University of Minnesota



Observations finales du Comité contre la torture, Azerbaïdjan, U.N. Doc. CAT/C/AZE/CO/3 (2009).


 

Nations Unies
CAT/C/AZE/CO/3

8 décembre 2009 Français Original: anglais

Comité contre la torture

Quarante-troisième session

Genève, 2-20 novembre 2009

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention

Observations finales du Comité contre la torture

Azerbaïdjan

1. Le Comité a examiné le troisième rapport périodique de l’Azerbaïdjan (CAT/C/AZE/3) à ses 907e et 909e séances, tenues les 9 et 10 novembre 2009 (CAT/C/SR.907 et CAT/C/SR.909), et a adopté, à sa 920e séance, tenue le 18 novembre 2009 (CAT/C/SR.920), les observations finales ci-après.

A. Introduction

2. Le Comité accueille avec satisfaction le troisième rapport périodique de l’Azerbaïdjan ainsi que ses réponses écrites à la liste de points à traiter (CAT/C/AZE/Q/3).

3. Le Comité se félicite du dialogue approfondi qu’il a eu avec la délégation de haut niveau envoyée par l’État partie, dont il a apprécié les réponses aux questions soulevées pendant le dialogue. Il salue l’attitude constructive adoptée par l’État partie en vue de mettre en œuvre ses recommandations, dont témoignent les nombreuses réformes qu’il a entreprises sur les plans législatif et politique.

B. Aspects positifs

4. Le Comité accueille avec satisfaction les mesures, législatives et autres, qui ont été prises par l’État partie depuis l’examen de son précédent rapport, à savoir:

a) L’adoption en 2005 de la loi sur la lutte contre la traite des êtres humains, la modification du Code pénal (2005) et la création d’un fonds de secours aux victimes de la traite;

b) La promulgation, le 19 janvier 2006, d’un décret présidentiel sur la modernisation du système judiciaire et l’application de la loi du 19 janvier 2006 portant modification de la législation, ce qui a permis la création de tribunaux régionaux du deuxième degré et de services d’aide juridique, ainsi que l’adoption d’un programme public de renforcement du système judiciaire azerbaïdjanais pour la période 2009-2013, qui prévoit notamment des mesures visant à améliorer la situation des condamnés;

c) La ratification en 2009 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

d) La ratification en 2009 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et du Protocole facultatif s’y rapportant.

5. Le Comité salue également les mesures suivantes:

a) L’adoption, le 28 décembre 2006, d’un plan d’action national pour la protection des droits de l’homme;

b) Le lancement en 2006 d’un programme de réforme du système pénitentiaire;

c) La création d’un comité civil chargé d’inspecter les établissements pénitentiaires;

d) La création en 2007 du Conseil d’aide publique aux organisations non gouvernementales sous l’égide du Président et l’allocation de ressources supplémentaires aux ONG;

e) Les efforts déployés pour améliorer les conditions de détention et les mesures qui ont permis de réduire de manière significative le taux de mortalité liée à la tuberculose dans les prisons depuis 1995.

6. Le Comité accueille avec satisfaction l’engagement pris par la délégation de l’État partie de rendre publiques les conclusions du Comité européen pour la prévention de la torture sur les trois visites qu’il a effectuées en Azerbaïdjan depuis 2005.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1. Considérations générales concernant l’application

7. Le Comité regrette que les demandes d’informations statistiques formulées dans la liste de points à traiter et réitérées au cours du dialogue avec l’État partie n’aient pas été satisfaites. L’absence de données détaillées ou ventilées sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations portant sur des actes de torture ou des mauvais traitements commis par des agents des forces de l’ordre ainsi que sur les conditions de détention, les exactions commises par des agents de l’État, la violence au foyer et la violence sexuelle, constitue un sérieux obstacle à la détermination de l’existence d’éventuels abus systématiques devant retenir l’attention (art. 2 et 19).

