188 – 189
Article 12................................................................................................... 190
Article 13.............................................................................................. 191 – 204
Article 14.............................................................................................. 205 – 213
Article 15.............................................................................................. 214 – 218
Article 16.............................................................................................. 219 – 225
TROISIÈME PARTIE – INFORMATIONS RELATIVES AUX
OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS FORMULÉES PAR
LE COMITÉ AU TERME DE L’EXAMEN DU DEUXIÈME
RAPPORT PÉRIODIQUE DU CAMEROUN............................................... 226 – 286
1. Introduire dans la
législation un mécanisme permettant le
dédommagement et la réhabilitation les plus complets des
victimes de la torture ............................................................................. 228 – 230
2. Introduire dans la
législation le principe de l’irrecevabilité des
éléments de preuve obtenus par la torture, si ce n’est contre
l’auteur des actes de torture pour prouver que de tels actes ont
été commis ........................................................................................... 231 – 232
3. Mettre à profit le
travail de codification en cours pour aligner
la législation camerounaise sur les dispositions des articles 5, 6, 7
et 8 de la Convention ................................................................................. 233
4. Veiller à la mise en
œuvre effective des instructions du Ministre
de la justice selon lesquelles la détention ne devrait être pratiquée
durant l’instruction qu’en cas d’absolue nécessité et que la liberté
sous caution devrait être la règle, d’autant plus que cela pourra
atténuer la surpopulation dans les prisons ............................................... 234 – 251
5. Envisager le transfert de
la tutelle de l’administration pénitentiaire
du Ministère de l’intérieur au Ministère de la justice ............................... 252 – 269
6. Envisager le
démantèlement des forces spéciales créées dans le
cadre de la lutte contre le grand banditisme et, dans le même
temps, mettre fin au gel du recrutement d’agents de la force
publique ............................................................................................... 270 – 280
7. Poursuivre énergiquement les enquêtes
déjà ouvertes sur des
allégations de violation des droits de l’homme et, dans les cas
n’ayant pas encore fait l’objet d’enquêtes, ordonner l’ouverture
d’enquêtes immédiates et impartiales et tenir le comité informé
de leurs résultats......................................................................................... 281
8. Veiller au respect
scrupuleux des droits de l’homme des
personnes arrêtées dans le cadre de la lutte contre le grand
banditisme............................................................................................. 282 – 283
9. Poursuivre le programme
de formation des membres des forces
de l’ordre aux droits de l’homme et notamment en ce qui
concerne l’interdiction de la torture.............................................................. 284
10. Envisager la mise en place
d’un système d’évaluation périodique
de l’application effective de la législation prohibant la torture,
en tirant par exemple le meilleur profit possible de l’existence
du Comité national des droits de l’homme et des libertés et des
organisations non gouvernementales de défense des droits
de l’homme................................................................................................ 285
11. Maintenir scrupuleusement
un registre des personnes détenues
et le rendre publiquement accessible............................................................ 286
Liste des annexes....................................................................................................
Introduction
1.
Le
Cameroun a adhéré, sans aucune réserve, le 19 décembre 1986,
à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants (ci-après dénommée "la Convention"),
adoptée par l’Assemblée générale dans sa résolution 39/46 du
10 décembre 1984. La Convention est entrée en vigueur à l’égard
du Cameroun le 26 juin 1987.
2.
Aux
termes du paragraphe 1 de l’article 19 de la Convention, les États
parties présentent au Comité contre la torture des rapports sur les mesures
qu’ils ont prises pour donner effet à leurs engagements dans un délai d’un
an à compter de l’entrée en vigueur de la Convention. Les États parties
présentent ensuite des rapports complémentaires tous les quatre ans sur
toutes nouvelles mesures prises, et tous autres rapports demandés par le
Comité.
3.
Le
rapport initial du Cameroun, soumis le 15 février 1989
(CAT/C/5/Add.16), a été examiné par le Comité le 20 novembre 1989
(CAT/C/SR.34 et 35). À l’issue de son examen, le Comité a demandé au
Gouvernement camerounais un rapport complémentaire, lequel lui a été adressé le
25 avril 1991 (CAT/C/5/Add.26) et a été examiné le
20 novembre 1991 (CAT/C/SR.101 et 102).
4.
Les
renseignements attendus par le Comité en 1992 et en 1996, au titre de
l’obligation conventionnelle quadriennale, ont été fournis dans le cadre du
deuxième rapport périodique consolidé, lequel a couvert la période de 1988
à 1996 (CAT/C/17/Add.22).
5.
Le
Cameroun a, le 12 octobre 2000, déclaré reconnaître la compétence du
Comité contre la torture en vertu des dispositions des articles 21
et 22 de la Convention. Le Secrétaire général de l’Organisation des
Nations Unies, agissant en sa qualité de dépositaire, a procédé à la
notification, aux États et organisations concernés, de cette déclaration
camerounaise de souscription, le 24 octobre 2000.
6.
Le
Comité a examiné le deuxième rapport périodique du Cameroun à ses 448e,
451e et 454e séances les 20, 21
et 23 novembre 2000 (CAT/C/SR.448, 451 et 454), et a adopté ses observations finales le 6 décembre 2000
(A/56/44, par. 60 à 66).
7.
Conformément
aux directives générales adoptées par le Comité à sa sixième session, le
30 avril 1991, le présent troisième rapport périodique, qui couvre la
période de 1996 à 2000, est organisé en trois parties. La première
présente le cadre juridique général de l’interdiction de la torture au
Cameroun. La deuxième partie porte sur les nouvelles mesures et les nouveaux
faits relatifs à l’application de la Convention. La troisième partie
apporte un complément d’information et des réponses aux observations et
questions formulées par le Comité lors de l’examen du deuxième rapport,
en novembre 2000.
|
8.
Le
paysage sociopolitique et juridique du Cameroun a connu une profonde mutation
libérale au cours de la décennie 1990-2000. L’application de la Convention,
pour la période de 1996 à 2000, a été favorisée par la volonté du
Gouvernement de doter le Cameroun de lois aussi libérales et républicaines que
possible, de s’ancrer durablement dans un État de droit à démocratie
pluraliste, avec des contre-pouvoirs institutionnels ou diffus et l’émergence
de la société civile. En effet, le 19 décembre 1990, le Président de
la République promulguait une série de lois que l’Assemblée nationale venait
d’adopter au cours d’une session parlementaire baptisée "session des
libertés". La plupart des lois attentatoires aux libertés et droits
fondamentaux de la personne humaine ont alors été abrogées ou révisées.
9.
C’est
dans ce contexte de libéralisation politique que se sont tenues des élections
pluralistes. En effet, le système du parti unique de fait a prévalu au Cameroun
de 1966 à 1990, année où a été promulguée la loi n° 90/56 du
19 décembre 1990 relative aux partis politiques, laquelle a instauré
le multipartisme intégral. Depuis ce changement, cinq élections ont été
organisées :
En 1992,
cinq partis politiques ont participé à l’élection présidentielle
et 32 ont pris part aux élections législatives;
En 1996,
36 partis politiques ont participé aux élections municipales :
à l’issue des élections, 15 de ces partis ont obtenu des sièges de
conseillers municipaux et un nombre important de mairies est tombé dans le
giron de l’opposition;
En 1997,
neuf partis politiques ont présenté chacun un candidat à l’élection
présidentielle et 44 partis ont participé aux élections législatives. La
législature 1997-2002 comprend des députés issus de sept formations politiques.
10.
Parmi
les innovations institutionnelles résultant de la mutation libérale sus-décrite
figure la création, le 8 novembre 1990, du Comité national des droits
de l’homme et des libertés. Cet organisme, doté de la personnalité
juridique et de l’autonomie financière, a fait de la lutte contre la torture et
autres mauvais traitements un axe majeur de son action. De nombreuses œuvres
sociales privées et associations ainsi que des organisations non
gouvernementales (ONG) de défense des droits de l’homme complètent cette
activité. Ces ONG sont régies par la loi n° 99/014 du
22 décembre 1999.
11.
En
1996, la consolidation d’un État de droit a connu un tournant décisif. En
effet, la Constitution, adoptée par référendum le 20 mai 1972, a été
révisée par la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996. Cette révision
constitutionnelle est marquée dans ses grandes lignes par l’intégration des droits
de l’homme au bloc de constitutionnalité, l’érection de la justice en pouvoir
judiciaire, indépendant des pouvoirs législatif et exécutif, et la
décentralisation administrative.
12.
S’agissant
du pouvoir judiciaire, l’article 37 de la Constitution prévoit que la
justice est rendue sur le territoire de la République au nom du peuple
camerounais. Il est exercé par la Cour suprême, les cours d’appel et les
tribunaux.
13.
Selon
l’article 38, la Cour suprême est la plus haute juridiction de l’État en
matière judiciaire, administrative et de jugement des comptes. Elle comprend
une chambre judiciaire, une chambre administrative et une chambre des
comptes :
La chambre
judiciaire (art. 39) statue souverainement sur les recours en cassation
admis par la loi contre les décisions rendues en dernier ressort par les cours
et tribunaux de l’ordre judiciaire.
La chambre
administrative (art. 40) connaît de l’ensemble du contentieux
administratif de l’État et des autres collectivités publiques. Elle connaît en
appel du contentieux des élections régionales et municipales.
La chambre
des comptes (art. 41) est compétente pour contrôler et statuer sur les
comptes publics et ceux des entreprises publiques et parapubliques.
14.
Chacune
des trois chambres de la Cour suprême statue souverainement sur les décisions
rendues en dernier ressort par les juridictions inférieures du même ordre, et
connaît de tout autre litige ou matière qui lui est expressément attribué par
la loi. Ainsi, la structuration de la nouvelle juridiction administrative comprendra
la nouvelle chambre administrative de la Cour suprême, en tant que juridiction
d’appel, et les tribunaux administratifs à créer et à implanter sur
l’ensemble du territoire, contrairement à la situation antérieure, où une
seule juridiction administrative existait au niveau de la Cour suprême
à Yaoundé.
15.
La
Constitution révisée de 1996 a aussi institué le Conseil constitutionnel, qui
est l’instance compétente en matière constitutionnelle. C’est l’organe
régulateur du fonctionnement des institutions. Le Conseil statue souverainement
sur :
La
constitutionnalité des lois, des traités et accords internationaux;
Les
règlements intérieurs de l’Assemblée nationale et du Sénat avant leur mise en
application, quant à leur conformité à la Constitution;
Les
conflits d’attribution entre les institutions de l’État, entre l’État et les
régions, entre les régions.
16.
Avant
leur promulgation, les lois ainsi que les traités et accords internationaux
peuvent être déférés au Conseil constitutionnel par le président de la République,
le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat, un tiers des
députés ou un tiers des sénateurs, les présidents des exécutifs régionaux.
17.
Le
Conseil constitutionnel veille en outre à la régularité de l’élection
présidentielle, des élections parlementaires et des consultations
référendaires. Il en proclame les résultats.
18.
Les
attributions de la Cour suprême en matière constitutionnelle ont donc été
largement rénovées et transférées au Conseil constitutionnel. Par exemple, le
contrôle juridictionnel (par voie d’action ou par voie d’exception) de la
constitutionnalité des lois, qui était très restreint, a été entièrement rénové
et ouvert.
19.
Toutefois,
en attendant la mise en place effective du Conseil constitutionnel, la Cour
suprême en exerce les attributions.
20.
Il
existe également une Haute Cour de justice dont la compétence ratione
personae été élargie. Elle est compétente pour juger les actes accomplis
dans l’exercice de leurs fonctions par :
Le
président de la République, en cas de haute trahison;
Le Premier
ministre, les autres membres du gouvernement et assimilés, les hauts
responsables de l’administration ayant reçu délégation de pouvoir, en cas de
complot contre la sûreté de l’État.
21.
S’agissant
du système administratif, la Constitution a créé 10 régions qui remplacent les
10 provinces existant depuis 1984 et qui n’étaient que des
circonscriptions administratives déconcentrées. À la différence de sa
devancière de 1972, elle consacre tout le titre X aux collectivités
territoriales décentralisées de la République que sont les régions et les
communes. Celles-ci sont des personnes morales de droit public. Elles jouissent
de l’autonomie administrative et financière pour la gestion des intérêts
régionaux et locaux. Elles s’administrent librement par des conseils de région.
Ces derniers ont pour mission de promouvoir le développement économique,
social, sanitaire, éducatif, culturel et sportif de ces collectivités. L’État
en assure la tutelle.
22.
Le
Cameroun est donc un État unitaire décentralisé, démocratique et à régime
semi-présidentiel, dans lequel existe une séparation entre les pouvoirs
exécutif, législatif et judiciaire. Le Parlement, monocaméral constitué de
l’Assemblée nationale, chambre unique dans la Constitution de 1972, devient
bicaméral et comprend une seconde chambre, le Sénat.
23.
Dans le
combat contre le fléau de la torture, il est essentiel de souligner
l’intervention de deux lois du 10 janvier 1997 :
a)
La loi
n° 97/009 modifiant et complétant certaines dispositions du Code pénal,
qui introduit, au chapitre des infractions commises par les fonctionnaires dans
l’exercice de leurs fonctions, un article 132 bis spécifiquement
intitulé "Torture". Ce nouvel article, qui reproduit mutatis
mutandis la définition conventionnelle de la torture, prévoit en outre les
peines qu’encourent les auteurs d’actes de torture. Il rappelle aussi le
caractère absolu du droit pour toute personne humaine d’être à l’abri de
la torture, en excluant toute dérogation à l’interdiction de la torture;
b)
La loi
n° 97/010 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi
n° 64/LF/13 du 26 juin 1964 fixant le régime de l’extradition
concourt à satisfaire aux exigences de l’article 3 de la Convention
sur l’interdiction d’expulser, de refouler ou d’extrader des personnes vers des
pays d’accueil où elles sont susceptibles d’être torturées.
24.
Sur un
autre plan, la vulgarisation des droits humains, en vue de leur réalisation
effective, se trouve facilitée par les médias dans un contexte de
libéralisation du paysage médiatique camerounais. Pour concilier les nécessités
de la poursuite avec les garanties de la liberté d’expression, le délit
d’opinion a été supprimé. La loi n° 90/092 du 19 décembre 1990
sur la liberté de communication sociale ne prévoit que des peines d’amende pour
toutes les infractions à ses dispositions.
25.
Par
ailleurs, le 3 avril 2000, le Premier Ministre, chef du gouvernement,
a signé le décret n° 2000/158 fixant les conditions et les modalités de
création et d’exploitation des entreprises privées de communication audiovisuelle.
26.
La
transformation du paysage sociopolitique et juridique camerounais dans le sens
de l’essor des droits humains et de la consolidation de l’État de droit
constitue un combat dans lequel les autorités camerounaises se sont engagées de
façon inconditionnelle. Bien plus, depuis 1999, le Gouvernement a adopté,
en accord avec les institutions internationales compétentes, un programme
national de bonne gouvernance, mettant l’accent sur la lutte contre la
corruption, la transparence, la participation accrue du citoyen à la
gestion de la chose publique. Ce programme a pour philosophie de base la
promotion de la dignité humaine.
27.
La
lutte contre la torture et autres mauvais traitements est, à coup sûr,
l’un des centres d’intérêt de ces réformes libérales. Cet environnement libéral
éclaire plus vivement autant le développement de la culture juridique et
démocratique des nationaux que la mise en œuvre de la Convention
à laquelle le Cameroun s’est engagé depuis une dizaine d’années.
28.
La
Constitution camerounaise de 1972 assurait déjà l’articulation entre les
engagements internationaux et le droit interne. Celle de 1996 a clarifié
davantage ce rapport. L’article 46 dispose en effet que "les traités
ou accords internationaux régulièrement approuvés ou ratifiés ont, dès leur
publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour
chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie".
Abstraction faite de la règle de la réciprocité, il en va certainement ainsi
des traités ou accords de protection des droits de l’homme, et en particulier
de la Convention.
29.
Sous
cet éclairage, la Convention a primauté sur les lois nationales. Ses
dispositions peuvent être directement invoquées devant les autorités
nationales, judiciaire ou administrative, et peuvent être appliquées
directement par elles, sans qu’il soit besoin d’adopter un texte interne
d’incorporation.
30.
L’une
des innovations majeures de la réforme constitutionnelle de 1996 porte sur la
consécration plus accentuée des droits de l’homme. Le préambule de la
Constitution, qui a été enrichi, intègre en effet mieux encore les aspirations
démocratiques du peuple camerounais et énonce de nouveaux droits.
31.
Après
avoir proclamé que l’être humain, sans distinction de race, de religion, de
sexe, de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés, le peuple
camerounais affirme son attachement aux libertés fondamentales inscrites non
seulement dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, la Charte des
Nations Unies, mais aussi dans la Charte africaine des droits de l’homme et des
peuples et toutes les conventions internationales y relatives et dûment
ratifiées.
32.
Outre
l’ajout de la référence à la Charte africaine des droits de l’homme et des
peuples et aux conventions internationales relatives aux droits de l’homme
souscrites, le préambule de la Constitution formule de nouveaux principes
protecteurs des droits. Il énonce notamment que toute personne a droit
à la vie et à l’intégrité physique et morale; qu’elle doit être
traitée en toute circonstance avec humanité; qu’en aucun cas elle ne peut être
soumise à la torture, à des peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants. De même, il précise que tout prévenu est présumé innocent
jusqu’à ce que sa culpabilité soit établie au cours d’un procès conduit
dans le strict respect des droits de la défense.
33.
L’un
des nouveaux droits figure à l’article premier, qui renvoie aux
vertus de la coutume : "La République du Cameroun est laïque,
démocratique et sociale. Elle reconnaît et protège les valeurs traditionnelles
conformes aux principes démocratiques, aux droits de l’homme et à la
loi".
34.
Cette
énonciation de principe, protectrice des droits humains, enrichit le catalogue
des règles déjà consacrées à la protection de l’intégrité physique et
morale, à l’instar du principe "nul ne peut être poursuivi, arrêté ou
détenu que dans les cas et selon les formes déterminées par la loi".
35.
La
Constitution de 1996 a également le mérite de gommer l’incertitude qui régnait
sur la valeur des droits énoncés dans le préambule de la Constitution de 1972.
Elle dispose clairement en son article 65 que "le préambule fait
partie intégrante de la Constitution". Cette incorporation du préambule au
corps de la Constitution assigne une valeur constitutionnelle et donc une force
contraignante incontestable aux droits qui y sont proclamés.
36.
En
raison de la précision du contenu du droit à l’intégrité physique et
morale, et notamment du droit d’être à l’abri de la torture, des peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants, tel que formulé dans le préambule
de la Constitution révisée, ce droit peut donner matière à contrôle de
constitutionnalité, et sa violation peut être sanctionnée par le juge
constitutionnel, administratif ou judiciaire.
37.
Enfin,
en procédant à l’énonciation constitutionnelle de certains droits par
renvoi aux conventions internationales souscrites y relatives, la Constitution
révisée, qui accorde en son article 45 valeur supralégislative auxdites
conventions, les intègre au préambule et, par ricochet, les range dans le bloc
de constitutionnalité dont le juge constitutionnel doit garantir le respect.
38.
La
Convention bénéficie à ce titre de cette interprétation en droit
camerounais, s’agissant de sa place dans la pyramide normative.
39.
