Civil Liberties Organisation, Legal Defence Centre, Legal Defence
and Assistance Project c.
Nigeria, Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, Communication
218/98,
29e Session Ordinaire, Tripoli, Libye, 7 mai 2001.
218/98 - Civil Liberties Organisation, Legal Defence Centre, Legal Defence
and Assistance Project / Nigeria
Rapporteur :
24ème Session : Commissaire Pityana
25ème Session : Commissaire Pityana
26ème Session : Commissaire Pityana
27ème Session : Commissaire Pityana
28ème Session : Commissaire Pityana
29ème Session : Commissaire Pityana
RESUME DES FAITS :
1. Les auteurs de la communication sont trois ONG basées au Nigeria et
jouissant du
statut d’observateur auprès de la Commission Africaine. Le Nigeria est
un Etat Partie
à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.
2. La Communication a été reçue le 3 août 1998.
3. Les auteurs allèguent de la violation de la Charte Africaine, du fait
:
i) d’un procès inéquitable relativement au procès et à la condamnation
du
Général de corps d’armée Oladipo Diya ainsi que de quatre autres soldats
et
un civil ;
ii) que les victimes susmentionnées ont été jugées et condamnées à la peine
capitale par un Tribunal Militaire Spécial pour une présumée tentative
de
coup d’Etat visant à renverser le Gouvernement Militaire Nigérian dirigé
par
le Général Sani Abacha ;
4. Il est allégué que le 21 décembre 1997, le Gouvernement Militaire Nigérian
a
annoncé qu’il avait découvert une conspiration de coup d’Etat. Subséquemment,
26
personnes ont été arrêtées, dont le Général de corps d’armée Oladipo Diya,
le Major
Général Abdukadir Adisa, le Général de corps d’armée Olarenwaju, le Colonel
Akintonde et le Professeur Odekunle.
5. Il est également allégué qu’en janvier 1998, le Gouvernement Militaire
Nigérian a mis
sur pied une Commission Militaire d’Enquête pour enquêter sur le présumé
complot
de coup d’Etat. Avant le procès, le gouvernement a présenté à un public
sélectionné,
des cassettes vidéo contenant des confessions supposées des suspects.
6. Le 14 février 1998, un Tribunal Militaire Spécial a été constitué. Ce
tribunal
comprenait des juges en activité, mais le Président du tribunal était un
membre du
Conseil national de Gouvernement provisoire (PRC).
7. La décision du tribunal n’est susceptible d’aucun recours, mais plutôt
d’une
confirmation par le PRC dont les membres sont exclusivement des éléments
des
forces armées.
8. Le Tribunal a procédé à ses assises au début du mois d’avril 1998. Six
des accusés
dont cinq des personnes citées plus haut, ont été reconnus coupables, et
le Tribunal a
annoncé le 28 avril 1998, leur condamnation à mort.
9. Les auteurs affirment que l’arrestation, la détention, l’inculpation
et le procès des
prévenus et des condamnés étaient illégaux et injustes, et qu’en tant que
tel,
constituaient une violation des dispositions de la Charte Africaine des
Droits de
l’Homme et des Peuples.
10. La communication allègue de la violation des articles ci après de la
Charte Africaine
des Droits de l’Homme et des Peuples : articles 4, 5, 6, 7 et 26.
LA PROCEDURE :
11. Au cours de sa 24ème session ordinaire, la Commission a examiné la
communication et
a décidé de s’en saisir.
12. Le 26 novembre 1998, des lettres furent envoyées aux parties à la communication
pour les informer de la décision de la Commission.
13. A sa 25ème session ordinaire tenue à Bujumbura, Burundi, la Commission
a demandé
au Secrétariat de donner son opinion sur les effets de l’article 56(7)
de la Charte
relativement aux développements politiques intervenus au Nigeria, et a
reporté
l’examen quant à la recevabilité de la communication à la 26ème session
ordinaire.
14. Le 13 mai 1999, le Secrétariat de la Commission a envoyé des lettres
à toutes les
parties pour les informer de cette décision.
15. Au cours de sa 26ème session ordinaire tenue à Kigali, Rwanda, la Commission
a
déclaré la communication recevable, conformément à la recommandation du
Secrétariat, et a demandé aux parties de lui soumettre leurs observations
quant au
fond de l’affaire.