L’État partie devrait rassembler des données statistiques utiles pour la surveillance de l’application de la Convention au plan national, ventilées par sexe, âge, région géographique, type et lieu de privation de liberté, ainsi que des renseignements sur les plaintes, enquêtes, poursuites et condamnations portant sur des affaires de torture et de mauvais traitements, les conditions de détention, les exactions commises par des agents de l’État, l’internement administratif, la violence au foyer et la violence sexuelle, en indiquant, dans chaque cas, quel a été le résultat final. L’État partie devrait communiquer les données susmentionnées au Comité, y compris le nombre de plaintes pour torture qui ont été déposées depuis 2003.

2. Définition de la torture

8. Le Comité accueille avec satisfaction l’engagement pris par l’État partie de modifier

l’article 133 du Code pénal afin de rendre la définition de la torture qui y figure pleinement conforme à la définition énoncée à l’article premier de la Convention. Il réitère sa préoccupation quant au fait que, dans sa formulation actuelle, l’article 133 du Code pénal ne fait aucune référence aux buts de la torture spécifiés dans la Convention, notamment aux cas où la torture est pratiquée «pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit», et ne contient pas de dispositions définissant comme une infraction la torture pratiquée avec le consentement exprès ou tacite d’un agent de la fonction publique ou de toute autre personne agissant à titre officiel (art. 1 et 4).

Compte tenu de l’obligation lui incombant de mettre sa législation en conformité avec l’article premier de la Convention, l’État partie devrait s’acquitter de l’engagement qu’il a pris au cours du dialogue avec le Comité et rendre sa définition de la torture pleinement conforme à la Convention afin de garantir que tous les agents de l’État et toute autre personne impliqués dans des actes de torture au sens de l’article 133 du Code pénal puissent être poursuivis.

3. Torture et mauvais traitements

9. Le Comité demeure préoccupé par la persistance de nombreuses allégations selon lesquelles les suspects et autres détenus seraient fréquemment torturés ou maltraités entre le moment de leur arrestation et celui de leur enregistrement officiel dans les centres de détention provisoire. Le Comité est également très préoccupé par les allégations indiquant que les autorités seraient réticentes à engager des poursuites pénales sur la base de plaintes pour actes de torture ou mauvais traitements, et note avec inquiétude que les fonctionnaires auxquels des faits de torture ou des mauvais traitements sont imputés ne sont pas inculpés des chefs de torture ou de mauvais traitements mais des chefs d’«abus d’autorité», de «négligence» ou de «dommage corporel léger, moyennement grave ou grave causé par imprudence». Le Comité est préoccupé par le climat d’impunité que ces pratiques contribuent à entretenir au sein des forces de l’ordre et, en particulier, par le fait qu’en dépit des nombreuses allégations de torture et de mauvais traitements mettant en cause des agents des forces de l’ordre, aucun d’entre eux n’a fait l’objet de poursuites en vertu de l’article 133, paragraphe 3, du Code pénal. Le Comité prend note avec intérêt du fait que depuis 2001, le Gouvernement a engagé des poursuites dans 161 affaires de violence au foyer en vertu de l’article 133 mais relève qu’aucune action n’a été engagée en application de cet article contre des personnes agissant sous couvert de leurs fonctions officielles (art. 2, 15 et 16).

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir dans la pratique que des enquêtes impartiales et efficaces soient menées sans délai sur toutes les allégations de torture, que les auteurs présumés soient poursuivis et, si leur responsabilité est établie, qu’ils soient punis en conséquence.

4. Services du Médiateur

10. Le Comité regrette l’absence d’informations sur le nombre d’allégations ou de plaintes portant spécifiquement sur des actes de torture ou des mauvais traitements dont les services du Médiateur ont été saisis et sur lesquelles ils ont ouvert des enquêtes, ainsi que sur le nombre d’enquêtes qu’ils ont ouvertes de leur propre chef sur des cas de torture ou de mauvais traitements. Bien que le Médiateur ait été reconnu comme une institution de catégorie A par l’organisme chargé de surveiller l’application des Principes de Paris, le Comité est très préoccupé par les informations communiquées par l’État partie, selon lesquelles le Médiateur n’est pas habilité par ses statuts à exercer sa surveillance sur tous les organes de l’État. Le Comité craint qu’il ne jouisse pas du degré d’indépendance requis pour être l’institution nationale chargée d’enquêter sur les plaintes pour torture et autres violations des droits de l’homme, ni pour assumer le rôle de mécanisme national de prévention tel que défini dans le Protocole facultatif se rapportant à la Convention (art. 2, 11 et 16).