En tout
état de cause, la Constitution de 1996 constitue tant par le contenu des droits
nouvellement énoncés que par la valeur constitutionnelle du préambule, une
avancée fort significative sur le terrain de la construction d’un État de droit
libéral. Ces changements sont d’autant plus profonds et intangibles qu’aucune
procédure de révision de la Constitution ne peut être retenue si elle porte
atteinte à la forme républicaine et aux principes démocratiques qui
régissent la République (art. 64).
40.
Le
pluralisme législatif et judiciaire marque la singularité du système juridique
camerounais. Il y a coexistence du droit traditionnel ou coutumier avec deux
systèmes juridiques d’origine anglaise et française, la common law et la
civil law. Les droits d’origine française ou anglaise applicables au
Cameroun pendant la période coloniale sont, à certains égards, considérés
comme faisant partie intégrante de la législation camerounaise.
41.
C’est
pourquoi, après le passage de l’État fédéral institué le 1er octobre 1961
à l’État unitaire que consacre la Constitution du 2 juin 1972,
la règle constitutionnelle est que "la législation résultant des lois et
règlements applicables dans l’État fédéral du Cameroun et dans les États
fédérés à la date de prise d’effet de la présente Constitution reste en vigueur
dans ses dispositions qui ne sont pas contraires aux stipulations de celle-ci
tant qu’elle n’aura pas été modifiée par voie législative ou
réglementaire".
42.
En cas
de conflit de normes, les solutions retenues pour trancher les affaires puisent
dans ce pluralisme juridique en privilégiant généralement l’application des
règles les plus protectrices des droits humains.
43.
La
décision du tribunal de grande instance de Bamenda (High Court of Mezam
Judicial Division), jugement n° HCB/19 CRM/921 du
23 décembre 1992, dans l’affaire Nyo Wakai and 172 others v. people,
peut être citée à titre d’illustration. Les autorités administratives
chargées du maintien de l’ordre avaient procédé à des arrestations de
personnes soupçonnées d’avoir commandité ou participé aux destructions de biens
et autres crimes perpétrés au cours des manifestations qui avaient motivé la
proclamation de l’état d’urgence dans la province du Nord-Ouest
en octobre 1992.
44.
Examinant
la requête qu’un groupe d’avocats, constitués en défense, avait introduite en
vue d’obtenir la mise en liberté provisoire desdites personnes, au motif que
leur arrestation et leur détention étaient irrégulières, le tribunal rejeta le
moyen articulé par le représentant de l’administration sur l’incompétence du
juge judiciaire à exercer un contrôle de légalité des mesures prises par
l’autorité de maintien de l’ordre en période de circonstances
exceptionnelles et en vertu de la loi n° 90/47 du
19 décembre 1990 sur l’état d’urgence. Il fonda sa compétence sur la
constatation que l’action de l’administration aboutissait à une violation
grossière des droits fondamentaux de l’homme en la qualifiant de voie de fait
administrative, ce qui ressortit de la compétence des tribunaux judiciaires. Le
tribunal a ainsi ordonné la mise en liberté provisoire, sans caution, de
certains détenus, et la libération immédiate, sans condition, d’autres détenus
et sans préjudice des poursuites éventuelles pour des infractions qu’ils
auraient commises.
45.
Contrairement
à ce à quoi on se serait attendu, le juge de la High Court de Bamenda
n’a pas eu recours aux techniques du droit pénal d’inspiration anglo-saxonne
(la règle freedom from arrest) notamment au "writ of habeas
corpus" dont l’efficacité est légendaire en matière de protection des
droits de l’homme en général, et de la liberté individuelle en particulier. Il
a opté pour la notion complexe de "voie de fait", inspirée du droit
d’essence française, s’en est prévalu pour développer sa compétence de plein
droit à constater la situation de voie de fait administrative,
à ordonner toute mesure pour qu’il y soit mis fin. Ce qui comprend la
latitude d’octroyer une réparation pécuniaire au titre des dommages et
intérêts, d’adresser des injonctions et de remettre les choses en l’état par
des moyens appropriés, à l’instar des astreintes.
46.
Il faut
enfin noter que la Convention fait partie d’un important réseau d’engagements
internationaux souscrits par le Cameroun en matière de protection des droits de
l’homme. Outre la Charte des Nations Unies et la Déclaration universelle des
droits de l’homme, on citera :
a)
La
Convention internationale du 11 octobre 1933 relative à la
répression de la traite des femmes majeures (succession le
27 octobre 1961);
b)
L’Arrangement
international du 18 mai 1904 en vue d’assurer une protection efficace
contre le trafic criminel connu sous le nom de "traite des Blanches",
amendé le 4 mai 1949 (succession le 3 novembre 1961);
c)
La
Convention complémentaire du 7 septembre 1956 relative
à l’abolition de l’esclavage, de la traite des esclaves et des
institutions et pratiques analogues à l’esclavage;
d)
La
Convention (n° 29) concernant le travail forcé, de 1930 (souscrite le
7 juin 1960);
e)
La
Convention (n° 105) concernant l’abolition du travail forcé, de 1957
(souscrite le 13 septembre 1962);
f)
La
Convention (n° 87) concernant la liberté syndicale et la protection du
droit syndical, de 1948 (souscrite le 7 juin 1960);
g)
La
Convention (n° 100) concernant l’égalité de rémunération entre
la main-d’œuvre masculine et la main-d’œuvre féminine pour un travail
de valeur égale, de 1951 (ratifiée le 15 mai 1970);
h)
La
Convention (n° 111) concernant la discrimination en matière d’emploi et de
profession, de 1958 (ratifiée le 15 mai 1988);
i)
La
Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de
l’exploitation de la prostitution d’autrui (adhésion le
19 février 1982);
j)
La
Convention relative au statut des réfugiés (souscrite par succession d’État le
23 juin 1961);
k)
Le
Protocole relatif au statut des réfugiés (adhésion le
19 septembre 1967);
l)
La
Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination raciale (ratifiée le 24 juin 1971);
m)
Le
Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels
(adhésion le 27 juin 1984);
n)
Le
Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits
civils et politiques (adhésion le 27 juin 1984);
o)
La
Convention sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre
l’humanité (adhésion le 6 octobre 1972);
p)
La
Convention internationale sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid
(adhésion le 1er novembre 1976);
q)
La
Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination
à l’égard des femmes (ratifiée le 23 août 1994);
r)
La
Convention relative aux droits de l’enfant (signée le
27 septembre 1990 et ratifiée le 11 janvier 1993);
s)
La
Convention régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique
(ratifiée en 1985);
t)
La
Charte africaine des droits de l’homme et des peuples du 27 juin 1981
(ratifiée le 21 octobre 1986);
u)
La
Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant (ratifiée le
5 septembre 1997).
DEUXIÈME PARTIE
NOUVELLES
MESURES ET NOUVEAUX FAITS RELATIFS À L’APPLICATION DE LA CONVENTION
(ART. 1 À 16)
Article premier
47.
La loi
n° 97/009 du 10 janvier 1997 modifiant et complétant certaines
dispositions du Code pénal a inséré dans celui-ci un article 132 bis
intitulé "Torture".
48.
Aux
termes du paragraphe 5 (al. a et b) de cet article, le
mot "torture" désigne "tout acte par lequel une douleur ou des
souffrances aiguës, physiques, mentales ou morales, sont intentionnellement
infligées à une personne, par un fonctionnaire ou toute autre personne,
agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son
consentement exprès ou tacite, aux fins notamment d’obtenir d’elle ou d’une
tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle
ou une tierce personne a commis ou est soupçonné d’avoir commis, de l’intimider
ou de faire pression sur elle ou d’intimider ou de faire pression sur une
tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination
quelle qu’elle soit. [...] Le mot “torture” ainsi défini ne s’applique pas
à la douleur ou aux souffrances résultant de sanctions légitimes,
inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles".
49.
La
filiation de ce texte avec la disposition conventionnelle pertinente est
évidente et témoigne de la volonté de l’État du Cameroun de se conformer
à la Convention.
Article 2
Paragraphe 1
50.
Les
précédents rapports du Cameroun ont exposé un ensemble de normes législatives,
administratives, judiciaires et d’autres mesures prises jusqu’en 1996 pour
combattre la torture et autres mauvais traitements.
51.
Comme
déjà souligné, la Constitution du 2 juin 1972 révisée par la loi
n° 96/06 du 18 janvier 1996 énonce entre autres prescriptions
que :
a)
Nul ne
peut être contraint de faire ce que la loi n’ordonne pas;
b)
Nul ne
peut être poursuivi, arrêté ou détenu que dans les cas et selon les formes
déterminées par la loi;
c)
La loi
assure à tous les hommes le droit de se faire rendre justice;
d)
Tout
prévenu est présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité soit établie au
cours d’un procès conduit dans le strict respect des droits de la défense;
e)
Toute
personne a droit à la vie et à l’intégrité physique et morale. Elle
doit être traitée en toute circonstance avec humanité. En aucun cas, elle ne
peut être soumise à la torture, à des peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants.
52.
Cette
consécration constitutionnelle de l’interdiction de la torture et autres
mauvais traitements augure d’une ère nouvelle du fait de la prise d’une série
de textes législatifs et réglementaires, ainsi que d’autres mesures qui
s’inscrivent dans une politique publique pénale d’élimination de la torture en
particulier et de protection de l’intégrité physique et morale des individus en
général.
Mesures
législatives
53.
Comme
annoncé dans le deuxième rapport périodique (CAT/C/17/Add.22, par. 50), la
volonté politique du Cameroun de donner effet à la Convention s’est
davantage concrétisée par la pénalisation de la torture. Depuis 1997, une série
de lois adoptées par l’Assemblée nationale ont été promulguées par le président
de la République :
Loi n° 97/009 du
10 janvier 1997 modifiant et complétant certaines dispositions du
Code pénal
54.
Comme
déjà indiqué, cette loi ajoute au Code pénal un nouvel article 132
dans le chapitre réservé aux infractions commises par les fonctionnaires dans
l’exercice de leurs fonctions. En résumé, cet article définit la
torture, édicte des peines réprimant, en fonction de leur gravité, les actes de
torture et, en même temps, exclut tout fait justificatif de la torture.
Loi n° 97/010 du
10 janvier 1997 modifiant certaines dispositions de la loi n°
64/LF/13 du 26 juin 1964 fixant le régime de l’extradition
55.
Elle
intègre au régime camerounais de l’extradition l’essentiel des dispositions des
articles 3 et 6 de la Convention, et constitue une innovation considérable
dans le régime de répression de la torture entendue comme crime international.
Loi n° 97/012 du
10 janvier 1997 fixant les conditions d’entrée, de séjour et de sortie
des étrangers au Cameroun
56.
Elle
abroge sa devancière, la loi no 90/043 du
19 décembre 1990, notamment en ses dispositions relatives aux
étrangers. Elle ne contient pas de dispositions spécifiques de prohibition de
la torture ou autres mauvais traitements. Cependant, elle renferme, mieux que
la précédente de décembre 1990 un certain nombre de garanties
libérales.
57.
S’agissant
du régime de l’éloignement d’un étranger en infraction aux règles de séjour,
les dispositions sur le refoulement, la reconduite à la frontière,
l’expulsion, etc., ne donnent pas une quelconque latitude aux fonctionnaires de
la police des frontières à infliger de mauvais traitements aux personnes
concernées, ni aux autres autorités le droit d’y procéder, au mépris de
l’article 3 de la Convention; qui plus est, la protection des étrangers
face aux mesures de police administrative est assurée.
58.
C’est
ainsi que, selon l’article 35, toute mesure de reconduite à la
frontière doit être dûment notifiée à l’étranger concerné. Dès
notification de cette mesure, l’étranger en cause est immédiatement mis en
mesure d’avertir un conseil ou une personne de son choix ou, le cas échéant,
les autorités diplomatiques ou consulaires concernées. Aux termes de
l’article 36, l’étranger qui a fait l’objet d’une mesure de reconduite
à la frontière peut, dans les 48 heures suivant notification de
celle-ci, demander son annulation devant la juridiction administrative
compétente, nonobstant les règles prévues en matière de recours gracieux
préalable. Il peut être assisté de son conseil ou demander, au président de la
juridiction administrative saisie, la désignation d’office d’un avocat. À
l’article 37, il est précisé que la juridiction administrative est tenue
de statuer dans les huit jours qui suivent sa saisine. Dans le cas où la mesure
de reconduite à la frontière est annulée, l’étranger est, sous réserve de
la régularisation de sa situation, autorisé à séjourner sur le territoire
national. Le jugement ainsi rendu est susceptible d’appel selon les formes
prescrites par la loi. Cet appel n’a pas d’effet suspensif. Les dépens sont
à la charge du trésor public. Enfin, l’article 38 dispose que la
mesure de reconduite à la frontière ne peut être exécutée avant
l’expiration du délai de 48 heures suivant sa notification et avant que la
juridiction saisie n’ait statué.
59.
Par
décret présidentiel n° 2000/286 du 12 octobre 2000, les
modalités d’application de la loi n° 97/012 du 10 janvier 1997
ont été précisées. Ce décret consolide les garanties des droits des étrangers
dans le cadre des mesures d’éloignement du territoire.
Ordonnance n° 97/01 du
4 avril 1997 modifiant les articles 3 et 4 de la loi
n° 92/008 du 14 août 1992 fixant certaines dispositions
relatives à l’exécution des décisions de justice
60.
Ce
texte autorise le tribunal saisi, en cas de décision contradictoire ou réputée
contradictoire, à ordonner l’exécution provisoire, nonobstant appel, et
notamment en matière de réparation du dommage résultant d’une atteinte
à l’intégrité physique d’une personne, pour les frais et dépenses
justifiés nécessités par les soins d’urgence et limités exceptionnellement aux
frais de transport ou de transfert, aux frais pharmaceutiques, médicaux et
d’hospitalisation.
61.
Ces
dispositions sont applicables aux condamnations civiles prononcées par une
juridiction répressive, et s’appliquent donc aux victimes de la torture qui se
seraient constituées parties civiles dans un procès pénal engagé contre des
auteurs d’actes de torture.
Loi n° 97/002 du
10 janvier 1997 sur la protection de l’emblème et du nom
"Croix-Rouge"
62.
Cette
loi régit l’usage et la protection de l’emblème et du nom "Croix‑Rouge"
sans préjudice des dispositions pertinentes des conventions relatives au droit
international humanitaire, dûment ratifiées par la République du Cameroun,
notamment les Conventions de Genève du 12 août 1949 et leurs
protocoles additionnels I et II, du 8 juin 1977. Il y apparaît que la
Croix‑Rouge camerounaise a le droit d’usage exclusif de l’emblème
à titre indicatif et du nom "Croix‑Rouge" sur toute
l’étendue du territoire national.
63.
Le
Cameroun a signé le 31 mars 1999 avec le Comité international de la
Croix-Rouge (CICR) un accord relatif au siège à Yaoundé de la délégation
régionale du CICR. Cet accord de siège répond au souhait exprimé par le CICR
d’établir à Yaoundé une délégation régionale qui assure ses tâches
conformément aux mandats qui lui ont été confiés par les Conventions de Genève
de 1949 et par les protocoles additionnels de 1977 auxquels l’État du Cameroun
est partie, ainsi que par les statuts du Mouvement international de la
Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. En vertu dudit accord de siège, le
Gouvernement camerounais reconnaît à la Délégation régionale du CICR des
privilèges et immunités analogues à ceux accordés aux organisations
internationales, et lui fait bénéficier, dans de nombreux domaines, d’un
traitement aussi favorable que celui octroyé auxdites organisations. (voir infra
les développements relatifs à l’article 11 de la Convention).
64.
De
même, le Cameroun a signé le 18 juin 1999 un accord similaire avec la
Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge,
relatif au statut de la Délégation régionale pour l’Afrique centrale au
Cameroun. Cet accord prévoit une gamme de facilités pour le déroulement des
opérations de la Fédération, qui a pour objet général d’inspirer, d’encourager,
de faciliter et de faire progresser en tout temps et sous toutes les formes
l’action humanitaire des sociétés nationales, en vue de prévenir et d’alléger
les souffrances humaines et d’apporter ainsi sa contribution au maintien
et à la promotion de la paix dans le monde.
65.
Par
ailleurs, il convient de signaler qu’après avoir participé activement à la
Conférence diplomatique de plénipotentiaires des Nations Unies sur la création
d’une cour criminelle internationale, qui s’est tenue à Rome du
15 juin au 17 juillet 1998, le Cameroun a signé le traité
portant statut de la Cour dès le 17 juillet 1998, soit le jour même
de son adoption. Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale incrimine
la torture et autres mauvais traitements comme crime contre l’humanité (art.7,
par. 1, al. f, g et k) et comme crime de guerre
(art. 8, par. 2, al. a, ii et iii).
66.
C’est
pour préparer la ratification que le Président de la République du Cameroun a
créé, par décret n° 2000/343 du 4 décembre 2000, le Comité
technique ad hoc pour la mise en œuvre du Statut de Rome de la Cour pénale
internationale. Ce comité a été chargé, entre autres, d’étudier les
implications de la ratification du statut de la Cour sur le droit interne
camerounais. Il comprenait :
Des
membres désignés de la délégation camerounaise aux travaux de la commission
préparatoire de la Cour pénale internationale;
Des
professeurs d’université et des magistrats anglophones et francophones,
représentant les deux branches modernes du système juridique camerounais;
Des
diplomates.
67.
Les
travaux de ce comité technique, qui se situent hors période de référence,
feront l’objet d’un développement ultérieur.
68.
Le
décret n° 97/205 du 7 décembre 1997 portant organisation du
gouvernement répartit entre plusieurs départements ministériels les divers
secteurs de promotion et de protection des droits de l’homme.
69.
Le
Ministère de l’administration territoriale est chargé, entre autres, de l’administration
pénitentiaire, de la protection civile, du suivi des activités des associations
à but non lucratif et des cultes. Il dispose d’une cellule des libertés
publiques.
70.
Au
Ministère des affaires sociales incombe la protection sociale de l’individu et
la promotion de la famille, en particulier la prévention et le traitement de la
délinquance juvénile ou l’inadaptation sociale, la facilitation de la
réinsertion sociale.
71.
Le
Ministère de la condition féminine est chargé de l’éducation et de la mise en
œuvre des mesures relatives au respect des droits de la femme camerounaise dans
la société, à la disparition de toutes discriminations à l’égard de
la femme et à l’accroissement des garanties d’égalité dans les domaines
politique, économique, social et culturel.
72.
Le
Ministère de l’emploi, du travail et de la prévoyance sociale est responsable
du contrôle de l’application du Code du travail et des conventions
internationales ayant trait au travail ratifiées par le Cameroun.
73.
Le
Ministère de la justice est chargé de la préparation des textes relatifs aux
statuts professionnels des magistrats et des greffiers, à l’organisation
judiciaire, au statut des personnes et des biens, au droit pénal général et
spécial.
74.
Le
Ministère de la défense, le Ministère de l’éducation nationale, le Ministère
des relations extérieures, le Ministère de la santé publique et d’autres
départements ministériels ainsi que la Délégation générale à la sûreté
nationale ont reçu des attributions spécifiques et complémentaires dans ce domaine.
a) Au niveau de l’administration du
territoire
75.