16. Par lettres séparées en date du 17 janvier 2000, toutes les parties
furent informées de
cette décision.
17. Le 17 février 2000, le Secrétariat a reçu une Note Verbale du Haut
Commissariat de
la République Fédérale du Nigeria à Banjul demandant à la Commission de
faire
parvenir les documents ci-après aux autorités compétentes nigérianes en
vue de leur
permettre de préparer des réponses appropriées aux allégations de violations
contenues dans la communication :
(a) Le Projet d’Ordre du Jour de la 27ème session ordinaire et la lettre
d’invitation
à ladite session ;
(b) Une copie de la plainte qui était jointe à la Note du Secrétariat ;
et
(c) Une copie du Rapport de la 26ème Session ordinaire.
18. Suite à la demande susvisée, le Secrétariat de la Commission a, le
8 mars 2000
envoyé tous les documents requis, à l’exception du Rapport de la 26ème
session
ordinaire. Une copie des résumés et de l’état d’avancement de toutes les
communications présentées contre le Nigeria et qui étaient pendantes devant
la
Commission durant sa 26ème session ordinaire, une copie de chacune des
trois
communications (N° 218/98, 224/98 et 225/98) telles que soumises par leurs
auteurs, et une copie des réponses écrites de Media Rights Agenda quant
au fond de
la communication 224/98.
19. A sa 27ème session ordinaire tenue à Alger, Algérie, la Commission
a constaté la
violation de l’article 7 de la Charte Africaine et a demandé au Gouvernement
du
Nigeria d’indemniser les victimes en conséquence.
20. A sa 28ème session ordinaire tenue à Cotonou, Bénin, le Rapporteur
a noté que, bien
qu’une décision ait été prise à la 27ème session ordinaire, il était nécessaire
de procéder
à certains amendements afin de bien refléter la nature particulière des
procès de
militaires par des tribunaux militaires. Il s’est engagé à continuer à
travailler dessus et
l’affaire a été reportée à la 29ème session ordinaire.
DU DROIT
La recevabilité
21. A sa 25ème session ordinaire tenue à Bujumbura, Burundi, la Commission
avait
demandé au Secrétariat de lui donner son avis sur l’impact de l’article
56(7) de la
Charte Africaine au vu du changement de situation politique et constitutionnelle
intervenu au Nigeria. Se fondant sur la jurisprudence de la Commission,
le Secrétariat
a déclaré que, en se basant sur le principe bien établi du droit international,
un
nouveau gouvernement hérite des obligations de son prédécesseur, y compris
la
responsabilité des crimes commis par le gouvernement précédent (voir
communications 62/92, 68/92 et 78/92 - Krishna Achutan et Amnesty
International c/ Malawi).
22. La Commission a toujours examiné les communications en statuant sur
les faits
allégués au moment de la soumission de la communication (voir les communications
27/89, 46/91 et 99/93). En conséquence, même si la situation s’est améliorée,
notamment la libération des détenus, l’abrogation des lois en cause et
le traitement de
la question de l’impunité, il reste que la responsabilité du gouvernement
actuel du
Nigeria serait toujours engagée eu égard aux actes de violation des droits
de l’homme
perpétrés par ses prédécesseurs.
23. Il a été noté que, bien que le Nigeria ait été sous un régime démocratiquement
élu, la
section 6(6)(d) de la Constitution stipule qu’aucune action en justice
ne peut mettre
en cause ‘‘une quelconque loi existante promulguée le 15 janvier 1966 ou
après,
visant à statuer sur une question relative à la compétence de toute autorité
ou
personne à élaborer une telle loi’’. Cela veut dire qu’il n’existe aucun
recours dans le
système judiciaire nigérian pour contester la légalité de toute loi injuste.
Pour les raisons susvisées et également du fait que, tel qu’allégué, il
n’y avait aucun moyen d’épuiser
les voies de recours internes, la Commission a déclaré la communication
recevable.