L’État partie devrait prendre des mesures effectives pour faire en sorte que le Médiateur soit dans la pratique un organe conforme aux principes concernant le statut des institutions nationales pour la protection et la promotion des droits de l’homme (Principes de Paris), annexés à la résolution 48/134 de l’Assemblée générale, en particulier sur le plan de l’indépendance. L’État partie devrait fournir au Comité des informations au sujet de toutes les affaires de torture ou de mauvais traitements sur lesquelles le Médiateur a ouvert des enquêtes et des résultats auxquels celles-ci ont abouti.

5. Défaut de garanties juridiques fondamentales

11. En dépit des efforts déployés par l’État partie pour améliorer le système d’enregistrement des détenus, le Comité prend note avec préoccupation des allégations faisant état d’un recours généralisé à la torture et aux mauvais traitements à l’encontre des personnes amenées dans les postes de police, notamment avant leur placement officiel en gade à vue et pendant la détention avant jugement. Le Comité est également préoccupé par le fait que les détenus ne bénéficient pas de garanties juridiques suffisantes étant donné, entre autres choses, que leur accès à un médecin indépendant et à un conseil est soumis à des restrictions et qu’ils ne sont pas informés de leurs droits au moment de leur arrestation, notamment du droit de prévenir un membre de leur famille, comme cela a été allégué dans le cas d’Emin Milli et Adnan Hajizade et dans celui de Kamil Saddredinov. Le Comité s’inquiète en outre du nombre insuffisant d’avocats dans l’État partie et des allégations selon lesquelles la qualité de l’aide juridictionnelle serait médiocre en raison d’un manque de ressources. Le Comité est également préoccupé par les allégations selon lesquelles des suspects seraient délibérément détenus en tant que témoins de manière prolongée et, à ce titre, privés des garanties juridiques fondamentales, et ne seraient reconnus comme suspects qu’après cette longue période de détention. Le Comité regrette de ne pas avoir obtenu d’informations au sujet du mécanisme ou des dispositions légales permettant aux détenus de demander à être examinés par un médecin indépendant. Il demeure préoccupé par les allégations indiquant que, dans la pratique, l’accès à des soins médicaux serait fréquemment refusé aux détenus, comme dans le cas de Mahir Mutafayev qui, bien que brûlé aux deuxième et troisième degrés, n’aurait reçu des soins médicaux que onze ou douze heures après avoir été blessé, et dans le cas de Novruzali Mammadov (art. 2 et 16).

L’État partie devrait prendre sans délai des mesures effectives pour faire en sorte que les personnes privées de liberté soient enregistrées dès le moment de leur arrestation et qu’elles ne soient pas l’objet d’actes contraires à la Convention pendant qu’elles sont effectivement détenues, mais pas encore inscrites sur le registre d’écrou. Un registre central dans lequel seraient inscrits tous les détenus devrait être mis en place conformément aux recommandations du Comité européen pour la prévention de la torture. L’État partie devrait veiller à ce que les suspects soient déférés devant un juge dans les plus brefs délais à compter du moment de leur privation de liberté, afin que la légalité de leur détention puisse être examinée. L’utilisation de matériel audio et vidéo devrait être systématique dans les postes de police et les lieux de détention, en particulier dans les salles d’interrogatoire et pendant l’interrogatoire de mineurs.

L’État partie devrait également prendre des mesures effectives pour faire en sorte que, dans la pratique, tous les détenus, dans tous les lieux de détention, y compris les centres de détention provisoire, bénéficient de garanties leur assurant entre autres l’accès immédiat à un conseil indépendant et la possibilité d’être examinés par un médecin indépendant. En outre, des mesures devraient être prises pour établir clairement la procédure permettant au détenu de demander à être examiné par un médecin indépendant ou autorisant son conseil ou un juge à présenter une demande dans ce sens. L’État partie devrait également continuer à prendre des mesures pour remédier au nombre insuffisant d’avocats, notamment en veillant à ce qu’ils reçoivent une rémunération suffisante pour leurs services.