Le
Vice-Premier Ministre chargé de l’administration territoriale a pris, le
13 novembre 1997, la circulaire n° 02306/CAB/VPM‑AT
précisant les modalités d’application de la garde à vue administrative. Il
s’est agi de protéger la liberté individuelle des citoyens contre l’arbitraire
des autorités administratives, et ce, pour pallier à certaines lacunes de
la loi n° 90/054 du 19 décembre 1990 relative au maintien
de l’ordre. Cette loi habilitait les autorités administratives, que sont
notamment le Ministre de l’administration territoriale, le gouverneur et le
préfet, à prendre des mesures de garde à vue d’une durée de 15 jours
renouvelables dans le cadre de la lutte contre le grand banditisme. La circulaire
du 13 novembre 1997 vise à éviter une interprétation maladroite
qui dénaturerait la notion de garde à vue administrative. D’après cette
circulaire :
–
La
garde à vue administrative ne peut être ordonnée que dans le cadre de la
lutte contre le grand banditisme, la finalité en étant la préservation ou le
rétablissement de l’ordre public;
–
Les
gouverneurs de province et les préfets sont les seules autorités
administratives compétentes pour prendre cette mesure et, en tant que de
besoin, la renouveler une seule fois;
–
Une
garde à vue administrative ne peut être exécutée que dans des locaux
appropriés, relevant de la sûreté nationale, de la gendarmerie ou de
l’administration pénitentiaire.
76.
Un
contrôle de régularité est prévu dans la forme et le contenu. Tout arrêté
ordonnant une garde à vue administrative doit obéir aux règles générales
d’élaboration des actes administratifs unilatéraux. Le ministre de
l’administration territoriale ainsi que les gouverneurs de province exercent le
contrôle administratif en la matière. Un contrôle juridictionnel est également
envisageable.
77.
Cette
circulaire rapproche le régime de la garde à vue administrative de la
garde à vue judiciaire de l’article 9 du Code d’instruction
criminelle, qui prévoit que seuls les officiers (et pas les agents) de police
judiciaire peuvent ordonner une garde à vue.
78.
Il
convient de rappeler que cette mesure de restriction de la liberté individuelle
peut donner lieu à une action en libération immédiate fondée sur
l’article 16 (nouveau) de l’ordonnance n° 72/4 du 26 août 1972
portant organisation judiciaire, qui prévoit que le tribunal de grande
instance est compétent "pour connaître des requêtes en libération
immédiate formées soit par une personne emprisonnée ou détenue, soit en son
nom, lorsque lesdites requêtes sont fondées sur un cas d’illégalité formelle ou
sur le défaut de titre de détention".
b) Au
niveau de l’administration pénitentiaire
79.
Le
décret présidentiel n° 97/205 du 7 décembre 1997 portant
organisation du gouvernement a créé au niveau du Ministère de l’administration
territoriale deux postes de secrétaires d’État chargés respectivement des
collectivités territoriales et de l’administration pénitentiaire.
80.
Le
décret présidentiel n° 97/207 du 7 décembre 1997 portant
formation du gouvernement a effectivement pourvu le poste de secrétaire d’État
à l’administration pénitentiaire.
81.
Ces
deux actes du chef de l’État se situent dans le prolongement du décret
n° 95/232 du 6 novembre 1995 portant organisation du Ministère
de l’administration territoriale, qui a créé une sous-direction de la santé
pénitentiaire à la direction de l’administration pénitentiaire.
82.
Le
souci d’humaniser les conditions de vie des détenus dans les prisons
camerounaises sous-tend la politique d’administration pénitentiaire qui s’est
concrétisée par un nombre considérable d’efforts de développement des
ressources humaines, de développement institutionnel et infrastructurel.
83.
Il est
à rappeler que l’arrêté n° 89/003/MINSCOF du 2 avril 1989
créait déjà des postes d’assistants sociaux auprès des prisons,
commissariats de police, universités, lycées, hôpitaux et centres
médico-sociaux et que l’instruction ministérielle n° 93/000723/MINASCOF/SG
du 1er avril 1993 avait fixé les attributions du chef de
poste d’assistant social auprès des prisons.
84.
Pour
remédier à la surpopulation carcérale, trois nouvelles prisons ont été
créées par arrêté n° 00028/MINAT du 9 mai 2000. Il s’agit des prisons
principales de Kumbo dans le département de Bui, de Ndop dans le département de
Ngoketunjia et de Nkambé dans le département de Donga Mantung. La mise en
fonctionnement de ces trois prisons permettra de décongestionner la prison
centrale de Bamenda.
85.
Dans la
même optique de décongestionnement des prisons existantes, des études sont en
cours pour la construction de nouvelles prisons dans les villes de Yaoundé,
Douala, Kaélé. Par communiqué n° 000987/C/MINAT/DAG du
21 novembre 2000, des sociétés ont été retenues pour l’appel d’offres
y relatif.
86.
S’agissant
de la réfection des infrastructures, il y a lieu de noter que 28 prisons ont
été réhabilitées en trois ans, ce qui a requis une dépense d’un montant de
449 770 761 francs CFA (FCFA) [soit 685 671 euros] au
cours des exercices budgétaires 1997/1998, 1998/1999 et 1999/2000 pour,
respectivement, 5, 12 et 11 prisons réfectionnées. En réalité, la plupart
des prisons camerounaises sont vétustes. Les devis de leur réfection se
chiffrent à 1,7 milliard de FCFA (soit
2 591 633 euros). Une dotation annuelle de 500 millions
de FCFA (soit 762 245 euros) par prison à construire est
nécessaire pour résoudre le problème de la surpopulation carcérale.
87.
La
préservation de la santé des détenus a donné lieu à un certain nombre de
mesures parmi lesquelles deux peuvent être mises en relief :
La mise en
place, au niveau de la sous-direction de la santé pénitentiaire, d’une caisse
d’avance destinée à l’acquisition des médicaments pour les détenus;
Le
recrutement et l’affectation de huit médecins administrateurs principaux des
prisons, qui pourront désormais non seulement s’occuper efficacement de la prison
centrale de chaque chef lieu de province, mais également inspecter les autres
prisons du ressort de la province.
88.
Les
efforts ainsi engagés pour moderniser l’administration pénitentiaire se
poursuivent malgré l’insuffisance des moyens financiers de l’État.
Parallèlement, une vigilance accrue est requise pour veiller au respect, par
les fonctionnaires de l’administration pénitentiaire, du régime disciplinaire,
sous peine de sanction.
89.
À la
lumière du décret n° 92/052 du 27 mars 1992 portant régime
pénitentiaire qui s’inspire de l’Ensemble des règles minima pour le traitement
des détenus, du décret no 92/054 du 27 mars 1992
portant statut spécial du corps des fonctionnaires de l’administration
pénitentiaire et surtout de l’arrêté n° 080 du 16 mai 1983 du Ministre
de l’administration territoriale portant régime disciplinaire des personnels de
l’administration pénitentiaire, des sanctions sont systématiquement infligées
à tout personnel pénitentiaire qui se rend coupable de torture ou de tout
autre mauvais traitement à l’égard des détenus. Ces sanctions vont de la
consigne au retard à l’avancement, sans préjudice des poursuites pénales.
À défaut de statistiques générales disponibles, quelques cas peuvent être
mentionnés à titre d’illustration :
–
Cas du
gardien de prison principal T..., en service à la prison centrale de
Bafoussam, à qui une sanction disciplinaire de 72 heures de consigne a été
infligée pour mauvais traitement sur un détenu (note de service
n° 27/NS/REG/PC/BFM du 5 septembre 1999 du régisseur);
–
Cas du
gardien de prison F..., en service à la prison centrale de Bafoussam,
à qui une sanction disciplinaire de trois jours de cellule a été infligée
pour sévices sur un détenu (note de service n° 46/NS/REG/DCB du
7 juin 1999 du régisseur);
–
Cas du
gardien de prisons major M... O... L..., en service à la prison centrale
de Yaoundé, à qui une sanction de trois jours de cellule disciplinaire a
été infligée pour brutalité gratuite à l’endroit du détenu T... A... (note
de service n° 38/S/PCY/SAF/BP du 22 avril 1997 du régisseur).
–
Cas du
gardien de prison A... B..., en service à la prison centrale de Yaoundé,
à qui une sanction de 12 heures de consigne a été infligée pour abus
d’autorité et violence sur un détenu (note de service n° 17/S/PCY/SAF/BP
du 10 février 1998 du régisseur).
c) Au
niveau de la police
90.
L’attention
du personnel de la police est constamment attirée sur les atteintes aux droits
et libertés de la personne humaine.
91.
Dans
son allocution prononcée le 4 août 2000 à l’occasion des
cérémonies de sortie des élèves de l’École nationale supérieure de police, le
Délégué général à la sûreté nationale a rappelé à ceux‑ci que
"le respect de la légalité républicaine, des libertés individuelles et des
droits de l’homme doit s’inscrire en permanence au centre de leurs
préoccupations".
92.
De
plus, en relation avec la Convention, le décret n° 2002/003 du
14 janvier 2002 portant organisation de la Délégation générale
à la sûreté nationale, en son article 103, crée au sein des
commissariats de sécurité publique la fonction de chef de poste dont l’une des
missions est de veiller particulièrement à la sécurité des gardés
à vue.
93.
Les
dispositions réglementaires ci-après sont constamment rappelées par les hauts
responsables de la police aux personnels chargés de la garde à vue :
a)
Seuls
les commissaires de police et officiers de police de grade décident des gardes
à vue, sous le contrôle permanent du procureur de la République;
b)
Les
responsables des commissariats contrôleront tous les matins la situation des
gardés à vue afin de déceler à temps les malades éventuels qui
devront aussitôt être conduits à l’hôpital pour des soins médicaux
appropriés;
c)
Les
registres des gardés à vue seront visés chaque jour par les mêmes
responsables, qui devront s’enquérir de la présence effective et en bon état de
santé des personnes placées en cellule;
d)
Tout
traitement inhumain ou dégradant de personnes dans les commissariats de police
devra être banni comme méthode de travail, notamment :
i)
L’usage
du bâton et du fouet comme moyen d’obtenir des aveux;
ii)
L’usage
abusif des aérosols et armes de service.
94.
D’une
manière générale, le respect scrupuleux des droits et libertés des personnes,
tout en tenant compte de la nécessité de préserver l’ordre public, doit être
considéré comme la règle de conduite cardinale rentrant dans l’appréciation du
fonctionnaire de police.
95.
Il est
tenu dans les unités de police un registre de garde à vue comportant les
mentions suivantes :
a)
Le
motif de celle-ci;
b)
La date
et l’heure;
c)
L’aspect
général de l’individu au moment de son placement;
d)
Son
état de santé au moment de sa sortie (déférement ou élargissement);
e)
D’autres
indications sur les biens saisis sur lui et conservés à sa disposition,
s’ils ne concernent pas l’enquête.
96.
Par
ailleurs, les officiers de police judiciaire sont constamment invités
à respecter scrupuleusement les délais de garde à vue. Pour vérifier
l’efficacité de ces mesures, des contrôles sont régulièrement effectués dans
les unités de police par de hauts responsables de ce corps.
97.
En
dehors de ce contrôle interne, les autorités judiciaires exercent une
surveillance sur les règles, les instructions, les méthodes et pratiques
d’interrogatoire, les dispositions concernant la garde à vue et le
traitement des personnes interpellées. À cet effet, le procureur de la
République effectue des visites, très souvent inopinées, dans les cellules des
commissariats de police et met systématiquement en liberté toute personne dont
la garde à vue n’est pas légalement justifiée.
98.
Il est
utile de citer, par anticipation, la lettre circulaire n° 00466/DGSN/CAB
du 6 avril 2001 que le Délégué général à la sûreté nationale a
adressée à tous les responsables centraux et extérieurs de la sûreté
nationale, sur l’amélioration des conditions de garde à vue. Cette
circulaire largement médiatisée, qui fera l’objet d’une analyse détaillée dans
le prochain rapport périodique, interdit une fois encore aux fonctionnaires de
la police tous actes susceptibles de porter atteinte à la dignité des
personnes gardées à vue, quels que soient les motifs de leur garde
à vue. En particulier, elle rappelle certaines prescriptions de la
Convention et prohibe que des individus placés en garde à vue dans les
cellules des unités de police soient préalablement dépouillés de leurs
vêtements.
99.
Lorsque
ces mesures n’ont pas permis d’éviter la commission des actes prévus et
réprouvés par la Convention, des sanctions disciplinaires et/ou pénales sont
infligées aux policiers qui en sont les auteurs. Pour la période de référence,
les tableaux ci-après récapitulent quelques sanctions disciplinaires et pénales
infligées aux policiers convaincus d’actes de torture ou d’autres mauvais
traitements.
Nature des faits
à réprimer |
Personnels poursuivis
|
||||
Gardiens de la paix
|
Inspecteurs de police |
Officiers de police
|
Commissaires de police |
Total
|
|
Garde à vue abusive. Séquestration |
1 |
Aucun |
1 |
Aucun |
2 |
Usage abusif et menaces avec arme de service |
2 |
6 |
2 |
Aucun |
10 |
Violences et voie de fait. Coups mortels |
8 |
2 |
2 |
Aucun |
12 |
Retrait abusif de pièces |
1 |
Aucun |
Aucun |
Aucun |
1 |
Viol sur mineur gardé à vue |
2 |
Aucun |
Aucun |
Aucun |
2 |
Rétention abusive de la chose d’autrui |
4 |
Aucun |
Aucun |
Aucun |
4 |
Négligence ayant entraîné la mort d’un gardé à vue |
Aucun |
1 |
Aucun |
1 |
2 |
Total
|
18 |
9 |
5 |
1 |
33 |
Tableau 2. État des poursuites et sanctions
judiciaires
Peines
|
Cadres
|
||||
Gardiens de la paix
|
Inspecteurs de police |
Officiers de police |
Commissaires de police |
Total
|
|
Peines privatives de liberté |
9 |
2 |
Aucun |
1 |
12 |
Peines assorties de sursis |
1 |
Aucun |
Aucun |
Aucun |
1 |
Emprisonnement à vie |
1 |
Aucun |
Aucun |
Aucun |
1 |
Dossiers en instance |
22 |
3 |
Aucun |
2 |
27 |
Total
|
33 |
5 |
Aucun |
3 |
41 |
100.
En
outre, pour améliorer les conditions matérielles de garde à vue sur tout
le territoire national, le Gouvernement a fait construire des cellules plus adaptées
et fait réfectionner celles qui ne répondaient plus aux normes requises. Les
systèmes d’eau, d’électrification et d’aération ont été ainsi réhabilités. Le
principe de la séparation des hommes, des femmes et des enfants tend de ce fait
à être rigoureusement appliqué.
101.
Il ne
fait par conséquent aucun doute que les conditions actuelles de garde
à vue dans les unités de police, sans être encore parfaites, ont connu des
améliorations considérables. C’est le lieu de souligner que les contributions
de certains pays amis et partenaires multilatéraux appuient cet effort
permanent du Gouvernement visant à rendre plus décentes les conditions de
garde à vue des personnes interpellées.
102. En même temps, avec la reprise économique, les unités de police ont été équipées en matériel roulant et de bureaux permettant d’accélérer les enquêtes afin d’éviter de longues gardes à vue.
d) Au niveau de la gendarmerie
103.
Suivant
les textes organiques, la gendarmerie nationale est un corps militaire d’élite
chargé, en période normale, de veiller à la sécurité publique,
au maintien de l’ordre et à l’exécution des lois et règlements de la
République.
104.
Les
conventions internationales de protection des droits de l’homme auxquelles le
Cameroun est partie font donc partie intégrante des textes dont la gendarmerie
nationale assure le respect aussi bien de la part des citoyens que de par
l’exemplarité du comportement des gendarmes eux-mêmes.
105.
Comme
relevé dans le précédent rapport périodique, les termes de la dépêche du
Secrétaire général de la présidence de la République, adressée le
18 avril 1996 au Secrétaire d’État à la défense chargé de la
gendarmerie nationale et dont l’objet est "agissements répréhensibles des
forces de maintien de l’ordre", sont constamment rappelés au personnel de
la gendarmerie. Le Secrétaire général de la présidence de la République y
prescrivait "un traitement diligent, dissuasif, et sans complaisance des
justiciables afin de sécuriser les populations et rétablir la nécessaire
confiance entre ces dernières et les forces de sécurité".
106.
Des
instructions de rappel du haut commandement de la gendarmerie et des mesures
d’ordre inférieur sont régulièrement adressées aux unités de gendarmerie pour
réitérer l’obligation de respecter et de protéger les droits de l’homme, et
surtout de combattre la torture et autres mauvais traitements.
107.
C’est
ainsi qu’à l’occasion de la réunion annuelle des commandants de légion et
des responsables des services centraux de la gendarmerie, le
12 décembre 2000, le Ministre d’État délégué à la présidence
chargé de la défense a prononcé un discours de sensibilisation particulière sur
la défense des droits et libertés, soulignant que : "Au plan
intérieur, le respect des droits de l’homme, des libertés individuelles et
collectives, pour tout dire l’État de droit, que les gendarmes doivent intégrer
comme une option fondamentale de la politique gouvernementale, les aspirations
des populations camerounaises elles-mêmes à la paix et à plus de
libertés nous imposent des obligations nouvelles appelées à provoquer dans
notre corps des changements de comportement à la fois individuels et
collectifs. La vision d’une gendarmerie citoyenne et de proximité est un
excellent thème".
108.
Le
Secrétaire d’État à la défense chargé de la gendarmerie nationale
déclarait le même jour : "Nous devrons rechercher comment améliorer
l’efficacité de la gendarmerie à l’heure de la mondialisation et de la
démocratie pour que celle-ci reste ce qu’elle a toujours été, à savoir une
institution profondément imprégnée, dans son organisation et sa culture, par la
volonté d’assurer la sécurité et le respect des droits de l’homme dans tous les
aspects de ses missions".
109.
Les
tableaux ci-après rendent compte des sanctions prises à l’encontre des
personnels de la gendarmerie pour violation des droits de l’homme et des
libertés fondamentales. Les mesures présentées correspondent aux années 1997,
1998 et 1999. Les infractions constatées et considérées par le commandement de
la gendarmerie comme étant des violations des droits de l’homme sont les
violences physiques, les coups et blessures, les assassinats, les arrestations
et détentions arbitraires, les injures, les troubles de jouissance, les
agressions, les menaces à main armée, les contrôles tracassiers.
Tableau 3. État des poursuites disciplinaires ou pénales
à l’encontre des personnels de la gendarmerie
pour violation des droits de l’homme en 1997
Motifs
|
Nombre de cas
|
Sanctions disciplinaires cumulées |
Traduction devant |
||
Sous-officiers |
Gendarmes |
Jours d’arrêt de |
Jours de prison |
||
Contrôles
tracassiers |
5 |
11 |
100 |
260 |
|
Utilisation
irrégulière d’arme |
-- |
|
-- |
|
|
Extorsion
d’argent |
40 |
47 |
800 |
940 |
|
Arrestation et
détention arbitraires |
9 |
3 |
210 |
60 |
|
Violences
physiques |
5 |
32 |
125 |
620 |
|
Menaces
à main armée |
1 |
5 |
30 |
150 |
|
Assassinat |
-- |
|
-- |
|
|
Troubles de
jouissance |
1 |
|
20 |
|
-- |
Total
|
61 |
87 |
1 285 |
2 030 |
4 condamna-tions
pénales |
Tableau 4.