Le fond
24. En interprétant et en appliquant la Charte Africaine, la Commission
se fonde sur les
précédents juridiques de plus en plus nombreux créés par ses décisions
prises sur
presque quinze ans environ ; elle doit également se conformer à la Charte
Africaine,
aux normes internationales des droits de l’homme définies dans la Charte
qui
comprennent les décisions et commentaires généraux des organes des Nations
Unies
créés par traités (article 60). Elle doit également tenir compte des principes
de droit
définis par les Etats parties à la Charte Africaine et aux pratiques africaines,
conformément aux normes et critères internationaux (article 61). Dans
cette
affaire,
la Charte Africaine ne prévoit aucune disposition quant à son application
aux
tribunaux militaires.
25. Les affaires introduites auprès de la Commission doivent être jugées
dans
l’environnement d’une junte militaire et les officiers militaires en activité
accusés
d’infractions punissables en terme de discipline militaire dans n’importe
quelle
juridiction. Cette précaution doit être appliquée spécialement aux officiers
militaires.
Le civil accusé fait partie du complot et en tant que tel, il est raisonnable
qu’il soit
inculpé avec ses coaccusés dans le même processus judiciaire 5. Nous prenons
cette
décision tout en étant conscient du fait que l’Afrique continue d’avoir
des régimes
militaires qui ont tendance à suspendre la Constitution, gouverner par
décret et
chercher à empêcher l’application des obligations internationales. Tel
était le cas au
Nigeria sous le régime du puissant militaire Sani Abacha.
26. Nous estimons que cette décision doit indiquer la durabilité des normes
prescrites
par la Charte Africaine et les devoirs eu égard à n’importe quel système
de
gouvernance doivent être définis, en vue de se conformer aux normes internationales
ainsi qu’aux devoirs définis dans le droit humain international. Il faut
que l’on
comprenne bien qu’ici, le tribunal militaire est un tribunal sous un régime
militaire
antidémocratique. En d’autres termes, l’autorité du pouvoir exécutif et
législatif a été
subsumée sous le régime militaire. Outre le fait de suggérer que les dirigeants
militaires ont carte blanche pour gouverner au gré du fusil, nous voudrions
souligner
le fait que les droits humains, la justice et l’impartialité doivent toujours
prévaloir 6.
5 Dans son Commentaire Général no. 13 (XXI/1984) para 4, le Comité des
Droits de l'Homme des
Nations Unies affirme que "même
si la Convention n'interdit de telles catégories de cours (militaires ou
spéciales qui jugent des civils) les conditions qu'elle pose indiquent
clairement toutefois, que le
jugement de civils par de telles cours devrait être exceptionnel et avoir
lieu dans des conditions qui
offrent véritablement toutes les garanties contenues dans l'article 14".
6 Dans les communications N° 137/94, 139/94, 154/96 et 161/97, International
PEN, Constitutional
Rights Project, Civil Liberties Organisation, Interights pour le compte
de Ken Saro-Wiwa Jr/ Nigeria,
la Commission a constaté que les procès engagés dans le cadre du Décret
n° 2 de 1987 sur les troubles
civils (Tribunaux spéciaux), étaient en violation de la Charte Africaine
du fait que les jugements des
tribunaux n’étaient pas sujets à appel, mais devaient être confirmés par
le Conseil de Gouvernement
national Provisoire (PRC) dont les membres étaient des officiers militaires.
Le décret évince
effectivement la juridiction des tribunaux ordinaires et en tant que tel,
ils n’avaient pas accès à un
tribunal compétent, indépendant, équitable et impartial (cf. Compilation
; ibid ; para 89-101).
27. Nous estimons que l’on ne devrait pas déroger aux dispositions de l’article
7 étant
donné qu’elles apportent le minimum de protection aux citoyens comme aux
officiers
militaires sous un régime militaire antidémocratique qui n’est soumis à
aucun
contrôle. Dans son Commentaire général N° 13, le Comité des Droits de l’Homme
déclare que l’article 14 de l’ICCPR (Pacte International relatif aux Droits
Civils et
Politiques) s’applique à tous les cours et tribunaux, qu’ils soient spéciaux
ou
ordinaires. Le Comité a poursuivi en faisant état de l’existence de tribunaux
militaires
ou spéciaux dans de nombreuses juridictions qui jugent néanmoins des civils.