6. Surveillance des lieux de détention par un organe indépendant

12. Le Comité accueille avec une grande satisfaction la création d’un comité public composé de représentants d’organisations non gouvernementales chargé d’inspecter les établissements pénitentiaires. Bien que l’État partie l’ait assuré que les visites effectuées par le comité public ne sont soumises à aucune restriction, le Comité note avec préoccupation qu’il ne peut pas se rendre dans les lieux de détention sans notification préalable car en vertu de l’ordonnance du 25 avril 2006 du Ministre de la justice, ses visites sont assujetties aux dispositions du règlement intérieur des établissements pénitentiaires, lesquelles, dans la pratique, exigeraient que la visite soit annoncée vingt-quatre heures à l’avance. Le Comité est également préoccupé par la durée du mandat des membres du comité public, qui est d’un an, car elle limite indûment la possibilité de mettre à profit l’expérience acquise par ces derniers au fil des inspections. Le Comité s’inquiète en outre de ce que le comité public n’a pas accès aux centres de détention avant jugement ni au centre de détention temporaire du Ministère de la sécurité nationale (art. 2, 11 et 16).

L’État partie devrait garantir l’accès du comité public, sans restriction et sans avis préalable, à tous les lieux de détention du pays, y compris aux centres de détention avant jugement et au centre de détention temporaire du Ministère de la sécurité nationale.

7. Conditions de vie dans les lieux de privation de liberté et décès en détention

13. Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour améliorer les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires et les centres de détention provisoire, notamment les progrès notables qui ont été réalisés pour ce qui est des personnes condamnées à la réclusion criminelle à perpétuité, pour lesquelles le nombre de visites et d’appels téléphoniques autorisés ainsi que le montant de l’allocation mensuelle ont été augmentés, et la création de services médicaux. Le Comité accueille également avec satisfaction la construction de nouvelles prisons à Sheki, Gandja, Lenkoran, Nakhitchevan et dans d’autres régions, ainsi que la construction de centres de détention provisoire, comme celui de Bakou, dans le but d’améliorer les conditions de vie des détenus. Toutefois, le Comité demeure préoccupé par le nombre de décès et de suicides de détenus ainsi que par les restrictions qui entraveraient la réalisation d’examens médico-légaux par des spécialistes indépendants en vue de déterminer les causes de ces décès. Le Comité est également préoccupé par les allégations selon lesquelles des détenus seraient mis à l’isolement pendant de longues périodes (art. 11).

L’État partie devrait ouvrir sans délai des enquêtes approfondies et impartiales sur tous les cas de décès en détention et poursuivre les responsables. Il devrait informer le Comité de tout décès résultant d’actes de torture, de mauvais traitements ou d’une négligence délibérée.

Les familles des victimes devraient se voir accorder une indemnisation et des moyens de réadaptation adéquats.

L’État partie ne devrait recourir à la mise à l’isolement qu’en tant que mesure de dernier ressort, la limiter à une durée aussi courte que possible, la soumettre à une étroite surveillance et en permettre le réexamen par un organe judiciaire. Il devrait également déterminer les raisons qui poussent des détenus à se suicider, prendre les mesures correctives nécessaires et revoir sa législation en conséquence. Il devrait autoriser la réalisation d’examens médico-légaux par des spécialistes indépendants et en admettre les conclusions comme preuves dans le cadre de procédures pénales et civiles.

14. Le Comité demeure préoccupé par le fait que le centre de détention temporaire du Ministère de la sécurité nationale est toujours en activité et qu’il accueille des condamnés (art. 11).

Le Comité recommande de nouveau à l’État partie de faire passer le centre de détention temporaire du Ministère de la sécurité nationale sous l’autorité du Ministère de la justice ou de le fermer.

8. Internement en hôpital psychiatrique

15. Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de nombreux cas de personnes internées en hôpital psychiatrique pour des raisons non médicales dans la région du Nakhitchevan (art. 11 et 16).

L’État partie devrait prendre des mesures pour garantir que nul ne soit interné dans un établissement psychiatrique pour des raisons non médicales. Lorsque l’hospitalisation est nécessaire d’un point de vue médical, l’État partie devrait veiller à ce qu’elle soit décidée exclusivement sur l’avis d’experts psychiatriques indépendants et que cette décision soit susceptible de recours.