État des poursuites disciplinaires ou pénales à l’encontre des
personnels de la gendarmerie
pour violation des droits de l’homme en 1998
Motifs |
Nombre de cas |
Sanctions
disciplinaires cumulées |
Poursuites
répressives |
||
Sous-officiers |
Gendarmes |
Jours d’arrêt de rigueur |
Jours de prison |
||
Contrôles
tracassiers |
6 |
15 |
120 |
350 |
|
Utilisation
irrégulière d’arme |
1 |
1 |
45 |
45 |
1 |
Extorsion
d’argent |
5 |
5 |
125 |
125 |
-- |
Arrestation et
détention arbitraires |
2 |
1 |
40 |
20 |
|
Violences
physiques |
3 |
2 |
60 |
20 |
|
Menaces
à main armée |
2 |
2 |
50 |
50 |
2 |
Assassinat |
1 |
1 |
60 |
60 |
1 |
Troubles de
jouissance |
-- |
2 |
-- |
20 |
-- |
Total
|
20 |
29 |
500 |
690 |
4 |
Tableau 5. État des poursuites disciplinaires ou pénales à l’encontre
des personnels de la gendarmerie
pour violation des droits de l’homme en 1999
Motifs |
Nombre de cas |
Sanctions
disciplinaires cumulées |
Poursuites
répressives |
||
Sous-officiers |
Gendarmes |
Jours d’arrêt de rigueur |
Jours de prison |
||
Contrôles
tracassiers |
1 |
7 |
20 |
220 |
7 en instance
|
Utilisation
irrégulière d’arme |
6 |
4 |
170 |
110 |
1 condamnation |
Extorsion
d’argent |
15 |
5 |
370 |
120 |
-- |
Arrestation et
détention arbitraires |
|
7 |
|
155 |
1 condamnation |
Violences
physiques |
13 |
4 |
315 |
110 |
1 condamnation |
Menaces à main
armée
|
|
1 |
|
20 |
-- |
Assassinat |
|
-- |
|
-- |
-- |
Troubles de
jouissance |
4 |
1 |
90 |
20 |
5 en instance |
Total |
47 |
21 |
1 140 |
580 |
|
e) Au
niveau de la justice
110.
Le
Ministère de la justice a été à nouveau organisé par le décret
n° 96/280 du 2 décembre 1996 dans le sens d’une meilleure
rationalisation du travail.
111.
Dans le
but de renforcer l’Inspection générale des services judiciaires et d’en
accroître l’efficience, le décret n° 2000/372 du
18 décembre 2000 modifie certaines dispositions du décret
no 96/280 précité. Il prévoit en effet que l’Inspection générale des
services judiciaires, placée sous l’autorité d’un inspecteur général ayant rang
et prérogatives de secrétaire général de ministère, est chargée :
a)
Du
contrôle interne et de l’évaluation du fonctionnement des services centraux et
des juridictions, à l’exception des activités juridictionnelles;
b)
De
l’information du ministre et du secrétaire général sur la qualité du
fonctionnement et du rendement des services;
c)
Du
suivi de la mise en œuvre et de l’évaluation régulière, en liaison avec les
services compétents de la réforme administrative, de l’application des
techniques d’organisation et méthodes de simplification du travail
administratif.
112.
Sa
capacité d’action a été accrue du fait, d’une part, du renforcement de ses
effectifs et, d’autre part, de la mise à sa disposition des moyens
matériels et financiers lui permettant d’effectuer des missions programmées ou
ponctuelles.
113.
Cette
modification institutionnelle est en rapport avec le souci d’assainissement du
corps et d’indépendance de la magistrature, lequel transparaît
à l’article 37 (par. 2) de la Constitution, selon lequel
"les magistrats du siège ne relèvent dans leurs fonctions que de la loi et
de leur conscience".
114.
Afin
que l’indépendance de la magistrature ainsi affirmée par la Constitution ne
soit pas dans les faits vidée de sa substance, il revient en partie aux
magistrats, dans l’exercice de leurs fonctions juridictionnelles, de lui
restituer toute la plénitude de son contenu. Dans une communication aux
procureurs généraux, le Ministre de la justice, Garde des sceaux, engage les
magistrats à une refonte psychologique lorsqu’il déclare en 1996,
à l’occasion d’une réunion des chefs de cour :
"Il
est d’usage longtemps établi qu’une fois par an vous vous retrouviez autour du
Garde des sceaux et des principaux responsables du département ministériel pour
faire le point, pendant quelques moments, de certains problèmes qui ont
particulièrement retenu l’attention de la Chancellerie durant les 12 précédents
mois. Il m’a été difficile de me fixer sur un thème que le Garde des sceaux
devait aborder en liminaire de nos travaux. Finalement, j’ai été attiré par
l’actualité du moment et notamment par les travaux qui viennent d’avoir lieu à l’Assemblée
nationale dont l’un des aspects a concerné l’examen et l’adoption de la
nouvelle Constitution.
Il m’a
paru important d’examiner avec vous ce qu’est cet apport nouveau, l’érection de
l’autorité judiciaire en pouvoir judiciaire, et le bénéfice que la société tout
entière en attend par vos actions interposées. Aujourd’hui, les acteurs de la
chose judiciaire se doivent de se convertir aux contraintes d’un pouvoir
judiciaire enfin là.
Celui-ci
n’emporte l’indépendance de la justice qu’autant que ceux qui ont en charge de
distribuer celle-ci sont parfaitement pénétrés de l’idée que constitue
désormais ce troisième pouvoir de l’État. Fini donc cet attentisme inhibant qui
permettait à beaucoup d’entre vous de n’entreprendre aucune action lorsque
même l’évidence l’imposait de façon éblouissante. Le pouvoir judiciaire est
incompatible avec le refus d’assumer ses responsabilités, de les assumer
courageusement... L’avènement du pouvoir judiciaire exige des hommes de
compétence, des hommes de valeur comme, il n’y a pas très longtemps aux
États-Unis, il y a eu ces fameux incorruptibles... Cessez d’être à la
solde de ceux qui n’ont rien à voir avec vous".
115.
Dans le
message de fin d’année radiotélévisé qu’il a adressé à la nation le
31 décembre 1998, le Président de la République a stigmatisé les maux
qui minent le corps de la magistrature et interpellé les magistrats sur la
nécessité impérieuse de l’assainissement des mœurs et de la restauration de la
confiance en la justice.
116.
Auparavant,
des efforts tendant à mettre les magistrats à l’abri de la corruption
ont été entrepris à travers le décret présidentiel n° 97/6 du
22 janvier 1997, accordant à ceux-ci certains avantages qui les
sécurisent matériellement.
117.
Du 25
au 29 octobre 1999, le Ministère de la justice a organisé sur
l’ensemble du territoire national les "premières journées portes ouvertes
de la justice camerounaise", consistant en une série de conférences
publiques regroupant les praticiens et théoriciens du droit. Placées sous le
patronage du Ministre de la justice, Garde des sceaux, ces assises ont été
dirigées dans les chefs-lieux de province par les présidents des cours d’appel.
L’objet était de faire l’état des lieux de la justice camerounaise. Elles ont
été l’occasion de vulgariser les mécanismes fondamentaux du service public de
la justice, de corriger le cliché de la justice en inspirant la confiance chez
les citoyens et de consolider, au niveau de l’appareil judiciaire, le principe
de la transparence et, par‑delà, de la bonne gouvernance.
118.
Dans le
souci de rapprocher la justice des justiciables, de nouvelles juridictions ont
été créées et des responsables nommés à leur tête.
119.
L’impact
de la création et de la mise en fonctionnement de ces nouvelles juridictions
sur les lenteurs judiciaires souvent décriées fera l’objet d’un développement
ultérieur.
120.
Au
niveau des juridictions militaires, il apparaît que les militaires tant de la
gendarmerie que des autres corps de l’armée sont régulièrement traduits devant
les tribunaux pour toutes sortes d’abus assimilables à la torture ou
à d’autres mauvais traitements. On pourrait pour la seule année 2000 citer
à titre d’exemples :
a)
L’affaire
contre le gendarme T..., poursuivi suivant ordre d’informer n° 078 du
21 décembre 2000 pour arrestation et séquestration arbitraires;
b)
L’affaire
contre les gendarmes A... A... et N... N..., poursuivis suivant ordre
d’informer n° 183 du 2 mai 2000 pour arrestation et séquestration
arbitraires;
c)
L’affaire
contre les gendarmes M... A... M... et L... P..., poursuivis suivant ordre
d’informer n° 192 du 10 mai 2000 pour torture;
d)
L’affaire
contre W..., poursuivi suivant ordre d’informer n° 271 du
12 juillet 2000 pour arrestation et séquestration arbitraires;
e)
L’affaire
contre B... B... et B... E..., poursuivis devant le tribunal militaire de
Bafoussam pour coups et blessures.
121.
Par
ailleurs et selon l’article 33 du Code pénal, l’obéissance
à l’autorité légale est une excuse absolutoire. Mais, pour que cette
excuse soit opérante, il faut encore que l’ordre lui-même soit légal. Cela signifie
que l’exécution d’un ordre manifestement illégal, de même que l’excès de zèle
dans l’exécution de la loi sont prohibés et engagent la responsabilité de leurs
auteurs, que ce soit en période normale ou d’exception. Cette disposition
légale reste applicable à tous. Ainsi, chaque fois que des cas d’exécution
d’un ordre manifestement illégal ont été signalés, leurs auteurs ont été
poursuivis et condamnés. On peut, par exemple, citer :
a)
L’affaire
contre N... N... et A... F... M..., poursuivis et condamnés par le tribunal
militaire de Bafoussam pour homicide de N... à Bamenda;
b)
L’affaire
contre K... F... D... et autres, poursuivis devant le tribunal militaire de
Bafoussam pour coaction de coups mortels, faits survenus à Malentouen;
c)
L’affaire
contre le capitaine E... B..., poursuivi pour le meurtre de A... à Yaoundé
et condamné à 10 ans d’emprisonnement ferme;
d)
L’affaire
contre le capitaine H... et cinq autres subordonnés, condamnés pour assassinat
à des peines d’emprisonnement ferme allant de 10 à 15 ans;
e)
L’affaire
contre le capitaine D... et six autres de ses camarades, auteurs de coups
mortels sur la personne du nommé N... à Garoua, condamnés à des
peines d’emprisonnement allant de un à quatre ans.
122.
Actuellement
en instance et poursuivis pour des cas d’homicide, on peut citer l’affaire
contre l’adjudant E... P..., auteur du meurtre de P... P... à Douala;
l’affaire contre le sergent M... J... C..., auteur du meurtre de L...
B... B...; ou encore l’affaire contre le maréchal des logis A... J... C...,
auteur du meurtre du nommé N... à Douala. Tous ont été poursuivis devant
le tribunal militaire de Douala, placés sous mandat de dépôt et détenus
à la prison centrale de Douala.
123.
Les
soldats Z... M..., Y... J... P..., N... J... et A... N... M..., en service à Poli
sont poursuivis pour coaction de torture et traduits devant le tribunal
militaire.
124.
Il est
strictement interdit, au cours des enquêtes, d’user de violences ou de la
torture pour extorquer des aveux. Obtenus dans ces conditions, ils sont nuls et
la procédure subséquente nulle également. C’est une préoccupation qui justifie
l’accent actuellement mis sur la police scientifique et technique dans les cas
de mort d’homme.
125.
Au
niveau des juridictions civiles, la répression de la torture et des autres
mauvais traitements peut être illustrée par les cas suivants :
a)
Jugement
n° 176/crim du 5 juin 1998 du tribunal de grande instance de
Mfoundi ayant condamné trois policiers, dont un commissaire de police,
à des peines allant jusqu’à cinq ans d’emprisonnement pour
torture.
b)
Jugement
n° 608/crim du 11 novembre 1997 ayant condamné, pour torture, un
officier de police judiciaire qui avait refusé à un gardé à vue le
droit de s’alimenter, ou encore la décision du même tribunal (jugement
n° 728/crim du 17 décembre 1997) qui retenait comme acte de
torture le fait de refuser à un gardé à vue le droit de communiquer
avec sa famille;
c)
Jugement
n° 195/crim du 26 juin 1998 du tribunal de grande instance du
Mfoundi ayant condamné deux policiers de haut rang respectivement à 10 et
6 ans d’emprisonnement pour torture. En appel, à l’audience du
9 février 1999 de la cour d’appel du Centre, la culpabilité de l’un
d’eux, B..., a été confirmée du chef de torture mais sa peine ramenée de 10
à 8 ans d’emprisonnement. L’autre, N... B..., a bénéficié d’une requalification
des faits de torture en omission de porter secours et sa peine ramenée
à un an d’emprisonnement et 25 000 FCFA (soit 38 euros)
d’amende. L’ensemble des dommages et intérêts accordés aux parties civiles
s’est élevé à 20 millions de FCFA (soit 3 053 euros).
L’État du Cameroun a été déclaré civilement responsable;
d)
Cas du
gardien de la paix N... N..., condamné le 10 juin 1999 par le
tribunal de grande instance du Wouri à 20 ans d’emprisonnement et
8 millions de FCFA de dommages et intérêts (soit 12 214 euros)
pour meurtre. La Délégation générale à la sûreté nationale, administration
au sein de laquelle exerçait N... N..., a été déclarée civilement responsable;
e)
Cas du
commissaire de police S... C..., poursuivi par le parquet de Guider pour
violences et torture exercées à l’encontre de M... B... le
14 septembre 1999;
f)
Cas du
commissaire de police M... S... renvoyé devant le tribunal de grande instance
du Haut-Nkam à Bafang en même temps que le gardien de la paix M... S...,
pour coaction de torture ayant entraîné la mort de D... F... le
10 octobre 1999 [1];
g)
Arrêt
avant dire droit n° 90/add du 5 février 1997 : la cour
d’appel du Littoral à Douala ordonnait qu’un accusé qui comparaissait
enchaîné (pieds et mains) devant la barre fût immédiatement délesté de ses
chaînes.
126.
Dans un
domaine voisin, celui des exécutions sommaires, chaque fois que les autorités
gouvernementales ont été saisies d’allégations de cette nature, elles ont fait
engager des poursuites contre les auteurs. Lesdites poursuites se soldent généralement
par des condamnations à de lourdes peines d’emprisonnement. Il en est
ainsi du cas du jugement n° 297/97 du 26 août 1997 par lequel le
tribunal militaire de Yaoundé a condamné à 15 ans d’emprisonnement le
nommé H..., alors commandant de la compagnie de gendarmerie de la localité de
Poli, lequel avait fait abattre par un peloton d’exécution sept individus
arrêtés comme étant "des coupeurs de route". Les cinq éléments de son
unité ont été aussi condamnés pour assassinat aux peines respectives de
12 ans (S.... F..., B... S...) et 10 ans (F..., P..., W... B... et D...
E...).
127.
De
même, sur le plan judiciaire stricto sensu, il est définitivement acquis
que l’obéissance aux ordres des supérieurs hiérarchiques ne saurait constituer,
pour les agents ou fonctionnaires civils, ni un fait justificatif ni une
excuse. En effet, dans son arrêt de principe n° 4 du
7 octobre 1969, la Cour suprême du Cameroun affirmait déjà clairement
que "l’obéissance aux ordres des supérieurs hiérarchiques n’est, pour les
agents ou fonctionnaires civils, ni un fait justificatif, ni une excuse; de
même, un accusé ne peut invoquer, pour faire disparaître un délit, qu’il s’est
borné à exécuter les ordres de ceux qui l’emploient, cette circonstance,
en la supposant établie, ne faisant pas disparaître la responsabilité de
l’accusé, aucun prévenu ne pouvant échapper aux conséquences pénales de ses
faits directs et personnels à moins qu’il n’ait été contraint par une
force à laquelle il n’a pu résister".
128.
S’agissant
des militaires et autres agents des forces de l’ordre, il est important de
relativiser le principe posé par le paragraphe 1 de l’article 83 du
Code pénal selon lequel "la responsabilité pénale ne peut résulter d’un
acte accompli sur les ordres d’une autorité compétente à laquelle l’obéissance
est légitimement due". En effet, cette excuse absolutoire ne peut être
opérante que si l’ordre lui-même n’est pas manifestement illégitime.
129.
Le
nombre de poursuites sans cesse croissant contre les agents des forces de
l’ordre, auteurs des actes de torture, témoigne de la ferme volonté des
autorités camerounaises de combattre cette infraction. À cet égard, et
pour les seules années 1998, 1999 et 2000, on dénombre devant les juridictions
militaires une cinquantaine de poursuites judiciaires pour des faits de torture
ou autres infractions voisines, telles que abus de fonction, arrestations et
séquestrations arbitraires, coups et blessures. Les cas suivants peuvent être
cités :
a)
Suivant
ordre de mise en jugement direct n° 116 du 9 février 1998, N...
N... A..., W... S... F... et N... L..., tous trois gendarmes majors, ont
été poursuivis pour torture, pour avoir, dans la nuit du 30 au
31 juillet 1995, au cours d’une patrouille, interpellé une
camionnette suspecte dont un occupant était trouvé dépourvu de sa carte
nationale d’identité. Après une vive discussion avec les gendarmes, cet
occupant a été conduit à la brigade. S’estimant victime de torture, celui‑ci
s’est plaint en justice, et son action a prospéré.
b)
Suivant
ordre de mise en jugement direct n° 484/MINDEF/0262 du
16 septembre 1998, B... G..., gendarme major en service à la
brigade de gendarmerie d’Obala, a été poursuivi pour torture.
c)
Suivant
ordre de mise en jugement direct n° 567/MINDEF/0262 du
28 octobre 1998, B... E..., K... I... M..., Y... M... E... et T...
J..., tous gendarmes en service à la brigade de Tsinga et en mission
commandée à Ngaoundéré et suite à une altercation avec M. E...
M..., agent de la Cameroon Railways, ont été poursuivis pour trouble dans le
service et torture.
130.
À cette
énumération non exhaustive on pourrait ajouter une multitude d’autres cas comme
l’indique le tableau des affaires en matière de torture en annexe au présent
rapport. Ce qu’il convient d’en retenir, c’est que, dans toutes ces affaires où
les poursuites ont prospéré, les auteurs avérés ont été sanctionnés. Il en est
ainsi du cas de M. A... S..., déclaré coupable de torture, puis condamné
à 33 mois d’emprisonnement avec sursis pendant 3 ans,
à 100 000 FCFA d’amende ferme et aux dépens, suivant jugement
n° 11/99 du 11 mars 1999 du tribunal militaire de Douala.
D’autres cas sont pendants en justice tels que l’affaire contre l’officier de
police A... D... et autres, ou de l’affaire contre trois éléments du
commissariat spécial de l’aéroport international de Douala.
131.
Dans la
première affaire, H... N... Bernard, comptable à la SITABIC, a porté
plainte contre l’officier de police A... D..., l’inspecteur de police principal
O... B... et les inspecteurs de police S... B... et K... N..., tous en service
au Groupement mobile d’intervention (GMI) de Douala pour torture et traitements
inhumains dans les locaux du GMI, pour avoir, dans la nuit du 18 au
19 juillet 1997, interpellé le plaignant qu’il ont conduit comme un
vulgaire bandit au GMI où il a été mis à nu, menotté, attaché à la
balançoire avant de subir une bastonnade sauvage lui ayant valu 105 jours
d’incapacité de travail.
132.