Il est
noté que cela pourrait constituer de sérieux problèmes pour ce qui concerne
la
gestion équitable, impartiale et indépendante de la justice. L’on se tourne
vers ces
tribunaux pour justifier le recours à des mesures exceptionnelles qui ne
sont pas
conformes aux procédures normales. La Commission Européenne a statué que
le fait
de demander que les tribunaux soient ‘‘créés par décret’’ suppose que l’organisation
de la justice ne doit pas dépendre de la discrétion de l’exécutif, mais
doit plutôt être réglementée
par les lois émanant du parlement. Les tribunaux militaires ne sont pas
déniés par le simple fait d’être présidés pas des officiers militaires.
Le facteur essentiel
est de savoir si le processus est juste, équitable et impartial.
28. Il est allégué qu’en violation de l’article 7(1)(c) de la Charte Africaine,
les personnes
condamnées n’avaient pas la possibilité d’être défendues et assistées par
un avocat de
leurs choix, mais que de jeunes avocats militaires leur étaient assignés
et leurs
objections étaient rejetées. L’impartialité du procès est menacée si justice
doit être
rendue. Spécifiquement pour cela, dans les affaires graves qui entraînent
la peine
capitale, l’accusé devrait être représenté par un avocat de son choix.
L’objectif de
cette disposition est de garantir que l’accusé ait confiance en son avocat.
Le nonrespect
de cette disposition peut mettre l’accusé dans une situation où il ne pourra
pas donner des instructions complètes à son avocat par manque de confiance.
29. Par ailleurs, il est souhaitable que dans les affaires où l’accusé
n’est pas en mesure de
s’offrir les services d’un avocat, qu’il soit défendu par un avocat aux
frais de l’Etat.
Même dans ces cas, l’accusé devrait avoir la possibilité de choisir dans
une liste
l’avocat indépendant de son choix qui ‘‘n’agit pas sous les instructions
du
gouvernement, mais n’est responsable que devant l’accusé. Le Comité des
Droits de
l’Homme recommande également que l’accusé doit avoir la possibilité de
consulter
son avocat dans des conditions qui garantissent la confidentialité de leurs
communications. Les avocats devraient pouvoir conseiller et représenter
leurs clients
conformément aux normes professionnelles établies, sans aucune restriction,
influence, pression ou ingérence indue, d’où qu’elle vienne (Burgos c/
Uruguay et
Estrella c/ Uruguay).
30. Le droit à un procès équitable est essentiel à la protection de tous
les droits et libertés
fondamentaux. Dans sa résolution sur le Droits à des Procédures de Recours
et à un Procès
équitable, la Commission a noté que le droit à un procès équitable comprend,
entre autres, le fait que :
(a) En définissant les charges contre un individu, ce dernier aura, en
particulier,
droit à : (i) disposer de suffisamment de temps et de facilités pour préparer
sa
défense et communiquer en toute confiance avec un avocat de son choix.
31. L’affectation d’avocats militaires à des personnes accusées peut mettre
les victimes
dans une situation qui ne leur permette pas de communiquer en toute confiance
avec
l’avocat de leur choix. La Commission estime par conséquent que, la désignation
d’un
avocat militaire pour défendre les personnes accusées, en dépit de leurs
objections, et
particulièrement dans des poursuites pénales qui mènent à la peine capitale,
est une
violation de l’article 7(1)(c) de la Charte Africaine. (Cf. la décision
susvisée
concernant Ken Saro-Wiwa).
32. La communication allègue que sous le régime militaire, la décision
du tribunal
militaire ne peut pas faire l’objet d’un appel, mais qu’elle peut être
confirmée par le
Conseil national de gouvernement provisoire (PRC). Dans ce cas, le PRC
s’arroge le
rôle de plaignant, de procureur et de juge dans sa propre affaire. Il est
allégué que cela
est une violation de l’article 7(1)(a) de la Charte Africaine qui stipule
que :
‘‘1. Toute personne a le droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit
comprend :
a) le droit de saisir les juridictions nationales compétentes de tout acte
violant les droits
fondamentaux qui lui sont reconnus et garantis par les conventions, les
lois, règlements
et coutumes en vigueur.