16. Le Comité est préoccupé par l’état déplorable des établissements psychiatriques en dehors de Bakou. Il note également avec inquiétude qu’il n’existe pas d’organe indépendant chargé de contrôler le fonctionnement des établissements psychiatriques (art. 11 et 16).

L’État partie devrait mettre en place un mécanisme indépendant chargé de surveiller et d’inspecter les établissements psychiatriques. Il devrait améliorer les conditions de vie des patients dans ces établissements et faire en sorte que tous les lieux où sont internés des patients souffrant de troubles mentaux fassent l’objet d’inspections régulières par des organes de surveillance indépendants afin que soient correctement appliquées les garanties prévues pour protéger les droits de ces patients.

9. Indépendance de la magistrature

17. Le Comité note avec satisfaction que des améliorations notables ont été apportées au système judiciaire. Il salue le décret présidentiel du 17 août 2006 qui a permis d’augmenter de moitié le nombre de juges dans l’État partie ainsi que les changements introduits dans le processus de sélection des juges. Il demeure toutefois préoccupé par le manque d’indépendance de la magistrature vis-à-vis du pouvoir exécutif et par sa vulnérabilité face aux pressions politiques (art. 14).

Le Comité recommande de nouveau à l’État partie d’assurer pleinement l’indépendance et l’impartialité de la magistrature, conformément aux Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature.

18. Rappelant l’arrêt du 10 mars 2000 rendu par le Présidium de la Cour suprême, qui donne pour instruction à tous les tribunaux de déclarer irrecevables les preuves obtenues par la torture, la violence ou l’exercice de pressions physiques ou psychologiques, le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a pas été en mesure de citer un seul cas où un tribunal a rejeté des preuves obtenues par des méthodes illégales. Le Comité est préoccupé par les allégations indiquant que, dans plusieurs procès, les tribunaux se seraient au contraire fondés sur des dispositions qui auraient été faites sous la contrainte (art. 14).

L’État partie devrait prendre sans délai des mesures pour faire en sorte que, dans la pratique, les éléments de preuve obtenus par la torture ne puissent pas être invoqués devant les tribunaux. Il devrait réexaminer les dossiers de personnes condamnées surla seule foi d’aveux, sachant que beaucoup de ces aveux sont susceptibles d’avoir été obtenus par la torture ou par des mauvais traitements, et, le cas échéant, ouvrir sans délai des enquêtes impartiales et prendre les mesures de réparation qui s’imposent. L’État partie devrait mettre en place un mécanisme qui garantisse à toute personne condamnée sur la base d’éléments de preuve obtenus par la contrainte, par la torture ou par des mauvais traitements la possibilité d’être rejugée et l’accès à des voies de recours, à une réparation et à une indemnisation adéquates.

10. Violence au foyer

19. Le Comité prend note avec satisfaction des campagnes de sensibilisation au problème de la violence au foyer et de l’adoption d’une déclaration sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes, y compris dans la famille. Toutefois, il demeure préoccupé par les allégations persistantes indiquant que la violence au foyer serait un phénomène répandu et qu’elle ne viserait pas seulement les femmes mais aussi les enfants, ainsi que par le report de l’adoption du projet de loi contre la violence au foyer. Le Comité est également préoccupé par le manque de refuges pour les victimes de violence au foyer. Il regrette en outre l’absence de données statistiques sur le nombre total de plaintes pour violence au foyer enregistrées et sur le nombre d’enquêtes, de condamnations et de peines auxquelles elles ont pu donner lieu (art. 2 et 16).

L’État partie devrait veiller à la protection des femmes et des enfants en adoptant dans les meilleurs délais le projet de loi contre la violence au foyer et en prenant des mesures concrètes pour prévenir ce type de violence. Il devrait assurer la protection des victimes et garantir leur accès à des services médicaux, sociaux et juridiques, à des lieux d’hébergement temporaire, à une indemnisation et à une réparation. Les coupables devraient aussi être punis en fonction de la gravité de leur crime.

L’État partie devrait rassembler des informations sur le nombre de cas de violence au foyer qui ont été signalés, le nombre de plaintes qui ont donné lieu sans délai à des enquêtes impartiales et indépendantes, le nombre d’enquêtes qui ont débouché sur des procès et les résultats auxquels ces derniers ont abouti, y compris les peines prononcées et le montant de l’indemnisation accordée aux victimes.