Dans la
deuxième affaire, trois éléments du commissariat spécial de l’aéroport
international de Douala ont été inculpés le 31 août 2000 de torture
dans le cadre d’une information judiciaire ouverte au parquet d’instance
Douala.
133.
Une
constance se dégage de ces quelques cas : au Cameroun, la lutte contre la
torture et les autres traitements inhumains ou dégradants est une réalité. Les
auteurs présumés de telles infractions sont systématiquement poursuivis et, en
cas de culpabilité, sanctionnés.
134.
Les
juges camerounais annulent par ailleurs les procédures établies sur la base
d’aveux extorqués. C’est l’exemple du jugement n° 69/2000 du
21 septembre 2000 du tribunal militaire de Bafoussam dans l’affaire
ministère public et T... J... contre D... R... ayant annulé la procédure, objet
de l’ordre d’informer n° 073/MINDEF/0262 du 16 juillet 1999, et
ordonné la mise en liberté immédiate de l’inculpé. En effet, interpellé sous le
fallacieux prétexte de port illégal d’une arme de défense et de menaces sous
condition, K... R... a été gardé à vue pendant une vingtaine de jours et
maltraité. Appelée à se prononcer, la juridiction précitée a annulé toute
la procédure, motif pris de ce que les aveux obtenus l’avaient été en violation
flagrante et manifeste des droits de l’homme (voir infra développement
au titre de l’article 15 de la Convention).
135.
Dans
une autre affaire, suivant l’ordre de mise en jugement direct
n° 552/MINDEF/0262 du 21 octobre 1998 du Ministre d’État délégué
à la présidence chargé de la défense, deux sous-officiers de l’armée de
terre, l’adjudant E... P... et le sergent K... ont été traduits devant le
tribunal militaire de Douala pour répondre de la prévention d’avoir, par la
torture, causé au nommé K... J... une incapacité de travail de 25 jours.
Dans son jugement n° 31/00 du 27 avril 2000, le tribunal
constatait que K... J... a été gardé à vue par deux militaires de la
sécurité pendant plus de 24 heures pour un problème foncier qui ne relève
pas de la compétence de ce service. Le tribunal a déclaré les prévenus
coupables de torture et les a condamnés à trois ans d’emprisonnement
et 200 000 FCFA (soit 305 euros) d’amende chacun. Il a en outre
accordé 500 000 FCFA (soit 762 euros) à titre de dommages
et intérêts à la partie civile, et déclaré l’État du Cameroun civilement
responsable.
Autres mesures
136.
Pendant
la période considérée, le Journal officiel de la République (Official
Gazette) a paru régulièrement. Il assure la publication bilingue des lois,
ordonnances, décrets et actes réglementaires, en vertu de l’ordonnance
n° 72/11 du 28 août 1972 remplaçant l’ordonnance n° 61‑OF‑1
du 1er octobre 1961. D’après l’article 2 de cette
ordonnance, la publication des actes législatifs et administratifs, assurée par
la présidence de la République, est effectuée en anglais et en français au Journal
officiel de la République.
137.
La
publication bilingue joue un rôle qui dépasse le cadre strictement juridique,
et acquiert une dimension politique exploitable pour une meilleure intégration
de la nation. Elle assure une application meilleure et uniforme de certains
textes, les règles de droit devant être perçues de la même manière partout.
Elle devient la voie royale permettant de diffuser un droit authentiquement
camerounais, car elle met à la portée des justiciables francophones et
anglophones le même droit.
138.
Outre
le Journal officiel de la République, plusieurs revues scientifiques, de
législation et de jurisprudence camerounaises (Juridis Périodique, Lex
Lata, etc.) diffusent le droit.
139.
Sur un
tout autre plan, la création en 1998, par décret présidentiel, d’un Comité
technique de suivi de la mise en application des instruments juridiques
internationaux relatifs aux droits de l’homme est porteuse d’espoir.
140.
Il en
est également de la convention de coopération que le Cameroun a signée avec la
France en matière de droits de l’homme.
141. Toujours en 1998, le cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme a été célébré avec faste dans les 10 provinces du Cameroun. Ces manifestations se sont achevées par l’érection, le 10 décembre 1998, sous la présidence du Premier Ministre, chef du gouvernement, d’une stèle à Yaoundé, dédiée aux droits de l’homme. Depuis lors, plusieurs ONG se donnent pour mission la promotion et la protection des droits de l’homme. Cependant, beaucoup reste encore à faire, en particulier l’information et la formation des citoyens, de l’école primaire à l’université et dans toutes les grandes écoles.
Paragraphes 2 et 3
142.
L’alinéa
c du paragraphe 5 de l’article 132 bis du Code pénal
dispose qu’"aucune circonstance exceptionnelle quelle qu’elle soit, qu’il
s’agisse de l’état de guerre ou de menace de guerre, d’instabilité politique
intérieure ou de tout autre état d’exception, ne peut être invoquée pour
justifier la torture".
143.
L’alinéa
d du même paragraphe précise que : "l’ordre d’un
supérieur ou d’une autorité publique ne peut être invoqué pour justifier la
torture".
144.
Ces
deux dispositions sont intégralement calquées sur les paragraphes 2 et 3
de l’article 2 de la Convention.
145.
Par
ailleurs, telle qu’exposée dans le précédent rapport (CAT/C/17/Add.22, par. 37), la jurisprudence des
tribunaux, qu’ils soient civils ou militaires, bien qu’antérieure à la
pénalisation de la torture au Cameroun, renforce cette disposition législative.
Article 3
Paragraphe 1
146.
La loi
n° 97/010 du 10 janvier 1997 modifiant et complétant la loi
n° 64/LF/133 du 23 juin 1964 fixant le régime de l’extradition a
ajouté à l’article 29 de cette dernière loi la disposition
suivante : "aucune personne ne sera extradée vers un pays où il y a
des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la
torture".
147.
Cette
disposition doit pouvoir être, mutatis mutandis, transposée dans le
domaine des autres mesures d’éloignement des étrangers, notamment le
refoulement et l’expulsion, au demeurant expressément déjà visés par
l’article 33 de la Convention relative au statut des réfugiés,
à laquelle le Cameroun est partie depuis le 23 octobre 1961;
point sur lequel le précédent rapport a consacré des développements (ibid.,
par. 41 à 43).
148.
La
justice camerounaise a déjà eu l’occasion de faire application de
l’article 29 précité de la loi sur l’extradition. Ainsi, dans une
procédure d’extradition contre huit présumés génocidaires rwandais réclamés par
le Gouvernement du Rwanda, l’arrêt n° 337/cor du 21 février 1997
de la cour d’appel de Yaoundé énonce : "considérant ... que
l’article 29 nouveau de la loi fixant le régime de l’extradition dispose
qu’aucune personne ne peut être extradée vers un pays où il y a des motifs
sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture; considérant
que sur les ondes internationales le pouvoir actuel à Kigali ne cache pas
sa détermination, avant jugement, d’infliger la sanction capitale aux
interpellés ... Qu’il échet en conséquence d’émettre un avis défavorable sur la
recevabilité légale de cette demande d’extradition".
Paragraphe 2
149.
En
conformité avec le paragraphe 2 de l’article 3 de la Convention,
l’article 29 de la loi précitée, dans son paragraphe 1 in fine,
ajoute que "pour déterminer s’il existe de tels motifs sérieux de croire
qu’il y a un risque de torture, il est tenu compte de toutes les considérations
pertinentes y compris, le cas échéant, l’existence dans l’État requérant d’un
ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes
ou massives".
150.
En
application de cette disposition légale, la cour d’appel de Yaoundé a donné un
avis défavorable à l’extradition de présumés génocidaires rwandais, en se
fondant sur le contexte de l’époque, au Rwanda, pays où semblait régner plutôt
un système de règlement de comptes qu’un cadre propice à l’organisation
d’un procès équitable pour les personnes réclamées.
Article 4
Paragraphes 1 et 2
151.
Le
Cameroun a pénalisé les actes de torture à l’article 132 bis
précité de son Code pénal. Ils constituent un crime passible de
l’emprisonnement à vie lorsqu’ils causent involontairement la mort
d’autrui. Le crime est punissable d’un emprisonnement de 10 à 20 ans
lorsque la torture cause à la victime la privation permanente de l’usage
de tout ou partie d’un membre, d’un organe ou d’un sens. Les actes de torture
sont constitutifs d’un délit punissable de 5 à 10 ans et d’une amende
de 100 000 FCFA (soit 153 euros) à 1 million
de FCFA (soit 1 524 euros) lorsque la torture cause à la
victime soit une maladie ou une incapacité de travail supérieure à 30
jours, soit d’une peine de 2 à 5 ans et une amende de
50 000 FCFA (soit 762 euros) à 200 000 FCFA (soit
305 euros) lorsque la torture cause à la victime soit une maladie ou
une incapacité de travail égale ou inférieure à 30 jours, soit des
douleurs ou des souffrances mentales ou morales.
152.
C’est
donc en fonction de leur gravité que les actes constitutifs de torture sont
réprimés. Les peines sont graduées en fonction des conséquences dommageables de
l’acte de torture. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il s’agit de peines
à la dimension d’une infraction internationalement réprouvée.
153.
Par
ailleurs, le droit pénal camerounais réprime la tentative d’une infraction et
la complicité de celle-ci avec la même rigueur que l’infraction principale.
154.
Est
ainsi considérée comme tentative par l’article 94 du Code pénal
"toute tentative manifestée par un acte tendant à l’exécution d’un
crime ou d’un délit et impliquant sans équivoque l’intention irrévocable de son
auteur de commettre l’infraction, si elle n’a pas été suspendue ou si elle n’a
manqué son effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de son
auteur".
155.
Le
texte ajoute in fine que cette tentative est "considérée comme le
crime ou le délit lui-même".
156.
L’article 96
du Code pénal, quant à lui, dispose que :
a)
"Est
complice d’une infraction qualifiée crime ou délit :
i)
Celui
qui provoque de quelque manière que ce soit l’infraction ou donne des
instructions pour la commettre;
ii)
Celui
qui aide ou facilite la préparation ou la consommation de l’infraction;
b)
La
tentative de complicité est considérée comme la complicité elle-même".
157.
L’article 98
du Code pénal précise que "les coauteurs et complices sont passibles de la
même peine que l’auteur principal, sauf dans les cas où la loi en dispose
autrement".
158.
Aucun
texte de loi ne dispose que la coaction ou la complicité de torture sont
punissables des peines autres que celles dont est passible l’auteur principal
de l’acte. C’est dire qu’une fois de plus la loi camerounaise est en parfaite
harmonie avec la disposition conventionnelle pertinente.
Paragraphe 1
159.
Les
règles de compétence des juridictions pénales camerounaises ont été largement
développées dans les précédents rapports. Il convient de rappeler que le Code
pénal camerounais établit :
a)
La
compétence territoriale de ses juridictions pour toutes les infractions
(art. 7);
b)
La
compétence réelle pour les infractions d’atteinte à la sûreté de l’État,
de contrefaçon du sceau de l’État ou de monnaies nationales y ayant cours,
commises même à l’étranger, à condition, s’agissant d’un étranger,
qu’il ait été arrêté sur le territoire de la République ou qu’il y ait été
extradé (art. 8);
c)
La
compétence personnelle s’agissant des citoyens ou résidents pour des
infractions commises à l’étranger, suite à une plainte ou
dénonciation officielle du gouvernement du pays où le fait a été commis
(art. 10).
160.
Sur ces
bases, les règles de compétence telles que définies aux alinéas a
et b du paragraphe 1 de l’article 5 de la Convention se
retrouvent en droit camerounais. Seule la règle de la compétence personnelle
passive, prévue à l’alinéa c du paragraphe 1, n’est pas
clairement prévue par le Code pénal camerounais. On peut cependant avancer que,
par le mécanisme de la compétence universelle tel qu’il sera développé
ci-après, les juridictions camerounaises seraient compétentes pour juger une
personne qui aurait torturé un ressortissant camerounais et qui se retrouverait
au Cameroun, si celui-ci ne l’extrade pas.
Paragraphe 2
161.
Le
paragraphe 2 pose le problème de la compétence universelle des
juridictions nationales.
162.
L’article 11
du Code pénal n’admettait cette compétence que pour les infractions qualifiées
par le Code d’"internationales". Il s’agit de la piraterie, du trafic
des personnes, de la traite des esclaves, et du trafic de stupéfiants.
163.
L’article 28
bis de la loi de 1964 précitée sur l’extradition (dans sa lecture de la
loi n° 97/010 du 10 janvier 1997 précitée) vient ajouter
à cette liste des infractions dites "internationales" la
torture. Celle-ci peut désormais être réprimée au Cameroun même si les faits
ont été commis à l’étranger par un non-camerounais. Cet
article dispose en effet que :
"Lorsque
les circonstances le justifient, toute personne étrangère retrouvée au
Cameroun, et soupçonnée d’avoir commis un acte de torture dans un autre pays
peut, après des renseignements utiles, faire l’objet d’une enquête préliminaire
en vue d’établir les faits.
Les mesures nécessaires destinées à assurer sa présence peuvent être
prises conformément à la législation nationale en vigueur.
Ces mesures ne peuvent être maintenues que pendant le délai nécessaire aux
poursuites pénales (italique
ajouté) ou à l’aboutissement d’une
procédure d’extradition".
164.
En
clair, il résulte de cette disposition que si le Cameroun, lorsqu’il est
requis, n’extrade pas la personne soupçonnée d’avoir commis un acte de torture
à l’étranger, a l’obligation de la soumettre au jugement de ses
juridictions répressives compétentes. C’est une application du principe aut
dedere aut judicare posé à l’article 7 de la Convention.
Article 6
165.
L’article 28
bis de la loi n° 64/LF/133 du 26 juin 1964 modifiée a
repris en des termes presque identiques le contenu de l’article 6 de la
Convention en disposant :
"Lorsque
les circonstances le justifient, toute personne étrangère retrouvée au Cameroun
et soupçonnée d’avoir commis un acte de torture dans un autre État peut, après
des renseignements utiles, faire l’objet d’une enquête en vue d’établir les
faits.
Les
mesures nécessaires destinées à assurer sa présence peuvent être prises
conformément à la législation nationale en vigueur; ces mesures ne peuvent
être maintenues que pendant le délai nécessaire aux poursuites pénales ou
à l’aboutissement d’une procédure d’extradition.
Toute
personne détenue en application de l’alinéa précédent du présent
article peut communiquer immédiatement avec le plus proche représentant
qualifié de l’État dont elle a la nationalité ou, s’il s’agit d’une personne
apatride, avec le représentant de l’État où elle réside habituellement.
L’État
dans lequel la torture a été commise est informé... des résultats de l’enquête
et, le cas échéant, de l’indication relative à l’option de
compétence".
Article 7
166.
Les
développements concernant l’article 5 précité in fine demeurent
pertinents s’agissant du paragraphe 1de l’article 7.
167.
Les
conditions de poursuites sont les mêmes que celles applicables pour les
infractions de droit commun de caractère grave. Elles peuvent être résumées
ainsi :
a)
Les
enquêtes sont menées par des officiers de police judiciaire en vertu des règles
du Code d’instruction criminelle ou de la Criminal procedure ordinance.
Les personnes arrêtées et gardées à vue sont déférées au parquet, qui peut
les poursuivre directement devant le tribunal de première instance en cas de
délit ou ouvrir une information judiciaire en cas de crime. à l’issue de
celle-ci, ces personnes, s’il existe des charges suffisantes contre elles, sont
envoyées devant le tribunal de grande instance si la qualification de crime est
maintenue, ou devant le tribunal de première Instance si les faits sont
qualifiés de délits.
b)
Dans un
procès réunissant toutes les garanties d’équité (publicité, caractère
contradictoire des débats, etc.), assurant l’égalité des armes entre
l’accusation et la défense, le droit de se faire assister d’un conseil de son
choix ou de s’en faire désigner un d’office (en cas de crime) et l’exercice des
voies de recours (appel et pourvoi en cassation), la personne mise en cause est
jugée.
Article 8
Paragraphe 1
168.
Le
Cameroun est lié à certains pays par des conventions générales
d’assistance juridique et judiciaire qui englobent l’extradition,
notamment :
a)
Une
Convention générale de coopération en matière de justice lie le Cameroun à
11 pays africains et malgache (Convention dite "de Tananarive"
ou Convention OCAM);
b)
Des
conventions particulières de coopération judiciaire lient le Cameroun au Mali
(6 mars 1965), à la France (21 février 1974) et
à la République démocratique du Congo (ex-Zaïre) [11 mars 1977].
169.
Pour
ceux de ces pays qui sont parties à la Convention, les actes de torture
sont considérés comme inclus de plein droit dans ces textes.
170.
Il
convient tout de même de noter que toutes ces conventions retiennent le système
du seuil extraditionnel et non celui de la liste extraditionnelle. Mais telle
qu’incriminée en droit camerounais, la torture rentre bien dans le seuil
extraditionnel prévu par ces différentes conventions.
171.
En
conséquence, s’il est requis par l’un des États susvisés pour accorder
l’extradition en vertu des dispositions conventionnelles spécifiques, le
Cameroun devra extrader, sauf naturellement si la personne accusée de torture
et réclamée risque elle-même de subir la torture dans l’État requérant.
Paragraphes 2 et 3
172.
Le
Cameroun ne subordonne pas l’extradition à l’existence préalable d’un
traité d’extradition. Si le traité reste la source première de l’extradition,
son absence peut être suppléée par la loi nationale (loi n° 64/LF/13 du
26 juin 1964 fixant le régime de l’extradition, telle que modifiée
par la loi n° 97/010 du 10 janvier 1977). En effet,
l’article 38 de cette loi dispose que "la présente loi s’applique en
l’absence de traités régulièrement applicables ou dans leur silence".
173.
Le
Cameroun peut même accorder l’extradition sur la base de la courtoisie
internationale, ou encore sur la base d’une simple déclaration de réciprocité
(à l’instar de celle conclue avec la Suisse).
174.
Le
Cameroun, État requis, ne devrait donc pas éprouver la moindre difficulté pour
se conformer aux paragraphes 2 et 3 de l’article 8 de la Convention.
Paragraphe 4
175.
Les
mécanismes issus de la règle aut dedere aut judicare comme le principe de la compétence
universelle des juridictions répressives camerounaises en matière de torture
sont pertinents au regard de l’obligation découlant du paragraphe 4.
Article 9
176.
Les
développements contenus dans les précédents rapports demeurent valables.
177.
Il faut
ajouter que le Cameroun a signé en avril 1999 à Yaoundé avec
sept autres États de la sous-région de l’Afrique centrale un accord de
coopération en matière de police criminelle. Même si la répression de la
torture n’y figure pas formellement, il apparaît que, par ce texte, les États
d’Afrique centrale, soucieux d’assurer une meilleure protection des citoyens
des pays de la sous-région et de leurs biens ainsi que d’améliorer la formation
des personnels de police, s’engagent à combler les vides institutionnels
et juridiques jusque‑là constatés dans le domaine de la coopération
policière. Il prévoit que les bureaux centraux nationaux (BCN-Interpol)
serviront d’organes de liaison entre les différents services de police
criminelle des parties contractantes. Ces dernières s’engagent mutuellement
à accepter sur leur territoire respectif les missions d’enquête en matière
de police criminelle des autres parties contractantes. Ainsi, les polices des
parties échangeront entre elles les renseignements de police générale relatifs
aux avis de mort subite, avis de recherche de personnes disparues, etc.