33. La privation du droit de recours auprès des organes nationaux compétents
dans une
affaire criminelle appelant une sanction aussi grave que la peine de mort
est en
violation flagrante dudit article. Elle n’a également pas atteint les normes
définies au
paragraphe 6 des Clauses de Sauvegarde des Nations Unies garantissant la
Protection
des Droits de ceux condamnés à la Peine Capitale, à savoir que :
Tout individu condamné à la peine de mort a le droit d’introduire un appel
auprès d’une
juridiction supérieure et des mesures devraient être prises pour s’assurer
que ces recours
deviennent obligatoires.
34. L’article 6(4) de l’ICCPR a également prévu cette protection. Dans
une affaire
présentée contre le Nicaragua en 1986, la Commission interaméricaine des
Droits de
l’Homme (IACHR) a indiqué que ‘‘l’existence d’un tribunal supérieur implique
nécessairement le re-examen des faits présentés devant une cour inférieure’’
et que le
déni d’un tel recours prive les inculpés des garanties d’une procédure
régulière. En
d’autres termes, il est prévu des droits ayant un seuil de tolérance plus
élevé pour les
personnes accusées de crimes punis par la peine de mort (cf. CADHP,
Communications 60/91 et 87/93 Constitutional Rights c/ Nigeria).
35. La communication allègue en outre qu’à l’exception des cérémonies d’ouverture
et de
clôture, le procès s’est déroulé à huis clos, en violation de l’article
7 de la Charte
Africaine. Celle-ci ne mentionne pas expressément le droit aux procès publics,
la
Résolution sur le Droit à la Procédure de Recours et à un Procès Equitable
ne le
mentionne pas non plus. Conscients de l’évolution du droit et des pratiques
internationales des droits de l’homme, et s’inspirant notamment du Commentaire
Général du Comité des Droits de l’Homme, eu égard au fait que :" la
publicité des audiences est une importante garantie pour les intérêts
de l'individu et de la société
en général…, hormis les circonstances exceptionnelles, le Comité considère
que l'audience doit être
ouverte au public en général, y compris à la presse, et ne doit être limitée
à une catégorie particulière
de personnes"7.
36. La publicité des audiences constitue une garantie importante allant
dans le sens de
l’intérêt de l’individu en particulier et celui de la société en général.
De même, le
7 Commentaire Général no. 13 (XXI/1984) para 6, le Comité des Droits de
l'Homme des Nations Unies. paragraphe 1 de l’article 14 reconnaît que les
tribunaux ont le pouvoir d’exclure
l’ensemble ou une partie du public pour les raisons énoncées dans ce paragraphe.
Il
faudrait noter qu’en dehors de ces circonstances exceptionnelles, la Commission
considère qu’une audience doit être ouverte au public en général, y compris
les
membres de la presse et ne doit pas, par exemple, se limiter uniquement
à une
catégorie donnée de personnes.
37. Dans l’affaire Le Compte, Van Leuven et de Meyere c/ Belgique, la Commission
Européenne a soutenu qu’il ne peut y avoir d’audiences publiques à moins
que la
cour jugeant l’affaire ne tienne ses travaux en public au moment où elle
considère les
faits et lorsqu’elle rend son jugement. S’il existe des circonstances où
les audiences
peuvent se tenir à huis clos, les travaux doivent rester justes et dans
l’intérêt des
parties. S’il existe des circonstances où un procès peut se tenir à huis
clos, par
exemple lorsque l’identité de l’accusé ou la sécurité des témoins nécessite
d’être
protégées, ceci ne devient pas un droit mais relève du pouvoir discrétionnaire
du
fonctionnaire judiciaire.
38. L’article 14 de l’ICCPR explique que le procès devrait également garantir
le droit de
l’accusé ‘‘d’entendre ou de faire procéder à l’audition des témoins à charge
et
d’obtenir l’assistance et l’audition des témoins à décharge dans les mêmes
conditions
que les témoins à charge’’. Lorsque le procès se tient à huis-clos, il
ne peut être
démontré, de manière indépendante que ces exigences ont été satisfaites.
39. L’Etat partie n’a pas indiqué que le déroulement des travaux à huis-clos
entrait dans
le cadre des circonstances exceptionnelles envisagées ci-dessus. La Commission
a par
conséquent constaté qu’il s’agissait d’une violation du droit des victimes
à un procès
équitable garanti par l’article 7 de la Charte Africaine.