11. Traite

20. Le Comité prend note avec satisfaction de l’adoption de mesures législatives et politiques pour lutter contre la traite des êtres humains mais il demeure préoccupé par l’ampleur de ce phénomène en Azerbaïdjan (art. 2, 10, 12 et 16).

L’État partie devrait veiller à ce que la législation sur la lutte contre la traite soit pleinement mise en œuvre et poursuivre ses efforts pour que des enquêtes soient ouvertes et que les trafiquants, y compris les agents de l’État coupables de complicité, soient poursuivis, condamnés et punis.

12. Violence à l’égard des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme

21. Le Comité est préoccupé par les allégations relatives aux pressions permanentes qui seraient exercées sur les médias, en particulier par des informations indiquant que des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme auraient été harcelés et passés à tabac sans qu’aucune enquête n’ait été ouverte sur ces incidents. Le Comité est également préoccupé par les allégations selon lesquelles les garanties d’une procédure régulière n’auraient pas été respectées lors de la récente condamnation de personnes qui auraient exprimé leurs opinions dans des médias non conventionnels (art. 2, 10, 12 et 16).

L’État partie devrait pleinement garantir et protéger le droit à la liberté d’opinion et d’expression des journalistes et des représentants des médias et prendre des dispositions légales et des mesures concrètes à cet effet. Il devrait mener sans délai des enquêtes impartiales sur les allégations faisant état de violences contre des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme, poursuivre les auteurs de ces violences et les punir. Le Comité renvoie à son Observation générale no 2 (CAT/C/GC/2, par. 21), selon laquelle l’État partie devrait garantir la protection des membres de groupes particulièrement exposés à la torture, en poursuivant et en punissant les auteurs de tous les actes de violence ou mauvais traitements à l’encontre de ces personnes et en veillant à la mise en œuvre d’autres mesures positives de prévention et de protection.

13. Non-refoulement

22. Le Comité est préoccupé par les transferts illégaux, par exemple de Tchétchènes vers la Fédération de Russie, en application de conventions bilatérales d’extradition, et de Kurdes vers la Turquie, alors que les intéressés risquaient d’être torturés dans ces pays. Il regrette de n’avoir pas obtenu davantage d’informations concernant les demandes d’asile et les réfugiés, le nombre d’expulsions, de refoulements et d’extraditions et le nombre de décisions administratives ayant fait l’objet d’un réexamen par des autorités judiciaires. Le Comité regrette également l’absence de renseignements sur les assurances diplomatiques et sur l’existence éventuelle d’une procédure permettant de suivre la situation de la personne concernée après son expulsion dans les cas où de telles assurances ont été données (art. 3).

L’État partie devrait veiller à ce qu’aucune personne ne soit expulsée, renvoyée ou extradée vers un pays où il existe de sérieux motifs de penser qu’elle risque d’être soumise à la torture, et garantir aux demandeurs d’asile déboutés la possibilité d’exercer un recours utile avec effet suspensif. Il devrait établir des statistiques détaillées, ventilées par pays d’origine, sur le nombre de personnes ayant demandé l’asile ou le statut de réfugié et le sort donné à leur demande, ainsi que sur le nombre d’expulsions, de renvois ou d’extraditions auxquels il a été procédé et vers quels pays, et les communiquer au Comité. L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que les personnes qui risquent d’être torturées dans leur pays d’origine ne soient pas renvoyées, extradées ou expulsées vers ces pays. Il devrait éviter de recourir systématiquement aux assurances diplomatiques, et donner des informations détaillées sur tout accord conclu en vertu de telles assurances ainsi que sur les garanties minimales qui y sont prévues.

14. Formation

23. Le Comité prend note avec satisfaction de l’incorporation d’une formation aux droits de l’homme et à l’interdiction des mauvais traitements dans le programme de cours obligatoires destinés aux personnels pénitentiaires, y compris le personnel médical, ainsi que de la publication de manuels sur l’interdiction de la torture et de la traduction en azerbaïdjanais du manuel «Les droits de l’homme et les prisons». Le Comité regrette toutefois le peu d’informations données sur le suivi et l’évaluation de ces programmes de formation et l’absence de renseignements sur la portée de la formation dispensée à l’ensemble des fonctionnaires concernés, y compris aux agents des forces de l’ordre, aux personnels pénitentiaires et aux gardes frontière, et sur la mesure dans laquelle les programmes de formation ont permis de réduire le nombre de cas de torture et de mauvais traitements (art. 10).