178.
Cet
accord a été ratifié par le Cameroun. Membre de l’Organisation internationale
de police criminelle (OIPC-Interpol), le Cameroun peut donc recourir aussi aux
mécanismes de cette organisation et du récent accord sous-régional pour donner
effet aux prescriptions de l’article 9 de la Convention.
179.
L’interdiction
de la torture trouve une place dans l’enseignement des droits de l’homme et des
libertés publiques qui est systématiquement introduit, à l’instar de la
médecine légale et de la responsabilité pénale, dans les programmes des écoles
de formation des personnels civil, militaire, judiciaire, médical et de
maintien de l’ordre. Il s’agit notamment de :
a)
L’École
nationale d’administration et de magistrature (ENAM), qui forme les
administrateurs civils auditeurs de justice (élèves magistrats), les greffiers,
les inspecteurs des affaires sociales, les administrateurs du travail, les
inspecteurs des douanes, etc.;
b)
L’École
nationale de l’administration pénitentiaire (ENAP), qui forme les
administrateurs, les intendants, les gardiens chefs et gardiens de prison et,
depuis quelques années, les administrateurs principaux de prison;
c)
L’École
militaire interarmes (EMIA), chargée de la formation des élèves officiers et du
perfectionnement des officiers;
d)
Le
Commandement des écoles et centres d’instruction de la gendarmerie, institution
au sein de laquelle ont été récemment créés un Centre de perfectionnement de la
police judiciaire à Yaoundé et un Centre de perfectionnement aux
techniques de maintien de l’ordre. Ces deux nouveaux centres de formation ont
une vocation régionale et accueillent des stagiaires venant de divers pays
africains.
e)
La
Faculté de médecine et des sciences biomédicales, héritière de l’ancien Centre
universitaire des sciences de la santé, est entourée d’un réseau
d’établissements satellites. Dans le contexte actuel de reprise économique,
cette formation, qui intègre les exigences de la dignité humaine, connaît un
regain d’importance en raison notamment :
i)
De la
multiplication des écoles professionnelles créées. De nombreuses écoles
paramédicales et institutions de formation sanitaire, tant publiques que
privées, ont en effet vu le jour sur le territoire national. Elles sont
astreintes à un programme de formation homologué et sanctionné par un
examen officiel;
ii)
De la
multiplication des personnels formés ou recyclés;
iii)
Du
perfectionnement du contenu technique et de l’approche méthodique du cours sur
l’interdiction de la torture et la protection des droits humains, l’appui des
partenaires étrangers et la formation des formateurs concourant à ce résultat.
180.
Par
arrêté n° 079/A/MINAT/DAPEN/SDPP/SRF du 19 mars 1999, le
Ministre de l’administration territoriale a ouvert un recrutement, sur titre,
de huit médecins administrateurs principaux de prisons, réservé aux Camerounais
non fonctionnaires titulaires d’un doctorat en médecine. Suite aux résultats du
concours et à la formation reçue à l’École nationale de
l’administration pénitentiaire, huit médecins administrateurs principaux de
prisons ont été affectés dans huit prisons centrales implantées respectivement
à Yaoundé, Maroua, Douala, Bamenda, Buéa, Bafoussam, Ngaoundéré et
Bertoua.
181.
L’interdiction
de la torture est également au centre des activités de formation et de
sensibilisation du Comité national des droits de l’homme et des libertés. Ce
comité, comme par le passé, organise régulièrement des séminaires sur la
protection des droits de l’homme à l’intention des autorités
administratives et militaires dans toutes les provinces du pays. On
citera :
–
L’atelier
organisé du 30 novembre au 1er décembre 1998
à Yaoundé à l’intention des fonctionnaires de la police, sur
l’amélioration des conditions de garde à vue;
–
L’atelier
organisé à Bamenda en 1999 à l’intention des personnels de
l’administration pénitentiaire;
–
L’affichage
sur le territoire national de 76 000 exemplaires de la Déclaration
universelle des droits de l’homme.
182.
Les
associations et ONG de défense des droits de l’homme, dont on dénombre une
centaine au Cameroun, prolongent par leurs actions, au niveau du corps social, une
culture des droits de l’homme.
183.
D’autres
initiatives de formation ou d’information peuvent être mentionnées, par exemple
la table ronde internationale sur l’éradication des mutilations sexuelles
féminines par l’utilisation des approches communautaires, tenue du 11 au
13 mai 1998 à Yaoundé. Cette table ronde a été suivie d’un séminaire
de validation d’un plan d’action de lutte conte les mutilations sexuelles
féminines, tenu à Maroua en décembre 1998.
184.
Le
personnel de l’administration pénitentiaire a également bénéficié de séminaires
complémentaires organisés par des partenaires variés :
a)
L’organisme
canadien Pro-Démocratie a concouru à l’organisation,
en juin 1997, d’un séminaire ayant permis la constitution d’un comité
des experts carcéraux et surtout l’élaboration d’un guide de formation de base,
édité en octobre 1997, à l’intention du personnel carcéral. Ce guide
de formateur, de 481 pages, a pour objectif de mettre le personnel de
l’administration pénitentiaire du Cameroun en mesure, d’une part, de traiter
équitablement et humainement les personnes dont il a la charge et, d’autre
part, de remplir, en observant la protection des droits des prisonniers, ses
responsabilités professionnelles visant la resocialisation du prisonnier. La
méthodologie dudit guide de formation du personnel tient compte des normes
internationales du code de conduite établi au Cameroun ainsi que de quelque
100 programmes de formation utilisés sur les six continents;
b)
Avec le
concours du Commonwealth, un autre séminaire s’est tenu, dans le même but,
à Yaoundé en février 1998;
c)
L’Observatoire
international des prisons (OIP) a également contribué à l’organisation de
deux séminaires, en mars 1998 à Yaoundé et
en juin 1998 à Bertoua, à l’intention des personnels de
base, c’est-à-dire ceux qui sont en contact direct avec les détenus.
185.
Par
ailleurs, à l’occasion de la célébration du cinquantième anniversaire de
la Déclaration universelle des droits de l’homme, dont les activités ont été
lancées et inaugurées le 16 juin 1998 par le Premier Ministre, chef
du gouvernement, des spécialistes en la matière ont été envoyés dans toutes les
provinces pour sensibiliser les citoyens sur leurs droits et libertés.
186.
L’information
proprement dite sur l’interdiction de la torture ou sur la protection des
droits humains est devenue une donnée structurelle de la communication
publique. Des plages s’y rapportant sont aménagées dans les programmes de la
radio et de la télévision nationale (CRTV), conformément à la loi sur la
communication sociale. Il en est ainsi de :
a)
"Honneur
et fidélité", une émission hebdomadairement animée par les responsables
des forces armées;
b)
"Le
verdict", une émission qui débat des droits fondamentaux et commente les
décisions de justice rendues dans le domaine des droits de l’homme;
c)
"Le
droit au féminin", une émission qui vise à sensibiliser l’opinion sur
le rôle des femmes et sur leurs droits;
d)
"Le
développement social";
e)
"Église
et développement";
f)
"Le
point du droit" et son équivalent en anglais, The Debate, dont
l’objet est de vulgariser le droit.
187.
Par
ailleurs et enfin, le niveau de recrutement des futurs magistrats, appelés
"auditeurs de justice", a été relevé de la licence en droit privé
à la maîtrise en droit. Étant donné que le programme des études, tant
à l’université qu’à l’École nationale d’administration et de
magistrature, n’épuise pas l’ensemble des matières sur lesquelles portent les
contentieux que connaîtront les futurs magistrats, il été institué un séminaire
à périodicité annuelle, dit "séminaire des jeunes magistrats",
ayant pour but de compléter la formation universitaire et professionnelle des
participants, eu égard aux difficultés rencontrées sur le terrain.
Article 11
188.
Les
renseignements donnés dans les précédents rapports (CAT/C/5/Add.26,
par. 67 et 68 et CAT/C/17/Add.22, par. 67 et 68) conservent
toute leur actualité, même si les contraintes budgétaires n’ont pas permis aux
commissions de surveillance des prisons de se réunir aussi régulièrement que
souhaité.
189.
Sur un
autre plan, l’État du Cameroun a donné l’autorisation au CICR de visiter tous
ses lieux de détention. La Délégation régionale pour l’Afrique centrale du
CICR, implantée à Yaoundé et qui bénéficie des privilèges et immunités
consacrés dans l’accord de siège signé avec le Gouvernement en 1999, organise
à volonté ces visites.
190. Les
développements contenus dans le précédent rapport au titre de cette disposition
restent de mise (CAT/C/17/Add.22, par. 69, et 9 à 40).
Article 13
191.
Toute
personne qui prétend avoir été soumise à la torture au Cameroun a le droit
de porter plainte auprès des institutions judiciaires. Les autorités habilitées
à connaître ces infractions ou à recevoir des plaintes à ce
sujet sont :
a)
Le
procureur de la République, qui est spécialement chargé de la mise en mouvement
et du déroulement de l’action publique et, partant, de la garde à vue dans
les lieux de détention de police judiciaire;
b)
Les
procureurs généraux près les cours d’appel, qui contrôlent l’exercice de la
police judiciaire dans leur ressort de compétence.
192.
En
dehors des parquets, la plainte peut être aussi déposée auprès de tout officier
de police judiciaire territorialement compétent et notamment dans les unités de
gendarmerie ou de police. La victime d’un acte de torture peut tout aussi
saisir le tribunal compétent par voie de citation directe en passant par un
huissier de justice, en cas de délit, ou par voie de plainte assortie d’une
déclaration de constitution de partie civile, en cas de crime.
193.
Les
juridictions compétentes sont :
a)
Le
tribunal de première instance, lorsque les faits de torture revêtent une nature
délictuelle. Un tribunal de première instance est, en principe, créé au niveau
de chaque arrondissement, étant entendu que le Cameroun compte à ce jour
269 arrondissements. Le ressort territorial d’un tribunal de première
instance peut, au regard des nécessités de service, s’étendre sur plusieurs
arrondissements voisins;
b)
Le
tribunal de grande instance, lorsque les faits sont qualifiés de crime. Il est
créé un tribunal de grande instance par département. Bien qu’il existe
58 départements au total, les nécessités de service font que le ressort de
ce tribunal peut s’étendre sur plusieurs départements voisins. Le tribunal de
grande instance intervient également pour connaître des requêtes en libération
immédiate formées soit par une personne emprisonnée ou détenue, soit en son nom
, lorsque lesdites requêtes sont fondées sur un cas d’illégalité formelle ou
sur le défaut de titre de détention (habeas corpus);
c)
Le
tribunal militaire lorsque le crime ou le délit de torture est commis par des
militaires, soit à l’occasion du service ou à l’intérieur d’un
établissement militaire ou lorsque cette infraction est purement militaire.
194. Les décisions rendues par les
tribunaux de première instance, les tribunaux de grande instance ainsi que les
tribunaux militaires sont susceptibles d’être attaquées devant une cour d’appel
établie dans chacun des 10 chefs-lieux de province que compte le Cameroun.
195.
La
victime peut introduire son recours devant le juge administratif lorsque la
violation de son droit repose sur un acte administratif susceptible d’être
attaqué par voie de recours pour excès de pouvoir.
196.
De
même, au cas où l’atteinte à la liberté constitue une voie de fait
administrative, la victime peut faire constater cette voie de fait par
l’Assemblée plénière de la Cour suprême, après quoi elle saisit le juge
judiciaire d’une demande en indemnisation.
197.
L’assistance
judiciaire, qui est organisée au Cameroun par le décret no 76/0521
du 9 novembre 1976, a pour but d’assurer la gratuité de la justice
aux indigents. L’assisté est dispensé des frais de justice (droit de timbre,
d’enregistrement et de greffe ainsi que de toute consignation), sauf la taxe
prévue en cas de pourvoi, qui peut lui être exigée. L’article 8
(par. 3) de la loi n° 76/16 du 8 novembre 1975 dispose que,
"sauf en ce qui concerne le pourvoi contre les arrêts en matière pénale ou
lorsque le pourvoi émane du Ministère public ou de l’État, le demandeur est
tenu, même s’il obtient le bénéfice de l’assistance judiciaire, de verser une
somme de 5 000 FCFA (soit 8 euros) de taxe à pourvoi".
Néanmoins, l’assisté est pourvu gratuitement en auxiliaire de justice.
198.
À son
niveau, le Barreau, qui est l’ordre national des avocats, a créé un centre de
secours judiciaire qui est équipé et implanté dans trois des 10 provinces
du Cameroun.
199.
Celui
qui se prétend victime d’actes de torture peut aussi s’adresser au Comité
national des droits de l’homme et des libertés, qui peut mener des
investigations nécessaires et en saisir l’autorité territorialement compétente
en vue du redressement de la situation décriée. À ce titre, le Comité peut
visiter, en tant que de besoin, toutes sortes d’établissements pénitentiaires,
commissariats de police et brigades de gendarmerie en présence du procureur de
la République compétent ou de son représentant. Par an, il reçoit en moyenne
500 requêtes sur différents cas de violations des droits humains.
200.
Il y a
enfin lieu de noter que le Parlement peut exercer sa compétence à ce
sujet. En effet, en vertu de l’article 35 de la Constitution révisée de
1996, le Parlement contrôle l’action gouvernementale par voie de questions
orales ou écrites et par la constitution de commissions d’enquête sur des
objets déterminés.
201.
Le
Gouvernement, sous réserve des impératifs de la défense nationale, de la sécurité
de l’État ou du secret de l’information judiciaire, fournit les renseignements
nécessaires.
202.
Si les
commissions d’enquête parlementaires, dont l’importance n’est plus
à démontrer, et que restaure l’article 35 de la Constitution révisée
de 1996, étaient déjà prévues par l’article 28 de la Constitution de
1972 et l’article 67 de la loi n° 73/1 du 8 juin 1973
portant règlement intérieur de l’Assemblée nationale, c’est la loi
n° 91/029 du 16 décembre 1991 qui a réglementé leurs procédures
de fonctionnement :
a)
Les
commissions d’enquête sont créées sur décision prise à la majorité absolue
des membres composant l’Assemblée nationale qui doit déterminer avec précision
soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services publics dont
la gestion administrative, financière ou technique doit être examinée. Cette
décision fixe la liste des membres, qui ne sauraient être supérieurs à 20
députés;
b)
Les
membres désignés prêtent immédiatement devant l’Assemblée nationale le serment
des magistrats;
c)
La
commission d’enquête peut, au nom du peuple camerounais, pour l’accomplissement
de sa mission, requérir toute personne, tout fonctionnaire, toute autorité
publique pour lui prêter main forte. Suite à l’examen et à l’adoption
de la résolution de la commission d’enquête, l’Assemblée nationale conclut,
selon le cas :
i)
À la
transmission des procès-verbaux des enquêtes aux administrations chargées de la
justice pour suite à donner;
ii)
À la
demande de renvoi d’une personnalité devant la Haute Cour de justice, lorsque
cette personnalité ou les faits de la cause sont justiciables de la Haute Cour
de justice;
iii)
À la
saisine du Gouvernement en vue de toute mesure politique, réglementaire ou
administrative conséquente.
203.
Les
associations et les ONG de défense des droits de l’homme jouent également un
rôle actif, non seulement au niveau de la sensibilisation sur les droits, mais
aussi au plan de la dénonciation des violations et de l’exercice des recours.
Pour pallier "le manque de combativité des justiciables", ces
associations et ONG accompagnent les victimes ou requérants en vue du
redressement des situations d’atteinte aux droits de l’homme. La loi
n° 090/53 du 19 décembre 1990 sur la liberté d’association et la
loi n° 99/014 du 22 décembre 1999 sur les organisations non
gouvernementales constituent la base légale de leur action.
204.
En ce
qui concerne la protection du plaignant et des témoins contre tout mauvais
traitement ou toute intimidation en raison de la plainte déposée ou de toute
déposition faite, le Code pénal comporte un arsenal d’infractions assorties de
peines appropriées, notamment prévues par les articles 164, 168, 173, 302,
303, et dont rendait déjà compte le rapport complémentaire
(CAT/C/5/Add.26, par. 74 à 82).
Article 14
205.
Les
renseignements contenus dans le rapport complémentaire (CAT/C/5/Add.26,
par. 81 et 82) demeurent pertinents.
206.
Le
rapport mentionnait déjà (par. 33) que, pour obtenir la réparation du
préjudice subi, toute personne victime d’un acte de torture dispose d’une
action civile, fondée sur le paragraphe 2 de l’article 2 du Code
d’instruction criminelle, qui dispose : "l’action civile pour la
réparation du dommage peut être exercée contre le prévenu et contre ses
représentants". Si la partie civile décède, son action peut être exercée
par ses ayants droit.
207.
Les
articles 443 à 447 du Code d’instruction criminelle prévoient, en
matière de révision, des indemnités au bénéfice des victimes d’erreurs
judiciaires. La réhabilitation est, quant à elle, prévue d’une part par
les articles 69 à 72 du Code pénal et, d’autre part, les
articles 624 à 633 du Code d’instruction criminelle.
208.
L’avant-projet
du Code de procédure pénale envisage, en son article 219, une
indemnisation en faveur d’une personne victime d’une détention préventive
qualifiée d’abusive.
209.
Le
deuxième rapport périodique (CAT/C/17/Add.22, par. 85) relevait que, dans
le cadre des substituts infractionnels de la torture, les victimes qui se sont
constituées parties civiles sont, de manière générale, indemnisées à la
suite de la condamnation pénale des prévenus. Ce rapport citait (par. 37)
la décision n° 122/crim du 1er mars 1996 du tribunal
de grande instance du Mfoundi (Yaoundé) qui condamnait des policiers et autres,
non seulement à des peines d’emprisonnement allant de 10 à 15 ans,
mais aussi à payer solidairement 17 135 000 FCFA (soit
26 122 euros) de dommages et intérêts à la partie civile. L’État
du Cameroun a été déclaré civilement responsable. En appel, ces dommages et
intérêts ont été portés à 25 millions de FCFA (soit 38 112 euros).
210.
En
vertu de l’ordonnance n° 97/01 du 4 avril 1997 modifiant
certaines dispositions relatives à l’exécution des décisions de justice,
un tribunal peut, en matière de réparation du dommage résultant d’une atteinte
à l’intégrité physique d’une personne, ordonner l’exécution provisoire,
nonobstant appel, d’une décision concernant les frais et dépenses nécessités
par les soins d’urgence. Ces dispositions sont applicables aux condamnations
civiles prononcées par une juridiction répressive, et s’appliquent donc aux
victimes de la torture qui se seraient constituées parties civiles dans un
procès pénal engagé contre les auteurs d’actes de torture.
211.
Pour ce
qui est de la jurisprudence récente, l’on peut rappeler le jugement précité
n° 31/00 du 27 avril 2000 du tribunal militaire de Douala qui a
alloué la somme de 500 000 FCFA (soit 762 euros) à titre de
réparation du préjudice moral en rejetant toutefois, pour défaut de
justification, la demande de réparation du préjudice matériel.
212.
Afin
d’assurer une meilleure garantie d’indemnisation aux victimes de torture,
l’administration publique utilisatrice est tenue responsable des dommages
causés par ses agents. Pour contourner l’insolvabilité éventuelle de l’agent,
la victime se voit offrir une option entre la poursuite de l’agent devant le
juge judiciaire et la poursuite de cette administration devant le juge
administratif.