40. L’article 7 (1)(b) stipule que :
Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit comprend
:
(b) le droit à la présomption d’innocence jusqu’à ce que sa culpabilité
soit établie par une
juridiction compétente.
La présomption d’innocence est universellement reconnue, de même que le
droit de
garder le silence. Ce qui signifie que l’on ne devrait demander à aucun
accusé de
témoigner contre lui-même ou de s’incriminer ou exiger de lui une confession
sous la
contrainte (article 6(2) et 14 (3)(g) de l’ICCPR).
41. Dans l’affaire Krause c/ Suisse, la Commission Européenne a noté que
ce principe
constituait un principe fondamental évitant aux inculpés d’être traités
par les
pouvoirs publics comme s’ils étaient déjà coupables d’un délit avant même
que leur
culpabilité ne soit établie par un tribunal compétent. Il a été allégué
l’existence de
cassettes vidéo montrant les accusés en train de faire des confessions
à des officiers
militaires. Les autorités officielles auraient attesté de la culpabilité
des accusés sur la
base de ces ‘‘confessions’’. Aucune preuve ne pouvait démontrer que ces
officiers
étaient les mêmes que ceux qui ont présidé ou fait partie du tribunal militaire
les
ayant jugés. Les prétendues cassettes n’ont pas été présentées à la Commission
comme preuve. Dans de telles conditions, la Commission ne peut procéder
à une
enquête sur la base de preuves fondées sur la preuve par ouï-dire. L’on
ne peut donc
pas conclure que le droit de présomption d’innocence a été violé.
42. La communication allègue que le procès, l’inculpation et le verdict
concernant des
civils (au moment de l’introduction de la plainte, un civil a été inculpé
et condamné à
mort) prononcé par le tribunal composé de personnel militaire faisant office
de juges,
constituent une violation de l’article 7 de la Charte Africaine. La Commission
n’est
pas convaincue que dans les circonstances de cette affaire, il était possible
de séparer
les procès, de même qu’il n’a pas été allégué que les accusés civils ont
demandé une
telle séparation. Il semble que la cause de la justice n’aurait pas été
servie par une telle
séparation. Dans de telles circonstances et à cet égard, nous ne sommes
pas en
position de constater une violation de l’article 7 (1) (d) de la Charte
Africaine.
43. La communication allègue que la composition du tribunal présidé par
un officier
militaire en activité ne satisfaisait pas les exigences d’un groupe d’experts
judiciaires
indépendant et impartial susceptible de juger l’accusé, et que par conséquent,
elle
constitue une violation de l’article 7(1)(d) de la Charte Africaine.
L’article 7(1)(d) de la Charte dispose :
Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit comprend
:
…(d) le droit d’être jugé dans un délai raisonnable par une juridiction
impartiale.
44. Il est indiqué dans cette décision qu’un tribunal militaire per se
n’est pas en
contradiction avec les droits stipulés dans la Charte Africaine et n’implique
pas une
procédure injuste et inéquitable. Nous avons démontré que les Tribunaux
Militaires
doivent être soumis aux mêmes exigences d’équité, de transparence, de justice,
d’indépendance et de respect de la procédure légale que les autres instances.
L’infraction réside dans le fait de ne pas respecter les normes fondamentales
susceptibles d’assurer l’impartialité. Comme cette question a déjà été
abordée cidessus,
il n’est pas nécessaire de démontrer qu’un tribunal présidé par des officiers
militaires est en violation de la Charte Africaine. Il a déjà été indiqué
que le tribunal
militaire a échoué au test d’indépendance.
45. Le plaignant allègue de la violation des articles 5 et 6 de la Charte Africaine. Aucun détail sur les éléments spécifiques qui constituent de tels griefs n’est apporté dans cette plainte. En l’absence d’une telle information, la Commission ne peut constater la violation telle qu’alléguée.
Pour les raisons ci-dessus exposées, la Commission :
Constate la violation de l’article 7 (1)(a), (c) de la Charte Africaine,
Exhorte la République Fédérale du Nigeria à conformer ses lois à la
Charte Africaine en
abrogeant le décret mis en cause.
Demande à la République Fédérale du Nigeria d’indemniser les victimes
comme il se
doit.
Fait à la 29ème Session Ordinaire à Tripoli, Libye, le 7 mai
2001.