L’État partie devrait développer plus avant les programmes de formation pour faire en sorte que tous les personnels, y compris les agents des forces de l’ordre, les personnels pénitentiaires et les gardes frontière, connaissent bien les dispositions de la Convention et sachent qu’aucune violation ne sera tolérée, que chacune donnera lieu à une enquête et que ses auteurs seront poursuivis. Tous les membres du personnel médical concernés devraient recevoir une formation spéciale afin d’apprendre à détecter les signes de torture et de mauvais traitements. Le Comité recommande que le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) fasse partie intégrante de la formation de tous les personnels qui interviennent dans la détention ou l’emprisonnement d’individus ou dans les enquêtes visant à documenter les cas de torture. L’État partie devrait également élaborer et appliquer une méthode permettant d’évaluer l’efficacité des programmes de formation et d’enseignement ainsi que leur incidence sur la réduction du nombre de cas de torture, de violence et de mauvais traitements.

15. Réparation et indemnisation, y compris réadaptation

24. Le Comité accueille avec satisfaction les informations communiquées par l’État partie indiquant que la loi garantit aux victimes de la torture le droit d’obtenir une indemnisation, mais il est préoccupé par l’absence d’exemples de cas où des personnes ont effectivement reçu une telle indemnisation (art. 14).

Le Comité recommande de nouveau à l’État partie de garantir dans la pratique l’accès des victimes à une réparation et à une indemnisation, y compris à des moyens de réadaptation, et de lui donner des exemples de tels cas.

16. Mineurs

25. Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de cas où des mineurs auraient été maltraités et torturés pour leur extorquer des aveux et des témoignages à charge et par le fait qu’aucune enquête efficace n’a été menée sur ces allégations (art. 2, 11 et 16).

L’État partie devrait veiller à ce que les mineurs soient accompagnés par un avocat et par un adulte de confiance à tous les stades de la procédure, y compris pendant leur interrogatoire par la police, qu’ils soient ou non privés de leur liberté. L’État partie devrait faire cesser toutes les pratiques exposant les mineurs à des violences dans les lieux de détention, en punir les auteurs et interdire la détention de mineurs en compagnie d’adultes.

17. Violence dans les forces armées

26. Le Comité est préoccupé par les informations indiquant que la pratique communément appelée dedovshchina (bizutage), qui consiste à infliger des violences et des mauvais traitements aux nouvelles recrues, serait répandue dans l’armée et aurait dans certains cas entraîné des blessures graves, ainsi que par le nombre élevé de décès non élucidés, y compris de suicides, parmi les appelés (art. 2 et 16).

L’État partie devrait ouvrir sans délai des enquêtes efficaces sur tous les cas de décès de soldats des forces armées dans des circonstances sans rapport avec des opérations de combat, y compris les suicides, poursuivre et punir les auteurs d’actes ayant entraîné la mort de ces soldats et prendre des mesures pour empêcher que de tels incidents ne se reproduisent à l’avenir.

27. L’État partie est engagé à envisager d’adhérer à la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et au Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

28. L’État partie est engagé à assurer une large diffusion aux rapports qu’il a soumis au Comité, à ses réponses écrites à la liste des points à traiter, aux comptes rendus analytiques des séances et aux conclusions et recommandations du Comité, dans les langues appropriées, par le truchement de ses sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

29. Le Comité invite l’État partie à soumettre un document de base conforme aux critères relatifs au document de base commun énoncés dans les Directives générales concernant la présentation et le contenu des rapports, telles qu’approuvées par les organes conventionnels (HRI/GEN/2/Rev.5).

30. Le Comité demande à l’État partie de fournir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations du Comité figurant aux paragraphes 9, 11, 12 et 26 ci-dessus.

31. L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, le quatrième, d’ici au 20 novembre 2013.

 



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