213.
L’administration
qui a dû assurer la charge de l’indemnisation peut exercer une action
récursoire contre son agent fautif.
Article 15
214.
L’irrecevabilité
de toute preuve obtenue par la torture est consacrée au Cameroun, même si la
législation ne contient pas de disposition expresse sur ce point. Le jugement
n° 69/00 du 21 septembre 2000 rendu par le tribunal militaire de
Bafoussam dans l’affaire ministère public et Dame T... J... contre
K... R... illustre la jurisprudence en la matière.
215.
À la
suite d’un différend foncier opposant K... R... à Dame
T... J..., cette
dernière s’est présentée, pour se plaindre, à la brigade des recherches de
Dschang, où son beau-frère, le maréchal des logis D... J..., officiait
comme adjoint au commandant de brigade. Elle soutiendra que K... R... a
proféré des menaces à son encontre et à celui de ses enfants, et
qu’il a tiré un coup de feu en l’air dans le but de les intimider. Sur la base
de cette plainte, D... J... s’est immédiatement transporté sur les lieux,
y a appréhendé manu militari K... R..., lequel a été gardé
à vue pendant 20 jours sans autorisation, alors que les délais en la
matière sont de 24 heures renouvelables trois fois sur autorisation du
commissaire du gouvernement. K... R... prétend également avoir été battu
à plusieurs reprises par son bourreau qui avait l’intention de lui
extorquer des aveux. Le certificat médico-légal établit qu’il a eu des
blessures sur la plante des pieds, sur le dos et sur l’avant-bras gauche. C’est
donc à cause des sévices qui lui ont été infligés que K... R..., se
trouvant à bout de forces et sous la contrainte, avouera les faits
à lui imputés. Le tribunal en conclut que :
"Attendu que les conditions
dans lesquelles les aveux du prévenu ont été obtenus traduisent, s’il en était
encore besoin, un exemple patent de violation flagrante et manifeste des droits
de l’homme; qu’aucune procédure digne
de ce nom ne peut s’élaborer sur une telle base faussée au préalable; qu’il
échet, en conséquence, d’annuler purement et simplement ladite procédure objet
de l’ordre d’informer
n° 073/MINDEF/0262 du 16 juillet 1999 de Monsieur le Ministre
d’État délégué à la présidence, chargé de la défense.
Statuant
publiquement, contradictoirement à l’égard du prévenu en matière
correctionnelle en premier ressort et à l’unanimité des voix, annule la
procédure objet de l’ordre d’informer n° 073/MINDEF/0262 du 16 juillet 1999, ordonne la mise en liberté
immédiate de K... R..., s’il n’est détenu pour autre cause".
216.
Par
ailleurs, le Cameroun est partie à la Convention internationale sur
l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, à la
Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination
à l’égard des femmes et au Pacte international relatif aux droits civils
et politiques, textes qui prévoient des garanties de procédure correspondant
à celles des articles 12 à 15 de la Convention.
217.
En
particulier, comme indiqué dans le deuxième rapport périodique
(CAT/C/17/Add.22, par. 71 à 73), l’article 14 (par. 3, al. g)
du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, aux termes
duquel toute personne accusée d’une infraction pénale a droit, en pleine
égalité, au moins à ne pas être forcée de témoigner contre elle-même ou de
s’avouer coupable, est directement applicable devant les autorités compétentes
camerounaises.
218.
En
outre, la conjugaison ou la coexistence au Cameroun des règles de
la civil law et de la common law joue également en faveur de la
pleine application de l’article 15 de la Convention.
Article 16
Paragraphe 1
219.
Que le
droit camerounais n’ait pas consacré
des infractions spécifiques ayant la qualification expresse de peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants ne doit pas faire illusion.
220.
De la
même manière que la répression de la torture qui, avant la promulgation de la
loi n° 97/009 du 10 janvier 1997, était organisée au travers d’infractions voisines, les peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants sont interdits et punis sur la base
des substituts infractionnels.
221.
En
application de cette disposition interdisant les peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants, il y lieu de rappeler l’arrêt n° 90/add du
5 février 1997 de la cour d’appel de Douala (voir supra
par. 125, al. g).
222.
De
même, le rapport CAT/C/17/Add.22 renfermait (par. 46 à 49) des
informations substantielles sur les infractions
voisines ou substituts infractionnels de la torture et d’autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants.
223.
Il
convient enfin de rappeler que, suivant l’article 615 du Code
d’instruction criminelle, "toutes rigueurs employées dans les arrestations, détentions ou exécutions autres que
celles autorisées par la loi sont des crimes".
Paragraphe 2
224.
Le
Cameroun œuvre pour une pleine application des dispositions de la Convention,
d’autant qu’il est partie à nombre de traités de protection des droits de
l’homme et a souscrit, le 12 octobre 2000, aux articles 21 et 22
de la Convention sur l’acceptation de la compétence du Comité contre la torture.
225.
Enfin,
les dispositions de la législation nationale concernant les infractions
assimilables à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ou qui ont trait
à l’extradition ou à l’expulsion, sont compatibles avec la
Convention.
TROISIÈME PARTIE
INFORMATIONS
RELATIVES AUX OBSERVATIONS
ET RECOMMANDATIONS FORMULÉES PAR LE COMITÉ AU TERME DE L’EXAMEN DU DEUXIÈME
RAPPORT PÉRIODIQUE DU CAMEROUN
226.
Dans
ses observations finales (A/56/44, par. 60 à 66), adoptées
en novembre 2000 au terme de l’examen du rapport du Cameroun pour la
période de 1988 à 1996 (CAT/C/17/Add.22), le Comité a noté avec
satisfaction les progrès réalisés par l’État camerounais dans la lutte contre
la torture et autres mauvais traitements. Il a en même temps identifié certains
sujets de préoccupation sur lesquels il a formulé 11 recommandations (A/56/44,
par. 66).
227.
Les
autorités camerounaises, dans l’esprit du dialogue franc et constructif auquel
elles sont attachées et qui est indispensable entre chaque État partie
à la Convention et le Comité, ont accordé toute l’attention souhaitée
auxdites observations. Elles se sont penchées, avec un intérêt renouvelé, sur
les recommandations du Comité qui appellent les précisions suivantes :
1. Introduire
dans la législation un mécanisme permettant le dédommagement et la
réhabilitation les plus complets des victimes de la torture
228.
Les
développements au titre de l’article 14 apportent des précisions sur ce
point et évoquent l’ordonnance n° 97/01 du 4 avril 1997
modifiant certaines dispositions relatives à l’exécution des décisions de
justice. En vertu de ce texte, un tribunal peut, en matière de réparation du
dommage résultant d’une atteinte à l’intégrité physique d’une personne,
ordonner l’exécution provisoire, nonobstant appel, d’une décision concernant les
frais et dépenses nécessités par les soins d’urgence. Ces dispositions, qui
sont applicables aux condamnations civiles prononcées par une juridiction
répressive, s’appliquent aux victimes de la torture qui se seraient constituées
parties civiles dans un procès pénal engagé contre des auteurs d’actes de
torture.
229.
En
règle générale et d’après une jurisprudence constante des juridictions civiles
et des tribunaux militaires, les victimes qui se sont constituées parties
civiles sont indemnisées à la suite de la condamnation pénale des prévenus
ou accusés.
230.
S’agissant
des mécanismes de réhabilitation ou de réadaptation des victimes de la torture,
la question est à l’étude. Il n’est cependant pas superflu de signaler que
le Ministère des affaires sociales et le Ministère de la santé publique (décret
n° 97/205 du 7 décembre 1997) disposent de certaines structures
chargées du traitement de l’inadaptation sociale ainsi que de la réinsertion
sociale. C’est notamment le cas du Centre de rééducation et de réhabilitation
des handicapés d’Etoug-Ebé à Yaoundé.
2. Introduire dans la législation le
principe de l’irrecevabilité des éléments de preuve obtenus par la torture, si
ce n’est contre l’auteur des actes de torture pour prouver que de tels actes
ont été commis
231.
En
attendant l’adoption d’une loi sur ce point, certaines dispositions
administratives et pratiques méritent d’être rappelées :
a)
La
circulaire n° 00708/SESI/S du 21 juin 1993 (voir
CAT/C/17/Add.22, par. 18) interdisait l’usage du bâton et du fouet comme
moyen d’extorquer les aveux;
b)
Au
niveau de la police et de la pratique judiciaire, il est strictement interdit
d’user de violences ou de torture pour extorquer des aveux lors des enquêtes.
Ainsi que l’a décidé le jugement n° 69/2000 du 21 septembre 2000
du tribunal militaire de Bafoussam, les juges camerounais annulent les
procédures établies sur la base d’aveux extorqués.
c)
L’accent
est désormais mis plutôt sur la police scientifique et technique dans la
recherche de la vérité. Cette police scientifique et technique a été mise en
œuvre aux niveaux :
i)
De
la police (Délégation générale à la sûreté nationale) par la création
d’une sous-direction de la police scientifique;
ii)
De
la gendarmerie, par la création en 2000, au sein du Commandement des écoles et
centres d’instruction de la gendarmerie de Yaoundé, du Centre de
perfectionnement de police judiciaire. Ce centre, à vocation régionale,
fonctionne avec l’appui de la coopération française. À ce jour, il aura formé
près de huit contingents d’officiers et de sous-officiers, spécialement dans
les techniques de conduite des enquêtes.
232.
Même si
l’article 14 (par. 3, al. g) du Pacte international relatif
aux droits civils et politiques et l’article 15 de la Convention peuvent
fonder les juges camerounais et toute autre autorité nationale à rejeter
toute déclaration ou preuve obtenue par la torture, il va sans dire que
l’adoption de la disposition législative souhaitée constituera pour les
juridictions nationales une base légale plus certaine et plus accessible leur
permettant d’aller au‑delà du simple principe de la loyauté de la
preuve, et de mieux motiver les décisions judiciaires sur l’inadmissibilité des
preuves obtenues par la torture. Une telle consécration législative jouerait
également en faveur de l’uniformité de la jurisprudence.
3. Mettre
à profit le travail de codification en cours pour aligner la législation
camerounaise sur les dispositions des articles 5, 6, 7 et 8 de
la convention
233.
La loi
n° 97/010 du 10 janvier 1997 modifiant certaines dispositions de
la loi n° 64/LF/13 du 26 juin 1964 fixant le régime de
l’extradition intègre au régime camerounais de l’extradition l’essentiel des
dispositions des articles 5, 6, 7 et 8 de la Convention dans la
mesure où elle traduit la volonté de lutter efficacement contre la torture, quel
que soit le lieu de sa commission (à l’intérieur comme à l’extérieur
des frontières nationales) et quel qu’en soit l’auteur (un national, un
résident ou un étranger). Le travail de réforme législative en cours ne pourra
que capitaliser cet acquis et, au besoin, l’améliorer, notamment en ce qui
concerne l’alinéa c du paragraphe 1 de l’article 5 de la
Convention.
4. Veiller
à la mise en œuvre effective des instructions du Ministre de la
justice selon lesquelles la détention ne devrait être pratiquée durant
l’instruction qu’en cas d’absolue nécessité et que la liberté sous caution
devrait être la règle d’autant plus que cela pourra atténuer la surpopulation
dans les prisons
234.
La
limitation des détentions préventives a alimenté beaucoup de débats.
L’unanimité établie sur le caractère tout à fait exceptionnel des
détentions préventives et la détermination des autorités camerounaises
à les empêcher pour protéger des droits réaffirmés dans la Constitution
révisée de 1996 traduisent l’importance primordiale qui est accordée aux
principes reproduits dans les instructions renouvelées du Ministre de la
justice, Garde des sceaux.
235.
Certes,
la Constitution du 2 juin 1972 garantissait déjà à chaque
individu la liberté et la sécurité, et posait que nul ne peut être poursuivi,
arrêté ou détenu que dans les cas et selon les formes déterminées par la loi.
La Constitution révisée de 1996 ajoute que "tout prévenu est présumé
innocent jusqu’à ce que sa culpabilité soit établie au cours d’un procès
conduit dans le strict respect des droits de la défense". Cette
disposition érige en norme constitutionnelle la présomption d’innocence
à laquelle porte atteinte la détention préventive. Et le Conseil
constitutionnel devrait pouvoir en garantir le respect.
236.
Des
mesures ont été plusieurs fois prises afin que la limitation des détentions
préventives devienne une réalité dans la pratique judiciaire.
237.
Bien
qu’il n’existe véritablement pas de prescription légale fixant la durée
maximale de la détention préventive, l’article 113 (par. 2) de la loi
n° 58/203 du 26 décembre 1958 portant adaptation et
simplification de la procédure pénale prévoit que "en matière
correctionnelle, la mise en liberté sera de droit, cinq jours après
l’interrogatoire de première comparution, en faveur du prévenu ayant une
résidence certaine au Cameroun, quand le maximum de la peine prévue par la loi
sera inférieure à six mois d’emprisonnement".
238.
Pour
remédier au défaut de définition de la durée maximale de la détention
préventive, le Ministère de la justice ne s’est pas contenté de prendre des
circulaires traçant des règles en la matière. Tout est mis en œuvre pour
qu’elles pénètrent la réalité des faits, un contrôle régulier permettant de
déceler les manquements et d’en sanctionner les auteurs.
239.
Les
circulaires du 8 avril 1965, du 12 mai 1965 et du
16 avril 1967 prescrivaient qu’un compte rendu soit fait au Ministère
de la justice de toute affaire concernant une détention préventive qui atteint
ou dépasse, suivant le cas, 3 ou 6 mois, 3 mois pour les procédures
en flagrant délit ou relatives à des faits passibles d’une peine égale ou
inférieure à 2 ans, 6 mois dans toute autre affaire. Les circulaires
ont été actualisées les 8 avril, 12 mai 1985 et
18 octobre 1989, en rappelant en particulier que les détentions
préventives constituent une atteinte à la présomption d’innocence, et ne
doivent être envisagées qu’à titre exceptionnel.
240.
La
circulaire du 18 octobre 1989 en particulier prévoit des contrôles
réguliers à effectuer périodiquement dans les prisons. Dans un domaine
voisin, la circulaire n° 24848/CD/9276/DAJS du 23 mai 1990 non
seulement prescrit des visites hebdomadaires des cellules de police et de
gendarmerie, mais surtout la libération systématique de toutes les personnes
dont la garde à vue n’est pas légalement justifiée.
241.
L’engagement
des autorités camerounaises à enrayer définitivement les détentions
préventives abusives se veut sans faille. Dans son allocution prononcée le
30 avril 1999 à l’occasion de l’installation des chefs de la
cour d’appel du Centre, le Ministre de la justice, Garde des sceaux,
s’adressant particulièrement au procureur général l’exhortait "avec
insistance à procéder et faire procéder à un contrôle régulier des
détentions préventives afin de s’assurer que nul, en attente d’un procès, n’a
été oublié".
242.
Le
26 juillet 1999, les détentions préventives étaient encore au centre
des assises que le Ministre de la justice, Garde des sceaux, a tenu avec les
chefs de cours.
243.
En
l’état actuel du droit camerounais, l’article 53 du Code pénal apporte
quelques adoucissements aux effets néfastes de la détention préventive. Il
prévoit en effet que :
a)
En cas
de détention préventive, la durée de celle-ci est intégralement déduite de la
peine privative de liberté;
b)
Lorsqu’il
y a eu détention préventive, et que la peine prononcée est une amende, la
juridiction saisie peut exonérer le condamné de tout ou partie du paiement.
244.
En tout
état de cause, l’accroissement progressif du nombre de magistrats et
l’abaissement corrélatif de la charge de travail sont de nature à limiter,
voire éradiquer les détentions préventives qui dépassent un délai raisonnable.
En effet, des recrutements spéciaux de personnels magistrats et d’appui
(greffiers) ont été organisés en vue de résorber l’arriéré judiciaire. C’est
ainsi que, pour les exercices budgétaires 1999/2000 et 2000/2001, il a été
procédé à un recrutement total de 150 magistrats supplémentaires, 150
greffiers, 200 greffiers adjoints et 100 secrétaires dactylographes.
245.
De
même, les magistrats qui, par déni de justice, dol, concussion ou faute
professionnelle, maintiendraient abusivement une personne en détention
préventive pourraient être pris à partie conformément aux
articles 246 et suivants du Code de procédure civile. Le recours en
indemnisation peut aussi être exercé en vue des condamnations pécuniaires
à l’encontre des magistrats fautifs.
246.
Pour ce
qui est de la liberté provisoire sous caution que l’on privilégie désormais,
elle est prévue à l’article 114 du Code d’instruction criminelle qui
énonce que "la mise en liberté provisoire pourra, dans tous les cas où
elle n’est pas de droit, être subordonnée à l’obligation de fournir un
cautionnement. Ce cautionnement garantit :
a)
La
représentation de l’inculpé à tous les actes de procédure et pour
l’exécution du jugement;
b)
Le
paiement, dans l’ordre suivant :
i)
Des frais
faits par la partie civile;
ii)
Des
frais avancés par la partie civile;
iii)
Des
amendes.
L’ordonnance de mise en liberté détermine la somme affectée
à chacune de ces deux parties du cautionnement".
247.
L’article 120
du Code d’instruction criminelle prévoit la possibilité d’une caution
personnelle, en d’autres termes l’engagement d’une tierce personne solvable
à faire représenter l’inculpé à toute réquisition de justice. Bien
que comprise dans la partie du Code relative à l’instruction, cette disposition,
du reste comme toutes celles relatives à la liberté provisoire, a toujours
été interprétée par les juridictions comme étant de portée générale,
c’est-à-dire applicable aussi bien dans la phase de l’instruction que dans
celle du jugement.
248. L’on ne s’attardera pas plus longuement sur la procédure de la libération immédiate ou habeas corpus prévue par l’article 16 (nouveau) de l’ordonnance n° 72/4 du 26 août 1972 portant organisation judiciaire, laquelle a été suffisamment développée dans le deuxième rapport (voir CAT/C/17/Add.22, par. 87 à 89).
249.
À
l’évidence, l’éradication des détentions préventives abusives, ou l’enfermement
des détentions préventives dans le délai raisonnable, voire strictement
nécessaire à l’instruction, ainsi que les mécanismes d’inspection des
lieux de détention, de contrôle du respect des règles ou de sanction
contribuent à juguler la surpopulation carcérale.
250.
Les
contrôles réguliers effectués périodiquement dans les prisons en vertu de la
circulaire du 18 octobre 1989 relative aux détentions préventives
produisent progressivement des résultats probants quant à la limitation
stricte des détentions préventives.
251.
Telles
sont les mesures que les autorités camerounaises prennent en amont et en aval
pour donner effet aux instructions du Ministre de la justice, Garde des sceaux,
relatives aux détentions préventives.
5. Envisager le transfert de la
tutelle de l’administration pénitentiaire du Ministère de l’intérieur au
Ministère de la justice
252.
La
question du rattachement institutionnel de l’administration pénitentiaire dans
l’appareil gouvernemental relève de la politique publique de l’État dans le
secteur concerné. L’administration pénitentiaire est en rapport évident avec
les administrations techniques chargées des secteurs de la justice, de la
santé, de l’éducation, des affaires sociales, etc.
253.
Parce
que l’administration pénitentiaire a des liens particulièrement étroits avec le
département de la justice, les autorités camerounaises ont retenu l’option, non
de l’assimiler à la justice comme dans certains pays, mais de lui
consacrer le statut d’une administration technique à part, comportant ses
traits originaux.
254.
Le
problème juridique de l’élimination des détentions préventives, la
préoccupation de la gestion des effectifs pléthoriques des détenus préventifs
et la surpopulation carcérale comportent des enjeux communs aux deux
administrations, qui les tiennent pour cruciaux.
255.
Le
rattachement de l’administration pénitentiaire au Ministère de la justice n’en
est pas la panacée, même s’il aurait eu l’avantage de coller à l’exécution
des peines.
256.
Le
rattachement institutionnel au Ministère de l’administration territoriale ne
doit pas tromper l’observateur, car il n’induit pas à confondre ou
assimiler administration pénitentiaire et administration ou organisation du
territoire, et commandement civil. Il remonte à de nombreuses décennies et
s’inscrit dans une logique fonctionnelle de division rationnelle du travail
gouvernemental.
257.
Tout
bien considéré, il existe une politique sectorielle de l’administration
pénitentiaire qui est sous-tendue par sa finalité propre et qui doit disposer
des moyens nécessaires en termes de budget, de ressources humaines et
d’infrastructures matérielles et logistiques.
258.
À
l’évidence, la philosophie de base est de se conformer aux normes internationales
de protection de la dignité de toute personne humaine, en particulier des
personnes qui, passibles d’une peine privative de liberté, sont incarcérées, et
de contribuer à la socialisation des personnes ainsi ciblées par la
distribution de la justice pénale.
259.
C’est
ainsi que le décret n° 97/205 du 7 décembre 1997 portant
organisation du gouvernement confie au Ministère de la justice les questions de
droit pénal général et spécial; l’administration pénitentiaire est attribuée au
Ministère de l’administration territoriale en même temps que certaines
activités de protection des individus, à savoir la protection des libertés
publiques et la protection civile. Il est essentiel de préciser que ce décret a
créé, au niveau du Ministère de l’administration territoriale, deux postes de
secrétaire d’État chargés respectivement des collectivités territoriales et de
l’administration pénitentiaire. Ils assistent le ministre dans ses tâches et
peuvent être chargés, sous son autorité, de la gestion de ces secteurs particuliers.
260.
Le
décret n° 97/207 du 7 décembre 1997 portant formation du gouvernement
a effectivement pourvu le poste de secrétaire d’État à l’administration
pénitentiaire qui a le statut de membre du gouvernement. Ces deux actes du chef
de l’État se situent dans le prolongement du décret n° 95/232 du
6 novembre 1995 portant organisation du Ministère de l’administration
territoriale, qui a créé une sous-direction de la santé pénitentiaire à la
direction de l’administration pénitentiaire.
261.
Comme
indiqué dans les nouvelles mesures réglementaires au titre de l’article 2
de la Convention, les efforts engagés pour développer et moderniser
l’administration pénitentiaire se poursuivent malgré l’insuffisance des moyens
financiers mis à disposition. En effet, une profonde réforme de
l’administration pénitentiaire est entreprise depuis 1990, décennie de la
transition démocratique.
262.
Par
l’effet de l’arrêté n° 230/A/MINAT/DAPEN/SEP du 4 juin 1992, les
centres de rééducation civique de Tchollire, Mantoum et Yoko, qui hébergeaient les
personnes internées administrativement dans le cadre de l’ordonnance
n° 62/DF/18 du 12 mars 1962 portant répression de la subversion,
ont été supprimés et transformés en prisons de droit commun. Et dans le souci
de décongestionner les prisons existantes, de nouvelles prisons sont créées au
fil du temps dans les différentes provinces du pays.
263.
La date
charnière de la réforme pénitentiaire est celle du 27 mars 1992 qui
correspond à l’adoption de trois textes majeurs qui ont transformé le
paysage carcéral dans le sens d’une plus grande humanisation du traitement des
détenus et de l’amélioration des conditions de travail du personnel
d’encadrement des détenus. Il s’agit de :
a)
Décret
n° 92/052 portant régime pénitentiaire, qui, comme évoqué plus haut,
s’inspire de l’Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus;
b) Décret
n° 92/054 portant statut spécial du corps des fonctionnaires de
l’administration pénitentiaire;
c) Décret
n° 92/056 portant création et fixant le taux et le mode d’attribution
d’une indemnité de risque aux fonctionnaires de l’administration pénitentiaire.
264.
C’est
aussi le lieu de noter l’existence de l’École nationale de l’administration
pénitentiaire de Buéa, qui est l’institution spécialisée dans la formation
professionnelle des personnels, tous grades confondus, de l’administration
pénitentiaire.
265.
Le
Gouvernement s’emploie à renforcer la collaboration entre les services
compétents des deux départements ministériels. Ainsi, les magistrats des
parquets chargés de l’instruction des affaires pénales, du contrôle des
détentions préventives et de l’application des peines (remise de peines,
amnistie) contrôlent régulièrement les prisons et accomplissent les tâches
relevant de leur compétence sans aucune entrave des services de l’administration
pénitentiaire.
266.
Le
pouvoir judiciaire contrôle l’exécution de la sentence pour rendre celle-ci
effective.
267.
La
collecte des informations à travers le territoire par le Comité de
pilotage du programme national de bonne gouvernance a établi que le rattachement
de l’administration pénitentiaire au Ministère de l’administration territoriale
ne pose aucun problème dans le fonctionnement de la justice. Les populations
formulent plutôt le vœu que cette administration pénitentiaire soit gérée par
une structure autonome.
268. Toutefois, le transport des détenus aux palais de justice pour diverses diligences (instructions, audiences) qui relève de la gendarmerie, bien qu’assuré de fait par l’administration pénitentiaire, pose souvent problème et perturbe le fonctionnement des services judiciaires lorsqu’il n’est pas régulièrement assuré.
269.
En
définitive, la création d’un secrétariat d’État à l’administration
pénitentiaire, suivie de la nomination au sein du gouvernement de son
titulaire, a une importance primordiale dans l’élaboration et la mise en œuvre
d’une politique sectorielle poursuivant des objectifs propres dans le sens du
développement et de la modernisation de l’administration pénitentiaire. Il y a
tout lieu de croire en cette politique sectorielle. Le seul problème est celui
de mettre à son service l’ensemble des moyens nécessaires
à l’accomplissement de ses missions.
6. Envisager
le démantèlement des forces spéciales créées dans le cadre de la lutte
contre le grand banditisme et, dans le même temps, mettre fin au gel du
recrutement d’agents de la force publique
Envisager le
démantèlement des forces spéciales créées dans le cadre de la lutte contre le
grand banditisme
270.
Si la
dissolution effective du commandement opérationnel de Douala, survenue
en 2001, cadre avec les vœux formulés par le Comité, c’est le lieu de
signaler ici que le Groupement polyvalent d’intervention de la gendarmerie
nationale (GPIGM), créé par le décret n° 99/15 du 1er février 1999
à l’image du GGIM en France et dont le démantèlement est également demandé,
est, en réalité, une composante des unités de la gendarmerie. Avec une
compétence qui s’étend sur toute l’étendue du territoire national, le GPIGM a
pour mission le maintien et le rétablissement de l’ordre, la lutte contre
le grand banditisme et la lutte antiterroriste. Sa présence, pendant une
certaine période, dans les provinces du grand Nord du Cameroun se justifiait
dès lors qu’il avait reçu pour mission de renforcer les unités de gendarmerie
engagées dans la lutte contre le grand banditisme et les coupeurs de route qui
sévissaient dans cette partie du pays. Suite à l’accalmie constatée sur le
terrain, le GPIGM se trouve désormais confiné à ses missions
traditionnelles au niveau de son quartier général à Yaoundé.
271.
En tout
état de cause, la création du commandement opérationnel n’était qu’une mesure
conjoncturelle commandée par les impératifs sécuritaires dans le contexte de
recrudescence du grand banditisme. Au demeurant, elle ne devrait pas être
contraire à la nécessité sociale de sauvegarde des droits de l’homme.
272.
Dès que
la nécessité s’en est fait sentir, le Gouvernement a, de son propre gré, mis un
terme aux activités du commandement opérationnel.
273.
Pour
rattraper le déficit de personnel découlant des contraintes du programme
d’ajustement structurel qui avait, à la fin de la décennie 80, imposé des
coupes sombres dans le budget de l’État et notamment la réduction de la masse
salariale, le Gouvernement a procédé, la reprise économique aidant, au
recrutement de nouveaux personnels. Ce qui permet, entre autres, d’améliorer le
taux de couverture sécuritaire.
274. Dans le corps des fonctionnaires de la police et pour la période de référence, les effectifs des personnels nouvellement recrutés se présentent comme suit :
Année |
Effectif total
|
Élèves commissaires
|
Élèves officiers de
police
|
Élèves inspecteurs de
police
|
Élèves gardiens de la paix |
1996 |
1 442 |
30 |
82 |
330 |
1 000 |
1999 |
2 267 |
58 |
179 |
574 |
1 446 |
2000 |
1 990 |
176 |
747 |
1 050 |
1 500 |
275.
Au sein
de la gendarmerie, la moyenne annuelle des effectifs des recrues a augmenté.
Cette augmentation est reflétée par les chiffres qui figurent dans le tableau
ci-après :
1988 |
1999 |
2000 |
|||
Officiers |
Élèves gendarmes |
Officiers |
Élèves gendarmes |
Officiers |
Élèves gendarmes |
11 |
653 |
11 |
323 |
14 |
200 |
276.
Il convient de
noter qu’un recrutement spécial de 1 200 personnes a eu lieu en 2001.
Désormais, un recrutement annuel est autorisé à la gendarmerie.
277.
Cette
même volonté d’accroître les effectifs des recrues apparaît dans le corps des
fonctionnaires de l’administration pénitentiaire, dans celui de la
magistrature, dans les administrations publiques concernées et même dans la
fonction publique de l’État en général, en fonction des besoins minimaux en
ressources humaines dans les administrations concernées.
278.
Dans le
corps des fonctionnaires de l’administration pénitentiaire, il a été organisé,
au titre de l’exercice budgétaire 1999/2000, un recrutement exceptionnel de
117 gardiens de prison et de huit médecins administrateurs des prisons.
279.
Cette
augmentation des personnels n’est pas seulement quantitative. Elle est aussi
qualitative, en raison notamment de la restructuration des
programmes de formation et de l’instauration des enseignements consacrés aux
droits de l’homme.
280.
À cet
égard, la création d’un centre de perfectionnement à la police judiciaire
qui fait corps avec le Commandement des écoles et centres d’instruction de la
gendarmerie est caractéristique de cette volonté du Gouvernement sur ce sujet.
Ce centre met les éléments de la gendarmerie à même d’utiliser les
méthodes scientifiques et techniques de recherche de preuves pour la conduite
de leurs enquêtes, au lieu de se livrer à des brutalités ou tous autres
moyens proscrits, pour extorquer les aveux aux suspects. Il en est de même pour
la création à Awaé, près de Yaoundé, du Centre de perfectionnement aux
techniques du maintien de l’ordre, qui forme les éléments de la
gendarmerie mobile au respect de la déontologie dans le contexte
du maintien et du rétablissement de l’ordre.
7. Poursuivre énergiquement les
enquêtes déjà ouvertes sur des allégations de violation des droits de
l’homme et, dans les cas n’ayant pas encore fait l’objet d’enquêtes, ordonner
l’ouverture d’enquêtes immédiates et impartiales et tenir le Comité informé de
leurs résultats
281.
Certaines
enquêtes ouvertes ont abouti à des condamnations, d’autres à la
requalification des faits, ou à l’acquittement des suspects. Des décisions
d’acquittement ainsi que des condamnations pécuniaires ont aussi sanctionné
certaines affaires (voir développement au titre de l’article 2 de la
Convention).
8. Veiller au respect scrupuleux
des droits de l’homme des personnes arrêtées dans le cadre de la lutte contre
le grand banditisme
282.
La
protection des droits et libertés des personnes arrêtées dans le contexte de la
lutte contre le grand banditisme se trouve assurée du fait des mesures de
contrôle rigoureux et des sanctions prises à l’encontre des personnes
chargées de mener ladite lutte. La criminalisation de la torture
(art. 132 bis du Code pénal) et la réforme de la compétence
des tribunaux militaires sont d’un grand renfort pour persuader les membres du
Groupement polyvalent d’intervention de la gendarmerie nationale quant
à l’obligation de respecter les droits humains.
283.
Les
tableaux des paragraphes 99 et 109 du rapport rendent compte des sanctions
prises à l’encontre des personnels de la police et de la gendarmerie pour
violations des droits proclamés dans la Convention.
9. Poursuivre le programme de formation des
membres des forces de l’ordre aux droits de l’homme et notamment en ce qui
concerne l’interdiction de la torture
284.
Les
renseignements fournis au titre de l’article 10 de la Convention font état
des activités de formation et d’information réalisées, et mettent en relief
l’importance que revêt la coopération internationale dans ce sens.
10. Envisager la mise en place
d’un système d’évaluation périodique de l’application effective de la
législation prohibant la torture, en tirant par exemple le meilleur profit
possible de l’existence du Comité national des droits de l’homme et des
libertés et des organisations non gouvernementales de défense des droits de
l’homme
285.
Le
Gouvernement du Cameroun note avec intérêt cette recommandation et s’engage
à réaliser l’objectif recherché. Deux mesures déjà acquises ont de la
pertinence à ce sujet :
a)
La
création, en juillet 1998, du Comité technique de suivi de
l’application des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme;
b)
Les
négociations diplomatiques ayant abouti à l’établissement à Yaoundé
du Centre sous-régional des Nations Unies, dont les activités opérationnelles
ont effectivement démarré en mars 2001.
11. Maintenir scrupuleusement un registre
des personnes détenues et le rendre publiquement accessible
286. Le deuxième rapport indiquait (CAT/C/17/Add.22, par. 20) que, dans les unités de police, il est tenu un registre des gardes à vue comportant les mentions suivantes : motif de la garde à vue, date et heure, aspect général de l’individu au moment de son placement, son état au moment de sa sortie (déférement ou élargissement), autres indications concernant les biens saisis sur lui. Il s’agira désormais de systématiser cette pratique au niveau de tous lieux de détention, et d’en rendre l’accès public comme le recommande avec pertinence le Comité.
LISTE DES ANNEXES
Constitution et
lois
Loi
n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution
du 2 juin 1972
Loi
n° 97/009 du 10 janvier 1997 modifiant et complétant certaines
dispositions du Code pénal
Loi
n° 97/010 du 10 janvier 1997 modifiant et complétant certaines
dispositions de la loi n° 64/LF/13 du 26 juin 1964 fixant le
régime de l’extradition
Ordonnances
Ordonnance
n° 97/01 du 4 avril 1997 modifiant les articles 3 et 4 de
la loi n° 92/008 du 14 août 1992 fixant certaines dispositions relatives
à l’exécution des décisions de justice (réparation du dommage résultant
d’une atteinte à l’intégrité physique d’une personne)
Actes
internationaux
Déclaration du
Cameroun, en date du 12 octobre 2000, au titre de la compétence du
Comité contre la torture en vertu des articles 21 et 22 de la Convention
Mesures
réglementaires ou administratives
Décret no 98/109
du 8 juin 1998 portant création d’un Comité technique de suivi de
l’application des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme
Décret
n° 2000/343 du 4 décembre 2000 portant création du Comité
technique ad hoc pour la mise en œuvre du Statut de Rome de la Cour pénale
internationale
Arrêté
n° 79/A/MINAT/DAPEN/SDPP/SRE du 19 mars 1999 du Ministre de
l’administration territoriale portant ouverture d’un recrutement sur titre de
huit médecins administrateurs principaux des prisons
Décision
n° 00030/D/MINAT/CAB du 16 février 2001 portant affectation dans
huit prisons centrales de médecins administrateurs principaux des prisons
Circulaire
n° 02306/CAB/VPMAT du 13 novembre 1997 précisant les modalités
d’application de la garde à vue administrative
Lettre
circulaire n° 000466/DGSN/CAB du 6 avril 2001 du délégué général
à la sûreté nationale à tous les responsables centraux et extérieurs
de la sûreté nationale sur l’amélioration des conditions de garde à vue
Note de service
n° 38/S/PCY/SAF/BP du 22 avril 1997 du régisseur de la prison
centrale de Yaoundé portant sanction disciplinaire infligée à un gardien
de prison major pour brutalité gratuite sur un détenu
Note de service
n° 17/S/PCY/SAF/BP du 10 février 1998 du régisseur de la prison
centrale de Yaoundé portant sanction de 12 heures de consigne, infligée
à un gardien de prison pour abus d’autorité et violence sur un détenu
Note de service
n° 46/NS/REG/PCB du 7 juin 1999 du régisseur de la prison
centrale de Bafoussam portant sanction disciplinaire infligée à un gardien
de prison principal pour sévices sur un détenu
Note de service
n° 27/NS/REG/PC/BFM du 5 septembre 1999 du régisseur de la
prison centrale de Bafoussam portant sanction disciplinaire infligée à un
gardien de prison principal pour mauvais traitement sur un détenu
Jurisprudence
Jugement
n° 176/crim du 5 juin 1998 du tribunal de grande instance du
Mfoundi ayant condamné trois policiers à des peines allant
jusqu’à cinq ans d’emprisonnement pour torture
Jugement
n° 195/crim du 26 juin 1998 du tribunal de grande instance du
Mfoundi ayant condamné deux policiers de haut rang, respectivement à 10 et
6 ans d’emprisonnement, pour torture
Jugement
n° 69/2000 du 21 septembre 2000 du tribunal militaire de
Bafoussam dans l’affaire ministère public et T... J... contre
K... R... (sur l’inadmissibilité des déclarations obtenues au moyen de la
torture)
Jugement
n° 31/00 du 27 avril 2000 du tribunal militaire de Douala
(condamnant pour torture deux sous-officiers de l’armée de terre qui avaient
causé au nommé K... J..., une incapacité de travail de 25 jours et
accordant à la victime la réparation du préjudice moral)
Jugement
n° 18/crim/2001/2002 du 27 février 2002 du tribunal de grande
instance du Haut-Nkam ayant condamné deux policiers, dont un commissaire de
police, à cinq ans d’emprisonnement pour torture, faits commis
en septembre 1999
Arrêt n° 90
avant dire droit du 5 février 1997 de la cour d’appel du Littoral
ordonnant qu’un accusé qui comparaissait enchaîné des pieds et des mains devant
la barre fut immédiatement délesté de ses chaînes
Arrêt
n° 337/cor du 21 février 1997 de la cour d’appel du Centre
refusant l’extradition de huit Rwandais, motif pris du risque de subir la
torture au Rwanda
[1] Le tribunal de
grande instance du Haut-Nkam a, par jugement n° 18/CRIM/2001/2002 du
27 février 2002, reconnu M… S… et S… J… coupables du
crime de coaction de torture suivi d’homicide involontaire, leur a accordé des
circonstances atténuantes en leur qualité de délinquants primaires, les a
condamnés chacun à cinq ans d’emprisonnement, a accordé aux parties
civiles (mère, frères et sœurs du défunt) 6,5 millions de FCFA (soit
10 833 euros) à titre de dommages et intérêts et a déclaré
l’État du Cameroun (Délégation générale à la sûreté nationale) civilement
responsable de ses préposés.